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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Contre le peuple, édi­to­rial par Rémi Lelian (L’Incorrect).

    Le popu­lisme – l’empoisonnement du peuple par son propre poi­son, mais pas selon ses propres moyens, en quoi il est une tyran­nie. Voi­là la défi­ni­tion mini­male que nous pou­vons don­ner du popu­lisme, celle qui le contient tout entier et qui fait que tout ce que nous pour­rions ajou­ter d’autre à son pro­pos relè­ve­rait de l’accidentel et non de la cause, par­mi quoi le juste constat d’un peuple qu’il importe de ne pas nier.

    Ça et quelques autres attri­buts à part, reste le curare d’une idée qui refuse au peuple la pos­si­bi­li­té d’être gou­ver­né par un prin­cipe plus grand que lui, une idée qui lui ment en lui fai­sant croire qu’il peut se déter­mi­ner lui-même et lui seul, et qui réclame comme à chaque fois le men­songe et un men­teur auquel il profite.

    Car on ne sache pas que le peuple existe de manière suf­fi­sam­ment homo­gène pour qu’on par­vienne à lui recon­naître une expres­sion uni­voque ni qu’il soit si cohé­rent qu’il puisse inven­ter une poli­tique sus­cep­tible de refon­der ou d’arranger quoi que ce soit. Un Gilet jaune le ventre plein, voi­ci un élec­teur de Mit­ter­rand, et un bobo dans son oasis étanche au fra­cas mul­ti­ra­ciste de la socié­té métis­sée qu’il vante, c’est tou­jours le peuple. Aucun des deux n’est plus ni moins légi­time, aucun des deux ne vaut mieux ni n’est pire que l’autre. Et s’ils sont cha­cun le peuple, c’est que le peuple est informe à l’intérieur de la forme que l’histoire lui donne, chan­geant et qu’il passe sans ces­ser d’exister, certes, mais sans qu’il gagne à ce que l’on s’appuie sur lui.

    On com­prend alors la ten­ta­tion tota­li­taire de le refor­ma­ter, de fabri­quer le peuple afin qu’il puisse être digne de lui-même et nous sau­ver. Mais, le tota­li­ta­risme, au fond, raf­fine le popu­lisme, l’arrange et pro­pose une tech­nique d’arraisonnement du peuple qui n’en modi­fie jamais la solu­tion puisque celui-ci demeure le prin­cipe axial de cette tyran­nie qui ajoute au peuple l’Idée du peuple afin d’en faire une espèce de Golem capable de s’animer sans aleph. Moins inva­sive, néan­moins capable d’accoucher mille monstres, la démo­cra­tie moderne repose elle aus­si sur un peuple prin­ci­piel qu’elle entend édu­quer pour qu’il s’élève à la matu­ri­té cen­sée garan­tir son autonomie.

    Or, c’est prendre le pro­blème trop tard que de vou­loir édu­quer le prince lorsqu’il est déjà au pou­voir et, plus grave encore, d’éduquer le prince pour qu’il se gou­verne lui-même puisqu’un prince gou­verne des sujets dont il se dis­tingue et qu’il sert parce qu’il les domine. C’est, par ailleurs, une mau­vaise com­pré­hen­sion de l’éducation de pen­ser qu’elle libère – elle humi­lie, elle nous fait ser­vi­teur, elle fait du maître l’obligé de son élève et de l’élève un élève, non pas un homme bête­ment libre.

    En d’autres termes, le popu­lisme a tout à voir avec le funeste péda­go­gisme, tant décrié pour­tant, et qui pro­duit des citoyens ravis d’être leur propre esclave, des petits appé­tits sur pattes aux­quels on n’a jamais mis aucune limite et qui comme tous les enfants mal­trai­tés deviennent les pri­son­niers d’eux-mêmes. Cepen­dant, ne nous y trom­pons pas : un enfant-roi ne se sacre pas tout seul et c’est parce que ses parents ont trou­vé plus com­mode de ne pas tenir leur rôle qu’il devient le sou­ve­rain de rien, esclave de tout. Les tenants du popu­lisme, qui pré­tendent rendre au peuple sa digni­té, feraient bien de médi­ter la leçon et de ces­ser de prendre le peuple pour la mesure de toutes choses en poli­tique, de ces­ser de le flat­ter comme on s’attire les grâces d’un enfant tur­bu­lent, ou alors d’avouer une fois pour toutes qu’ils conspirent contre l’enfance, qu’ils mentent éhon­té­ment au peuple et qu’ils se rêvent les tyrans d’une géné­ra­tion, comme leurs pères avant eux, et comme ce sera le cas à chaque fois qu’on refu­se­ra d’éduquer le peuple, non pas pour l’autonomiser, mais afin de pou­voir le diriger.

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    Source : https://lincorrect.org/

    Article relayé : https://www.actionfrancaise.net/

  • Religion & Société • Où Michel De Jaeghere montre commrent Rémi Brague pulvérise les dogmes relativistes

     

    Par Michel De Jaeghere

    Rémi Brague explore le sophisme qui tend à confondre toutes les religions dans une même réprobation en projetant sur elles la violence de l'islamisme. Michel De Jaeghere donne ici une excellente recension du dernier essai de Rémi Brague, Sur la religion    LFAR

     

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    Rémi Brague n'a pas de chance, et il doit lui arriver de ressentir comme une fatalité sa situation. Philosophe, servi par une érudition immense, une acuité dans l'analyse que colore un regard d'une humanité profonde, il s'efforce depuis quarante ans d'affiner de manière toujours plus juste et plus subtile nos connaissances sur l'interaction de la métaphysique et de la culture, la place des traditions religieuses dans l'essor des civilisations, l'actualité de la pensée antique et médiévale, les dangers que représentent les ruptures de la modernité. Venu trop tard dans un monde trop vieux, il doit confronter sa pensée avec les slogans, les idées toutes faites que répandent à foison des leaders d'opinion peu curieux de ces subtilités.

    La nocivité générale du « fait religieux », sa propension à susciter intolérance, guerre et persécutions, à maintenir dans l'obscurantisme des peuples qui ne demanderaient, sans lui, qu'à s'épanouir au soleil de la raison pure et au paradis de la consommation de masse, fait partie de ces évidences indéfiniment ressassées. C'est à elle qu'il s'attaque dans Sur la religion, son dernier essai, en montrant qu'elle relève de la paresse intellectuelle ou de l'ignorance, quand elle ne sert pas de paravent à notre lâcheté: « Pour fuir la peur que [l'islam] suscite, remarque-t-il, une tactique commode, mais magique, consiste à ne pas le nommer, et à parler, au pluriel, des religions. C'est de la même façon que, il y a quelques dizaines d'années, on préférait, y compris dans le milieu clérical, évoquer les dangers que représentaient “les idéologies” pour ne pas avoir à nommer le marxisme-léninisme

    Que d'autres religions que l'islam aient été parfois associées à la violence, Rémi Brague se garde certes de le nier. Que le meurtre et la guerre soient les inévitables conséquences de la croyance en un Dieu créateur auquel on rende un culte et qu'on s'efforce de prier dans l'espérance d'un salut qui dépasse notre condition mortelle, voilà qui demande des distinctions plus exigeantes. Explorant les relations de ceux que l'on désigne, non sans ambiguïtés, comme les trois grands monothéismes - le judaïsme, le christianisme et l'islam - avec la raison, la violence et la liberté, scrutant les textes saints et les fondements du droit, évaluant les pratiques (le crime d'un adepte n'engage pas nécessairement sa croyance, s'il l'a commis pour d'autres motifs, ou des motifs mêlés, ou en violation manifeste de la morale qu'induit la religion injustement incriminée), il montre au prix de quels amalgames on est parvenu à jeter le discrédit sur une aspiration qui est au fond de l'âme humaine et dont on a le témoignage depuis quelque trois cent mille ans.

    Dans la multiplicité des pistes de réflexion ouvertes par ce livre provocateur - au meilleur sens du terme -, l'une des plus fécondes se trouve sans doute dans la comparaison qu'il risque, après Benoît XVI, des relations entre foi et raison dans le christianisme et l'islam. Le premier, souligne-t-il, admet avec Pascal que si la raison permet de pressentir l'existence d'un Dieu créateur, elle est, seule, incapable d'accéder à des vérités qui la dépassent. Il lui faut le secours de la grâce : ce qu'on appelle la foi. Mais le chrétien peut et doit ensuite faire usage de sa raison pour ce qui relève de son ordre : la connaissance des choses et le choix des actions conformes à la justice, à l'accomplissement de sa nature, sous le regard de sa conscience. Pour le musulman, nous dit-il, c'est l'inverse. L'existence de Dieu a le caractère d'une évidence, que la raison devrait suffire à attester : cela rend inexcusable l'incrédulité. La raison est en revanche impuissante à découvrir par elle-même les comportements que ce Dieu transcendant, muet, inatteignable attend de sa créature. Elle devra dès lors s'en remettre aveuglément à la loi qu'Il a lui-même dictée à son prophète dans le Livre où a été recueillie une parole incréée, irréformable, indiscutable. La première conception fonde le droit naturel, clé de voûte de notre liberté face à l'arbitraire, dans la mesure où il déduit, de notre condition de fils de Dieu, les droits et les devoirs qui s'attachent à la créature. La seconde justifie l'application - toujours et partout - de règles de comportement conçues pour des Bédouins illettrés dans l'Arabie du VIIe siècle : la charia.

    La facilité qui conduit trop souvent, sous couvert de neutralité, intellectuels et responsables à traiter des différentes religions comme d'un phénomène interchangeable et, après en avoir utilisé les dérives pour disqualifier le christianisme, à se les représenter avec ses catégories pour plaquer sur l'islam des caractères qui lui sont profondément étrangers ne se révèle plus seulement, à la lecture de ce livre, comme une manifestation de pusillanimité : bien plutôt comme une utopie mortifère.  

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    Sur la religion, de Rémi Brague, Flammarion, 256 pages, 19 €.

    Michel De Jaeghere

    Directeur du Figaro Histoire et du Figaro Hors-Série.

  • Rémi Brague : « Certains ‘laïcards' exploitent la peur de l'islam pour en finir avec le christianisme »

     

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio

    Après la polémique engendrée par la décision du Conseil d'État de retirer la croix de Plöermel, au nom de la laïcité, Rémi Brague revient sur cette notion, régulièrement employée mais trop souvent méconnue. Cet entretien [Figarovox, 5.11] est émaillé de justes analyses et de nombreuses questions pertinentes. Qui, en tout cas, peuvent susciter le débat.   LFAR  

     

    2260333370.jpgLa décision du Conseil d'État enjoignant au maire de la commune de Ploërmel de retirer la croix qui surplombe la statue du pape Jean-Paul II a suscité la colère de milliers d'internautes. Comment expliquez-vous l'ampleur de ces réactions spontanées ?

    Je surfe très rarement sur les « réseaux sociaux » et, quand je le fais, je suis souvent consterné par la faiblesse et la grossièreté haineuse de ce qui s'y dit sous le couvert de l'anonymat.

    Maintenant, pour répondre à votre question, j'y devine deux raisons: d'une part, la lassitude devant ce qu'il y a de répétitif dans ces mesures contre les croix, les crèches, etc. ; d'autre part l'agacement devant la mesquinerie dont elles témoignent. En Bretagne, vous ne pouvez pas jeter une brique sans qu'elle tombe sur un calvaire ou un enclos paroissial. Et où une croix est-elle plus à sa place qu'au-dessus de la statue d'un pape ?

    La décision du Conseil d'État est-elle conforme au principe philosophique de la laïcité ?

    Je n'ai pas pris connaissance des attendus du Conseil d'État. Je fais à ses membres l'honneur de penser qu'ils sont solidement argumentés. En tout cas, la laïcité n'a en rien la dignité d'un principe philosophique, mais elle constitue une notion spécifiquement française. Le mot est d'ailleurs intraduisible. C'est une cote mal taillée, résultat d'une longue série de conflits et de compromis. D'où une grande latitude dans l'interprétation.

    Mais comment faire appliquer la loi sur le voile à l'école et la burqa dans la rue si la loi n'est pas appliquée de manière stricte pour toutes les religions ?

    Quel rapport entre un monument public et une pièce de vêtement, qui relève du privé ? Le vrai parallèle à l'érection d'un tel monument serait la construction d'une mosquée. Qui l'interdit ? Bien des municipalités la favorisent plutôt.

    De toute façon, on a souvent l'impression que le fait qu'une loi soit appliquée est en France plutôt une option. Combien de lois sont restées sans décrets d'application ? Verbalise-t-on les femmes qui portent un costume qui masque leur visage ? Le fait-on dans « les quartiers » ?

    Est-ce illusoire de vouloir appliquer la laïcité de la même manière pour toutes les religions dans un pays de culture chrétienne ?

    « Toutes les religions », cela ne veut pas dire grand-chose. Ce qui est vrai, c'est que la « laïcité » à la française - expression qui est d'ailleurs tautologique - a été taillée à la mesure du christianisme, par des gens qui le connaissaient très bien. N'oublions pas que le petit père Émile Combes avait passé ses thèses de lettres, l'une sur saint Thomas d'Aquin et l'autre (en latin) sur saint Bernard.

    J'ai eu l'occasion d'expliquer ailleurs qu'il n'y a jamais eu de séparation de l'Église et de l'État, car le mot supposerait qu'il y aurait eu une unité que l'on aurait ensuite déchirée.

    Ce qu'il y a eu, c'est la fin d'une coopération entre deux instances qui avaient toujours été distinguées. La prétendue « séparation » n'a fait que découper suivant un pointillé vieux de près de deux millénaires. Et les historiens vous expliqueront que ceux qui ont le plus soigneusement évité les contaminations ont été plutôt les papes que les empereurs ou les rois.

    Le problème avec l'islam n'est pas, comme on le dit trop souvent, qu'il ne connaîtrait pas la séparation entre religion et politique (d'où l'expression imbécile d'« islam politique »). Il est bien plutôt que ce que nous appelons « religion » y comporte un ensemble de règles de vie quotidienne (nourriture, vêtement, mariage, héritage, etc.), supposées d'origine divine, et qui doivent donc primer par rapport aux législations humaines.

    La laïcité peut-elle être utilisée comme une arme face à l'islamisme ? Celle-ci n'est-elle pas à double tranchant ?

    La laïcité n'est pas et ne peut pas être une arme. Et, en principe du moins, encore moins être dirigée contre une religion déterminée. Je dis cela parce qu'elle a été forgée, justement, contre une religion bien précise, à savoir le christianisme catholique, auquel la grande majorité de la population adhérait plus ou moins consciemment, avec plus ou moins de ferveur, à l'époque de la séparation.

    La laïcité signifie la neutralité de l'État en matière de religion. L'État n'a à en favoriser aucune, ni en combattre aucune. L'État doit être laïc précisément parce que la société ne l'est pas.

    Certains « laïcards » rêvent d'en finir avec le christianisme, en lui donnant le coup de grâce tant attendu depuis le XVIIIe siècle. Ils exploitent la trouille que bien des gens ont de l'islam pour essayer de chasser de l'espace public toute trace de la religion chrétienne, laquelle est justement, ce qui peut amuser, celle contre laquelle l'islam, depuis le début, a défini ses dogmes.

    Face au problème de l'islamisme, certains observateurs n'hésitent pas à condamner en bloc toutes les religions. S'il existe des intégrismes partout, la menace est-elle de la même nature ? Existe-t-il aujourd'hui une menace spécifique liée à l'islam ?

    Ce qu'il faut voir avant tout, c'est que la notion de « religion » est creuse et que, quand on parle de « toutes les religions », on multiplie encore cette vacuité.

    On entend dire: « l'islam est une religion comme les autres » ou, à l'inverse : « l'islam n'est pas une religion comme les autres ». Mais, mille bombes !, aucune religion n'est une religion comme les autres !

    Chacune a sa spécificité. Vouloir mettre dans le même panier, et en l'occurrence dans la même poubelle, christianisme, bouddhisme, islam, hindouisme, judaïsme, et pourquoi pas les religions de l'Amérique précolombienne ou de la Grèce antique, c'est faire preuve, pour rester poli, d'une singulière paresse intellectuelle.

    Quant à appliquer la notion catholique d'« intégrisme » ou protestante de « fondamentalisme » à des phénomènes qui n'ont rien à voir avec ces deux confessions, cela relève du fumigène plus que d'autre chose. Les plus grands massacres du XXe siècle, le Holodomor d'Ukraine et la Shoah, ont été le fait de régimes non seulement athées, mais désireux d'extirper la religion.

    Une menace liée à l'islam ? La plus grave n'est sûrement pas la violence. Celle-ci n'est qu'un moyen en vue d'une fin, la soumission de l'humanité entière à la Loi de Dieu. Et si elle est le moyen le plus spectaculaire, elle n'est certainement pas le plus efficace.  

    Rémi Brague est un philosophe français, spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive. Membre de l'Institut de France, il est professeur émérite de l'Université Panthéon-Sorbonne. Auteur de nombreux ouvrages, notamment Europe, la voie romaine (éd. Criterion, 1992, rééd. NRF, 1999), il a également publié Le Règne de l'homme: Genèse et échec du projet moderne (éd. Gallimard, 2015) et Où va l'histoire ? Entretiens avec Giulio Brotti (éd. Salvator, 2016). 

     

     1630167502.jpgAlexandre Devecchio

    Al.exandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016)

     

  • Rémi Brague soulève les ambiguïtés de l’islam et les méprises de l’Occident, par Annie Laurent

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    Dans son livre Sur l’islam, le philosophe Rémi brague prend à bras-le-corps les questions posées par l’islam à notre civilisation, jetant la clarté de l’analyse sur les obscurités et les contradictions d’un phénomène déroutant pour les esprits qui s’obstinent à penser qu’il est seulement une religion.

     

    Amazon.fr - Sur l'islam - Brague, Rémi - Livres

     

    Rémi BRAGUE, Sur l’islam, Gallimard, 2023, 385 p., 24 €.

     

    Conscient des ambiguïtés, des malentendus et des contradictions qui caractérisent trop souvent le discours des Européens sur l’islam, Rémi Brague, philosophe médiéviste et arabisant, entreprend dans ce livre érudit et fouillé de remettre à leur juste place les principaux concepts d’une religion-civilisation qui, malgré sa simplicité et son évidence apparente, voire sa proximité avec le christianisme, constitue un système complexe et étranger à notre foi ainsi qu’à la culture qu’elle a engendrée. Dès lors, si l’on veut comprendre l’islam en ce qu’il est réellement, il faut cesser d’en parler en utilisant avec assurance un vocabulaire chrétien alors que des mots identiques n’ont bien souvent pas du tout le même sens. Telle est la conviction de l’auteur et l’on ne peut que la partager en ces temps de confusions généralisées. C’est pourquoi son œuvre mérite la plus grande attention.

    Le livre s’ouvre sur une mise au point quant à la manière d’aborder le sujet en vérité : ne pas craindre d’être accusé d’islamophobie, celle-ci fût-elle « savante », étiquette dont Brague a déjà eu à pâtir, comme il le confie. Soulignant que le terme « islamophobe » ne peut s’appliquer qu’à des personnes, et non à une doctrine, le philosophe explique que cet amalgame revient à pratiquer l’équivalence entre « la science la plus exigeante et le racisme le plus obtus » et à confondre « une religion avec ses adeptes ». Il en souligne un autre inconvénient : « Parler d’islamophobie empêche de porter sur ce dont il s’agit un quelconque jugement de valeur ». Or, pour lui-même, il entend être respecté dans ses convictions. « Je n’ai jusqu’à présent trouvé aucune raison qui me pousse à considérer l’islam comme vrai, Mahomet comme un authentique prophète ou même comme un bon exemple, et le Coran comme un livre divin ». Saluons au passage le courage de cette déclaration.

    Pour autant, la démarche du savant n’a rien de polémique. En pédagogue assumé, R. Brague a choisi la clarté et la rigueur, un double souci qui parcourt l’ensemble du texte, en commençant par les diverses significations du mot « islam » : rapport au divin, doctrine prêchée par Mahomet, fait historique, civilisation, ensemble des peuples musulmans.

    Des parties essentielles sont consacrées aux considérations religieuses. L’auteur rappelle l’écart infranchissable qui sépare le Dieu des chrétiens et le Dieu des musulmans dans leur rapport à l’humanité : l’Incarnation. La Révélation chrétienne enseigne que Dieu s’est fait connaître tout en restant mystérieux tandis que, dans l’islam, il reste « caché ». L’apologétique supplante ainsi la théologie.

    Puis, Brague s’attarde sur des questions de bon sens. Quelles sont la cohérence textuelle et la crédibilité doctrinale de l’islam lorsque l’on découvre les contradictions qui émaillent le Coran, un livre sensé émaner de Dieu seul, donc incréé et non pas inspiré comme la Bible ? Ou lorsque l’on apprend que les versets les plus conviviaux, tels ceux qui concernent les chrétiens, datés des débuts fragiles de la prédication de Mahomet, sont abrogés, en un temps plus faste, par des prescriptions hostiles, les uns et les autresvenus du Ciel? S’ajoutent à cela les confusions entretenues par la présence dans le Coran de noms bibliques attribués à des personnages dont le parcours s’inscrit dans une perspective étrangère à celle de l’Ancien et du Nouveau Testament. Assurément, l’islam a un problème avec l’histoire ! Et puis, comment faire le tri entre les catégories de hadîths (récits d’actes et paroles attribués à Mahomet), tous réputés normatifs comme compléments du Coran, sachant que « les plus fréquemment cités ne sont pas ceux dont l’authenticité est la plus sûre » ?

    Il faut remercier l’auteur de rappeler que l’adjectif « tolérant », volontiers appliqué à l’islam, est étranger à l’idée d’égalité ou de respect qu’il suggère en Occident. En islam, la tolérance relève du droit : elle organise la supériorité d’un régime musulman sur ses ressortissants d’autres religions ; c’est pourquoi elle « ne peut admettre la légitimité des droits des incroyants ». On comprend alors pourquoi la laïcité est inconcevable dans un tel contexte politico-religieux.

    Le philosophe insiste sur la centralité de la charia (loi islamique), rappelant qu’en islam « Dieu est le seul législateur légitime » et que ses prescriptions concernent jusqu’aux actes les plus anodins. Avec raison, il explique la méfiance du Coran envers tout ce qui relève de la nature (le mot en est absent), celle-ci pouvant être perçue comme « une sorte de divinité rivale ». Une exception de taille cependant : l’islam est la « religion innée » de tout être humain, que ce dernier l’accepte ou pas ! Donc, pas de loi naturelle et pas de recours à la rationalité. Dans ces conditions, s’interroge Brague, comment peut-on envisager une entente sociale entre musulmans et non-musulmans, sachant qu’en outre le mensonge est licite lorsqu’il sert la cause de l’islam ou bien protège l’identité islamique de l’individu ou de la société ?

    Tout cela, avec d’autres principes décrits dans l’ouvrage, répond à un objectif supérieur : assurer le triomphe universel de l’islam. Telle est sa vocation. Et Dieu garantit le succès : « Il a envoyé son Apôtre [Mahomet] avec la religion vraie pour lui faire vaincre toute religion », lit-on dans le Coran (9, 33). On comprend dès lors la légitimité que l’islam confère au recours à la force sous toutes ses formes. Celui-ci ne saurait être limité à un acte de défense, son aspect offensif étant légitimé par l’exemple de Mahomet, puis validé par de célèbres juristes. « Le tour de force de l’islam apparaît ici : faire dépendre du bien le plus élevé, à savoir Dieu, lemal le plus bas, le meurtre », commente l’auteur, attirant l’attention du lecteur sur la fausseté de la formule usuelle qui tend à opposer le « grand djihad », qui serait spirituel, au « petit djihad », qui serait offensif. La palette du djihad prévoit aussi des « moyens patients »: fécondité, séduction, surveillance, chantage, intimidation, etc.

    Brague aborde enfin « l’ankylose » qui affecte le monde musulman, situation dont l’Europe porterait la responsabilité, selon des idées infondées qu’il s’applique à défaire, fournissant à ce sujet d’utiles précisions historiques. Ainsi rappelle-t-il que ce déclin a commencé au XIème siècle. Quant à la réforme tant attendue en vue de restaurer « l’islam plus vrai », il en démontre l’utopie puisque « ce sont les sources qui contiennent les éléments les plus inquiétants ».

    Certains reprochent à l’auteur de ne pas tenir compte des études actuelles qui tendent à déconstruire l’historicité traditionnelle de l’émergence de l’islam au VIIème siècle. Il se défend d’une attitude délibérée, appuyant son doute sur des éléments précis, dont il tire cette conviction, à savoir que « les origines réelles de l’islam sont obscures et ont de bonnes chances de le rester longtemps encore ». Ce qui a servi de fondement à son travail, précise-t-il, est la prise en compte de la trame islamique bâtie au fil du temps par le monde musulman. Comment pourrions-nous autrement saisir les caractéristiques d’une civilisation avec laquelle il nous faut cohabiter ?

     

    Article paru dans L’Homme nouveau n° 1785 du 3 juin 2023.

  • Rémi Brague : « La législation d'origine divine constitue le centre de l'islam »

     

    C'est un entretien très important que Rémi Brague vient d'accorder au Figaro, qui l'a publié sur FigaroVox vendredi dernier, 27 novembre. Membre de l'Institut, spécialiste de la philosophie grecque et de la philosophie médiévale arabe et juive, Rémi Brague* y décrypte, selon Le Figaro, « la doctrine de la religion musulmane. » Et il ne manque pas d'en traiter dans son rapport avec l'actualité française et européenne. On le sent dans un certain désaccord avec les analyses de « son vieil ami Pierre » - Pierre Manent - qui, en effet, ont paru porteuses de grands risques à nombre de lecteurs - dont nous-mêmes. Sur la capacité de la République à affronter l'Islamisme, Rémi Brague a une formule qui mérite réflexion : « Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu ? ». En tout cas, pas la nôtre, nous semble-t-il. Et c'est une grande question. Il n'hésite même pas à mettre en doute que le Pape ait jamais lu le Coran, lorsque le Figaro le questionne : « le Pape a dit que le Coran s'oppose à la violence ... » Enfin, Rémi Brague sait de quoi il parle, il n'avance rien sans référence. Et cela tranche singulièrement avec tant de débats oiseux, qui nous ont été servis ad nauseam, depuis un certain temps, par les médias. Bonne lecture ! Lafautearousseau

    Les djihadistes qui ont mené les attentats de janvier et du 13 novembre en appellent à Allah. Ont-ils quelque chose à voir avec l'Islam ?

    De quel droit mettrais-je en doute la sincérité de leur islam, ni même le reproche qu'ils adressent aux « modérés » d'être tièdes. Rien à voir avec l'islam ? Si cela veut dire que les djihadistes ne forment qu'une minorité parmi les musulmans, c'est clair. Dans quelle mesure ont-ils la sympathie, ou du moins la compréhension, des autres ? J'aimerais avoir là-dessus des statistiques précises, au lieu qu'on me serine « écrasante majorité » sans me donner des chiffres.

    Les djihadistes invoquent eux-mêmes Mahomet, le « bel exemple » (Coran, XXXIII, 21). Ils expliquent qu'avec des moyens plus rudimentaires qu'aujourd'hui, il a fait la même chose qu'eux : faire assassiner ses adversaires, faire torturer le trésorier d'une tribu vaincue pour lui faire cracher où est le magot, etc. Ils vont chercher dans sa biographie l'histoire d'un jeune guerrier, Umayr Ben al-Humam, qui se jette sur des ennemis supérieurs en nombre pour entrer au paradis promis. Il n'avait pas de ceinture d'explosifs, mais son attitude ressemble fort à celle des kamikazes d'aujourd'hui.

    Les imbéciles objectent souvent : « Oui, mais Hitler était chrétien. » Ce à quoi il faut dire que: 1) non seulement il avait abandonné la foi dans laquelle il avait été baptisé, mais il haïssait le christianisme. Les Églises, catholique et protestantes, étaient sur son cahier des charges et devaient, après la victoire, subir le même sort que les Juifs ; 2) à ma connaissance, Hitler n'a jamais été donné en exemple aux chrétiens.

    41cUT53RYYL__SX302_BO1,204,203,200_ (1).jpgLe but des terroristes semble être de déclencher en Europe une guerre civile entre les communautés musulmanes et le reste de la population. Comment éviter que la communauté musulmane soit identifiée au terrorisme ?

    Effectivement, il est prudent de dire ce que ce but semble être. Nous le devinons à partir de cas précédents comme les Brigades rouges italiennes: créer des conditions dans lesquelles la répression atteindra, même sans les viser, l'ensemble des musulmans, afin de créer chez eux un réflexe de solidarité avec les terroristes. Je ne sais d'ailleurs pas si cela a jamais marché…

    Il y a là-derrière un problème de logique : tous les musulmans ne sont pas islamistes, mais tous les islamistes sont musulmans. Donc être musulman est une condition nécessaire pour être islamiste, mais elle n'est pas suffisante. Pour tout musulman, être islamiste est une possibilité mais, heureusement, ce n'est pas une nécessité. Il est stupide de prêter a priori de noirs desseins à tous les musulmans. On a donc raison de ne pas les mettre tous dans le même panier. Les gens qui peignent des slogans hostiles sur les mosquées sont des crétins malfaisants qui font le jeu des islamistes de la façon que je viens de dire.

    Il serait bon que l'effort pour éviter le fameux «amalgame» soit clair des deux côtés. Et que les musulmans trouvent un moyen de faire comprendre haut et fort, par la parole comme par le comportement, qu'ils désapprouvent le terrorisme. Le problème est que personne n'a autorité pour les représenter. Nous aimons mieux les « modérés ». Mais les intellectuels médiatiques qui parlent en leur nom représentent-ils d'autres qu'eux-mêmes ?

    Comment expliquer que la religion musulmane apparaisse plus focalisée sur la forme (vêtements, nourriture…) que sur le fond et qu'elle rechigne à accepter les lois de la République ?

    Ce qui nous semble à nous purement formel dans une religion peut apparaître à ceux qui la professent comme central. Pensez au turban des sikhs. Dans l'islam, la mystique est permise, pas toujours bien vue, mais en tout cas seulement facultative. En revanche, les règles de la vie quotidienne sont obligatoires pour tous. Les lois sur lesquelles la nation musulmane se règle ont été, selon elle, dictées par Dieu en personne et littéralement. Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu ?

    Un islam éclairé a existé au Moyen Âge. Peut-il servir de référence aux musulmans d'aujourd'hui ?

    Il faut distinguer la religion et la civilisation. La conquête arabe avait unifié deux mondes qui se faisaient la guerre, à savoir la partie orientale de l'Empire de Constantinople et l'Empire persan. Avec le Proche-Orient, il avait ramassé dans son escarcelle la partie intellectuellement féconde de l'Empire byzantin. Regardez d'où viennent les grands intellectuels de l'Antiquité gréco-romaine : l'Égypte, la Mésopotamie, l'Anatolie, bien plus que Rome ou même la Grèce. Tout cela passa à la civilisation arabe à travers les écoles du monde syriaque. L'islam comme religion a connu des tentatives qui ressemblent beaucoup à la façon dont l'Occident a réfléchi de manière critique sur sa propre tradition, par exemple chez les mutazilites. Mais cela fait mille ans qu'ils ont été vaincus…

    Le Pape a dit que le Coran s'oppose à la violence. Partagez-vous ce point de vue ?

    A-t-il jamais lu le Coran ? Sa lecture ne fait pas partie de la formation habituelle d'un jésuite, ou même d'un théologien.

    Ce qui est vrai, c'est que l'on trouve dans le Coran des versets pacifiques, appelant à la discussion courtoise, etc. Non sans bien des restrictions. Ainsi, le fameux verset rappelant, après le Talmud (bSanhedrin, 37a), que tuer un homme, c'est comme tuer l'humanité entière (V, 32) ajoute en incise que cela ne vaut pas pour « ceux qui répandent la corruption (fasād) sur la terre ». Or, comment comprendre cette faute ? Et qui va décider de qui s'en est rendu coupable ?

    Les versets pacifiques datent de la première période de la mission de Mahomet qui, prêchant à La Mecque devant un auditoire indifférent ou même hostile, devait composer avec les autres groupes religieux. Une fois à Médine, devenu chef d'une armée, le ton change. L'avertisseur est devenu chef politique et militaire. Il s'agira désormais de combattre, de soumettre l'adversaire, et de lui faire payer l'impôt. Et l'ennui est que, selon la dogmatique islamique, les versets descendus à Médine « abrogent » les versets antérieurs. On continue à les réciter, mais leur contenu normatif n'est plus valable et est remplacé par d'autres, postérieurs.

    Afin de ne pas être repérés, certains terroristes n'hésitent pas à boire de l'alcool, à s'afficher avec des femmes et à ne pas fréquenter les mosquées. S'agit-il de cette ruse qu'on appelle la « taqîya » ? Sur quoi repose cette notion ?

    Il est en effet probable qu'il s'agisse d'une dissimulation par stratagème.

    Le conseil de pratiquer la dissimulation dans certains cas se tire de deux versets du Coran : « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants […] à moins que vous ne vous protégiez d'eux » (III, 28) et « Celui qui renie Dieu après avoir cru - non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi — […], la colère de Dieu est sur lui […] » (XVI, 106). Un autre verset demande aux musulmans de ne pas demander la paix quand ils sont les plus forts (XLVII, 35). Et des hadiths font prononcer au Prophète l'éloge de la ruse, identifiée à la guerre.

    Historiquement parlant, cette dissimulation a surtout été pratiquée par les chiites, tout simplement parce que, minoritaires, ils en avaient besoin. Mais ceux-ci ne sont nullement les seuls à l'autoriser, voire à la recommander.

    Comment le Coran envisage-t-il les rôles de l'homme et de la femme ? Est-ce compatible avec l'égalité occidentale ?

    Notre égalité est encore imparfaite dans les faits. Mais elle est depuis longtemps dans les textes du Nouveau Testament, puis plus tard dans nos législations. Le Coran accorde à la femme la valeur de la moitié d'un homme : il faut deux femmes pour contrebalancer le témoignage d'un seul homme (II, 282), et une fille reçoit en héritage la moitié de la part d'un garçon (IV, 11). On entend souvent que l'islam aurait représenté un progrès dans la situation de la femme. Mais progrès aux yeux de qui ? Dans ma Loi de Dieu, je cite un passage du grand écrivain Gahiz (mort en 869) qui se félicite de ce que l'islam ait mis fin à la licence d'autrefois en interdisant aux filles de parler aux garçons.

    L'obligation de porter un voile est-elle inscrite dans les textes du Coran ?

    Elle repose sur deux versets où Dieu s'adresse à Mahomet : « Dis aux croyantes […] de rabattre leurs voiles (himār) sur leurs poitrines » (XXIV, 31) et « […] Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles (ğilbāb) […] » (XXXIII, 59). Saint Paul dit quelque chose de voisin (1 Corinthiens, 11, 5). Seulement, Paul de Tarse était une créature vivant à une certaine époque, dans une civilisation où sortir sans voile était pour une femme une honte. On peut donc remonter de la lettre à l'intention, à savoir s'habiller décemment selon les climats et les modes. Pour le Coran, ce n'est pas possible. En effet, son auteur est censé être Dieu, qui est éternel et qui sait tout, et qui peut donc prévoir la totalité des circonstances. Si Dieu dit « voilez-vous », il s'agira donc d'un voile bien concret, d'un tissu totalement matériel. La seule latitude qui reste sera celle de s'interroger sur le sens très précis des mots qui le désignent et d'en déduire si ce voile voulu par Dieu sera long ou court, opaque ou transparent. C'est souvent à des choses de ce genre que pensent ceux qui disent « interpréter » le Coran.

    Plutôt que de communautarisme islamique on parle de plus en plus souvent d'une montée du fait religieux. Peut-on faire l'amalgame entre la religion catholique, la religion juive et l'islam ?

    Il est vrai que le christianisme, surtout mais pas seulement dans sa variante «évangélique», connaît actuellement un bouillonnement. Ou que l'hindouisme se raidit, ou que le bouddhisme attire de plus en plus de monde. Ce qui est vrai en tout cas, c'est que l'idée d'un effacement inexorable de la religion devant « la science » en a pris un sacré coup.

    On répète « padamalgam ! » comme une sorte de mantra ; d'ailleurs, cela sonne sanscrit… Cette règle doit s'appliquer aussi aux religions. Au lieu de dire que « les religions » sont ou font ceci ou cela, en les mettant dans le même sac, distinguons, traitons au cas par cas. Une religion est nationale ou universelle, naturelle ou révélée, etc.

    Au fond, le mot même de « religion » est trompeur. Il recouvre des phénomènes incomparables. Il est d'origine occidentale et a été fait sur les mesures du christianisme. En conséquence, nous nous imaginons qu'une religion doit être une sorte de christianisme avec quelque chose en plus ou en moins. D'où notre mal à penser le bouddhisme, qui se passe de révélation, voire de l'idée de Dieu. Et notre mal à comprendre que l'idée d'une législation d'origine divine n'est pas accessoire dans l'islam, mais en constitue le centre.

    Êtes-vous d'accord avec Pierre Manent lorsqu'il dit que l'islam peut paradoxalement aider l'Europe à retrouver ses racines chrétiennes ?

    Il est de fait que l'exemple de la piété au quotidien des musulmans marocains a aidé des gens comme Charles de Foucauld ou Louis Massignon à retrouver la foi chrétienne. Mais attention : la dévotion, le scrupule dans l'accomplissement des rites ne sont pas la foi comme la comprend le christianisme. En matière de plaisanterie, je dirais que l'islam est au christianisme ce que mon visage est à son image dans un miroir. Rien ne me ressemble plus, mais tout y est renversé. Le défi de l'islam peut aider à reprendre conscience de l'importance du christianisme pour la civilisation occidentale. Je dirais donc, avec mon vieil ami Pierre, que l'Europe peut s'aider de l'islam pour mieux se voir et mieux comprendre ce qu'elle est. 

    * Professeur émérite de philosophie à la Sorbonne et à l'université de Munich.

    Entretien par Marie-Laetitia Bonavita             

     

  • Bas les Masques ! par Rémi Soulié 

    REMARQUABLE ET PROFONDE ANALYSE DE RÉMI SOULIÉ : voilà ce que dit sobrement François Marcilhac sur sa page facebook, où il donne ce texte, paru sur Boulevard Voltaire mais que nous avons trouvé chez lui, au fil de nos déambulations sur les pages amies de fb... : bonne pioche !

    Bravo à l'auteur, merci à celui qui l'a diffusé...

    l3nJ779K_400x400.jpgMasques et mascarade constituent un extraordinaire moment de vérité dans le mensonge spectaculaire ou le règne du « faussel », le réel inversé justement défini par Renaud Camus. Ils sont, au sens chimique et métallurgique, un précipité : la phase dispersée hétérogène dans la phase majoritaire (la vérité dans le mensonge), la sédimentation d’un agrégat moléculaire comme, par exemple, lors de la formation des anticorps – nous sommes évidemment au cœur viral du sujet.

    Le masque est la vérité politique moderne. Autrement dit, il dévoile le réel de la mascarade, comme un ancien ministre l’a avoué – en démocratie, un politique ne peut pas dire publiquement la vérité, sauf à abandonner le registre de l’opinion en étant platonicien (il y en a), quoique cela soit périlleux : la tragique pénurie de masques concrets n’est que l’envers de leur omniprésence abstraite, soit de la mascarade permanente.

    Je ne parle pas tant du masque jungien de la persona sociale, du masque revêtu par le liturge théâtral grec que du masque comique ou sinistre que le voleur porte lors du braquage. Le premier, per-sonare, vise à faire entendre, à faire porter la voix du poème, qui est voie de vérité ; le second vise à cacher et à taire : taire la vérité, cacher le mensonge.

    La mascarade, quant à elle, ressortit du divertissement permanent, du « jeu de rôles ». Homo festivus y était grand débutant ; il s’est perfectionné en devenant Homo larvatus, en tenant ainsi toute sa place dans ce que Platon – au troisième livre des Lois – appelait la théâtrocratie.

    En assurant qu’il avançait masqué (larvatus prodeo), Descartes ne croyait pas si bien dire. Certes, le masque s’imposait alors, comme il s’impose encore de nos jours dans une certaine mesure – je renvoie à l’art ésotérique d’écrire dans les temps de persécution, de Leo Strauss, ou au caute (prudence) de Spinoza (les Lumières bourgeoises ne tolèrent même plus les « Lumières radicales ») –, mais Descartes, homme moderne s’il en est, caractérisait surtout ainsi la nature même du moderne, foncièrement larvaire.

    La larva, en latin, est le « masque de fantôme », le fantôme lui-même, la larve, le spectre, et le larvatus, le masqué, l’ensorcelé. Le masque est noir (que l’on songe au mascara : en catalan, la tache noire, la salissure), du radical préroman maska (« noir ») d’où masca, en latin tardif, le « masque » (les premiers déguisements, ignoble appropriation culturelle, consistaient à se noircir le visage et le corps) mais aussi la « sorcière » ou le « spectre, le « démon », tout comme, en occitan, masca (lo masc, le sorcier).

    Le monde désenchanté de la modernité est un monde envoûté, possédé. Artaud, qui fut toujours lucide, l’a hurlé urbi et orbi. Dans l’âge sombre, il ne faut pas s’étonner de vivre au royaume des ombres, dont la France est hélas devenue depuis des lustres une province. Vœu pieux : puisse le mensonge qui nous assaille muter en vérité.

  • Rémi Soulié communique...

     
    dans Le Monde de la philosophie,
     
    pour commémorer le dixième anniversaire de la disparition de
     
    ce grand métaphysicien qu’était Jean-François Mattéi
     
     
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  • Histoire & Action Française • Rétrospective : 2018 année Maurras [2]

    Par Rémi Hugues

    saint_augustin visuel.jpgAu moment où s'achève l'année du cent-cinquantenaire de Charles Maurras, Rémi Hugues nous propose une série de quatre articles - à venir les jours suivants, « Rétrospective : 2018 année Maurras »Notre collaborateur et confrère y évoque différents aspects ou moments importants de la vie et l'oeuvre de Charles Maurras à travers les écrits fort contestables de Michel Winock, l'un des historiens organiques de la République française du XXIe siècle, « une figure dʼautorité. » Bonne lecture !  LFAR    

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    In Winock veritas ?

    Dans le milieu des historiens organiques de la République française du XXIe siècle, Michel Winock est une figure dʼautorité[1]. Fort de son statut de conseiller auprès de la rédaction du mensuel LʼHistoire, il sʼest donné la peine dans le numéro de juin 2018 dʼexprimer son point de vue expert à la piétaille qui nʼy comprend rien – nous les gueux sans doctorat ni agrégation – sur le cas Charles Maurras, qui depuis quelque temps a reçu un nouveau sobriquet : « M le Maudit ». 

    41qLB-P4F4L._AC_US218_.jpgIl est vrai que Michel Winock (photo) sʼest spécialisé dans lʼétude des figures « réactionnaires » (pour reprendre le vocable du libéral Benjamin Constant[2], vocable si cher aux socialo-communistes) de lʼhistoire littéraire de notre pays, comme Léon Bloy. Visiblement, Winock est attiré par les plumes talentueuses ! Confondant analyse historique et jugement moral, il se plaît dans le rôle de parangon de vertu républicaine, livrant les bons et les mauvais points. Untel a bien agi en 1789, un autre sʼest très mal comporté pendant la Commune, lʼattitude de celui-là fut indigne dans les années 1930 et 1940, heures les plus sombres de la doxa médiatique. 

    Il se garde bien en revanche dʼinsister sur le génocide de 1793-1794 commis par les révolutionnaires en Vendée, contribuant à lʼindigne « mémoricide » perpétré par lʼÉcole républicaine. Quelle horreur ce serait de salir lʼimage de Marianne : le professeur Winock profite des prébendes depuis tant dʼannées ! Quoi de plus ignoble que de blâmer la République !       

    En synthétisant la bien-pensance contemporaine relative à la représentation des faits historiques, Winock joue le rôle de guide des âmes en peine qui pourraient être troublées par les sirènes du populisme, du chauvinisme ou du passéisme, les pires maux de ce siècle à en croire la caste « ripoublicaine » qui nous gouverne. 

    Degradation_alfred_dreyfus.jpgComme le suggèrent le titre de lʼarticle puis son contenu, ce qui obnubile Winock chez Maurras cʼest son rapport à la question juive et à Adolf Hitler. En choisissant « La revanche de Dreyfus ? » comme titre, il fait un clin d’œil à la saillie que prononça Maurras en apprenant sa condamnation à l’indignité nationale et à la détention à vie pour intelligence avec lʼennemi en 1945 : « cʼest la revanche de Dreyfus ! » 

    Winock se fourvoie dans le réflexe pavlovien, en vogue chez les penseurs stipendiés, de la reductio ad hitlerum. Une autre historien, lʼAméricain dʼorigine russe Yuri Slezkine, commente cet état de fait en ces termes : à partir des années 1970 « lʼHolocauste devint tout à la fois lʼépisode central de lʼhistoire juive et de celle de lʼhumanité et un concept religieux transcendant concernant un événement réputé incomparable, incompréhensible et irreprésentable. »[3] Et Adolf Hitler de représenter le Mal pris comme un principe transcendant. « La conséquence la plus profonde de la Seconde Guerre mondiale a été la naissance dʼun nouvel absolu moral, celui du nazisme comme mal universel. »[4] 

    Du haut de sa science Winock édicte une fatwa, dʼoù Maurras sort plutôt sacrilège quʼen odeur de sainteté. Cʼest le moins que lʼon puisse dire. Mais à délaisser la raison au profit de la morale, lʼon risque de se commettre en imprécisions, inexactitudes, inepties. 

    Commençons par ce qui est dʼordre factuel. Winock écrit que Maurras aurait « défrayé la chronique au mois dʼavril 2018 ». Or cʼest quelques mois plus tôt, en janvier, que la polémique a éclaté lorsque le ministère de la Culture de Madame Nyssen a publié le cahier des commémorations officielles de lʼannée 2018, où le nom de « M le maudit » apparaissait, avant de le retirer, sous la pression des Valls et consorts. Mis à part les intimidations de la gauche contre les organisateurs dʼun colloque qui sʼest tenu à Marseille le 21 avril[5] – affaire relayée par quelques titres de presse comme La Provence ou La Croix –, rien dʼautre de retentissant ne sʼest passé au sujet de Maurras en avril. 

    Outre sʼemmêler les pinceaux dans les dates – un comble pour un historien –, Winock sʼembrouille quant aux notions « nationalisme », « nationalisme intégral » et « conservatisme ». Il se montre incapable de définir rigoureusement ces termes. Pour lui ils sont équivalents. Alors que le nationalisme, concept originellement de gauche, peut être aussi bien progressiste que traditionaliste, renvoyer tant au jacobinisme des Robespierre, Thorez, Chevènement ou Mélenchon (ce dernier a axé sa campagne présidentielle de 2017 autour de la défense de la souveraineté française contre les diktats de lʼUnion européenne) quʼau catholicisme des Barruel, Barrès, de Villiers ou Jean-Marie Le Pen. Cʼest pourquoi Maurras insistait pour que le nationalisme soit intégral, c’est-à-dire monarchique : un nationalisme conséquent ne pouvant à ses yeux que vouloir perpétuer lʼhéritage glorieux de la France, dʼessence catholique et royale, eu égard à sa fondation par un roi converti au christianisme et à son attribut, dont elle sʼenorgueillit jusquʼen 1789, de « fille aînée de lʼÉglise ». 

    Mariage-gay-Taubira-enflamme-l-Assemblee.jpgEn outre, cʼest une erreur dʼidentifier le nationalisme intégral de Maurras à un conservatisme, idéologie qui vient dʼAngleterre (des Tories) et qui est donc étrangère à notre culture politique. Même si, aujourd’hui, un certain courant intellectuel plutôt traditionaliste et largement  antimoderne,  lui donne un sens nouveau, en France et ailleurs. Comment est-il possible de sʼattacher à vouloir conserver des mœurs et un droit positif qui, du fait du changement social, évoluent constamment ? En 2010 si je suis conservateur je suis contre le mariage pour les homosexuels. En 2018 en tant que conservateur je suis favorable au maintien de lʼexistant, au statut quo, donc à la loi Taubira qui accorde aux homosexuels le droit de sa marier. 

    Pour Winock toutes ces idéologies sont anathèmes, il nʼy a donc pas lieu dʼen saisir les subtilités. (A suivre)  

     
     [1]  Michel Winock a écrit notamment La Belle Époque et 1789, Lʼannée sans pareille, publiés chez Perrin. Il a également contribué à la rédaction, sous la direction de Serge Berstein, de lʼouvrage collectif Les cultures politiques en France, paru au Seuil. En 2008, son livre La fièvre hexagonale était au programme du concours dʼentrée à lʼInstitut dʼétudes politiques de Grenoble. Régulièrement invité sur les plateaux de télévision et dans les studios des stations de radio, il est incontestablement membre de cet aréopage dʼexperts du régime quʼil est de coutume dʼappeler fonctionnaires de la technocratie. 
    [2]  En 1797 Benjamin Constant publie le volume Des réactions politiques, où pour la première fois est utilisé cet adjectif de « réactionnaire » promis à un bel avenir. Le plus surprenant cʼest quʼaujourdʼhui il est tout particulièrement prisé par les « antilibéraux », trotskystes, P.C.F. et France insoumise.
    [3]  Le siècle juif, Paris, La Découverte, 2009, p. 388.
    [4]  Ibid., p. 389.
    [5]  Organisé par le blog « Lafautearousseau », son lieu initial, occupé par un ordre monastique, dut être changé à la dernière minute sous la pression dʼune poignée dʼhurluberlus allant du parti socialiste à un fantasque « front unitaire antifasciste ». Ces derniers ayant menacé de mettre à sac le couvent, la police prit les choses très au sérieux, avertissant les religieux quʼil serait plus sage de tout annuler. Une salle de conférence sise dans un hôtel fut trouvée en hâte pour que le colloque, célébrant le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Charles Maurras et visant à présenter sa pensée à une jeune génération attirée par le nationalisme mais connaissant de façon imprécise la doctrine du « nationalisme intégral », puisse bien avoir lieu. 
     
    A lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même ...
    (Cliquer sur l'image)

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  • Histoire & Actualité • Le Paris des terroristes

     

    Par Jean Sévillia

     

    2542409545.jpgEn 1909, Vladimir Ilitch Oulianov, révolutionnaire russe qui a pris pour nom de guerre Lénine et qui mène une vie d'errance à travers l'Europe, débarque à Paris avec sa femme. C'est au 2 rue Beaunier que s'installe le couple, dans un XIVe arrondissement qui est le quartier de prédilection de ses amis politiques. Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotski, a précédé Oulianov en 1902, mais les relations entre les deux hommes sont mauvaises. Lénine consacre son temps à édifier le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, formation communiste dont il est un des dirigeants en exil. C'est à bicyclette que le futur maître de Moscou se rend rue de Richelieu pour étudier à la Bibliothèque nationale, comme au café du 11 avenue d'Orléans, lieu de rendez-vous des bolcheviques parisiens, ou au 110 de la même artère, siège de leur journal.

    Depuis 1789, observe Rémi Kauffer, « l'histoire confère à Paris l'auréole mondiale des révolutionnaires et la période terroriste de 1793-1794 inspire les plus fanatiques ». C'est cette face méconnue de la Ville lumière que notre ami et collaborateur, auteur d'une vingtaine d'ouvrages historiques qui font autorité, dévoile dans un ouvrage au sujet original et dont chaque chapitre raconte une séquence de la saga de ces rebelles et terroristes de tout poil qui, pour un temps, ont élu domicile dans la capitale française. Avouons-le, les personnages de Kauffer ne sont pas sympathiques puisque leur objectif est de mettre le feu au monde, et que faire couler le sang est une perspective devant laquelle ils ne reculent pas. L'auteur, toutefois, captivera ceux qui s'intéressent à l'histoire des idées car son livre constitue un tableau vivant, enrichi de multiples portraits, des grandes utopies modernes, fussent-elles redoutables. Avant Lénine, voici donc Marx et Bakounine à Paris puis, après 1917, ceux qui répandirent le communisme en Asie, Hô Chi Minh, Zhou Enlai, Deng Xiaoping ou Pol Pot. Hélas, que de dictateurs formés chez nous ! Viennent ensuite les antifascistes et antinazis réfugiés en France, les indépendantistes algériens et leurs féroces luttes internes, jusqu'au terrorisme moyen-oriental et aux islamistes titulaires de la nationalité française. « Les assassins d'hier étaient parmi nous, observe Rémi Kauffer, et ceux de demain le sont déjà aussi. » Un constat guère rassurant, mais qui sonne comme un appel à la lucidité. 

    Paris la rouge, capitale mondiale des révolutionnaires et des terroristes de Rémi Kantien Perrin, 414 p., 24 €

    Figaro magazine 26.11.2016

  • Un message de Rémi soulié...

    Le lundi 14 décembre, à 10h30, je recevrai Guillaume Travers dans Le Monde de la philosophie, sur @radiocourtoisie. Nous y explorerons depuis La Bibliothèque du jeune Européen le vaste panorama de la pensée, disons, occidentale, mais au sens d’Abellio.

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  • Euthanasie, le bal des hypocrites, par Rémy Mahoudeaux.

    La proposition de loi pilotée par la gauche et profitant d’une niche parlementaire visant à légaliser l’ et le suicide assisté a été retirée, suite au rejet de son article 1er. La loi aurait été vidée de toute substance. Ce n’est pas la première fois que le lobby de la mort en blouse blanche (l’ADMD) tente un passage en force législatif. Mais que d’hypocrisies !

    4.jpgLa première est dans le titre de la loi : c’est prétendre qu’être tué par un médecin ou avec son aide serait digne, et qu’une autre mort pourrait par conséquent être indigne. « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux misères du monde », écrivait Albert Camus.

    L’épidémie d’un nouveau virus déstructure complètement notre vie, altère nos performances économiques et, surtout, délite nos liens sociaux. Ce virus tue et il serait stupide de négliger de lutter contre lui. Mais les décès concernent, pour 78 %, des personnes de 75 ans et plus[1]. Pour mémoire, l’espérance de vie à la naissance, en France, était, en 2020, de 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes[2]. L’énoncer ainsi est odieux, mais faut-il sauver nos vieux du Covid-19 pour pouvoir les euthanasier ?

    Le gouvernement, en la personne d’Olivier Véran, a émis un avis défavorable et sort de son chapeau un énième plan pour le développement des soins palliatifs, notamment en , avec un budget ridicule de 7 millions d’euros et la mise à disposition du midazolam pour la médecine de ville. Si le ministre énonce que le débat n’est pas opportun, il propose « d’avoir un horizon »[3]. Faut-il lire qu’une promesse électorale pourrait être utile lors d’une prochaine échéance, ou une simple flatterie à la gauche dont il est issu ?

    La palme de l’ignoble est décernée à Mme la députée communiste Cathy Apourceau-Poly, qui déplore la solitude et la culpabilité des familles qui souhaiteraient euthanasier leurs membres handicapés[4]. « Adapter le recueil du consentement » est-il un euphémisme pour que l’État puisse décider de mettre fin à la vie de ces personnes présumées indésirables et inutiles ?

    Le débat public, comme c’est bien souvent le cas, est biaisé. Oui, l’accès à des soins palliatifs de qualité (« Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie. »[5]) est inégal et insuffisant en France, bien que le principe ait été acté en 2005 par la loi Leonetti. Oui, l’ADMD en tire un argument fallacieux et présente comme un progrès une légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Oui, la sédation profonde continue n’est pas une panacée palliative et consensuelle. Oui, le gouvernement, en mégotant sur les moyens, travaille à long terme pour cette légalisation. Et oui, les sujets de fin de vie sont complexes et ne peuvent se contenter de réponses bêtement binaires.

    Mais l’on peut se réjouir des résultats du IFOP réalisé pour Alliance VITA qui n’élude pas ces complexités et relativise beaucoup la supposée appétence des Français pour l’euthanasie : ils ne sont que 24 %, contre 46 % opposés à l’acharnement thérapeutique et 48 % désireux de ne pas subir de douleur[6] (choix de deux propositions sur sept concernant la fin de vie). Pas sûr qu’un État utilitariste confisqué par les forces dites de progrès les entende, mais ce n’est pas une raison pour cesser de répéter que la dignité de l’homme est intrinsèque à sa nature et ne dépend en rien de son autonomie.

     

    [1] https://fr.statista.com/statistiques/1104103/victimes-coronavirus-age-france/

    [2] https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mortalite-cause-deces/esperance-vie/

    [3] http://www.senat.fr/cra/s20210311/s20210311_1.html#par_161

    [4] http://www.senat.fr/cra/s20210311/s20210311_1.html#par_161

    [5] https://citations.ouest-france.fr/citation-anne-dauphine-julliand/faut-ajouter-vie-aux-jours-110883.html

    [6] https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2021/03/117962-Soulager-mais-pas-tuer-Résultats.pdf

     

  • Cardinal Sarah dixit, par Rémy Mahoudeaux.

    Le Figarovox a publié une tribune du , émérite de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. C’est un texte curieux, un peu méditation, un peu exhortation. Il mérite d’être lu au calme, en silence, plusieurs fois, intériorisé. 

    8.jpgLes mots du vieux cardinal guinéen méritent cette attention pour tenter d’en saisir la subtilité, au moins en partie. Et vous qui me lisez, soyez bien conscients que je n’ai aucune garantie à vous donner sur ma juste compréhension de son contenu.

    Le cardinal rappelle que l’Église n’est pas en charge de donner une cohérence à un monde qui n’en a pas, parce qu’il a perdu sa spiritualité. Rendre possible la rencontre de l’homme et de Jésus est son seul but, pour conduire l’homme à la foi. Ce n’est possible qu’à cause de la continuité du Sacré, depuis les enseignements et la Cène de Jésus jusqu’à aujourd’hui. Que l’Église perde cette continuité avec une rupture dans la chaîne du Sacré, elle y perdra sa cohérence séculaire, la confiance de ceux que cette rupture choquerait, et en définitive sa paix. Il appartient aux évêques d’œuvrer à l’enrichissement mutuel des formes liturgiques et à la cohabitation de ceux qui forment l’Église. Il conclut : « Nul n’est en trop dans l’Église de Dieu ! » (Et qu’il me pardonne d’avoir tenté de résumer sa tribune)

    Quelques réflexions personnelles.

    En ce jour de l’Assomption, à mon arrivée dans l’Église St Patern de Vannes, la « des tradis » n’était pas encore terminée. Elle a débordé sur l’horaire, induisant un retard de la messe « des conciliaires » qui a suivi. Ces derniers auront pu, comme moi, constater la piété fervente et respectueuse et la vitalité démographique de l’assemblée des tradis. Les renvoyer au cliché de vieux croûtons nostalgiques relève de la désinformation.

    Je reste un « militant » de la doctrine sociale de l’Église, outil métapolitique prodigieux d’intelligence et de cohérence. Elle gagnerait à servir de prisme de compréhension et d’action, y compris dans les sociétés déchristianisées ou ne l’ayant jamais été. Mais même si l’Église tient un discours pertinent et fécond sur l’état du monde, ce n’est qu’une tâche subsidiaire par rapport à son devoir d’organiser la rencontre des hommes avec Jésus. Le cardinal Sarah a raison de nous l’écrire.

    Il y a un mot moderne et à la mode que je n’aime pas : disruptif. Il justifie en un langage de cuistre le changement -référent : Le changement, c’est bien par nature alors changeons. Je ne crois pas que le Concile Vatican II ait été disruptif, même si sa lecture effective par certaines églises dont l’Église de questionne. On se souvient par exemple de l’enfouissement ou des catéchismes qui ne parlaient plus de Jésus. Mais l’Église ne cède-t-elle pas à la tentation disruptive en décidant de faire du passé table rase ? Je ne sais pas répondre à cette question, mais me la poser me gêne déjà assez.

    Et puis, « Nul n’est en trop dans l’Église de Dieu ! », ça veut dire que tous ceux qui ne sont pas dans cette Église y ont pourtant une place. À nous de le leur dire !

     

    Rémy Mahoudeaux

    Source : https://www.bvoltaire.fr/

  • Il animera le troisième volet de notre Enquête sur la République, ce samedi 15 décembre : Laurent Wetzel et son ”Ils ont

    laurent wetzel.jpg143 pages, 18 euros

    Présentation de l'éditeur

    L'enseignement de l'histoire-géo va mal. Depuis des années, sous des gouvernements de gauche comme de droite, les réformes se sont succédé mais n'ont fait qu'aggraver la situation. Qui sont les responsables de ce fiasco et que faire ? Professeur d'histoire-géo et ancien inspecteur d'académie, Laurent Wetzel dénonce avec virulence les erreurs et les aberrations contenues dans les textes ministériels, le charabia des hauts fonctionnaires ainsi que l'incompétence de nombreux responsables de l'Education nationale. Mais tout n'est pas perdu. Aujourd'hui une vraie réforme est possible si l'on s'appuie sur ceux qui croient encore à l'importance de ces deux matières : les professeurs et les parents. Un livre réquisitoire sur un sujet qui nous concerne tous.

    Biographie de l'auteur

    Laurent Wetzel, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est agrégé d'histoire. Il a été professeur d'histoire, de géographie et d'éducation civique dans plusieurs collèges et lycées franciliens, avant de devenir inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional d'histoire-géographie. Retraité depuis peu, il n'est plus astreint au "devoir de réserve".  

    Pour « aller plus loin »… :

    1. : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/08/24/01016-20120824ARTFIG00298-qui-veut-casser-l-histoire-de-france.php

    2. : http://aggiornamento.hypotheses.org/1002

  • ”Le dernier sanctuaire de l'identité, c'est l'histoire”...

                Elle est belle cette phrase de Lorant Deutsch; et profonde, aussi, et elle va loin: elle est intelligente et politique, au bon sens du terme....

                Son ouvrage Métronome a déjà atteint les 250.000 exemplaires, et continue à se vendre au rythme de 13.000 exemplaires par semaine (1). Il y raconte, justement, l'Histoire (la grande, la vraie, la seule...) d'une façon tout à fait inattendue, jamais ennuyeuse, en multipliant anecdotes et souvenirs liés aux stations de Métro, qu'il parcourt au gré d'un vagabondage permanent, aux résultats forcément et joyeusement... inattendus.

                Un Métronome illustré paraîtra, annonce-t-on, à l'automne. Et Lorant Deutsch ira parler de l'histoire de sa chère ville de Paris -donc de la France...- dans les Écoles primaires et les Collèges, à la demande du Rectorat de Paris. Si les Rectorats ne prenaient que des décisions comme celle-ci !.....

                Deux autres (bonnes) nouvelles, dans le même article, et qui font saliver: une version "Routes, fleuves et grandes villes de province" est prévue pour 2011: comme quoi, on peut rendre service à son pays -car c'est bien ce que fait Lorant Deutsch...- de mille et une façons.

                Et, surtout, l'annonce que Lorant Deutsch va faire "son propre film sur les Chouans". Là, vraiment, ça promet !....

    LORANT DEUTSCH METRONOME.jpg
    Editions Michel Lafon, 380 pages, 17 euros

    (1) : "C'est moins que Marc Lévy, mais plus que Jacques Chirac", nous assure Anne-Charlotte de Langhe, dans Le Figaro Culture des 30/31 janvier) 

  • Histoire • Thierry Maquet : « La Grande Guerre a fait émerger les pays anglo-saxons qui, depuis, dirigent le monde »

     

    LAFAUTEAROUSSEAU / ENTRETIEN - Thierry Maquet, historien autodidacte, est spécialisé dans la Première Guerre mondiale, événement qui a marqué profondément et durablement sa région, puisqu'il vit dans les Ardennes. Il développe ici, sur la Grande Guerre des points de vue qui suscitent la réflexion. On n'est pas forcément d'accord sur tout. On peut en débattre. Entretien par Rémi Hugues pour Lafautearousseau 

     

    41418405_2225893421021798_8973707314515148800_o.jpgÊtes-vous d'accord avec le philosophe Gustave Thibon lorsqu'il disait que la Grande Guerre a été un suicide collectif de l'Europe ? 

    Tout à fait d'accord. C'est également le terme qu'emploie le pape Benoît XV. À quel degré de folie étions-nous arrivés pour qu'un homme de lettres écrivît ceci en détournant le sens des mots religieux : 

    « Tous vinrent à Verdun, comme pour y recevoir je ne sais quelle suprême consécration ; comme s’il eût fallu que toutes les provinces de la patrie eussent participé à un sacrifice d’entre les sacrifices de la guerre, particulièrement sanglant et solennel, exposé aux regards universels. Ils semblaient, par la voie sacrée, monter, pour un offertoire sans exemple, à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme eût élevé » . Ces mots sont de Paul Valéry. 

    Puisque tous les « poilus » sont morts, est-il selon vous toujours légitime de célébrer le 11 novembre ? Que pensez-vous de ceux qui veulent le supprimer en tant que jour férié ? 

    J'estime que la Grande Guerre, c'est de l'histoire, à l'égal des guerres et des batailles de 1870, du premier Empire et de l'Ancien Régime, qui, elles ne sont plus célébrées. De plus, avec l'afflux massif de populations extra-européennes qui s'en fichent et la désaffection du public français pour les cérémonies, je pense qu'il ne faut plus célébrer cela, même si mon grand-père paternel y participait. 

    De plus, on célèbre là une « horrible boucherie »  (encore un terme utilisé par le pape de l'époque) qui a permis aux francs-maçons et autres universalistes de détruire les dernières monarchies catholiques ou chrétiennes et de dresser la nouvelle tour de Babel, la Société des Nations (S.D.N.) du président Wilson inspirée par le franc-maçon français Léon Bourgeois. 

    Diriez-vous que le discours officiel - ou mémoire officielle - sur la Première Guerre mondiale a évolué ces dernières décennies ? 

    Si je prends le discours du président Hollande lors du centenaire de la bataille de Verdun: il a confondu l'agresseur et l'agressé en présence de la chancelière allemande. La victoire française de Verdun y a été passée sous silence ; 4 minutes, seulement, sur 15, du discours présidentiel, ont concerné la bataille de 1916 et le reste ne fut qu'apologie de l' « Europe » , du multiculturalisme et de l'immigration. On est loin des dignes et sobres cérémonies de 1966 qui avaient été précédées par une messe célébrée sur le parvis de l'Ossuaire. 

    Je profite de la parole qui m'est donnée pour contester formellement les inscriptions ajoutées, en 2016, dans l'Ossuaire de Douaumont en allemand et en français avec les noms de Merkel et Hollande. Quant aux discours du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants qui sont lus devant chaque monument aux morts de France, ils ne sont que des condamnations des adversaires et encensement de leur Europe et de la multiculturalité. 

    Peut-on faire, d'après vous un parallèle entre ce conflit et les guerres napoléoniennes, qui, on le rappelle, ont permis à Nathan Rothschild de devenir le maître incontesté de l'Angleterre ?           

    En tout cas, la Grande Guerre a permis l'émergence des pays anglo-saxons qui, depuis, dirigent le monde après avoir empêché une victoire française en 1918, sauvé l'empire allemand,  la république de Weimar étant la continuation en pire de l'empire et renforcé l'œuvre de Bismarck, et ce pour sauver les investissements allemands des banquiers américains d'origine allemande. 

    La Première Guerre mondiale n'a-t-elle profité qu'aux marchands de canon ? Peut-on même dire que ces derniers l'ont suscitée ? 

    Je dirais que la Grande Guerre a profité, par inertie, aux marchands de canons mais ils n'en sont pas responsables. Ceux qui sont à l'origine de cette guerre sont les francs-maçons français, italiens et serbes. Leur plan était déjà dévoilé le 12 novembre 1882 par le journal L'Univers  : « Les plans de subversion universelle, les projets abominables qui tendent à couvrir l’Europe de ruines et de sang en vue de substituer partout la République aux monarchies, l'idéal matérialiste et révolutionnaire à l'idéal spiritualiste et chrétien, sortent aussi des ateliers et des convents maçonniques. »   

    Lors d'une visite à l'abbesse de l'abbaye de Maredret, en Belgique, l'empereur Guillaume II (qui n'était pas franc-maçon) lui dit : « Savez-vous une des grandes causes de la guerre ?  - Non. - Les francs-maçons 

    Le franc-maçon René Viviani, qui a été président du Conseil, en 1919 : » Vous croyez avoir fait la guerre, vous n’avez pas fait la guerre, vous avez fait une révolution.»  Comme le Grand Orient de France, en 1918 : « La guerre actuelle est profondément révolutionnaire. Elle prépare un ordre nouveau ». Il y a tant à dire à ce sujet. Les sources sont aisément consultables sur Gallica... 

    Et puis il y a la date du 28 juin : jour anniversaire de la naissance de Rousseau, de l'assassinat de l'archiduc autrichien, du premier jour du congrès maçonnique international de Paris, en 1917, et jour de la signature du traité de Versailles. 

    Enfin, dernière question, plus politicienne et donc facultative, que pensez-vous du tour de France commémoratif qu'a décidé de faire le président Macron pour célébrer le centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918 ? 

    Les censeurs de l'histoire ont parlé ; le « dogme»  historique et mensonger de 1945 doit être respecté et Macron s'incline... 

    Même la parole de De Gaulle (« leur » idole...) est niée, lui qui déclarait à Douaumont, en 1966, sous les applaudissements des anciens combattants : «  Si par malheur, en d’autres temps, en l’extrême hiver de sa vie, au milieu d’événements excessifs, l’usure de l’âge mena le maréchal Pétain à des défaillances condamnables, la gloire qu’il acquit à Verdun, qu’il avait acquise à Verdun vingt-cinq ans auparavant et qu’il garda en conduisant ensuite l’armée française à la victoire, ne saurait être contestée, ni méconnue par la patrie. » 

    Le même De Gaulle justifiait l'armistice de 1940 devant l'Assemblée consultative, le 15 mai 1945 : « Qu'on imagine ce qu'eût été le développement du conflit, si la force allemande avait pu disposer des possessions françaises d'Afrique. Au contraire, qu'elle fut l'importance de notre Afrique du Nord comme base de départ pour la libération de l'Europe.»  (Journal officiel de la République française. Débats de l'Assemblée consultative provisoire. 15 mai 1945). 

    Le général Pétain ne voulait pas l'armistice, en novembre 1918, mais une capitulation allemande signée à Berlin, après une offensive victorieuse prévue le 14 pour encercler les armées allemandes de Belgique.

    Lors du drame de 1940, tout le monde politique a jeté (démocratiquement, par la Chambre issue du Front populaire) le pouvoir entre les mains du vieil homme qui ne pouvait rien ajouter à la gloire dont étaient chargées ses épaules. Par patriotisme, par dévouement, par amour de la France et des Français, parce qu'il avait fait ainsi toute sa vie, il a fait don de sa personne d'une façon « christique » alors qu'il était innocent du désastre. Il prenait sur lui le déshonneur et la lâcheté des autres.