Pas de démocratie sans alternance !, par Christian Vanneste.
L’alternance est le propre de la démocratie libérale, le signe indiscutable de son bon fonctionnement. Les Anglo-saxons, qui ont inventé ce système politique, le pratiquent depuis maintenant longtemps. Satisfaits de leurs gouvernants et de leurs élus, ils les reconduisent. Déçus, ils les virent, et les opposants arrivent au gouvernement avec de nouvelles propositions. Parfois, la continuité est plus forte que le changement.
Plus un pays est capable de supporter des changements radicaux, plus il est proche de l’idéal démocratique qui permet à un peuple d’explorer les différentes possibilités et de retenir les meilleures. Ainsi, l’arrivée de Attlee et des travaillistes en 1945, malgré le rôle de Churchill dans la victoire des alliés, était un signe éminent de démocratie. La social-démocratie s’est installée au Royaume-Uni avec le modèle de l’Etat-Providence. Elle a perduré malgré une alternance régulière entre les travaillistes et les conservateurs jusqu’en 1979, où le peuple britannique a pris la mesure du déclin inexorable auquel le condamnait cette politique. Cette année-là eut lieu une véritable alternance, avec une majorité conservatrice décidée à réintroduire une politique résolument de droite fondée à la fois sur la primauté de la responsabilité individuelle et sur un patriotisme qui, dans la paix comme dans la guerre, ne cachait pas sa volonté de servir les intérêts britanniques. Cette ligne fut suivie pendant 18 ans, et laissa place à un nouveau changement de majorité lorsque les Britanniques eurent le sentiment que l’idéologie conservatrice allait trop loin et accentuait par trop les inégalités et la détérioration des services publics. Une monarchie symbolisant l’unité des « nations » qui composent le royaume, des élections uninominales à un tour par circonscription qui favorisent l’émergence de majorités de gouvernement claires et nettes, constituent les ingrédients d’une recette réussie, qui évite les révolutions, mais permet des évolutions importantes. Le système américain est plus complexe, d’abord en raison du fédéralisme étendu sur un large territoire et sur une vaste population qui créent des variations dans les orientations idéologiques des deux partis, ensuite par son souci primordial de l’équilibre des pouvoirs issus de processus démocratiques : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. La limitation du pouvoir par le pouvoir, ce précepte cher à Montesquieu, est également un principe de la démocratie libérale, mais il modère les oscillations de la politique. Le fait que Trump, sur plusieurs points, change radicalement la politique des Etats-Unis est une excellente chose, mais c’est aussi la cause de l’opposition farouche qu’il rencontre.
En dehors de ces deux exemples qui brillent par leur durée exceptionnelle, il y a d’autres solutions moins nettes. La Suisse compense la continuité du pouvoir fédéral, consensuel, par le poids des pouvoirs locaux et par l’usage constant du référendum. Les démocraties sans alternance de pays asiatiques comme le Japon correspondent à des mentalités « holistes » où le groupe l’emporte toujours largement sur l’individu. La démocratie libérale n’est pas un modèle universel. Elle a besoin d’un terreau mental, sociologique, historique, religieux. La France, pays catholique tenté par le protestantisme, est à mi-chemin des vieilles démocraties du nord et de celles plus récentes du sud. La Ve République l’a clairement orienté au nord, avec l’intention de consolider l’exécutif, de donner au législatif la clarté et la continuité que procurent les élections uninominales. Le bouleversement de 1981, s’il a été catastrophique pour le pays, a été la preuve que la France était devenue une démocratie libérale adulte. Malheureusement, depuis des modifications institutionnelles inutiles et dangereuses, ont enrayé la bonne marche du système. En 1986, le passage à la proportionnelle voulu par les socialistes a empêché l’alternance de porter ses fruits. Il a fallu attendre 1995 pour que Mitterrand quitte l’Elysée, et deux ans plus tard, les socialistes reprenaient le pouvoir à Matignon. On a cru mettre fin à cette incohérence des « cohabitations » avec le quinquennat, c’est-à-dire l’élection « conjointe » du Président et de l’Assemblée. C’était passer de Charybde en Scylla : on a instauré un régime, non pas présidentiel, mais personnel. Celui-ci était tempéré parce que la majorité gouvernementale était marquée idéologiquement et pesait sur les choix de l’exécutif. Avec l’arrivée de Macron et d’une majorité hétéroclite de rescapés du socialisme, de carriéristes qu’on croyait « de droite » et sans doute aussi de « yaka-fauquon » pleins de bonne volonté venus de la société civile, qui n’ont été élus que par l’adhésion à sa personne, la France a glissé sans s’en rendre compte dans une autocratie, un pouvoir personnel, qui n’est plus du tout une démocratie libérale.
D’abord, il n’y a pas eu d’alternance en 2017, alors que le pouvoir en place était totalement discrédité. C’est une partie de ses membres qui a organisé la succession à travers le coup d’Etat médiatico-judiciaire qui a évincé le représentant de l’opposition, François Fillon, porteur d’une véritable alternative. Depuis, c’est la politique social-démocrate inspirée par Macron, au secrétariat général de l’Elysée puis au ministère de l’économie, sous Hollande, qui est poursuivie avec des dépenses publiques en augmentation et des prélèvements fiscaux excessifs freinés heureusement par la révolte des gilets jaunes. Des mesures techniques en faveur des entreprises et de l’investissement mobilier ainsi que des opérations de redistribution, dans les deux cas défavorables aux classes moyennes, ne sont en rien « libérales ». Par ailleurs, sur tous les autres sujets, c’est la gauche qui l’emporte : une politique de sécurité en berne avec une explosion de la délinquance, une poursuite du soutien à l’immigration, un progressisme sociétal qui introduit la PMA pour les lesbiennes comme Hollande avait instauré le « mariage gay ». Si on ajoute à cela une restriction de la liberté d’expression par la loi, une surprenante coïncidence des exigences des parquets avec les intérêts du pouvoir, une surexposition médiatique du président soutenue par des médias courtisans, on se rend bien compte que notre pays n’est plus une démocratie. Est-il normal que notre président se mêle des élections municipales parisiennes ? Est-il tolérable que la réponse de la majorité au naufrage de Griveaux soit de réduire la liberté des réseaux sociaux ? Est-il digne d’une démocratie que des « journalistes » se fassent les complices d’une telle politique ? Evidemment, non !
Commentaires
Comme d'habitude excellente analyse de Christian VANNESTE
J'ai des amis qui ont voté pour LAREM, issus des milieux économiques, genre JCE ( Jeune chambre économique)ou de professions libérales, des gens qui disaient: le véritable pouvoir c'est nous qui faisons rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, aujourd'hui avec l'Arrêt Public en Marche , beaucoup commencent à déchanter, surtout quand on voit le nombre d'incapables au Gouvernement.