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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • SOLIDARITÉ KOSOVO !... : LE MATÉRIEL POUR LE CONVOI DE NOËL DÉCHARGÉ AU KOSOVO

    Site officiel : Solidarité Kosovo

    lafautearousseau "aime" et vous invite à "aimer" la page facebook Solidarité Kosovo :

    https://www.facebook.com/solidarite.kosovo/

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    Le 15 décembre, les bénévoles de notre bureau humanitaire de Gracanica ont déchargé les 15 palettes de matériel que nous avions envoyées de Grenoble une semaine plus tôt.

     

    Après six jours de voyage à travers l’Europe, notre nouvel ami Darko est bien arrivé à notre entrepôt de Gracanica. Le passage des douanes s’est déroulé sans encombre, notamment grâce au sérieux du travail de nos bénévoles en France, ce qui a grandement facilité les choses. Les 15 palettes de matériel que nous livrerons dans les enclaves dans quelques semaines ont été déchargées devant notre entrepôt sous l’oeil attentif du Père Serdjan, responsable de notre bureau humanitaire.

    Sur une photo que nous avons reçue (ci-dessous), on l’aperçoit assister tout sourire à cette opération de déchargement.

    Avec lui, nous nous réjouissons de l’avancée de ce 17e convoi de Noël de Solidarité Kosovo. Voir les deux premières étapes se dérouler sans accrocs malgré les difficultés propres à cette année si particulière nous donne confiance pour la suite. En France, nos volontaires sont déjà en train de préparer leurs affaires, et les détails pratiques de ce convoi qui sera forcément exceptionnel sont en train d’être affinés par l’ensemble de l’équipe.

     

    Vous pouvez toujours nous aider à faire de convoi un nouveau succès !
    Cette année encore, nous offrirons des poêles à bois à des familles dans le besoin, ainsi que des petits troupeaux. Poêles comme bétail sont achetés sur place, au Kosovo, au dernier moment.
    Vous pouvez donc nous aider en nous faisant un don en cliquant sur le bouton ci-dessous.
    Ce don pourra être déduit de votre impôt au titre de l’année 2020 s’il est fait avant le 31 décembre à 23h59.
    Merci pour votre générosité !


  • SOLIDARITÉ KOSOVO !... : CLASSE DE MER 2021 : UNE QUARANTAINE D’ENFANTS DES ENCLAVES EN VACANCES AU MONTÉNÉGRO

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    Site officiel : Solidarité Kosovo

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    CLASSE DE MER 2021 : UNE QUARANTAINE D’ENFANTS DES ENCLAVES EN VACANCES AU MONTÉNÉGRO

    Au début du mois d’août 2021, nous serons à Tivat (Monténégro) avec une quarantaine d’enfants des enclaves du Kosovo-Métochie pour notre neuvième classe de mer depuis le lancement de l’opération en 2012.

    On s’en souvient, en 2020 nous avions dû annuler cette opération, les mesures sanitaires autour du Covid rendant le séjour impossible à organiser. C’est donc avec encore plus de joie que nous y retournons cette année, alors que les enfants des enclaves en ont particulièrement besoin, la situation devenant hélas de plus en plus compliquée, les attaques contre la minorité serbe se multipliant encore depuis le début de l’année 2020.

    Cette parenthèse dans leur quotidien si difficile sera donc particulièrement appréciable cette année pour ces enfants. Ils se créeront de nouvelles amitiés qui les aideront à supporter ce quotidien, mais ils découvriront surtout qu’une autre vie est possible et qu’ils peuvent espérer un autre avenir que celui qu’ils voient dans leurs enclaves.

    Vous pouvez encore nous aider à offrir ce séjour à ces enfants :

    Offrez une semaine de vacances à un jeune des enclaves serbes du Kosovo-Métochie :

    https://www.solidarite-kosovo.org/classe-de-mer-2021/

  • Le mythe destructeur du progrès indéfini : quand Frédéric Rouvillois confirme Edgar Morin....

            Nous avons fait écho, ici-même, aux propos qu'a tenus Edgar Morin, le 4 février dernier, sur Public Sénat/Bibliothèque Médicis, car ses paroles nous semblaient illustrer parfaitement cet important mouvement de dé-révolution à l'oeuvre aujourd'hui, en France, dans les élites de tous bords.

            C'était le dimanche 20 février, dans notre note La très remarquable évolution d'Edgar Morin : http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2011/02/05/x.html .

            Nous faisions remarquer que, s'il abordait bien d'autres sujets au cours de cette émission, Edgar Morin liquidait la croyance naïve - et ses résultats tragiques... - en un progrès indéfini, et déclarait qu'il faut en finir avec cette vision fausse et absurde d'un progrès linéaire indéfini, d'une évolution constante vers le bien......  qu'il ne faut plus penser au meilleur des mondes, mais simplement à un monde meilleur. C'était une folie que de penser qu'un monde parfait était possible. Et, en même temps, c'est un acquis d'avoir renoncé au mythe que le progrès était une loi de l'Histoire irréversible qui nous conduirait...

            Voici que Frédéric Rouvillois tient, à son tour, des propos et un langage similaires, sur ce même sujet du progrès : mythe destructeur, noces sanglantes du progrès et de l'utopie...

            Marie-Catherine d'Hausen l'a rencontré et en a parlé avec lui, ce qui nous vaut l'intéressant entretien suivant (1) :

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     510 pages, 27 euros

     

            Non, l’idée de Progrès ne date pas des Lumières ! En situant sa genèse à la fin du XVIIe siècle, Frédéric Rouvillois interroge les dérives d’un mythe qui, à trop vouloir perfectionner l’homme, fera le lit des totalitarismes.

            C’est à une véritable archéologie de la modernité que se livre Frédéric Rouvillois dans cet ouvrage nourri aux meilleures sources : contrairement aux idées reçues, le « Progrès » n’est pas né avec les Lumières, mais au XVIIe siècle, avec la nouvelle philosophie, l’apparition du déisme et la diffusion de l’« esprit bourgeois ». De Bacon à l’abbé de Saint-Pierre, il devient une philosophie de l’histoire et, conformément à son inspiration cartésienne et mécaniste, prétend à une cohérence totale. Ses défenseurs définissent désormais le Progrès à partir du modèle de la Machine : comme un mouvement global de perfectionnement que caractérisent sa forme linéaire, sa nécessité radicale et sa permanence. Ce faisant, ils peuvent ainsi le transposer au réel.
            Au même rythme que la raison, la morale, le bonheur ou l’Etat sont appelés à progresser. L’histoire, enfin dotée d’un sens, devient ainsi le lieu où pourra s’accomplir la promesse de Descartes : l’homme, parfaitement libre et tout-puissant, sera bientôt « maître et possesseur de la nature ».
    Une démystification talentueuse, érudite et acérée, dévoilant les retombées contraignantes des utopies.

    L’auteur
    Frédéric Rouvillois est professeur de droit public à Paris V. Il est entre autres l’auteur d’une Histoire de la politesse de la Révolution à nos jours ( 2006), et d’une Histoire du snobisme (2009).  

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    (1) : dans Famille chrétienne, n° 1729, semaine du 5 au 11 mars 2011.

  • Humeur : N'en déplaise à Louis Schweitzer, l'idéal du crapaud c'est toujours la crapaude...(1/2)

                Encore une raison supplémentaire de dissoudre la Halde ! Dans la période de crise que nous traversons, où le Pays Légal trouve des milliards pour rafistoler le système mais où les manants que nous sommes tirent la langue de plus en plus, et alors que des économies s'imposent à tous les niveaux, la Haldede Monsieur Schweitzer vient de pondre encore, et pour très cher, un de ces rapports dont elle a le secret : abracadabrantesque, comme dirait son géniteur moral, Jacques Chirac.

                Pas moins de 29 ouvrages scolaires et 3.097 illustrations des-dits ouvrages ont été passés au crible par une équipe de chercheurs de l'université Paul-Verlaine de Metz, nous dit Laetitia van Eeckhout, dans Le Monde du 7 novembre. Résultat : pour un coût de 38.000 euros tout de même, un rapport de 207 pages, censé répertorier la discrimination dans les manuels scolaires ou, si l'on préfère, censé analyser la manière dont les manuels scolaires perpétuent les stéréotypes.

                On le sait depuis bien longtemps, depuis les débuts de sa Halde: il n'y a rien de plus urgent en effet, pour Louis Schweitzer -dit aussi "Louis sept milllions sept" (1)-, que d'affronter les moulins à vent......

                Dans son article du Monde, Laetitia van Eeckhout s'en tient surtout aux manuels d'histoire ou d'économie, et n'évoque qu'à peine ceux de SVT (Sciences de la vie et de la terre), épluchés eux aussi par le rapport : ce sont pourtant les propos suscités par ces derniers, révélateurs d'un esprit faux, et faussé jusqu'au trognon, qui sont in fine les plus ahurissants.....

                Mais commençons par le commencement. Laetitia nous livre un savoureux passage sur un manuel d'histoire qui a choisi, pour évoquer l'Islam et le Catholicisme, la cathédrale de Chartres et une mosquée en pays musulman. Laetitia s'en étranglerait presque - la pauvre !...- : les auteurs du rapport -qui s'en étrangleraient presque eux aussi, les pauvres !....- notent avec effroi et consternation que "...Le lien qui est fait avec les appartenances religieuses, et en particulier l'islam, tend aussi à entretenir une discrimination. Pourquoi Nathan (manuel d'histoire-géographie de terminale) illustre-t-il l'islam avec une mosquée située hors du territoire national, et le catholicisme avec la cathédrale de Chartres ? Forcément, un tel choix ne peut que renforcer l'idée que l'islam est une religion étrangère à la France".

               Il faudra juste rappeler à ces ignares, à ces incultes de l'Université Paul Verlaine de Metz qu'ils ne sont que des jean-foutre. Et que la présence massive d'un Islam en France ne date que d'hier (1975 et les décrets Chirac) alors que le christianisme est à la base de notre histoire et de notre mental,qu'il en est l'un des élèments majeurs et fondamentaux, et ce depuis plus de mille cinq cents ans, depuis le baptême de Clovis. Mille cinq cents ans : une paille ! Faudra-t-il s'excuser un jour que les Châteaux de la Loire, le Mont Saint-Michel, Versailles et les Cathédrales aient été construites par des chrétiens et non par des barbus enturbannés ? Et mettre "cela"  (les Châteaux de la Loire, le Mont Saint-Michel, Versailles et les Cathédrales) sur un pied d'égalité avec une mosquée ?

                Encore cette présence massive, outre qu'elle est toute récente ("d'hier", comme dirait Chateaubriand...) n'est-elle pas le fruit d'un processus désiré et voulu, librement consenti par le peuple français; mais bien plutôt elle est le fruit d'une violence faite à ce peuple, à qui l'on a imposé cette irruption massive -fait inédit dans son histoire, par son ampleur et sa soudaineté- sans jamais lui demander son avis et sans jamais le consulter; et c'est pourquoi nous nous estimons fondés à remettre en cause, à quelque moment que ce soit, non pas forcément la légalité de cette présence, mais certainement, oui, sa légitimité..... (à suivre....)

    (1) : Voir la note "Comment Louis "Sept millions sept" ose-t-il encore regarder "ses" (?) salariés en face ?.....", du 19 Mai 2008, dans la Catégorie "France (politique intérieure).

  • D'accords avec... le coup de gueule de Plunkett contre l'ignorance médiatique devenue folle...

                On va, pour une fois intervertir les choses et commencer par la fin, en finissant par ce qu'on trouvait au début...

                ( http://plunkett.hautetfort.com/ )

                Avant de retranscrire ci-après l'intégralité du billet/coup de gueule contre une journaliste aussi ignorante que désinvolte (quand on sait pas, on parle pas....), voici d'abord, dans une réponse de PP à un commentaire qui suit ce billet, cette autre petite perle :

                  De PP à PCF - A l'émission de Stéphane Paoli sur le "débat" de l'identité nationale, hier samedi matin, (samedi 14 novembre, ndlr) l'historien Nicolas Offenstadt a eu ce mot inattendu : "Définir la nation par 'les valeurs de la République', ça voudrait dire que les monarchistes ne seraient plus considérés comme des Français." Il a raison : le vice est de donner de la nation une définition idéologique. Voire une définition tout court... On ne peut pas "définir" un être vivant. Donc le débat Besson est absurde, quoi qu'en disent les zélateurs.

                  Et maintenant, place au coup de gueule, justifié...

    Une dépêche prend une phrase du résistant Marc Bloch pour une phrase de ''maître à penser de Vichy'' ! L'ignorance médiatique devient folle

    marc_bloch_d_cor__cg.jpgLe très célèbre Marc Bloch,

    apparemment inconnu

    des journalistes

    en 2009 :


     

    C'est sans doute pénible, pour une jeune journaliste technoïde, que d'écrire sur un sujet dont elle ne sait rien.

    Pénible aussi de commenter des citations, quand elle ignore de qui elles sont !

    Voilà le malaise où barbotent nombre de mes confrères (et consoeurs), par exemple à propos du pseudo-débat sur « l'identité nationale ».

    Une dépêche Reuters écrit : « En exaltant de nouveau contre toute attente, lors d'un discours jeudi à La-Chapelle-en-Vercors (Drôme), les symboles d'un des maîtres à penser du régime de Vichy (1940-1945), Nicolas Sarkozy a fini de creuser un sillon idéologique dont les ramifications tactiques ne laissent pas de doute. »

    Pas de doute, vraiment ? Ici la journaliste de Reuters écrit une bourde inexcusable. La voici :

    « Jeudi, Nicolas Sarkozy, avec l'appui de son conseiller Henri Guaino, a emprunté au nationalisme de Maurice Barrès en multipliant les variations sur "la leçon de la terre", la "conscience nationale", "la terre et les morts" chantés par l'écrivain du XIXe siècle. "On comprend l'Histoire de France quand on accepte de vibrer avec le souvenir du Sacre de Reims et d'être ému par le récit de la fête de la Fédération", a déclaré Nicolas Sarkozy. »

    Reuters doit présenter des excuses à la Résistance. Car la phrase incriminée n'est pas de Maurice Barrès. Elle est de l'historien Marc Bloch.

    Marc Bloch n'était pas le maître à penser de Vichy. C'était un héros de la Résistance. Il a été fusillé par les Allemands le 16 juin 1944. La phrase en question, il l'a écrite dans son livre sur 1940 : L'étrange défaite.

    La voici : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »

    Cette phrase est une des clés de l'engagement de Marc Bloch dans la Résistance.

    Eh oui, ma pauvre jeune consoeur de Reuters : les résistants étaient des patriotes. Si une phrase de Marc Bloch (héros de la Résistance) te choque, c'est que tu ne sais rien de la Résistance.

    Peut-être ne sais-tu rien de l'histoire en général ? Peut-être ne sais-tu pas à quoi Marc Bloch fait allusion quand il parle de Reims ou de la Fédération ?

    Peut-être que l'histoire ne te « motive » pas ?

    Ce serait logique : l'histoire n'est pas enseignée à l'école. De toute façon elle a mauvaise presse, depuis que le consumérisme nous a pris la tête.

    Alors cesse de tartiner sur des actu qui ne te motivent pas, et cantonne-toi aux dépêches people :  la vraie life, le bankable. Ce qui motive les médias en 2009.

  • Au-delà de Verdun, quelle France ?

     De Gaulle et Adenauer sortant de la cathédrale de Reims le 8 juillet 1962. © AFP

    par Jean-Philippe Chauvin 

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa bataille de Verdun apparaît désormais aussi lointaine que le Moyen âge aux yeux de nos contemporains, en particulier des plus jeunes : le siècle qui nous en sépare n'a pas été avare du sang des hommes et l'histoire a ici un goût de cendres et de sang, et Verdun rime trop avec Pétain pour que la mémoire n'en paraisse, du coup et injustement, ambiguë. Et pourtant ! Oublier Verdun, n'est-ce pas renier une part de notre histoire, aussi douloureuse soit-elle, et nous abandonner aux vents distraits de l'amnésie qui, en définitive, n'est jamais rien d'autre qu'une peur devant ce qui pourrait encore arriver de terrible ? L'amnésie est reposante, au moins un temps : elle est périlleuse, si elle se veut refoulement et non refondation. 

    Jadis, nous fêtions une victoire et les Allemands commémoraient une bataille : aujourd'hui, la France et l'Allemagne en ont fait une occasion « européenne », comme pour mieux se prémunir d'une contemporanéité qui bouscule les mythes d'hier et les élites bien-pensantes, d'où cette condamnation désespérée et unanime chez les officiels des « populismes » qui pousseraient au repli sur soi et, évidemment, à la guerre... Pourtant, à bien écouter le gouvernement républicain et son président, j'avais cru entendre et comprendre que, déjà, nous étions en guerre sans même que les nationalistes des différents pays d'Europe puissent en être tenus, quels que soient leurs défauts, pour responsables : les islamistes jettent leur haine en rafales sur les terrasses et dans les autres lieux publics, sans aucune hésitation ni remords, et la République se met en état d'urgence faute d'être, simplement, un État digne de ce nom et des attentes que les peuples, légitimement, doivent pouvoir placer en lui pour leur assurer protection et secours. 

    Plutôt que la triste mascarade de ce couple Hollande-Merkel, improbable et définitivement déséquilibré au bénéfice de notre voisine germanique, je préfère repenser à l'accolade De Gaulle-Adenauer et à ce traité de l’Élysée du début 1963, fameux traité franco-allemand sciemment saboté par le sinistre Jean Monnet, cet atlantiste qui se faisait passer pour « européen » quand il n'était que « l'homme des Américains » selon l'amère formule gaullienne. En fait, c'est à cette date que tout (ou presque) s'est joué : à l'idée d'une entente concrète et fondatrice entre deux nations souveraines, s'est substituée ensuite l'idéologie d'une Europe fédérale et supranationale, négatrice à la fois de l'histoire et de l'avenir possible d'une indépendance des pays d'Europe à l'égard des grandes puissances, qu'elles soient politiques ou économiques, empires ou multinationales... 

    On peut regretter cette occasion manquée de 1963, mais on peut aussi penser, désormais, à de nouvelles alliances et, simplement, à la possibilité d'un avenir français libre de ses choix et de son destin, en amitié possible et vraie avec ses voisins et en accord avec son histoire propre : pour cela, encore faudrait-il un État et, plus encore, une magistrature suprême de celui-ci qui incarne la France et non une partie électorale de celui-ci, cette dernière fût-elle majoritaire au terme d'un second tour d'élection présidentielle. 

    Là encore, la Monarchie n'est pas une « revanche » mais une chance et elle ouvre le champ des possibles, à l'intérieur comme pour l'extérieur, car, si elle a de la mémoire, elle n'en fait pas une politique, mais elle est « la France », celle qui n'a pas besoin de parader pour être et durer, par delà les générations et au-delà des ressentiments anciens, et qui peut, sereinement, tendre la main au-delà des tranchées et des barricades de l'histoire à ceux qui veulent bien la prendre... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • 2 points de vue sur le : (1/2) 18 juin 1940, par Gérard Leclerc.

    Le général Charles de Gaulle au micro de la

    BBC à Londres, 30 octobre 1941.

    © BBC

    Quatre-vingtième anniversaire de l’appel du 18 juin du général de Gaulle ! Comment son auteur a-t-il vécu cet évènement et quelle leçon en a-t-il tirée pour lui-même et le pays ? Au-delà du suffrage populaire, comment entendre cette légitimité historique ?

    18 juin 1940 - 18 juin 2020 ! C’est donc presque un siècle qui nous sépare de cet acte fondateur qui propulsa Charles de Gaulle dans notre histoire. Le mieux est de se référer à lui-même afin de comprendre ce qui s’est passé ce jour où la France est tombée au fond de l’abîme et où un homme s’est retrouvé en charge de son destin : « Le 18 juin 1940, répondant à l’appel de la patrie éternelle privée de tout autre recours pour sauver son honneur et son âme, de Gaulle, seul, presque inconnu, avait dû assumer la France. »

    gerard leclerc.jpgCette déclaration tirée des Mémoires d’Espoir où le fondateur de la Ve République rappelle le fondement de sa légitimité, nous renvoie à un ordre singulier qui est celui de la légitimité historique. « Cette légitimité que j’incarne depuis vingt ans », avait-il proclamé à un moment difficile de l’exercice de son pouvoir. Une légitimité qui ne vient pas du suffrage populaire mais d’un appel mystérieux de l’histoire.

    Quelle aventure ! Il l’a dit aussi lui-même : « À quarante-neuf ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries. » Mais rien n’est encore joué, alors qu’il a obtenu de Winston Churchill son accord pour lancer son fameux appel sur la BBC. « Je m’apparaissais à moi-même, seul et démuni de tout, comme un homme au bord d’un océan qu’il prétendrait franchir à la nage. » Ce fameux destin, il s’agit aussi de le forcer, tout d’abord parce qu’il en va de l’avenir du pays. Le souci de de Gaulle, c’est de remettre la France en guerre, pour qu’elle ne soit pas absente de la reconquête de son propre territoire, bien au-delà de l’éventuelle force d’appoint que quelques unités pourraient apporter aux alliés.

    Sans doute l’histoire réelle est elle plus complexe que les résumés lapidaires des propos de commémoration. Le général de Gaulle était le premier à en avoir conscience, lui qui savait que l’unité nationale s’était forgée au fil de l’épée et avait été maintes fois déchirée : « Vieille France accablée d’Histoire, meurtrie de guerres et de révolutions, allant et venant sans relâche de la grandeur au déclin, mais redressée, de siècle en siècle, par le génie du renouveau ! » Quand nous examinons notre propre situation, Quatre-vingts ans après l’appel du 18 juin 1940, nous savons bien que notre histoire n’est pas forcément celle des lendemains qui chantent. Au moins la leçon de l’Appel demeure-t-elle comme un recours au courage et à l’éternel génie du renouveau.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 juin 2020.

    Nos citations sont tirées des Mémoires de guerre du général de Gaulle.

  • Feuilleton : Chateaubriand, ”l'enchanteur” royaliste... (52)

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    Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
    Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Défense des Croisades...

    Défense des Croisades...

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    "...Les écrivains du XVIIIème siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai réclamé un des premiers contre cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n'étaient point les agresseurs. Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur l'Espagne, sur la France même, où Charles Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier, sortis de la France, n'auraient-ils pas faits le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar jusque dans Jérusalem ? C'est un grand spectacle sans doute que ces deux armées de l'Europe et de l'Asie, marchant en sens contraire autour de la Méditerranée, et venant, chacune sous la bannière de sa religion, attaquer Mahomet et Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs.

    N'apercevoir dans les Croisades que des pèlerins armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte antiquité, et aboli la servitude ? Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux Barbares. L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête; l'Evangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir; ils tâchèrent seulement d'intéresser en leur faveur Charlemagne; mais ni les Espagne soumises, ni la Grèce et les deux Sicile ravagées, ni l'Afrique entière tombée dans les fers, ne purent déterminer, pendant près de huit siècles, les Chrétiens à prendre les armes. Si enfin les cris de tant de victimes égorgées en Orient, si les progrès des Barbares déjà aux portes de Constantinople, réveillèrent la Chrétienté, et la firent courir à sa propre défense, qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la Grèce, et l'on verra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans. Ceux qui s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?

    Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes aux portes mêmes de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. Elles ont fait plus : elles nous ont sauvé de nos propres révolutions; elles ont suspendu, par la paix de Dieu, nos guerres intestines; elles ont ouvert une issue à cet excès de population qui, tôt ou tard, cause la ruine des Etats; remarque que le Père Maimbourg a faite, et que M. de Bonald a développée.

    Quant aux autres résultats des Croisades, on commence à convenir que ces entreprises guerrières ont été favorables aux progrès des lettres et de la civilisation. Robertson a parfaitement traité ce sujet dans son Histoire du Commerce des Anciens aux indes orientales. J'ajouterai qu'il ne faut pas, dans ces calculs, omettre la renommée que les armes européennes ont obtenue dans les expéditions d'outre-mer. Le temps de ces expéditions est le temps héroïque de notre histoire; c'est celui qui a donné naissance à notre poésie épique. Tout ce qui répand du merveilleux sur une nation, ne doit point être méprisé par cette nation même. On voudrait en vain se le dissimuler, il y a quelque chose dans notre coeur qui nous fait aimer la gloire; l'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c'est en entretenant les Romains de l'éternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un nom éternel..."

    (Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, La Pléiade, Oeuvres romanesques, tome II, pages 1052/1053/1054)

  • La Hongrie, le dernier Etat chrétien d’Europe ? par Antoine de Lacoste

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    La Hongrie est, à l’origine, le pays des Magyars. Ce peuple, venu des steppes d’Asie centrale, n’était pas turcoman comme tant d’autres, mais finno-ougrien. Cela donne une grande originalité à sa langue, à nulle autre pareille. Seul le finnois peut s’y apparenter.

    Il se fixa en Europe centrale et fut à l’origine de la création de la Hongrie. Les Hongrois ne sont donc pas, faut-il le rappeler, des descendants d’Attila et de ses guerriers comme le prétendent parfois certains, y compris en Hongrie. La rue Attila (Attila ut) que l’on emprunte à Budapest, à l’étonnement du voyageur occidental, ne doit pas faire illusion.

    CONVERSION ET COURONNEMENT DE SAINT ETIENNE

    La Hongrie est, à l’origine, le pays des Magyars. Ce peuple, venu des steppes d’Asie centrale, n’était pas turcoman comme tant d’autres, mais finno-ougrien. Cela donne une grande originalité à sa langue, à nulle autre pareille. Seul le finnois peut s’y apparenter.

    Il se fixa en Europe centrale et fut à l’origine de la création de la Hongrie. Les Hongrois ne sont donc pas, faut-il le rappeler, des descendants d’Attila et de ses guerriers comme le prétendent parfois certains, y compris en Hongrie. La rue Attila (Attila ut) que l’on emprunte à Budapest, à l’étonnement du voyageur occidental, ne doit pas faire illusion.

    Conversion et couronnement de Saint Étienne

    1A.jpgC’est un certain Árpád qui devint chef des tribus magyars vers l’an 900. Un siècle plus tard, son descendant Etienne se fit baptiser. Le pape Sylvestre II le couronna roi de Hongrie en l’an mille. Etienne fut ensuite canonisé et est aujourd’hui le saint patron de la Hongrie.

    Le pays connut alors une grande période chrétienne. Plusieurs souverains furent canonisés et beaucoup se signalèrent par leur zèle chrétien. André II fut par exemple un des chefs de la Cinquième croisade. C’est d’ailleurs lui qui concéda en 1222 la Bulle d’or à la noblesse hongroise, afin de pérenniser une alliance nécessaire à la stabilité du royaume.

    La sainte la plus emblématique de toute cette période fut Sainte Elizabeth de Hongrie. Fille d’André II, elle vécut en Allemagne après son mariage avec Louis IV de Thuringe et eut trois enfants (dont une fille sera bienheureuse). Veuve à 20 ans, elle se dévoua pour les pauvres et s’inspira de la règle franciscaine pour sa vie personnelle. Sa tombe à Marbourg est l’objet d’importants pèlerinages.

    Notons, pour être complet que notre apôtre des Gaules, Saint Martin, était d’origine hongroise. Il y a encore des pèlerins qui partent de sa ville natale, Szombathely, et marchent jusqu’à Poitiers ou Tours. Le pèlerinage s’étale généralement sur plusieurs années.

    Les invasions mongoles du XIIIe siècle mirent hélas un terme à cet âge d’or chrétien de la Hongrie. La « Horde d’or » de Gengis Khan fut finalement chassée et des souverains entreprirent de reconstruire le pays, comme Charles Ier Robert d’Anjou (1308-1342).

    Mais la poussée de l’Empire ottoman commença à peser sur les marches du sud du royaume. Une première défaite inquiétante frappa l’armée hongroise en 1396 à Nicopolis et le roi Sigismond Ier s’enfuit au soir de la bataille. Les Ottomans s’étaient dangereusement rapprochés.

    Le XVe siècle fut à nouveau une période heureuse. Deux grands souverains, qui sont encore au Panthéon des héros hongrois, exercèrent de beaux règnes : János Hunyadi (1407-1456) et Mathias Corvin (1458-1490). Ils bâtirent et firent venir de grands artistes de toute l’Europe, notamment des peintres italiens. C’est après la mort de Corvin que La Hongrie chrétienne sombra dans le malheur.

    La nuit ottomane

    En 1526, la grande armée hongroise fut lourdement défaite à la bataille de Mohács.  Le roi Louis II y trouva la mort et la nuit ottomane s’abattit sur le vieux royaume chrétien. La Hongrie fut dépecée et vassalisée. Au centre, au sud et à l’est se trouvaient les Ottomans ou leurs alliés. Mais à l’ouest les Habsbourg se rapprochaient et devinrent à la fois les libérateurs de la Hongrie mais aussi leur autoritaire suzerain.

    La libération prit du temps, la puissance militaire de l’Empire ottoman étant alors considérable. Son échec devant Vienne (un de ses deux objectifs majeurs avec Rome) en 1683, déclencha le début du déclin.

    En 1686, Charles V de Lorraine, libéra Buda après de rudes combats. Rappelons à ce propos que Budapest, capitale de la Hongrie, est l’adjonction de Buda et de Pest, deux villes distinctes à l’origine. Une lente reconquête autrichienne s’ensuivit et en 1697 un autre prince au service des Habsbourg, Eugène de Savoie, battit les Turcs à Zenta. Cette fois, c’était une victoire décisive et pour l’Empire ottoman, le début d’une longue agonie.

    Libéré du joug musulman, le nationalisme hongrois se porta alors contre les Habsbourg. Le prince François Rákóczi en fut le chef emblématique au début du XVIIIe siècle. Vaincu en 1711, les Habsbourg l’épargnèrent et il fut condamné à l’exil.

    République et franc-maçonnerie

    Les Hongrois se résignèrent un certain temps à cette dépendance autrichienne jusqu’à ce qu’éclate la révolution de 1848.

    Il faut noter que, dans les trois siècles précédents, deux influences néfastes se développèrent en Hongrie : le protestantisme tout d’abord puis, plus tard la franc-maçonnerie. Le protestantisme se répandit à la faveur de la Guerre de trente ans (1618-1648), à cause des princes allemands géographiquement très proches. Le calvinisme en fut son fer de lance et il reste vivace aujourd’hui.

    Quant à la franc-maçonnerie, elle se développa sous l’influence de quelques aristocrates, souvent protestants d’ailleurs, qui répandirent leurs idées néfastes dans la haute société hongroise.

    Les révolutions de 1848 qui submergèrent l’Europe n’épargnèrent pas la Hongrie. Une révolte se produisit et les députés hongrois, jusqu’alors dépendants de Vienne, proclamèrent à la fois l’indépendance et l’avènement de la république. Le personnage emblématique de cette révolution fut le franc-maçon Lajos Kossuth dont la statue trône devant le parlement de Budapest.

    Les Habsbourg réagirent et envoyèrent une armée combattre les insurgés. Mais la valeur militaire des Hongrois est proverbiale et, devant les difficultés rencontrées, Vienne appela la Russie à son secours. Le Tsar Nicolas Ier accepta de fournir son aide au nom de la lutte contre les idées révolutionnaires. Pris entre deux feux, les Hongrois furent finalement vaincus à la bataille d’Arad. Les Habsbourg commirent alors une grave faute politique en faisant fusiller les 13 généraux hongrois qui s’étaient rendus. Ce n’était guère glorieux et cela ne contribua pas à améliorer les relations entre l’Empire et les Hongrois.

    Le compromis de 1867

    L’arrivée au pouvoir d’un nouvel empereur, le jeune François-Joseph, provoqua un changement radical et bénéfique dans les relations entre les deux peuples. Après de longues négociations avec une partie de la classe politique hongroise, la plus encline à une réconciliation avec l’Autriche, un accord fut finalement signé en 1867. On l’appela « le compromis de 1867 ».

    Il donna une large autonomie à la Hongrie, en dehors des finances et des affaires étrangères. Et, symbole très fort, l’empereur d’Autriche devint en même temps roi de Hongrie et devait se faire couronner à Budapest après l’avoir été à Vienne. L’Empire devint l’Empire austro-hongrois et le patriotisme du peuple hongrois était ainsi honoré. De toutes les minorités du vaste empire, la Hongrie fut la seule ainsi mise en avant et sa fidélité à Vienne fut alors sans faille.

    Sur cette période, on peut lire la remarquable trilogie romanesque ( si bien écrite) de Miklós Banffy, Vos jours sont comptés, Vous étiez trop légers, Que le vent vous emporte. Beaux titres inspirés du célèbre Mane, Tecel, Fares raconté dans l’Ancien Testament, au Livre de Daniel.

    La si funeste guerre de 14 sonna le glas de cet ensemble harmonieux. Malgré les efforts désespérés de Charles Ier, dernier empereur d’Autriche et dernier roi de Hongrie, ses propositions de paix séparée furent rejetées avec mépris par la France figée par la voix de Clemenceau dans son sectarisme anti-chrétien.

    En 1918, la défaite de l’Empire fut actée. Charles et Zita, ce couple impérial et royal si attachant, fut condamné à l’exil. Charles mourut de chagrin peu de temps après et Zita éduqua courageusement et chrétiennement ses nombreux enfants. Ainsi mourut ce bel empire.

    Les francs-maçons relevèrent la tête et Mihály Károlyi fut porté à la tête de la nouvelle république proclamée. Encouragés par la révolution bolchévique triomphante, les communistes hongrois réussirent un coup de force et prirent le pouvoir à Budapest. Leur chef était Béla Kun et, comme il se doit, il ordonna de nombreux actes sanguinaires. Heureusement, les communistes ne parvinrent jamais à étendre leur pouvoir au-delà de la capitale. Finalement, une alliance militaire improbable composée de militaires hongrois, tchèques, serbes et français chassèrent les communistes. Il ne resta d’eux qu’une triste et sanglante parenthèse.

    LA spoliation du TRAITÉ DU TRIANON

    Pendant ce temps, les puissances alliées travaillèrent activement au démantèlement de l’Empire austro-hongrois. En 1920 le Traité du trianon fut signé à Versailles. Le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » si invoqué en de multiples circonstances, fut dénié aux Hongrois. Plusieurs millions d’entre eux furent rattachés de force à la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie (la Hongrie perdit ainsi son accès à la mer), l’Autriche (qui n’avait rien demandé) et surtout la Roumanie qui récupéra plus de 100 000 km2 de territoires. L’Autriche fut ensuite le seul pays à accepter un referendum pour la ville de Sopron qui choisit massivement de revenir à la mère patrie hongroise. Au total, la Hongrie perdit les deux tiers de son territoire, passant de 325 000 km2 à 93 000 km2.

    Ce traité du Trianon fut un traumatisme terrible pour la Hongrie qui y perdit les deux-tiers de son territoire. Depuis la chute du communisme, la Hongrie ne cesse de réclamer la révision de ce traité, en vain bien sûr. Des manifestations périodiques ont lieu à Budapest réclamant le retour des provinces perdues. Les hasards de l’histoire firent qu’une forte minorité hongroise habite aujourd’hui dans l’ouest de l’Ukraine. Elle est systématiquement brimée et l’enseignement de la langue hongroise y est régulièrement remis en cause par le sectarisme du pouvoir de Kiev.

    Les errements de l’après-guerre appelaient une remise en ordre. Ce fut l’amiral Miklós Horthy qui s’en chargea. Chrétien convaincu, monarchiste, il remporta les élections de 1920. Il refusa d’en devenir le président et exigea d’en être le régent afin de permettre un éventuel retour de la monarchie. Son gouvernement autoritaire ramena le calme dans un pays ruiné par la guerre et assommé par le traité du Trianon.

    Allié des Allemands pendant la seconde guerre mondiale, Horthy mécontenta Hitler dans son peu d’empressement à appliquer les principes raciaux du IIIe Reich. Déposé puis arrêté par les Allemands, il sera finalement libéré par les Américains et finira sa vie en exil au Portugal, accueilli par Salazar.

    Malheureusement pour la Hongrie, Budapest se trouva sur le chemin de l’Armée rouge en route vers l’Allemagne. Le siège de la capitale dura plusieurs semaines et, à l’issue de terribles combats, les Soviétiques entrèrent dans la ville dévastée et installèrent, comme dans toute l’Europe de l’Est, un gouvernement communiste. La faucille et le marteau ornèrent désormais le drapeau tricolore hongrois.

    La tragédie de 1956

    Mais la Hongrie ne se laisse pas facilement réduire en servitude comme l’a prouvé toute son histoire. En 1956, à la faveur d’un premier ministre moins totalitaire, Imre Nagy, les habitants de Budapest se ruèrent dans la brèche et réclamèrent plus de liberté. L’insurrection prit de l’ampleur, des membres de l’AVO, la police secrète, furent lynchés et la rue prit le pouvoir. Nagy commit alors une faute politique majeure : il annonça la sortie de la Hongrie du Pacte de Varsovie. Jusque-là, les Soviétiques étaient restés discrets. Mais la sortie de l’alliance militaire communiste, architecture de sécurité essentielle face à l’OTAN, était le chiffon rouge qu’il ne fallait pas agiter.

    Le 4 novembre, les chars soviétiques envahirent la Hongrie et, malgré une résistance héroïque, Budapest tomba en quelques jours. Les combats firent 2500 morts côté hongrois, 13 000 suspects furent arrêtés et au moins 200 000 choisirent le chemin de l’exil. Le malheureux Nagy fut pendu à la sauvette. Contrairement à une idée reçue, il ne semble pas que ce soient les Soviétiques qui aient procédé à cette sordide exécution mais plutôt János Kádár, le chef du parti communiste hongrois, désireux de se débarrasser d’un rival très populaire.

    Le communisme goulash

    C’est ce même Kádár qui dirigea ensuite la Hongrie jusqu’en 1988, l’ordre communiste étant restauré. Contrairement aux craintes de la population, sa gestion fut assez tempérée. Il accepta l’émergence d’un secteur privé, usa d’une répression mesurée et mis fin aux persécutions religieuses. Le clergé hongrois se divisa à cette occasion : une partie s’accommoda du régime affirmant que l’essentiel était de pouvoir donner les sacrements aux fidèles tandis que d’autres refusèrent tout compromis. Le célèbre et héroïque cardinal Mindszenty qui fut affreusement torturé après la guerre, réfugié à l’ambassade américaine depuis 1956, fut de ceux-là.

    Le communisme de Kádár fut donc un mélange de principes communistes et de pragmatisme à tel point qu’on l’appela le « communisme goulash », du nom d’une recette de cuisine qui mélange beaucoup d’ingrédients. La Hongrie fut une oasis au sein de ce monde communiste si triste et si gris. Beaucoup d’Allemands de l’Est par exemple, qui ne pouvaient quitter leur pays qu’en allant dans un « pays frère », prirent ainsi l’habitude de passer leurs vacances en Hongrie.

    Peu avant la chute du Mur en 1989, la Hongrie fut le premier pays à laisser entendre que ses gardes-frontières ne tireraient pas sur ceux qui souhaiteraient franchir illégalement la frontière vers l’Autriche. Au printemps, la ligne budgétaire d’entretien de la frontière avec l’Autriche, au coût exorbitant, fut rayée d’un trait de plume. Puis, le 27 juin, les deux ministres des affaires étrangères autrichien et hongrois découpèrent à la cisaille quelques barbelés obsolètes devant les caméras du monde entier. Le 19 août 1989 enfin, plusieurs centaines d’Allemands de l’Est organisèrent un pique-nique géant le long de la frontière autrichienne. Un mouvement de foule se produisit, les gardes-frontières hongrois regardèrent ailleurs et ce fut le début d’une ruée vers l’Autriche qui ne fit que s’amplifier au fil des semaines. Cette journée mémorable fut appelée « le pique-nique des Allemands de l’Est ». Le Mur tomba le 9 novembre suivant comme un fruit mur. La Hongrie avait ouvert la voie.

    Tout le système, vermoulu, s’effondra et les premières élections libres se déroulèrent en 1990 et portèrent au pouvoir une coalition centriste.

    C’est alors qu’un jeune étudiant fit ses premiers pas en politique à Budapest. Il s’appelait Viktor Orbán et avec quelques amis, créa un parti, le Fidesz. La doctrine de ce petit parti n’avait qu’un lointain rapport avec celle d’aujourd’hui. Protestant non pratiquant, plutôt libertaire, rien ne laissait prévoir que Viktor Orbán évoluerait vers un nationalisme chrétien qui séduirait le peuple hongrois, à l’exception de celui de Budapest, très occidentalisé.

  • La justice de « l’état de droit ».

    Les agres­seurs de la fac relâ­chés, les défen­seurs condamnés…

    Nous rece­vons cette infor­ma­tion d’un sym­pa­thi­sant de Mont­pel­lier qui a sui­vi l’affaire de près. Il appa­rait clai­re­ment que le juge­ment du tri­bu­nal est par­tial et que le fameux « état de droit » dont se ren­gorgent les idéo­logues sec­taires et don­neurs de leçons pour jus­te­ment étayer leur sec­ta­risme, atteint des som­mets d’immoralité qui donnent la nau­sée.

    Après le dis­cours du pré­sident de la Répu­blique nous annon­çant clai­re­ment une reprise en main rigide d’un peuple par trop (sani­tai­re­ment) rebelle, on com­pren­dra qu’un tel juge­ment du tri­bu­nal cor­rec­tion­nel consti­tue un exemple concret de l’arbitraire géné­ra­li­sé qui s’installe dans le pays. (NDLR)

    Le 2 juillet 2021, le Tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Mont­pel­lier a décla­ré « cou­pables » tous les pré­ve­nus qui avaient été ren­voyés devant lui pour avoir pro­cé­dé, le 22 mars 2018, à l’évacuation d’un amphi­théâtre de la Facul­té de Droit de Mont­pel­lier, encore occu­pé illé­ga­le­ment en pleine nuit par des mani­fes­tants exté­rieurs. Pour rap­pel, les blo­queurs avaient pour meneurs des membres de Soli­daires-Étu­diants, des Jeu­nesses com­mu­nistes, du NPA et de l’ultra-gauche « anar­cho-liber­taire » qui anime le réseau de squats local, dont des acti­vistes fichés S. Ce col­lec­tif d’extrême gauche blo­quait déjà une autre Facul­té, celle de Lettres, depuis plus d’un mois, le coût final de cette occu­pa­tion et des dégra­da­tions qu’elle a occa­sion­née ayant été de plus d’un mil­lion d’euros pour la col­lec­ti­vi­té publique.

                À la Facul­té de Droit, les blo­queurs venus de l’extérieur avaient déjà été repous­sés par un vote des étu­diants juristes la veille. Ils reviennent en nombre le len­de­main, 22 mars 2018, cin­quan­te­naire du début des évè­ne­ments dits de Mai-68, pour blo­quer par la force un amphi avec quelque 400 intrus et impo­ser la tenue d’une « AG » : le micro est arra­ché aux étu­diants et ensei­gnants en Droit qui essaient de s’opposer, des étu­diants sont insul­tés et moles­tés, des étu­diantes sont attou­chées sexuel­le­ment. Les occu­pants votent « le blo­cage de l’intégralité des bâti­ments de le Fac de Droit » et ce qu’ils nomment « la recons­truc­tion visuelle » de la Fac, c’est-à-dire son « taguage » inté­gral. De l’alcool et de la drogue cir­culent très vite. Les agents de sécu­ri­té exté­rieurs recru­tés dans l’urgence par l’Université sont com­plè­te­ment débor­dés et ne par­viennent pas à contrô­ler les entrées. Parce que le doyen, Phi­lippe Pétel, a fait fer­mer les toi­lettes, pour inci­ter les blo­queurs à quit­ter les lieux, ces der­niers urinent dans des bou­teilles en plas­tique et les jettent sur les per­son­nels de la Fac. Plus tard dans la soi­rée, des occu­pantes vien­dront exhi­ber devant le doyen leurs ser­viettes hygié­niques et leurs tam­pons macu­lés, les lui ten­dront et les met­tront dans les poches de son cos­tume, tout en fil­mant son humi­lia­tion, aus­si­tôt mise en ligne. Vers 20 h, un départ de feu a lieu au sous-sol du bâti­ment, rapi­de­ment maî­tri­sé grâce à la vigi­lance des ser­vices tech­niques. Aux alen­tours de 22 h, les occu­pants votent l’expulsion des der­niers oppo­sants au blo­cage qui se trou­vaient encore dans l’amphi ! Alors a lieu la pre­mière éva­cua­tion vio­lente de l’amphithéâtre – celle dont les médias n’ont jamais par­lé : les juristes sont expul­sés de l’amphi, pous­sés ou frap­pés. Des char­gés de TD sont moles­tés, un pro­fes­seur de Droit reçoit un coup de poing au visage qui lui ouvre la lèvre. Le pré­fet de l’Hérault, sol­li­ci­té à plu­sieurs reprises pour une inter­ven­tion des forces de l’ordre, répond qu’il n’interviendra à aucune condi­tion dans un bâti­ment uni­ver­si­taire. Le doyen, ses per­son­nels et ses étu­diants sont aban­don­nés par l’autorité publique.

                Vers minuit, les vio­lences et les vexa­tions com­mises par les occu­pants se retournent contre eux : ils sont délo­gés par quelques per­sonnes qui, à un contre dix, vont les mettre dehors en moins de cinq minutes. Les médias par­le­ront d’une « dizaine de bles­sés légers ». Pour­tant, le dos­sier judi­ciaire montre qu’une seule per­sonne, par­mi les blo­queurs, s’est vu recon­naître un jour d’ITT au sens pénal, pour « ecchy­moses anciennes aux membres infé­rieurs ». La seule autre per­sonne s’étant vu recon­naître une telle ITT pénale est en fait un pro­fes­seur de Droit, Jean-Luc Coro­nel de Bois­se­zon, qui a par­ti­ci­pé à l’évacuation de l’amphi de sa Facul­té et a reçu des bles­sures légères de cer­tains occupants.

                Pour­tant, la cam­pagne de presse orches­trée contre le doyen et le pro­fes­seur entraî­ne­ra leur per­sé­cu­tion par le gou­ver­ne­ment pres­sé de don­ner des gages à l’extrême gauche et à ses innom­brables relais média­tiques : la ministre de l’Enseignement supé­rieur dili­gente contre eux une pro­cé­dure dis­ci­pli­naire, qui abou­ti­ra le 6 février 2019 à une sus­pen­sion sans rému­né­ra­tion pen­dant cinq mois pour le doyen Pétel, et à une révo­ca­tion défi­ni­tive, assor­tie d’une inter­dic­tion d’exercer dans tout éta­blis­se­ment public, pour le pro­fes­seur Coro­nel de Bois­se­zon ! Paral­lè­le­ment, le Par­quet engage des pour­suites pénales, qui abou­tissent à un pro­cès les 20 et 21 mai 2021. Dès le début du pro­cès, les neuf occu­pants illé­gaux qui avaient eu l’audace de se consti­tuer par­ties civiles se désistent de l’instance, dénon­çant une jus­tice bour­geoise au « deux poids deux mesures », ce qui leur per­met­taient de se vic­ti­mi­ser une fois de plus, tout en échap­pant aux ques­tions embar­ras­santes sur leurs agis­se­ments illi­cites que l’audience n’eût pas man­qué d’occasionner. Les sup­po­sées vic­times mon­traient sur­tout par là qu’elles n’en étaient pas : une vraie vic­time ne se désiste assu­ré­ment pas d’un pro­cès. Quant au « deux poids, deux mesures », il a été évi­dem­ment inverse tout au long des dif­fé­rentes pro­cé­dures : au dis­ci­pli­naire, aucun des syn­di­ca­listes et des étu­diants par­mi les blo­queurs n’a fait l’objet de pour­suites ; au pénal, les plaintes dépo­sées contre les occu­pants ont toutes été clas­sées sans suite par le pro­cu­reur de la République.

                Ain­si le 2 juillet 2021, alors qu’il n’y avait même plus de par­ties civiles, et que les avo­cats de la défense avaient fait la démons­tra­tion de l’illégalité et de la dan­ge­ro­si­té de l’occupation, le tri­bu­nal a pro­non­cé la condam­na­tion de sept per­sonnes : le doyen Pétel est condam­né à 18 mois de pri­son avec sur­sis et 2 ans d’interdiction de la fonc­tion publique, le pro­fes­seur Coro­nel de Bois­se­zon a six mois ferme avec bra­ce­let élec­tro­nique et huit mois avec sur­sis ain­si qu’un an d’interdiction de la fonc­tion publique, la com­pagne du pro­fes­seur qui l’avait rejoint avec quelques amis à la même peine de pri­son que son com­pa­gnon, une autre per­sonne à un an de pri­son ferme et trois autres cou­ra­geux libé­ra­teurs de la Facul­té à six mois de pri­son ferme sous sur­veillance élec­tro­nique et six mois avec sur­sis. À part le doyen, tous ont fait appel de ces déci­sions faites pour décou­ra­ger tout citoyen, devant la défaillance de l’État, de défendre les biens publics – alors que « tout ce qui est natio­nal est nôtre ».

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • ARABIE-IRAN : ACCORD HISTORIQUE, par Annie Laurent

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    L’accord entre l’Arabie-Séoudite et l’Iran, signé le 10 mars dernier sous l’égide de la Chine, redistribue profondément les cartes de la géopolitique du Proche-Orient.

    Explications.

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    Le Proche-Orient va-t-il enfin trouver la stabilité ? La question s’impose après l’événement marquant qui s’y est déroulé voici près de trois mois : la réconciliation officielle entre l’Arabie-Séoudite et l’Iran. Acteurs politiques et économiques majeurs dans une région tourmentée, ces deux puissances incarnent aussi les deux branches rivales de l’islam, sunnisme et chiisme. Riyad et Téhéran avaient rompu leurs relations diplomatiques en 2016, suite à l’attaque de l’ambassade séoudienne en Iran par des manifestants voulant venger l’exécution d’un dignitaire chiite en Arabie.

    Ces retrouvailles ont été scellées le 10 mars dernier par la signature d’un accord entre les représentants des deux États qui se sont retrouvés à Pékin pour l’occasion, au terme d’un an de pourparlers secrets. Outre la réouverture de leurs ambassades, les nouveaux partenaires s’engagent à rétablir les liaisons aériennes entre leurs pays, à faciliter le pèlerinage des Iraniens à La Mecque, à ne pas s’ingérer dans leurs affaires intérieures respectives et à lancer diverses coopérations.

    Pour la Chine, les avantages sont considérables : au-delà de la sécurité énergétique que lui procure la fourniture de pétrole par l’Iran et l’Arabie, elle y gagne en prestige au niveau géopolitique, expliquait l’expert libanais Anthony Samrani au lendemain de l’entente tripartite. « La Chine veut montrer qu’elle est une superpuissance capable de rivaliser avec les États-Unis sur la scène internationale et qu’elle est un partenaire plus neutre et plus accommodant que son adversaire. Pour ce faire, quoi de mieux qu’une prouesse diplomatique dans ce qui était considéré jusqu’ici comme un jardin américain ? » (1).

    De fait, l’empire du Milieu concurrence ainsi l’influence américaine, déclinantedans les régions asiatique et arabe. Ayant rompu toutes relations avecTéhéran, suite à la révolution islamique de 1979, les États-Unis sont incapables de contribuer à l’apaisement des relations israélo-iraniennes, alors que Benjamin Nétanyahou, revenu au pouvoir en janvier 2023, menace de frapper les installations nucléaires de l’Iran et attaque périodiquement des dépôts d’armes en Syrie, pays allié de Téhéran. Affaiblis par les sanctions internationales et une révolte populaire qui,s’éternisant depuis septembre 2022,conditionne leur avenir, les dirigeants iraniens ont naturellement sollicité la médiation de la Chine à laquelle ils sont liés par un accord de coopération de 25 ans signé en 2021.

    Quant à l’Arabie-Séoudite, partenaire privilégié des États-Unis depuis 80 ans, elle a pris acte de leurs désengagements dans la région, y compris sur son propre territoire. Ainsi, l’absence de représailles de l’armée américaine,suite à des attaques attribuées à l’Iran contre des installations pétrolières d’Aramco(2019, 2020 et 2021), a choqué le royaume. Sans être rompus, les rapports entre Washington et Riyad se dégradent depuis l’élection de Joe Bidenà la Maison-Blanche (2021), l’actuel président américain n’appréciant pas certaines orientations du prince héritier Mohammed ben Salman (MBS), aux commandes du royaume depuis 2018, telles que sa neutralité dans la guerre en Ukraine et son désir de rapprochement avec la Syrie, alors que celle-ci est soumise à des sanctions internationales depuis le début de la guerre civile (2011). « L’Arabie a le sentiment de ne plus pouvoir compter comme auparavant sur son allié américain et cherche en réaction àdiversifier ses alliances », constatait récemment le quotidien libanais L’Orient-Le Jour (2). C’est cette quête d’autonomie stratégique, destinée à consolider l’influence de l’Arabie, qui a conduit MBS à multiplier les partenariats avec la Russie, la Chine et d’autres pays asiatiques.

    Pour l’héritier du trône wahhabite, l’accord avec l’Iran dépasse le cadre bilatéral. Il y voit un moyen d’imposer la primauté de l’Arabie dans l’ensemble de la région, non plus comme puissance impériale mais comme élément stabilisateur.« Le Moyen-Orient est la nouvelle Europe », déclarait-il en 2018, afin d’illustrer son projet, s’inspirant ainsi de l’exemple du Vieux Continent qui, après des décennies de guerre entre pays voisins, est entré dans une phase d’union et de coopération. En sommeil depuis cinq ans, cette idée,partagée par les six partenaires de l’Arabie au sein du Conseil de Coopération du Golfe, semble être aujourd’hui au cœur de la politique étrangère de MBS. « Il s’agit du passage de la confrontation à l’entente, des guerres à la prospérité, de l’effondrement à l’investissement », assurait récemment un dirigeant séoudien à L’Orient-Le Jour(3).Avant l’Iran, l’Arabie s’est réconciliée avec la Turquie et le Qatar.

    En voulant s’imposer comme le principal artisan de la détente régionale, le dauphin entend aussi assurer le succès de Vision 2030, l’ambitieux plan de développement qu’il a conçu pour son pays. Après l’avoir engagé sur les rails de la modernité par d’audacieuses réformes sociales puis s’être libéré de tous les défis internes, tant au niveau de la famille royale que par rapport aux hommes de religion, il lui faut le protéger d’éventuels conflits entre islamistes et libéraux, tout cela afin d’attirer les investisseurs autant que les touristes. La réalisation de ses mégaprojets lui permettra de « prendre le dessus dans la compétition qui l’oppose aux autres pétromonarchies du Golfe pour diversifier leuréconomie », note la journaliste libanaise Laure-MaïssaFarjallah (4).

    Le Yémenapparaît prioritaire dans cette stratégie. Depuis 2015, Séoudiens et Iraniens s’y livrent une guerre par relais interposés : tandis que les houthis, rebelles chiites épaulés par l’Iran, ont réussi à s’emparer de la capitale Sanaa, la coalition militaire de sept États arabes (sunnites),formée par l’Arabie pour soutenir les troupes loyalistes, ne gère qu’une petite partie du pays. L’accord de Pékin est advenu alors qu’un cessez-le-feu était observé et que des négociations de paix avaient commencé sous l’égide de l’émirat d’Oman mais l’incertitude demeure quant au renoncement des houthisà l’autonomie qu’ils ont acquise par la force armée.

    Autre priorité pour MBS : refaire de la Syrie une « question arabe », en la dégageant de la tutelle iranienne, ce qui passe par la réintégration de ce pays au sein de la Ligue arabe (22 États) dont elle avait été exclue en 2012. Une étape importante a été franchie le 19 mai avec la participation du président Bachar El-Assad au sommet réuni à Djeddah. Sa légitimitéretrouvée lui donne l’espoir d’obtenir de ses partenaires arabes les capitaux nécessaires à la reconstruction de son pays ruiné. Mais en contrepartie de sa réhabilitation, il est invité à limiter la présence iraniennechez lui.

    La Syrie avait été banniede la Ligue en réaction à la répression impitoyable du régime contre la révolte déclenchée dans la foulée des « printemps arabes » et pour avoir ainsi entraîné son peuple dans une guerre dont le bilan humain est estimé à 500 000 tués et 14millions de réfugiés éparpillés entre la Turquie, la Jordanie et le Liban. L’appartenance d’Assad à la minorité alaouite (dissidence de l’islam chiite) a permis à Téhéran de profiter de cette instabilité pour imposer sa tutelle à la Syrie. Outre l’installation de milices chiites étrangères, dont l’implantation durable n’est pas exclue, des campagnes de prosélytisme chiite ont été organisées à Damas et ailleurs. La démographie locale pourrait s’en trouver modifiée. C’est l’une des raisons, avec la peur de représailles,pour lesquelles la majorité des expatriés, de confession sunnite, ne souhaitent pas rentrer chez eux. Or ce retour est jugé prioritaire par les pays d’accueil, soucieux de se débarrasser d’un énorme poids économique.

    Le Liban est particulièrement concerné par ce problème. La présence sur son petit territoire de plus de deux millions de réfugiés syriens, équivalant au tiers de sa population, met aussi en danger son équilibre social et confessionnel, déjà menacé par le déclin de la population chrétienne, ce qui inquiète les représentants des Églises locales. À plusieurs reprises, ces derniers mois, le patriarche maronite, Béchara-Boutros Raï, a lancé des cris d’alarme à ce sujet. L’accord du 10 mars soulève également la question de l’avenir du Hezbollah, le parti chiite pro-iranien, dont la mainmise sur l’État est l’une des causes de l’effondrement du pays du Cèdre.

    Enfin, Israël semble être le grand perdant du nouvel ordre proche-oriental. Celui-ci pourrait remettre en cause les avantages diplomatiques et économiques que lui avaient offert les accords d’Abraham signés en 2020 avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc et ruiner l’espoir d’y intégrer l’Arabie-Séoudite. Son entente avec Riyad, fût-elle tactique, permet à Téhéran de contrecarrer les plans de Benjamin Netanyahou qui souhaitait construire une grande coalition arabe contre lui. « Les médias iraniens ont quasi-unanimement présenté l’annonce [de l’accord] comme une victoire contre Israël et contre les États-Unis », a-t-on pu lire sous la plume d’Anthony Samrani (5), quand des observateurs soulignent que « la Chine est un courtier diplomatique, pas un garant sécuritaire » (6).

     

     Article paru dans La Nef n° 359 – Juin 2023

  • Pour ne pas céder à la sinistrose, une pensée pour... Charles IX, le roi des ”poissons d'avril”, du muguet et du 1er jan

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    Eh, oui ! C'est en 1565 qu'eurent lieu les premiers "poissons d'avril"...

    Mais, pourquoi ?

    C'est simple...

    L'Edit de Roussillon du 9 Août 1564 de Charles IX ayant pris effet, le début de l'année a été pour la première fois fixé pour tout le Royaume au 1er Janvier, en 1565. 

    L'année commençait, avant, à des dates variables, ce qui entraînait des gênes multiples dans un grand nombre de domaines (administration, commerce...) car ces dates s'étalaient jusqu'en avril.

    On se fit donc au premier janvier, cette année-là, les petits cadeaux, ou étrennes, d'usage en début d'année.

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    Mais trois mois après, lorsqu'on arriva à l'une des plus fréquentes des anciennes dates des souhaits et des petits cadeaux, les facétieux continuèrent à s'en offrir, mais des cadeaux cette fois sans vraie valeur et pour rire, ou pour se moquer des étourdis, ou des nostalgiques. On les appela poissons d'avril car, d'après le zodiaque, la lune quitte, à ce moment là, le signe des poissons. Un jeu qui devint vite coutume, et qui s'est perpétué jusqu'à nos jours...

    Initiateur d'une autre coutume, consistant à offrir un brin de muguet le 1er mai aux dames de la Cour, Charles IX, qui n'est pas le roi le plus connu du grand public - ni celui qui a eu le règne le plus facile !... - se trouve donc être ainsi à l'origine de trois des habitudes sociales les plus répandues dans notre société, cinq siècles après son règne :

    le début de l'année au Premier janvier;

    les plaisanteries et canulards du premier avril;

    et le muguet du premier mai : galant homme, dans ces temps troublés et souvent sinistres, le roi Charles IX offrit un brin de muguet à toutes les dames de la Cour, le premier mai 1561, pour célébrer l'arrivée des beaux jours, et souhaita qu'il en fût dorénavant ainsi à chaque premier mai... Et aujourd'hui, plus de quatre siècles et demi après, nous perpétuons ainsi sa volonté, même ceux qui le font sans le savoir...

     

    Allez, une pensée pour Charles IX, et avec un peu d'avance ces quelques brins de muguet un tantinet virtuels - mais le coeur y est - pour vous aider à tenir le coup jusqu'à ce qu'ils arrivent vraiment, et qu'on puisse enfin sortir, pour les cueillir et se les offrir...

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    lafautearousseau
  • Le mépris du peuple et L'insécurité culturelle : les livres que doit lire Manuel Valls ... Selon Alexandre Devecchio *

     

    Alexandre Devecchio voit dans les résultats des départementales la preuve de la rupture entre la gauche et le peuple. Il conseille au Premier ministre la lecture de deux essais qui analysent ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire. Ce ne sont pas là des analyses ou des thèses réactionnaires, au sens de la tradition, ou de ce que nous nommons ainsi. Ce sont néanmoins des réflexions en parfaite réaction contre le Système. Et si nous n'en acceptons pas nécessairement tous les éléments ni toutes les conclusions, force est de constater, selon l'expression d'Alexandre Devecchio, leur caractère subversif du dit Système. Et ce, avec beaucoup d'autres ! Un flot ! Une vague ! Nous n'aurons pas lieu de nous en plaindre, Raphaël Glucksmann dût-t-il en être effrayé encore davantage. Lafautearousseau    

     

    Ce soir, les formations républicaines ont tenu leur place. Ce soir, l'extrême droite, même si elle est trop haute, n'est pas la première formation politique de France », a martelé Manuel Valls après le premier tour des départementales. Et de souligner: « Je m'en félicite car je me suis personnellement engagé. Quand on mobilise la société, quand on mobilise les Français, ça marche ». Une autosatisfaction qui ne doit pas masquer la réalité de ce scrutin. Certes, la déroute de la gauche a été moins lourde que ne le prévoyaient les sondages et le Premier ministre obtient un sursis politique jusqu'aux régionales. Mais le PS reste le grand perdant de la soirée. Avec moins de 20% des suffrages exprimés selon CSA, il est évincé d'environ 500 cantons dès le premier tour. Quant au FN, il obtient le meilleur score de son histoire et s'enracine dans les territoires de la France périphérique. Les classes populaires, raison d'être de la gauche, se détournent de celle-ci au profit du parti de Marine Le Pen. Entre les deux tours, Manuel Valls a pourtant décidé de persévérer dans l'incantation antifasciste qualifiant le « Ni-ni » de Nicolas Sarkozy de « faute morale et politique ». Si cette stratégie peut s'avérer payante dans l'immédiat, elle ne règle pas le problème de fond : la gauche a perdu le peuple. Pour certains observateurs, cette troisième défaite du PS après celle des européennes et des municipales est synonyme de mort lente. Manuel Valls, le 5 mars dernier, déplorait le silence des intellectuels. On lui conseillera de lire deux essais qui tentent d'analyser ce qui se passe dans les tréfonds de la France populaire : Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent) et L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    ● Le mépris du peuple

    Dans Le mépris du peuple, fidèle à son style incisif, le directeur adjoint de la rédaction du magazine Marianne, adopte le ton du pamphlet. « Marine Le Pen serait bien inspirée d'envoyer un message de remerciement à tous les idiots utiles qui lui ont fait la courte échelle, de BHL à Harlem Désir et à Jean-Christophe Cambadélis - les parrains de SOS racisme - en passant par quelques étoiles de moindre écla t» écrit Dion. Car pour le journaliste, la montée du FN est avant tout le résultat de trois décennies de diabolisation. Loin de l'avoir fait reculer, celle-ci est au contraire devenue sa principale arme: « Le bulletin FN est celui que l'on jette à la figure des notables (…) Nombre de salariés humbles, oubliés, déclassés, humiliés, abandonnés, ont fini par se dire que, si la caste politico-médiatique - celle qui fait l'unanimité contre elle - tape sur le FN, c'est que ce dernier n'est peut-être pas si pourri que ça ! ».

    La deuxième clef pour comprendre l'attrait des classes populaires pour le parti de Marine Le Pen, est, selon Jack Dion, l'alignement du PS sur les thèses néo-libérales. L'auteur regrette la métamorphose de François Hollande après son élection: « L'ennemi déclaré de la finance», s'est mué en «ami des grands argentiers », « l'homme de gauche critique à l'égard du lobby bancaire » s'est transformé en « partisan acharné de la non-réforme bancaire ». S'il achève de briser le lien de confiance entre les citoyens et les politiques, le virage à 180 degrés de François Hollande n'est guère surprenant. Comme l'explique Dion, il s'inscrit dans une lente évolution du PS depuis le tournant de la rigueur de François Mitterrand en 1983. « La première loi bancaire au monde ayant mis fin à la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt a été votée en France le 24 janvier 1984 par le président socialiste.», rappelle le journaliste. Suivront en 1986, la loi Bérégovoy sur la déréglementation financière généralisée.

    La même année, l'Acte unique européen consacre la libre circulation des personnes, mais aussi des biens et des capitaux. Pour Dion, « les marchés ne remercieront jamais assez le PS, avec l'aide efficace de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne à Bruxelles.». Non seulement, l'avènement de l'Union européenne marque le triomphe de la finance sur la politique, mais aussi celui de la technocratie sur la démocratie. « Faute de construire l'Europe des peuples dont rêvait Fernand Braudel, on a bâti l'Europe contre les peuples, en instaurant le pouvoir conjoint des oligarques et des eurocrates », conclut Dion. Et gare à ceux qui osent remettre en cause ce système. Les voilà immédiatement rejetés dans le camp des populistes, comme si « peuple » était un gros mot et qu'en faire usage était la preuve d'une dérive contraire aux valeurs universelles. Ainsi, d'après l'auteur, le débat sur le traité constitutionnel européen de 2005 a été ramené à un « clivage entre les gens de biens, membres d'une avant-garde éclairée, et les gens de peu, ignorants, bêtes et revêches ».

    Dix ans plus tard cette fracture entre l' « élite » et le « peuple » perdure et bénéficie essentiellement au FN. Plus encore que l'UMP, le PS en subit les conséquences, sans doute parce que depuis la quasi disparition du Parti communiste, celui-ci était censé incarner l'espérance des plus modestes. Manuel Valls ferait bien de méditer ce constat qui rejoint celui d'autres intellectuels de gauche: Régis Debray, Jean-Claude Michéa, Christophe Guilluy ou Jean-François Kahn. On regrettera cependant que Jack Dion élude certaines problématiques : la question de l'immigration est évoquée au détour de quelques lignes tandis que celles de l'islam ou du mariage pour tous sont tout simplement passées sous silence. L'analyse de l'auteur est fondée sur une grille de lecture marxiste des évènements où l'économie et le social priment sur les enjeux sociétaux. Si celle-ci s'avère souvent pertinente, elle ne permet pas de comprendre entièrement la singularité d'une crise dont les ressorts sont également profondément identitaires.

    ● L'insécurité culturelle

    Manuel Valls pourra donc compléter cette lecture par celle de L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet. Le style du politologue est plus consensuel et apaisé que celui de Dion, mais son propos n'est pas moins subversif. Pour l'auteur, la crise économique ne suffit pas à expliquer la montée du FN: « elle témoigne aussi d'un doute profond et insidieux sur ce que nous sommes, sur « qui » nous sommes ». Bouvet défend ainsi la notion d' « insécurité culturelle ». Celle-ci mêle deux inquiétudes nées de la mondialisation et de l'ouverture des frontières chez les classes populaires : la peur économique et sociale du déclassement mais aussi l'angoisse identitaire de voir disparaître leur héritage culturel. Pour Bouvet, l'insécurité culturelle se trouve notamment « dans les craintes exprimées à longueur d'enquêtes d'opinion par ceux que l'on nomme trop facilement les « petits Blancs », parce qu'ils rejettent l'immigration au nom de leur survie économique ou l'islam au nom de la volonté de préserver leur mode de vie».

    La grande force du FN est de répondre à cette insécurité culturelle à travers un programme qui articule à la fois protectionnisme économique et protectionnisme culturel dans une sorte de souverainisme intégral. « Le contrôle étroit des frontières que Marine Le Pen propose s'étend de manière continue des capitaux aux personnes. », souligne Bouvet. Cela explique pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas à concurrencer le Front national malgré un programme économique très proche. Si le leader du Front de gauche rejoint Marine Le Pen dans sa critique de la construction européenne, il se montre en revanche beaucoup plus libéral en matière de mœurs et d'immigration. Quant au PS, pris en étau entre les exigences imposées par Bruxelles et les aspirations sociales de son aile gauche, il parvient à séduire une partie de la bourgeoisie urbaine des grandes métropoles protégée économiquement et favorable aux réformes sociétales, mais est désormais rejeté en bloc par les classes populaires

    Pour Laurent Bouvet, la gauche radicale et le Parti socialiste ont pour point commun une vision individualiste et multiculturaliste de la société tournée vers les minorités culturelles. Et c'est finalement la stratégie du think thank Terra Nova, - qui, durant la présidentielle de 2012 recommandait au PS de se tourner vers les jeunes, les diplômés, les femmes et les immigrés, plutôt que vers les classes populaires - qui s'impose. Selon lui, il s'agit d'une faute politique : les intérêts catégoriels des différentes minorités sont trop disparates pour former une coalition électorale stable et cohérente. Mais aussi d'une faute morale : la gauche s'éloigne de son ambition originelle d'émancipation sociale et collective et ouvre la porte aux communautarismes sur fond de choc des civilisations. Injustement accusé de dérive identitariste, Bouvet semble au contraire profondément redouter la guerre du tous contre tous. A travers son livre, il appelle avant tout la gauche à renouer avec un projet commun. Dans une interview récente à l'excellent site Philitt, il rappelait ainsi : « Le « jeune de banlieue » et le « petit blanc » ou « Français de souche » ont davantage d'intérêts communs que divergents, ils ont en commun des intérêts sociaux notamment, et disent la même chose de ceux d'en-haut. Ils leur reprochent la relégation, l'abandon, l'oubli… les choix de politiques publiques.» Manuel Valls les entendra-t-il ? 

     

    ● Le mépris du peuple, comment l'oligarchie a pris la société en otage de Jack Dion (Les Liens qui libèrent)

    ● L'insécurité culturelle de Laurent Bouvet (Fayard).

    * Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Chaque semaine, il y observe le mouvement des idées. Passionné par le cinéma, la politique et les questions liées aux banlieues et à l'intégration, il a été chroniqueur au Bondy blog. Retrouvez-le sur son compte twitter @AlexDevecchio

     

  • L’Union européenne à la recherche de l’inflation perdue

     

    par Olivier Pichon

     

    Quand Mario Draghi se prend pour Indiana Jones 

    Tous les plus de trente ans se souviennent que l’inflation, jusqu’en 1985, était présentée comme le fléau économique par excellence – « Ce pelé de galeux d’où nous vient tout le mal !» – et toutes les politiques économiques s’employaient à la combattre. On verra par la suite que le phénomène n’avait pas que des inconvénients. Néanmoins, toute la politique monétaire de l’Union européenne fut bâtie sur l’idée qu’il fallait à tout prix éviter les facilités monétaires et, en France par exemple, qu’il ne fut plus possible à la banque de France de racheter des actifs bancaires. En bref, de permettre aux français d’emprunter aux Français.

    Mieux encore les institutions monétaires européennes, la Banque centrale européenne fut construite, à l’origine, sur le modèle de la Buba (Bundesbank) allemande, indépendante des pouvoirs publics. Ce, afin de se soustraire à la tentation des facilités monétaires génératrice d’inflation. Et patatras ! Voilà que cette politique de désinflation compétitive porta à ce point ses fruits que le mauvais génie inflationniste des Etats fut anéanti. Le règne de l’euro pouvait commencer. Sauf que, sous la protection de celui-ci, les États s’endettèrent, son prestige aidant, il devint un pousse-au-crime de l’endettement et du déficit public. La Grèce étant la forme hyperbolique de cette logique, néanmoins suivie par la majorité des États.

    Ainsi, les deux piliers de la théorie dominante, le keynésianisme, se trouvent désormais infirmés, la politique budgétaire crée des déficits qui ne font pas repartir la croissance et la politique monétaire (cheap money) crée des bulles spéculatives sans que la croissance, non plus, soit au rendez- vous, le tout aggravé par la mondialisation.

    Depuis quelque jours, Mario Draghi, formé à l’école de Goldman Sachs, a fait passer le taux directeur de refinancement de la BCE de 0,05 % à 0 %. Dès le 16 mars, le taux de dépôt s’établissant à –0,4% et le taux d’escompte est, quant à lui, encore positif à 0,25%. Quelle signification à cette mécanique des baisses ? Faire à tout prix, c’est le cas de le dire, de la « cheap money », idée keynésienne selon laquelle la monnaie à bon marché permet de retrouver le chemin de la croissance. On aura compris qu’il s’agit de lutter contre la déflation – tardivement reconnue – cette langueur de l’économie qui fait que les prix ne remontent pas et que l’espérance d’un peu d’inflation n’est pas au rendez-vous. Pour l’heure, l’Europe est à 0,1% de dérive des prix, autrement dit : inflation nulle. C’est pourquoi Mario Draghi a sorti la grosse artillerie, de l’arsenal du QE (Quantitative easing).

    Insurmontables contradiction de la politique économique européenne

    Donc l’inflation c’est bon, nous dit-on, mais toutes les institutions monétaires européennes ont été établies pour lutter contre ce mal qu’elles combattaient et qui a disparu. Pire encore, les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont été violés pour faire face au nouveau contexte économique. Nous avons donc des institutions créés contre un mal qui a disparu et violées pour lutter contre son contraire. Nous sommes dans la logique du pharmacos grec. Remède et poison, la désinflation fut un remède à l’inflation et l’inflation est un remède à la déflation. Le moins que l’on puisse dire, est que le médecin européen ressemble fortement à ceux de Molière et que ces aller-retours discréditent non seulement la science économique mais compromettent gravement la crédibilité de la BCE et les outils traditionnels de la politique dite monétaire. Cela doit nous conduire à repenser radicalement la discipline et les dogmes qui ont prévalus jusqu’à nos jours. Empêtrée institutionnellement par une Commission non élue, voilà maintenant l’UE en faillite intellectuelle dans ce qui constituait le champ privilégié de ses compétences : la monnaie !

    La découverte de l’Amérique et… de l’inflation

    Qu’est-ce, au fond, que cet objet tant désiré par nos dirigeants ? S’est-t-on suffisamment interrogé sur sa nature ? Ce grand angevin du XVIe siècle qu’était Jean Bodin, fut le premier à émettre ce que l’on appelle la théorie quantitative de la monnaie. Observant les arrivées d’or et d’argent des Amériques au XVIe siècle, il avait rapproché l’évolution du stock d’or – permettant l’augmentation du monnayage – et le prix du setier de blé en forte hausse. Il en avait déduit génialement sa théorie dans une Réponse au paradoxe de M. de Malestroit touchant l’enchérissement de toutes choses, et le moyen d’y remédier. Alors que Malestroit avait publié un rapport sur la hausse des prix en France, en l’attribuant principalement aux mutations qui modifient la valeur des monnaies – généralement voulues par le monarque -, Jean Bodin estime, au contraire, que l’inflation résulte essentiellement de l’afflux d’or et d’argent en provenance du Nouveau Monde.

    Les délices perdus de l’inflation

    On peut dire que les eurocrates sont dans la position du sire de Malestroit et qu’ils ne voient guère plus loin que la technique de manipulation monétaire dont était coutumier le pouvoir. En réalité, l’inflation n’est pas seulement la croissance de la masse monétaire, comme le prouve d’ailleurs la situation d’aujourd’hui où le QE n’en produit pas. L’inflation est un phénomène de course prix/salaires typique des années 60-70. Mais, dès lors que, aujourd’hui, les dirigeants politiques ont accepté la mondialisation, ils ont accepté la concurrence, voire l’hyper concurrence. L’ouverture inconsidérée des frontières a été la vraie cause de la chute des prix et de la stagnation des salaires. La mondialisation est, par nature, hyper concurrentielle, et ce n’est pas un hasard si l’on observe que la courbe des prix s’infléchit en raison inverse du degré d’ouverture des économies à partir de 1985/ 1990. Voilà pourquoi Mario Draghi a peu de chances de voir revenir l’inflation. On ne peut vouloir le beurre de l’inflation et l’argent du beurre de la mondialisation. L’économie européenne s’emploie déjà, depuis deux ans, à faire remonter les prix sans succès, un peu comme si l’on voulait faire avancer une voiture au démarreur, avec des chances certaines de vider la batterie. Ainsi, de nouveaux programmes de refinancement seront proposés aux banques pour une durée de quatre ans au taux de 0%. Si le volume des prêts d’une banque est supérieur à un certain niveau, celui-ci pourra bénéficier de taux négatifs jusqu’à -0,40%. Les banques toucheront ainsi de l’argent de la BCE pour prêter ! Quoiqu’il en soit, l’Europe est gagnée par un réflexe déflationniste typique, à savoir que les prix baissent parce que les agents économiques attendent qu’ils baissent encore et, pendant ce temps, ni d’embauche, ni d’investissement, ni d’achat. L’inflation des Trente Glorieuses, il faut s’en souvenir, permettait de contourner le mécanisme psychologique des salaires nominaux en faisant baisser les salaires en termes réels.

    Les taux négatifs, un phénomène jamais vu dans l’histoire

    On a affaire à un phénomène totalement nouveau hors inflation. En effet, en situation d’inflation, le taux de l’emprunt nominal peut être inférieur au taux de l’inflation : c’est le taux d’intérêt réel (= nominal moins inflation). En revanche, en situation de baisse des prix, cela ne s’est jamais observé. Une situation tout à fait inédite qui incite, encore une fois, à se poser la question de la pertinence des dogmes économiques et, partant, de ceux qui prétendent s’y conformer. La BCE a d’ailleurs révisé, à la baisse, ses prévisions d’inflation et de croissance jusqu’en 2017, en prenant acte, par la même occasion, d’un autre phénomène : celui de la baisse du pétrole qui, décidément, ne fait rien pour aider à « reflater »les prix. Dans ce dernier cas, on peut se demander, aussi, si la pénurie n’a pas été artificiellement organisée – pour faire remonter les prix – et que le désordre et l’anarchie concurrentielle n’ont pas, eux aussi, contribué à empêcher la remontée des prix dudit pétrole. Ainsi, par exemple, pour la première fois, l’Arabie Saoudite, dont la contribution quantitative au marché du pétrole est significative, n’a pas fermé le robinet du pétrole, participant peu ou prou au phénomène déflationniste en cours, préférant vendre son pétrole à 40 dollars maintenant qu’à 20 dollars demain. En situation déflationniste le vendeur fait le contraire de l’acheteur, il veut précipiter la vente tandis que l’acheteur préfère attendre une nouvelle baisse.

    Quid du déposant lambda en situation de taux négatifs ?

    En bonne logique, tous les épargnants sont pénalisés par l’inflation qui ronge les rentes, c’est la fameuse euthanasie des rentiers (Keynes). Avec l’ampleur des dettes publiques, l’inflation aurait le grand avantage de les faire fondre. C’est la véritable raison de l’appétence de l’oligarchie européenne pour la hausse des prix. Mais les taux négatifs sont une punition pour les épargnants. On peut parler de taux punitifs, même s’ils sont une récompense pour l’emprunteur. Les premiers, en Allemagne (Bayerische Sparkassen Verbank, union des caisses d’épargne bavaroises) par exemple, lassés des taux négatifs, ont fait pression sur les banques pour qu’elles stockent du cash, donc moins de dépôts à la banque centrale et moins de taux négatifs. C’est une des raisons pour laquelle l’UE essaye de lutter contre le cash, sous couvert de lutter contre l’argent des mafias. Mais, en l’occurrence, la morale à bon dos. Beaucoup de crimes contre la liberté de disposer de ses biens sont commis en son nom. L’épargne est très malmenée dans ce contexte européen. La banque commerciale, où vous avez votre compte, devra-t-elle vous rendre moins que le dépôt initial avec le taux négatif ? Le volume de l’épargne, en France, est d’environ 2 500 milliards d’euros. Une somme totalement dépendante des taux directeurs fixés par la BCE. On peut s’amuser à faire le calcul d’une nouvelle spoliation !

    Bref, voilà qui laisse mal augurer de l’UE, elle qui a déjà démontré largement qu’elle était une chimère institutionnelle et économique. Maintenant qu’elle touche au portefeuille, cela peut constituer un argument décisif, une claire raison d’en finir avec l’oligarchie eurocratique. 

  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [II]

    Henri de Gissey, Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris, pour célébrer la naissance du dauphin 

    La diversité des lieux

    En chantier permanent, Versailles et ses jardins sont le théâtre de nombreuses improvisations. Saint-Germain et Fontainebleau offrent de grandes salles de spectacles, mais c’est l’éphémère et le surprenant qui dicteront l’organisation des divertissements non moins somptueux à Versailles. Comme nous l’avons vu plus avant, c’est à travers d’ingénieux mécanismes, de scènes et décors démontables, de théâtres de verdure et en trompe-l’œil, que le roi divertit sa cour. Le château ne pouvant, quand les Plaisirs de l’île enchantée sont joués, accueillir les six cents invités. À travers ces architectures provisoires faites de treillages et de jeux d’eau, le roi permet aussi au peuple de se divertir et de piller les buffets.

    Cependant, à mesure que les travaux du château avancent, le roi accueille de plus en plus souvent en intérieur, en témoigne le premier souper donné dans le château à l’occasion d’une grande fête telle que les Fêtes de l’Eté de 1674. Ce n’est qu’en 1682 que Louis XIV décide de construire un théâtre dans l’aile Nord du château. Jules Hardouin-Mansard et Vigarani sont sollicités pour cette entreprise mais les travaux commencés resteront inachevés. Les pièces de théâtre et de musique continuent ainsi d’être jouées sur des scènes éphémères avec cependant une évolution : le manège de la Grande Écurie récemment bâtie accueille Persée de Lully, puis un théâtre est construit dans la cour des Princes, où sont jouées des comédies. Au Trianon de marbre, Louis XIV assiste à des opéras dans une salle initialement dévolue à la comédie. Progressivement, les divertissements prennent place dans des lieux dédiés, à l’image de l’appartement, au cœur de l’agenda festif des gentilshommes de la cour.

    Les soirées d’appartement sont une occasion privilégiée pour les sujets de se rapprocher du roi. L’étiquette est suspendue le temps d’une soirée pour qui a été invité. Dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon en parle ainsi : elles se déroulent trois fois par semaine, entre sept et dix heures du soir. À cette occasion, le roi offre à ses invités musique, jeux et rafraîchissements. Le Mercure galant, journal fondé en 1672 par Donneau de Visé, traite ainsi des soirées d’appartement à la cour de Versailles : elles suivent un protocole particulier, en dehors des grandes cérémonies publiques. Le duc d’Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre, s’occupe des invitations en accord avec le roi. La garde est restreinte et la liberté de parler est entière. Les appartements, richement ornés, sanctuarisent un espace d’intimité entre le souverain et sa cour. Le roi passe ainsi de table en table, d’un jeu à un autre, et ne souhaite pas que l’on s’interrompe ni ne se lève pour lui. Donneau de Visé écrit : « On dirait, d’un particulier chez qui l’on serait, qu’il fait les honneurs de chez lui en galant homme. » Le cabinet du Billard est installé dans le salon de Diane, le salon de Mercure est réservé au jeu de la famille royale. Avec le temps, le roi se rend de moins en moins à ces soirées, leur préférant les soirées chez Madame de Maintenon pour travailler avec ses ministres. Cependant, il désirait toujours que ses sujets jouissent des plaisirs qu’il leur prodiguait. Quiconque s’attachait à plaire au roi se rendait à ces soirées.

    Les nombreux jeux de la cour

    Les grandes fêtes comptent de nombreuses déclinaisons hétéroclites. « Louis XIV aimait les femmes et le pouvoir […] il s’amusa et amusa la noblesse à des ballets et à des carrousels. » [1] dit Anatole France. Cette diversité des jeux sanctuarise le rythme de vie de la cour, habituée aux grandes manifestations festives comme aux événements plus intimes. Parmi les jeux de soirée d’appartements, on compte les cartes ou le billard que Monsieur et Monseigneur affectionnent particulièrement. De nombreux jeux apparaissent et disparaissent ainsi au gré des modes : le piquet, le trictrac, le whist, ou encore le brelan, le joc vers 1675, le lansquenet en 1695.

    Mais les jeux prennent souvent plus d’ampleur. À l’occasion de la naissance du Dauphin, le 1er novembre 1661, est organisé un carrousel l’année suivante les 5 et 6 juin 1662. Le carrousel est d’origine italienne, le terme est issu de la contraction de deux mots latins : « carrus-soli », qui signifie « char du soleil ». Il est hérité des tournois médiévaux, intermédiaire entre les parades équestres et les jeux de guerre italiens, et consiste en un jeu militaire composé d’une suite d’exercices à cheval exécutés par des quadrilles de seigneurs richement vêtus, entremêlés de représentations allégoriques tirées de la fable ou de l’histoire.

    L’événement se tient devant le palais des Tuileries. On aménage pour l’occasion la place en carrière, en plaçant devant un amphithéâtre. Un pavillon destiné à recevoir les reines, Marie-Thérèse et Anne d’Autriche, est dressé et prend la forme d’une architecture croisant les ordres dorique et ionique. Dans les étages supérieurs et inférieurs de la tribune richement ornée de velours violet garni de fleurs de lys, plusieurs personnalités de la cour prennent place. Le premier jour, entre dix-mille et quinze-mille personnes sont rassemblées sur la place, parmi lesquelles beaucoup d’étrangers et les notables parisiens. Le roi entre en scène suivi de Monsieur – le frère du roi –, du prince de Condé, du duc d’Enghien et du duc de Guise. Ils arrivent par la rue Richelieu, vêtus à la romaine dont le roi prend la figure de l’empereur portant un casque d’or serti de diamants et paré de roses. Son costume est fait de brocart d’argent rebrodé d’or et de pierres précieuses. Le harnois de son cheval et de couleur feu et d’éclats d’or, d’argent et de pierreries. Il est entouré de cavaliers musiciens dits de la brigade romaine et s’en va saluer la reine. Le second groupe de cavaliers est vêtu à la perse, et commandé par Monsieur. Le troisième est vêtu à la turque, et commandé par le prince de Condé. Le quatrième est vêtu à la mode des Indes, et commandé par le duc d’Enghien. Paraît enfin le duc de Guise, vêtu en roi des sauvages d’Amérique, dont le chapeau est garni de branchages. Au total, on estime à plus de mille le nombre de cavaliers lors de ce ballet équestre qui se poursuit par les courses de têtes contre une tête de turc et une autre de méduse. Le second jour est celui des courses de bagues : elles consistent à enfiler à la lance, en plein galop, une bague pendue par une ficelle à une potence. D’origine guerrière, cette tradition s’est adoucie depuis la mort d’Henri II en 1559, blessé à l’œil par un éclat de lance de bois. Bien que ce type de divertissement tende à s’effacer, le Grand Dauphin lui-même organise des carrousels en 1685 et 1686 : le premier est celui des « Galans Maures », où les participants sont coiffés de têtes de dragons, de harpies, trompes d’éléphants, bouquets de plumes, le second celui des « Galantes Amazones », donné dans la cour des grandes écuries. Il s’agit d’un divertissement galant, où « trente dames et trente seigneurs auront le plaisir de divertir la cour à leurs dépens. » [2] écrit la marquise de de Sévigné dans une de ses lettres.

    Au contact de la nature dans la campagne giboyeuse de Versailles, la chasse est un sport particulièrement prisé par les Bourbons, notamment par Louis XIII qui aimait à se retirer dans son pavillon de chasse pour chasser le gibier à plumes ou le gros. Sous Louis XIV, la vénerie royale a la taille d’un petit village, et représente plusieurs centaines de chiens et de chevaux, et six cents personnes en ont la charge. La chasse à courre est un divertissement marquant la domination du roi sur la nature, à laquelle participe un public restreint resserré autour de la figure du souverain. À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV crée le Grand parc de chasse. C’est un vaste domaine clos par un mur dès 1683, avec une superficie de 11 000 hectares, forêt de Marly comprise, à la fin du règne. Pour assouvir son amour de la chasse, Louis XIV l’inscrit à l’étiquette : le matin, le roi gouverne, l’après-midi, il chasse. Parfois mais rarement, elle remplace même le conseil quand la journée est belle. Cette chasse prend deux formes : la chasse à tir se tient dans le grand parc, la chasse à courre en forêt. Le grand veneur accompagne le roi et a le privilège de se tenir à sa proximité. Ce privilège est tel que, sous le règne de Louis XV, Dufort de Cheverny rapporte : « Mon assiduité à la chasse plaisait au Roi. Je redoublai et M. le duc de Penthièvre me rencontrant un jour me dit : « Le Roi vous permet de prendre l’habit de l’équipage ». Il m’aurait donné un gouvernement, il ne m’aurait pas fait plus plaisir. » [3] À l’instar des soirées d’appartement, la chasse est un divertissement prisé des gentilshommes désireux de participer aux heures de détente royale.

    La France fait une spécificité de ces fêtes qui, peu à peu, font du royaume le cœur du divertissement européen où s’épanouit le mythe français. Cette idée fait l’objet de la troisième partie de cet abrégé.  (à suivre)   

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    Antoine Trouvain, Le Jeu de Portique, Deux fils du Grand Dauphin : duc d’Anjou (futur Philippe V d’Espagne) et duc de Berry (Charles de France), prince de Galles et comte de Brionne


    [1Anatole France, Le Génie latin, p. 140.

    [2Lettre 899

    [3N. Dufort de Cheverny (1731-1802), Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution. 

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    Le Rouge et le Noir