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  • Homélie de la messe de requiem pour le Roi Louis XVI, par le père Xavier Manzano

                Une basilique pleine de fidèles, à Marseille, comme en bien d’autres villes de France, en ce soir du 21 janvier 2009, pour la messe de 19h célébrée à la mémoire du Roi Louis XVI et des défunts de sa famille.

                Avec la participation de nombreux élus de la ville de Marseille, dont M. André Malrait, représentant M. Jean-Claude Gaudin, les Chevaliers et Dames du St Sépulcre, et les Chevaliers de l'Ordre de Malte.

                La cérémonie est présidée par Mgr Jean-Pierre ELLUL, recteur de la basilique du Sacré-Coeur, en présence de Mgr Matthieu Aquilina et du Père Xavier Manzano qui donna l'homélie reproduite ci-dessous.

              

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                « J'ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître, dans un temps où cette fonction était ambitionnée de tout le monde : je lui dois le même service lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. » C’est en ces termes que M. de Malesherbes s’explique lorsque, contre toute attente, il rentre d’émigration et vient proposer ses services au Roi Louis XVI, mis en accusation devant la représentation nationale. Derrière ces quelques mots, nous pouvons voir une conscience en action. Et peut-être pouvons-nous conjecturer que le vieux ministre avait été touché par l’attitude de son Roi.  

                   Car Louis XVI ne se faisait aucune illusion sur son sort. Il le dira très clairement à M. de Malesherbes : « Votre sacrifice est d'autant plus généreux que vous exposez votre vie et que vous ne sauverez pas la mienne. » Dès lors, la question n’est plus de savoir s’il peut sauver sa vie mais comment et pourquoi il doit mourir. C’est en ce sens qu’il veut faire de sa vie et de sa mort un sacrifice et, osons le mot, un martyre. Il est possible, certains commentateurs n’ont pas hésité à le faire, à se gausser de termes aussi peu dans le vent et d’y voir la résurgence d’un christianisme bien noir. D’autant plus que le mot « martyre », hélas, a récemment été confisqué ou employé pour qualifier de sombres terroristes qui sont pourtant au rebours de ce que ce terme signifie réellement. Le vrai martyre est toujours en fait une question de conscience. Il s’agit en effet de savoir si l’on préfère perdre son âme plutôt que sa vie. Il s’agit de se décider lorsque l’on met en balance la sauvegarde de sa vie et la fidélité à la mission reçue. Il s’agit en somme si la vie vaut la peine d’être continuée, à partir du moment où l’on devrait abandonner et piétiner ce que l’on a de plus cher et de plus précieux au monde, sa conscience, ce qui nous fait être homme, ce qui nous rend image et ressemblance de Dieu.

                 C’est bien cela qui est en jeu dans la vie entière de Louis XVI, mais plus singulièrement encore dans ses derniers jours terrestres. Il a reçu sa mission politique comme une vocation qui engage tout son être. Une vocation qu’il sait difficile et dangereuse puisqu’il n’hésitera pas à la qualifier de « malheur » dans son testament. Mais une vocation que, dans sa conscience de chrétien, il conçoit comme une donation de lui-même, une donation qui doit aller jusqu’au bout. Et c’est sans doute ainsi que nous pouvons comprendre qu’il a pu donner une dimension « politique », au sens noble du terme, à son procès et à sa mort. Déjà, dans la Déclaration que Louis XVI rédige le 20 juin 1791 à l’adresse de tous les Français, au moment de la fuite à Varennes, il fait un bilan très sombre mais très lucide de l’état du pays, nous peignant un système constitutionnel très élaboré, sans doute, mais impuissant à empêcher les pressions exercées sur les consciences par des groupes privés, on dirait aujourd’hui des lobbies, pratiquant avec un art consommé l’intimidation et la désinformation. Lorsque la cité et les consciences sont livrés en pâture à ce genre d’actions, lorsque la vie politique ne joue plus son rôle de défense et de promotion des consciences personnelles, lorsque la formalité juridique, fût-elle démocratique, n’est plus qu’un jeu et un masque, la question vient immédiatement, je la tire des Psaumes : « que peut faire l’homme juste ? »

                 Quand le Pape Jean-Paul II proclama Saint Thomas More, le chancelier du roi d’Angleterre Henri VIII, patron des hommes politiques, il n’avait, je pense, pas d’autre question en tête. Il entendait montrer que la conscience, entendue comme « le centre le plus secret de l’homme et le sanctuaire où il est seul avec Dieu dont la voix se fait entendre dans ce lieu le plus intime »[1][1][1], est la voie ultime par laquelle l’homme reste homme et témoigne « de la primauté de la vérité sur le pouvoir »[2][2][2]. Le grand Pape, qui avait affronté jeune la persécution du nazisme et qui avait vécu dans ces démocraties dites « populaires », de sinistre mémoire, savait que la conscience personnelle est ce qui unit les hommes entre eux et les empêchent de devenir des bêtes. Il savait que des institutions politiques peuvent considérer, dans leur délire tyrannique et idéologique, l’existence de cette instance comme une menace à leur propre domination. Il savait qu’il existe au fond de l’être humain une voix que l’on ne peut dompter et qui est celle du bien. Il savait surtout que la meilleure résistance à toute forme d’oppression et d’arbitraire vient de la fidélité inébranlable à cette conscience où Dieu réside et parle.

     

                C’est peut-être ainsi que nous pouvons comprendre le « sacrifice » consenti par Louis XVI. Sa seule indignation, au cours d’un procès pourtant inique, fut lorsqu’on l’accusa d’avoir répandu le sang du peuple. C’est-à-dire lorsqu’on chercha à salir sa conscience. C’est par fidélité au lourd fardeau qu’il avait reçu et à l’idée qu’il en avait qu’il a souhaité aller jusqu’au bout et en assumer toutes les conséquences. Son testament d’homme, sa fidélité à sa famille et à la foi, tout cela n’est pas à séparer de sa mission politique : c’est plutôt le combat d’une conscience qui clame, « au nom de la primauté de la conscience, de la liberté de la personne par rapport au pouvoir politique »[3][3][3]. Il met sa conscience au-dessus même de la conservation de son pouvoir et cela a une intense signification « politique ». Oui, frères et sœurs, ce n’est pas parce qu’un système constitutionnel fonctionne formellement qu’il est légitime au regard de l’être humain qu’il prétend servir. Pour cela, il doit se faire le serviteur de la conscience personnelle et y chercher ce « supplément d’âme » qui lui permettra de vraiment chercher le bien commun qui est aussi le bien de chacun.

                 Chers amis, nous savons bien que la mission politique, si elle a besoin de principes forts, ne les invente pas et ne s’y résume pas. C’est un art de la sagesse et de la nuance qui exige, non pas les compromissions ou les manipulations, mais un engagement de conscience que Benoît XVI n’hésitait pas à qualifier de « charité politique ». Autrement dit, c’est une question d’amour, oui, et Louis XVI peut nous montrer, à la suite de beaucoup d’autres, que cet amour, qui sait ce que c’est qu’un être humain et le respecte jusqu’au bout, peut aller jusqu’à l’effusion du sang. C’est cela qu’on peut attendre d’un homme vraiment juste. C’est la route que le Christ nous a ouverte.

                 Lorsque Louis XVI retourna au Temple après sa mise en accusation devant la Convention Nationale, il eut faim. Il demande un morceau de pain au procureur-syndic de la Commune de Paris, Chaumette, peu connu pour sa modération. Celui-ci le lui donna. « Louis XVI mange lentement la croûte de son pain. Comme la mie l'embarrasse, le greffier du maire la prend et la jette sur la chaussée.

    - Oh, c'est mal de jeter ainsi le pain, dit le roi, surtout dans un moment où il est rare.

    - Comment savez-vous qu'il est rare? demande Chaumette.

    - Parce que celui que je mange sent un peu la terre.

    Chaumette observe gravement.

    - Ma grand'mère me disait toujours: «Petit garçon, on ne doit pas perdre une mie de pain, vous ne pourriez en faire venir autant. »

    - Monsieur Chaumette, murmure Louis XVI, votre grand'mère était, à ce qu'il paraît, une femme de grand sens. »

                 Derrière ce dialogue apparemment banal et pourtant d’un grande profondeur, on sent que Chaumette, en regardant Louis XVI et devant cet élément si symbolique du pain, est, pour un moment, arraché à l’idéologie et rendu à son humanité. C’est lorsque les regards se croisent et que les consciences se rencontrent que les hommes sont rendus à eux-mêmes. Etre fidèle à la mémoire de Louis XVI, c’est peut-être se souvenir de cela et en vivre pour Dieu puisse reconnaître en nous les fils qu’il s’est choisis. 

     

    Abbé Xavier Manzano,

    Vicaire à la basilique du Sacré-Coeur,

    Directeur des Etudes à l'ISTR et à l'ICM de Marseille.

  • Que sont nos banlieues devenues ? Le cas des Beaudottes, à Sevran.....

              C'est -hélas, puisque l'actualité nous l'a en quelque sorte imposé...- le titre d'une des Catégories de ce blog: "Banlieues: des bombes à retardement...". Et nous avions déjà posé la question: "Que sont nos banlieues devenues ?....." à propos du Clos Saint Lazare, cité et zone de non-droit de la Seine Saint-Denis : c'était juste après la parution dans Le Figaro magazine du 16 juin 2007 d'un article mi ahurissant, mi terrifiant racontant l'éxécution en plein jour, et devant ses parents, d'un jeune trafiquant de la cité par d'autres jeunes trafiquants de la même cité (1) ...

              Voici aujourd'hui une autre illustration de ce même phénomène, avec l'article édifiant publié par Léna Mauger, dans Le Nouvel Observateur du jeudi 8 mai (n°2270). Il est inutile de redire ce que nous avons déjà dit mille fois (2), nous et aussi beaucoup d'autres, comme ici Le Nouvel Obs, pourtant peu suspect d'être à la pointe des critiques contre une certaine immigration, devenue une véritable bombe à retardement.....

             

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              Il est simplement heureux de voir qu'au moins il y a un peu partout de la lucidité, et une certaine prise de conscience d'un des problèmes majeurs qui se posent maintenant à la France, suite la folle politique initiée depuis 1975.....

    Les Beaudottes à Sevran
    Capitale du deal
    Fin avril, la police a ratissé la cité. Sans résultat... Voici pourquoi ce quartier de Seine-Saint-Denis s'est transformé en imprenable «supermarché» de la drogue

              Les habitants conseillent aux visiteurs de venir avant 9 heures du matin, parce que plus tard, «c'est risqué, ça deale trop». Mais aujourd'hui, les trafiquants sont sur le qui-vive aux aurores. Dans une tour blanche rénovée, à l'entrée de la cité, derrière le rond-point de l'avenue Dumont-d'Urville, un «cagoulé», un adolescent dont on ne voit que les yeux, accueille les journalistes à sa manière. Il me coince dans l'ascenseur, une chaîne d'antivol à la main. «Vous allez voir quelqu'un ? Vous cherchez quoi ? Vous êtes de la police ?»Les présentations sont faites, il descend. Au pied du bâtiment, d'autres cagoulés tiennent les murs, prêts à frapper pour protéger leur zone de trafic. Premier contact. Bienvenue aux Beaudottes. Située à vingt minutes de Paris et à dix minutes de Roissy en RER, à l'intersection des autoroutes A1, A3 et de plusieurs nationales, cette cité sensible de Sevran, petite ville de Seine-Saint-Denis, est une plaque tournante du trafic de drogue en Ile-de-France. Sur ce territoire où plus de 38% de la population a moins de 25 ans, une trentaine de délinquants dictent leur loi. Une poignée de trafiquants, contre 10 000 habitants. Des petits «parrains» contre de paisibles familles en HLM. Des jeunes, qu'aucun adulte, pas même une armada de CRS, ne semble capable d'ébranler. Dans une note, rédigée il y a quelques semaines, les Renseignements généraux parlent de «situation explosive». Les Beaudottes ou la cité interdite.

    Hiérarchie quasi mafieuse

              Mère célibataire, Sabrina (3) est revenue vivre il y a quelques mois dans la cité où elle a grandi. «Au début, les jeunes me posaient plein de questions, dit-elle. Mais comme je viens d'ici, ils m'ont vite acceptée.» Pourtant, dans son HLM, Sabrina n'invite ni famille ni amis. «Les trafiquants surveillent tout. Ils savent où je bosse, ils connaissent tout de ma vie. Ils sont super bien organisés, c'est flippant.» Au bas de l'échelle, il y a les «chouff», les guetteurs, âgés de 13-14 ans, et payés 50 euros par jour. Au-dessus, les cagoulés, les dealers, qui peuvent toucher quotidiennement jusqu'à 5 000 euros. Et, au milieu, ceux qui planquent la came et l'argent. Cette hiérarchie quasi mafieuse est la colonne vertébrale d'un trafic qui, selon des sources policières, rapporterait entre 50 000 et 100 000 euros. par mois. Chaque jour, près de 200 voitures : immatriculées dans toute l'Ile-de-France -; revendeurs du «93», mais aussi mères de famille, cadres en costard... s'arrêtent au coeur de la zone de trafic : le 6 allée La Pérouse, la «tour infernale» et la rue Francis-Garnier. Le noyau dur d'un business de «semi-gros». Une triangulaire stratégique, d'où les jeunes voient arriver les policiers et leur jettent des parpaings depuis les toits. C'est là qu'ils font leur deal au grand jour. Ils y vendent cannabis, cocaïne et héroïne, dans les couloirs, sous le nez des habitants. «Quand je passe, je dis à mes enfants de ne pas regarder, raconte Sabrina. Parfois on ne peut pas rentrer. Les cagoulés bloquent les portes avec des Caddie. On doit attendre dehors qu'ils finissent leurs affaires.» Aux Beaudottes, les ouvriers de maintenance viennent à 8 heures du matin, avec des chiens. Et les pompiers sortent escortés par des policiers...
    Dans cette cité gangrenée par le chômage (40% des jeunes sont touchés), les trafiquants sont les rois du pétrole, et se comportent comme tels. «Ils n'ont aucun respect pour rien, se plaint Paul, bagagiste à Roissy.
    Ils cassent tout, chient dans les ascenseurs, les couloirs sont pleins de préservatifs. (...) Seul, le jeune, il tremble. Mais à plusieurs, c'est une meute. S'ils savent que tu as parlé à un journaliste, ils peuvent te flinguer.»Le mois dernier, Paul s'est fait agresser à coups de matraque et de bombe lacrymo. Il n'a pas porté plainte par peur des représailles. Comme les autres habitants, il a accepté de me parler à deux conditions : qu'on se rencontre en dehors de la cité, «loin des yeux des voyous», et sous couvert d'anonymat.

    A 200 km/h vers l'Espagne

              Le quartier vit dans un état de psychose. Et pour faire régner la loi du silence, les trafiquants, quasiment tous enfants de la cité, issus de l'immigration maghrébine, donnent des coups de main à la population, portent les courses... «Mais quand ils te rendent un service, tu sais qu'un jour ils exigeront quelque chose en retour, explique Sabrina. On est pris en otage, on n'est pas libre.» «Tu es avec eux ou tu es mort», explicite un jeune garçon, qui a fait le chouff l'été dernier. «C'est eux les chefs, ils sont riches.» Pour gouverner, les dealers paient aussi des «nourrices» : des familles qui cachent la drogue et l'argent pour 1 500 euros par mois.
    Pourquoi la police n'arrête-t-elle pas ces trafiquants si bien localisés ? «Comment estil possible qu'on laisse une poignée de délinquants régner sur tout un quartier ?», résume
    Thérèse, une retraitée, aux Beaudottes depuis trente ans, qui n'ose plus sortir de chez elle. En réalité, quasiment toutes les polices coopèrent ici : la sécurité publique, la brigade anticriminalité et les CRS, qui font près de deux opérations «coup de poing» par semaine. Le nombre d'interventions a doublé entre 2006 et 2007, passant de 180 à 500. En parallèle, un groupe local de traitement de la délinquance antidrogue, associant mairie, partenaires sociaux, bailleurs, sous la direction du procureur de Bobigny, lutte contre le trafic. Sans compter les hélicoptères qui survolent le quartier la nuit, presque l'état d'exception... Et pourtant, la dernière grosse descente a encore fait un flop. Mercredi 23 avril, vers 20 heures, 350 policiers bouclent le quartier. L'objectif est d'investir huit halls identifiés comme points de vente réguliers et une douzaine d'appartements vides pouvant servir de planque. Butin de l'opération : quatre personnes en garde à vue, 800 grammes de cannabis, un 22 long rifle et un gilet pare-balles...
    Les Beaudottes, forteresse imprenable ? «Des enquêtes sont en cours, nous avons des informations précises sur les trafics», répond le parquet, qui souligne par ailleurs que les affaires de stupéfiants élucidées ont augmenté de 194% entre 2006 et 2007, et de 40% au premier semestre 2008. Il y a un an et demi, un réseau a même été démantelé. Mais dans ce secteur où la nature a horreur du vide et où la drogue fait vivre des familles entières, les trafiquants ont été remplacés en moins de 48 heures. Et la situation s'est détériorée. Depuis, les jeunes se disputent les marchés des autres quartiers de Sevran, Rougemont et Pont-Blanc-Monceleux. Dans la nuit du 9 au 10 février, Brahmin, 25 ans, a été tabassé à mort lors d'un règlement de comptes. «On est face à une nouvelle génération de trafiquants, explique Jérôme Pierrat, auteur de «la Mafia des cités» (4). Des mecs qui ne sont plus les petits dealers de fin de chaîne, mais des «go fast» qui font le circuit commercial eux-mêmes. Ils filent à 200 kilomètres/heure en Espagne ou aux Pays-Bas où ils bourrent leurs bagnoles de drogue. Du coup, on a une explosion des équipes.» Comment agir face à ces nouveaux «parrains» ? «Le problème, dit un policier haut placé, c'est qu'il faut dix fois plus de moyens qu'il y a dix ans. Nous, on peut intervenir en matière de sécurité, il n'y a pas de zone de non-droit. On est présent, on travaille et on en paie le prix. Mais la cité cumule tellement de handicaps que d'autres acteurs doivent intervenir. Les associations, les médiateurs, les parents...»

    Demain, c'est Mexico

              Les Beaudottes ressemblent finalement à beaucoup d'autres banlieues rongées par l'économie souterraine : Stains en SeineSaint-Denis, Pablo-Picasso à Nanterre, les Biscottes à Lille... Des cités paupérisées, à forte population d'origine étrangère dont 80% des jeunes n'arrivent pas au bac, et dont la géographie se prête au trafic : malgré sa rénovation, il y a deux ans, les Beaudottes, avec ses tours de 17 étages, ses parkings et ses appartements vides, est un refuge idéal pour les dealers. Mais tout n'y est pas si sombre. Le centre social Marcel-Paul et la bibliothèque fonctionnent, les jeunes n'ont pas détruit la petite salle de sport. «Il y a huit maternelles, un collège, un centre médico-psychologique, un centre de loisirs, rassure Anne-Claire Garcia, directrice des projets sociaux. Mais on manque d'animateurs et de moyens.» Une impasse face à laquelle le maire déclare son impuissance : «Sevran a 30% d'argent de moins qu'une ville de 50 000 habitants en Ile-de-France, explique Stéphane Gatignon (PC), élu depuis 2001. La normalité, pour les jeunes, c'est la débrouille, la violence et le pognon. Comment ils s'en sortiraient sans le système D ? Nous, ça fait des années qu'on parle de réseaux mafieux. J'ai dit au préfet : si on ne fait rien, demain c'est Mexico.» Aujourd'hui, les derniers acteurs sociaux sont très inquiets : fin mars, tous les concierges des Beaudottes sont partis. Agressés dix-huit fois en deux ans, les onze gardiens ont fini par démissionner, abandonnant définitivement le territoire aux trafiquants.

    (1): Voir la note "Que sont nos banlieues devenues ?....." (1 et 2), dans la Catégorie "Banlieues: l'art de vivre ( ! ) républicain....."
    (2): Voir les notes des Catégories "Banlieues: des bombes à retardement...", "Banlieues: l'Art de vivre ( ! ) républicain...", et "Douce France républicaine...ou : Chronique de l'insécurité ordinaire....".
    (3): Tous les noms ont été changés.
    (4): Denoël, 2006.

  • Michel Onfray : « Eric Zemmour est un bouc émissaire idéal pour la gauche »

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    Michel Onfray a réagi, dans FIGAROVOX, à l'éviction d'Eric Zemmour d'I-télé. Il considère qu'en France, la controverse a été remplacée par un discours uniforme et snob qui étouffe le mouvement des idées. Nous ne disons pas que nous sommes en tous points d'accord avec Michel Onfray. Mais ses réponses à Figarovox sont toujours intéressantes et souvent, de notre point de vue, très justes aussi. Bref, le lecteur se fera son idée ... Lafautearousseau 

     

    FIGAROVOX-Après l'éviction d'Eric Zemmour d'I-télé vous avez tweeté : « Désormais on licencie, on pétitionne, on vitupère au plus haut niveau de l'Etat pour raisons idéologiques. Permanence du bûcher! ». Pensez-vous vraiment que la « tête » d'Eric Zemmour ait été exigée au plus haut niveau de l'Etat ?

    Michel ONFRAY: Je ne sais pas, car si c'est le cas, seules quelques personnes le savent vraiment… Mais je me souviens que le porte-parole de l'Elysée a affirmé de quoi nourrir cette idée. Je ne sais ce qui a motivé cette chaîne à agir ainsi, mais elle est en phase avec ce que le gouvernement a souhaité.

    En diabolisant Eric Zemmour, le gouvernement cherche-t-il à faire oublier son bilan ?

    La gauche qui est au pouvoir depuis 1983 n'est plus de gauche parce qu'elle s'est convertie au libéralisme et que, dans le libéralisme, ce sont les marchés qui font la loi, pas les politiques - qui se contentent de l'accompagner et de le favoriser plus ou moins… Le bilan, c'est celui du libéralisme, donc celui de Mitterrand après 83, de Chirac pendant deux mandats, de Sarkozy pendant un quinquennat, de Hollande depuis son accès au pouvoir. Si ces gens-là veulent se distinguer, il faut qu'ils le fassent sur d'autres sujets que l'économie libérale, les fameux sujets de société bien clivants : mariage homosexuel, procréation médicalement assistée, vote des immigrés, théorie du genre sous prétexte de féminisme, euthanasie ou soins palliatifs, dépénalisation du cannabis, vote des étrangers, etc.

    Zemmour est une excellente aubaine pour la gauche : il suffit d'en faire l'homme de droite par excellence, le représentant du « bloc réactionnaire  » comme le martèle Cambadélis, (ancien trotskyste, condamné par la justice, mais néanmoins patron du PS…) le spécimen du penseur d'extrême-droite, pour se trouver un bouc émissaire qu'on égorge en famille, en chantant ses propres louanges pour une si belle occasion. « Nous sommes donc bien de gauche, nous, puisqu'il est de droite, lui! » vocifèrent-ils en aiguisant le couteau.

    Ce que la gauche veut faire oublier c'est moins son bilan que son appartenance, avec la droite libérale, au club de ceux qui font le monde comme il est. Autrement dit : au club de ceux qui nourrissent le Front National qui ne vit que des souffrances générées par le marché. Il y a donc intérêt pour eux tous, droite libérale et gauche libérale, à se retrouver comme un seul homme pour égorger la victime émissaire qui dit que le FN progresse avec un quart de siècle de la politique de ces gens-là.

    Que révèle cette polémique sur l'état du débat en France?

    Qu'il est mort… En France, on ne polémique plus: on assassine, on méprise, on tue, on détruit, on calomnie, on attaque, on souille, on insinue… C'est la méthode que je dirai du Raoul ! Rappelez vous Raoul Blier dans Les Tontons Flingueurs : « Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Je vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m'en fait trop, je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile ! ». Eric Zemmour se trouve donc éparpillé façon puzzle aux quatre coins de Paris. Mais Paris n'est pas la France.

    Certains ont été jusqu'à parler de « dictature ». Sommes-nous en train de basculer vers une forme de totalitarisme intellectuel ?

    Nous y sommes, c'est évident ! Plus question de craindre le basculement, nous avons déjà basculé. Seules les idées politiquement correctes sont admises dans ce qui se présente comme un débat mais qui n'est qu'un salon mondain où l'on invite le marginal qui ne pense pas comme soi pour montrer sa grandeur d'âme, sa libéralité, sa tolérance. Mais dès que l'invité prend plus de place que prévu, qu'on ne parle plus que de lui, comme avec Zemmour, alors on disperse façon puzzle : on montre sa véritable nature. Inviter en bout de table, pour le dîner de cons, oui, mais pas question que l'invité retourne la situation et montre à toute la tablée que le con ça n'est pas lui… Or rien n'est plus violent qu'un con démasqué après qu'il eût échoué à présenter l'autre comme ce qu'il finit par incarner dans sa superbe !

    Vos positions sur la théorie du genre à l'école avaient dérouté une certaine gauche. Vous le « libertaire » ne craignez-vous pas d'être définitivement classé dans la catégorie des « réactionnaires » ?

    Depuis la réception sous forme de cabale de mon livre sur Freud, Le crépuscule d'une idole, j'ai vu la bêtise au front de taureau de très près : j'ai alors compris que la partition n'est pas entre droite et gauche, mais entre ceux qui ont le sens de la justice et de la justesse, des faits et de la vérité, de l'histoire et de l'esprit critique, et ceux qui ne l'ont pas. La gauche et la droite sont pareillement contaminées par l'esprit de bêtise. Mais la gauche et la droite portent également en leur sein une égale partie de gens lucides et libres. Ce sont ceux-là qui m'importent. Qu'une frange de donneurs de leçons qui ne brillent pas par leur goût de la justice et de la justesse me traite de réactionnaire ne m'émeut pas. Je serais plutôt ému si elle disait du bien de moi ! Etre libertaire, c'est s'affranchir des catégories de droite et de gauche quand il y a à juger et statuer sur ce qui est adéquat - pour le dire dans un mot de Spinoza que Deleuze aimait beaucoup.

    Sur le plan intellectuel, quels sont vos points communs et vos différences avec Eric Zemmour ?

    Mes points communs avec Zemmour sont ceux qu'il a avec Mélenchon qui, saluons-le d'ailleurs sur ce sujet, réprouve qu'on traite Eric Zemmour de la sorte ! Les voici : refus du libéralisme comme horizon indépassable, refus de l'Europe telle qu'elle fonctionne comme instrument de la machine libérale, critique de l'euro comme rouage de cette machine, confusion des partis de gouvernement dans une même condamnation parce que porteurs du projet libéral, souci du peuple et de son génie propre, condamnation des technostructures qui abolissent la souveraineté populaire, sens et goût de l'histoire.

    Précisons que cette pensée est aussi celle de l'aile gauche du PS, de l'aile gauche de l'UMP (très silencieuse il est vrai…), de l'extrême-gauche, de Dupont-Aignan et… de Marine Le Pen, autrement dit, de beaucoup de français qui ne sont pas pour autant des vichystes ou des fascistes…

    En revanche, je ne suis pas d'accord avec lui sur la critique de Mai 68 qui a été un mouvement nécessaire - même dans ses excès. La France d'avant Mai n'est pas désirable pour moi, car je ne suis pas réactionnaire, au sens étymologique, c'est à dire nostalgique d'un ordre ancien que j'aimerais revoir, en l'occurrence le gaullisme qui n'est grand que par de Gaulle mais si petit par les gaullistes non-historiques.

    Je ne suis pas pour autant un dévot de ce que l'après Mai a rendu possible. Mai 68 fut donc nécessaire, mais pas suffisant. Il lui manque d'avoir porté des valeurs alternatives. Pour ma part, mes livres travaillent à en proposer. Mon refus de l'abolition des sexes, comme y invite la théorie du genre, n'est pas motivée par un désir de restaurer le patriarcat - ce que souhaiterait Eric Zemmour. Je suis clairement féministe et je crois même que le féminisme est tué par ceux qui s'en réclament en portant des revendications minoritaires pour la grande majorité des femmes qui ne sont pas des lectrices de la presse bobo. Je suis pour l'avortement, pour la contraception et ne crois pas que l'avortement constitue un génocide français, via la démographie.

    Je ne souscris pas à sa méfiance à l'endroit de toute immigration : le problème n'est pas l'immigration, mais l'islam quand il se fait politique et sort du cadre intime. Certes, il concerne des immigrés, mais aussi des Français convertis ou non. Je suis athée et n'ai pas pour modèle une France catholique célébrant le travail, la famille et la patrie. Je crois qu'il faudrait encore baisser le temps de travail pour mieux le partager (logique décroissante), que toute famille est là où des gens s'aiment (logique post-catholique homophile) et que la patrie est amour d'une terre qui n'exige pas les racines mais l'envie de faire communauté (logique d'immigré : ma famille est venue du Danemark avec les invasions Viking il y a mille ans…).

    N'y a-t-il pas un paradoxe à critiquer le libéralisme économique tout en revendiquant votre libertarisme sur le plan social. Les deux ne sont-ils pas liés ?

    L'étymologie de Littré nous apprend du paradoxe qu'il définit ce qui est à côté de l'opinion. Or l'opinion est faite par l'idéologie des médias de masse. Dès lors, en effet, il semble y avoir un paradoxe à se dire antilibéral et libertaire. Mais un paradoxe aux seuls yeux des victimes de l'opinion. Car l'opinion dominante dans les médias fait du marché libre l'horizon économique indépassable dans la configuration mondialisée qui est la nôtre. De même, elle fait la plupart du temps du libertaire uniquement un bobo qui veut l'amour libre, la légalisation du pétard, l'énergie renouvelable, le pain bio, le vélo dans les villes. Parfois, elle en fait aussi un casseur de vitrines cagoulé…

    Or la tradition de socialisme libertaire que je revendique s'enracine dans une pensée qui, de la Commune à LIP en passant par les communautés anarchistes de la Guerre d'Espagne, a été mutilée, ravagée, moquée par les tenants de l'idéologie dominante marxiste ou néo marxiste. Ma référence libertaire est autogestionnaire, mutuelliste, coopérative, elle renvoie à Proudhon s'il faut un nom - l'inventeur du mot anarchiste.

    Elle triomphe actuellement à bas bruit dans l'organisation alternative du capitalisme qui peut être dit libertaire : production, diffusion, distribution, organisation en réseau, loin des villes, des médias et de la visibilité organisée par les tenants du libéralisme. Elle suppose ce que le même Proudhon appelait « un anarchisme positif » loin de la récrimination et tout entier dans la construction. Je n'ai pas créé par hasard une université populaire à Caen en 2002 et une université populaire du goût ensuite ! Je crois à l'éducation populaire - donc au débat. A l'UP de Caen, par exemple, j'ai souhaité qu'une psychanalyste enseigne la psychanalyse pour que chacun puisse se faire son idée. Je ne pense pas que les freudiens en feront autant !

    La convergence, voire la complicité intellectuelle, que l'on observe entre la gauche antilibérale et certains conservateurs tout aussi hostiles au libre-échangisme mondialisé peut-elle déboucher, selon vous, sur une alternative politique?

    Non car la communauté de vue entre tous les antilibéraux sur la critique du libéralisme (Mélenchon & Le Pen par exemple) ne suffit pas à faire un programme commun de gouvernement. La communauté de vue sur ce à quoi on s'oppose n'a jamais suffi à faire quoi que ce soit pour. Cette convergence des contre peut faire tomber un gouvernement, mais elle en saurait en faire émerger un sur une ligne commune : ceux qui sont d'accord sur leurs refus ne sont d'accord en rien en matière de propositions.

    Par exemple : l'extrême gauche communie dans l'islamo-gauchisme et l'abolition des frontières, alors que Marine Le Pen met en garde contre l'Islam et veut le retour des frontières, pendant que Mélenchon et le Front de Gauche font de l'immigration une chance pour la France - ce que le patronat pense également, puisqu'il se félicite de la fin des frontières et de l'arrivée massive sur le marché du travail d'un sous-prolétariat prêt à tout pour travailler et consommer !

    Cette galaxie d'anti n'est capable que de négativité : faire tomber un gouvernement, mettre des gens dans la rue, exciter les résistances violentes au capitalisme marchand, surfer sur les vagues ressentimenteuses. Mais rien qui soit positif, hélas !

    Si la gauche non libérale était capable d'union, ce serait déjà beaucoup. Mais j'ai cessé de croire à cette illusion. Trop d'egos en jeu. Je ne crois plus à un programme commun de la gauche antilibérale auquel j'ai jadis souscrit. Dans la configuration qui est la nôtre, l'abstention va faire la loi jusqu'à ce qu'une violence donne voix et forme à ce désespoir. Mais laquelle ?   

    Propos recueillis par Alexandre Devecchio @Alex_devecch

  • Boualem Sansal : La France en voie de faire allégeance au Calife ? Discours sur l'Islamisme

    Boualem Sansal et Daniel Pouzadoux  

     

    Intervention de Boualem Sansal devant la Fondation Varenne [13 décembre 2016]*. Importante tant par son contenu - nous laissons nos lecteurs le découvrir - que parce qu'elle a été faite devant de grands noms de la presse française et d'illustres personnalitésLFAR 

    Il ne faut désespérer ni Billancourt, ni le Qatar, ni l’institut  

    Mesdames et Messieurs, bonjour, bonsoir,

    Daniel Pouzadoux m’a fait l’amitié de m’inviter à votre cérémonie et il a poussé la gentillesse jusqu’à me demander de venir au pupitre dire quelques mots.  Je le remercie très chaleureusement.  Je vais le faire en essayant de ne pas vous ennuyer, j’ai tendance ces derniers temps à me répéter, et pas de la meilleure façon, je veux dire la politiquement correcte. 

    Je ne sais pas si vous l’entendez mais je vous le dis, parler devant vous n’est pas facile, dans la salle je vois de grands noms de la presse française… c’est impressionnant. Et flatteur pour moi, dans mon pays, l’Algérie, j’ai droit au traitement pour lépreux, on lâche les chiens, on jette des pierres. En ce moment, à la suite d’un supposé amalgame, blasphème, ou mauvaise pensée de ma part, on délibère à mon sujet, et la fumée n’est pas blanche, ça ne dit rien de bon. Mais passons, rien n’est certain tant qu’il n’est pas arrivé.  

    Je voudrais, avec la permission de Daniel, et la vôtre aussi, vous dire deux trois choses sur l’islamisme. Il y a d’autres sujets mais celui-ci les dépasse, il tient le monde en haleine, et la France en premier, elle est une pièce essentielle dans son programme de domination planétaire.  C’est ici qu’il gagnera ou perdra face à l’Occident, il le croit, voilà pourquoi il s’y investit avec tant de rage, derrière laquelle cependant agit un monde étonnant de froide intelligence et de patience.

    Personne ne peut mieux qu’un algérien comprendre ce que vous vivez, ce que vous ressentez, l’Algérie connaît l’islamisme, elle en a souffert vingt années durant. 

    Je ne veux pas laisser entendre que l’islamisme est fini dans ce pays, simplement parce que le terrorisme a reflué, c’est tout le contraire, l’islamisme a gagné, à part quelques voix dissonantes qui s’époumonent dans le désert, rien ne s’oppose à lui, il a tout en main pour réaliser son objet. Tout son programme, dont le terrorisme est un volet important mais pas le plus important, il en est dix autres qui le sont davantage, ne vise que cela : briser les résistances, éteindre les Lumières avec un grand L et installer les mécanismes d’une islamisation en profondeur de la société. On peut dire que l’islamisme ne commence véritablement son œuvre qu’après le passage du rouleau compresseur de la terreur, à ce stade la population est prête à tout accepter avec ferveur, humilité et une vraie reconnaissance.

    On en est là en Algérie, le programme se déroule bien, les islamistes travaillent comme à l’usine, ils contrôlent tout, surveillent tout, le point de non-retour est franchi et le point final arrive comme un coup de poing. Encore quelques réglages et nous aurons une république islamique parfaite, tout à fait éligible au califat mondial. Vous en entendrez parler, je pense.

    Un  exemple  pour  le  montrer :  dans  la  petite  ville  où j’habite, à 50 kms d’Alger, une  ville universitaire dont la population, 25000 habitants environ, se compose essentiellement  d’enseignants,  de  chercheurs  et d’étudiants,  il  y  avait  avant  l’arrivée  de  l’islamisme, dans les années 80, une petite mosquée branlante, coloniale par son âge, que ne fréquentaient que quelques vieux  paysans  des  alentours ;  aujourd’hui,  après  deux décennies de terrorisme et de destruction, et alors que le  pays manque  de  tout,  il  y  en  a  quinze,  toutes  de bonne taille et bien équipées, eau courante au robinet, hautparleurs surpuissants,  climatisation  et  internet  à tous les étages, et je vous apprends que pour la prière du  vendredi  elles  ne  suffisent pas  pour accueillir  tous les  pénitents.  Il faudrait clairement en construire quinze autres ou réquisitionner les amphis et les laboratoires.  Attention, je ne fais pas d’amalgame, ni de persiflage, je ne dis pas que les pénitents sont des islamistes, aucun ne l’est, je vous l’assure, n’ayez crainte, je dis simplement que les islamistes ont bien travaillé, en peu de temps ils ont assaini le climat et fait de nous de bons et fidèles musulmans, ponctuels et empressés, et jamais, au grand jamais j’insiste, ils ne nous ont demandé de devenir des islamistes comme eux. « Point de contrainte en religion », c’est dans le Coran, sourate 2, verset 256.   

    En Algérie, on suit avec beaucoup d’inquiétude l’évolution des choses en France.  Je ne parle pas de nos islamistes, ils se félicitent de leurs avancées chez vous, ni de notre gouvernement, tout entier mobilisé au chevet de son vieux président, M.  Bouteflika, je parle de ceux qui ont de l’amitié pour vous et ceux qui ont des parents en France et qui voudraient les voir continuer de vivre leur vie française le mieux possible. Je vous le dis, ceux-là sont inquiets, très très inquiets et même désespérés. Ils vous en veulent pour cela.

    Inquiets parce qu’ils constatent jour après jour, mois après mois, année après année, que la France ne sait toujours pas se déterminer par rapport à l’islamisme : est-ce du lard, est-ce du mouton, est-ce de la religion, est-ce de l’hérésie ?  Nommer ces choses, elle ne sait pas, c’est un souci. Pendant ce temps, le boa constrictor islamiste a largement eu le temps de bien s’entortiller, il va tout bientôt l’étouffer pour de bon.  Insouciante qu’elle est, la mignonne est allée faire amie-ami avec les gros cheikhs du Golfe que chacun sait être les géniteurs et les dresseurs du boa et surtout d’anciens redoutables détrousseurs de caravanes. 

    Inquiets de voir la France des libertés verser dans le maccarthysme. Que se passe-t-il, bon sang, il n’est plus possible, pour personne, de parler de certains sujets liés à la Chose sans se voir aussitôt traîné au tribunal et condamné sévèrement.  On en sort encore avec des amendes, des sursis et des marques à l’épaule, mais le jour n’est pas loin où on se verra appliquer la vraie charia. 

    Inquiets et dégoutés de  voir  cette  grande  nation laïque et avant-gardiste exhiber à tout bout de champ ses  imams  et  ses  muftis,  ses  pachas  de  l’UOIF,  ses commandeurs du CFCM, et, pour la note moderne, deux trois sœurs cagoulées à l’arrière-plan, comme jadis au temps des colonies de papa elle promenait de cérémonies en cérémonies ses caïds chamarrés bardés de médailles, ses marabouts en boubous et autres sorciers en plumes, et repousser fermement ceux qui peuvent parler  aux  gens  sans  réciter  un  seul  verset  ou  lever  de doigt  menaçant  au  ciel.  On croirait que la France n’a pas été décolonisée en même temps que ses colonies ou que la laïcité y a été abrogée par un édit du grand imam.

    Inquiets et en colère de voir que les algériens de France, pourtant instruits de la vraie nature de l’islamisme, et pis, qui savent qu’il a lancé une OPA sur leurs enfants, ne s’engagent pas plus que ça dans la lutte contre lui, pas au-delà des protestations de principe : « C’est pas ça l’islam » ; « L’islam est paix, chaleur et tolérance », « l’islam est une chance pour la France ». Misère, comment le dire :  l’urgent n’est pas de sauver l’islam de l’amalgame mais de sauver les enfants de la mort  

    Inquiets et effarés de voir l’Europe se déliter et devenir un amplificateur de crises et fabricant d’un islamisme européen véritablement monstrueux, qui par ses prétentions totalitaires et ses haines tous azimuts, s’apparente au nazisme-fascisme d’antan, qu’il contribue de la sorte à ressusciter.

    Désespérés en fin de compte de voir que la France et l’Europe sont à mille lieues de pouvoir concevoir et mener ensemble le seul combat qui puisse venir à bout de l’islamisme : le contre-djihad, conçu sur le principe même du djihad.  Et le djihad n’est pas la guerre, c’est mille chamboulements dans mille domaines différents, menées sans restriction ni frein, dans un mouvement brownien accéléré irréversible.

    Après tout ça, y-a-t-il de l’espoir ? Oui, il existe, il est puissant, la France est un grand pays avec une immense histoire pleine de ressort et d’énergie, il continue de vivre et de se projeter dans l’avenir, mais chacun sent que l’effort coûte de plus en plus, que le poison islamiste court dans ses veines, que la langueur de la décadence le travail, que le pays perd de sa cohérence et de son unité, que le gouvernement n’y entend goutte, que l’Europe est un boulet, bref chacun comprend que la fin approche. L’espoir est précisément là, dans cette horrible sensation que l’Histoire est finie, c’est là que le désespoir trouve sa meilleure énergie. 

    Il y a une condition cependant, un vrai challenge de nos jours, la France    doit retrouver l’usage de la parole libre et en faire une arme.  Si le terrorisme se combat dans la discrétion et la patience, par le renseignement et l’infiltration, l’islamisme se combat par la parole, dite au grand jour, haut et fort. Ce combat a toujours été celui des journalistes et des écrivains, qu’ils reprennent le flambeau, il est à eux. 

    On  n’oubliera  pas  de  mener  ce  combat  en  premier contre l’armée des idiots utiles et des bienpensants, qui avec une poignée de

  • Libertés, des racines à la Quête par Frédéric Winkler

    TERE DE FRANCE, MULT ESTES DULZ PAIS (Chanson de Roland)
    Lanza del Vasto disait : « Tais-toi beaucoup pour avoir quelque chose à dire qui vaille d’être entendu. Mais encore tais-toi pour t’entendre toi-même ».
    La terre de France est vendue aux plus offrants, lorsque l'on ne la donne pas, comme ce fut le cas pour les Minquiers et les Ecrehous en 1953. Lorsque nos « prêteurs » financiers réclameront les dettes abyssales de l’Etat ripoublicain, incapable de payer, qui sait ce qu’ils prendront ! On ne respecte plus ni les Champs, châteaux, domaines, jardins, maisons, rivières et lacs jusqu'aux églises que l'on détruit et les monastères qu'on exporte, pierre par pierre à l’étranger. Tout est soldé dans notre pays de cocagne !

    48148_500781593301674_1708701184_n.jpgLes sites avec vue imprenable, ports et décors de vacances deviennent propriétés privées pour des touristes d'ailleurs.
    Mais ce n'est pas tout car l'usine est fermée, raflée. L'atelier et l'entrepôt, la spécificité française et le savoir-faire disparaissent. Le magasin, la boutique, les champs, croulent sous une fiscalité honteuse. Cela même avec, quelquefois des ministres se ridiculisant en laissant croire aux bonnes affaires pour la France, lorsqu'un fleuron de notre économie part à l'étranger. On délocalise, mot la mode, pour ne pas dire que l'on dévisage et déshumanise nos spécificités. Voilà triste mais véridique la constatation de notre vécu d'aujourd'hui.
    Les métros sont devenus des lieux de vie pour mendiants et « SDF » dont certains, donnèrent pourtant leur sang pour la liberté de ceux qui, par dédain, les croisent en les oubliant. Alors que nous assistons à cette société du spectacle où l'argent coule à flot et navigue, quand il n'engraisse pas des inutiles, simulant la gouvernance de nos institutions.
    Le libéralisme a couvert au nom du progressisme, nos villes, de tours immondes où s’est entassé par nécessité, le peuple désargenté. Alain Paucard avait parlé du règne des « Criminel du béton » dans un pamphlet. Ces logements sont à l'image de l'homme désiré par nos technocrates : anonymes, cosmopolites et déracinés... L'homme ne respectera son environnement citadin que lorsque celui-ci sera harmonisé avec la nature, dans le sens du beau, du bon et du bien, non pas, comme trop souvent, dépourvu de vie, de beauté, d'espace verts, véritables ghettos agressifs aux couleurs criardes, tout à fait étranger à notre éthique historique.
    Quant aux paysans, ils sont endettés. Ce n'est que soupirs, plaintes dans les autres professions, comme pour la jeunesse, cela se termine quelquefois par la dépression et le suicide ! Ce système a créé les cultures intensives, favorisé les regroupements des terres avec les Safer, de tristes mémoires, pour le profit des plus gros, détruisant des cultures multiséculaires, fruit de la souffrance comme de la richesse d’un monde paysan en disparition. Mais pas seulement car ces destructions imbéciles, massives des haies ancestrales, protégeaient la faune et la flore, que l'on refait benoitement aujourd'hui, se rendant compte de la catastrophe dont l’incidence est aussi climatique. La politique révolutionnaire du « table rase » est une utopie intellectuelle, il était temps de s'en rendre compte !
    Mais était-ce pour décourager de « nouveaux Chouans » qui désireraient s'y cacher, comme le dit la chanson de Gilles Servat : « Madame la colline », véritable plaidoyer contre les bulldozers et les tronçonneuses. La république aurait-elle peur d'une autre révolte à l'Ouest, n'a-t-elle pas fait déjà ce qu'il fallait pour éliminer les Bretons ? De la Révolution à la Guerre de 14 en passant par le Camp de Conlie !!!
    Bref, la république détruit l'agriculteur, métier jadis libre par excellence et dont la vocation est de nourrir son prochain...Cet univers croule aujourd'hui sous les charges et les contraintes étatiques les plus diverses. L'emprise des trusts financiers se fait de plus en plus sentir, la nourriture industrielle tente de remplacer la traditionnelle production nutritive. La communauté européenne dirige l'économie Française, « geler » la terre, laisser en friche, quelle honte, exode rural, pollution, désertification, abandon des communautés rurales, arrachage des vignes, quotas laitiers, destruction du cheptel, reconversion, remembrement. N'oublions jamais que le monde rural est la sève de notre peuple et sa disparition sera sans retour. Pour se libérer des fléaux comme la fiscalité, il faut établir de saines institutions pour remédier aux inacceptables situations des démunis comme aux pressions sur la communauté nationale. De nombreuses mesures permettraient de réduire la misère morale et sociale qui règne dans notre pays et ainsi redonner aux citoyens l'espérance d'un avenir meilleur. L'urbanisme mieux géré permettra à notre jeunesse de connaître d'autres horizons que l'univers restreint des tours grises, parkings et centres commerciaux des banlieues étouffantes.
    Un Etat qui depuis des années laisse s'installer la misère du monde sur notre territoire, appauvrissant un peu plus sa population qu'il devrait protéger, ne laissant aucune chance d’intégration pour ceux qui le désirent réellement. Un Etat qui autorise des "zones de non droit" dans lesquelles s'installent des commerces parallèles et des trafics, tolérant chaque jour des agressions, des viols, des trafics, des enlèvements, des braquages, des assassinats, des tortures. Un Etat qui laisse des armes de guerre circuler dans des endroits bien connus et dont nos commerces en sont, chaque jour, les victimes. Une justice à deux vitesses, trouvant continuellement des excuses à des agresseurs alors que la population souffre de ses incohérences
    La république détruit tout ce qui nous est cher comme le tissu social. Le bilan est lourd aujourd’hui, depuis plus de deux cent ans, ce n’est que mensonges, révoltes et massacres, endettement, déshumanisation, vols des biens sociaux ouvriers et pillage des valeurs qui faisaient la grandeur de la France. Aujourd’hui, à coup d’Ordonnances, elle limite les droits sociaux comme les protections élémentaires du peuple. Une caste de parvenus confisque l’énergie économique et financière de notre pays au nom d'une soi-disant « liberté » ayant détruits les libertés réelles, vécues jadis. C’est ainsi en s’y réclamant, que la république berne le peuple dont elle a enlevé toute volonté et pouvoirs. Bref qu’elle soit maquillée de rose, rouge ou bleu, elle entraîne notre pays vers sa disparition, transformant les citoyens en « agent économique » corvéables à merci, numérotés, étiquetés, contrôlés, comme le disait Proudhon. Bref des robots qui demain seront délocalisables pour le profit des puissances d'argent qui dirigent les paltoquais politiciens, toujours entourés d’ailleurs de « cornichons » à l’abri des courants d’air, chers à Bernanos, formatés BFMTV, nous entraînant chaque jour, un peu plus vers l'abime... Il suffit pourtant de regarder ce système, d‘avoir un peu d’analyse, de sens critique et ne pas perdre de temps à croire inlassablement à une bonne république, comme à une Vie, comme les « benêts » devant un rêve impossible !
    Mais qu’importe, notre espérance est ailleurs, dans les esprits libres de demain, qui reprendront leur destin en main et décider dans tout ce qui les touche, c'est le principe de subsidiarité. Cette responsabilité, ce sens des libertés, que nous avons oublié par paresse, parfois soumission ou confort mais que le système s'est approprié boulimiquement.
    Il est temps en effet, que la France retrouve le chemin de l'élévation, celui des promesses de son baptême, comme aimait à dire Jean Paul II, celui d'une destinée communautaire et non matérialiste aux ordres d'un internationalisme financier. Pour symboliser ce chemin oublié, écoutons Jean Gionot dans « La Chasse au Bonheur »: « Il faut faire notre bilan. Nous avons un héritage laissé par la nature et par nos ancêtres…Une histoire est restée inscrite dans les pierres des monuments ; le passé ne peut pas être entièrement aboli sans assécher de façon inhumaine tout avenir. Les choses se transforment sous nos yeux avec une extraordinaire vitesse. Et on ne peut pas toujours prétendre que cette transformation soit un progrès…Nos « destructions » sont innombrables. Telle prairie, telle forêt, telle colline sont la proie des bulldozers et autres engins ; on aplanit, ou rectifie, on utilise ; mais on utilise toujours dans le sens matériel, qui est forcément le plus bas. Telle vallée, on la barre, tel fleuve, on le canalise, tel eau on la turbine. On fait du papier journal avec des cèdres dont les croisés ont ramené les graines dans leurs poches. Pour rendre les routes « roulantes » on met à bas les alignements d’arbres de Sully. Pour créer des parkings, on démolit des chapelles romanes, des hôtels du XVIIe, de vieilles halles…Qu’on rejette avec un dégoût qu’on ne va pas tarder à payer très cher tout ce qui jusqu’ici, faisait le bonheur des hommes »
    Nous désirons apporter une analyse structurée afin de construire. Les moyens de communication restent un outil créant une opinion sympathisante, plus qu’hier, nécessaires à la solution libératrice et empiriquement royale. L’Etat républicain s’écroulera de ses incompétences et scandales, comme de l’exaspération de la population.
    Mais tant que la majorité des citoyens vivra dans un faux bonheur matérialiste, tant que l’homme se couchera au lieu de s’élever, rien n’avancera. Il ne s’agit pas de refaire ce qui a existé, comme disait Paul Valéry, mais de retrouver l’esprit qui animait les bâtisseurs de cathédrales. Cela ne veut pas dire qu’il faille attendre. Cela veut dire qu’il faut, chaque jour, faire avancer ses idées et convaincre. Il faut que chacun prenne conscience de l'avenir que nous prépare les financiers du Nouvel ordre Mondial. Le « prêt à penser » couplé par le matérialisme que nous avons, par faiblesse accepté nous entraînent vers l'abêtissement et l'abaissement de l'esprit humain. Non qu'il faille se détourner de ce que la technique apporte mais ne pas en être dépendant, gagner en autonomie dans l’alimentation comme dans le comportement. S’alimenter chez les petits producteurs proches comme se détourner des supermarchés du mondialisme, c’est un chemin demandant un effort sur soi-même, une révolution intérieure.
    Les libertés à reprendre se nomment : famille, métiers, communes, villes, salaires, repos, conditions de vie, de travail, retraites et apprentissages, identité et culture, francophonie et langues régionales, bref la citoyenneté pleine et entière, telle que l'entendaient les grecs anciens dans la Cité. Aménager le maximum de nature et d'espace verts dans nos cités pour retrouver l'harmonie et l'équilibre dans nos vies. Recherchez dans vos archives municipales, dans les affranchissements des communes aux temps médiévaux et vous verrez l'ampleur des droits et pouvoirs perdus. Il n'y a pas de régime idéal mais reste seulement celui qui forgea notre histoire. Celui qui apporte cette possibilité du bien, cette vie communautaire disparue et oubliée.
    Chaque jour, être imperméable aux sirènes du régime comme retisser les relations sociales. Trouver, retrouver ce temps où nous nous regardions, dans notre pays, en frères. Ne jamais penser que c'est irréalisable et que vous êtes seule, le système s'évertue à vous le faire croire. Lorsque des dizaines de gens commenceront à réagir ainsi, beaucoup de choses changeront. Retrouver l'humanisme de notre sang par l'éthique chevaleresque que nous défendons, courtoisie, sens du service, respect et honneur, voilà ce qui fera la différence demain. Il est temps et puis qu’importe les résignés, nous devons renouer ce lien séculaire de Peuple et Roi. Sceller un nouveau destin commun, une nouvelle aventure, retrouvons ce fil conducteur comme l’envol de l’oiseau France qui, au-delà de la droite et la gauche, tel un phénix renaît de ses cendres, pour le sourire demain aux visages de nos enfants… Notre jour viendra !
    FW (à suivre, Projet de société)

  • Société & Médias • Le Grand Remplacement et le journal Le Monde

    Par Alexis Lecœur

    Après la tragique tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande le 15 mars dernier, le journal Le Monde publia un « éclairage » au sujet de la « théorie du Grand Remplacement ». On le sait, le tueur avait utilisé l’expression « The Great Remplacement » comme titre du manifeste qu’il publia pour expliquer son acte. 

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgL’article du Monde, mis en ligne le jour même du massacre et signé par quatre journalistes, cherchait à analyser cette expression inventée par Renaud Camus.

    Dès l’introduction, les auteurs qualifient Renaud Camus d’écrivain d’extrême-droite. L’appellation est commode car elle disqualifie immédiatement celui qui est visé et délivre un brevet de vertu à celui qui porte le coup. Or, Renaud Camus s’est toujours défendu d’une telle assimilation politique, et il s’en est expliqué très clairement : « je n’ai aucune sympathie particulière ou complaisance pour le totalitarisme, le nazisme, le fascisme, le négationnisme, Vichy, la collaboration, les différents types de dictature civile ou militaire ; je n’ai pas le moindre goût pour les groupes ou les activités paramilitaires et n’ai jamais fréquenté le moindre ; j’éprouve une nette répulsion à l’égard de la violence et suis très attaché à l’État de droit. […] J’ajoute que mon type particulier de culture est fort éloigné des traditions réactionnaires » (Journal, 30 novembre 2014)

    La seule position politique de Camus est son opposition à la forme actuelle de l’immigration extra-européenne. Mais cela suffit aux principaux médias pour le classer à l’extrême-droite. Camus estime, c’est le cœur de toute son approche, que cette immigration est si massive qu’elle change en profondeur la population française. C’est ce qu’il appelle le Grand Remplacement.

    Mais ce n’est pas une « théorie », c’est une thèse. Et c’est surtout une expression qu’il a proposée pour qualifier un phénomène historique. On pourrait en employer d’autres. Camus lui-même use également indifféremment de l’expression « Changement de peuple et de civilisation », qui est une autre manière de dire la même chose, mais qui n’est toujours pas une théorie. C’est une manière de nommer ce qui advient : l’évolution des sociétés occidentales vers une nature multiculturelle, ce que les thuriféraires d’une mondialisation heureuse décrivent pudiquement par la « diversité ».

    Ensuite nos quatre journalistes du Monde entrent dans le cœur du sujet. Ils expliquent que cette « théorie est d’essence raciste, puisqu’elle se fonde sur la question de la couleur de peau et de l’ethnie comme critère d’appartenance. » La principale faute commise ici est de mêler allègrement racisme et étude des races. Le racisme est une approche orientée du sujet, hiérarchique, qui va bien au-delà de la seule prise en compte de la question des « races » humaines.

    Or les questions d’inférieur ou de supérieur n’intéressent nullement Renaud Camus dans le cas présent et ne font absolument pas l’objet de sa réflexion sur la question du Grand Remplacement. La question est celle du changement de peuple.

    En revanche, ce sont bien dans tous les courants « progressistes » actuels que la question de la race revient sans cesse. Les continuelles attaques sur « l’homme blanc » ou même sur le « féminisme blanc » sont une nouveauté du discours politique porté par la gauche. La question de la race obsède la gauche « progressiste » d’aujourd’hui, et c’est même une troublante nouveauté dans le discours politique français, qui remonte jusqu’au Président de la République.

    L’article du Monde se poursuit en expliquant que les chiffres contredisent cette peur du remplacement, car il n’y a en France que 5 % d’immigrés et de descendants d’immigrés d’Afrique et d’Asie. Les chiffres sont formels, disent-ils. Nous y reviendrons.

    Changement de peuple et de civilisation

    Molenbeek-islamisation.jpgIl y a ces chiffres. Et puis il y a le réel. L’évidence. L’évidence se voit tous les jours, dans toutes les villes de la France, du nord au sud de la métropole, de Lille à Marseille, de Paris à Bordeaux. Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que le visage de la France a changé. Notre peuple n’est plus le même que celui qui formait le corps traditionnel français. Aussi divers était-il, selon les régions, avec ses accents, ses patois, ses cuisines, il restait néanmoins « de race blanche et de culture chrétienne », pour citer le général de Gaulle. La population présente sur le sol de la métropole est désormais beaucoup moins homogène, faite d’individus beaucoup moins semblables. C’est une population d’une plus grande diversité, avec une forte proportion de Noirs et d’Arabes répartis partout en France, dans toutes les couches de la société, dans tous les corps de métiers.

    Et sans même parler des « territoires perdus de la République », il est des endroits où le Français de souche est l’exception quand il n’a pas tout bonnement disparu.

    Nous décrivons là simplement la France ordinaire, celle que l’on croise dans les commerces, dans les TGV, dans les centres des villes de province, dans les écoles. Rien de plus saisissant que de regarder les photos de classes de notre jeunesse avec celles des classes de nos enfants. Ou encore de voir les photos de mariés publiées par les mairies. La population française a changé. Il suffit de sortir dans la rue.

    On peut simplement constater le phénomène et ne pas avoir d’avis. Estimer que c’est ainsi, que ces gens sont là désormais et que l’histoire de France s’écrira maintenant avec eux.

    On peut s’en réjouir et estimer que cette nouvelle population « apporte sa richesse », car l’on « s’enrichit de nos différences » selon le bréviaire psalmodié par le PS pendant des décennies.

    Cela peut être aussi une véritable revendication : la France a changé, « elle est plus colorée », elle est multiconfessionnelle, « elle est riche de sa diversité », et donc il faut que la représentation politique reflète cette « diversité ». Beaucoup à gauche s’offusquent par exemple que l’Assemblée nationale soit encore largement majoritairement « blanche ». Une ministre de la culture de triste mémoire avait en 2018 pris l’engagement de changer la télévision française qui était encore trop blanche. Certains voudraient même imposer ce changement.

    Les communicants et les publicitaires ont bien compris la chose en utilisant désormais continuellement le « format Benetton » dans leur imagerie. Le message publicitaire n’est plus uniquement porté par le visage d’un homme ou d’une femme blanche, mais il y a désormais plusieurs personnes, de plusieurs ethnies. Lors du dernier concours de miss France, la moitié exactement des candidates étaient « issues de la diversité ».

    9782021406023-200x303-1.jpgMais les démographes ne se censurent pas tous. On connaît les travaux de Michèle Tribalat. D’autres études contournent l’interdiction en France des statistiques ethniques pour parvenir à quantifier le phénomène. Ainsi l’ouvrage récent de Jérôme Fourquet pointe le fait que près de 20 % des garçons qui naissent en France aujourd’hui portent un prénom arabo-musulman.

    La nature ethnique et culturelle de la France a changé

    Il s’agit donc de nommer ce phénomène. La population française de 2020 n’est plus la même que celle de 1960. En soixante ans, de De Gaulle à Macron, la nature ethnique et culturelle de la France a changé comme jamais elle n’avait changé de toute son histoire. C’est incontestable et c’est tout simplement ce que Renaud Camus a appelé le changement de peuple et de civilisation, ou plus brièvement le Grand Remplacement. C’est incontestable et les journalistes de gauche refusent de le voir, ils s’interdisent de dire l’évidence. Ils n’osent pas voir ce qu’ils voient.

    La deuxième attaque contre Camus est l’accusation de « complotisme ». Ils prêtent à Renaud Camus l’idée qu’il y aurait « une sorte de grand plan global et secret, ourdi par des groupes mystérieux [dotés] de pouvoirs immenses ». Or là encore, Renaud Camus s’en est plusieurs fois défendu. Il n’a jamais supposé qu’il y avait eu des complotistes réunis un soir dans une salle secrète pour mettre en œuvre ce Grand Remplacement. Car il n’est nullement nécessaire de se dissimuler. Cela s’appelle tout simplement le capitalisme, l’économie de marché, l’abolition des frontières, la circulation des hommes, les migrations. L’industrie a besoin de bras. Pour un industriel, la culture, l’individualité, la nature profonde de son ouvrier ne lui importe en rien. Il a besoin d’un ouvrier.

    D’autre part, il est évident que l’appel aux traditions ou les questions d’héritage chrétien ou l’idée même de « culture française » n’ont jamais été du goût des hommes politiques français comme des idéologues de la pensée progressiste régnant sur les ondes de France Inter ou de France Culture ou s’épanchant entre les pages du Monde ou de Libération. L’homme moderne, l’homme nouveau est, selon leur souhait, un citoyen du monde. Il est ouvert, pioche à un peu toutes les cultures, a délaissé le christianisme et soutient les migrants syriens ; il est solidaire, écoresponsable, consomme une world food et boit du café équitable. Mais il met ses enfants dans le privé à l’entrée au collège.

    Un complot n’est donc nullement nécessaire pour mettre entre œuvre cette double force économique et culturelle qui encourage la circulation des hommes. Pour appuyer l’idée que Renaud Camus serait complotiste, Le Monde prétend que cette question du « mondialisme » serait la reprise d’une idée ancienne, caractéristique de l’extrême-droite (puisqu’on nous a dit qu’il était d’extrême-droite, tout est logique) des années trente. C’est faire bon marché de tous les discours des internationales ouvrières nées au XIXe et de tous ceux qui contestaient ou l’organisation mondiale du capitalisme, ou les empires colonialistes…

    838_000_dv1942743.jpgMais laissons Renaud Camus conclure et nous dire lui-même ce qu’il pensa de l’article : « Comme il fallait s’y attendre l’article le plus hostile est celui du Monde. Toutefois il est bien plus remarquable par son invraisemblable nullité que par sa hargne, pourtant vive, à mon endroit. Les contributeurs se sont pourtant mis à quatre pour venir à bout de la tâche : un échotier d’officine, qu’on sent coutumier des basses œuvres et des mauvais coups, et quelques thésards impatients de placer des références absconses à leurs petits travaux, n’eussent-ils strictement rien à voir avec les miens. Le résultat doit être un des points les plus bas jamais atteints, et ce n’est pas peu dire, par l’ex-journal de référence depuis le début de sa longue dégringolade morale, déontologique et professionnelle. C’est absolument fascinant. Pas une information qui ne soit fausse, ou, sinon fausse, approximative, floue, forcée, confuse, vague, emberlificotée, tendancieuse, inexacte. Avec beaucoup d’autorité toute sorte de tournures me sont prêtées entre guillemets ou en italiques, quoiqu’elles n’aient jamais paru sous ma plume. Il est beaucoup question des remplaceurs, par exemple, mot que je ne sache pas avoir jamais utilisé. Un des plus beaux passages soutient que Soumission procède très largement de conversations entre Houellebecq et moi (qui ne nous sommes jamais rencontrés, ni seulement parlé) — il va être content, Houellebecq, si cet infâme brouet arrive jamais jusqu’à lui… »   ■

    Alexis Lecœur

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    Archipel à la dérive
  • Révolution française et gilets jaunes [1] : 1791, ou la victoire du libéralisme anglo-saxon contre le modèle social fran

    Par Jean-Philippe Chauvin

    1262631406.jpg

    Et si la Révolution française était la véritable cause de la révolte des gilets jaunes ?

    La question peut, de prime abord, sembler provocatrice et, même, iconoclaste, ne serait-ce que parce que deux siècles ont passé depuis cet événement fondateur de notre République et que les révoltés d’aujourd’hui paraissent se référer à un « mythe révolutionnaire » qui ferait de cette Révolution de 1789 un événement à reproduire : nombre de gilets jaunes comparent le président Macron au roi Louis XVI et semblent vouloir imiter la geste révolutionnaire, voire sans-culotte, même si quelques manifestants des ronds-points de l’Ouest et de l’Essonne (entre autres) affichent fièrement le sacré-cœur chouan sur leur gilet fluorescent et brandissent, jusqu’à Rennes et Paris, des drapeaux de l’Ancienne France. Mais cela n’enlève rien à la viabilité de la question, qui mérite, non seulement d’être posée, mais d’être traitée, en histoire comme en politique. 

    2142278736.jpgAprès tout, la Révolution française, largement née d’une crise de la dette publique, n’a rien été d’autre, à bien y regarder, qu’un immense transfert de pouvoir, des ordres privilégiés anciens à la classe bourgeoise urbaine, de la magistrature suprême de l’Etat royal à la domination d’une petite élite économique et sociale s’appropriant le Pouvoir tout en le renforçant pour se le garder : on était bien loin des espérances et des promesses initiales de 1789 portées par les Cahiers de doléances, alors vite abandonnés par les nouveaux maîtres se réfugiant derrière le refus du mandat impératif qui, pourtant, était à la base de la désignation des délégués aux Etats-généraux… Sans doute la Révolution était-elle viciée, dès le départ, par cette confiscation de la « représentation révolutionnaire et parlementaire » par ce que l’on nomme désormais le « bloc bourgeois »*, et sa « légalisation » par la prise du pouvoir législatif jusque là dévolu au roi et aux états provinciaux, du moins là où ils existaient encore de façon vive. Mais il y a un autre processus à évoquer, c’est celui de la « dépossession professionnelle », permise et même imposée par le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de l’année 1791, véritable année de naissance du Prolétariat, à la fois comme condition et comme situation. 

    medium_travail_des_enfants_lbai_01_03_2006.jpgLe décret d’Allarde et la loi Le Chapelier sont deux textes que l’on peut rattacher au libéralisme des Lumières, marqué par l’individualisme et la Liberté économique, et qu’il faut sans doute replacer dans le contexte de l’émancipation des « possédants économiques » à l’égard des corps constitués et d’une Eglise catholique qui, malgré ses défauts et ses avanies, conserve encore une certaine réserve à l’égard de « l’Argent-Seigneur ». Ces deux textes se complètent en une logique certaine et infernale, si l’on veut bien en mesurer les effets immédiats sur le plan social : le premier supprime les corporations, corps socio-professionnels qui encadrent le travail autant sur le plan de ses conditions pour les travailleurs que sur celui de la qualité de la production ; le second interdit toute possibilité pour les travailleurs de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs, la liberté individuelle primant désormais, aux yeux des constituants, sur toute communauté autre que la Nation. Ces deux textes sont l’application rigoureuse de la fameuse « Liberté du travail », qui n’est rien d’autre que « la liberté de l’Argent sur le monde du Travail », et ils sont votés dans un contexte de fébrilité sociale, au moment où les ouvriers, parfois assemblés en « coalitions ouvrières », revendiquent des augmentations de salaires et la protection de leurs droits, de plus en plus menacés par une bourgeoisie soucieuse d’appliquer la formule de Franklin sans égards pour ceux qui travaillent dans les ateliers et fabriques. Ces deux lois sont marquées, dès l’origine, par un véritable esprit de lutte des classes imposée, dans le monde du Travail, par les « possédants » et non par les ouvriers : elles ouvrent la voie à plus d’un siècle d’oppression sociale du monde des travailleurs manuels des usines et des mines, au nom d’une Liberté qui apparaît bien comme « celle du renard libre dans le poulailler libre » selon l’expression célèbre. Mais elles légaliseront aussi toutes les répressions contre les ouvriers et artisans quand ceux-ci réclameront leur juste dû et le respect de leur dignité, bafouée par un libéralisme importé du monde anglo-saxon… 

    Cette destruction des corporations et des libertés ouvrières au profit de la « Liberté du Travail » et de la domination capitalistique est aussi la défaite d’un modèle français, certes en crise d’adaptation face aux nouvelles conditions de l’industrialisation en cours au XVIIIe siècle : ce modèle ancien, né au Moyen âge dans les villes d’Occident, devait beaucoup à l’Etat (surtout depuis la fin de la Guerre de Cent ans) autant qu’aux villes qui l’avaient vu naître et aux professions qui l’avaient suscité, et il assurait une certaine justice sociale par l’équilibre qu’il établissait au sein du monde du Travail, dans le cadre d’une hiérarchie rigoureuse mais qui n’empêchait pas l’ascension sociale et l’inventivité professionnelle. Bien sûr, ce modèle n’était pas parfait mais il restait perfectible et, surtout, il préservait les travailleurs et la qualité de leur travail « malgré la concurrence », plaçant les hommes de l’atelier et de la mine avant le seul profit de quelques uns qui maniaient plutôt les pièces d’argent que celles des métiers et des outils… De 1791 date la rupture entre le travailleur et celui qui en tire profit : et cette situation s’est bien aggravée depuis, comme on peut encore le constater avec les émoluments de quelques grands patrons peu soucieux d’autre chose que de l’intérêt des actionnaires et n’hésitant pas à sacrifier des milliers d’emplois pour engranger plus de bénéfices. 

    Il est un autre effet néfaste et souvent méconnu des lois révolutionnaires libérales de 1791 : c’est la destruction de l’apprentissage qui, pourtant, avait permis au monde du Travail d’Ancien régime d’assurer et de s’assurer une qualité particulière et reconnue du monde entier, et qui garantissait la transmission des savoir-faire d’une génération à l’autre, avec toujours l’idée de rajouter, à chacune d’entre elles, quelques éléments supplémentaires. 1791, c’est la volonté de briser cette longue suite de « maîtrise de l’art du métier », propriété et fierté des travailleurs, quelles que soient leur fonction et leur place dans la hiérarchie professionnelle. Désormais, le seul maître, c’est celui qui finance et tire profit de la production, et non plus celui qui la fait, concrètement, à la force de son poignet et de ses muscles, au gré de son intelligence, avec l’aide de ses outils et avec l’expérience des anciens et la sienne propre, avec un rythme de travail qui est d’abord le sien et qui n’est pas imposé par « l’horloge du patron ». 

    1791 a marqué la victoire du libéralisme anglosaxon et de l’idéologie franklinienne, et les luttes sociales françaises du XIXe et du XXe siècles n’ont été que la réponse, parfois maladroite et violente, à la terrible violence « légale » des lois d’Allarde et Le Chapelier. Car, si les syndicats ont constitué, à partir de 1884, des formes de substitutions aux anciennes associations corporatives, ils n’ont jamais pu, en tant que « sociétés professionnelles » se constituer un « patrimoine corporatif » qui aurait pu leur permettre, au-delà de l’Etat et des subventions, de recréer un rapport de forces durable, en particulier dans les périodes de mondialisation qui ont accéléré leur déclin et révélé leur impuissance un temps masquée par les avantages octroyés (mais parfois conquis grâce à des mobilisations d’ampleur mais trop souvent éphémères, et à une situation géopolitique qui faisait craindre aux possédants une « lutte finale » qui leur serait défavorable…) par le soutien d’un Etat qui avait encore, s’il le voulait (ce qui n’était pas toujours le cas…), la force et les moyens de s’imposer au monde des féodalités économiques et financières. 

    bourse-justice.jpgBien sûr, il est trop tard pour empêcher Le Chapelier de faire voter sa loi et pour raccompagner fermement les révolutionnaires libéraux de la fin du XVIIIe siècle à la porte de l’Assemblée constituante de 1791, et ce qui est fait, même mal, est fait : mais cela n’empêche pas de dénoncer les fondements de ce qui, aujourd’hui, fait le malheur du peuple des ronds-points et sa colère… Cette dénonciation ne doit pas non plus empêcher la proposition d’une nouvelle fondation sociale, dans laquelle les associations socio-professionnelles, les travailleurs eux-mêmes et les dirigeants d’entreprise, les communes et les régions (à travers leurs institutions propres ou une forme de Conseil économique et socio-professionnel local, plus ou moins large mais toujours enraciné dans les territoires et les populations), avec la bienveillance et sous la surveillance arbitrale de l’Etat, joueraient un rôle majeur dans la garantie de la justice sociale, « premier droit des travailleurs au travail ». 

    Que l’on ne s’étonne pas que la Monarchie sociale soit, par sa situation de grand arbitrage et de par sa légitimité qui ne doit rien aux féodalités financières et aux oukases de la « gouvernance », son régime et ses institutions politiques la mieux placée (et j’emploie ce qualificatif à dessein) pour surmonter les crises sociales que la mondialisation contemporaine et le libéralisme dominant nourrissent aux dépens de nos concitoyens et des classes moyennes… Si le Roi politique n’a pas de sceptre magique pour dissoudre les causes du malaise social, il est symboliquement porteur de cette Main de justice qui rappelle que, sans ce devoir social assumé et garanti par la magistrature suprême de l’Etat, il n’y a pas d’ordre légitime qui puisse s’affirmer et tenir dans la durée… (À suivre)    

    * Le « bloc bourgeois » est-il une réalité sociale ou une facilité de formulation ? En effet, il me semble plus correct de parler de classes ou de catégories bourgeoises et de bourgeoisies au pluriel, avec des comportements politiques parfois fort différents selon le rapport au travail et à l’argent, ou selon les origines fondatrices, urbaines ou rurales, voire portuaires ou continentales. Mais n’y a-t-il pas, dans le même temps, une certaine unité, voire identité de pensée, dont la référence à Benjamin Franklin ou, plutôt, à sa fameuse formule « Time is money », serait la matrice véritable ? En ce sens, l’on pourrait alors évoquer une « idéologie bourgeoise » que partageraient nombre de bourgeois, ouvertement ou en leur for intérieur, contre le message même de l’Eglise déniant à l’Argent d’être un maître et contre la figure du politique s’imposant à l’économique. Certains ont aussi voulu voir dans la Révolution « la revanche de Fouquet » contre une monarchie absolue qui avait valorisé le service de l’Etat plutôt que les intérêts de l’Argent…

     Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Police : La proximité attendra

    Effrayés par l’annonce du déploiement parmi gendarmes et policiers de 110 000 tablettes numériques, les habitants des Quartiers de Reconquête Républicaine font amende honorable.

    Par Aristide Renou

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    « Tranquillité, incivilité, communautés ... »

    La police de proximité est une bonne idée. On le sait parce qu’elle a été testée et pratiquée avec succès outre-Atlantique. Mais en France, dans les quartiers perdus prétendument en reconquête, sa mise en œuvre est tributaire de la Justice, donc de Nicole Belloubet : tout est à craindre.

    La « police de sécurité du quotidien » était l’une des promesses de campagne du candidat Emmanuel Macron. Cette réforme a été lancée le 8 février 2018 par Gérard Collomb et Christophe Castaner a annoncé il y a deux mois la mise en place de nouvelles mesures dans le cadre de cette « PSQ ». On peut d’ores et déjà être à peu près sûr que la « police du quotidien » sera la grande réforme du quinquennat Macron en matière de sécurité, et qu’elle sera vendue comme telle lors de la campagne pour sa réélection. De quoi s’agit-il ?

    Un certain flou a longtemps entouré le contenu concret de la PSQ. Ce que l’on peut en dire aujourd’hui, plus d’un an après son lancement, est qu’elle repose essentiellement sur trois axes :

    1 D.jpg1. Des effectifs supplémentaires de policiers et gendarmes dans certains quartiers pompeusement baptisés « Quartiers de Reconquête Républicaine ». Il y en a aujourd’hui 47.

    2. Plus de numérique, avec notamment, selon Beauvau « le déploiement de 110 000 tablettes numériques et smartphones d’ici à 2020 permettant aux policiers et aux gendarmes de rester sur le terrain tout en ayant accès aux bases de données. »

    3. Une plus grande liberté laissée aux initiatives locales pour adapter la réponse policière à la réalité de la délinquance, et donc une plus grande proximité et collaboration avec la population et les acteurs locaux.

    Une réalité étatsunienne

    En France le concept de « police de proximité » a plutôt mauvaise presse, à cause du souvenir laissé, justement, par la police de proximité lancée par Lionel Jospin et euthanasiée par Nicolas Sarkozy. Sans s’attarder sur ce sujet, il est possible de dire qu’en effet la « Pol Prox’ » de Jospin était une manifestation de sa « naïveté » en matière de sécurité, naïveté reconnue publiquement par l’intéressé à la fin de son mandat dans un accès de sincérité peut-être un peu naïf…

    Pourtant, correctement entendue, la police de proximité a des résultats à faire valoir, notamment aux États-Unis où elle a pour nom community policing. Entre 1980 et 2010, la criminalité y a chuté de près de 50% pour la plupart des crimes, soit la plus forte baisse jamais enregistrée au XXe siècle dans un pays occidental¹. À New-York, ville-laboratoire en matière de lutte contre la délinquance, la criminalité a chuté de près 90% depuis le début des années 1990. Le passage au community policing y est pour beaucoup. Examinons donc ce community policing à l’américaine, nous pourrons ainsi nous faire une meilleure idée de la pertinence de la PSQ et de ses chances de succès. Le passage au community policing repose sur plusieurs constats.

    Tranquillité, incivilité, communautés

    Tout d’abord, ce que la population attend de la part des pouvoirs publics en matière de police, ce n’est pas seulement une réduction de la criminalité, c’est de pouvoir vivre au quotidien l’esprit en paix, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. La peur de la délinquance est assez rarement liée à une rencontre directe avec celle-ci. Elle est plus étroitement corrélée avec la présence de désordres et d’incivilités dans les espaces publics. Même lorsque la délinquance est élevée, la probabilité pour chaque individu d’être victime d’une agression, d’un vol ou d’un cambriolage reste heureusement assez faible. En revanche vous pouvez constater tous les jours les graffitis, les rues jonchées de détritus, les mendiants agressifs, les gens qui « s’oublient » dans la rue, les dealers qui opèrent à la vue de tous, le bruit, l’absence ostensible d’égards pour autrui manifestée par certains, etc. Vivre dans un tel environnement engendre une peur diffuse d’être un jour agressé et peut littéralement vous gâcher l’existence. Un gouvernement qui ne prend pas en compte cet aspect du problème ne remplit pas correctement son devoir régalien, et tant qu’il ne le fait pas, la population continuera à se plaindre de ce que « la police ne fait pas son travail ».

    2 D.jpgPar ailleurs, il existe un lien fort entre les incivilités et la criminalité proprement dite. Ce lien a été explicité au début des années 1980 par la théorie dite de « la vitre brisée² ». Sans rentrer dans de longues explications, la vitre brisée permet de comprendre pourquoi les petits désordres dans les lieux publics engendrent de plus grands désordres, qui eux-mêmes finissent souvent par engendrer de la vraie criminalité. Les incivilités qui ne sont pas correctement traitées brisent peu à peu le ciment de toute vie sociale : la confiance que les individus peuvent avoir les uns envers les autres. Elles font ainsi disparaître les contrôles sociaux informels par lesquels les habitants d’un quartier font spontanément respecter les règles de la vie en commun. Et une fois la vie collective suffisamment atomisée, la délinquance prospère. Pour les pouvoirs publics, la seule manière de rétablir ces contrôles sociaux indispensables est de répondre aux préoccupations exprimées par les habitants en matière de tranquillité quotidienne. La police doit se mettre à l’écoute des doléances de la population locale et guider son activité en partie sur elles.

    3 G.jpgEnfin, dans les grandes métropoles modernes où règne une grande diversité ethnique, culturelle et religieuse, le travail de la police est rendu particulièrement difficile par le fait que les taux de criminalité sont presque toujours très disparates selon les diverses « communautés ». L’action de la police aura alors vite fait de sembler « discriminatoire » ou « raciste » puisqu’elle se concentrera inévitablement sur les communautés ou les lieux où la délinquance est la plus élevée. Il est donc primordial d’essayer de maintenir une certaine confiance entre la police et la population en associant étroitement cette dernière à la « production de sécurité ».

    Une action régulière et décentralisée

    Sur la base de ces constats, le community policing se caractérise, notamment, par les éléments suivants. Les forces de l’ordre doivent s’attaquer autant aux incivilités et aux petits désordres qu’aux « vrais » crimes. Les agents doivent ainsi avoir une large latitude pour rechercher des infractions plus graves à partir d’une simple incivilité ou d’un petit délit. Cela signifiera par exemple vérifier l’identité de l’auteur d’une incivilité, l’interroger, éventuellement le fouiller, etc. L’expérience prouve en effet que les délinquants chroniques sont des transgresseurs polymorphes et qu’il n’est absolument pas rare qu’un individu « incivil » ait aussi des choses plus graves à se reprocher³.

    Contrairement à une idée répandue, cette police du quotidien ne signifie donc pas que les policiers doivent faire « ami-ami » avec les « jeunes » turbulents. Au contraire, le community policing sera souvent synonyme d’une action plus énergique et intrusive de la part de la police. La police doit aller très régulièrement à la rencontre de la population. Par exemple en organisant des réunions publiques, mais surtout en faisant quotidiennement des patrouilles à pied dans les quartiers concernés.

    4 G.jpgL’action policière doit être profondément décentralisée et une large marge d’appréciation doit être laissée aux agents sur le terrain pour orienter leurs interventions. Des outils permettant de suivre presque en temps réel et de manière géographiquement très fine l’évolution de la délinquance et les actions de la police devront donc être développés. À New-York cet outil s’appelle le Compstat, et il a été adopté par la plupart des grandes villes américaines.

    Une justice ferme et rapide

    Et derrière le community policing, la justice devra se montrer rapide et ferme avec les délits sérieux et les récidivistes pour débarrasser les rues de leur présence. Aux États-Unis, l’introduction du community policing au début des années 1990 a coïncidé avec un mouvement général de sévérité accrue envers la délinquance. En 1994, par exemple, a été adopté le « Violent crime control and law enforcement act » dont les dispositions prévoient notamment l’extension sensible du nombre de crimes punis de mort, la construction de maisons de correction pour les délinquants mineurs, le financement de cent mille postes de policiers ou encore l’ajout automatique de dix ans aux peines prononcées pour les crimes commis dans le cadre d’un gang.

    Si les États-Unis ont ainsi connu une baisse presque miraculeuse de la délinquance, ils ont aussi connu une augmentation très forte de la population carcérale. Le taux d’incarcération y est actuellement de l’ordre de 650 pour 100 000 alors qu’il tourne autour de 100 en France. Après ce (trop) rapide tour d’horizon, nous sommes donc en mesure de voir pourquoi la PSQ version Macron risque fort d’être de la poudre de perlimpinpin.

    Comme l’expliquait très bien un syndicaliste policier : « La PSQ ne sera viable que dans des quartiers pacifiés. Impossible d’engager le dialogue sous les insultes, les menaces, les coups et l’irrépressible peur des représailles pour ceux qui parleraient avec la police. » Il ajoutait :

    5 D.jpg« Comment des policiers peuvent-ils être crédibles et incarner l’autorité quand, à leur simple vue, les caïds du quartier, forts de leur sentiment d’impunité, les insultent et les agressent physiquement tout en revenant pérorer et bomber le torse le lendemain ? Ce sont eux l’incarnation de l’autorité dans les cités. Nous le redeviendrons uniquement si toute la chaîne pénale fonctionne […]. Il suffit souvent d’emprisonner les éléments les plus violents pour apaiser un quartier. C’est une dimension qui échappe trop souvent lors d’un jugement.⁴ »

    Mais Emmanuel Macron a renoncé à sa promesse de campagne de construire 15 000 places de prison supplémentaires (alors même que deux fois plus serait nécessaire) et Nicole Belloubet s’affirme un peu plus chaque jour comme l’héritière spirituelle de Christiane Taubira. Sa « réforme de la justice » entend développer (encore plus) les « alternatives à la prison » et limiter le plus possible les courtes peines de prison, comme au plus beau temps de la poétesse guyanaise…

    Bref, si la « police de proximité » est, sur le papier, une bonne idée, nous devrons sans doute attendre encore longtemps pour la voir correctement appliquée en France. 

    Photo-actu-proximité-2.jpg

    Christophe Castaner n’oubliera jamais les conseils de close-combat donnés par Nicole Belloubet.

    1. Barry Latzer, The rise and fall of violent crime in America, Encounter Books, 2016.
    2. James Q. Wilson, George L. Kelling, “Broken Windows: The police and neighborhood safety”, The Atlantic, March 1982. Une traduction française peut être trouvée dans le numéro 5 de la Revue Française de Criminologie et de Droit Pénal, octobre 2015.
    3. Maurice Cusson, Prévenir la délinquance, les méthodes efficaces, PUF, 2009.
    4. Institut pour la Justice, Tribune Libre n°18, janvier 2018.

    Aristide Renou

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (18)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

    Maintenir, restaurer, exploiter  notre patrimoine historique ...

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LE RÈGNE DE LA QUANTITÉ S'ACHÈVE

    Trois types de services sont appelés à se développer, là-dessus l'accord est presque total et dans ce domaine également la reconstitution d'un marché plus large, constitué par les classes aisées s'impose : la restauration, le gardiennage, le nettoiement. Pour la restauration, il est évident qu'il faut une clientèle capable de dépenser davantage, sinon ce sera « le fast food », dans le pire des cas et dans le meilleur le sandwich. Une société de plus en plus fragile ne sera pas protégée par la seule police. La multiplication des entreprises de gardiennage répond à un besoin. La multiplication des résidences secondaires, abandonnées une partie de l'année, exigera que les particuliers fassent appel à ces entreprises. Encore convient-il qu'ils en aient les moyens. Le nettoiement lui aussi devra s'adresser aux particuliers. La domesticité, au sens ancien, ne se reconstituera pas. Ni l'évolution des mentalités ni l'exiguïté des appartements ne la favorisent. Par contre, déjà les traiteurs fournissent du personnel pour les réceptions. De plus en plus, des équipes effectueront les travaux pénibles, à condition de trouver un nombre suffisant de ménages susceptibles de conclure un contrat d'entretien, comme cela se passe aux Etats-Unis.

    Il est remarquable qu'en Lorraine le gouvernement socialiste, après avoir rêvé du développement de l'industrie électronique ait dû constater que celle-ci ne provoquait que peu d'emplois. Par contre un parc d'attraction en susciterait plusieurs milliers, sans exiger des efforts de formation coûteux, dont les résultats, sur une main d'œuvre mal préparée, restent aléatoires. Une prise de conscience s'opère, dans tous les secteurs de l'opinion, en dehors de celui, qui se marginalise, qu'occupe le parti communiste.

    Le mouvement général de la société la porte d'ailleurs vers l'amélioration de la qualité de la vie. La défense de l'environnement, la protection des sites, la rénovation des quartiers anciens, le régionalisme, le désir de « vivre au pays » afin de maintenir les solidarités familiales furent longtemps tenus pour « réactionnaires ». Une certaine extrême gauche s'en est emparée, les déformant, les travestissant, au point de les utiliser contre le progrès technologique (les centrales nucléaires) ou l'unité nationale. Il reste que, même mystifiées, les valeurs de la société préindustrielle retrouvent toute leur puissance. L'écologie a pris un tour idéologique, hostile au progrès des techniques qui la rend insupportable. Expression d'un retour à la qualité de la vie, en rupture avec la notion quantitative de « niveau de vie », elle s'accorde avec les nécessités économiques.

    Le gouvernement Fabius, en créant les TUC s'est engagé dans la bonne voie, encore qu'on doive craindre qu'il ne gâche une excellente idée. Il est absurde de payer des gens à ne rien faire. Ce gaspillage d'argent et de force de travail paraît aberrant. Pourquoi ne pas utiliser les chômeurs afin d'améliorer la qualité de la vie ? Dans le cas des TUC tout donne malheureusement à penser qu'il s'agit d'un gadget électoral destiné à camoufler ses échecs économiques. Le parti communiste n'a pas tort qui parle de tucs en toc à propos des « travaux d'utilité collective » (TUC). Une initiative heureuse, en soi, risque d'être gâchée dans la mesure où elle se traduira par une résurgence des « ateliers nationaux » de 1848, qui ont laissé de fâcheux souvenirs.

    Les TUC ne sont, dans trop de cas, une manière d'occuper des jeunes. Le souci de rentabilité, sinon financière, du moins sociale, reste insuffisant. Pour être efficaces, il faudrait les confier à des entreprises, déjà existantes ou à créer, avec le risque d'échec que cela implique. Certes, tout ce qui fut accompli par le Troisième Reich reste frappé de malédiction. Pourtant il serait opportun de s'inspirer de l'arbeitschaffung. Hitler pour combattre le chômage lança une politique de grands travaux. Les caisses étaient vides. Le docteur Schacht eut l'idée des traites de travail. Une municipalité décide de construire une cité ouvrière. Elle n'a pas le premier sou. Un établissement ad hoc, la Bank der deutschen arbeit lui donne un bon qui, placé sur un compte bancaire, permettra de payer, par un jeu d'écritures. La municipalité remboursera grâce aux locations d'appartements et aux impôts sur les bénéfices. Il ne s'agit pas de copier un système qui ne pouvait fonctionner que dans le cadre de l'autarcie économique. N'empêche qu'en deux ans le nombre de chômeurs a diminué de moitié.

    Il existe de nombreux besoins sociaux qui ne sont pas satisfaits : maintien des vieillards à domicile, haltes garderies pour permettre aux mères de famille de faire leurs courses, extension du système à tous les foyers où la femme travaille, des aides ménagères etc... De même, pour s'adapter à la révolution industrielle villes et régions seront contraintes de faire d'immenses efforts d'amélioration de la qualité de la vie. Les industries nouvelles ne s'implanteront pas n'importe où. Trois conditions devront être réunies : proximité d'une université de renom, existence d'une main d'œuvre qualifiée, possédant des traditions ouvrières de savoir-faire et de conscience professionnelle et de ce point de vue le Nord ou la Lorraine disposent de sérieux atouts, environnement naturel et culturel, susceptible d'attirer ingénieurs, chercheurs et cadres. Le développement du tourisme, des activités de loisir, de la consommation de biens « qualitatifs » suppose lui aussi l'amélioration de l'environnement naturel et culturel. Chaque ville, chaque « pays », chaque région devra, pour survivre, protéger ses sites et, à l'occasion, se débarrasser de ses friches industrielles, restaurer son patrimoine historique, planter des arbres, multiplier les jardins publics, les parcs d'attraction, les musées, les bibliothèques. Il ne s'agira plus de superfluités auxquelles un conseil municipal accorde, avec condescendance, de maigres crédits mais d'investissements dont la rentabilité économique, même si elle ne peut être calculée, se manifestera par les retombées industrielles (implantation d'entreprises) ou commerciales. Beaucoup de collectivités locales en prennent conscience.

    Le système que l'on peut envisager se fonde sur la mise en œuvre de plans d’aménagement communaux, intercommunaux, départementaux ou régionaux. Pour les financer les collectivités locales disposeraient d'un fonds où seraient versées les allocations-chômage correspondant aux emplois engendrés ainsi que, pendant trois ans, les cotisations de sécurité sociale que leur verseraient les entreprises bénéficiant de ces emplois. Cette mesure vise à dissuader les chasseurs de prime, ces entrepreneurs attirés par des avantages fiscaux ou des exonérations de charges sociales, qui ferment sitôt qu'ils n'en bénéficient plus. Les caisses de sécurité sociale de leur côté ne souffriraient aucun préjudice réel, les chômeurs ne leur rapportant rien. Ainsi chaque salaire serait couvert pour plus de moitié. Les communautés locales, pour compléter ce fonds, recourraient à des traites de travail qu'elles rembourseraient grâce au surcroît des impôts locaux provoqué par ces investissements, avec le risque normal d'erreurs d'appréciation, dont la population supporterait les conséquences puisque de toute façon il faudrait rembourser. Ces erreurs seraient moins nombreuses et surtout moins graves que si les décisions étaient prises par des technocrates irresponsables, les municipalités ou les conseils généraux, saisis pas la folie des grandeurs ou la démagogie, payant leur mauvaise gestion de leur renvoi par les électeurs.

    Ces travaux et ces services ne sauraient être accomplis directement par les communautés locales, qui, pour élargir leur clientèle électorale sont tentées de « créer » des emplois, sinon inutiles, du moins superflus, mais par, des entreprises, coopératives ou sociétés, déjà existantes ou qui se constitueraient pour bénéficier de ce marché. Soumise à la concurrence, elles s'engageraient, par contrat, à embaucher et à former des chômeurs pour l'exécution de ces travaux ou de ces services. Certains de ces emplois deviendraient permanents, d'autres, temporaires, susciteraient, du fait de la relance de l'économie locale, des emplois permanents. Il va de soi qu'un chômeur qui refuserait, deux fois de suite, un travail conforme à ses compétences et à ses capacités, serait trop souvent absent, ferait du mauvais esprit perdrait tout droit aux allocations.    

    A suivre  (A venir : Le règne de la quantité s'achève 3).

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (14)

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LA MACHINE CONTRE L'HOMME-MACHINE

    Les Japonais, trop nombreux pour un territoire exigu, ne pouvaient faire appel à l'immigration, en dehors de quelques centaines de milliers de Coréens, indispensables pour les métiers jugés dégradants. Ils automatisèrent, robotisèrent, formèrent une main d'œuvre hautement qualifiée, qu'ils soumirent à une sélection sévère. N'ayant pas d'autre choix, ils se lancèrent dans la troisième révolution industrielle. Comprenant qu'ils devaient susciter des concurrents dont ils feraient les clients de leur industrie de pointe, ils investirent à Taïwan, en Corée du Sud, à Hong-Kong, à Singapour, où des usines de textile, des chantiers navals, des complexes sidérurgiques employèrent la main d'œuvre locale. Cette concurrence, non pas subie mais provoquée, les contraindra à « améliorer dans ces domaines, leur productivité, afin de compenser les surcroîts de personnel. Pendant ce temps nous installions à Fos et à Dunkerque des hauts fourneaux qu'il aurait fallu construire à Dakar, ou à Abidjan …

    Au cours de la seconde révolution industrielle les besoins de main d'œuvre n'ont cessé d'augmenter. Il fallait attirer les paysans à la ville, persuader les domestiques que leur dignité serait mieux protégée par l'atelier, décourager l'artisanat. Comme cela ne suffisait pas on a fait venir des maghrébins et des africains. Maintenant les usines et les bureaux doivent se débarrasser de ces millions de travailleurs en trop. On ne sait plus qu'en faire. On a même trouvé pour qualifier cette opération un mot atroce, le dégraissage. Qui a rendu obèse l'économie ? La résignation des chômeurs a quelque chose d'effrayant. Jamais révolte ne serait plus justifiée que la leur mais il y a tant de coupables, à commencer par les syndicats, qui ont retardé tant qu'ils ont pu les ajustements indispensables, qu'une coalition où se retrouve le parti communiste, au coude à coude avec le C.N.P.F., les persuade qu'ils sont victimes d'une obscure fatalité. La mauvaise graisse doit être mise au rebut.

    Autrefois, sauf dans les banlieues des grandes villes le chômeur ne dépendait pas des aumônes de la nation. Il possédait un jardin, des cousins agriculteurs auxquels il donnait de temps à autre un coup de main, la femme faisait des ménages ou travaillait à façon comme couturière. Les romanciers populistes ont brossé de ce proche passé d'atroces tableaux. Par contre, il ne semble pas que les « nouveaux pauvres » les intéressent. Tout se passe comme si les allocations chômage, l'aide sociale, l'Etat Providence avaient anesthésié les indignations collectives. D'autant que nos statistiques sont trompeuses. Elles recensent le nombre de chômeurs, non la durée du chômage qui seule importe. Il ne serait pas grave que cinq millions de français soient six mois sans travail. Quand un million d'entre eux perdent l'espoir d'en retrouver cela devrait devenir un drame national.

    Le véritable problème n'est donc pas d'assurer le plein emploi mais de réduire la durée de chômage, pour le rendre humainement et socialement tolérable. Même en U.R.S.S., il existe 1 % de « demandeurs d’emploi ». Dans ce cas, il ne s'agit pas d'un chômage véritable mais du temps de transit entre deux entreprises. On trouve aussi en Union Soviétique un pourcentage indéterminé de « parasites ». Au moins 3 %. Certains de ces « parasites », juifs, chrétiens et autres dissidents, voudraient bien travailler, mais on refuse de les embaucher afin de les placer dans une situation juridique qui permettra de les envoyer au goulag. N'empêche qu'en U.R.S.S., comme ailleurs, des gens vivent du vol, du proxénétisme ou de la spéculation. S'ils se font repérer, ils sont promis au travail forcé. Beaucoup passent au travers.

    Dans les pays libres, cette catégorie sociale tend à proliférer. Elle s'inscrit volontiers au chômage puisqu'elle ne risque pas d'être contrainte d'accepter un emploi. Ces marginaux ne sauraient être éliminés, qu'à condition d'instaurer, comme en Union Soviétique, le travail forcé. Il y a donc, même en période de « plein emploi » 4 à 5 % de gens, en âge de travailler, qui pour des raisons, honorables ou pas, sont inactifs.

    Seul importe le chômage involontaire. Il tourne à la tragédie sociale quand plusieurs millions d'hommes, jeunes ou non se sentent exclus du marché du travail. Parfois, leur entourage les tient pour des incapables ou des fainéants. Des familles se défont. Ce qui précipite la déchéance. Mais même soutenu par les siens, le chômeur fait figure de déchet, que la société rejette parce qu'il n'est plus utilisable. Les mois passent et le moment vient, inexorablement, où il arrive « en fin de droits ». Il a fallu un hiver terrible pour que les Français découvrent les « nouveaux pauvres », des hommes et des femmes qui vivaient comme tout le monde, payaient leur loyer et leurs impôts et soudain basculent dans la clochardisation. Ces nouveaux pauvres, ce pourrait être vous ou moi. Le phénomène n'a rien de commun avec ce que l'on nomme le « quart monde », ce ramas de malheureux qui accumulent les handicaps, les illettrés, débiles mentaux, infirmes, fruits des tristes amours d'alcooliques. Les travailleurs sociaux s'en chargeaient. Ils sont payés pour ça ! La société voulait bien leur donner un peu d'argent, à condition qu'ils se fassent oublier.

    Tout homme a droit au travail, le droit de faire vivre sa famille de son travail. La France se préoccupe beaucoup des « droits de l’homme » qui seraient paraît-il violés presque partout mais pas chez nous. Quand un pays a trois millions de chômeurs, dont deux au moins promis à la « nouvelle pauvreté », il devrait commencer par balayer devant sa porte. Un père de famille condamné à ne plus retrouver d'emploi, même si on lui fait l'aumône d'une aide sociale est atteint dans sa dignité. Les Français considèrent qu'il n'existe pas de problème plus grave et ils entendent juger leurs gouvernants sur leur capacité à le résoudre. Ils ont raison.

    Et encore n'ont-ils rien vu, encore. Des centaines de milliers de manœuvres aux écritures seront chassés des bureaux, pendant la prochaine décennie. Les hommes politiques le savent et le cachent. Mais les travailleurs sont assez lucides pour comprendre que la modernisation d'une entreprise signifie, pour la plupart d'entre eux, le licenciement. Pour la première fois, une révolution technologique supprime plus d'emplois qu'elle n'en engendre. Certes, il faudra des hommes pour concevoir les machines, les fabriquer, les surveiller, les réparer. Il s'agira de techniciens peu nombreux, bien payés, assurés d'une certaine stabilité de l'emploi, une aristocratie qui aura été sûrement sélectionnée. Les autres ? Des O.S. subsisteront, qui seront affectés à des tâches de manutention ou de nettoyage. Le processus d'élimination du personnel commencé dans le grand commerce par la disparition des vendeuses se poursuivra dans tous les domaines, de façon impitoyable. Certes les métiers de la communication, publicité, audio-visuel, se développent. Cela ne représentera pas grand monde.

    Les socialistes, désormais d'accord avec les libéraux, considèrent que la seule manière de créer des emplois consiste à assainir les entreprises en réduisant les effectifs et le niveau de vie afin de moderniser notre équipement. Selon eux, les chômeurs d'aujourd'hui feraient les travailleurs de demain. Il suffirait de profiter de l'occasion pour leur fournir une formation, adaptée aux emplois de l'avenir. De qui se moque-t-on ? Qu'il faille moderniser, c'est vrai, mais s'imaginer que cela suffira relève de la mauvaise plaisanterie.

    Bien sûr, nous exporterions davantage si nos coûts de production diminuaient. Cela ne signifierait pas que nous vendrions assez pour engendrer des emplois. Le marché international reste étroit. Chaque pays pratique un protectionnisme sournois. De nouveaux concurrents surgissent, hier le Brésil, demain l'Indonésie, bientôt la Malaisie. Alors que les pays solvables sont de moins en moins nombreux. Tout au mieux, parviendrons-nous à préserver nos parts de marché et même à récupérer celles que nous avons laissées échapper. Formés ou pas, les chômeurs d'aujourd'hui s'ajouteront à ceux de demain.

    Rendez à l'emploi sa flexibilité et nous embaucheront soutiennent les patrons. Discrètement le gouvernement leur a donné raison, en portant à deux ans les contrats à durée limitée. Un patron hésite à recruter quand les commandes affluent de peur de ne pouvoir licencier quand les affaires vont moins bien. Que le code du travail soit trop rigide, c'est certain. Cependant, à terme, les suppressions d'emplois n'en seront pas moins plus nombreuses que les embauches. Aucune loi, aucune négociation ne renversent une évolution irréversible.

    D'où l'apparition d'une chimère connue qu'enfourchent tout à la fois les enfants du bon Dieu et les suppôts de Satan. A la suite de la C.F.D.T., les évêques proposent le partage du travail, d'autres le renvoi des immigrés. L'erreur est la même. Elle consiste à prendre le travail pour un saucisson que l'on couperait en tranches plus fines pour que chacun ait la sienne ou dont on donnerait la part des immigrés à des Français. Les emplois malheureusement ne sont pas interchangeables. La France manque d'électroniciens. Quand le gouvernement offre aux sidérurgistes lorrains une formation qui devrait leur permettre de faire ce métier, ils savent qu'on se moque d'eux. De même la plupart des tâches actuellement confiées à des immigrés sont appelées à disparaître ou si disqualifiées qu'elles ne sauraient tenter de jeunes Français. Le maire de Paris a recruté des ramasseurs de crottes de chiens sans trop de mal. Il les a munis d'une moto. Le plaisir de chevaucher cet engin l'a emporté sur le peu d'attrait d'une tâche malodorante. De même, si l'on mécanisait le balayage du métro, ce qui est techniquement concevable, on trouverait deux Français pour remplacer dix Maliens. L'investissement serait-il rentable ?

    Il existe un problème de l'immigration. C'est un problème d'ordre politique, d'ordre culturel. Pouvons-nous conserver des Maghrébins, inassimilables qui sont ou vont être définiti­vement exclus du marché du travail ? Même nécessaire, leur départ ne libérerait que peu d'emplois et pas davantage la réduction de la durée du travail. Celle-ci est inévitable. Deux raisons permettent de l'affirmer sans trop de risque d'être démenti par les faits. Il faudra éviter le « chômage des machines » car la nécessité de les amortir de plus en plus vite conduira à les faire tourner en continu. Les patrons consentiront des aménagements d'horaires pourvu qu'ils acceptent de travailler même le dimanche. De plus, l'automation réduit la fatigue physique mais augmente la fatigue nerveuse, qui exige un temps de récupération plus long. Les réductions de la durée du travail devront correspondre à des gains de productivité sinon elle augmenterait les coûts de production, diminuerait la compétitivité de l'entreprise, ce qui lui ferait perdre des marchés et la contraindrait à licencier. Au bout du compte, le partage du travail supprimerait plus d'emplois qu'il n'en « créerait ».   

    A suivre  (A venir : Le travail ne manque pas mais l'argent pour le payer).

     

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    lafautearousseau

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    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFARNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg2ème partie : Une révolution copernicienne 

    LA MACHINE CONTRE L'HOMME-MACHINE

    Les Japonais, trop nombreux pour un territoire exigu, ne pouvaient faire appel à l'immigration, en dehors de quelques centaines de milliers de Coréens, indispensables pour les métiers jugés dégradants. Ils automatisèrent, robotisèrent, formèrent une main d'œuvre hautement qualifiée, qu'ils soumirent à une sélection sévère. N'ayant pas d'autre choix, ils se lancèrent dans la troisième révolution industrielle. Comprenant qu'ils devaient susciter des concurrents dont ils feraient les clients de leur industrie de pointe, ils investirent à Taïwan, en Corée du Sud, à Hong-Kong, à Singapour, où des usines de textile, des chantiers navals, des complexes sidérurgiques employèrent la main d'œuvre locale. Cette concurrence, non pas subie mais provoquée, les contraindra à « améliorer dans ces domaines, leur productivité, afin de compenser les surcroîts de personnel. Pendant ce temps nous installions à Fos et à Dunkerque des hauts fourneaux qu'il aurait fallu construire à Dakar, ou à Abidjan …

    Au cours de la seconde révolution industrielle les besoins de main d'œuvre n'ont cessé d'augmenter. Il fallait attirer les paysans à la ville, persuader les domestiques que leur dignité serait mieux protégée par l'atelier, décourager l'artisanat. Comme cela ne suffisait pas on a fait venir des maghrébins et des africains. Maintenant les usines et les bureaux doivent se débarrasser de ces millions de travailleurs en trop. On ne sait plus qu'en faire. On a même trouvé pour qualifier cette opération un mot atroce, le dégraissage. Qui a rendu obèse l'économie ? La résignation des chômeurs a quelque chose d'effrayant. Jamais révolte ne serait plus justifiée que la leur mais il y a tant de coupables, à commencer par les syndicats, qui ont retardé tant qu'ils ont pu les ajustements indispensables, qu'une coalition où se retrouve le parti communiste, au coude à coude avec le C.N.P.F., les persuade qu'ils sont victimes d'une obscure fatalité. La mauvaise graisse doit être mise au rebut.

    Autrefois, sauf dans les banlieues des grandes villes le chômeur ne dépendait pas des aumônes de la nation. Il possédait un jardin, des cousins agriculteurs auxquels il donnait de temps à autre un coup de main, la femme faisait des ménages ou travaillait à façon comme couturière. Les romanciers populistes ont brossé de ce proche passé d'atroces tableaux. Par contre, il ne semble pas que les « nouveaux pauvres » les intéressent. Tout se passe comme si les allocations chômage, l'aide sociale, l'Etat Providence avaient anesthésié les indignations collectives. D'autant que nos statistiques sont trompeuses. Elles recensent le nombre de chômeurs, non la durée du chômage qui seule importe. Il ne serait pas grave que cinq millions de français soient six mois sans travail. Quand un million d'entre eux perdent l'espoir d'en retrouver cela devrait devenir un drame national.

    Le véritable problème n'est donc pas d'assurer le plein emploi mais de réduire la durée de chômage, pour le rendre humainement et socialement tolérable. Même en U.R.S.S., il existe 1 % de « demandeurs d’emploi ». Dans ce cas, il ne s'agit pas d'un chômage véritable mais du temps de transit entre deux entreprises. On trouve aussi en Union Soviétique un pourcentage indéterminé de « parasites ». Au moins 3 %. Certains de ces « parasites », juifs, chrétiens et autres dissidents, voudraient bien travailler, mais on refuse de les embaucher afin de les placer dans une situation juridique qui permettra de les envoyer au goulag. N'empêche qu'en U.R.S.S., comme ailleurs, des gens vivent du vol, du proxénétisme ou de la spéculation. S'ils se font repérer, ils sont promis au travail forcé. Beaucoup passent au travers.

    Dans les pays libres, cette catégorie sociale tend à proliférer. Elle s'inscrit volontiers au chômage puisqu'elle ne risque pas d'être contrainte d'accepter un emploi. Ces marginaux ne sauraient être éliminés, qu'à condition d'instaurer, comme en Union Soviétique, le travail forcé. Il y a donc, même en période de « plein emploi » 4 à 5 % de gens, en âge de travailler, qui pour des raisons, honorables ou pas, sont inactifs.

    Seul importe le chômage involontaire. Il tourne à la tragédie sociale quand plusieurs millions d'hommes, jeunes ou non se sentent exclus du marché du travail. Parfois, leur entourage les tient pour des incapables ou des fainéants. Des familles se défont. Ce qui précipite la déchéance. Mais même soutenu par les siens, le chômeur fait figure de déchet, que la société rejette parce qu'il n'est plus utilisable. Les mois passent et le moment vient, inexorablement, où il arrive « en fin de droits ». Il a fallu un hiver terrible pour que les Français découvrent les « nouveaux pauvres », des hommes et des femmes qui vivaient comme tout le monde, payaient leur loyer et leurs impôts et soudain basculent dans la clochardisation. Ces nouveaux pauvres, ce pourrait être vous ou moi. Le phénomène n'a rien de commun avec ce que l'on nomme le « quart monde », ce ramas de malheureux qui accumulent les handicaps, les illettrés, débiles mentaux, infirmes, fruits des tristes amours d'alcooliques. Les travailleurs sociaux s'en chargeaient. Ils sont payés pour ça ! La société voulait bien leur donner un peu d'argent, à condition qu'ils se fassent oublier.

    Tout homme a droit au travail, le droit de faire vivre sa famille de son travail. La France se préoccupe beaucoup des « droits de l’homme » qui seraient paraît-il violés presque partout mais pas chez nous. Quand un pays a trois millions de chômeurs, dont deux au moins promis à la « nouvelle pauvreté », il devrait commencer par balayer devant sa porte. Un père de famille condamné à ne plus retrouver d'emploi, même si on lui fait l'aumône d'une aide sociale est atteint dans sa dignité. Les Français considèrent qu'il n'existe pas de problème plus grave et ils entendent juger leurs gouvernants sur leur capacité à le résoudre. Ils ont raison.

    Et encore n'ont-ils rien vu, encore. Des centaines de milliers de manœuvres aux écritures seront chassés des bureaux, pendant la prochaine décennie. Les hommes politiques le savent et le cachent. Mais les travailleurs sont assez lucides pour comprendre que la modernisation d'une entreprise signifie, pour la plupart d'entre eux, le licenciement. Pour la première fois, une révolution technologique supprime plus d'emplois qu'elle n'en engendre. Certes, il faudra des hommes pour concevoir les machines, les fabriquer, les surveiller, les réparer. Il s'agira de techniciens peu nombreux, bien payés, assurés d'une certaine stabilité de l'emploi, une aristocratie qui aura été sûrement sélectionnée. Les autres ? Des O.S. subsisteront, qui seront affectés à des tâches de manutention ou de nettoyage. Le processus d'élimination du personnel commencé dans le grand commerce par la disparition des vendeuses se poursuivra dans tous les domaines, de façon impitoyable. Certes les métiers de la communication, publicité, audio-visuel, se développent. Cela ne représentera pas grand monde.

    Les socialistes, désormais d'accord avec les libéraux, considèrent que la seule manière de créer des emplois consiste à assainir les entreprises en réduisant les effectifs et le niveau de vie afin de moderniser notre équipement. Selon eux, les chômeurs d'aujourd'hui feraient les travailleurs de demain. Il suffirait de profiter de l'occasion pour leur fournir une formation, adaptée aux emplois de l'avenir. De qui se moque-t-on ? Qu'il faille moderniser, c'est vrai, mais s'imaginer que cela suffira relève de la mauvaise plaisanterie.

    Bien sûr, nous exporterions davantage si nos coûts de production diminuaient. Cela ne signifierait pas que nous vendrions assez pour engendrer des emplois. Le marché international reste étroit. Chaque pays pratique un protectionnisme sournois. De nouveaux concurrents surgissent, hier le Brésil, demain l'Indonésie, bientôt la Malaisie. Alors que les pays solvables sont de moins en moins nombreux. Tout au mieux, parviendrons-nous à préserver nos parts de marché et même à récupérer celles que nous avons laissées échapper. Formés ou pas, les chômeurs d'aujourd'hui s'ajouteront à ceux de demain.

    Rendez à l'emploi sa flexibilité et nous embaucheront soutiennent les patrons. Discrètement le gouvernement leur a donné raison, en portant à deux ans les contrats à durée limitée. Un patron hésite à recruter quand les commandes affluent de peur de ne pouvoir licencier quand les affaires vont moins bien. Que le code du travail soit trop rigide, c'est certain. Cependant, à terme, les suppressions d'emplois n'en seront pas moins plus nombreuses que les embauches. Aucune loi, aucune négociation ne renversent une évolution irréversible.

    D'où l'apparition d'une chimère connue qu'enfourchent tout à la fois les enfants du bon Dieu et les suppôts de Satan. A la suite de la C.F.D.T., les évêques proposent le partage du travail, d'autres le renvoi des immigrés. L'erreur est la même. Elle consiste à prendre le travail pour un saucisson que l'on couperait en tranches plus fines pour que chacun ait la sienne ou dont on donnerait la part des immigrés à des Français. Les emplois malheureusement ne sont pas interchangeables. La France manque d'électroniciens. Quand le gouvernement offre aux sidérurgistes lorrains une formation qui devrait leur permettre de faire ce métier, ils savent qu'on se moque d'eux. De même la plupart des tâches actuellement confiées à des immigrés sont appelées à disparaître ou si disqualifiées qu'elles ne sauraient tenter de jeunes Français. Le maire de Paris a recruté des ramasseurs de crottes de chiens sans trop de mal. Il les a munis d'une moto. Le plaisir de chevaucher cet engin l'a emporté sur le peu d'attrait d'une tâche malodorante. De même, si l'on mécanisait le balayage du métro, ce qui est techniquement concevable, on trouverait deux Français pour remplacer dix Maliens. L'investissement serait-il rentable ?

    Il existe un problème de l'immigration. C'est un problème d'ordre politique, d'ordre culturel. Pouvons-nous conserver des Maghrébins, inassimilables qui sont ou vont être définiti­vement exclus du marché du travail ? Même nécessaire, leur départ ne libérerait que peu d'emplois et pas davantage la réduction de la durée du travail. Celle-ci est inévitable. Deux raisons permettent de l'affirmer sans trop de risque d'être démenti par les faits. Il faudra éviter le « chômage des machines » car la nécessité de les amortir de plus en plus vite conduira à les faire tourner en continu. Les patrons consentiront des aménagements d'horaires pourvu qu'ils acceptent de travailler même le dimanche. De plus, l'automation réduit la fatigue physique mais augmente la fatigue nerveuse, qui exige un temps de récupération plus long. Les réductions de la durée du travail devront correspondre à des gains de productivité sinon elle augmenterait les coûts de production, diminuerait la compétitivité de l'entreprise, ce qui lui ferait perdre des marchés et la contraindrait à licencier. Au bout du compte, le partage du travail supprimerait plus d'emplois qu'il n'en « créerait ».   

    A suivre  (A venir : Le travail ne manque pas mais l'argent pour le payer).

     

    Lire les articles précédents ...

    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray     

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  • Tout ça pour ça..., par Michel Onfray.

    Source : https://francais.rt.com/

    Quelles conclusions tirer du remaniement ministériel censé apporter un second souffle au quinquennat ? Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il poussé vers la sortie Edouard Philippe, pourtant populaire selon les sondages ? Michel Onfray livre son analyse.

    Il est facile d’entrer dans un cerveau simple. On ouvre une porte, et, comme dans un moulin, on entre et on regarde : ce que l’on voit est simple comme le mécanisme simpliste et simplet d’un jouet d’enfant. Le remaniement ministériel du demi-mandat d’Emmanuel Macron en est un.

    michel onfray.jpgPremière leçon : lui qui a perdu les deux élections intermédiaires de son mandat, les européennes et les municipales, s’est débarrassé de son Premier ministre qui, s’il n’était pour rien dans sa première Bérézina, a emporté son Marengo haut la main dans sa ville du Havre. 

    Qu’on se souvienne des effets de menton et du ton de matamore de Macron sur toutes les ondes : il n’était pas question que le Rassemblement national gagne les européennes, c’eût été le retour d’Adolf Hitler et, pour le Jean Moulin qu’il voulait incarner, une offense personnelle. Or, il a perdu. Qu’a-t-il fait? Il a dit que perdre de si peu c’était gagner… Les journalistes, aux ordres, ont acquiescé et repris ad nauseam les éléments de langage fournis par l’Elysée. Dont acte. 

    Bien sûr, ce jeune garçon qui ne perd pas une occasion de prétendre que le général de Gaulle est l’un de ses modèles n’a rien fait ! Il est certain que, dans la même configuration politique, le général aurait entendu ce que lui disait le peuple et répondu à son propos de façon adéquate : soit un changement de Premier ministre avec remaniement ministériel aux couleurs du parti gagnant ou, plus probable, une démission et une dissolution de l’Assemblée nationale, sinon un référendum, pour reconstituer un pacte entre le peuple et lui. Que fit le gaulliste en peau de lapin qu’est Macron ? Rien… Mais, quand on connaît le personnage, et on ne peut plus l’ignorer tant il s’est répandu, on ne s’étonnera pas qu’entre le courage et la couardise il n’ait pas choisi le premier ! 

    Les sondages étaient bons pour Edouard Philippe. Sa cote de popularité faisait honte à la sienne. Plus le Premier ministre grimpait, plus le chef de l’Etat chutait. L’Edouard caracolait en tête ; l’Emmanuel courait, poussif, derrière le char de son subordonné. Le second était premier ; le premier, très largement son second. Le second crut qu’en jetant l’attelage de son rival au fossé il serait premier à sa place. Le président de la République a trop regardé Ben-Hur et pas assez lu les historiens romains (ce qu’Edouard Philippe, lui, a fait, du moins : il connaît les livres sur Rome de mon vieux maître Lucien Jerphagnon, il l’a écrit…). Il y a du Néron chez Macron et du Marc-Aurèle chez Edouard Philippe. 

    Du Marc-Aurèle ? Oui, car cet homme, dont je ne partage pas la ligne politique, semble avoir une ligne existentielle droite et verticale qui fait plaisir à voir. En plus de deux années d’exercice du pouvoir, il ne s’est rendu coupable d’aucun doigt d’honneur, même par procuration, d’aucune grossièreté, d’aucun mépris, d’aucune vulgarité, d’aucun mensonge, d’aucun narcissisme, d’aucun égotisme, d’aucun travestissement. Feue Sibeth Ndiaye n’a jamais eu besoin de lui tricoter une quantité de panoplies de rechange pour faire avaler l’une de ses insultes, l’un de ses dérapages, l’un de ses propos méprisants, l’un de ses changements de pied… On ignore le visage de sa femme et l’on ne sait rien de sa famille, il ne nous a pas gratifié de publireportages dans Gala ou Voici sur son chien et ses enfants, sa maison de campagne et ses lectures, on ne l’a vu ni en short ni en maillot de bain, il n’a pas tenu par la main son épouse un jour d’obsèques nationales – je songe à celles de Simone Veil… 

    Si Edouard Philippe disposait de cette cote c’est probablement parce que, au-delà de la politique qu’il menait, il a été un homme digne et élégant. Or, depuis Sarkozy et Hollande, les Français en ont assez de l’indignité et de l’inélégance. Ils ne veulent plus forcément changer l’ordre du monde, encore que, mais ils souhaitent que ceux qui les représentent, même s’ils ne peuvent plus faire grand-chose depuis 1992, manifestent de la hauteur, de la grandeur, de l’éducation, de la distinction. Ils ne veulent pas d’un président faisant son footing en short et grimpant les marches de l’Elysée en sueur comme Sarkozy, ils refusent un François Hollande livreur matutinal de pain au chocolat en scooter à sa maîtresse, ils ne désirent pas un Macron validant les photos obscènes qui le représentent aux Antilles dans des postures indignes d’un chef de l’Etat. Ils souhaitent un homme debout. Avec Edouard Philippe, nous avions un homme debout. 

    Et c’est parce que le peuple avait en Edouard Philippe un homme debout que le président de la République, qui n’en est pas un, l’a congédié. A moins, on le saura peut-être un jour, que ce soit le Premier ministre qui n’en pouvait plus de devoir composer avec ce genre de chef de l’Etat et qu’il ait pris l’initiative, lui, de retourner dans sa bonne ville du Havre. 

    Car, on peut légitimement se le demander : pour quelle raison Emmanuel Macron s’est-il séparé d’Edouard Philippe, qui était le seul atout de son gouvernement ? Qu’il se sépare de Castaner, un ministre de l’Intérieur qui donne le baiser mafieux aux délinquants en même temps qu’il accable la police, de Sibeth Ndiaye qui affirme haut et clair que son métier consiste à enfiler les mensonges pour préserver le chef de l’Etat, ou de quelques autres ânes morts de son gouvernement, on le comprend. Mais Edouard Philippe ? 

    La résolution de cette fausse énigme est simple : Macron ne veut pas d’un homme qui lui fait hypothétiquement de l’ombre tout de suite et, pour ce faire, il fait tout ce qu’il faut pour qu’il lui en fasse vraiment demain ! Voire : pas même demain, car, dès cette démission, Edouard Philippe devenait un présidentiable crédible qui rejetait Macron loin derrière – parlons vulgairement : au moins en troisième position après Edouard Philippe et Marine Le Pen aux prochaines présidentielles… 

    Macron croit tuer Philippe, mais c’est lui qu’il frappe. Sauf à ce que ce Philippe ait pris l’initiative de partir, ce qui serait alors le geste d’un Brutus sans poignard qui, élégant une fois encore, tue plus sûrement qu’avec une lame. 

    Personne ne croit à cette mission que le Président lui aurait donnée, pendant les deux années à venir, de constituer une majorité présidentielle en ordre de marche pour travailler à la réélection du chef de l’Etat ! Qui peut croire qu’un subordonné pourrait donner ce genre d’ordre à son supérieur ? 

    Car, c’est la seconde leçon de ce remaniement : à quoi ressemble l’après Edouard Philippe ? A un spectacle de chaises musicales dans la salle polyvalente d’un village de province… Jean Castex est un perroquet qui va répéter le texte que Macron, dans le trou du souffleur, lui dictera. Ce Pyrénéen a beau rouler des épaules en disant qu’il ne sera pas un faire-valoir ou un collaborateur : or, il a été choisi pour ça. Pour quoi d’autre sinon ? Son passé ? Sa trace dans l’histoire ? La renommée de son nom ? Sa réputation au-delà des frontières de la France ? Il va vers soixante ans : qu’a-t-il fait de notable pour la France dans ce dernier quart de siècle ? Emporter la mairie de Prades ? Soyons sérieux, il n’a même jamais été élu député… 

    Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron lui inflige son premier camouflet : Castex dit qu’il va parler dans quelques jours, et quand ; Macron le reprend : il parlera après lui, donc après l’allocution du 14 juillet. C’est la première humiliation, il y en aura d’autres. 

    Si Macron avait voulu s’inspirer du général de Gaulle, la chose était simple : soit il estimait, c’est mon cas, que la première leçon était une abstention à 60 % et il décidait alors, pour y répondre, d’une véritable révolution en changeant la constitution pour fonder un nouveau contrat social avec démocratie directe, recours aux référendums, instauration de la proportionnelle intégrale, élection du président de la République au suffrage universel à un tour. Soit il nommait Premier ministre l’un des grands gagnants de cette élection perdue pour lui, franchement perdue pour lui : un écologiste. Cette écologie urbaine et mondaine n’est certes pas la mienne, mais je suis un démocrate et un républicain : ils ont gagné, le président devait leur remettre le pouvoir. 

    La raison noble, gaullienne et gaulliste, l’aurait voulu, elle l’exigeait même : le chef de l’Etat, élu au suffrage universel direct, doit entendre ce que lui dit son peuple d’ici la fin de son mandat lors des élections intermédiaires. Le contrat social rompu par un vote contre lui (une fois aux européenne, une seconde fois aux municipales, et ce en deux ans seulement…) oblige le chef de l’Etat, qui n’a de droits que ceux que les devoirs envers son peuple lui dicte : répondre à la demande du peuple. A défaut de refonder la République, un trop grand chantier pour le petit chef de l’Etat qu’il est, Macron pouvait, devait même, nommer ceux qui, en dehors des abstentionnistes, avaient gagné cette élection : les Verts. 

    La raison ignoble et mitterrandienne l’aurait voulu aussi. Car c’eût été, en plus, une bonne opération électoraliste pour lui, mais pas forcément pour le pays : Macron aurait ainsi mis les écologistes urbains au pied du mur et montré à la face du pays leur impéritie à conduire les affaires de l’Etat dans un monde qui est loin d’obéir à leur idéologie simpliste. Il aurait ainsi mis à jour le fait qu’il y a autant d’écologies que d’écologistes ; que le spectre va des écologistes mondains et bobos à la Borloo ou Juppé aux islamo-gauchistes radicaux genre Esther Benbassa, en passant par les apocalyptiques du style Cochet ou les ultra-motorisés allumés genre Hulot, sans oublier les idiots utiles du capitalisme mondialisé tel Cohn-Bendit ; que l’éolien est plus polluant que le nucléaire ; que la religion de l’écologisme indexée sur Greta Thunberg n’a pas grand-chose à voir avec les petits calculs électoralistes des dévots de la trottinette à Paris… C’eût été l’occasion pour Macron de montrer aux écologistes qu’ils n’étaient jamais aussi forts et désirables que dans l’opposition. Il aurait pu ainsi aborder les prochaines présidentielles débarrassé de cette menace que, par son incapacité à faire ce choix, il va nourrir et engraisser pendant deux ans ! Il aurait laissé derrière lui un cadavre exsangue, il aura devant lui un géant aux mains d’autant plus propres qu’il n’aura pas de mains – que les mânes de Péguy me pardonnent le détournement de son image… 

    Or la constitution de ce nouveau gouvernement, la chose a été dite sur toutes les ondes, procède du classique équilibrage de politique politicienne… Celui qui se veut de Gaulle agit comme un vulgaire président du conseil de la IVe République. Macron, c’est Pinay. Guère plus, guère mieux, guère au-delà.  

    Car ce nouveau gouvernement recycle de mauvais ministres (Riester passe de la culture au commerce extérieur, Schiappa passe des femmes à la citoyenneté), il en écarte tout de même de francs mauvais (Castaner, Ndiaye, Belloubet, Pénicaud), il promeut des opportunistes (Pompili qui fut EELV, puis Parti écologiste, puis socialiste chez Valls et Cazeneuve, puis LREM, est enfin macroniste ; la pharmacienne Bachelot, qui fut chiraquienne sous Chirac, sarkozyste sous Sarkozy, fillioniste sous Fillon et désormais macroniste sous Macron, prend la suite de Malraux), il maintient un apparatchik du parti socialiste très efficace en matière de ventes d’armes aux monarchies pétrolifères du Golfe (Le Drian), il confirme des traitres passés des Républicains à Macron (Le Maire, Darmanin), il valide même un ovni qui, contre la règle imposée à tous, a le droit d’être maire et ministre, puis nommé à l’Intérieur bien que poursuivi en justice pour une affaire de viol (Darmanin), il en frustre un qui fut bon en son temps dans son domaine mais qui, en se faisant par trop courtisan, a épousé la chute de son maître en pensant qu’il travaillait à sa nomination à Matignon (Blanquer), il promeut un va-de-la-gueule à la justice (Dupond-Moretti) présenté comme un Jean Valjean défenseur des pauvres, mais qui fut celui du président congolais, de Balkany et de Cahuzac. 

    C’est probablement ce que Macron appelait «se réinventer» et «emprunter un nouveau chemin» ! Mais c’est un chemin qui ne mène nulle part ! 

    Michel Onfray

  • La Convention citoyenne, une improbable litanie de propositions avec pour seule logique la décroissance.

    Source : https://www.transitionsenergies.com/

    Les 150 propositions adoptées le week-end dernier par la Convention citoyenne ressemblent à une compilation d’idées recyclées, de solutions qui n’en sont pas, de pensée magique et parfois, rarement, de bonnes intuitions. Il n’est question nulle part de financements, de conséquences économiques, sociales, politiques, de réalités technologiques et industrielles, d’investissements… Et les sujets qui fâchent, le nucléaire, l’Europe et la taxe carbone, ont été soigneusement évités.

    En sept week-ends de travail, les 150 citoyens tirés au sort ont donc résolu le problème de la transition qui mobilise de par le monde des centaines de milliers de scientifiques, d’ingénieurs, d’écologistes, d’universitaires, de chercheurs depuis des décennies… Une tâche considérée même comme bien plus compliquée et hasardeuse que d’envoyer un homme sur la lune. Dans le détail et en dépit de l’emphase de la Convention citoyenne qui commence son texte par «Nous citoyenne et citoyens libre», les 286 pages et 150 propositions adoptées le week-end dernier ressemblent au mieux à un inventaire à la Prévert, au pire, à une compilation d’idées recyclées, de solutions qui n’en sont pas, peu efficaces et idéologiques, de pensée magique et heureusement, rarement, de bonnes intuitions. Mais il n’est question nulle part d’investissements, de financements, de conséquences économiques, sociales, politiques, de réalités et d’innovations technologiques, de créations de filières…  Ce travail bâclé n’a qu’une seule cohérence, considérer que la décroissance et la multiplication des contraintes et des interdictions sont les seuls moyens de réduire les émissions. Si ces mesures voient le jour, elles ont ainsi toutes les chances de provoquer un rejet social massif… L’écologie punitive dans toute sa splendeur. Dire que la Convention se voulait une réponse au mouvement des gilets jaunes!

    Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement, résume assez bien le sentiment à la lecture de ce morceau d’anthologie: «l’absence de connaissances, l’incompréhension transpire de beaucoup de ces mesuresComme s’ils avaient voulu peindre un monde idéal, sans consulter aucun chef d’entreprise, aucun économiste… Comme si tout pouvait se faire d’un coup de baguette magique. Il y a une espèce de mépris de la compétitivité, et d’égocentrisme. Beaucoup n’y connaissaient rien, ils ont été affolés, et ont écouté religieusement les associations.»

    Le nucléaire, l’Europe et la taxe carbone… n’existent pas!

    Mais pouvait-il en être autrement? La transition énergétique consiste à substituer aux énergies fossiles, qui émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre, des énergies plus propres. Il s’agit d’un processus long, difficile et complexe. Il s’étalera sur des décennies et nécessite une adaptation continue et l’utilisation de technologies qui sont aujourd’hui embryonnaires voire inexistantes notamment dans l’industrie et les transports. Il ne suffit pas, comme le laissent croire de nombreux militants et certains ministres, d’installer des éoliennes et des panneaux solaires, d’acheter des voitures électriques et d’interdire à tout va.

    L’objectif fixé à la Convention citoyenne était en lui-même démesuré. Elle devait proposer des mesures permettant de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Concrètement, de passer de 445 millions de tonnes de CO2 rejetées l’an dernier en France à 263 millions de tonnes. Les 150 propositions n’ont aucune chance de permettre ne serait-ce que d’approcher de cet objectif.

    D’autant plus, que les sujets qui fâchent, les plus importants, ont été soigneusement évités à l’image du nucléaire, de l’Europe et de la taxe carbone. Cette dernière avait provoqué, au moins en partie, le mouvement des gilets jaunes. Elle est à l’origine de la création de la Convention proposée par Emmanuel Macron comme une réponse à l’opposition entre la «fin du monde» et la «fin du mois».

    La taxe carbone a donc été évacuée des débats et cela même si elle est considérée, par de nombreux experts dans le monde, comme l’un des moyens les plus efficaces pour réellement limiter les émissions de CO2. Tout simplement, parce qu’elle utilise le meilleur levier pour cela, rendre les émissions de plus en plus coûteuses pour les entreprises et les citoyens et les inciter fortement à utiliser des énergies plus propres…

    Pour la Convention, l’Europe, les modèles étrangers et les contraintes du marché mondial n’existent pas non plus. Pourtant, toutes les propositions doivent s’inscrire dans un cadre juridique qui n’est pas franco-français. Le droit de l’environnement relève dans 95% des cas de la compétence de l’Union européenne. Quant aux modèles étrangers, concrets, éventuellement à suivre, ils ont été ignorés. L’Allemagne vient de décider d’investir 9 milliards d’euros dans l’hydrogène… Cela n’a aucune importance. La Suède est souvent donnée en exemple. Elle a réussi à concilier depuis 1990 la croissance (3% en moyenne par an) et la baisse dans le même temps de 26% de ses émissions de gaz à effet de serre. Le contraire de la stratégie préconisée par la Convention. Mais pour cette dernière, la France est une île, coupée du monde, maîtresse sans contraintes de son destin…

    Obsession anti-automobile

    L’électricité nucléaire était aussi un sujet tabou. Elle est aujourd’hui, en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre, le principal atout de la France. Elle lui permet d’être parmi les bons élèves de la transition. Car si la quasi-totalité de la production électrique française est «propre», c’est parce que plus de 70% est d’origine nucléaire. L’avenir de cette forme d’énergie est donc une question essentielle tout comme l’électrification des usages qui est un élément majeur de la transition, notamment dans les transports et l’industrie. Cela n’a pas semblé effleurer les membres de la Convention et ceux qui les chaperonnaient. Ces derniers ont en revanche réussi à leur transmettre leurs lubies et leurs obsessions.

    Ainsi, la Convention citoyenne a été obnubilée par les transports (31% des émissions) et plus particulièrement la voiture (16% des émissions). Voilà pourquoi, elle a adoptée des gadgets idéologiques comme la limitation à 110 kilomètres heure de la vitesse maximum sur les autoroutes dont l’impact est, au mieux, marginal. L’argument de la sécurité routière ne tient pas non plus. Les autoroutes sont de loin les voies les plus sûres et la somnolence est un facteur d’accident trois fois plus important que la vitesse. Enfin, cette mesure a la mémoire courte. Elle oublie l’impact sur la naissance du mouvement des gilets jaunes du passage de 90 kilomètres heure à 80 kilomètres heure de vitesse maximale sur les routes secondaires, compris comme une stigmatisation de la France périphérique par la France d’en haut. La France périphérique est aussi celle qui prend le plus l’autoroute.

    La France des grandes villes n’est pas pour autant épargnée. La Convention veut interdire dès 2025 la vente des véhicules neufs qui émettent le plus de CO2 et leur accès aux centres villes. Cela aura peut-être un impact sur la qualité de l’air, mais à peine mesurable sur les émissions de gaz à effet de serre. Seront aussi interdites certaines publicités, les enseignes lumineuses, les terrasses chauffées dans les bars et restaurants.

    «Consommer moins, produire moins, travailler moins…»

    En ce qui concerne le bâtiment, la Convention vise enfin bien plus juste. Ce domaine représente 39,5% de la consommation finale d’énergie en France et 27% des émissions de CO2. Il est aussi essentiel que les transports. D’autant plus, que sur un parc de 35 millions de logements, la France compte environ 7,5 millions de «passoires thermiques». Il est donc possible de diminuer rapidement la consommation d’énergie et les émissions.

    La Convention entend rendre ainsi obligatoire la rénovation énergétique de 20 millions de logements d’ici à 2040, et surtout de 5 millions de «passoires thermiques» d’ici 2030. Elle entend également contraindre la rénovation de l’ensemble des bâtiments publics et le remplacement des chaudières au fioul et à charbon. Tout cela est incontestable. Mais il y a un léger problème. Comment seront financés ses investissements considérables que seront incapables de mener seuls les propriétaires privés? Surtout que les années à venir, avec la profonde récession née de la pandémie, s’annoncent économiquement très difficiles. D’autant plus, si les mesures préconisées par la Convention se traduisent par un appauvrissement supplémentaire du pays…

    On peut même parler de logique malthusienne, quand elle a proposé de réduire le temps de travail de 35 heures à 28 heures par semaine! Une proposition finalement et fort heureusement rejetée lors de la dernière session du 20 juin après un sursaut de lucidité. «La réduction du temps de travail, sans perte de salaire, est proposée pour aller vers ce nouveau modèle: sobriété, partage, justice sociale. Pour répondre pleinement à ces enjeux, nous devons consommer moins, produire moins et donc travailler moins», écrivait la Convention.

    De nombreuses autres propositions, n’ayant aucun rapport avec les émissions de gaz à effet de serre, ou alors vraiment très lointain, ont elles été adoptées. Ainsi, d’ici 2030, tous les français devront consommer au moins 20% de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique. Il s’agira «d’atteindre 50% d’exploitations en agroécologie d’ici 2040» et de «diminuer l’usage des produits phytopharmaceutiques de 50% d’ici 2025». Les questions de la baisse des rendements, de l’autosuffisance alimentaire et du prix des denrées ne sont même pas évoquées… Peu importe comment les ménages paieront.

    Le plus stupéfiant est que plusieurs organisations éxologistes appellent le Président de la République à ne surtout pas choisir «à la carte» parmi les mesures à appliquer. Un tiers des 150 mesures en question a été rédigé sous la forme de proposition de loi ou de règlements, prêts à l’emploi. Il semble bien qu’Emmanuel Macron se soit piégé lui-même.

    Le chef de l’Etat a jusqu’au 29 juin pour trouver une parade. Il recevra, ce jour-là, les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat, «afin d’apporter une première réponse à leurs propositions». Il a bien la possibilité d’un referendum évoqué depuis quelques temps dans la majorité. Mais là encore, il a été devancé par la Convention dont les membres souhaitent que les Français se prononcent sur l’introduction dans la Constitution de la question climatique et sur la création «d’un crime d’écocide». Ce qui se dessine ressemble plus à un quitte ou double politique qu’à une stratégie de transition. Dommage, cela ressemble encore furieusement à une occasion manquée d’aborder enfin sérieusement, avec réalisme et ambition, la question de la transition.

  • Les bons diagnostics et les mauvais remèdes des écologistes EELV, par Yves Morel.

    Les écologistes font beaucoup parler d’eux en ce moment. Ils ont remporté un franc succès lors des dernières élections municipales et ont conquis de grandes villes, telles Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy et Colombes, à la tête d’équipes municipales de gauche. EELV (Europe Écologie Les Verts) apparaît comme le seul parti propre à susciter l’intérêt et l’espoir de nos compatriotes, par ailleurs dégoûtés de la politique et n’attendant absolument plus rien des formations et des personnalités qui la représentent.

    Tous les partis sont discrédités, sauf EELV. S’agit-il d’une simple embellie, qui s’évanouira bientôt, comme ce fut le cas au début des années 1990 ? On se souvient qu’après une forte poussée aux européennes, puis aux municipales, de 1989, les écologistes, avaient subi un net échec aux législatives de 1993, alors que tous les observateurs prévoyaient leur entrée en nombre à l’Assemblée nationale. Il serait donc hasardeux de faire un pronostic sur leur avenir.

    Contrôler les rêves des enfants

    En tout cas, ils ne se laissent pas oublier. Depuis en gros six mois, les nouveaux maires EELV ont sérieusement défrayé la chronique, en raison de décisions qui ont soulevé contestations et polémiques.

    La dernière en date est celle de Léonore Moncond’huy, nouvelle jeune maire de Poitiers, qui vient de supprimer la subvention municipale à l’Aéroclub de sa ville. À vrai dire, les réactions qu’elle a suscitées ne découlent pas tant de son initiative elle-même que de la justification qu’elle en a donnée.

    « C’est triste, mais l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, un petit peu plus tard, en guise d’explication : « La question de l’urgence climatique implique de revoir l’ensemble de notre logiciel. Compte tenu du fait que cela ne menace pas la survie de l’association, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables.»

    Cette déclaration a valu à l’édile poitevine les critiques les plus acerbes de la classe politique, notamment de la droite et du centre (LR, LREM, UDI, RN), également de la France Insoumise, et du gouvernement, spécialement de MM. Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Djebbari, ministre délégué aux Transports. En revanche, Léonore Montcond’huy a reçu le soutien affirmé de son parti, notamment de Julien Bayou, qui en est le secrétaire général. À la vérité, son propos mérite d’être médité, au-delà de toute polémique partisane.

    Cette jeune édile a le mérite de nous rappeler le caractère urgent de la résolution (autant qu’elle soit possible, d’ailleurs) du problème environnemental, climatique en particulier. Nos compatriotes sont d’ailleurs conscients de cette urgence, et cela explique que nombre d’entre eux aient demandé des mesures écologiques fortes durant la grande consultation sur le sujet, lancée par Emmanuel Macron, puis permis à EELV de connaître un tel succès lors des dernières municipales.

    Pour rugueux et contrariants qu’ils puissent paraître, la décision et les propos de Léonore Moncond’huy ont ceci de salutaire qu’ils nous suggèrent clairement, avec une franchise certes un peu brutale, que les solutions au grand problème environnemental actuel, dont le recherche ne peut plus être ajournée (à peine de rendre notre planète invivable), impliqueront nécessairement des mesures contraignantes qui restreindront nos libertés d’agir et de se mouvoir (individuellement et collectivement), et nous obligeront à réduire notre consommation effrénée, notre train de vie, nos loisirs et notre ambition permanente de vouloir nous exprimer physiquement et de nous « surpasser » par des pratiques sportives, mécaniques, aéronautiques et autres, coûteuses en énergie et en ressources naturelles, et donc factrices de pollution et de contribution au dérèglement du climat et des écosystèmes. Sa décision et surtout ses propos nous annoncent clairement des lendemains qui déchanteront et un nécessaire – et très douloureux – effort pour renoncer à notre société de consommation individualiste et hédoniste et repenser tout notre mode de vie, de développement, et donc, tout notre modèle économique et social. Et à cet effort, nous serons bien obligés de consentir. Léonore Moncond’huy et son parti instruisent le procès de notre modèle économique et social productiviste et mercantile, de la société de consommation et du libéralisme mondialiste incontrôlable, fondé sur l’individualisme et la quête obsessionnelle des plaisirs, artificiellement amplifiés ou créés par les géants de l’industrie et du commerce. Un procès hautement justifié par les désastres économiques, écologiques et sanitaires auxquels notre civilisation ultralibérale a donné lieu, en ayant fait de notre monde, désormais sans âme ni vie spirituelle quelconque, un immense marché dépourvu de valeurs autres que celles cotées en bourse, articulées au plus aliénant des consumérismes individualistes. Un procès nécessaire parce que si nous ne remettons pas en cause notre modèle de société et de civilisation, nous perdrons non seulement notre âme, mais également la vie__ à moins que celle-ci nous soit conservée, mais sur le mode infernal. Les hommes (et les femmes, soyons « inclusifs ») sont ainsi faits qu’ils s’accommodent fort bien de perdre leur âme, et qu’ils ignorent les avertissements et les critiques adressées à leur modèle de société aussi longtemps que leur survie même ne semble pas menacée à court terme, et qu’ils ne réagissent que lorsque la catastrophe annoncée a déjà commencé à se produire et qu’on ne peut plus se proposer de l’éviter, mais seulement d’en réduire l’ampleur. C’est ce qui se passe actuellement dans le domaine environnemental et climatique (et sanitaire).

    Pour avoir opté en faveur d’une société planétaire purement matérialiste, hédoniste et mercantile, dominée, comme telle, par la loi du marché et de la Bourse, et avoir remis nos destins entre les mains des financiers, des industriels et des marchands, maîtres de nos corps, de nos âmes et de nos comportements conditionnés, nous vivons aujourd’hui en un monde marqué par la pauvreté, voire la misère de millions d’hommes, ainsi qu’une pandémie inédite et une catastrophe écologique sans précédent qui menacent directement nos vies et nous ont déjà imposé des mesures drastiques réductrices de liberté et factrices de marasme économique. Léonore Moncond’huy, par ses propos, ne fait que nous rappeler que ce n’est pas fini, et que, si nous voulons nous en sortir, nous devrons impérativement tourner le dos à cette civilisation individualiste et mercantile. Et il est impossible de lui donner tort sur ce point.

    Un dévoiement idéologique et partisan

    Cela étant admis, il est tout de même permis de se demander si les initiatives prises par elle et par les autres maires EELV sont judicieuses, et de s’interroger sur la nature du monde que nous voulons bâtir pour l’avenir.

    Ces maires dévoient le nécessaire combat en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Leurs décisions, autoritaires, sont aussi emblématiques de leur parti pris passionnel et partisan que dénuées d’intérêt pour la préservation de l’environnement. Leur parti pris idéologique et partisan apparaît d’ailleurs ouvertement, lorsque Pieere Hurmic, maire de Bordeaux, traite de « fachos » ses opposants, et que Julien Bayou, chef d’EELV, reproche à LREM une prétendue connivence avec le RN dans sa critique de Léonore Moncond’huy.

    Il s’agit de savoir quel monde nous voulons bâtir ou sauver. En vérité, il s’agit de savoir de quel monde nous voulons. Le combat pour la préservation des espaces naturels, contre la pollution et contre le réchauffement climatique est un combat en faveur d’un monde où l’homme puisse vivre libre, dans des conditions environnementales supportables, conformément à ses inclinations propres, articulées à une organisation sociale et, pour tout dire, une civilisation, étayée sur un certain nombre de pratiques, elles-mêmes ordonnées à des croyances collectives génératrices de traditions, celles-ci structurant la vie de tous et de chacun. Autrement dit, il s’agit de lutter pour la préservation d’un monde à l’échelle humaine, et non pour l’émergence d’un meilleur des mondes aseptisé et déraciné. L’homme est fait pour vivre en harmonie (toujours approximative d’ailleurs) avec son environnement naturel. Et, corollairement, il est fait pour vivre en une communauté qui lui soit familière et tant soit peu agréable car irriguée de croyances, de rites, de traditions, d’habitudes de vie, de pensée et de comportements constitutifs d’une culture, cette dernière se présentant à la fois comme sa nourriture affective et spirituelle et la représentation symbolique des valeurs de sa civilisation. C’est ce que ne semblent pas comprendre EELV et les maires élus sous cette étiquette. Quand Pierre Hurmic prive les Bordelais de sapin de Noël, il met à mal une représentation et une ambiance traditionnelle de la fête de la Nativité, même s’il n’empêche pas ses concitoyens de célébrer Noël à leur manière, à l’église ou en famille. Quand Grégory Doucet impose le régime végétarien aux usagers des cantines scolaires lyonnaise, il ne fait pas que les priver de se réjouir en mangeant de la viande, il jette à terre un mode traditionnel de restauration et une composante de leur mode de vie, qui participe de la constitution de leur être, tant individuel que social. Ces maires, de par leurs initiatives, prises d’ailleurs sans concertation et au mépris du point de vue de leurs administrés (majoritairement hostiles à ces mesures), dévoient le combat écologique, et prennent prétexte de l’urgence environnementale pour nous imposer l’application de leur idéologie naturaliste ou végétarienne. Ils tentent de nous préparer à devenir des mutants lobotomisés, déculturés, austères, spartiates, frugaux, et végétariens. Ils font volontairement de mauvais choix. Des choix qui détruisent nos traditions et nous coupent donc de notre culture, de notre mémoire, des choix qui nous aliènent au sens propre du terme (c’est-à-dire qui nous rendent étrangers à nous-mêmes, violent et transforment notre être). Des choix qui n’ont aucune incidence réelle dans la lutte contre la sauvegarde des écosystèmes ou le réchauffement climatique. Il existe tout de même une différence entre, d’une part des mesures telles que la fin du chauffage au fuel, la réduction imposée de la circulation automobile, la lutte contre la pollution industrielle, et d’autre part, celles que MM. Hurmic et Doucet ont prises dans leurs cités. Les premières sont sans doute contraignantes et sources de sacrifices pénibles, mais elles sont nécessaires et peuvent être relativement efficaces si elles sont bien appliquées. Les secondes, en revanche, sont écologiquement inutiles et nous imposent un brave new world étranger à notre nature humaine et à nos aspirations profondes. La véritable écologie est une écologie de la culture et de la tradition, à l’échelle humaine, non l’édification d’un futur incolore, inodore, insipide, ascétique, déspiritualisé et rigoureusement réglementé. Partant, elle vise à préserver notre civilisation, non en créer une nouvelle, totalement artificielle. Les écologistes d’EELV exposent les vrais problèmes, mais leur apportent de mauvaises solutions ; ils formulent des diagnostics exacts, mais proposent (voire imposent) de mauvais remèdes, et cela par passion idéologique et partisane.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Les bons diagnostics et les mauvais remèdes des écologistes EELV, par Yves Morel.

    Que notre civilisation mercantiliste soit à bout de souffle et menace notre survie, soit. Que la destruction de nos modes de vie soit la réponse intelligente à ce problème de civilisation, non.

    Les écologistes font beaucoup parler d’eux en ce moment. Ils ont remporté un franc succès lors des dernières élections municipales et ont conquis de grandes villes, telles Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Poitiers, Tours, Annecy et Colombes, à la tête d’équipes municipales de gauche.

    EELV (Europe Écologie Les Verts) apparaît comme le seul parti propre à susciter l’intérêt et l’espoir de nos compatriotes, par ailleurs dégoûtés de la politique et n’attendant absolument plus rien des formations et des personnalités qui la représentent. Tous les partis sont discrédités, sauf EELV. S’agit-il d’une simple embellie, qui s’évanouira bientôt, comme ce fut le cas au début des années 1990 ? On se souvient qu’après une forte poussée aux européennes, puis aux municipales, de 1989, les écologistes, avaient subi un net échec aux législatives de 1993, alors que tous les observateurs prévoyaient leur entrée en nombre à l’Assemblée nationale. Il serait donc hasardeux de faire un pronostic sur leur avenir.

    Le parler vrai de Léonore Moncond’huy

    En tout cas, ils ne se laissent pas oublier. Depuis en gros six mois, les nouveaux maires EELV ont sérieusement défrayé la chronique, en raison de décisions qui ont soulevé contestations et polémiques.

    La dernière en date est celle de Léonore Moncond’huy, nouvelle jeune maire de Poitiers, qui vient de supprimer la subvention municipale à l’Aéroclub de sa ville. À vrai dire, les réactions qu’elle a suscitées ne découlent pas tant de son initiative elle-même que de la justification qu’elle en a donnée.

    « C’est triste, mais l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter, un petit peu plus tard, en guise d’explication : « La question de l’urgence climatique implique de revoir l’ensemble de notre logiciel. Compte tenu du fait que cela ne menace pas la survie de l’association, nous considérons que l’argent public ne doit plus financer les sports fondés sur la consommation de ressources épuisables. »

    Cette déclaration a valu à l’édile poitevin les critiques les plus acerbes de la classe politique, notamment de la droite et du centre (LR, LREM, UDI, RN), également de La France Insoumise, et du gouvernement, spécialement de MM. Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Djebbari, ministre délégué aux Transports. En revanche, Léonore Moncond’huy a reçu le soutien affirmé de son parti, notamment de Julien Bayou, qui en est le secrétaire général. À la vérité, son propos mérite d’être médité, au-delà de toute polémique partisane.

    Cette jeune femme a le mérite de nous rappeler le caractère urgent de la résolution (autant qu’elle soit possible, d’ailleurs) du problème environnemental, climatique en particulier. Nos compatriotes sont d’ailleurs conscients de cette urgence, et cela explique que nombre d’entre eux aient demandé des mesures écologiques fortes durant la grande consultation sur le sujet, lancée par Emmanuel Macron, puis permis à EELV de connaître un tel succès lors des dernières municipales.

    Pour rugueux et contrariants qu’ils puissent paraître, la décision et les propos de Léonore Moncond’huy ont ceci de salutaire qu’ils nous suggèrent clairement, avec une franchise certes un peu brutale, que les solutions au grand problème environnemental actuel, dont la recherche ne peut plus être ajournée (sous peine de rendre notre planète invivable), impliqueront nécessairement des mesures contraignantes qui restreindront nos libertés d’agir et de se mouvoir (individuellement et collectivement), et nous obligeront à réduire notre consommation effrénée, notre train de vie, nos loisirs et notre ambition permanente de vouloir nous exprimer physiquement et de nous « surpasser » par des pratiques sportives, mécaniques, aéronautiques et autres, coûteuses en énergie et en ressources naturelles, et donc factrices de pollution et de contribution au dérèglement du climat et des écosystèmes. Sa décision et surtout ses propos nous annoncent clairement des lendemains qui déchanteront et un nécessaire – et très douloureux – effort pour renoncer à notre société de consommation individualiste et hédoniste et repenser tout notre mode de vie, de développement, et donc, tout notre modèle économique et social. Et à cet effort, nous serons bien obligés de consentir. Léonore Moncond’huy et son parti instruisent le procès de notre modèle économique et social productiviste et mercantile, de la société de consommation et du libéralisme mondialiste incontrôlable, fondé sur l’individualisme et la quête obsessionnelle des plaisirs, artificiellement amplifiés ou créés par les géants de l’industrie et du commerce. Un procès hautement justifié par les désastres économiques, écologiques et sanitaires auxquels notre civilisation ultralibérale a donné lieu, en ayant fait de notre monde, désormais sans âme ni vie spirituelle quelconque, un immense marché dépourvu de valeurs autres que celles cotées en bourse, articulées au plus aliénant des consumérismes individualistes. Un procès nécessaire parce que si nous ne remettons pas en cause notre modèle de société et de civilisation, nous perdrons non seulement notre âme, mais également la vie, à moins que celle-ci nous soit conservée, mais sur le mode infernal. Les hommes (et les femmes, soyons « inclusifs ») sont ainsi faits qu’ils s’accommodent fort bien de perdre leur âme, et qu’ils ignorent les avertissements et les critiques adressées à leur modèle de société aussi longtemps que leur survie même ne semble pas menacée à court terme, et qu’ils ne réagissent que lorsque la catastrophe annoncée a déjà commencé à se produire et qu’on ne peut plus se proposer de l’éviter, mais seulement d’en réduire l’ampleur. C’est ce qui se passe actuellement dans le domaine environnemental et climatique (et sanitaire).

    Pour avoir opté en faveur d’une société planétaire purement matérialiste, hédoniste et mercantile, dominée, comme telle, par la loi du marché et de la Bourse, et avoir remis nos destins entre les mains des financiers, des industriels et des marchands, maîtres de nos corps, de nos âmes et de nos comportements conditionnés, nous vivons aujourd’hui en un monde marqué par la pauvreté, voire la misère de millions d’hommes, ainsi qu’une pandémie inédite et une catastrophe écologique sans précédent qui menacent directement nos vies et nous ont déjà imposé des mesures drastiques réductrices de liberté et factrices de marasme économique. Léonore Moncond’huy, par ses propos, ne fait que nous rappeler que ce n’est pas fini, et que, si nous voulons nous en sortir, nous devrons impérativement tourner le dos à cette civilisation individualiste et mercantile. Et il est impossible de lui donner tort sur ce point.

    Le dévoiement idéologique et partisan du combat écologique par les maires EELV

    Cela étant admis, il est tout de même permis de se demander si les initiatives prises par elle et par les autres maires EELV sont judicieuses, et de s’interroger sur la nature du monde que nous voulons bâtir pour l’avenir.

    Ces maires dévoient le nécessaire combat en faveur de la sauvegarde de l’environnement. Leurs décisions, autoritaires, sont aussi emblématiques de leur parti pris passionnel et partisan que dénuées d’intérêt pour la préservation de l’environnement. Leur parti pris idéologique et partisan apparaît d’ailleurs ouvertement, lorsque Pieere Hurmic, maire de Bordeaux, traite de « fachos » ses opposants, et que Julien Bayou, chef d’EELV, reproche à LREM une prétendue connivence avec le RN dans sa critique de Léonore Moncond’huy.

    Pour une écologie de la tradition et de la sauvegarde de notre civilisation, contre une écologie au service de l’édification du meilleur des mondes

    En vérité, il s’agit de savoir quel monde nous voulons bâtir ou sauver. Le combat pour la préservation des espaces naturels, contre la pollution et contre le réchauffement climatique est un combat en faveur d’un monde où l’homme puisse vivre libre, dans des conditions environnementales supportables, conformément à ses inclinations propres, articulées à une organisation sociale et, pour tout dire, une civilisation, étayée sur un certain nombre de pratiques, elles-mêmes ordonnées à des croyances collectives génératrices de traditions, celles-ci structurant la vie de tous et de chacun. Autrement dit, il s’agit de lutter pour la préservation d’un monde à l’échelle humaine, et non pour l’émergence d’un meilleur des mondes aseptisé et déraciné. L’homme est fait pour vivre en harmonie (toujours approximative d’ailleurs) avec son environnement naturel. Et, corollairement, il est fait pour vivre en une communauté qui lui soit familière et tant soit peu agréable car irriguée de croyances, de rites, de traditions, d’habitudes de vie, de pensée et de comportements constitutifs d’une culture, cette dernière se présentant à la fois comme sa nourriture affective et spirituelle et la représentation symbolique des valeurs de sa civilisation. C’est ce que ne semblent pas comprendre EELV et les maires élus sous cette étiquette. Quand Pierre Hurmic prive les Bordelais de sapin de Noël, il met à mal une représentation et une ambiance traditionnelle de la fête de la Nativité, même s’il n’empêche pas ses concitoyens de célébrer Noël à leur manière, à l’église ou en famille. Quand Grégory Doucet impose le régime végétarien aux usagers des cantines scolaires lyonnaise, il ne fait pas que les priver de se réjouir en mangeant de la viande, il jette à terre un mode traditionnel de restauration et une composante de leur mode de vie, qui participe de la constitution de leur être, tant individuel que social. Ces maires, de par leurs initiatives, prises d’ailleurs sans concertation et au mépris du point de vue de leurs administrés (majoritairement hostiles à ces mesures), dévoient le combat écologique, et prennent prétexte de l’urgence environnementale pour nous imposer l’application de leur idéologie naturaliste ou végétarienne. Ils tentent de nous préparer à devenir des mutants lobotomisés, déculturés, austères, spartiates, frugaux, et végétariens. Ils font volontairement de mauvais choix. Des choix qui détruisent nos traditions et nous coupent donc de notre culture, de notre mémoire, des choix qui nous aliènent au sens propre du terme (c’est-à-dire qui nous rendent étrangers à nous-mêmes, violent et transforment notre être). Des choix qui n’ont aucune incidence réelle dans la lutte contre la destruction des écosystèmes ou le réchauffement climatique. Il existe tout de même une différence entre, d’une part, des mesures telles que la fin du chauffage au fuel, la réduction imposée de la circulation automobile, la lutte contre la pollution industrielle, et, d’autre part, celles que MM. Hurmic et Doucet ont prises dans leurs cités. Les premières sont sans doute contraignantes et sources de sacrifices pénibles, mais elles sont nécessaires et peuvent être relativement efficaces si elles sont bien appliquées. Les secondes, en revanche, sont écologiquement inutiles et nous imposent un brave new world étranger à notre nature humaine et à nos aspirations profondes. La véritable écologie est une écologie de la culture et de la tradition, à l’échelle humaine, non l’édification d’un futur incolore, inodore, insipide, ascétique, déspiritualisé et rigoureusement réglementé. Partant, elle vise à préserver notre civilisation, non en créer une nouvelle, totalement artificielle. Les écologistes d’EELV exposent les vrais problèmes, mais leur apportent de mauvaises solutions ; ils formulent des diagnostics exacts, mais proposent (voire imposent) de mauvais remèdes, et cela par passion idéologique et partisane.

     

    Illustration : Léonore Moncond’huy expliquant aux autres maires écologistes, avec des mots simples, vrais et frais, comment il faut que les gens rêvent et comment les y forcer.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/