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Rechercher : La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

  • Mieux que toutes les ”nouvelles” de lui : merci à Philippe Delorme pour la photo...

    yvan aumont messe louis xvi.jpg

    Il était hier à Saint-Germain l'Auxerrois : bravo à notre ami Yvan pour son énergie, et merci à Philippe Delorme pour le cliché...

  • Flaubert : Le rêve de la démocratie ...

     

    « Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli. »

     

    Gustave Flaubert

    Correspondance

     
  • Qui manque de courage : les militaires ou le pouvoir ?, par Philippe Bilger.

    On a toujours tort de se moquer.

    Gérald Darmanin, en tournant en dérision la nouvelle tribune des 2.000 militaires d’active et en ridiculisant leur « courage » puisque, réglementairement, leur anonymat était obligatoire, ne s’est pas grandi et surtout n’a pas fait preuve du sens politique qu’en général on lui reconnaît et dont il a su user pour sa propre carrière.

    4.jpgLa pétition est validée par un très grand nombre de signataires et renforce l’impact qu’avait déjà eu la première lettre ouverte des généraux.

    Mais je conçois qu’au regard de la réserve républicaine, et malgré l’anonymat (qui n’empêchera pas les identifications et les mises en cause), des politiques et des citoyens soient sincèrement choqués par cette protestation collective renouvelée infiniment plus claire, à la fois défendant l’honneur des généraux stigmatisés, dénonçant l’état de la et s’alarmant d’une possible guerre civile.

    Elle confirme aussi qu’un lien a été durablement rompu entre le Président et la militaire avec l’affront fait au général Pierre de Villiers.

    Les réactions du pouvoir sont demeurées dans le registre pauvre que depuis le début il cultive : manœuvre politique, extrême , manipulation, honte de l’anonymat derrière lequel ils se cachent et défi d’avoir à se lancer dans la politique active pour affirmer ce qu’ils pensent et veulent.

    Autrement dit, son obsession est de s’attacher aux conséquences de cette tribune, d’en pourfendre les rédacteurs, d’en décrier les signataires et de tenter d’en détourner les soutiens et les partisans. De la considérer comme une inadmissible transgression.

    Toutefois, les causes méritent d’être questionnées et de faire réfléchir le Président et le gouvernement sur l’ampleur et l’impact d’une telle initiative, comme si le peuple avait d’une certaine façon attendu les militaires pour qu’ils reprennent sa parole d’indignation, de déclin et d’angoisse ou l’expriment avec plus de vigueur et de légitimité, compte tenu de leur expérience de soldats du feu. Tout sauf des lâches. Ils n’ont fait que se battre pour la France !

    On a l’impression, à entendre Premier ministre ou ministres avec leurs éléments de langage, que ces militaires d’active ont eu la lubie, un matin, sans la moindre nécessité, de tenter l’audace d’une lettre ouverte, sous ce mandat comme ils auraient pu le faire sous d’autres, et qu’il s’agit d’un caprice que la discipline apaisera vite. Alors qu’il n’est ni neutre ni indifférent que ces quatre premières années d’Emmanuel Macron l’aient précisément inspirée et imposée.

    C’est ne rigoureusement rien comprendre à la gravité d’un climat, à la fracture de la France – avec, en effet, un horizon de guerre civile si on laisse aller -, aux violences quotidiennes, parfois criminelles, contre la , à l’immigration qui n’est pas maîtrisée, au droit d’asile dévoyé et au constat que notre quotidien n’est plus protégé ni gouverné au sens familier du terme.

    Avant Emmanuel Macron, on a commencé à s’en prendre aux . Sous ce mandat, il faut protéger les policiers qui sont censés nous protéger et, chaque jour, sont attirés dans des guet-apens. On est passé d’une France vivable à une France invivable, d’une du possible à celle de l’impuissance.

    Ce n’est pas la frénésie législative de l’instant qui me fera changer d’avis : elle n’est pas contradictoire avec une autorité de l’État défaillante mais lui correspond au contraire. Les pouvoirs sûrs d’eux ne s’agitent pas mais agissent.

    C’est refuser de prendre la juste mesure des déconstructions, des délitements, des repentances et de cette propension funeste à craindre l’ennemi mais à lui tendre son cou.

    Ce ne sont pas ces militaires d’active sortis de leur retenue qui ont inventé cette atmosphère ni fabriqué cette France de la désespérance et de la stupéfaction attristée ou furieuse. Ce qui se déroule sous nos yeux et qu’ils décrivent n’est pas de la fiction. Ce pays, à Avignon comme à Fréjus et en tant d’autres lieux, nuit et jour, est abandonné soit parce que la coupe de l’intolérable est trop pleine soit à cause d’une philosophie sociale et gouvernementale qui se fait une gloire de sa mollesse et de ses variations.

    Ces cités dans les mains d’une minorité de voyous qui trafiquent et terrorisent. Cette République coupée en mille morceaux, en communautés dont l’union est devenue un rêve impossible et qui sont au bord du « face-à-face ».

    Ces militaires, que leur condition rend plus sensibles et vigilants que d’autres, ont vu l’état de notre pays sombrer tellement aux antipodes de leurs valeurs institutionnelles – ordre, autorité, respect, discipline, protection et dignité -, si éloigné du culte de la France, de sa fierté et de son Histoire, qu’à l’évidence leur devoir leur imposait une pratique de rupture. La comparaison avec les résistants de 1940 est absurde et choquante, mais il n’en demeure pas moins que cette deuxième lettre ouverte peut s’honorer d’une lucidité rare et favoriser un vrai sursaut.

    Les militaires ne nous ont rien appris. Depuis quatre ans, nous sommes nombreux à juger médiocre le bilan d’Emmanuel Macron en matière régalienne. Parce que le Président n’a jamais su parler cette langue et qu’elle ne peut que lui déplaire puisqu’elle ne tolère pas le « en même temps ».

    Ce n’est pas par hasard que, de tous bords – à l’exception de LFI aveugle et de LREM naïve -, l’autorité de l’État est désirée, la fermeté revendiquée, les sanctions réclamées et qu’on veut des peines exécutées. Et une immigration au moins suspendue.

    Quand je vois ce même constat être quasiment général – Bruno Retailleau et Xavier Bertrand, bien sûr, mais tout récemment qui adopte une ligne dure et d’autres encore, on n’est même pas obligé de mentionner ! -, il est interdit de traiter avec condescendance cette tribune et, pire, de ne pas la prendre pour un très mauvais bulletin de santé de la France.

    Ou le pouvoir ne connaissait pas l’état profond et lamentable du pays et on le lui apprend. Ou il savait mais restait l’arme au pied. Dans les deux cas, c’est traumatisant pour les citoyens.

    À l’avenir, si on pouvait éviter de se poser la question du courage entre ceux qui en ont fait preuve sur les champs de bataille et ceux qui, dans la conduite des choses publiques, nous privent sans cesse de la concrétisation de cette vertu capitale, ce serait au moins décent.

     

    Philippe Bilger

    Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
  • 20 juin 2021, mort de la démocratie indirecte, par Michel Onfray.

    Les élections régionales et départementales ont eu lieu et, comme d’habitude, journalistes, éditorialistes, sondeurs, hommes et femmes politiques, politologues et autres animaux du cirque médiatique, y sont allés de leurs verbigérations pour expliquer que ce qui fut n’a pas été. 

    michel onfray.jpgOr ce qui fut est simple :

    Leçon numéro 1 : les grands gagnants de cette consultation électorale sont les abstentionnistes, comme toujours depuis des années. Près de 70 % des électeurs ne se sont pas déplacés. Mais, pour tout ce monde- là, ça n’est pas une information — pire : ça n’est pas l’information.

    Les animaux du cirque ont commenté, sérieusement : il faisait beau, les gens sont restés en famille ; ils ont eu peur du covid et ne sont pas sortis ; c’est la fin du confinement, ils ont voulu en profiter ; les dates de la consultation ont été reportées, ça a perturbé les électeurs ; la confusion des départementales et des régionales a créé un trouble qui les a conduits à ne pas se déplacer ; les professions de foi ont été mal distribuées dans les boîtes aux lettres ; les attributions du conseiller départemental et celles du conseiller régional ne sont pas claires pour beaucoup, ça a démobilisé les votants . Pour ces gens-là, bien payés pour déblatérer des sottises au kilomètre, les Français sont si futiles, si jouisseurs, si bêtes, si abrutis, si demeurés, si incultes, si crétins, si mal informés, si Gilets jaunes, si demeurés en effet ! Tout s’explique …

    Je ne voudrais pas parler au nom de tous les abstentionnistes, mais je crois qu’une explication majeure de leur comportement est qu’ils ont compris que les élections relevaient d’une parodie de démocratie. En 2005, lors du référendum sur le Traité européen, sur le principe de la démocratie directe que permet le référendum, les Français ont massivement dit non à ce traité. Or, trois ans plus tard, sur le principe de la démocratie indirecte qui s’appuie sur des représentants, les élus du peuple ont voté contre lui et, de ce fait, annulé sa volonté. 2008 fut un coup d’État des élus du peuple contre le peuple dont on n’a pas fini de mesurer l’écho. Car le peuple a longue mémoire.

    Ce même peuple a compris que les médias, apparemment nombreux, mais finalement concentrés entre les mains d’une infime poignée de milliardaires qui défendent un même système, celui du marché libéral maastrichtien, que ces médias, donc, fabriquent une opinion qui, à force de coup de pouces donnés aux Le Pen pendant un lustre moins quelques jours doublés d’une diabolisation in extrémis de ceux à qui on a déroulé le tapis rouge médiatique pendant cinq ans mois une semaine, ils portaient au pouvoir le candidat  d’une même idéologie  (maastrichtienne) sous des emballages différents  (mitterrandiens, chiraquiens, sarkozystes, hollandais, macroniens…) Cette construction de l’opinion s’effectue avec l’invitation des Le Pen et de leurs amis invités sur les plateaux de télévision jour et nuit, y compris ceux du service public, sans que jamais on leur trouve mauvaise haleine, sauf entre les deux tours où on leur associe la puanteur du diable nazi !

    Le même peuple a également compris que les députés, les sénateurs ne représentaient pas la France sociologique. La « France légale » et la « France réelle » — une opposition qui se trouve dans Les Misérables de Victor Hugo (les demi-sachants qui croient qu’elle est de Maurras iront voir l’œuvre de Hugo en Pléiade à la page 811) —, ne se recouvrent pas : le Rassemblement national et le PCF ne sont pas représentés au parlement en proportion des votes obtenus…

    Des catégories entières du peuple ne sont pas représentées : où sont les petits paysans, les patrons pécheurs, les jeunes au chômage, les travailleurs précaires, les femmes au foyer, les étudiants salariés, les chauffeurs de taxi, de bus, de métro, de train, les ouvriers, les prolétaires, les femmes seules s’occupant d’une famille monoparentale, les petits artisans et les petits commerçants, les éleveurs, les bergers, les vachers, les fromagers, les viticulteurs sur de petites parcelles ou de petites propriétés, les quinquagénaires au chômage, les petits retraités, les veuves avec demi-retraites de leur défunt mari, les fonctionnaires humiliés, maltraités ( instituteurs, enseignants, policiers, gardiens de prison, militaires, infirmières, contrôleurs SNCF, postiers), les ruraux sans permis de conduire ou sans argent qui leur permettent  d’aller au cinéma, au restaurant ou en vacances, les Gilets jaunes du départ, ceux des Ronds-Points, où sont-ils représentés ? Par qui ? Quand ? Où ?

    Il n’est pas interdit de penser que ceux-là ne se sont pas déplacés pour élire un conseiller départemental ou régional socialiste, macronien, insoumis, communiste ou lepéniste. À quoi bon ? Pour quoi faire ? Pour être trahis le jour où le président de la République maastrichtien les sonne avec pour projet de voter contre le peuple qui les a élus ? Combien de députés ou de sénateurs ont-ils refusé d’aller voter contre leurs élus à Lisbonne*, sinon démissionné, ce qui aurait eu de la gueule ? Aucun… Le peuple n’a pas forcément envie d’être éternellement le dindon de la farce…

    Leçon numéro 2 : les instituts de sondage se sont encore trompés. À coup de milliards d’euros, les sondeurs fabriquent une opinion sous prétexte de la mesurer afin… d’influencer l’opinion ! Ils créent la peur lepéniste pour mobiliser le camp présenté comme antifasciste et passent à côté de la vérité populaire.

    En 2002, aucun n’avait prévu un : l’échec de Jospin, deux : la présence de Le Pen au second tour, et trois : l’élection de Chirac. On dira que, pour le moins, il s’agit d’erreur et de fautes professionnelles : qui a été démissionné ? Mis au chômage ? Évincé ? Quel institut de sondage a vu sa direction renvoyée à Pôle Emploi ? Lequel a perdu ses clients ?

    Les sondeurs nous annonçaient un raz-de-marée lepéniste. Une, deux, trois régions gagnables. Voire plus. Les Darmanin, Macron, Dupond-Moretti, Schiappa et autres seconds couteaux de la macronie, du genre Castex, y allaient de leur cri de guerre antifasciste ! Il fallait éviter que des régions soient gagnées par l’arrière-petite-fille d’Adolf Hitler ! La France ne s’en remettrait pas ! Ces présidents de région risquaient de mettre à feu et à sang la France en se faisant photographier avec des repris de justice effectuant des doigts d’honneur ! Ils allaient recevoir dans leurs hôtels de région des YouTubers qui ne manqueraient pas d’abaisser leur fonction et de faire une galipette sur les pelouses ! Ils allaient soutenir mordicus leurs amis très proches qui, déguisés en policiers, tabasseraient des manifestants sans investiture républicaine ! Ils allaient tellement dévaloriser la fonction qu’ils se feraient gifler par le premier crétin venu ! Il fallait vraiment faire barrage à la menace de ce fascisme-là.

    Leçon numéro 3 : le Rassemblement national paie la facture de sa chiraquisation. Retournons la formule de Jean-Marie Le Pen contre sa fille : « les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie ». Les électeurs ont en effet montré que Marine Le Pen, qui s’est limé les dents — c’est métaphorique… — pour être présentable, ressemble comme deux gouttes d’eau au personnel politique dominant : respect pour l’euro, respect pour Maastricht, respect pour Schengen, respect pour la Cour européenne des droits de l’homme, pas d’amalgame pour l’islam. Plus question, si tant est qu’un jour c’eût été une tentation, de Frexit, de sortie de l’euro. Errante sur ces questions lors du désormais fameux débat d’entre les deux tours, elle s’est donné les moyens de ne plus errer : elle pense désormais comme Macron sur tous ces sujets… Elle ne risque plus de confondre monnaie commune et monnaie unique, euro et écu, elle se montre dorénavant une bonne élève de Maastricht. Elle devrait finir par trouver des banques pour financer ses campagnes et des signatures en quantité pour valider sa candidature.

    Ajoutons à cela que Marine Le Pen a pris soin récemment de donner des gages au camp du bien en disant combien elle souhaitait ne pas être assimilée à ce gueux d’Éric Zemmour, à ce pestiféré, à ce réprouvé qui dit tant de mal de nos compatriotes musulmans, qui se montre excessif en tout, qui, lui, est vraiment d’extrême-droite ! Elle croyait se dédiaboliser encore un peu plus en brûlant l’Éric sur le bûcher de ses vanités, elle sait désormais qu’elle a perdu les voix qu’elle a cru gagner. Cette fois-ci elle ne pourra pas invoquer l’influence maléfique de tel ou tel conseiller, comme ce fut le cas avec le fantasque Philippot, un faux « gaulliste » aujourd’hui vrai compagnon de route de Francis Lalanne et de Jean-Marie Bigard, jadis sacrifié en bouc émissaire de son échec aux dernières présidentielles.  À un moment donné, il faut aussi assumer les conseillers qu’on s’est choisis… On ne peut se contenter d’holocaustes dans sa garde rapprochée. À errer ainsi sans cesse Marine Le Pen a perdu le nord — si je puis me permettre…

    Leçon numéro 4 : Mélenchon récolte ce qu’il a semé. L’homme qui a d’abord mis en doute les résultats de la dernière élection présidentielle parce qu’ils ne correspondaient pas à son attente qui culminait au niveau de la haute idée qu’il se fait de lui-même ; l’homme qui a affirmé qu’en étant quatrième aux dernières présidentielles il avait failli être élu à peu de voix près ; l’homme qui s’est fait le ventriloque de Jaurès et de Gaulle avant d’estimer, eu égard aux résultats obtenus avec cette palinodie, que ça n’était pas assez payant et, dans la foulée, s’est fait le perroquet de Plenel et de Tariq Ramadan ; l’homme qui a vociféré que la République c’était lui en oubliant les caméras qui filmaient son interminable accès de déraison ; l’homme qui insulte Macron quand il se trouve loin de lui mais qui l’enduit de sucre candi et le bombarde de loukoums quand il le croise sur le port de Marseille ; l’homme qui assimile la police française à une milice fasciste et les militaires inquiets de l’avenir de la France à des factieux et qui, en même temps, trouve des vertus à Robespierre, Trotski, Fidel Castro et Hugo Chavez, tous amateurs bien connus de liberté ; l’homme qui aimait diner à la table de Jean d’Ormesson tout autant qu’à celle de Patrick Buisson ; l’homme qui estime que la Famille Traoré, dont Assa, nouvelle égérie de Louboutin, est une chance pour la France ; l’homme qui croit que la créolisation du pays est un projet de civilisation : cet homme ne fait même plus rire, désormais, il fait peur.

    Après les résultats, il a annoncé que tout allait bien pour lui et les siens ; que le système en revanche allait mal ; qu’il fallait le réformer en reconnaissant le vote blanc et en ne validant pas certaines consultations électorales quand elles ne recueillaient pas assez de suffrages. Traduit en mélenchonien cela donnait : quand 70 % de gens s’abstiennent, le si peu de voix qu’il obtient ne signifie rien. Fermez le ban. Les élections qui ne lui conviennent pas, il les annule et voudrait que ce soit gravé dans le marbre de la loi. Ensuite, il part boire une bière avec ses copains nostalgiques de Lénine.

    Leçon numéro 5 : les Républicains bénéficient de la chiraquisation de Marine Le Pen. Si elle a pour modèle le Chirac des années soixante-dix, celui du « bruit et de l’odeur », celui des rodomontades de Charles Pasqua et des pipes de Robert Pandraud, celui du lance-flammes d’Ouvéa, on sait ce qu’est son destin : une juppéisation de la France, l’eau tiède maastrichtienne présentée comme un alcool fort néo-gaulliste, un retrait du chef de l’État dans son bureau à compulser des catalogues d’art premier — en 1789, Louis XVI chassait et bricolait ses serrures … Et, loin de la période du Supermenteur de Canal +, des obsèques de héros national ayant tant mérité de la patrie pour avoir annoncé un jour : « la maison brûle et nous regardons ailleurs ».

    C’est le moment de citer le bon mot de Marie-France Garaud qui, parlant de ce tigre en papier, disait qu’elle a cru de lui qu’il était « du marbre dont on faisait les statues alors qu’il n’était que faïence dont on fait les bidets ». On peut ne pas avoir un destin de marbre, mais se battre pour avoir celui d’un bidet n’est pas bien digne.

    Marine Le Pen a dragué dans les eaux des Républicains, elle les a de ce fait remis en eau. Pour son père, ce ne doit pas être un détail de l’histoire du parti qu’il a créé.

    Pas sûr que Xavier Bertrand, qui a le charisme d’un acteur de pub pour Carglass, puisse investir le bureau du général de Gaulle dont il se réclame, mais tellement de comiques s’y sont installés depuis qu’il peut en avoir la prétention. Le ridicule ne tuant pas, sa survie est assurée.

    Juppé doit se ronger les ongles en regardant sa télévision en famille, dans un appartement des beaux quartiers de Paris, Bordeaux est si loin, pendant que son disciple affûte ses couteaux : si Édouard Philippe décide en septembre d’y aller, il pourrait ne pas se présenter en vain.

    Leçon numéro 6 : les Socialistes bénéficient de la désintégration en vol de Mélenchon. On les croyait morts et enterrés comme DSK, Hollande, Ségolène Royal, Jack Lang, sinon Jean-Marc Ayrault, l’homme au camping-car ; mais le cadavre bouge encore. Ils en sont encore tout étonnés. Mélenchon qui voulait préempter la gauche a raté son coup - trop de pathologies personnelles pour faire un destin, la télévision montre les vérités qu’on croit cacher. Elle révèle l’exactitude d’un être sans lui demander son avis. Ses conseillers en communication numérique débauchés à la sortie de l’école n’en peuvent mais.

    Moins d’un an pour faire un programme c’est trop peu. Lors de cette consultation, les écologistes n’ont pas cassé trois pattes à un canard. La compassion pour les sapins de Noël, la pollution carbone des bateaux à voile, la religion de la trottinette, la légalisation du pétard, les menus véganes dans les écoles pour éviter le jambon, le suivisme woke et son compagnonnage avec l’islamo-gauchisme, l’indigénisme, le déconstructionnisme, l’intersectionnalité, le racialisme et autres modalités du néo-fascisme, rien de tout cela n’a convaincu.

    Le socialisme des notables a sauvé sa peau à coup de clientélisme — une recette qui a également marché pour LR. Ce ne sera pas suffisant pour trouver un candidat socialiste crédible d’ici un an. D’autant que l’actuel locataire de l’Élysée en est lui-même un, nourri au lait bien gras de François Hollande… Il en a l’idéologie, la rondeur en moins.

    Leçon numéro 7 : c’est une déculottée pour LREM, mais Macron va crier au succès. Ce parti fait de rien avec rien pour rien est bel et bien rien. La chose est démontrée ce dimanche 20 juin dans les grandes largeurs. Les caciques de ce faux parti, vrai baltringue, disent qu’il faut du temps pour s’installer dans le paysage politique. Or ça n’est pas du temps qu’il faut mais du talent. Du talent, de la compétence, de la rigueur, de la méthode, du professionnalisme. Et de la passion pour la France et pour les Français. Or tout ça manque cruellement…

    LREM est un club d’afficionados créé par et pour un homme qui, sauf peut-être son épouse, n’aime personne d’autre que lui. Son projet ? lui. Son programme ? lui. Son avenir ? lui. Son passé ? lui. Sa ligne ? lui. Or, lui, c’est tout et le contraire de tout, en même temps, c’est une passion affichée sur sa photo officielle pour l’auteur de Corydon et celui des Mémoires d’espoir, c’est une alliance à chaque main, c’est un parti dont l’acronyme est constitué par ses initiales. Il est normal, quand l’homme s’effondre, que son parti épouse son mouvement.

    Ci

  • La Libye du Boulevard Saint Germain : Une guerre civile ? (II/III), par Champsaur.

    La genèse de la révolte. 

    Tout débuta avec le soulèvement de la Cyrénaïque, la ville de Benghazi en particulier. Tripoli était confronté à une insurrection endémique dans cette région frontalière de l’Égypte, qui s’est exacerbée depuis 1990 environ pour donner une date.

    Défections avec armes et bagages étaient fréquentes dans les casernes de l’est du pays. Mal inspiré, Kadhafi libera 110 islamistes en Févier 2011, qui rejoignirent immédiatement Benghazi et sa région. Dans la continuité des évènements de Tunisie, la ville s’enflamma. Émeutes violemment réprimées par les forces armées de Kadhafi, elles dégénérèrent en véritable insurrection. Le soulèvement de Benghazi aboutit à faire passer la plus grande ville de l'est du pays dans le camp de la rébellion.

    Le 24 février 2011, les principaux leaders de l'opposition, d'anciens officiers militaires, des chefs tribaux, des universitaires et des hommes d'affaires se réunirent à El Beïda; pour constituer trois jours plus tard un Conseil national de transition (CNT) sous la présidence de Moustafa Abdel Jalil, ancien ministre de la justice de la Jamahiriya, islamiste dans l’âme, grand défenseur de la charia (nom à retenir pour la suite immédiate ....).

    Le 23 mars, le Conseil établit un Comité exécutif, présidé par Mahmoud Jibril, pour faire office de gouvernement de transition. Le CNT annonça l'évolution de la Libye vers la démocratie et le multipartisme (interdit de rire). 

    lybie khadafi revolte.jpg

    Dans le même temps se met en place en France la diplomatie du boulevard Saint Germain qui aboutira à la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 17 mars 2011. Les acrobaties pour parvenir au vote sont bien décrites dans ce papier du NouvelObs : http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/03/23/libye-histoire-secrete-de-la-resolution-1973.html

    N’importe quel Ministre des Affaires Étrangères aurait démissionné avec fracas. Pas monsieur Juppé. Intégralité de la résolution http://www.un.org/News/fr-press/docs/2011/CS10200.doc.htm

    Et ce qui était protection de populations, s’est vite transformé en renversement du régime, sans considération pour les vives critiques des Russes et des Chinois s’estimant floués. Au fil des mois, alors que la guerre civile faisait rage dans le pays, le CNT fit l'objet d'une reconnaissance internationale accrue, en réalité une mascarade téléguidée par la bannière étoilée. La formation de nouveaux partis politiques fut annoncée à partir de l'été 2011, comme le Parti de la nouvelle Libye ou le Mouvement socialiste libyen Abdessalam Jalloud, ancien numéro deux de Kadhafi, annonça pour sa part la création d'un «Parti de la Justice et de la liberté de la patrie ». Mais la suite connut quelques ratés.

    Monsieur Bernard Henri Lévy ramena dans ses valises Moustafa Abdel Jalil (ci-dessus cité) tel Churchill ramenant De Gaulle en Juin 1940 (comparaison à peine à la hauteur de notre philosophe), pour lui ouvrir les portes de l’Élysée. Étiqueté les jours de vertige, « le père la victoire », pas de limite à l’hyberbole même du plus haut ridicule. Mais l’intéressé ne répondit pas aux espoirs de notre diplomate amateur ! Accusé par la justice militaire (ou ce qui en tient lieu), le 11 décembre 2012 (un an plus tard !), d'abus de pouvoir et d'atteinte à l'unité nationale, dans le cadre de l'assassinat du chef d'état-major des rebelles, Abdelfattah Younès, en juillet 2011, Abdel Jalil jugea plus prudent de mettre quelque distance entre sa personne et les fous furieux qu’il avait participé à mettre en place.

    Lire : Jeune Afrique du 12 Décembre 2012: Libye : Abdeljalil, l'ex-chef du CNT, inculpé dans l'affaire de l'assassinat du général Younès | Jeuneafrique.com - le premier site d'information et d'actualité sur l'Afrique

    Et (9 janvier 2013) : http://www.tunisie-secret.com/Mustapha-Abdeljalil-s-est-refugie-en-Tunisie-a-ses-risques-et-perils-_a264.html

    Extrait :

    « … Premier à avoir trahi la Libye, Mustapha Abdeljalil (ci-dessous, ndlr), ancien président du Conseil National de Transition (CNT), s’est rendu la semaine dernière en Tunisie où il espère s’installer définitivement, se sentant menacé dans son pays. Il a pu quitter la Libye alors qu’il était frappé d’une mesure d’interdiction de voyager … 

    libye Mustapha Abdeljalil.jpg

     

    Selon l’AFP, sur la base d’une source du tribunal militaire libyen qui a requit l’anonymat, Mustapha Abdeljelil est arrivé à Tunis à l’invitation de Moncef Marzouki. Ce n’est pas tout à fait exact puisque, selon nos informations, c’est à l’aéroport de Tripoli et devant la police, que Mustapha Abdeljalil a évoqué une invitation officielle du président provisoire tunisien, ce que la présidence tunisienne a confirmé à la police des frontières libyennes. Abdeljalil a persuadé Marzouki qu’il voulait s’enquérir de l’état de santé de sa fille qui serait hospitalisée dans une clinique en Turquie, que par conséquent, il ne fait que transiter par Tunis avant de se rendre à Ankara. …
    C’est donc de façon illégale que l’ancien chef des sicaires libyens a pu quitter Tripoli pour Tunis. La raison du départ précipité d’Abdeljalil Mustapha est la crainte de se faire liquider physiquement comme beaucoup d’autres … « 
    La conclusion de cette équipée otanienne est connue avec l’assassinat de Kadhafi, meurtre avec préméditation comme le définit le code pénal. Ce fut monsieur Juppé, notre ministre des Affaires étrangères, répétant inlassablement dans les media (sitôt obtenue la 1973) « Kadhafi doit quitter le pouvoir », ce fut François Heisbourg, chef de file des néocons américains en France déclarant sur un plateau de télévision «j’espère que Kadhafi sera tombé dans l’escalier avant le ramadan … » (il commençait le 1er Août , en 2011). Et à défaut de le faire glisser dans l’escalier, un bombardement d’une de ses résidences à Tripoli tua le plus jeune de ses fils et trois de ses petits enfants (1er Mai 2011). Morale de l’OTAN. C’est la nouvelle géopolitique de la France.

     

    Ce que savait la France.

    Les connaissances de la France sont anciennes et précises, sur les trois régions Fezzan, Cyrénaïque et Tripolitaine. Depuis la création du pays en 1952, et même longtemps avant. Un vieux « colo », le général de Corps d’Armées Jean Salvan, grièvement blessé au Liban, a écrit deux pages lumineuses en Juillet 2011 » … les anciens du Tchad ont suivi avec curiosité et inquiétude notre engagement militaire en Libye : ils se souviennent de la Senoussia, cette secte musulmane farouchement anti-occidentale, créée en 1842. La Senoussia dirigeait la Cyrénaïque et elle fut notre principal adversaire lorsque nos coloniaux abordèrent la partie saharienne du Tchad. Ce ne fut qu’après les défaites de la Senoussia à Bir Ali en 1901 et Aïn Galaka en 1912, que nous pûmes enlever Faya-Largeau et le nord du Tchad. La Senoussia fournit à la Libye son premier roi, Idriss 1°, en 1945, lors de l’indépendance.

    Un siècle plus tard, nous voir voler au secours des descendants de ceux qui furent nos plus farouches adversaires, partisans d’un Islam fanatique, laisse perplexe… Ont-ils vraiment changé ? … »

    Le poids du système tribal local, rend illusoire toute approche centralisée du pouvoir dans une société ultra fragmentée. Malgré l’imprécision des chiffres on estime à 60 les principales tribus et à 750 celles de moindre importance. Mais surtout ces 60 communautés principales regroupent environ trois millions et demi de personnes, à mettre en regard des six millions  d’habitants. Et une dizaine disposent de réseaux vers d’autres pays de la région, Algérie, Egypte, Tunisie, Tchad, Niger, Mali.

    Nous ne sacrifierons pas à la mode d’affubler Muammar Kadhafi de différentes appellations peu amènes. La France fut la première à s’opposer à lui après le coup d’État de 1969 aidé par Nasser (et qui avait été pressenti et anticipé par les Services de Renseignement), dans sa responsabilité de protéger le Tchad. Et elle est la dernière à laquelle on peut faire des leçons sur le comportement de ce bédouin fantasque. La littérature spécialisée dévoile plusieurs opérations secrètes envisagées pour l’éliminer physiquement dès les années 1970 (comme la fin des mémoires de VGE, qui cite une opération classifiée en cours, qu’il confia à Mitterrand lors de l’entretien confidentiel de la passation de pouvoir). Et à chaque occasion, à la veille de passer à l’action Washington opposa un feu rouge, estimant que la disparition envisagée n’était jamais dans ses intérêts. Puis à partir des années 2000, la Libye et son chef passèrent ouvertement du statut de paria à celui de partenaire. Pris à nouveau en considération par la diplomatie internationale, la Libye créa en 2000 l’Union Africaine (déclaration de Syrte en Décembre 1999 et réunion de Durban en 2002). Une sorte de pivot entre l’Afrique et le monde arabe. En Octobre 2004 après renoncement aux armes de destruction massives, et signature du protocole additionnel du Traité de Non Prolifération Nucléaire. Démarches de pur formalisme car les infrastructures industrielles ne permettaient certainement pas d’élaborer de tels projets. Autre chose aurait pu être d’apporter les financements … Successivement l’UE leva l’embargo sur les livraisons d’armes, les USA reprirent les activités commerciales (dont évidemment le pétrole, sur quinze permis d’exploration accordés par les Libyens, onze allèrent aux USA !), candidature acceptée à l’OMC, levées des restrictions de circulation des diplomates, Kadhafi reçu en chef d’État à Bruxelles le 27 Avril 2004. Au moins ces années Chirac s’organisaient autour d’une certaine cohérence, ce qui ne fut plus le cas par la suite.

    Qu’ont vu, ceux d’entre nous qui allaient travailler en Libye dans ces années 2000 ? Un pays où l’islam n’imprégnait pas la société, où les femmes étaient habillées à l’occidental (signe qui en dit très long), où elles tenaient des postes de responsabilités tant en technique qu’en négociations commerciales, où la bande côtière arable était remarquablement cultivée (impressionnant vu d’hélicoptère), où le centre de Tripoli était animé tard dans la nuit avec les grands magasins ouverts, en bref une économie en plein décollage. Il y avait d’ailleurs tout à portée de main pour qu’il en soit ainsi. Réserves prouvées de pétrole 9ème rang mondial (chiffres publics de la CIA), 22ème rang pour le gaz, revenus destinés à 6 millions d’habitants. Kadhafi avait organisé un régime de redistribution généralisée, les libyens ne s’en cachaient pas et en étaient très fiers. Un PIB de 14.000 $ / an / h (50 ème rang sur 200 pays environ), un Indice de Développement Humain (ONU, espérance de vie, éducation, niveau de vie) élevé 56ème sur 200 pays. Et la Libye donnait du travail sur son territoire à environ deux millions d’Africains qui renvoyaient leurs salaires chez eux.

    Devant un tel bilan nous avons été nombreux à être outrés par les caricatures assénées par les media, en premier lieu gouvernementaux des bobos parisiens, téléguidés par le cabinet du quai d’Orsay, alors que la réalité de ce pays était parfaitement connue.

    libye sarkozy-khadafi.jpg

     

    Les années Sarkozy sont encore aujourd’hui très difficiles à décoder voire incompréhensibles. Tout le monde avait saisi que les gesticulations autour des infirmières bulgares, relevaient du coup de menton et d’une manière peu coûteuse d’occuper l’estrade. Mais la visite à Paris, du 10 – 15 décembre 2007 s’inscrivait dans l’évolution de Tripoli. Elle n’a choqué que les esprits moisis de quelques moralistes professionnels, des Bayrou, des BHL, ou les opposants à Sarkozy par principe. Et montrait surtout leur complète ignorance de la situation à défaut d’être d’authentiques parangons de vertu. Que le bédouin ait voulu planter sa tente était plutôt dans un ton traditionnel, souhaitant peut être, imiter Ibn Seoud devant Roosevelt sur le pont arrière du Quincy …

    Nulle doute qu’une déception se fit jour quand Tripoli refusa d’entrer dans le projet d’Union pour la Méditerranée (au fait, où en sommes nous ?), qui devait être une clé de voute de la diplomatie sarkozienne.

    Mais cela n’explique pas que trois ans plus tard notre chef de l’État décidait de s’en prendre ainsi à un gouvernement qui ne menaçait en rien les intérêts français. En déclarant une guerre qui montrait à l’évidence que la légende du «printemps arabe» (volatilisée deux ans plus tard) avait supplanté toute analyse stratégique, faisant fi de notre Histoire, de nos connaissances centenaires de ces régions, nourris d’irremplaçables archives, tant chez les diplomates que chez les militaires, ou les financiers. Le total a donné l’impression sur l’instant d’une décision prise à l’aveuglette, ou ce qui est tout aussi grave, pour obéir à un donneur d’ordre extérieur (on voit bien lequel …).

    http://www.lexpress.fr/actualite/politique/la-photo-kadhafi-sarkozy-introuvable-sur-le-site-de-l-elysee_964940.html

    Reconnaissons objectivement que le résultat de notre action fut, de façon irrationnelle, d’ouvrir les pistes à des islamistes là où Kadhafi leur avait barré le chemin depuis au moins deux décennies. Les Américains se sortent très bien de ce genre de contradictions, la France y perd sa crédibilité, et contrairement aux apparences, son âme. (à suivre...)

  • Sur le Blog La Couronne : La démocratie sans la monarchie, c'est l'oligarchie...

    ...par Jean-Philippe Chauvin :

    https://www.la-couronne.org/tribune-de-royalistes/democratie-monarchie-cest-loligarchie/?fbclid=IwAR3sAv9yHpbZZy_ndk1jg-_2kmMLlWz770KVHgo0Jc9dilJnXH9iqWer1xU

  • Démocratie et populisme, par Gérard Leclerc.

    © Gage Skidmore / CC by-sa 

    Il n’y a pas que du côté de l’Élysée et de La République en marche que l’on s’inquiète du phénomène complotiste. Il est au centre des soubresauts de la présidence de Donald Trump. Et il est étroitement associé à ce qu’on appelle aussi populisme. Faudra-t-il donc dissoudre le peuple, pour reprendre l’expression de Bertolt Brecht ?

    gerard leclerc.jpgIl y a des mots qui font fureur dans les médias, mais aussi dans la bouche des hommes politiques. Celui de complotisme est d’autant plus en vogue qu’il paraît rendre compte de phénomènes contemporains, marqués d’un caractère spécifique. Ils sont, en effet, relayés massivement par les réseaux sociaux et affectés d’une tonalité mensongère inaperçue de vastes secteurs de l’opinion. On parle de « fake news » que l’on peut préférer traduire en Français par « bobard ». Donald Trump se serait montré particulièrement retors dans ce genre de pratiques qui peuvent avoir des effets pernicieux, tel l’envahissement du Capitole, le 6 janvier dernier, par des manifestants déchaînés. Comment ne pas souscrire à cette analyse qui met en évidence une mutation dans les manières de communiquer ? Le président américain s’est montré orfèvre dans le genre avec son utilisation incessante des nouveaux moyens d’expression.

    Faut-il alors s’en prendre à la crédulité populaire, puisque des millions de citoyens adhèrent à ces propos contestables ? Le complotisme est d’ailleurs étroitement associé au populisme. C’est donc le peuple qui représenterait aujourd’hui le plus grand danger pour l’État de droit et la paix sociale ? Est-ce la démocratie qui se mettrait en péril du fait du trop grand pouvoir de demos ? Il est une autre appréhension de ce type de phénomène. Avant d’incriminer la crédulité populaire, ne faudrait-il pas s’interroger sur la manque de confiance qui s’est instauré à l’égard des dirigeants et des professionnels de l’information ? Ainsi peut-on retourner l’accusation. Et le mépris des gens ordinaires n’est sûrement pas le meilleur moyen de combattre le complotisme.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 janvier 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Démocratie et laïcité, par Guy Adain.

     Il est relativement fréquent que de nos amis royalistes fassent l’apologie de la monarchie constitutionnelle et de la laïcité.

    Ils pensent que les Français, dans une grande majorité, ne remettraient jamais en cause ces deux dogmes quasiment sacrés de nos institutions : « la Démocratie et la Laïcité. »

    En parler, c’est déjà tabou, les contester, s’apparente à de l’incitation à la mise en danger de l’état.

    Ne pas être démocrate est un crime de lèse-majesté ; et comble de l’horreur, catholique pratiquant de surcroît, l’on atteint le summum du mauvais goût. Et pour ne pas collaborer à ces tristes dispositions, l’on décide d’en faire un préalable non négociable ; la question ne se pose même pas, une société évoluée et digne de ce nom est nécessairement « Démocrate et Laïque ». Hors de ces piliers de toutes constructions sociétales : point de salut !

    La France est née en 1789 et elle éclaire de ses Lumières les Droits des Hommes du Monde !

    La reconstitution du Royaume de France avec un Roi laïque qui ne règnerait pas, autant dire, sans Foi ni Loi et Sans-culotte en plus, désespérerait le bon Saint Éloi ! Les Français n’en voudraient pas. La monarchie constitutionnelle, c’est peut-être bien chez les autres, mais pas de ça chez nous, diraient les Français !

    Un irresponsable qu’on ne peut pas…couper ?

    Ce que nous Français serions éventuellement capables d’accepter, c’est un Roi débonnaire, responsable de tout et de tous, à l’écoute de ses Peuples dans un Royaume hérissé de nombreux droits coutumiers et de franchises.

    Notre histoire n’appelle pas une monarchie constitutionnelle, elle n’apporterait rien à la France quand elle est certainement bénéfique chez nos différents voisins européens. Chez nous ce ne serait que folklore et dépenses supplémentaires. Napoléon l’avait compris et avoir érigé la France en Empire après la Révolution était la marque d’une parfaite connaissance de la nature humaine française, le manque de Roi était patent ; il l’a comblé.

    Aujourd’hui nous sommes dans cette situation, il n’y a pas de responsable, quand il y en a…Ils ne sont pas coupables…

    L’avenir, autrefois sans limites, est à cinq ans, et ces jours-ci il aurait tendance à se rétrécir !

    Alors, amis constitutionnalistes, laissez-moi vous donner mon « choix du Roi ». Non pas l’homme, il existe, il suffirait de l’aller chercher.

    Le pouvoir devrait être absolu, non pas dictatorial certes, mais tempéré par le Conseil du Roi. L’absolutisme en 2020 serait comparable au droit parental, le Roi étant le père du Royaume.

    Tous les droits sont donnés au Roi, sauf celui de nuire bien évidemment. Un ministère de la catholicité et de la morale serait créé et en charge de veiller à l’éthique religieuse du Royaume. La religion catholique serait instituée religion d’état ; les autres religions en usage dans le Royaume seront libres de pratique et protégées. Un ministère de la Nature prendra le pas sur toutes les décisions gouvernementales, la préservation de la Nature, l’écologie seront toujours prioritaires et mise en avant.

    Voici en quelques lignes les grandes orientations qui ne sont pas prises en compte actuellement et à mon humble avis font défaut.

    Etre royaliste, c’est avoir quelques idées sur l’organisation du Royaume, c’est aussi et surtout Servir,

    Etre d’une fidélité absolue au Prince,

    Ne pas être (comme on le voit souvent plus royaliste que le Roi…)

    Ce n’est certainement pas un programme de gouvernement, juste quelques mots pour dire combien je suis éloigné d’une monarchie constitutionnelle qui à mon sens n’apporterait rien.

     

    Mon rêve de royauté est ainsi résumé, serions nous quelques uns à partager ?

    Guy Adain

    01/V/2020

  • Et la démocratie, dans tout ça ?, par Christian Vanneste.

    L’année 2020 aura plongé la planète entière dans une confusion inouïe. On pourrait y voir la principale séquelle de la pandémie qui continue de sévir en Europe, notamment. Certains ne manqueraient pas d’y déceler l’effet délétère du “virus chinois”. Sans verser dans l’hypothèse du complot, force est cependant de constater les trois évolutions politiques majeures qui marquent notre époque, et qui sont à la fois accélérées par le covid et masquées par l’obsession médiatique qu’il a suscitée.

    christian vanneste.jpgSon rival qu’a constitué l’élection américaine permet d’ailleurs de confirmer le diagnostic : l’Occident et le modèle qu’il offrait au monde s’effondrent, la démocratie, loin d’être la fin de l’histoire éveille maintenant des doutes sur son avenir, le combat décisif entre le conservatisme et le progressisme est en train de se jouer.

    Les Etats-Unis ont donc élu leur Président. On peut voir dans cette élection le dernier sursaut de la démocratie. Les Américains n’ont jamais autant voté, mais jamais le déroulement de la campagne et du scrutin n’auront à ce point souligné la fragilité sinon le délabrement du système. Vue de France, une élection qui permet à un candidat de l’emporter avec moins de voix que son adversaire est déjà surprenante, mais une fois admise la légitimité du principe fédéral prééminent aussi pour le Sénat, le scénario mis en oeuvre outre-Atlantique est désastreux. Le Président élu a fait l’objet durant tout son mandat d’un rejet du système et de l’oligarchie qui le dirige, allant du travail de sape continu des démocrates à la désinformation haineuse et méprisante de la majorité des grands médias. Si son style n’a guère rehaussé la Présidence de l’Etat le plus puissant au monde, sa politique avait jusqu’à 2019, plutôt connu des succès. L’explosion du mouvement racialiste après la mort de George Floyd a révélé les tendances au déséquilibre de la société et de la mentalité américaine, que le parti démocrate a utilisées sans scrupule : dénigrement de la police, repentance exacerbée et exhibée, exploitation des identités minoritaires au risque de désagréger la nation. Cette arme avait le défaut de réveiller l’électorat de Trump par patriotisme et fierté nationale. C’est alors que la divine surprise du covid survint pour les démocrates : la frousse individualiste a terrassé le courage collectif, l’isolement sanitaire et la porosité du vote par correspondance ont sans doute triomphé de la “transparence” de l’isoloir. Qui croira encore dans le modèle démocratique américain une fois de plus déconsidéré entre grand spectacle et petits décomptes ? L’Amérique qui avait commencé le millénaire en puissance unique va descendre les marches du podium. La croissance démographique, économique et militaire des pays dominés par l’Occident durant les deux derniers siècles va inverser le rapport de forces. A l’intérieur même des vieilles démocraties, l’importance de l’immigration et l’affaiblissement du sentiment national chez les jeunes générations vont accentuer les tensions, voire provoquer des risques de dislocation. Le progressisme qui règne dans les prétendues élites accompagnera le processus.

    Ainsi la démocratie ne sera plus l’horizon ultime. Qu’est-ce en effet qu’une démocratie qui rejette le peuple, le démos qui la légitime au profit d’une masse d’individus, d’une collection de communautés ? Qu’est-ce qu’une démocratie qui limite les libertés, soit pour imposer comme des dogmes les préjugés minoritaires, religieux, sexuels, raciaux même lorsqu’ils sont contraires au bon sens et aux valeurs qui en sont le socle ? Qu’est-ce qu’une démocratie quand la peur prend le pouvoir et transforme les citoyens en moutons affolés ? Ce que l’inquiétude écologique avait manqué, la panique sanitaire le réalise : interdictions multipliées, vie sociale et contestations réduites, élections tronquées ou truquées, pensée unique légitimée par la menace. Qu’est-ce qu’une démocratie lorsque le démos qui la fonde n’est plus maître chez lui ? Soumis là-bas à l’Etat profond, ici à la technostructure européenne, il se voit contester son identité, son droit à l’identité, même. Seule une nation animée par une culture commune peut exprimer une volonté générale et donc être une démocratie. Plus on s’éloigne de la réalité nationale, plus on renforce la dictature molle de la technocratie. Plus on caresse l’illusion de trouver en celle-ci la compétence salutaire, plus on précipite les peuples dans la confusion et le désarroi. Les dernières crises l’ont montré. Celle qui vient sera pire.

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Les jeunes sans politique ?, par Jean-Philippe Chauvin.

    La question du pouvoir d’achat s’invite dans la campagne présidentielle qui semblait, jusqu’alors, se focaliser sur les questions d’identité, de mémoire et de grandeur de la France, thèmes majeurs mais dont il n’est pas certain qu’une campagne électorale soit le meilleur moment pour en parler sérieusement, au-delà des slogans et des coups de menton d’une surenchère toute « populiste », ce dernier terme n’étant pas, pour mon compte, forcément péjoratif.

    jean philippe chauvin.jpgLes principaux candidats brandissent chacun leurs propositions, de la baisse drastique de la TVA sur l’énergie à l’idée d’un chèque destiné à amortir les effets de la hausse du prix des carburants pour les ménages les moins favorisés. Les usagers obligés de la route les entendent-ils vraiment ? A écouter les réactions dans la rue ou au bistrot, ce « parlement du peuple » (1) parfois plus utile que les sondages pour saisir l’esprit ou le vent du moment, ce n’est pas évident ! La « fatigue démocratique » n’a jamais été autant marquée parmi les classes populaires qu’en cette veille d’élection présidentielle, et elle pourrait bien se traduire par un taux d’abstention fort élevé au printemps prochain, le jour où les électeurs seront appelés à glisser un bulletin dans l’urne : la croyance dans ces « lendemains qui chantent » encore glorifiée par les tenants de la démocratie représentative est en train de mourir, si elle n’est déjà morte dans l’inconscient collectif, et il n’est pas anodin de constater que les plus jeunes des électeurs, ces « enfants de la République » à peine sortis des lycées et facultés, sont désormais les plus « incroyants » de celle-ci, sceptiques assumés et clamant par leur déni de vote « le roi est nu » quand les partis s’agitent encore devant eux en des sarabandes parfois fort vulgaires.

     

    Du coup, la grande question de la démocratie se trouve à nouveau posée, et la réponse n’apparaît plus aussi évidente qu’elle paraissait l’être il y a encore quelques années. Je remarque d’ailleurs que le mot même revient peu dans les débats des jeunes entre eux et même avec les autres générations. Cela veut-il signifier qu’ils refusent la démocratie ? Non, mais ils s’en détournent, comme ils se détournent de tout ce qui sonne trop politique à leurs oreilles. Ce n’est pas la démocratie qui les fait fuir, c’est la politique ou ce qu’ils prennent et comprennent comme telle qui les ennuie… Bien sûr, quelques jeunes font exception (2), mais leur nombre se réduit au fur et à mesure des années et des élections, et j’en suis, d’ailleurs, fort inquiet : « quand la jeunesse se refroidit, c’est le monde qui claque des dents », s’écriait Georges Bernanos, toujours fidèle à sa jeunesse militante de Camelot du Roi jamais rassasié par les discours du pays légal de son temps !

    Certains me rétorqueront que les nouvelles générations pratiquent de nouvelles formes de « militance » (terme que je n’apprécie guère et qui me semble un pâle succédané de militantisme, mais sans goût ni saveur…), mais cela n’enlève rien au constat général d’une certaine désaffection des jeunes pour la réflexion et le débat politiques et institutionnels qui laisse le champ libre aux excès religieux ou au repli individualiste qui, par essence même, est la négation du politique et, au-delà, de l’appartenance enracinée.

    Comment faire pour réenchanter la politique aux yeux des jeunes générations ? C’est une question à laquelle il n’est pas forcément aisé de répondre, mais j’avoue ne pas vouloir céder à la facilité de l’indifférence qui consisterait à « dépolitiser » les débats dans notre société pour mieux attirer ces jeunes qui fuient la politique. Au contraire, il me paraît nécessaire de poser des idées politiques, non par goût de l’affrontement mais par souhait de débat et, aussi, de responsabilisation de ceux qui, demain, auront la tâche d’assumer les charges de la société, à travers leur famille, leur travail, leur lieu de vie. En cela, évoquer la proposition monarchique, couplée avec le souci environnemental, les questions d’enracinement et l’immense et toujours contemporaine question sociale, peut être un moyen d’accroche et d’incitation à la réflexion autant qu’à l’action. Mais, pour éviter la rapide désaffection d’un public moins sensible à ces questions que ma propre génération (vieillissante…), encore faut-il rappeler l’importance d’un « idéal », non comme une idéologie édénique et obligatoire, mais comme la possibilité de « l’imagination au pouvoir », imagination fondée sur l’intelligence et sur ces racines qui permettent aux grands arbres de caresser le ciel. Une imagination qui doit rester éminemment politique : quand les idéologues de tout acabit depuis Saint-Just, cherchent à créer un homme nouveau pour une société parfaite, ce qui fut (et reste) la base des totalitarismes passés comme contemporains (transhumanisme compris), il paraît nécessaire de rester les pieds sur terre sans s’empêcher de parfois regarder vers le haut et souvent vers les autres. La Monarchie royale n’est pas un rêve impossible à réaliser, mais elle reste un idéal à (re)fonder, non dans l’utopie, mais par l’intelligence, la volonté et l’action. Selon les uns ou les autres, le dessin (comme le dessein…) peut être différent suivant la raison de chacun : après tout, n’est-ce pas le principe même d’une Monarchie royale ? La pluralité dans l’unité ; la cathédrale aux vitraux multiples et sa clé de voûte fleurdelysée

     

    Notes : (1) : Je reprends cette expression célèbre née sous la plume de Balzac et qui n’aurait pas déplu à Bernanos, entre autres…

    (2) : L’Université d’été de l’Action Française du mois d’août de cette année, par exemple, a montré la persistance d’un militantisme actif de jeunes au sein de la mouvance royaliste maurrassienne, tout comme au sein des Verts ou des Insoumis…

  • La Grèce... ne nous fait pas peur ! Par Jean-Philippe CHAUVIN

    arton8470-7b8cd.jpgLa Grèce fait peur, une fois de plus : non pas que les Hellènes nous menacent d'une invasion mais plutôt d'une implosion du système de l'union monétaire européenne, à en croire les élites libérales et la Commission européenne elle-même qui oscille entre ton d'une rare fermeté et une certaine prudence, comme pour ne pas insulter l'avenir mais en se préparant à une confrontation musclée avec le gouvernement de la Gauche radicale issu des urnes grecques. 

    Bien sûr, et c'est le discours officiel que l'on entend partout dans les sphères bruxelloises, les Grecs ont exagéré, par le passé : ils ont cru que la société de consommation que venait leur « offrir » la Communauté économique européenne (devenue Union européenne au début des années 1990) était un cadeau que l'on n'oserait pas leur reprendre puisque « l'Europe », c'était la paix, la prospérité et, surtout, la solidarité, et qu'ils en profiteraient toujours...

     

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    Cadeau empoisonné car la société de consommation et de croissance ne fait jamais rien gratuitement et ce qu'elle « offre » un jour devient la dette du lendemain. Les Grecs, tout heureux d'être acceptés dans cette Europe à laquelle ils avaient donné son nom à travers un mythe ancien, ont joué les cigales et, croyant les européistes qui annonçaient à longueur de colonnes la fin des États remplacés par une Europe fédérale bruxelloise, n'ont rien fait pour construire un État, des institutions et un appareil politiques dignes de son histoire et de son destin. Mais, quand manque l’État, le chaos n'est pas loin, conjugué à l'injustice et à la corruption : c'est d'ailleurs une leçon que la Grèce, depuis l'Antiquité, nous donne à travers sa propre histoire.  

    La Grèce a connu une véritable descente aux enfers durant ces dernières années : bien sûr, elle avait fauté mais le châtiment n'était-il pas, en fait, injuste car frappant tous les Grecs et non, d'abord, les responsables politiques et économiques du pays qui l'avaient, par démagogie et carriérisme, mené à la catastrophe ? Certains me rétorqueront que les électeurs étaient tout aussi coupables que ceux qu'ils avaient élus, justement parce que, par le simple jeu démocratique et électoral, ils les avaient portés au pouvoir... Certes ! Mais, dans ce cas, que la démocratie est brutale ! Or, la politique n'a pas pour seul but de sanctionner mais de décider, de guider, mais aussi d'accorder les citoyens entre eux, de leur apporter les « hautes conditions du bonheur », non le Bonheur totalitaire d'un Saint-Just, mais celui qui permet l'harmonie du corps social et des citoyens avec le monde environnant, ce bonheur qui se conjugue au pluriel...  

    Peut-on oublier, aussi, que les institutions de l'Union européenne elle-même sont fautives puisqu'elles savaient qu'il y avait, au moment de l'entrée dans la zone euro, tricherie de la part du gouvernement grec d'alors, une tricherie facilitée par les banques dont la fameuse Goldman Sachs ? Mais il fallait alors que l'euro fasse rêver, car cette monnaie unique avait été présentée aux peuples comme cette solution-miracle qui allait, c'était certain, écarter tout risque de crise et assurer le plein-emploi et la prospérité au continent tout entier : on sait désormais que, s'il y avait tricherie, c'est d'abord et surtout de la part d'une Union européenne qui a menti pour faire avancer ses projets sans possibilité future de recours pour les États qui s'étaient engagés dans ce que l'on peut nommer l'aventure, sans que celle-ci soit vraiment assurée d'être heureuse... L'Europe a construit, par idéologie, son malheur et celui de ses peuples : que le peuple grec, abusé à la fois par sa classe politicienne indigne et par une Union européenne arrogante, décide désormais de « changer la donne » en rejetant bruyamment ses anciens partis dominants et en brandissant le poing devant le nez de « l'Europe », n'a rien, en définitive, de surprenant. Je ne suis pas certain que l'on puisse, malgré les errements anciens, l'en blâmer... Mais il est fort possible qu'il donne des idées à d'autres peuples d'Europe, ceux-là qui, d'ordinaire, désertent les urnes européennes pour mieux maugréer en vain contre un système qui leur échappe ou qui, déjà, s'en servent comme pavés pour se rappeler au bon souvenir des classes dirigeantes, nationales comme bruxelloises. En ce sens, la Grèce fait peur aux oligarchies qui, trop longtemps, ont cru qu'elles pourraient éternellement imposer leurs vues aux électeurs, au nom et par le moyen d'une démocratie représentative qui n'est pas celle que les Athéniens de Clisthène et de Périclès pratiquaient... Quand le royaliste Bernanos dénonçait la démocratie libérale comme le moyen politique du capitalisme de manœuvrer et dominer les foules, il visait juste ! Que, brusquement, ce système électoral se retourne contre ceux qui en vivaient et s'en servaient cyniquement pour légaliser leur domination, et voila que les masques tombent et que l'Union européenne s'inquiète ! Quoi ? Un peuple en dissidence ? Si ce n'est pas encore une révolution, c'est, assurément, une révolte... Où mènera-t-elle ? Nous verrons bien, et nous nous gardons, prudemment, d'en faire un modèle : regardons-la comme une expérience intéressante et, à coup sûr, instructive quelle que soit sa destinée. Mais, à défaut d'être nôtre, elle nous est un rappel que, en politique, rien, jamais, n'est impossible : une leçon que, en bons empiristes organisateurs, les royalistes ont retenu et ont bien l'intention, à leur tour et pour notre pays, de mettre en pratique...   

    Le blog de Jean-Philippe CHAVIN

  • Etre royaliste en 2020, par Jean-Philippe Chauvin.

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    Il faut bien l’avouer :  aujourd’hui, malgré les efforts des militants monarchistes de toutes tendances, le royalisme semble presqu’invisible aux yeux de nos contemporains, baignés dans l’ambiance distractionnaire de la société de consommation, désormais plus numérique que physique, et par l’angoisse actuelle de la maladie qui rôde dans nos villes :

    jean philippe chauvin.jpgcette dernière menace semble d’ailleurs tétaniser toute capacité de réflexion politique et, tout compte fait, elle paraît souvent profitable (pour l’instant…) aux pouvoirs en place, au point de prédire (mais n’est-il pas bien pour cela ?) une élection présidentielle au second tour semblable à l’élection précédente, avec un même destin électoral… Cette situation et la promesse d’une resucée de 2017 ne sont pas satisfaisantes, et les royalistes ne peuvent s’en satisfaire : je ne m’en satisfais pas.

     

    En tout cas, et malgré les impasses d’une République qui semble autant bloquée que bloquante, et alors même que tout semble confirmer les inquiétudes des royalistes devenus depuis un siècle des « Cassandre malgré eux », le royalisme connaît une marginalisation évidente dans le paysage politique français, aujourd’hui monopolisé par les tenants du « tout démocratique » et du « politiquement correct ». Cette situation gêne évidemment la perception des idées royalistes, trop souvent limitées, dans l’esprit de nos concitoyens, à quelques mondanités ou à des anecdotes, mélanges d’activisme et de folklore... Il est vrai que les royalistes sont parfois responsables de cette image déplorable ou caricaturale, et que leurs incessantes querelles, qu’elles soient dynastiques ou idéologiques, détournent du royalisme maintes bonnes volontés qui, pourtant, peuvent apporter de la « fraîcheur » à un courant d’idées temporellement vieux mais toujours utile, voire nécessaire au débat politique et institutionnel.

     

    Ainsi, au moment où la Ve République doit affronter les défis de la globalisation et de la logique globalitaire (néolibéralisme, idéologie consumériste, démocratisme élitaire et oligarchique...) ; au moment où les intelligences les plus vives ressentent un « malaise de civilisation » (prémisses ou, plutôt, révélateurs d’une crise aujourd’hui bien réelle ?) ; au moment où la maladie au numéro 19 remet en cause quelques unes des certitudes de notre mode de vie « sans limites », l’idée d’une instauration monarchique apparaît bien lointaine (autant dans le passé que pour l’avenir), mais doit revenir dans le champ des possibles : la Monarchie royale, au regard des données politiques et institutionnelles actuelles, reste (et sans doute, de manière plus précise, redevient) nécessaire pour notre nation aujourd’hui moins sûre d’elle-même et fragilisée par des forces externes (diplomatie états-unienne ; montée des puissances « alternatives », de la Chine à la Turquie ; règlementarisme européen...) et internes (ethno-nationalismes séparatistes, communautarismes religieux ou sociologiques,...). Une nation que nous évoquons, non comme une idéologie jacobine (la « Nation » avec un N majuscule) dont les excès centralisateurs se manifestent jusque dans la gestion « parisienne » de la crise sanitaire (les Marseillais en savent quelque chose, mais aussi les Rennais : les préfets sont redevenus les « représentants en mission » d’une République maladroite dans ses réponses à la pandémie), mais comme une forte réalité issue de l’histoire et des liens qu’elle a fondés et entretenus, et comme le fort sentiment de l’appartenance à un « ensemble pluriel et inaliénable ».

     

    Pourtant, la Ve République pensait avoir résolu le problème des institutions en « monarchisant » la République (hommage du vice à la vertu, diraient certains...) mais cette monarchie incomplète qui, en fait, semble plutôt avoir été, du temps du général De Gaulle, une forme française de « monocratie » renforcée par ses successeurs, est aujourd’hui largement remise en cause par les diverses réformes constitutionnelles de ces dernières années, mais aussi par les diverses cohabitations qui se sont succédé depuis 1986 (trois en quinze ans) et que le quinquennat a rendu désormais plus improbables (le mal est déjà fait, pourrait-on ajouter avec regret). En effet, depuis les années 1960, sous la pression conjointe d’une société de consommation de plus en plus mondialisée et d’une construction européiste qui oubliait, en fait, les réalités européennes comme la Nation de la 1ère République avait nié les réalités françaises, cette « pluralité de l’unité », la nation française paraît affaiblie et inquiète d’elle-même sans se résoudre ni à disparaître ni à se grandir à nouveau, et la Ve République est impuissante à se hisser à la hauteur des espérances que l’histoire de France, pourtant, autorise et que nombre de peuples, dans le monde, attendent !

    Voici ainsi une bonne raison d’être royaliste et de le faire savoir, avec ferveur mais sans démesure, en cherchant, d’abord, à servir le pays qui est le nôtre, ce « cher et vieux pays » dont les dévastations urbanistiques et les dégradations environnementales nous désolent. Il ne s’agit pas de prendre une douteuse revanche sur une histoire de France guère heureuse pour les derniers rois comme pour leurs partisans ultérieurs, mais de rendre à la nation française sa juste conscience d’elle-même et sa place au regard même de ce qu’elle a été, que cela soit chez elle ou de par le vaste monde. Une France qui ne s’arrête pas aux limites de l’hexagone mais navigue aussi sur tous les océans à travers ses territoires ultramarins, de la Nouvelle-Calédonie (qui vient de confirmer ce dimanche par référendum son appartenance à l’ensemble national) à l’île de Mayotte, notre plus récent département (depuis 2011) et pour lequel toute une génération de royalistes, autour du maurrassien Pierre Pujo et de son hebdomadaire Aspects de la France, a milité, « contre le sens obligatoire de l’histoire »…

     

    Mais être royaliste ne signifie pas être en « exil intérieur », bien au contraire, et, même si certains républicains peuvent en être surpris, nous travaillons en France, sous la République, parfois au sein de sa Fonction publique, sans que cela nous pose souci : il s’agit de servir le pays, sa population et, pour mon cas, ses jeunes générations. Un royaliste a sa place partout en France, partout où il faut servir et non « se servir ». Refuser de le faire serait, d’une certaine manière, appliquer « la politique du pire » qui est, comme le soulignait Maurras, « la pire des politiques ». Cela n’empêche pas, là où nous sommes, d’œuvrer, aussi, pour un État digne de ce nom, un État royal et dynastique qui n’a qu’une passion, qu’une obsession : la France, la France encore, la France d’abord…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/

  • Il va falloir écouter ceux qui font des vagues !, par Philippe Bilger.

    Nous en avons assez de ne pas faire de vagues. Au rassemblement en hommage à , le 18 octobre, place de la République, il y avait cette protestation, cette prise de conscience collective. Même tardive, elle laisse espérer plus qu’un éphémère sursaut.

    9.jpgJ’ai toujours éprouvé de la sympathie pour les lanceurs de vagues, bien plus que pour les lanceurs d’alerte qui, à tort ou à raison, m’apparaissaient le plus souvent pour des dénonciateurs occultes au grand pied, certains de s’attirer, dévoilés, les félicitations des médias de gauche puisque leurs révélations sont, en général, ciblées politiquement et économiquement. Ils ont leurs bons et leurs méchants.

    Mais les lanceurs de vagues, en France, quel que soit leurs domaines d’activité, ne sont protégés par personne. Ils s’exposent seuls, font preuve d’un courage d’autant plus impressionnant que notre pays est profondément allergique, malgré les apparences d’audace qu’il se donne, à ces intrépidités qui le contraignent, et tous les pouvoirs avec lui, à se remettre en cause.

    Il ne faut pas oublier, non plus, cette propension des services publics et des institutions confrontés à un scandale enfin mis au jour à moins s’indigner du scandale lui-même que de celui qui l’a révélé.

    J’ai moi-même connu directement, lors de certaines séquences judiciaires, combien il était imprudent de considérer que les dysfonctionnements, les vulgarités et les impolitesses étaient des broutilles ! L’enseignement à en tirer : ne jamais réveiller une hiérarchie qui dort !

    Il existe aussi, chez beaucoup de serviteurs de l’univers régalien, une pudeur, une frilosité. S’avancer ostensiblement sur la voie de la liberté, dans l’exigence de transparence, au nom d’une morale qui vous est propre et qui n’est guère partagée, n’est pas une mince affaire ; c’est une entreprise risquée. On dispose toujours de cette merveilleuse obligation de réserve qui sert à donner un tour honorable aux lâchetés dont on pressent, au fond de soi, l’indignité.

    En même temps, rien ne serait pire que de confondre les vagues utiles, stimulantes, nécessaires avec les soubresauts d’esprits qui ne se sentent à l’aise que dans la provocation et la contradiction. Et qui ne jouent jamais leur peau dans leurs misérables égarements.

    Qu’on aille une seconde dans l’espace médiatique et on vérifiera aisément que certains sont totalement à l’abri d’être des lanceurs de vagues parce que de leur esprit et de leur verbe ne coulera jamais que le tiède flux de la pensée convenue et des poncifs même pas renouvelés par un langage inventif.

    Pourquoi j’apprécie Éric Zemmour ? Parce que, précisément, il est un lanceur de vagues qui, pratiquement chaque soir sur CNews, relève le défi d’exprimer librement ce qu’il pense, d’explorer le réel à sa manière et de ne pas se préoccuper des conséquences de ses audaces. Quelle étrange conception de l’État de droit a la France pour aller chercher, dans une infinité d’aperçus admissibles, voire respectables, la seule infime outrance, globalité ou provocation à judiciariser !

    N’est pas lanceur de vagues qui veut. Il faut « être » d’abord, puis arbitrer entre son devoir et son confort. Enfin faire non pas le dos rond mais la personnalité altière, pas arrogante mais sûre de son droit à la pensée libre, à l’expression sans fard.

    Oui, il faudra dorénavant écouter ceux qui font des vagues.

    Ceux qui hésitaient, qu’ils ne se retiennent plus.

    Il en va de notre démocratie : l’horreur de l’enseignant assassiné, alors que le terreau malfaisant était connu, sous-estimé ou relégué, nous en a apporté la leçon sanglante.

     

  • Les décapitations sauvages en France, par Jean-Philippe Chauvin

    « Comme dans la vieille semaine, demandant toujours que l'on tue.»

     

    arton8470-7b8cd.jpgA entendre les médias, l'inédit est permanent : ainsi, au moment de la décapitation d'un industriel par un islamiste ordinaire non loin de Grenoble, il y a quelques semaines, la presse s'exclama que c'était la première fois dans notre beau pays et depuis le Moyen âge que cela arrivait. La photo faite par un policier et relayée par les réseaux sociaux puis la photo que les islamistes ont mis en circulation la semaine dernière, différente si le modèle reste tragiquement le même, de la tête accrochée à une grille de l'usine visée par l'attentat, ont choqué, et à juste titre. Nos sociétés sont devenues sensibles à une horreur qui, malheureusement, est monnaie (plus ou moins) courante sur des terres qui nous semblent lointaines et exotiques, de la Syrie au Mali, de l'Algérie au Nigéria, mais aussi à travers nombre de séries télévisées et de films à grand spectacle, et pas seulement dans Highlander... Mais en France, comment est-ce possible ! 

    Et pourtant ! Dans notre histoire nationale, il est une période que les manuels scolaires vantent comme fondatrice de notre société contemporaine et de ses mœurs politiques, et à laquelle nos hommes politiques et nos ministres, en particulier de l’Éducation nationale, attribuent une grande légitimité, évoquant avec des trémolos dans la voix, les « valeurs républicaines » qui en seraient issues : la Révolution française... Bien sûr, la période est complexe et je ne condamne pas tous les moments ou toutes les intentions de ceux qui ont parcouru et parfois initié ce grand mouvement dont le comte de Chambord disait, à propos de 1789, qu'il fallait le « reprendre », ce qui entendait qu'il était possible de la refaire dans un sens plus conforme aux intérêts de la France et de ses habitants, mais aussi de l'équilibre du monde : la convocation des états-généraux, les débats politiques et les essais constitutionnels, aussi maladroits aient-ils été parfois, sont intéressants et peuvent utilement être repensés. Marc Bloch avait raison quand il disait : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims, ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.» : cela n'enlève rien à la possibilité de la réflexion sur ce dernier événement et son sens, mais aussi sur ses espérances déçues. Mais la Révolution a ouvert la boîte de Pandore des idéologies individualistes, avec toutes ses variantes, des plus conciliantes jusqu'aux plus violentes ou étouffantes, et M. Talmon, cet historien israélien souvent cité mais fort peu lu, y trouvait ainsi les origines de la démocratie totalitaire. 

    La République a mal démarré, c'est le moins que l'on puisse dire, et en voulant faire table rase du passé (et pas seulement par l'imposition d'un nouveau calendrier), elle a parfois dénié toute humanité à ses adversaires, usant de procédés ignobles que Sartre aurait pu couvrir de la cynique formule qui déclare que « la fin justifie les moyens », et elle a couvert mais aussi commis, par elle-même, des horreurs que les islamistes actualisent en leur stratégie de la tension et de la conquête. 

    Bien sûr, la guillotine avait étêté « légalement » nombre d'opposants, des royalistes aux fédéralistes, du roi Louis XVI aux ouvriers lyonnais, et elle reste dans l'inconscient collectif de nombreuses populations européennes comme le symbole même de cette Révolution que peu d'étrangers nous envient, en définitive. Mais la mort des « ennemis de la République » ne suffisait pas aux premiers républicains, il fallait aller plus loin, pour terroriser les Français et dissuader de résister ou de contester les décisions de ce régime nouveau : dans la basilique Saint-Denis, les tombeaux des rois furent profanés et vidés de leurs occupants de la manière la plus sauvage qui soit, et cela fut fait aussi dans toutes les cathédrales de France, comme à Quimper où les crânes décharnés des défunts furent brandis au bout de piques le jour de la dévastation de la cathédrale, en décembre 1793... Quant au marquis de La Rouërie, compagnon de Washington lors de la guerre d'indépendance américaine et fondateur de la première chouannerie (celle des nobles bretons), son corps fut déterré par les soldats républicains pour en trancher la tête et la jeter aux pieds des châtelains qui l'avaient hébergé et recueilli son dernier souffle en janvier 1793... 

    Mais l'épisode de l'entrepreneur isérois, en juin dernier, a connu un précédent, similaire dans la forme et dans sa volonté de marquer les esprits et de terroriser : en janvier 1794, le prince de Talmont, ancien (et maladroit, sans doute) commandant de la cavalerie vendéenne de l'Armée catholique et royale, fervent royaliste et ami de Jean Chouan, est dans les prisons de la République. En apprenant sa capture, comme le rapporte l'écrivain Job de Roincé, « le conventionnel [régicide] Esnue-Lavallée écrit aussitôt au président de la Convention Nationale [l'assemblée parlementaire de la Première République] pour lui demander « que la tête de ce chef de rébellion soit immédiatement après son supplice plantée au bout d'une pique et placée au-dessus de la principale porte de son ci-devant château à Laval ; ce spectacle fera trembler la foule de malveillants, de royalistes et d'aristocrates dont cette ville fourmille ». » Ainsi, le procès n'est qu'une formalité purement administrative, la condamnation étant acquise avant même que celui-ci se déroule, et Talmont est guillotiné, ses derniers mots étant pour le bourreau, puis pour la foule apeurée et désolée : « J'ai fait mon devoir, fais ton métier », puis, en final, « Vive le roi ». 

    La suite n'est pas à l'honneur de la République et de ses commanditaires, comme la rapporte Job de Roincé, mais n'est que l'application des consignes données par le député républicain, suivi par la Convention : « Une scène atroce va alors se dérouler. Un ancien prêtre, Jean-Louis Guilbert, membre de la Commission révolutionnaire, prend la tête du supplicié, la place sur un chandelier pour s'amuser, puis il va la placer à la porte du château où elle est attachée à la grille. » Cette horreur était, ne l'oublions pas, couverte par la République, mais plus encore décidée par ses représentants élus à la Convention et encouragée par les membres du Comité de Salut Public dominé alors par Saint-Just et Robespierre. 

    L'histoire est cruelle : la République est-elle, au regard de ses origines et de ses pratiques de l'époque qui renouaient avec celles des temps dits barbares, la plus légitime pour s'indigner des actes de cruauté d'islamistes qui, eux aussi, sont persuadés d'être « légitimes » et « d'avoir forcément raison », « d'être le Bien » ? Bien sûr, elle a, dans cette affaire, tout à fait raison de dénoncer ces actes d’une grande sauvagerie, mais il ne serait pas inutile pour elle de se pencher objectivement sur son propre passé et de reconnaître qu'elle a, elle aussi, usé des méthodes les plus indignes pour imposer son règne de fer et d'acier en cette fin de XVIIIe siècle. Or, il suffit de lire les manuels scolaires d'histoire et d'entendre les propos de certains ministres (pas de tous, d'ailleurs) pour constater que la République, même si la Cinquième n'a pas grand-chose de commun avec la Première sur ce plan-là, n'a pas encore fait son examen de conscience... Le peut-elle, voilà la vraie question ! Personnellement, et après deux siècles d'expérience et d'observation, j'en doute... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Les frontières contre le virus ?, par Jean- Philippe Chauvin.

    La période du confinement forcé est propice à la lecture et à la réflexion, et ce sont des moyens utiles pour éviter de sombrer dans une forme d’hibernation intellectuelle facile mais, à plus ou moins long terme, fatale à l’intelligence et à la mesure.

    De nombreux éditorialistes poursuivent d’ailleurs leur activité, nourrissant le débat de plus ou moins bon grain, mais la lecture du Marianne de cette semaine apporte quelque réconfort au vieux royaliste que je suis, inquiet de voir certaines de ses prédictions anciennes se réaliser en direct mais soucieux de dépasser cet état pour avancer et lutter contre le fatalisme et la récidive.

    jean philippe chauvin.jpgIl est d’ailleurs toujours surprenant de constater que derrière ce titre, qui pourrait nous déplaire au regard de ce qu’il symbolise, il se trouve parfois d’excellentes choses, pas si républicaines ou, du moins, pas si « républicanistes » que cela…

    Dans cette affaire de coronavirus, les responsabilités de sa diffusion ne reposent pas, évidemment, sur les seules épaules des politiques ou de l’Etat, mais ils en ont tout de même leur part, ne serait-ce que par leur attachement à des principes qui ne résistent pas bien à la réalité des faits concrets : en disant que « le virus ne connaît pas les frontières », le gouvernement s’est fourvoyé, en oubliant des choses simples que Régis Debray avait déjà évoquées il y a quelques années dans son opuscule « éloge des frontières » qu’il faut, en ces heures particulières, relire. Natacha Polony le rappelle à son tour : « ce virus est porté par des êtres humains qui, eux, s’arrêtent aux frontières, si tant est qu’on leur demande. » Ce que disent depuis toujours les « nationistes » conséquents (j’écris ce terme que Pierre Boutang évoque dans son « Maurras » et pour le distinguer du terme de « nationalistes » qui, s’il me semble toujours valable, est parfois compliqué à expliquer, ou à défendre), c’est que la frontière n’est pas un mur toujours fermé et hostile, mais bien plutôt une muraille (Debray emploie le terme de « membrane ») qui protège et peut s’ouvrir à qui vient en paix et avec humilité. C’est un peu aussi le sens du propos de Mme Polony quand elle poursuit son raisonnement : « Il n’est pas nécessaire de fermer les frontières quand on choisit de contrôler efficacement ceux qui rentrent. C’est ce qu’ont fait la Corée ou Taïwan, avec des résultats plutôt convaincants. Contrôle de température systématique, détection à grande échelle et quarantaine. » Or, hier encore, les contrôles à l’aéroport d’Orly étaient inexistants alors que se posaient des aéronefs de pays qui ne sont pas forcément épargnés par l’épidémie… Le virus peut tranquillement se promener en suivant les grandes routes de la mondialisation : à quoi sert-il de confiner sa propre population si celles venues d’ailleurs (ou revenant au bercail tout simplement, pour certaines d’entre elles) peuvent passer en France sans qu’il soit bien vérifié qu’elles sont épidémiologiquement inoffensives ? Oublier les frontières, c’est condamner la France aux courants d’air, et peut-être accueillir, sans le savoir, le virus

     

    Pour que les frontières jouent leur rôle protecteur, encore faut-il un Etat sûr de lui et capable de se faire entendre et comprendre, de ses citoyens comme des étrangers, Etats ou personnes, et de faire respecter, concrètement et pas seulement en paroles fortes et coups de menton, la souveraineté du pays, c’est-à-dire sa liberté à être et à faire, tout simplement. Il ne s’agit pas de claironner, comme Paul Reynaud en 1940, « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », mais, pour l’Etat, d’être effectivement doté de cette autorité qui fait que l’on vous obéit, sans contrainte, presque naturellement, et que cette obéissance n’est pas soumission mais libre acceptation d’un ordre qui se doit, par essence, de protéger ceux qui se placent sous sa protection ou qui le sont, par naissance plus souvent que par choix… Les frontières marquent une séparation entre nous et les autres, et cela ne signifie pas qu’il faille détester ceux qui sont au-delà de celles-ci, bien au contraire : mais on accepte bien l’autre que si l’on aime d’abord ses prochains, ses « plus proches » donc, ceux-là qui sont nés sous la même ombre protectrice. Et aimer les siens, c’est d’abord les protéger, tout simplement !

    Il ne sera pas sans doute possible, en France, de faire l’économie d’une « révolution par le haut » pour redonner de l’autorité à l’Etat et cette capacité à incarner, durablement et de façon crédible, la puissance de la nation et son pouvoir à réagir en temps et en heure aux événements, non seulement pour éviter les pires d’entre eux, mais pour les prévenir. « Gouverner c’est prévoir, et prévenir c’est guérir », dit-on : c’est parce que la République a oublié cette leçon simple qu’elle affronte en si mauvais posture une maladie encore hier exotique et devenue aujourd’hui nôtre…

     

    Redonnez de l’autorité à l’Etat, et vous renforcerez les frontières sans avoir besoin d’agresser ni de vexer personne… Mais cela passe par une redéfinition des institutions de la France, et par la royalisation effective de la magistrature suprême de l’Etat : il n’est pas dit que la chose soit facile, mais elle s’avère sans doute nécessaire pour redonner force et crédibilité à un Etat aujourd’hui bafoué et incapable de contrôler ses propres portes d’entrée sur le territoire…