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Rechercher : La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

  • Les orages qui menacent..., par Jean-Philippe Chauvin.

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

    Il m’est arrivé, jadis, d’évoquer un été meurtrier, et cela concernait des événements terroristes ou géopolitiques qui frappaient ou bousculaient notre pays. Mais, s’il est possible de reprendre cette formule en ces mois de chaleur de l’an 2020, il n’est pas exagéré de dire qu’elle s’applique désormais à toutes les catégories qui classent les activités humaines, et elle annonce, plus qu’elle n’inaugure, une année scolaire 2020-2021 qui s’annonce plus que mouvementée et incertaine :

    jean philippe chauvin.jpgl’histoire n’est jamais finie, et cette période toute particulière née dans une région qui a vu, au milieu du XIVe siècle, les premiers effets d’une peste que le Moyen âge qualifiera de « grande » ou de « noire » dans toute son horreur, nous le rappelle à l’envi.

    Si l’on suit distraitement les déclarations des grands vecteurs d’opinion et des États parfois débordés, « Tout est sanitaire » ! C’est ce que l’on pourrait dire en parodiant une citation célèbre mille fois répétée dans les années de ma jeunesse par les militants maoïstes ou gauchistes qui venaient nous entretenir de la révolution prochaine à la sortie de mon lycée quand, jeune lecteur de Maurras, je répliquais, pour dénier cette « totalité », par une formule tout aussi péremptoire mais un peu moins contraignante : « Politique d’abord ! ». Et je suis toujours (et sans doute encore plus, les années passant) aussi sceptique sur ce message « totaliste », car il me semble que, si les activités humaines se déploient dans de multiples directions, c’est justement parce qu’elles n’ont pas (et ne sont pas) un sens unique, fût-il historique comme le pensait, à tort, Karl Marx. La santé, qui occupe tant nos esprits et nos corps aujourd’hui, n’est pas le tout d’une société, et son importance, parfois vitale au sens littéral du terme, ne doit pas nous faire oublier les autres domaines dans lesquels se déploient les intelligences et les énergies humaines. Ce qui me navre dans la période actuelle, c’est que la lutte nécessaire contre la maladie nous fait parfois oublier d’autres combats, tout aussi nécessaires et vitaux, ou, plutôt, nous les embrume. Le devoir du politique, qu’il soit celui de l’Etat ou de ses opposants du moment (qui en seront peut-être les détenteurs le lendemain, même si la période n’est guère favorable aux bouleversements électoraux ou institutionnels, du moins tant que la « crise » - qu’elle soit sanitaire ou économique, d’ailleurs – n’est pas en voie d’achèvement), est de protéger les populations locales (dans le cadre d’une nation, le plus souvent, dans les pays d’Europe) et de prévenir les dangers du lendemain pour mieux assurer « cet avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie ». Cela n’enlève rien à la responsabilité et à l’initiative personnelles, mais forme un cadre protecteur qui favorise l’une et l’autre sans forcément s’y substituer.

     

    Je vois plusieurs périls s’approcher de nos sociétés, s’ils ne sont déjà là (car, en fait, ils ne naissent pas de la crise sanitaire qui en noircit de plus en plus grassement les contours en même temps qu’ils grossissent à vue d’œil) : péril économique, péril géopolitique (voire militaire), péril civilisationnel. Le chômage de masse, la destruction d’une grande part de l’économie réelle (ou « présentielle », nouveau terme qui a pris son envol public depuis mars dernier), l’asséchement industriel mais aussi agricole, etc. : le choc risque d’être terrible, malgré les amortisseurs sociaux que la France, généreuse pour certains quand d’autres la disent dispendieuse (mais ce reproche est-il forcément valable quand tant de nos compatriotes risquent de basculer dans la désespérance sociale ?), a mis en place depuis les années 1940, pendant et après la guerre et l’Occupation. Déjà, je vois s’éteindre nombre de petits commerces que je fréquentais, de Versailles à Ploubalay, de Dreux à Lancieux, de Rennes à Dinan, et j’en suis malheureux… Le grand gagnant de cette terrible époque paraît être le numérique, avec ses GAFAM conquérants et intrusifs, voire invasifs : ne dit-on pas que les entreprises numériques ont engrangé des centaines de milliards de dollars (car, « chez ces gens-là », on parle en dollars, pour paraphraser Jacques Brel…) durant les derniers mois et que ceux à venir devraient accélérer, un peu partout, le basculement de nos sociétés dans « le nouvel âge du numérique impérial et obligatoire » ? Une perspective vantée par les oligarchies qui se piquent de modernité et d’intelligence artificielle… Le monde décrit par Isaac Asimov et Aldous Huxley n’est plus du domaine de la littérature : nous y sommes, nous y vivons ! Du péril économique, nous voici ainsi confrontés au péril civilisationnel d’une « domination de la Technique » ou, plus encore, de l’algorithme…

    Un autre péril a pris de plus en plus de consistance, profitant de la covid-19 : quand la Chine met définitivement fin à l’illusion démocratique-occidentale à Hong Kong par une loi de sûreté nationale qui fait de toute critique de l’appareil communiste une atteinte à l’identité chinoise, les opinions publiques et leurs États respectifs détournent les yeux, se réfugiant dans une sorte de « souverainisme négatif » tout à fait hypocrite en expliquant que « c’est aux Hongkongais de régler leurs affaires, pas aux Occidentaux »… Si l’argument peut s’entendre, il n’en marque pas moins cette grande peur, désormais, d’une vengeance économique chinoise et une sorte de fatalisme bien entretenu depuis un bon nombre d’années en Europe qui veut que, trop « petits » (sic), des pays comme la France ne peuvent réagir, même diplomatiquement et politiquement, ce que, dans ce cas précis, le Royaume-Uni a démenti en ouvrant officiellement les bras à 3 millions de citoyens de l’ancienne colonie britannique : l’Union européenne, qui compte 450 millions d’habitants et se veut vertueuse et si « droits-de-l’hommiste », a moins de courage, en somme (et sans doute parce qu’elle ne se pense que comme un « Marché » sans politique autre qu’une vague gouvernance économique et administrative), qu’un pays qui vient de connaître la pire récession de son histoire ! Péril géopolitique certain ? Mais ce n’est pas le front le plus proche pour la France qui se trouve directement confrontée à la puissance néo-ottomane de M. Erdogan, avec une poussée de fièvre certaine depuis le 10 juin, quand un navire français qui voulait faire respecter l’embargo sur les armes à destination de la Libye s’est retrouvé directement menacé par plusieurs bâtiments turcs. Le plus inquiétant est sans doute l’absence de solidarité des autres membres de l’OTAN à l’égard de la France (seuls 8 pays ont soutenu la France sur les 30 de l’Organisation…), confirmée ces jours-ci par la même « timidité » de l’Union européenne et des Etats qui la composent, en particulier de l’Allemagne, quand les navires turcs ont violé, à plusieurs reprises et de façon ostensible, le territoire maritime de la Grèce et que la France est intervenue (fermement et pacifiquement, mais diplomatiquement et militairement par l’envoi de deux Rafales et de deux navires sur place), s’attirant les foudres du sultan, éructant contre notre nation et usant d’un vocabulaire plus belliciste qu’apaisant… La cause n’est pas entendue, et les semaines qui viennent risquent bien d’être aussi l’occasion de tensions dont il faut souhaiter qu’elles ne débouchent pas sur un « dérapage » : l’histoire des deux derniers siècles nous rappelle qu’elle n’a guère été heureuse pour la France en été, de 1871 à 1939, sans oublier le terrible mois d’août 1914…  

     

    Ces sombres nuages qui s’accumulent au-dessus de « notre cher et vieux pays » portent en eux des orages dont il s’agit de se protéger, puisqu’il est difficile de les éviter complètement. Cela passe par un nécessaire renforcement de l’État, non sur le plan administratif (il est déjà bien trop lourd !), mais sur le plan politique et diplomatique, et par un réarmement civique (et moral, ajouterait Renan) de la nation française : « Armons, armons, armons ! », n’est pas une simple formule militaire, elle doit se comprendre aussi comme une formule éminemment politique. Plus notre pays se donnera les moyens de sa puissance, moins les risques qu’il soit un bouc émissaire ou une proie facile pour les Empires seront élevés : Louis XII l’avait bien résumé par son emblème, le porc-épic, et sa formule fort évocatrice : « Qui s’y frotte s’y pique ! ». Mais, pour cela, il faut aussi une volonté politique de long terme : si je ne méconnais pas celle de M. Macron (mais n’est-ce pas, parfois, « panache et sabre de bois » ?), il me semble qu’elle ne peut trouver de véritable efficacité que dans son enracinement dans la continuité, dans une lignée qui dépasse les hommes de l’aujourd’hui pour s’inscrire dans les siècles à venir et redonner sens à la « figure de la France » aux yeux de ses citoyens comme des nations étrangères.

     

    Macron, avant d’être Chef de l’État, avait évoqué « la figure du roi » : sans doute est-ce bien celle-là qui pourrait incarner le mieux, au travers de ses visages successifs, de ses visages qui vieillissent au rythme de la vie et rajeunissent par le souverain suivant, la longue destinée d’une France qui, simplement, veut vivre sans oublier ses devoirs nationaux et internationaux. Cette France au long cours dont le monde a besoin…

  • Le déclin, pire, l'abîme..., par Philippe Bilger.

    Je cherchais un titre pour ce billet. J'avais déjà "le déclin" mais j'avais du mal à trouver le second mot qui, dans mon esprit, devait signifier que la France était atteinte en profondeur. 

    9.jpgDavantage par le délitement de ses institutions, de ses services publics, par l'éclatement de la communauté nationale en mille communautarismes, par la disparition de l'autorité à tous niveaux et la perte de notre civilité commune, que par l'industrialisation disparue de notre pays et dont l'absence est responsable de tant de drames sociaux et de misères personnelles.

    Je ne parvenais pas à trouver ce substantif décisif, hésitant entre "dilution" et "toucher le fond", quand j'ai eu la chance d'avoir entre les mains l'essai d'Eric Revel "Fenêtre de tir", qui sera publié le 7 octobre chez Ring. Déplorant le naufrage de la France - qualifié d'abîme -, l'auteur en appelle à un sursaut sur tous les plans, qui imposera principalement un retour de l'autorité.

    C'était "abîme" qui me manquait et dont j'ai hérité grâce à ce livre.

    Une distinction doit en effet être faite entre le déclin, sur lequel il y a quasiment consensus de tous les responsables politiques, et l'abîme.

    La conscience du déclin industriel de la France est apparue cruciale, terrifiante, au début de l'année 2020 quand la pénurie de masques, par exemple, nous a frappés de plein fouet. Certains n'avaient pas attendu cette crise pour ouvrir les yeux. On pourra dire ce qu'on voudra d'Arnaud Montebourg, il n'empêche qu'il a perçu, plus vite que d'autres, la plaie nationale de cette industrialisation défaillante et de la délocalisation de beaucoup d'activités essentielles dans d'autres pays moins regardants sur le plan social.

    Le déclin a une définition très concrète qui renvoie à des déficits, à des territoires négligés, voire abandonnés, à des faillites, à une sinistrose sociale et économique, à une désertification, à la réalité d'une France coupée en deux, celle des grandes métropoles et celle d'un pays se sentant oublié et qui a donné ses plus importants bataillons aux Gilets jaunes.

    Mais ce constat, résultant de politiques calamiteuses, pourra être réparé par d'autres politiques parce que, au fond, il suffirait d'une volonté, d'une constance, d'une action, pour combler ce que la réalité d'aujourd'hui a de déplorable. Pour refaire de la France un pays qui, après avoir pleuré ses manques, pourrait les compenser et se féliciter de ses avancées.

    Certes les difficultés ne seraient pas minces. Il n'est toutefois pas si utopique de restaurer un tissu industriel et de reconstituer ainsi un pays qui n'aurait plus l'impression d'être ici ostracisé parce qu'il aurait été privilégié là.

    L'abîme fait référence à une France au fond du trou, engluée dans un désastre d'autant plus irrésistible qu'il paraît concerner toute la structure nationale, son école, sa justice, ses cités parfois autarciques et imprenables, sa population française de coeur ou par décret, sa politesse collective, sa police, son pouvoir présidentiel, ses citoyens.

    À l'évidence il ne suffirait pas de se relever les manches pour éradiquer un climat de morosité absolue, pour extirper le poison coulant dans les veines de notre pays et lui redonner confiance en lui-même. Il faudrait non seulement de l'autorité - Eric Revel a raison - mais plus encore, la vertu qui fait défaut partout, surtout au sommet de l'Etat: le courage.

    Ce n'est pas en un quinquennat que le sursaut nécessaire pourrait être accompli. En tout cas il serait déjà engagé. Je n'ose imaginer les efforts qu'une démocratie rénovée, à la fois humaine et efficace, devrait accomplir sur le long terme pour rattraper des années de démission institutionnelle, sociale et régalienne. Elle aurait à substituer à un conglomérat du mépris une civilisation du respect, à des communautés sans foi ni loi une société de la concorde et du rassemblement.

    Ce futur ne sera jamais notre lot si nous continuons à faire preuve de cette démagogie, de cette faiblesse effrayante, destinées seulement à nous démontrer que nous sommes bons, mais en oubliant l'intérêt et le destin de la France ; et de la France dans le monde.

    La distinction entre le déclin surmontable et l'abîme inéluctable me semble d'autant plus pertinente qu'elle explique en grande partie les discours extrémistes et radicaux, même si les angoisses ne sont pas les mêmes (heureuse élection tout de même de Yannick Jadot contre Sandrine Rousseau, éco-féministe intégriste).

    Leur tonalité laisse entendre, contre la gauche et la droite conventionnelles, que les politiques classiques ne sont plus vraiment agréées, parce qu'elles ont échoué et laissé le citoyen sur sa faim, au fil des engagements non tenus et d'une République très douée pour le verbe solennel mais moins pour la sauvegarde de son identité. La réalité, sur quelque plan que ce soit, n'autorise plus un discours mièvre ou tiède.

    Le déclin nous laisse une chance. L'abîme ferait de notre renaissance un miracle.

    Source : https://www.philippebilger.com/

  • Le politiquement correct vire à la maladie mentale

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [6.01] Mathieu Bock-Côté pointe la pure et simple folie à quoi conduit le politiquement correct. En l'espèce, en s'en prenant aux oeuvres d'art. Faudra-t-il brûler les livres comme aux pires époques, dénaturer les oeuvres de l'esprit les plus pures, pour satisfaire stupidement à l'air du temps ? Allons ! Mathieu Bock-Côté a raison.  LFAR  

     

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    Par Jean-Philippe Chauvin 

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    Les démocraties occidentales sont malades, et elles sont d’abord malades de leurs classes dirigeantes, de ce que nous nommons en France « le pays légal » et qui, depuis des décennies, prend la forme d’élites dirigeantes et dominantes, autant sur les plans financier et économique, autant que sur ceux de la politique et de l’idéologie, élites de moins en moins engagées par les notions de service et d’humilité. Depuis quelques années, la séparation entre les catégories sociales (doit-on parler de « classes » ?) se fait plus visible et, aussi, plus vive : le creusement des inégalités, conséquence sociale de la mondialisation et de son imposition au sein même des sociétés anciennement constituées, a débouché sur la montée des injustices, qui ne sont rien d’autre que des inégalités démesurées, bien loin des inégalités justes et protectrices qui ordonnent toute société humaine et politique. 

    Dans son éditorial de Marianne de cette semaine, Natacha Polony valorise la thèse de David Adler, chercheur en science politique, selon laquelle « ce sont les centristes qui sont les plus hostiles à la démocratie, pas les extrêmes » : une formule étonnante mais qui ne surprendra pas vraiment ceux qui connaissent leur histoire contemporaine et qui ont suivi les évolutions idéologiques des classes dirigeantes depuis la fin de la Guerre froide. Effectivement, et la récente crise des Gilets jaunes, à la fois crise sociale et éminemment politique, l’a amplement démontré, parfois au-delà de toute raison, les propos des partisans du président Macron et de ses « ralliés récents » n’ont guère brillé par leur sens de la nuance, au risque de jeter régulièrement de l’huile sur le feu quand il aurait fallu apaiser sans mépriser les révoltés des ronds-points. Bien sûr, il y a eu, au début décembre, ce « réflexe de la peur » qui a parcouru les catégories centres-urbaines des métropoles devant cette colère parée de jaune et qui a fait trembler jusqu’aux ors de l’Elysée : l’épisode de l’hélicoptère prêt à évacuer le locataire des lieux, le 8 décembre dernier, est aussi révélateur qu’il est triste… Mais les réactions des lecteurs des grands journaux sur leurs forums de discussion respectifs sont encore moins rassurantes sur l’état de division de notre pays, et la violence des propos des « assiégés » (comme certains se définissaient eux-mêmes) contre les manifestants « ignorants, vulgaires, gueux » ont pu légitimement choquer ceux qui cherchent plutôt le dialogue (même sans concession) que la brutalité. Les réseaux sociaux en ont aussi été la lice virtuelle, non moins parcourue des fureurs et tremblements que la rue, de Rennes à Paris, de Bordeaux à Lille… 

    vendredi-22-juin-la-revue-de-presse-de-natacha-polony-20180622-1116-4b60f9-0@1x.jpgL’article de Natacha Polony a choisi d’insister sur les violences et appels à la répression issus des rangs du « pays légal » macronien, ce qui, d’une certaine manière, rompt avec la doxa de la grande presse, inquiète de la tournure prise par des événements qui semblent échapper à ceux qui tiennent le Pouvoir depuis si longtemps sous des masques divers. Il est vrai que la nouvelle loi anti-casseurs n’a rien de rassurant, en fait, comme l’a souligné le député conservateur Charles de Courson, « centriste catholique » qui n’oublie pas ses racines ni les leçons de l’histoire, y compris celle de sa propre famille, au point d’apparaître en dehors de ce « centrisme totalitaire » dénoncé par Mme Polony. Cela rejoint d’ailleurs la réflexion des royalistes qui considèrent que les traditions (au sens premier du terme, « transmission » d’un héritage immémorial et toujours vivant) sont les meilleures protections contre les dérives du moment présent, plus « immédiates » et souvent moins mesurées, faute de prise de hauteur temporelle ou historique*.  

    La violence des casseurs des derniers samedis parisiens qui, par leurs actes étrangement impunis dans la plupart des cas, cassent d’abord de l’intérieur le mouvement des Gilets jaunes en s’en prenant de plus en plus aux manifestants « originels » de l’automne, donne des arguments faciles au Pouvoir dont ils sont les providentiels alliés pour déconsidérer le mouvement d’ensemble. Cela permet au gouvernement de M. Castaner de se poser en « garant de l’ordre et de la sécurité », ce qui est tout de même le comble quand on peut constater la montée incessante de la délinquance (et de sa relative impunité, faute d’une réponse adaptée et concrète) dans notre pays et son coût pour les victimes et la société ! Mais le gouvernement n’en a cure, et il renforce son arsenal répressif en visant explicitement les Gilets jaunes, ces « empêcheurs de politiser en rond » selon l’heureuse expression d’un orateur royaliste entendue il y a peu. Sans doute faut-il y voir effectivement un symbole, comme le souligne Natacha Polony qui ne prend guère de gants avec l’Etat macronien : « Derrière les mises en scène de démocratie participative, la volonté farouche de se prémunir contre un peuple qui a la fâcheuse tendance à mal voter. (…) Quand un candidat « raisonnable » propose de lutter contre les « prurits populistes », quels qu’ils soient, tous les moyens sont bons. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit nullement de défendre la démocratie, mais de défendre un système économico-politique considéré comme le meilleur pour garantir la stabilité et la prospérité. Quitte à le défendre contre l’ignorance coupable des peuples, qui persistent à ne voir que le chômage de masse et leurs fins de mois difficiles au lieu de s’extasier sur le progrès garanti par l’avènement du grand marché global. Emmanuel Macron ne gouverne pas pour le peuple français mais pour la préservation de ce système, au besoin contre une large partie du peuple. » Ainsi, le Grand débat national, que les royalistes ne boudent pas car soucieux de présenter leurs points de vue et de crédibiliser leur force de proposition, n’est sans doute qu’une opération de diversion qui n’a pas pour vocation de remettre le système en cause mais de le remettre à flots, ce qui n’a pas exactement le même sens ni la même portée… 

    incident1-1.jpgLa sévérité de Mme Polony ne s’arrête pas à ses quelques lignes reproduites plus haut : « Nulle « troisième voie » dans le macronisme. La colère engendrée par quatre décennies de marche forcée vers la dérégulation, le libre-échange, l’abandon de toute protection non seulement des salariés, mais surtout des filières industrielles et agricoles, la financiarisation de chaque domaine de l’action humaine, et la paupérisation par la logique du low cost, aboutit à des formes diverses d’insurrection (…). Et ces insurrections deviennent le prétexte pour réduire les libertés publiques, mais aussi les capacités de décision de citoyens considérés comme des irresponsables, ou pis, des ennemis du bien commun. Ce faisant, on ouvre un boulevard aux extrêmes, dans un concours de radicalité. » Si la révolte vient de loin, et l’on pourrait s’étonner qu’elle vienne si tard (trop tard ? Souhaitons que non !), la répression s’attache à « maintenir l’ordre présent du système », ce qu’Emmanuel Mounier, personnaliste chrétien du milieu du XXe siècle, baptisait de cette formule définitive de « désordre établi ». Maurras parlait d’utiliser toutes les possibilités offertes par la contestation ou par le système lui-même pour établir la Monarchie, mais c’est la République actuelle qui pratique le mieux sa formule bien connue « Par tous les moyens, même légaux » pour préserver sa domination sur le pays… 

    « On finira bien par restaurer la monarchie, un jour, contre la dictature et l’anarchie », écrivait jadis Eugène Ionesco dans un article célèbre du Figaro Littéraire paru en 1969. Si j’avoue ne pas considérer le président Macron comme un dictateur, à l’inverse de son ministre de l’Intérieur M. Castaner qui n’en est, pour l’heure, qu’un apprenti maladroit et violent, la situation de notre pays, elle, apparaît bien anarchique, entre le libéralisme sans frein (malgré quelques limites liées à notre histoire nationale et à celle de son Etat-providence) et les désordres urbains (à ne pas confondre avec les manifestations sur les ronds-points, entre autres), et, s’il y a dictature, c’est celle du règne de l’Argent, de cette « fortune anonyme et vagabonde » qui semble inaccessible aux notions de justice sociale et de partage équitable.

    4152207496.2.jpgAlors, oui, au regard de ce couple infernal qui asservit nos compatriotes et désordonne notre société historiquement constituée, c’est bien la Monarchie royale qui peut réaliser cette synthèse entre l’ordre nécessaire à toute cité pour être et durer, et les libertés publiques qui font battre le cœur de notre nation… 

    « La Monarchie est aussi, elle est surtout, la dernière chance de la liberté », affirmait Thierry Maulnier dans les années trente : n’attendons pas le pire pour nous rappeler de cette sage et si politique réflexion…** ■ 

     Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

    * C’est aussi ce qui explique que la Monarchie, par essence, est plus éloignée des tentations totalitaires que les Républiques qui s’appuient sur les « émotions de masse » et sur une sorte d’instantanéité sans mesure, privilégiant la passion à la justice qui, souvent, nécessite un enracinement dans le temps long pour être véritablement ce que l’on peut attendre d’elle, la légitimité de la décision arbitrale. 
    ** Un prochain article évoquera la riche et profonde pensée de Thierry Maulnier sur la Monarchie, d’une grande actualité aujourd’hui pour « penser l’après-Gilets jaunes ».
  • La France était une démocratie. C’était avant…, par Christian Vanneste.

    Ainsi donc, Brune Poirson claque la porte de l’Assemblée Nationale. Madame s’ennuie sans doute. Mais elle continuera à naviguer dans les eaux macroniennes en demeurant responsable des relations internationales de LREM, et en tant qu’administratrice de la Fondation de la Mer, elle restera dans son élément favori, celui de la biodiversité marine, et donc de la transition écologique dont elle a été chargée durant 3 ans comme secrétaire d’Etat.

    christian vanneste.jpgManifestement, l’Assemblée, ses électeurs, ça compte peu chez la diplômée de la Kennedy School de Harvard entrée par le haut dans la politique, par les cabinets. Elle attend désormais de nouvelles fonctions. Le terme “fonction” est significatif. Pour elle, être députée, ce n’est pas une mission au service d’une nation, pour écrire la loi et contrôler le pouvoir exécutif, au nom d’électeurs, c’est un job, “en marche” dans une carrière, en passant pourrait-on dire. C’est Delevoye qui lui a attribué la 3e circonscription du Vaucluse par l’entremise d’Hubert Védrine. La vague macronienne a fait le reste d’autant plus que Marion Maréchal, élue dans le mandat précédent, avait eu le grand tort de déserter le combat. Pas la moindre trace de cet enracinement qui faisait la force des “députés de terrain” accrochés à leur terre d’élection, souvent titulaires de mandats locaux. Ce qui l’intéresse est l’écologie et rien d’autre que ce soit à New-York, à Londres, à Nagpur ou ailleurs. Elle a la double nationalité américaine et française et a travaillé souvent à l’étranger, notamment en Inde pour Veolia où elle a laissé un souvenir périssable en obtenant le Prix Pinocchio du développement durable de l’Association Les Amis de la Terre dans la catégorie “Une pour tous, tout pour moi”. Un grand quotidien indien anglophone a montré en effet que la distribution d’eau s’était peu améliorée, et que les prix avaient augmenté.

    Ce départ est révélateur de la décrépitude de la démocratie en France. Il y avait en 1965 un Président élu avec une participation de 85% aux deux tours. Le choix était équilibré entre de Gaulle et Mitterrand. L’actuel locataire de l’Elysée, élu dans des circonstances douteuses après l’élimination du favori par un coup d’Etat judiciaire, a été élu avec un soutien quasi unanime des partis et des médias contre Marine Le Pen et avec 75% de participation. Dans le premier cas, les électeurs avaient choisi de Gaulle. Dans le second, ils ont refusé Marine Le Pen. En 1958, l’abstention aux élections législatives était de 25%. Pour l’Assemblée actuelle, elle a été de 57% amenant au Palais Bourbon une masse de nouveaux venus et de socialistes recyclés élus grâce à la potion magique macronienne. Le député du début de la Ve République était désigné par des électeurs qui le connaissaient. Il détenait souvent un autre mandat, local. Enfin le décalage entre le mandat présidentiel et le législatif donnait à l’élection des députés une autonomie qui leur conférait une véritable importance. Ils ne sont plus que les commis de la Présidence, et il a fallu les maladresses de celle-ci et de ses relais pour que certains se rebellent quand même avec le grand risque d’être écartés lors de la prochaine investiture. Bref, il n’y a plus de séparation des pouvoirs et donc comme le dit le préambule de notre constitution : “Toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée, n’a point de Constitution.”

    On comprend que l’ex-ministre ne juge pas cette activité parlementaire digne de ses talents, et qu’elle préfère s’adonner à ses sujets de prédilection, plutôt que de s’attacher à répondre aux exigences de ses électeurs et plus encore à celle du bien commun. Ce débat intérieur qu’un vrai parlementaire doit connaître intéresse fort peu les écologistes en général. Mme Poirson était sincèrement favorable à la taxe carbone, inutile pour l’environnement, mais indispensable selon M. Philippe pour soutenir le budget. L’écologie politique est sans doute aujourd’hui avec l’islamisme le plus grand danger pour la démocratie française. Comme le montrent les maires si mal élus de plusieurs grandes villes françaises : les priorités idéologiques appuyées sur la coercition doivent passer sur le corps des résistances et des traditions : Tour de France, arbres de Noël,  aéro-club, et surtout la bagnole, cet instrument de liberté, sont désormais proscrits partout où règne la terreur verte.  Mais quel crédit ont des élections municipales avec 55 et 58 % d’abstentions d’un tour à l’autre, séparés par une longue trêve, qui ont entraîné d’abord une reconduction massive des sortants et ensuite une vaguelette verte dans les villes les plus importantes ? A Bordeaux, seuls 38% des électeurs s’étaient déplacés !

    Enfin, la députée dépitée est franco-américaine, comme M. Valls est franco-espagnol et désormais conseiller municipal centriste de Barcelone, comme Mme Esther Benbassa, sénatrice,  est franco-turco-israélienne. N’est-il pas irresponsable d’accepter que des représentants du peuple français, en charge d’une part de sa souveraineté, dans des domaines où le choix de l’intérêt national est primordial et peut être en conflit avec celui d’autres Etats, soient “entre-deux”, ou plutôt selon eux, au-dessus, près de leur idéologie et loin du peuple ?

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • La démocratie sans la Monarchie, c’est l’oligarchie

     

    Par Jean-Philippe Chauvin 

     

    1262631406.jpgNous sommes en République, et non en Monarchie… Peut-être, après tout, M. Macron aurait-il été un bon ministre du roi, voire un « régent acceptable » selon la formule d’un collègue professeur qui sait ses classiques ! Mais la République, elle, par son principe électif même et son idéologie centralisatrice, et par ses véritables maîtres que sont les féodalités de l’Argent, empêche toute bonne politique sur le long terme et décrédibilise les meilleures intentions quand elle décourage les meilleures volontés.

    Les élections qui ont bouleversé le « pays légal » avec la formation d’une « Chambre bleu Macron », démontrent à l’envi que, selon la formule tirée du « Guépard », « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Si les têtes sont nouvelles, l’esprit reste souvent le même, et la République se confirme à travers ce nouveau « pays légal » qui ne représente pas exactement le, ou plutôt « les pays réels ». Les nombreuses enquêtes sur les candidats de « La République en marche » confirment que ceux-ci appartiennent plus aux catégories aisées qu’aux classes populaires… Le problème n’est pas qu’il y ait des « privilégiés » au Palais-Bourbon (il peut même être heureux qu’il y en ait, de chef d’entreprise à haut fonctionnaire) mais qu’ils soient surreprésentés quand les catégories moins aisées en sont quasiment absentes ! Ainsi va la démocratie représentative qui n’est rien d’autre, en somme, qu’une forme d’oligarchie plus ou moins discrète, et cette démocratie-là, alibi du pouvoir des « puissances économiques d’abord », est critiquable, condamnable, parfois détestable à l’usage. 

    Soyons clairs quand les démocrates revendiqués ne le sont pas, bien prompts plutôt à tricher sur le sens des mots pour imposer leur domination sur tous, et en vanter la légitimité, « la seule acceptable » (sic !), bien sûr… Redonnons leur sens aux mots et regardons leur pratique concrète : la démocratie, si l’on en croit l’étymologie grecque, c’est le pouvoir du peuple. Mais il faut aller plus loin : c’est le pouvoir du plus grand nombre au sein de ce peuple qui, lui-même, n’est souvent qu’une partie plus ou moins importante de la population de l’espace civique considéré.

    Dans l’histoire, le mot et la chose apparaissent à Athènes, au cinquième siècle avant notre ère, et la démocratie se veut directe, les décisions les plus importantes et les plus politiques étant prises par la majorité des citoyens présents sur la colline de la Pnyx, à l’ecclesia. Cela finira mal, car l’opinion la plus nombreuse et la plus courante n’est pas forcément la raison ni l’intérêt commun. Athènes en fera l’amère et cruelle expérience, et perdra sa liberté par sa faute et son arrogance toutes démocratiques… 

    Aujourd’hui, la démocratie directe s’applique peu dans notre pays, car la République lui préfère la démocratie représentative, ce que nous pourrions appeler la démocratie d’apparence, forme à peine déguisée d’une oligarchie qui prend les traits de parlementaires, de ministres et de présidents forcément provisoires, mais aussi ceux d’une sorte de « classe discutante » destinée à « tenir l’opinion ». C’est ce qu’illustre magnifiquement le film « Le Président », dans lequel Jean Gabin, président du Conseil d’une République qui ressemble surtout, il est vrai, autant à la Quatrième qu’à la Troisième, s’en prend aux députés, même de gauche, dont les intérêts personnels se trouvent d’abord dans le domaine économique et financier, et qu’il dénonce cette sorte de « démocratie de connivence ». (voir ce passage du film ) 

    D’ailleurs, quand la République, désormais avec mauvaise grâce, se plie à l’exercice du référendum, elle n’en respecte pas forcément le résultat s’il ne lui convient pas, à elle ou à l’Union européenne, comme les électeurs français ont pu le constater avec colère et ressentiment après le vote de 2005… De plus, cette colère des électeurs, de plus en plus vive mais mêlée souvent de fatalisme, se traduit par une abstention électorale importante (cette « sécession du peuple » qui rappelle celle des plébéiens romains de l’Antiquité), qui atteint désormais plus de la moitié de l’électorat, les plus absents étant ceux des générations montantes et les classes populaires : désaveu d’une démocratie parlementaire dans laquelle une grande partie du « pays réel » ne se reconnaît plus et ne retrouve pas ses propres préoccupations et aspirations. Désaveu terrible, gros de tempêtes futures… 

    La Couronne, (8.07)

  • Démocratie & Ironie • Porte de Versailles

     

    par Ph. Delelis

     

    Le président des syndicats agricoles est arrivé tôt sur les lieux, ce samedi 29 février 2020, pour inaugurer le nouveau Salon de la Politique qui se tient Porte de Versailles. Suivi d’une impressionnante délégation d’éleveurs, il a parcouru les stands des différents ministères à grandes enjambées. Malgré la délicieuse odeur d’imprimante et la douce chaleur des ordinateurs, l’ambiance était sous haute tension entre les exposants – ministres et fonctionnaires – et les provinciaux venus visiter la plus grande administration de France.

    Les paysans étaient protégés par un important service d’ordre ce qui a permis d’éviter des affrontements directs mais n’a pas empêché les exposants de les huer et, plus généralement, de leur manifester une réelle hostilité. Certains responsables politiques ont ainsi ostensiblement tourné le dos à la délégation agricole. Le reproche majeur fait par l’administration aux professionnels de la terre, depuis des années, est qu’ils ne savent pas apprécier à leur juste valeur les efforts déployés pour leur bien être. Au terme d’un dialogue franc et cordial avec le ministre de l’Agriculture, le président des paysans a conclu que chacun devait faire son devoir et que, s’agissant des reproches qui étaient faits à ses troupes, il fallait prendre en compte l’attitude égoïste de leurs collègues européens sans compter celle de son prédécesseur, incapable notoire.

    L’arrivée des céréaliers, considérés comme les bons élèves de la CSP par l’administration, a permis de relâcher un peu la pression. On a pu échanger quelques bons mots sur le stand du ministère de l’Ecologie et y déguster un nouveau projet de loi transposant la directive sur les produits « bio », lu par un sociétaire de la Comédie Française. On déplore cependant un incident grave sur le stand de Clémentine situé à quelques mètres de là. On sait que cette année, la vedette du Salon est une fonctionnaire émérite du Quai d’Orsay, Clémentine, qui a vécu la dernière session de négociation sur l’ancienne politique agricole commune à Bruxelles. Alors qu’elle paissait tranquillement dans son enclos, racontant ses souvenirs aux badauds, une ramette de papier A4 de fort grammage fut lancée dans sa direction.

    Heureusement, Clémentine n’avait rien perdu des réflexes acquis au cours de sa longue et brillante carrière dans les bureaux : faisant preuve d’une souplesse que sa corpulence ne laissait présager, elle réussit à détourner l’objet contondant par un mouvement de son avant-bras gauche. La police cherche encore à identifier l’auteur de cet attentat. Heureusement, l’état d’urgence a permis d’arrêter une douzaine de personnes, dont trois mineurs, toujours interrogées à l’heure actuelle. En privé, un ministre se plaignait que les agriculteurs « profitent une fois par an du Salon de la Politique pour faire de belles promesses » mais en repartent sans réelle intention ni d’ailleurs possibilité d’améliorer la production et de faire baisser les prix. Désabusé, il concluait : « Tout ça finira mal ». 

  • Pas de démocratie sans alternance !, par Christian Vanneste.

    L’alternance est le propre de la démocratie libérale, le signe indiscutable de son bon fonctionnement. Les Anglo-saxons, qui ont inventé ce système politique, le pratiquent depuis maintenant longtemps. Satisfaits de leurs gouvernants et de leurs élus, ils les reconduisent. Déçus, ils les virent, et les opposants arrivent au gouvernement avec de nouvelles propositions. Parfois, la continuité est plus forte que le changement.

    christian vanneste.jpgPlus un pays est capable de supporter des changements radicaux, plus il est proche de l’idéal démocratique qui permet à un peuple d’explorer les différentes possibilités et de retenir les meilleures. Ainsi, l’arrivée de Attlee et des travaillistes en 1945, malgré le rôle de Churchill dans la victoire des alliés, était un signe éminent de démocratie. La social-démocratie s’est installée au Royaume-Uni avec le modèle de l’Etat-Providence. Elle a perduré malgré une alternance régulière entre les travaillistes et les conservateurs jusqu’en 1979, où le peuple britannique a pris la mesure du déclin inexorable auquel le condamnait cette politique. Cette année-là eut lieu une véritable alternance, avec une majorité conservatrice décidée à réintroduire une politique résolument de droite fondée à la fois sur la primauté de la responsabilité individuelle et sur un patriotisme qui, dans la paix comme dans la guerre, ne cachait pas sa volonté de servir les intérêts britanniques. Cette ligne fut suivie pendant 18 ans, et laissa place à un nouveau changement de majorité lorsque les Britanniques eurent le sentiment que l’idéologie conservatrice allait trop loin et accentuait par trop les inégalités et la détérioration des services publics. Une monarchie symbolisant l’unité des « nations » qui composent le royaume, des élections uninominales à un tour par circonscription qui favorisent l’émergence de majorités de gouvernement claires et nettes, constituent les ingrédients d’une recette réussie, qui évite les révolutions, mais permet des évolutions importantes. Le système américain est plus complexe, d’abord en raison du fédéralisme étendu sur un large territoire et sur une vaste population qui créent des variations dans les orientations idéologiques des deux partis, ensuite par son souci primordial de l’équilibre des pouvoirs issus de processus démocratiques : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. La limitation du pouvoir par le pouvoir, ce précepte cher à Montesquieu, est également un principe de la démocratie libérale, mais il modère les oscillations de la politique. Le fait que Trump, sur plusieurs points, change radicalement la politique des Etats-Unis est une excellente chose, mais c’est aussi la cause de l’opposition farouche qu’il rencontre.

    En dehors de ces deux exemples qui brillent par leur durée exceptionnelle, il y a d’autres solutions moins nettes. La Suisse compense la continuité du pouvoir fédéral, consensuel, par le poids des pouvoirs locaux et par l’usage constant du référendum. Les démocraties sans alternance de pays asiatiques comme le Japon correspondent à des mentalités « holistes » où le groupe l’emporte toujours largement sur l’individu. La démocratie libérale n’est pas un modèle universel. Elle a besoin d’un terreau mental, sociologique, historique, religieux. La France, pays catholique tenté par le protestantisme, est à mi-chemin des vieilles démocraties du nord et de celles plus récentes du sud. La Ve République l’a clairement orienté au nord, avec l’intention de consolider l’exécutif, de donner au législatif la clarté et la continuité que procurent les élections uninominales. Le bouleversement de 1981, s’il a été catastrophique pour le pays, a été la preuve que la France était devenue une démocratie libérale adulte. Malheureusement, depuis des modifications institutionnelles inutiles et dangereuses, ont enrayé la bonne marche du système. En 1986, le passage à la proportionnelle voulu par les socialistes a empêché l’alternance de porter ses fruits. Il a fallu attendre 1995 pour que Mitterrand quitte l’Elysée, et deux ans plus tard, les socialistes reprenaient le pouvoir à Matignon. On a cru mettre fin à cette incohérence des « cohabitations » avec le quinquennat, c’est-à-dire l’élection « conjointe » du Président et de l’Assemblée. C’était passer de Charybde en Scylla : on a instauré un régime, non pas présidentiel, mais personnel. Celui-ci était tempéré parce que la majorité gouvernementale était marquée idéologiquement et pesait sur les choix de l’exécutif. Avec l’arrivée de Macron et d’une majorité hétéroclite de rescapés du socialisme, de carriéristes qu’on croyait « de droite » et sans doute aussi de « yaka-fauquon » pleins de bonne volonté venus de la société civile, qui n’ont été élus que par l’adhésion à sa personne, la France a glissé sans s’en rendre compte dans une autocratie, un pouvoir personnel, qui n’est plus du tout une démocratie libérale.

    D’abord, il n’y a pas eu d’alternance en 2017, alors que le pouvoir en place était totalement discrédité. C’est une partie de ses membres qui a organisé la succession à travers le coup d’Etat médiatico-judiciaire qui a évincé le représentant de l’opposition, François Fillon, porteur d’une véritable alternative. Depuis, c’est la politique social-démocrate inspirée par Macron, au secrétariat général de l’Elysée puis au ministère de l’économie, sous Hollande, qui est poursuivie avec des dépenses publiques en augmentation et des prélèvements fiscaux excessifs freinés heureusement par la révolte des gilets jaunes. Des mesures techniques en faveur des entreprises et de l’investissement mobilier ainsi que des opérations de redistribution, dans les deux cas défavorables aux classes moyennes, ne sont en rien « libérales ». Par ailleurs, sur tous les autres sujets, c’est la gauche qui l’emporte : une politique de sécurité en berne avec une explosion de la délinquance, une poursuite du soutien à l’immigration, un progressisme sociétal qui introduit la PMA pour les lesbiennes comme Hollande avait instauré le « mariage gay ». Si on ajoute à cela une restriction de la liberté d’expression par la loi, une surprenante coïncidence des exigences des parquets avec les intérêts du pouvoir, une surexposition médiatique du président soutenue par des médias courtisans, on se rend bien compte que notre pays n’est plus une démocratie. Est-il normal que notre président se mêle des élections municipales parisiennes ? Est-il tolérable que la réponse de la majorité au naufrage de Griveaux soit de réduire la liberté des réseaux sociaux ? Est-il digne d’une démocratie que des « journalistes » se fassent les complices d’une telle politique ? Evidemment, non !

  • Le garde chiourme de la démocratie républicaine...

    " Nous ne sommes pas dans le même camp"
    Didier LALLEMENT, Préfet de police de Paris à une dame Gilet Jaune.


    Le gouvernement et la caste bourgeoise sont donc en guerre contre le peuple.
    C'est entendu.

    Code de déontologie de la police nationale, article R. 434-29 – Devoir de réserve : "Le policier est tenu à l’obligation de neutralité".



  • Démocratie de l'émeute ?

     

    580234331.2.jpg

    Le président de la République est bien gentil quand il nous dit qu'il ne veut pas d'une « démocratie de l'émeute ».

    Personne ne veut, d'ailleurs, d'une démocratie de l'émeute. Sauf les Black-block, les Antifas et les racailles-pillards des banlieues,  contre lesquels justement presque rien n'a été fait. En ce moment et depuis des années. Ils ont trop opportunément servi à discréditer les Gilets jaunes pour qu'on décide des mesures pourtant assez simples qui les auraient empêchés d'infiltrer les cortèges des dits Gilets jaunes  chaque samedi soir à la nuit tombante. Car imagine-t-on des manifestations aussi déterminées que sans violence, sans désordre et sans casse ? Et que les Français continueraient aujourd'hui de soutenir massivement car les difficultés, les affres, même, des Gilets jaunes ils les connaissent trop bien et ils les vivent eux aussi ? Quel risque, quelle situation immaîtrisable c'eût été ! Les violents, les casseurs, les voyous, la pègre ont été en la circonstance l'aubaine du Pouvoir. Comme toujours, comme dans toute révolution, figurez-vous ! Alors, Emmanuel Macron reprend la main, remonte dans les sondages et retourne une partie de l'opinion. Il reforme le vieux parti de l'ordre. De l'ordre prétendu - sur la nature et la qualité duquel on ne sera pas trop regardant, bien-entendu. Et les médias des oligarques au secours du macronisme de relayer à l'envi la formule lénifiante : « Je ne veux pas d'une démocratie de l'émeute »...

    NantesChateauMuséeNoyades-768x586.jpgTelle est pourtant, de fondation, la démocratie française. Nous ne disons pas : toute démocratie. Nous disons : la démocratie française. Macron nous rabâche sur tous les tons - ton du prêcheur doucereux, voix de velours et regard langoureux de séducteur charismatique ou ton exalté du prédicateur évangélique, gestes saccadés et voix criarde. - qu'il ne veut pas d'une « démocratie de l'émeute ». Mais la démocratie française justement est née de l'émeute et du sang. Faut-il rappeler au Chef de l'État quelles sont les origines historiques de la démocratie française ? Nous serions bien étonnés qu'il puisse nous démontrer qu'elle n'est pas née de l'émeute, violente, sanglante, génocidaire. De l'émeute, de la Terreur et de la guerre. Inutile d'en dresser le détail ni d'en brosser le tableau, n'est-ce pas ? (Photo, Les noyades de Nantes).

    Dans une conversation sérieuse, Macron serait bien en peine de plaider le contraire, lui qui, en 2015, avait, à l'étonnement général, dont le nôtre, déploré l'absence de roi et s'était dit convaincu que les Français n'avaient pas voulu la mort de Louis XVI. Chacun sait qu'elle fut votée quand-même sur fond d'émeute, d'où les voyous, les sanguinaires et les pillards n'étaient pas absents. Façon de dire d'ailleurs : ils tenaient le haut du pavé et faisaient sans cesser monter les enchères du crime et de la Terreur. La Révolution française - d'où naquit notre démocratie - n'a rien eu de démocratique. Elle a connu plus de têtes au bout des piques que de bulletins de vote.   

    Danton Marat Robespierre.JPGSuccesseurs des Robespierre, des Danton, Marat et autres scélérats, les présidents de la République française ont une sorte d'ADN qui tient de cette origine émeutière et sanglante et qui leur colle à la peau - en vérité à leur être profond - bien plutôt que le sparadrap  Benalla dérisoire aux basques d'Emmanuel Macron. Qu'elle le veuille ou non, la démocratie française est émeutière.   

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité
  • En lisant Philippe de Villiers

     

    par Hilaire de Crémiers

    Dans Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu, Philippe de Villiers exprime tout son dégoût d’un système corrompu et corrupteur. Mais, au-delà du réquisitoire, se dégage un discours de politique empirique.

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgUn livre vient de paraître dont la pertinence politique est aujourd’hui d’une absolue évidence. Accessible à tous. Le moment est venu de dire ce que j’ai vu (Albin Michel) de Philippe de Villiers éclaire de l’intérieur le drame français. Comment se fait-il que la France, l’un des pays les plus puissants au monde, soit arrivé à ce point de décrépitude en quelques décennies ?

    Philippe de Villiers, sans faire de théorie, en expose les causes, en livrant le récit – haut en couleurs, il est vrai – de ce qu’il a vécu. Son expérience personnelle d’homme politique suffit, mais d’un homme politique qui a l’innocence de croire à ce qu’il dit et l’intelligence de donner du sens à ce qu’il fait. Apparemment, c’est extrêmement rare. Incompatible, en tout cas, avec le système en vigueur.

    « L’emburenage » politicien

     La classe politique française dans son ensemble – il y a toujours des exceptions – a renoncé à la France. Ceux qui vivent de la politique, en faisant allégeance au régime tel qu’il est, se privent de la liberté première d’être tout simplement français. Consciemment, inconsciemment, c’est ainsi. Des théories absconses dont leurs esprits inconsistants se satisfont et qui fixent tous leurs comportements intellectuels et politiques en les orientant sur on ne sait quel sens de l’histoire, leur ont fait perdre tout sens de la France.

    De Giscard à Hollande, en passant par Mitterrand, Chirac et Sarkozy, c’est manifestement la même fausse logique qui les a tous entraînés à mépriser concrètement la France pour ne prendre en considération que des évolutions générales, dites « modernes », dont le monde, d’après cette théorie simpliste, serait porteur : une sorte d’hégélianisme et de marxisme à la mode libérale et capitaliste, un « sous-Ricardo » indéfiniment revu et corrigé, au gré des circonstances, par les économistes et les penseurs à la mode, leur tient lieu de pensée.

    Rien de français dans ce ragoût idéaliste et matérialiste, les deux à la fois, composé fondamentalement de salmigondis anglo-saxons et germaniques. Mais y- a-t-il encore une pensée française ? Est-il seulement permis de penser français? Les quelques journalistes et intellectuels français, même venus de la gauche, qui commencent à se rendre compte de cet effroyable esclavage de la pensée, s’insurgent à juste titre. Est-ce là l’aboutissement de la République ?

    Eh bien, telle qu’elle fonctionne, oui ! Les vertus dont ils pensaient créditer le régime, n’étaient, en effet, qu’à mettre au crédit de la France. Les politiciens ont toujours vécu de cette ambiguïté : la France vraie, la République de principe, le régime sordide dont ils vivent. La France vivait et vit encore avec ses familles, ses soldats, ses industriels, ses commerçants, ses artisans, ses agriculteurs, ses professeurs et instituteurs, ses magistrats, ses gens de justice, ses ingénieurs, ses ouvriers, ses patrons…

    Cette réalité ne demande qu’à vivre, à prospérer et à se perpétuer dans ses hautes traditions qui savent, d’ailleurs, par elles-mêmes , parfaitement se renouveler ; mais, là-dessus, se hausse un monde politicien qui n’est, dans sa combinaison partisane, qu’une super structure inutile et qui vit sur la « bête ». Seuls ceux qui sont en charge d ’intérêts collectifs réels peuvent appréhender ce qu’est réellement la politique. Mais les professionnels de la politicaillerie – généralement des nantis intouchables de la fonction publique –, sont en réalité des monstres.

    Des forcenés qui ne vivent que pour satisfaire leurs ambitions. Voilà l’origine du malaise des Français, de la société française, jusque et y compris dans sa vie morale et artistique. Ça commence à se dire et à se savoir, tant mieux ! Il suffit de lire Villiers. L ’affaire des colonnes de Buren est de ce point de vue emblématique. De gauche , de droite, ces gens-là nous « emburenneront » jusqu’au cou !

    À voir par exemple, le sort réservé chez nous à un Maurice Allais, l’économiste – prix Nobel – qui a tout prévu de ce qui allait se passer, il apparaît à l’évidence qu’une réflexion française, propre à la France et, par ailleurs, bénéfique pour les nations, ne saurait même être envisagée par la dogmatique dite « républicaine » qui impose aujourd’hui ses articles de foi et son système d’inquisition.

    Cette dogmatique qui ose se dire « française », est totalement aliénée, dépendante de quatre ou cinq lieux communs qui bêtifient les esprits, privent les Français de toute vraie liberté et les livre aux forces ennemies, sur notre territoire même, à l’islamisme singulièrement, au mondialisme financier pareillement.

    Entrer en dissidence

    Une telle pensée, totalitaire à l’intérieur, tout en faisant de la licence sa règle, est, par nature, sur l’extérieur, perméable à toutes les influences étrangères ; elle se laisse dicter ses principes de conduite par les grands cercles mondialistes – est-il besoin de les énumérer ? – et qui, comme par hasard, sont au service d’intérêts économiques énormes, multinationaux, transnationaux, qu’aucun scrupule n’embarrasse ; ils détruisent tout sous leurs rouleaux compresseurs : les peuples, les nations, les moeurs, les lois, les coutumes, les habitudes de vie, les civilisations. Transformer le monde en masses indifférenciées de consommateurs-producteurs, voilà le but. L’immigration de masse ne gêne pas les cosmopolites apatrides!

    Ainsi les dirigeants français, ont-ils tout cédé à une Europe technocratique qui ne leur appartient même plus, sauf à y faire une carrière personnelle juteuse, une Europe qui, d’ailleurs, ne s’appartient plus elle-même et qui s’apprête à se livrer entièrement aux États-Unis et, au-delà, à un vaste ensemble globalisé dont la loi ne sera plus que le profit, l’argent, Mammon : les riches, selon l’aphorisme ricardo-marxiste, devenant toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres.

    Bien sûr, la théorie officielle vous explique doctement que, malgré tout, tout le monde s’enrichit ! En attendant, la France, elle, s’appauvrit. Le « fric », d’un côté, les lois « sociétales » de l’autre, tout ça marche ensemble ; et les financiers qui font marcher cette machine et dont le tartuffe d’Hollande est l’obligé, sont devenus nos maîtres. La France, un pays libre ? Allons, soyons sérieux! Et Bruxelles ? Villiers en fait le tableau : le « Bruxelles » officiel où les lobbies sont à la manoeuvre, avec, au coeur, « le fric » et « LGBT », toujours la même chose!

    Le « Bruxelles » officieux et secret dont il raconte une séance nocturne pour y avoir assisté de manière impromptue ; là, seul y est admis le gros argent mondialisé, avec ses sbires, ses profiteurs, ses maîtres patentés, ses doctes stratèges, tableau sinistre et pourtant d’une drôlerie criante de vérité! Le livre de Villiers est rempli d’anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres, tristes quant au fond, car il s’agit de la France, comiques quant aux personnes concernées, car elles sont ridicules dans leur suffisance insupportable.

    Le régime le veut ainsi : ce sont nos gouvernants ! Leur morgue dissimule mal leur vaniteuse vacuité. Mais voilà : ils ont appris des « trucs » pour gagner. Gagner des élections, gagner de l’argent, gagner des places, gagner des honneurs qu’ils s’attribuent entre eux. « Gagner et, après, on verra », telle est leur formule. Aucune noblesse d’âme, aucune élévation d’esprit, aucune vision historique, aucun sens du bien commun.

    Quelle galerie de portraits, quelle verve à la Daudet! Vouloir le bien dans un cadre pareil non seulement est impossible, mais ne fait que précipiter la catastrophe. Que les tenants d’un redressement national se le tiennent pour dit. C’est l’heure de la dissidence, prévient Villiers. Retenons ce mot de dissidence. De l’Est, elle doit passer à l’Ouest. 

    Directeur de Politique magazine

  • Pour saluer Philippe de Villiers !

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    Deux phrases-clés de Philippe de Villiers, dans un entretien donné au Figaro magazine (8-9 août 2014); deux phrases-clés avec lesquelles nous sommes, bien-sûr, en sympathie. Les voici :

    " Poutine ne veut pas des femen et de l'OTAN ? Comme on le comprend ! "

    et

    " Le monde politique est un cloaque fétide et répugnant. "

    Comme on le comprend !

    Les deux derniers ouvrages parus :

    = Le Roman de Charette, Albin Michel,‎ 2012, 22 cm, 474 p.- Prix Jean Ferré 2013, prix du Cercle de la mer 2013.

    = Le Roman de Saint Louis, Albin Michel,‎ 2013, 22 cm, 520 p.

     

    Photo Stéphane Lavoué

  • Philippe Bilger : « Il y a en France comme un parfum de révolution »

     

    Par Philippe Bilger

    Depuis quelques semaines, le sentiment d'inquiétude des citoyens s'accroît face aux violences qui frappent la puissance publique, notamment les policiers et les enseignants. Dans cette chronique du Figaro [19.10]  Philippe Bilger commence par constater : la République est aujourd'hui impuissante, la démocratie faible. Puis il énonce son dilemme : « Si j'osais, j'irais jusqu'à soutenir qu'une démocratie, face à un pire multiplié et multiforme de plus en plus violent, sans le moindre frein éthique et humain, est impuissante par principe ». Impuissante par principe ... Incomplétude de la démocratie dirait Macron ... Mais comment et au profit de quel « pouvoir totalitaire » faudrait-il renoncer au « bonheur de vivre en démocratie » ? Et « que proposer d'autre sinon une République qui offrirait moins de garanties aux transgresseurs mais plus de droits aux honnêtes gens ? » Mais Philippe Bilger n'a pas, non plus, grande confiance dans cette possibilité. Une chimère ? Tel est le dilemme de Philippe Bilger. A notre tour, si nous osions, nous lui proposerions de sortir du dilemme suivant l'hypothèse formulée jadis par Eugène Ionesco : « On finira bien par restaurer la monarchie, un jour, contre la dictature et contre l'anarchie. » Autre chimère ? Mais qui sait quelle situation, quels drames, quelles nécessités impérieuses pourraient bien en convaincre, un jour, le peuple français ? Un récent sondage montre déjà qu'une frange non négligeable de Français y seraient hic et nunc favorables. Qui sait demain ? Qui sait ... s'il le fallait ? C'est à promouvoir l'idée de ce recours à quoi nous travaillons, ici.  Lafautearousseau   

     

    492029969.jpgJ'ai encore dans l'oreille la pétition de principe du président de la République salle Wagram. La démocratie sera la plus forte, la démocratie vaincra.

    Pour lutter contre le terrorisme, on avait le droit de douter de ce volontarisme du verbe destiné à tenir pour établi ce qui était justement problématique.

    Depuis quelques semaines, l'inquiétude du citoyen s'est déplacée parce que des événements, des manifestations, des agressions, des attaques, un changement radical de la nature du désordre et de la violence ont fait apparaître des bouleversements inédits. Il est clair que, sous ce quinquennat, nous sommes sortis de la normalité évidemment contrastée d'un pays même bien gouverné pour entrer dans la crainte de plus en plus stressante d'une impuissance de la République, d'une faiblesse de notre démocratie.

    Les violences massives, organisées et parfois criminelles, qui s'en prennent notamment aux fonctionnaires de police comme dans l'Essonne, les attaques d'établissements scolaires, les agressions quotidiennes contre le corps enseignant, même un proviseur molesté, la fin de l'impunité des médecins et des pompiers ne relèvent plus des transgressions ordinaires mais mettent directement en cause la capacité de résistance de l'Etat, testent ses aptitudes à la fermeté ou sa propension à laisser s'accomplir ce qu'il ne sait plus, ne peut plus empêcher (Le Figaro).

    Qu'on cesse également de se tromper d'ennemi, par exemple en se demandant « où sont passés les profs » alors que l'une des tragédies actuelles est de les voir si peu respectés et même frappés ! (Le Parisien)

    Qu'une manifestation de 500 policiers sur les Champs-Elysées au cours de la nuit du 17 au 18 octobre se soit déroulée dans l'urgence et l'exaspération est l'un des signes les plus éclatants de cette modification d'atmosphère comme les rassemblements de solidarité et de soutien, à Evry, Paris et Marseille, qui l'ont suivie. Ce n'est plus une simple fronde mais il y a là comme un parfum de révolution (Le Point).

    Il y a des enseignements à tirer de ce qui se dégage des échanges les plus chaleureux comme des controverses les plus vives. Pour les premiers je me rappelle un couple d'amis très chers qui, face au constat accablant d'une réalité nationale angoissante et déprimante, semblait considérer qu'il suffirait d'une exemplaire autorité de l'Etat et d'une implacable et constante sévérité ne laissant rien sans sanction nulle part pour que le redressement s'opère et que la France retrouve la paix.

    Leur intelligence ne s'arrêtait pas à la facilité des « il n'y a qu'à » et ne sous-estimait pas les difficultés de la tâche mais je ne parvenais pas à les approuver tant leur fermeté abstraite semblait oublier tous les obstacles qu'une démocratie représentative accumule sur le chemin d'une rigueur efficace à tout coup et partout.

    Sans même rêver d'un monde d'où toute transgression serait éradiquée, en demeurant forcément dans le cadre imparfait du nôtre, je suis persuadé que pour les agressions récentes les plus graves, les enquêtes et instructions aboutiront à des interpellations puis, ultérieurement, à certaines condamnations ; mais cet optimisme suppose, outre l'existence de preuves suffisamment précises, une collaboration police-magistrature rien moins qu'assurée, la seconde étant si peu en empathie avec le dur et éprouvant métier de la première prenant le réel de plein fouet.

    Il implique aussi que les oppositions politiques et les doléances médiatiques ne viennent pas sans cesse troubler la vigueur de la chaîne pénale.

    J'admets que ponctuellement un Etat, si beaucoup de conditions sont réunies, a la possibilité de manifester sa force et de réprimer les délits, les crimes ou même les incivilités, terme délicieux donnant l'impression que le vocabulaire est capable de civiliser la réalité brute. Ainsi le Premier ministre est-il dans son rôle quand il affirme que « l'Etat poursuivra sans relâche les auteurs ». Bien le moins !.

    Il y aura des avancées qui rassureront temporairement mais quand, avec des malfaisances collectives, ici ou là on s'ébat dans la France comme si elle était un terrain de jeu livré à la folie destructrice et coupable de minorités qui n'ont plus peur de rien, que peut faire l'Etat ? Le plus souvent, constater, déplorer, bomber le torse, compter sur la police et sur les juges puis attendre la suite. Inéluctable, imprévisible, de la part de voyous et de bandes qui ont pour objectif de saper les moyens même de leur possible identification et de sauver leurs trafics.

    Que pèse, face à ces impunités quasiment et fatalement obligatoires - ces groupes protégés par leur nombre même - l'autorité affichée de l'Etat ? Rien ou presque rien. Comment l'évoquer même au regard de ces cités de non-droit qui la narguent ?

    La démocratie même la plus efficiente, active, réactive, ni naïve ni féroce, ne sera jamais à la hauteur de ce qu'exigerait notre pays. Les fauteurs de troubles, délinquants et criminels sont lestés, à chaque fois davantage, de l'impuissance des services régaliens de l'Etat à les mettre hors d'état de nuire.

    La démocratie, dans la meilleure de ses définitions, est caractérisée par tout ce qu'elle peut se permettre pour se défendre, limitée par tout ce qu'elle doit s'interdire à cause de sa nature. On devine les piètres résultats d'une politique ainsi contrariée.

    Pourtant, que proposer d'autre sinon une République qui offrirait moins de garanties aux transgresseurs mais plus de droits aux honnêtes gens ? Toujours dans l'espace démocratique avec ses valeurs, ses principes et son inévitable passif... Des gouvernants plus compétents, une police mieux armée, pourvue et défendue, une magistrature plus solidaire, des médias moins mécaniquement critiques.

    Si j'osais, j'irais jusqu'à soutenir qu'une démocratie, face à un pire multiplié et multiforme de plus en plus violent, sans le moindre frein éthique et humain, est impuissante par principe parce qu'elle ne peut pas tout se permettre.

    Mais que son contraire, un pouvoir totalitaire impitoyable serait un remède plus dommageable, plus insupportable que la rançon que nous payons pour avoir le bonheur de vivre en démocratie. 

    Philippe Bilger           

  • La Démocratie directe comme dernier recours de la démocratie française. (II), par Christian Vanneste.

    La descente aux enfers de la France, son recul dans la plupart des domaines est une réalité qui s’impose chaque jour avec plus de force aux esprits les plus lucides. Il n’est guère de question qui ne fasse apparaître les fautes commises par les dirigeants de notre pays depuis plus ou moins longtemps. Ces errements coupables se rejoignent presque tous dans la fracture entre la perception rationnelle de la réalité, celle que suggère le bons sens, et les illusions passagères de l’idéologie. 

    christian vanneste.jpgLa France est un pays hypercentralisé où tout se décide à Paris. C’est aussi un système très hiérarchisé où une caste issue des “grandes” écoles constitue un microcosme fondé avant tout sur des diplômes et des concours qui propulsent sur la scène du pouvoir, et pour commencer dans ses coulisses, des acteurs dénués d’expérience, mais imbus d’un savoir récent et superficiel. Formés sur le même modèle, récitant les mêmes fiches, soudés par les mêmes copinages malgré les rivalités de l’arrivisme, ces oligarques sont incapables d’innover et de briser les tabous et les stéréotypes qui règnent sur leur manière de penser. Grenouilles de cabinets, hauts-fonctionnaires en début de carrière, chaussant très tôt les charentaises de grandes entreprises, liées à l’Etat pour la plupart, puis hommes ou femmes politiques, ils vivent dans la même bulle idéologique que les patrons et les opérateurs de la sphère médiatique. Soucieux de leur carrière, les magistrats les y rejoignent pour beaucoup.

    On s’épuiserait à dresser la liste des échecs dans lesquels la France s’enlise parce que la caste qui la dirige a fait les mauvais choix au mauvais moment. Aujourd’hui, surgit le débat sur les conséquences de la “mode” des éoliennes. La France avait, l’un de ses derniers bons jours, et c’était sous Pompidou, choisi le nucléaire et appuyé son industrie sur une énergie concurrentielle et sans gaz à effet de serre. L’idéologie a diabolisé celle-ci et imposé les éoliennes qui produisent une énergie intermittente, chère, qui défigure les paysages et le patrimoine, et en fait fort peu respectueuse de l’environnement par les matériaux qu’elle emploie. Mais sur un tout autre plan, le personnage théâtral qui joue le rôle de Garde des sceaux annonce péremptoirement un nombre vertigineux de peines d’emprisonnement pour se plaindre amèrement, cette fois, de la surpopulation carcérale. La mode idéologique veut dans ce domaine que la prison soit l’école du crime, qu’elle est donc inutile et même nocive, et qu’il faut lui substituer d’autres solutions. Moyennant quoi, on ne construit pas de cellules, on dépense un “fric de dingue” pour traiter le problème à sa racine sociale, et comme cela n’empêche pas plus les délits et leurs récidives que les peines alternatives et autres bracelets électroniques, on condamne donc à l’incarcération qui n’est pas exécutée en raison de la “gestion hôtelière” du parc carcéral. L’idéologie dit : la prison n’est pas une solution. Le bon sens répond : si, à condition que les peines soient rapidement décidées et exécutées, avec fermeté, et dans des lieux de détention suffisamment nombreux qu’il faut donc construire et munir du personnel et de l’équipement nécessaires.

    Voilà deux questions très différentes dans lesquelles les “sachants” se sont enferrés. Ce sont deux problèmes que les Français auraient pu résoudre par le biais d’un référendum qu’ils auraient demandé dans le cadre du référendum d’initiative populaire, de ce que les Suisses appellent la votation : soit après le vote d’une loi consacrée à la justice, ils auraient pu réunir suffisamment de signatures pour suspendre l’application de la loi et modifier celle-ci ou la remplacer par une autre que le peuple appelé aux urnes aurait approuvée, soit une initiative populaire réunissant un certain nombre de signataires aurait pu proposer une nouvelle loi sur la politique énergétique redonnant la priorité au nucléaire. Il est préférable de prendre son temps pour effectuer les bons choix guidés par le bon sens et légitimés par le vrai souverain, le Peuple, après un débat dépassionné et équilibré, plutôt que d’agir dans la précipitation sous la pression des médias et des lobbies, avant la prochaine échéance électorale. La démocratie doit être soumise au bon vouloir du Peuple non aux désirs, aux angoisses, au confort d’une poignée de professionnels du pouvoir.

    L’instauration de la démocratie directe en France sera le seul moyen de briser les noeuds gordiens qui dans de nombreux domaines ont enfermé notre pays dans le déclin et la décadence. La population en a conscience. Les dirigeants, coincés entre idéologie et intérêts personnels à court terme, ne peut, ni ne veut les trancher. Ce n’est pas le glaive d’Alexandre qui y parviendra, quel que soit le goût historique des Français pour l’homme providentiel, car le moule qui les fabriquait a disparu faute de guerre. Il faut donc faire appel au couteau suisse, et espérer que celui qui prendra le destin de la France en mains, s’en saisira aussitôt !

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Des intellos à réaction... Le point de vue de Philippe Bilger*

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    Avec Philippe Bilger qui appelle ici de ses vœux des intellos à réaction, retour sur l'évolution du monde intellectuel français (français et européen). Nous en avons traité maintes fois ces temps derniers, notamment hier, avec les réflexions de Pierre Nora. Et, mardi dernier, avec l'étude de Vincent Trémolet de Villers dans le Figaro magazine (Pourquoi la gauche a perdu les intellectuels). C'est que le fait que la gauche - ce qui est presqu'ingénument proclamé dans tous les médias par Raphaël Glucksmann, pour s'en apitoyer -  soit en train de perdre l'hégémonie idéologique et culturelle, est un phénomène d'importance. Plus encore que la conséquence que l'on peut en attendre qui est la perte du pouvoir politique. Important aussi le fait que, comme le constate Pierre Nora,  ce mouvement de nombre d'intellectuels reconnus tend aujourd'hui, moins vers la droite politique que vers une sorte de réaction conservatrice. Ce dernier adjectif est ambigu. Il pourrait signifier : conservation du Système actuel. Mais nous ne croyons pas qu'il soit pris ici dans ce sens péjoratif. Pour conclure, nous voudrions signaler que ce phénomène d'une sorte de réaction des intellectuels aux errements de la société moderne - ou post-moderne - ramène tout simplement à l'un des tout premiers livres de Charles Maurras qui est L'Avenir de l'Intelligence. Sans vouloir donner de leçons à quiconque, nous conseillons à tout ceux que le sujet intéresse de s'y plonger ou replonger. Il y a dans cet ouvrage visionnaire des perspectives du plus grand intérêt pour notre avenir collectif, celui de notre société. Celui, plus largement encore, de notre Civilisation. Nous aurons sans-doute à y revenir. LFAR   

     

    6830bcccdd66568bec1c72c800487f2b lfar.jpgLes projets de la ministre de l'Education nationale ont mobilisé, généralement contre eux, plusieurs intellectuels de haut niveau mais l'intense débat qui se déroule aujourd'hui sur les rapports de la gauche avec les intellectuels, sur la liberté d'expression, dépasse très largement ces péripéties politiques partisanes quoique fondamentales pour le pays et sa jeunesse.

    Il est d'autant plus stimulant de s'en mêler que de manière pluraliste la réflexion peut s'appuyer sur une série de contributions, d'articles et d'entretiens qui, peu ou prou, stimulent l'intelligence et excitent la contradiction. Il est essentiel, en effet, de rapprocher "Comment la gauche a perdu les intellectuels" de Vincent Trémolet de Villers, "Le politiquement correct à toutes les sauces" de Marion Rousset, la double page du Monde sur "Quand les militants perdent la foi" de l'entretien d'Aymeric Caron dans TéléObs.

    Avant même d'aborder le fond de la discussion, il convient de souligner que si la gauche en effet perd "ses" intellectuels, cela tient à sa responsabilité, moins à cause d'antagonismes de principe que par l'étrange perversion qui a conduit le pouvoir socialiste à se muer en critique littéraire et philosophique et à enjoindre à l'intellect de demeurer partisan et sectaire. De donner tort à l'adversaire même s'il a raison et raison au partisan même s'il a tort.

    L'attitude du Premier ministre, puisque c'est de lui principalement qu'il s'agit, a eu pour effet de coaliser contre elle, gauche et droite confondues, tous ceux qui se préoccupaient de la liberté de l'esprit et de leur indépendance à sauvegarder.

    Il me semble que, dans une même aspiration à décrire le réel tel qu'il est, à dévoiler les problèmes et à les nommer, à dénoncer les blocages et les dérives, sont réunies des personnalités que les concepts de nation, de patrie, d'identité, d'école et de culture mobilisent, certes parfois avec des options différentes mais toujours avec la conscience de l'urgence de ces questions.

    En vrac mais unis par un même souci de la France à préserver et de la France à louer contre tous les miasmes d'une repentance forcenée : Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, Denis Tillinac, Michel Onfray, Natacha Polony, Régis Debray, Éric Naulleau, Chantal Delsol, Gilles-William Goldnadel notamment. Cet énoncé peut paraître surréaliste mais pourtant il se fonde sur des similitudes qui se rapportent d'abord, chez tous, au refus de l'inacceptable.

    Une preuve supplémentaire de cette complicité au-delà des clivages artificiels : on les fait de plus en plus se rencontrer pour des joutes qui sont ou seront en réalité des concordances parsemées de quelques désaccords minimes. Alain Finkielkraut face à Michel Onfray, bientôt à Nice ce dernier dialoguera avec Eric Zemmour. La réaction intelligente parle à la réaction lucide.

    Il y a des bretteurs et il y a les commentateurs.

    Seuls les premiers m'intéressent, ceux que j'appelle les "intellos" à réaction. On a parfois des surprises. J'ai évoqué l'entretien passionnant d'Aymeric Caron et si je déteste sa détestation, qu'il explique, d'Eric Naulleau, je suis d'une part sensible à son honnêteté intellectuelle à mon égard et d'autre part sa controverse avec Caroline Fourest, dont il est sorti honorablement vainqueur, l'a rendu à mes yeux moins répulsif. Surtout, il est clair que tout en n'ayant absolument pas la même conception de la liberté ni la même vision sociale que ceux que j'ai mentionnés, Aymeric Caron est un bretteur à sa manière. Il a exaspéré parce que précisément la tiédeur n'était pas son fort.

    Ce succès éclatant de la pensée aux antipodes du conformisme bête et de la gauche officielle, maintenant qu'il est acquis, devrait entraîner des conséquences qu'il convient de bien mesurer.

    Ces intellectuels qui ont gagné par leur talent et leur profondeur, grâce à la qualité de leur langage, de leurs livres et de leur implication vigoureuse dans le débat public ne doivent plus adopter la posture de martyrs. Globalement, ils sont passés du bon côté. Les pestiférés ne sont plus eux mais les entêtés de l'étouffement. Tous ces êtres que j'apprécie ont médiatiquement remporté la victoire et ce serait de l'hypocrisie de leur part que de continuer à déplorer une fausse disette.

    Il faut aussi se pencher sur ce qu'est le "politiquement correct" en étant attentif au fait que la provocation en elle-même n'était porteuse de rien de signifiant, ni pour ni contre, et que si la vérité a besoin de la liberté, celle-ci n'entraîne pas forcément celle-là.

    La nuance, l'écoute, le respect de l'autre, les règles mais aussi leurs exceptions, l'appréhension globale, la pensée contre soi ne sont pas des gadgets inutiles mais des obligations. Si ces dernières ne sont pas respectées, le réactionnaire ne sera qu'un râleur de plus.

    Enfin, face à tous ces militants "qui perdent la foi" dans l'ensemble des partis sauf au FN, devant ce désabusement et ces désillusions, alors que notre démocratie est d'autant plus menacée qu'elle est invoquée à tort et à travers, trop souvent pour justifier le contraire de ce qu'elle devrait imposer, les intellectuels ne peuvent plus se permettre de crier. Leur pessimisme, aussi lucide soit-il, ne nous apprend plus rien et il risque de lasser. Ils ne crient plus de surcroît dans le désert mais dans un univers saturé médiatiquement qui ne laisse aucune de leurs paroles dans le vide. On soutient qu'ils n'ont plus d'influence, qu'ils ne sont plus écoutés quand ils prescrivent mais je n'en suis pas sûr du tout.

    Ils sont au pied de la montagne. On n'attend plus seulement d'eux qu'ils nous affirment qu'elle est haute, escarpée et dangereuse, qu'ils nous avisent du péril et évoquent avec nostalgie les temps bénis d'avant. On a besoin qu'ils nous fournissent le mode d'emploi et que même ils accomplissent l'escalade avec nous. Il y a mille tours d'ivoire. Gémir, vitupérer, alerter, semoncer en est une.

    Le citoyen, la société exigent des intellos à réaction. Même si le pouvoir, lui, s'en passerait volontiers.

    Source : Justice au Singulier