Histoire & Actualité • Le Paris des terroristes
Par Jean Sévillia
En 1909, Vladimir Ilitch Oulianov, révolutionnaire russe qui a pris pour nom de guerre Lénine et qui mène une vie d'errance à travers l'Europe, débarque à Paris avec sa femme. C'est au 2 rue Beaunier que s'installe le couple, dans un XIVe arrondissement qui est le quartier de prédilection de ses amis politiques. Lev Davidovitch Bronstein, dit Trotski, a précédé Oulianov en 1902, mais les relations entre les deux hommes sont mauvaises. Lénine consacre son temps à édifier le Parti ouvrier social-démocrate de Russie, formation communiste dont il est un des dirigeants en exil. C'est à bicyclette que le futur maître de Moscou se rend rue de Richelieu pour étudier à la Bibliothèque nationale, comme au café du 11 avenue d'Orléans, lieu de rendez-vous des bolcheviques parisiens, ou au 110 de la même artère, siège de leur journal.
Depuis 1789, observe Rémi Kauffer, « l'histoire confère à Paris l'auréole mondiale des révolutionnaires et la période terroriste de 1793-1794 inspire les plus fanatiques ». C'est cette face méconnue de la Ville lumière que notre ami et collaborateur, auteur d'une vingtaine d'ouvrages historiques qui font autorité, dévoile dans un ouvrage au sujet original et dont chaque chapitre raconte une séquence de la saga de ces rebelles et terroristes de tout poil qui, pour un temps, ont élu domicile dans la capitale française. Avouons-le, les personnages de Kauffer ne sont pas sympathiques puisque leur objectif est de mettre le feu au monde, et que faire couler le sang est une perspective devant laquelle ils ne reculent pas. L'auteur, toutefois, captivera ceux qui s'intéressent à l'histoire des idées car son livre constitue un tableau vivant, enrichi de multiples portraits, des grandes utopies modernes, fussent-elles redoutables. Avant Lénine, voici donc Marx et Bakounine à Paris puis, après 1917, ceux qui répandirent le communisme en Asie, Hô Chi Minh, Zhou Enlai, Deng Xiaoping ou Pol Pot. Hélas, que de dictateurs formés chez nous ! Viennent ensuite les antifascistes et antinazis réfugiés en France, les indépendantistes algériens et leurs féroces luttes internes, jusqu'au terrorisme moyen-oriental et aux islamistes titulaires de la nationalité française. « Les assassins d'hier étaient parmi nous, observe Rémi Kauffer, et ceux de demain le sont déjà aussi. » Un constat guère rassurant, mais qui sonne comme un appel à la lucidité. •
Paris la rouge, capitale mondiale des révolutionnaires et des terroristes de Rémi Kantien Perrin, 414 p., 24 €
Figaro magazine 26.11.2016
Commentaires
Ce n'et pas au 2, rue Beaunier mais au 24 (où je suis née) que je voyais chaque année, de notre balcon du 4ème, la fanfare du P.C.F. venir refleurir la plaque consacrée à Lénine. Elle y est toujours, je crois ainsi que celle de Charles Le Goffic.