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  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (75)

     

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    Aujourd'hui : L'aristocratie ouvrière...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Ouvriers imprimeurs et journalistes au comptoir, après le lancement de l'impression du journal...

     

    De "Paris vécu", Première série, rive droite, pages 22/23 :

    "...Adolphe Belval était le chef de l'équipe de typos qui composaient notre quotidien au début.
    C'était un homme gros, solide, jovial, parigot dans l'âme, avec des yeux en grains de café, noirs et subtils dans une face ronde.
    Sa valeur professionnelle était grande, son expérience consommée, dans ce métier difficile qu'est la confection d'un grand journal.
    Il y a une élite ouvrière, notamment à Paris, passionnée pour les choses de l'esprit et les discussion théoriques et politiques, en même temps qu'habile en sa technique, et que je considère comme une véritable aristocratie.
    De cette élite j'ai connu de nombreux spécimens, dans les hôpitaux et le monde des infirmiers, chez les typos, chez les cheminots, chez les chauffeurs (autrefois chez les cochers de fiacre), chez les garçons de restaurants et de marchands de vin, et dans bien d'autres professions.
    Un ouvrier de Paris à l'esprit ouvert est plus intéressant, à mon avis, qu'un bourgeois de même niveau intellectuel, parce qu'il n'est pas gâté par la convention, l'apprêt, le chiqué, l'esprit d'académie, de faculté, de salon; sceptique et gouailleur, il est remarquablement accessible à une conviction forte, à une certitude même mystique, à un enseignement vigoureux.
    Le goût d'apprendre, de s'instruire est très vif chez lui.
    Quant aux typos, ils sont une aristocratie dans l'aristocratie dont je parle et fort capables de discerner ce qui est beau, nouveau, intéressant, de ce qui ne l'est pas.
    Je parlais avec Belval comme j'aurais parlé avec un de mes collaborateurs de la rédaction, non pas seulement des choses et des gens, mais des idées.
    Belval n'avait rien d'un primaire. Il s'exprimait bien, avec ces saines incorrections qui valent mieux que la correction morte d'un Hermant ou d'un Henri de Régnier.
    Il croyait que le Gaillac valait le Château-Yquem (ce qui amusait beaucoup le cher comte Eugène de Lur-Saluces, propriétaire dudit Yquem), mais j'avais fini par lui arracher cette idée erronée.
    En revanche, nous convenions tous deux que le pain de la boulangerie Hédé, rue Montmartre, était (il l'est encore) le roi des pains.
    - Adolphe, voulez-vous m'expliquer pourquoi on ne trouve plus de bon brie à Paris ?
    - Monsieur Dau...daudet c'est par...parce que la...la fabrication n'est plus la même. Mais je vous en trou...trouverai de...demain soir.
    Le lendemain soir, en effet, nous lâchions l'imprimerie et Maurras, dans le feu de son article - sous la surveillance implacable de Boisfleury - pour aller déguster, au Croissant, un quartier de brie sans plâtre, accompagné d'un pain "polka" de chez Hédé, craquant à souhait, avec ce que j'appelle une mie des anges, id est à odeur de froment.
    Il n'y a rien de meilleur ici-bas. Puis, comme je suis faible avec les gens que j'aime bien, je laissais Adolphe faire venir un Gaillac..."

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (132)

     

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    Aujourd'hui : L'Assassinat de Jaurès...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    De Paris Vécu, 1ème Série, Rive droite, page 24 :

    "...Or c'est dans ce petit Café du Croissant que le 31 juillet au soir Jaurès, dînant, fut assassiné d'un coup de révolver à bout portant.
    Affreux et déplorable trépas, mais qui ne méritait tout de même en aucune façon le Panthéon, si du moins il est entendu que cette église désaffectée doit abriter les restes de ceux qui ont bien servi la Patrie !
    Je n'ai jamais approché Jaurès.
    On m'a dit qu'il avait un charme personnel très grand, et il était très aimé de son entourage.
    Mais je considère le socialisme international comme une infirmité de l'esprit, en dehors même de toute considération politique, et la démagogie, que je ne sépare pas de la démocratie, m'est en horreur.
    Proudhon lui-même me fait l'effet d'un imbécile éloquent et bien doué.
    Le capital, la propriété, l'autonomie familiale sont à mes yeux le fondement de la civilisation, comme la charrue, le pain et le vin; et qui veut détruire les étais de sa propre vie, de son langage, de son foyer et scier sa branche-abri, est un insane ou un abruti.
    Je n'ai jamais lu une ligne de Jaurès présentant le moindre intérêt.
    C'était un tribun, c'est entendu, mais qu'est-ce qu'un tribun hors de la tribune, s'il n'a pas de bon sens ?
    Jaurès n'avait aucun bon sens, aucune prévision, et il ne vit pas venir la guerre.
    Enfin, il était germanisé, quoique Latin; et un Latin germanisé est un hybride qui peut nuire, mais ne saurait être bon à rien..."

    De "La pluie de sang", pages 14/15 :

    "...Quant à la trucidation de ce pauvre Jaurès, quelques heures avant la guerre, dans le petit restaurant du Croissant, où j'ai tant de fois cassé la croûte, elle est demeurée, à mes yeux, énigmatique.
    Dès la première heure, la police politique et les journaux révolutionnaires, celle-là manoeuvrant ceux-ci, l'ont attribué à l'Action française, notamment à mes campagnes et à celles de Maurras.
    Légende absurde, et qui n'a été abandonnée que depuis peu de temps.
    Certes nous ne nous étions pas privés d'engueuler Jaurès au sujet de son aveuglement, de sa germanophilie, de sa folle imprudence, comme nous devions plus tard engueuler Briand, et pour les mêmes motifs.
    Mais nous n'avions jamais parlé à son sujet que de Conseil de Guerre et de châtiment légal; et c'est miracle que cet acte insensé n'ait pas déchaîné l'émeute, sinon la révolution à Paris.
    Qui donc, sinon l'Allemagne, avait intérêt à un tel risque ?
    On redoutait une forte réaction des milieux ouvriers, à l'occasion du meurtre du tribun socialiste. Elle n'eut pas lieu.
    Devant l'affiche de mobilisation - dont ce triple imbécile de Poincaré affirmait "qu'elle n'était pas la guerre" - chacun, bourgeois ou ouvrier, ne songeait qu'à soi; les boutiques de cordonnerie étaient assiégées; et déjà la rumeur se répandait, on ne sait comment, que l'affaire serait très rapide et que, d'ici trois mois, les troupes françaises victorieuses regagneraient leurs foyers.
    Le plus fort est qu'il s'en fallut de peu qu'il en fut ainsi; et si nous avions eu les munitions d'infanterie et d'artillerie suffisantes, les armées allemandes eussent repassé le Rhin en déroute, entre le 20 et le 25 septembre 1914..."

     

    Dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française", voir ces deux, consacrées à cet assassinat :

    Grandes "Une" de L'Action française (1/2) : L'AF condamne dès le lendemain l'assassinat de Jaurès...

    • Grandes "Une" de L'Action Française (2/2) : sur trois colonnes à la Une, Maurras s'est "incliné" devant la dépouille sanglante de Jaurès...

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  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (131)

     

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    Aujourd'hui : L'erreur de Maurras : 500.000 morts ?... et : L'aveuglement de Jaurès...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    L'un - parmi tant d'autres ! - des innombrables cimetières de la Grande Guerre...

     

    On ne peut se retenir, lorsqu'on parle d'idéalisme, certes sincère, mais poussé à un tel point d'aveuglement, de constater les conséquences...
    Les conséquences du "pacifisme à la Jaurès" et du refus d'armer la France, par crainte que cet armement ne donne un prétexte à l'adversaire ?
    Dans "Kiel et Tanger" Maurras prévoyait que, par impréparation, on aurait, au bas mot "Cinq cent mille jeunes Français couchés, froids et sanglants, sur leur terre mal défendue"...
    Maurras se trompait, hélas, et lourdement : ce furent un million et demi de victimes qu'il fallut déplorer...
    La France avait perdu sa principale richesse : sa jeunesse...

     

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    L'aveuglement de Jaurès...

     

    De "Vers le Roi", pages 243/244/245 :

    "...Qu'est-ce que le Caillautisme ? Qu'était-ce que le Caillautisme, de 1911 à 1914 et ultérieurement ?
    Une thèse absurde, d'après laquelle ont eût pu éviter la guerre en se rapprochant, après Agadir, du gouvernement allemand.
    Or, ce rapprochement eut lieu, en fait au sein des conseils d'administration et aussi dans certains conseils du gouvernement.
    C'est lui qui nous a valu la guerre brusquée. Attendu qu'il est dans le caractère boche de vouloir toujours, quoi qu'on lui cède ou concède, plus que ce qu'on lui cède ou concède.
    Le Boche est insatiable. Accordez-lui un siège, il exigera votre maison., puis votre femme, puis votre peau. Il ne comprend que la doctrine et le droit du poing.
    Quand nous écrivions cela dans l'A.F., les socialistes nous accusaient de vouloir la guerre ! Pauvres gens ! Dans le même temps, ils écoutaient les assurances de leurs Kamarades de l'autre côté du Rhin, qui leur promettaient encore le 31 juillet 1914 (visite de Müller au groupe unifié de la Chambre) de ne point voter les crédits de guerre :
    "Das mann für die Kriegskredite stimmt, halte ich für ausgeschlossen".
    L'aveuglement de Jaurès sur ce point était quelque chose de formidable.
    Cela tenait, je pense, à la culture pro allemande philosophique qu'il avait reçue, comme tous ceux de notre génération, mais qui chez lui, avait fait plus de ravages que chez quiconque.
    Il est même curieux que ce Latin ait été à ce point imprégné de la plus lourde et confuse métaphysique qui soit au monde.
    Nous n'avons jamais, dans le journal ni ailleurs, poussé à la suppression de ce tribun sans clairvoyance, qui a eu le suprême honneur de tomber pour ses idées - comme l'a dit Maurras, au lendemain de sa mort violente - mais nous avons toujours vivement relevé son immense erreur, quant à l'Allemagne et quant aux intentions véritables de l'Allemagne.
    Les hommes qui parlent beaucoup et bien finissent par croire que leurs paroles créent les évènements qu'ils désirent et ils oublient que les congrès humanitaires, entre nations rivales ou adverses, n'ont jamais abouti qu'à des coups de canon..."

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (52)

     

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    Aujourd'hui : "La Commune", une vaste machination "voulue" ?...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    De "Paris vécu", Première série, rive droite :

    1. Page 205/206 :

    "...Il y a un surnaturel dans Paris et, j'ajouterai, un diabolique. Les évènements de la Commune, dans leur perversité farouche, l'attestent.
    La rue du Chevalier de la Barre - cette dénomination municipale et anticléricale est bien comique - anciennement rue des Rosiers, en est la preuve.
    C'est là qu'ont été fusillés par une multitude en délire, mais certainement guidée, comme celle des massacres de septembre, les généraux Lecomte et Clément Thomas.
    Ces militaires étaient inconnus la veille. Ce meurtre ne correspondait à rien, si ce n'est comme les incendies de mai 71, à creuser un fossé de sang et à rendre inévitable une répression sans merci.
    Pour moi, tout cela pue la police. La Commune était bourrée d'indicateurs, au premier rang desquels Raoul Rigaud et, à la fin, les assassins du lieutenant de Sigoyer, sauveur du Louvre, au prix de sa vie..."

    2. Pages 45/46/47 :

    "...La rue de la Roquette vient se jeter dans cet océan de tombes et d'histoire qu'est le Père-Lachaise, comme un fleuve se jette dans la mer.
    Voici la houle des siècles, l'embrun des larmes, la marée des générations.
    La Commune de Paris (1871) a marqué de sa forte empreinte, comme de cris figés, le silence métaphysique et théologique de ce lieu, où conversent, au printemps, l'arbre et l'oiseau avec les ossements.
    Le mur des Fédérés, c'est du Tourneur et du Skakespeare. La "Tragédie de l'Athée", la "Tragédie du Vengeur", s'y fondent dans Hamlet.
    L'erreur des hommes, la pitié, la colère, ces trois sorcières ont ici leurs chaudrons, leurs larves, leurs imprécations.
    On voit encore les balles dans le mur où sont accrochées des couronnes fanées. Nous avons rencontré là souvent des jeunes fauves à casquettes, hommes et femmes, tendus par une haine concentrée de la société, qui leur durcissait le regard, mâchant le pain amer de la révolte et du souvenir.
    Mais que faire en un pareil lieu, si l'on n'y prie pas ? C'est le vide.
    Alphonse Daudet a raconté comme il sait le faire les batailles de la semaine de mai qui jetaient, au Père-Lachaise, des cadavres chauds sur les cadavres froids des ensevelis.
    Parmi les chefs de ce mouvement cauchemar, et qui semble issu d'un "Capricio" de Goya, il y avait des policiers comme Raoul Rigault, des illuminés patriotes comme Rossel, des héros dévoyés comme le père Delécluze, des braves gens influençables comme Jourde, des exacerbés de l'esprit de justice comme Pascal Grousset, des convaincus concentrés comme Féré, des méchants sadiques comme Vallès, des déments comme Gill, des alcooliques, des idéologues, des loups enragés, des hyènes et des chacals.
    Parmi les femmes, rééditions des tricoteuses, il y avait une soeur de charité en carmagnole, Louise Michel, des filles en furie, des absinthées, des folles criminelles, des "Juliette" du ruisseau entraînées par des "Roméo" en casquette, toute la lie érotique de Paris.
    Ces journées, bien contées par Vuillaume, témoin direct, assez bien contées par Descaves, témoin indirect, déformées par Maxime du Camp, qui vont du 18 mars au 28 mai 1871, sont une étrange et convulsive réduction des horreurs de la Révolution française.
    Il y eut là des re-Marat, des re-Robespierre, des re-Terwagne de Méricourt, des re-Fouché, des re-Barrère, des re-Danton, des re-Fabre d'Eglantine, des re-Père Duchêne.
    Les massacres de septembre ont leur réplique dans le massacre des Otages. Foulon et Bertier sont remassacrés dans les uniformes de Lecomte et de Clément Thomas.
    C'est à croire qu'une onde de terreur, chargée d'atrocités, de malaise et de rage, est revenue, après une gravitation de soixante-dix-huit ans, s'abattre sur Paris et ses habitants, réincarnant ses girations sanglantes et ses figures épileptiques après trois générations.
    Ni 1830, ni 1848 n'avaient eu ce caractère de reviviscence barbare..."

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (204)

     

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    Aujourd'hui : En exil, la gestation de "Paris vécu"...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    La Première série, "Rive droite", est dédiée :
    "À la mémoire de Plateau, de mon fils Philippe et de Berger, assassinés, aux Commissaires des Camelots du Roi; je dédie, de l'exil, ces images de notre Paris que nous aimons" Léon Daudet, Décembre 1928).

     

    Introduction aux Aspects et Souvenirs

    "C'était en l'an 19.. qui suivit la grand'guerre, un soir de février doux et blanc.
    Celle qui éclaire et gouverne ma vie et mes travaux depuis de longues années, depuis le jour radieux de notre mariage dans ce petit village de Touraine, me dit qu'il fallait voir et reconnaître l'éveil du printemps sur la Seine.
    Nos enfants dormaient. La maison était silencieuse, le quartier divinement paisible.
    Nous descendîmes notre rue provinciale et déserte jusqu'au pont, que l'on traversa.
    La Seine était à la fois brillante et noire comme un poème de Villon. Le "jardin des Rois" comme disait Marguerite, la servante des Bainville, était devant nous : silhouettes d'arbres dépouillés; vagues formes de statues fantômales sous deux tiers d'une lune couleur citron.
    Environnés de la perfection du silence (beaucoup plus proche de la musique que le bruit), nous étions parfaitement bien, et devant un secret entrevu, lequel concernait la grande ville, où nous sommes nés l'un et l'autre, à de longues années de distance, dans un même quartier : le Marais.
    Assis sur un banc, tels deux purotins (mot d'argot pour "pauvres", ndlr), nous nous demandions en quoi réside le charme unique, extraordinaire de Paris.
    - Est-ce la Seine ?
    - Elle y est pour beaucoup par son frisson, ses moires, ses reflets. Mais elle n'est pas tout et, quand on pense de loin à Paris, ce n'est pas elle qu'on voit immédiatement.
    - Est-ce le centre luxueux et brillant : la rue Royale, la Place de la Concorde, les Champs-Elysées, la rue de la Paix ?
    - Certainement non. La partie luxueuse de Londres, Picadilly, Saint James, Hyde Park, donnent une impression de richesse et de fête supérieure à celle de Paris.
    - Est-ce le mélange de vieux et de neuf, le maintien de pans, somptueux ou haillonneux, d'histoire, Notre-Dame et Saint-Séverin, ce conglomérat de villages, de gros bourgs qu'on appelle les faubourgs de Paris ?
    - Nous approchons de la vérité. Paris est beau comme une eau-forte, où il y a des noirs et des blancs, des noirs du passé, des blancs de l'heure.
    Méryon l'a buriné à merveille, Baudelaire aussi, Alphonse Daudet également, et, après ces trois graveurs de Paris, il y a quelques bonnes lithographies de Victor Hugo dans "Les Misérables".
    Ensuite, au loin, on peut citer honorablement "La Bièvre" d'Huysmans, le quartier de la Goutte d'Or de Zola et le Belleville de Geffroy.
    C'est à peu près tout.
    Ah ! pardon, Drumont, bien qu'assez peu poète, a écrit "Mon vieux Paris" qui, moins didactique, eût été un chef d'oeuvre.
    Quant à l'ouvrage de Maxime du Camp, c'est un compendium, un répertoire et rien de plus.
    Nous convenions ensuite que Paris étai comme l'inclusion d'une foule de romans - l'histoire des familles qui l'habitent - dans un très grand drame, son histoire à lui.
    C'est une ville ardente et menacée.
    Elle garde des amours et des haines qui peuplent ses nuits, des travaux qui peuplent ses jours.
    Elle est menacée par les peuples voisins et sous des formes très différentes, qui vont du bombardement à l'immigration.
    Elle est menacée par la politique et, comme la France, par le régime républicain qu'elle s'est donné.
    Elle est menacée par ses gueux, ses avides, ses révoltés, ses rôdeurs, ses souteneurs et ses filles.
    Elle est menacée par ses vices, issus de ses plaisirs.
    C'est de cette causerie nocturne aux Tuileries qu'est né le projet que je consacre aujourd'hui à ma ville, à notre ville : raconter Paris, où je suis né, à travers mes souvenirs et ceux des miens.
    L'exil, qui fait de la distance et donc une certaine objectivité, m'a paru propice à sa réalisation."

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (13)

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    Aujourd'hui : La mort d'Alphonse Daudet...

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    Léon Daudet et son père, rue de Bellechasse...

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    Le "41 rue de Bellechasse", et le détail de la plaque commémorative apposée sur la façade (ci dessous)

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    De "Paris Vécu", 2ème Série, Rive gauche, pages 167/168 :

    "...C'est au 41 de la rue de l'Université (maison charmante avec une cour spacieuse et, en arrière, un grand jardin) qu'est mort Alphonse Daudet, le 16 décembre 1897.
    J'étais rentré de voyage la veille. Nous étions à table mon père, ma mère, mon frère Lucien, ma soeur Edmée, ma grand'mère Allard et moi quand, après quelques cuillerées de potage, mon pauvre père, avec un râle affreux, et que j'entends encore, s'écroula.
    Il souffrait, depuis de longues années, d'un mal, qui ne pardonne point.
    Lucien et moi comprîmes tout de suite que c'était la fin, mais on envoya aussitôt chercher, à quelques pas, le professeur Potain.
    Nous déposâmes sur le sol avec d'infinies précautions celui que nous aimions avec une véritable passion filiale; car il y eut peu de familles aussi unies que la nôtre, et je puis dire que Lucien et moi eussions tout sacrifié pour nos parents, qui avaient de leur côté donné toutes leurs forces vitales à notre instruction et à notre éducation, sans négliger nos plaisirs.
    Ma grand'mère, ma mère, notre petite soeur sanglotaient, ainsi que notre vieux serviteur italien Pierre Castellani.
    En quelques minutes le bruit de la mort se répandit dans la maison, puis dans le quartier, et la consternation fut générale, car mon père était cher à toutes les petites gens, auxquelles allait son extraordinaire puissance de sympathie.
    Sur ces entrefaites, Potain arriva, comprit, et nous indiqua d'un regard ce que mon jeune frère et moi savions déjà. L'âme d'un des plus nobles et des meilleurs fils de France s'était envolée.
    Nous n'avions pas vu entrer, en raison de notre trouble et de nos larmes, l'abbé Gardey, curé de Sainte-Clotilde, ecclésiastique d'une compréhension souveraine et d'une bonté infinie. Déjà il était à genoux, récitant avec nous la prière des morts et bénissant notre père étendu. Potain fit de même, et l'on entendait, dans l'antichambre, les gémissements des serviteurs.
    Il y avait une douzaine d'années que mon père était "touché", comme il disait. Le mal avait aiguisé encore ses facultés affectives et il possédait, avec un des meilleurs styles de la grande lignée, ce génie du coeur qui assure aux oeuvres la pérennité..."

    On a du mal à s'imaginer aujourd'hui ce que fut la gloire littéraire d'Alphonse Daudet, et l'argent qui allait avec (ses livres se vendant si bien !...); cette situation enviable lui permettant de déménager souvent, et d'acheter, à Champrosay, une belle demeure où défila une partie de ce qui faisait le "tout Paris" de l'époque : notamment, le voisin, Nadar, qui ne pouvait s'empêcher de donner des surnoms à ses amis, et appelait Daudet "mon vieux Dauduche" et Léon "le petit Dauduchon".
    Les obsèques d'Alphonse Daudet furent suivies par autant de monde que celles de Victor Hugo : peut-être un million de personnes...
    Emile Zola et Edouard Drumont - que tout séparait - menaient le cortège funèbre, tenant chacun le drap mortuaire recouvrant le cercueil : un peu comme si aujourd'hui - toutes proportions gardées... - à l'enterrement d'une personnalité, le cercueil était porté à la fois par un représentant de l'extrême-gauche et un autre de l'extrême-droite !...

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (63)

     

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    Aujourd'hui : Devenu royaliste... à 37 ans seulement ! (II)...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Clôture de l'Hôtel-Dieu de Troyes...

     

    De Paris Vécu, 1ème Série, Rive droite, pages 35/36 :

    "...Mes grands-parents maternels, des Allard d'origine bretonne et tourangelle (mon grand-père Jules Allard était né à Pontivy) habitaient rue Saint-Gilles, 17, un vieil hôtel rafistolé et transformé en maison de commerce.
    Jules Allard aimait les lettres et avait même écrit, en collaboration avec ma grand'mère, un aimable volume de vers, "Les Marges de la Vie".
    Républicain et romantique, il avait fait partie de la conjuration Barbès et connu, à cette occasion, la prison de Sainte-Pélagie.
    C'était un bleu de Bretagne, alors que mon grand-père paternel, Vincent Daudet - auquel je ressemble, en avançant en âge, de plus en plus - était un blanc du Midi.
    Les Allard étaient indifférents en matière de religion, mais fortement hostiles au "gouvernement des curés".
    Ma grand-mère Daudet passait sa vie dans les églises.
    Mon arrière-grand-mère Reynaud, sous la révolution, en pleine Terreur, ameuta la ville de Nîmes au cri de "Vive le Roi" et faillit se faire écharper, avec son mari et ses enfants.
    Héritier de tendances aussi panachées, j'ai, voici vingt-cinq ans déjà, opté pour le Roi carrément; et cet Américain avait bien raison qui demandait, en parlant de moi, à un huissier de la Chambre, de lui montrer le siège de "l'homme le plus réactionnaire du monde"... in the world.
    Je suis tellement réactionnaire que j'en perds quelquefois le souffle.
    Toute la vilenie, toute la bêtise des hommes se résume pour moi dans le terme de démocratie.
    J'ai vu elle et ses hommes de près. Quel spectacle ! Comment la France y a-t-elle résisté !
    Lorsque, suivant la Place des Vosges, nous prenions la rue du Pas de la Mule, nous débouchions boulevard Beaumarchais, presqu'en face de la rue du Chemin-Vert. Nous traversions le boulevard et nous trouvions chez les grands-parents Daudet qui avaient quitté les Ternes, pour venir habiter là, près de nous. C'est là qu'est mort Vincent Daudet..."

    Dans "Au temps de Judas" (page 216), Daudet raconte aussi l'effet que lui fit, le 22 février 1899, la "Déclaration de San Rémo" :
    "...une voix vibrante retentit soudain, avec une autorité singulière, indiquant, avec hardiesse et précision, les racines du mal. Cette voix venait de San Remo (22 février 1899). Elle était celle du souverain en exil, de Monseigneur le duc d'Orléans.
    Je ne me suis rendu compte que beaucoup plus tard, une fois enrôlé dans l'Action française, de l'immense retentissement qu'elle avait eu en moi, comme on retrouve au fond de sa mémoire les origines lointaines d'une forte émotion.
    En fait, c'est cette allocution qui m'a fait royaliste, ou plutôt qui a réveillé en moi la fibre royaliste, venue de mes ascendants méridionaux. C'est elle qui m'a permis de retrouver la vérité politique dans les conversations enflammées de Vaugeois, et dans les lumineux écrits de Maurras..."

  • A propos des heurts violents entre immigrés et autochtones en Calabre....

                Quand on fait tout ce qu'il faut pour qu'une explosion se produise, il ne faut pas venir pleurer après, ni s'étonner, lorsque l'explosion a lieu. Voilà le seul commentaire que l'on peut faire face à cette information venue d'Italie, et relatant des faits répugnants qui se sont produits en Calabre.

                On a là les résultats de la catastrophique politique (?) suivie depuis des années en Italie, mais aussi dans presque tous les pays européens, préfiguration de ce qui arrivera -et qui arrive déjà, même si "on" le cache le plus souvent...- dans tous les pays d'Europe concernés.

                Comme le disait Jaco, le perroquet du Conte de Bainville, "ça finira mal !..."

                Voici la dépêche AFP relatant ces faits. Pour prévenir tout commentaire fielleux, disons tout de suite que nous ne nous réjouissons évidemment pas de cette horreur qui s'est passé là-bas; et que nous la dénonçons au contraire comme le fruit pourri d'une politique (mais en est-ce une ?) également pourrie; et que c'est pour éviter "ça" en France, chez nous, que nous dénonçons l'aberration menée depuis 1975, et que nous proclamons que nous sommes contre ces délocalisations massives insensées de populations...

    immigration italie calabre rosarno 8 JANVIER 2010.jpg
    A Rosarno, en Calabre, ces immigrés qui manifestent -le 8 janvier 2010- vivent dans des usines desaffectées, sans eau ni electricité. C'est ignoble et scandaleux, car il s'agit bien évidemment d'êtres humains, et qui doivent être traités comme tels. Mais justement, qu'est-ce que c'est que ces États qui les font venir en Europe, pour obéir à la fraction véreuse du patronat, qui préfère exploiter la misère plutôt que d'investir et de payer décemment les travailleurs locaux ? Alors que le rôle d'un État est de résister aux groupes de pression, qui n'ont pas à dicter leur loi.
    Et qu'est-ce que c'est que ces partis et associations idéologiques dont l'action aboutit concrètement, sous le prétexte bidon d'aider les clandestins, à donner la main au pillage de l'Afrique, et à offrir ces malheureux comme de la chair à profit aux-dits patrons véreux ?
    Ou: les Bobos/gauchos/trostkos au service du fric à tout prix...
    En répétant à temps et à contre-temps que c'est sur place qu'il faut aider les pauvres d'Afrique, plutôt que de les déraciner, ajoutant ainsi un problème supplémentaire à leurs déjà nombreux problèmes, nous sommes les vrais amis de l'Afrique et des Africains, et nous nous opposons aux néo-colonialistes qui vampirisent sans vergogne le continent....

    Chasse aux immigrés en Calabre: au moins 38 blessés, dont deux graves (AFP) 

              Le bilan des violences contre des immigrés à Rosarno, en Calabre, une petite ville de 15.000 habitants du sud de l'Italie, s'établissait samedi (9 janvier, ndlr) à 38 blessés, selon l'agence de presse Ansa, qui faisait état d'un retour au calme. Après le départ dans la nuit de près de 300 immigrés vers un centre d'accueil d'urgence à Crotone, à environ 170 km de Rosarno, le calme semble revenu et les habitants ont levé une barricade qu'ils avaient établie dans la nuit sur une route locale, selon la même source.

               Le nouveau bilan de ces violences est de 38 blessés dont 20 étrangers et 18 policiers, après qu'un nouvel immigré se fut présenté dans la nuit à la police avec des blessures légères à la tête, affirmant avoir reçu des coups de bâtons.

              Les incidents ont débuté à Rosarno après une manifestation jeudi soir de plusieurs centaines d'ouvriers agricoles immigrés --pour la plupart employés illégalement dans la région-- qui protestaient contre l'agression de plusieurs d'entre eux, cibles de tirs de fusil à air comprimé. Les manifestants avaient incendié des voitures et brisé des vitrines à coups de bâtons et des affrontements avaient éclaté avec la police.

    Manifestation d'immigrés le 8 janvier 2010 à Rosarno

               Vendredi, après une accalmie dans le courant de la journée, les agressions ontrepris dans la soirée et dans la nuit et au cours de plusieurs épisodes séparés, deux étrangers ont été grièvement blessés à coups de barres de fer, cinq ont été volontairement renversés par des voitures, et deux autres, cibles de tirs de fusil de chasse, ont été légèrement blessés aux jambes.

               Selon Ansa, une centaine d'habitants armés de bâtons et de barres de fer ont érigé des barricades, notamment près d'un local où se trouvaient de nombreux immigrés. Certains charriaient des bidons d'essence et des massues. D'autres ont décidé d'occuper la mairie de Rosarno "jusqu'à ce que les immigrés soient éloignés". "Qu'ils s'en aillent, il faut qu'ils aient peur", a déclaré à la télévision un jeune habitant de la ville, tandis qu'un autre expliquait: "C'est une protestation organisée".

                Le président de la République Giorgio Napolitano a lancé dans la soirée un appel à "arrêter sans délai toute violence".

                A 1H00 locale samedi (0H00 gmt), neufs cars transportant environ 250 immigrés ont quitté, sous les applaudissements d'un groupe d'habitants, la zone de la "Rognetta", une des structures où étaient hébergés les immigrés et d'où était partie la révolte de jeudi soir. Escortés par la police et les carabiniers ils devaient être transférés dans un centre d'accueil d'urgence à Crotone, à environ 170 km de là. Selon Ansa, ce transfert s'est déroulé sans incident ou résistance de la part des immigrés et les forces de l'ordre sont restées sur place afin d'éviter que des étrangers ne reviennent ou que les habitants de Rosarno ne mettent le feu aux installations. Un autre groupe d'environ 500 immigrés restaient dans une autre structure de Rosarno.

    Heurts entre immigrés et police le 7 janvier 2010 à Rosarno

                Ces incidents sont survenus après une manifestation jeudi soir de plusieurs centaines d'ouvriers agricoles, pour la plupart employés illégalement dans la région, pour protester contre l'agression de plusieurs d'entre eux, cibles de tirs de fusils à air comprimé. Ils avaient incendié des voitures et brisé des vitrines à coups de bâtons et des affrontements avaient éclaté avec la police.

                Un autre groupe d'environ 500 immigrés restaient dans une autre structure de Rosarno.

                Pour M. Maroni, membre du parti anti-immigrés Ligue du nord, ces tensions sont le résultat d'"une trop grande tolérance face à l'immigration clandestine". Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et le principal syndicat italien, la Cgil, ont pour leur part dénoncé les "conditions inhumaines dans lesquelles vivent ces ouvriers: cabanes insalubres, sans eau, sans hygiène. Un peu plus tôt dans la journée, la porte-parole de l'antenne italienne du HCR, Laura Boldrini, avait dit à l'AFP craindre "une chasse aux immigrés".

                Chaque année, la récolte des fruits - oranges et clémentines - attire un afflux de quelque 4.000 immigrés à Rosarno (15.000 habitants). En décembre 2008, deux étrangers avaient été blessés par balles dans cette ville dans des violences de même nature.

    Des immigrés manifestent à Rosarno, en Calabre, le 8 janvier 2010

    Selon la Cgil, environ 50.000 travailleurs immigrés vivent en Italie dans des logements insalubres similaires à ceux de Rosarno.

                Le syndicat a dénoncé l'emprise de la Mafia, surtout dans le sud du pays, sur ces immigrés massivement employés dans l'agriculture, qui représentent "une main d'oeuvre à bas coût" payée autour de 25 euros par jour.....

                                                                                                    ---------------------

                Fin de la dépêche, mais pas fin des problèmes liés à ces bombes à retardement que l'on a si follement semées dans toute l'Europe.....

  • « LES PANTINS DE L’EUROPE »

     

    par François Marcilhac 

     

    500021990.jpgEn 1964, De Gaulle avait effectué une vaste tournée de trois semaines en Amérique latine avec l’objectif très net de contester la division bipolaire du monde et d’encourager les Etats sud-américains à affirmer leur indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. 

    ENTRE ÉLECTORALISME ET TOURISME...

    Bien moins ambitieuse, car dépourvue de toute visée internationale et franchement électoraliste, fut la petite semaine qu’Hollande a passée à la fois en Amérique latine et dans la France du Pacifique. Pour cette dernière, il s’agissait de tenir une de ses promesses électorales ...à quatorze mois de la prochaine échéance : visiter tous les Français durant son mandat. Quant aux trois jours partagés entre le Pérou et l’Argentine, rythmés par deux nuits de fiesta, ils constituèrent un simple séjour touristique, culturel et gastronomique aux frais du contribuable. Il est vrai, quel message international aurait pu lancer l’autre côté de l’Atlantique celui qui, se mettant dans les pas de son prédécesseur, a fini d’aligner la diplomatie française sur celle des Etats-Unis ? Le seul fait notable de ce séjour fut un but marqué par le président lui-même dans les cages, sans gardien, du célèbre stade de la Bombonera de Buenos Aires, piteuse image donnée de notre pays par un chef d’Etat se conduisant à l’étranger comme un conseiller départemental inaugurant un terrain municipal. Quel symbole, également, que ce but évidemment réussi : signifie-t-il qu’Hollande ne saurait plus gagner que sans adversaire, voire qu’il envisage une présidentielle dépourvue d’opposants, du moins d’opposants qui le menaceraient sérieusement ?

    Toutes les options sont ouvertes, tant la situation politique est devenue incertaine, voire explosive. Son inauguration du salon de l’agriculture écourtée par l’accueil hostile des paysans, premières victimes de son refus des ruptures nécessaires, si radicales soient-elles, dans l’intérêt du pays, a montré bien mieux que des sondages, combien le président est devenu impopulaire, combien aussi, non seulement ses échecs, mais surtout sa politique d’esquive, ses petits compromis d’ancien premier secrétaire du PS, son absence de courage politique ou son habileté à la petite semaine compromettent la dignité de la fonction qu’il est censé incarner — ainsi ce lundi 29 février, le report, avant son abandon ?, de la présentation en conseil des ministres de l’avant-projet de loi sur le travail. Comment dès lors reprocher aux agriculteurs d’avoir, par leurs huées, manqué de respect à une fonction présidentielle que le chef de l’exécutif dévalue lui-même par la caricature qu’il en donne tous les jours ?

    LES PANTINS DE L’EUROPE 

    On le dit lucide, habile, voire génial tacticien : c’est possible, quand il s’agit des minables combats politiciens qui forment toute sa culture politique. Il n’est pas certain, en revanche, qu’il soit à la hauteur de cette tâche historique qu’est la direction d’un pays vieux de quinze siècles. Se rend-il compte seulement du mépris dans lequel le tiennent les Français, et avec lui toute une classe politique dont les mensonges ne font plus illusion, même si on arrive encore à se scandaliser de son abyssal cynisme ? Ainsi, alors que le gouvernement socialiste n’a pas remis en cause la réforme de la politique agricole commune voulue et signée par Sarkozy, responsable des difficultés actuelles des producteurs de lait, Valls, accompagné au Salon par Le Foll, son intermittent à l’agriculture — il a séché en 2015 40% des conseils européens —, a osé plaider, ce même lundi 29 février, avec un ton aussi lénifiant envers les paysans que servile envers Bruxelles : « Nous agissons au niveau européen pour que la Commission européenne entende pleinement la détresse d’une partie du monde agricole français. » « Vous êtes les pantins de l’Europe », lui a rétorqué un éleveur, avant d’ajouter : « Ils sont là pour se pavaner mais ils n’ont aucun pouvoir et nous on crève. »

    La remarque est d’autant plus juste que ce pouvoir, nos prétendus dirigeants politiques l’ont abandonné avec préméditation, en se soumettant, majorités après majorités, aux impératifs européens de libre-concurrence via des traités toujours plus asservissants — le prochain sera signé au nom de l’Europe avec les Etats-Unis. On est atterré du manque de réaction du gouvernement français aux dernières provocations de la Commission visant les accords, passés en 2015 et du reste déjà obsolètes, de certains grands distributeurs visant à acheter plus cher le porc français, accords passibles d’une amende pour entrave à la concurrence étrangère ! Le gouvernement s’est-il insurgé ? A-t-il exigé que la Commission, dans cette affaire aux ordres de Berlin, rende enfin ses conclusions sur les accusations de distorsion de concurrence en matière agricole portées à l’encontre de l’Allemagne, depuis plusieurs années, en raison de sa politique de main-d’œuvre, assimilable à du néo-esclavagisme ? Menace-t-il Bruxelles d’une crise ? Non, il se soumet, et avec lui toute la classe politique qui continue de chérir une des causes principales du mal français, qu’est notre soumission au Moloch européen alors que notre salut impose la remise en cause de traités qui, au seul plan économique, signent l’arrêt de mort de l’agriculture française après avoir concouru à notre désindustrialisation.

    TOUT FAIRE POUR GAGNER 

    Sauf le FN, dira-t-on ? Si la prolongation de la loi d’urgence et son inscription probable dans la Constitution ne peuvent que nous inspirer la méfiance la plus grande quant au respect par le pays légal de nos libertés fondamentales ou à la sincérité des prochaines échéances électorales — oui, nous le répétons, toutes les options sont ouvertes, même un coup de force du pays légal contre l’État de droit lui-même au nom des valeurs de la république —, toutefois, il n’est pas certain que l’oligarchie ait besoin d’en arriver là pour terrasser la Bête immonde. Nous évoquions à l’instant l’Europe et la nécessité de lutter contre une Union qui a toujours été pensée contre les nations, d’où le chantage actuel de Cameron sur un éventuel Brexit — qu’il rejette évidemment. Il n’est pas certain, en revanche, qu’en délivrant un message anxiogène sur une éventuelle sortie de l’euro, voire un éventuel Franxit en cas d’arrivée au pouvoir, le FN ne soit pas le meilleur allié des candidats socialiste et « républicain » à la présidentielle de 2017, quels qu’ils soient par ailleurs. Il faut savoir s’accorder à l’état de l’opinion publique, qui, depuis plusieurs décennies, s’agissant de l’Europe, a subi un vrai matraquage idéologique. On ne saurait compromettre l’avenir du pays par des slogans ressentis comme provocateurs.

    Hollande rêve, dit-on, d’un nouveau « 21-Avril », mais cette fois à son profit. Quant aux Républicains, chacun sait que Juppé, positionné à l’extrême centre, serait le meilleur, car le plus politiquement correct, pour rassembler au second tour en cas de duel avec Marine Le Pen. Encore faudrait-il que celle-ci y arrivât. Le FN croit-il encore possible une victoire en 2017 alors que les dernières régionales ont confirmé la persistance d’un plafond de verre ? Et qu’il n’est même pas certain qu’il réalise l’ambition, pourtant encore accessible, d’atteindre le second tour ? En l’état actuel des choses, l’oligarchie serait de toute façon gagnante dans les deux cas. La seule différence serait que, si Marine Le Pen est évincée, le nom de l’impétrant ne sera connu qu’au soir du second tour, et non du premier.

    Le FN se contente toujours de capitaliser sur le vote protestataire, qui croît en même temps que l’insatisfaction des Français. Pour vaincre, il lui faudra changer de culture, en termes de programme comme d’alliances. Il serait encore temps, même pour 2017. Mais le veut-il vraiment ? Nous y reviendrons. 

    François Marcilhac - L’Action Française 2000

  • Société • Comment Depardieu a donné une leçon d'histoire à Hollande et Valls

     

    Par Bruno Roger-Petit

    A la suite d'un entretien donné au Figaro par Gérard Depardieu - où il dénonce une élite politique, médiatique et culturelle sans « distinction » ni ambition - Bruno Roger-Petit a donné dans Challenge un article qu'un lecteur - et ami - nous a transmis. L'article date du 19.06.2015 mais n'a rien perdu de son actualité ni de son intérêt. Nous laissons à l'auteur la responsabilité de son coup de griffe assez inutile et d'ailleurs injustifié à Eric Zemmour. Quant à Depardieu, malgré ses folies récurrentes, il a joué les grands rôles, s'est frotté à la haute littérature, s'est passionné pour les meilleurs textes et pour les auteurs essentiels; il a, par lui-même, le goût de la grandeur, du panache et du style. Son mépris pour les élites d'aujourd'hui en découle naturellement. Dédié au président normalLFAR 

     

    2561423477402.jpgLes chemins de la désespérance mènent droit à la lucidité. Gérard Depardieu en administre un éclairant exemple, ce mardi 16 juin, dans un entretien publié par le Figaro. Depardieu n’est pas qu’un acteur énorme qui profite de son immense popularité pour multiplier les provocations. Il est bien plus que cela, pour qui veut bien aller au-delà des sentences que les médias qui le sollicitent s’empressent de populariser pour les besoins de leur renommée.

    Si ce que dit Depardieu pèse aux yeux de ses contemporains, c’est bien parce qu’il fait écho avec les préoccupations du temps. Depardieu n’est pas Guillaume Canet, consensuel et émollient, bien dans l’air du temps, surfant jusqu’à l’indécence sur la vague des bons sentiments et les Petits mouchoirs de l'époque en veillant bien à ne déranger personne. Depardieu est authentiquement français à raison de ce qu’il n’est pas gros, mais énorme. Depardieu est là pour déranger, bousculer, casser.

    On serait François Hollande et Manuel Valls, seuls et abandonnés par les forces vives d’un pays saisi par le déclinisme, gouvernants sans boussole en quête des moyens de raviver l’optimisme et l’espérance parmi les Français, on lirait et relirait Depardieu dans le Figaro. On y trouve en effet un diagnostic sur l’état de la société française à travers la représentation de ses élites, dans tous les domaines, d’une acuité exceptionnelle.

    « Le verbe était de haute volée »

    Depardieu éclaire le présent par le passé : « J’étais ami avec Michel Audiard, comme avec Jean Carmet, Jean Gabin… Le verbe était de haute volée. Ils avaient tout ce qui nous manque aujourd’hui. Pas de la distance, mais de la distinction. Maintenant, personne ne se distingue de rien, à commencer par les hommes politiques. Journalistes, acteurs pareil. On ne vit pas dans un monde où l’on peut se distinguer ».

    « La France s’ennuie », dit en substance Depardieu. Elle s’ennuie parce que dans tous les secteurs de la vie publique, politique, médiatique, artistique, elle ne produit plus rien qui ait pour ambition de se distinguer. Qu’on ne s’y trompe pas, Depardieu ne fait pas dans le « C’était mieux avant » à la Zemmour. Il n’est pas question pour lui de tomber dans l’engourdissement d’une nostalgie identitaire qui précède le tombeau. Non. Si Depardieu évoque ce que fut le cinéma d’avant, celui des Audiard, Gabin ou Carmet (il a oublié son copain Blier - ce génie - au passage) c’est pour regretter que de tels monstres aient disparu, et que ce phénomène est aussi, à travers le cinéma, le révélateur d’une France qui s’ennuie à l’image d’un cinéma où rien en distingue.

    Depardieu a raison. Le cinéma français a toujours été le reflet de la vitalité française. On a les films que l’époque mérite. Et les stars qui vont avec. Songeons à ce qu’est devenu, par exemple, le spectacle de la cérémonie des César. Les Morgan, Gabin, Noiret, Deneuve, Rochefort, Marielle, Léotard, Ventura, Coluche ou Depardieu des années 70/80 ont été remplacés par Manu Payet, Kev Adams et les anciennes Miss météos de Canal Plus. Le cinéma français n’est plus qu’une suite de téléfilms à sketchs, produits dérivés des amuseurs de Canal Plus, dont le dernier avatar, le film « Connasse » est l’emblème parfait. Jacques Audiard est un arbre qui cache la forêt du vide. Qui oserait aujourd’hui, produire un film comme le Corbeau de Clouzot, sur l’état de la société française ?

    Une France tout à la fois pépère et mémère

    Depardieu voit juste. Le cinéma français est le reflet d’une France sans héros à distinguer. Une France tout à la fois pépère et mémère. Une France normale. Une France désespérément normale. Or une France normale est une France qui s’endort. Une France de Bidochon. Sans ambition et sans dessein. De ce point de vue, François Hollande, qui a été élu en promettant de renoncer à toute distinction, en proclamant qu’il serait un « président normal », est bel et bien le pendant politique de ce qu’est le cinéma d’aujourd’hui. Depardieu a tout bon. Tout se tient. La France 2015 panthéonise les grandes figures du passé parce que ses contemporains ne se distinguent en rien. Et quand elle tient un Prix Nobel de littérature, la ministre de la Culture en charge avoue qu’elle ne l’a pas lu. Même ceux qui devraient être distingués ne le sont pas. Quel vertige...

    Sous Mitterrand, le cinéma célébrait Noiret, Rochefort et Marielle, Signoret, Deneuve et Baye. Sous Hollande, on célèbre Kev Adams, Manu Payet et Guillaume Canet, les Miss météo et la « Connasse » de Canal Plus.

    Sous Mitterrand, les ministres s’appelaient Mauroy, Joxe, Badinter, Defferre. Même un simple Secrétaire d’Etat pouvait se nommer Max Gallo. Sous Hollande, à trois ou quatre exceptions près, on ne connaît même plus les noms des ministres. Qui sait aujourd’hui le patronyme du Secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international ?

    Une partie de l’élite française moque Depardieu. Depardieu, le monstre. Depardieu, le copain de Poutine. Depardieu, l’autodestructeur. Depardieu, Chronos dévorant ses enfants. Depardieu qui se vend à n’importe qui, n’importe où. On même vu, en son temps, un Premier ministre, empreint de la « normalité » de l’époque, accuser Depardieu de trahison. « Minable » avait dit le premier chef de gouvernement de l’ère Hollande lorsque Depardieu avait annoncé son exil volontaire pour la Belgique, avant de choisir, in fine, la Russie. Surtout condamner Depardieu et refuser de la comprendre. Casser le miroir qu’il nous tend, à l’insupportable reflet.

    Peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie ?

    Une sphère non négligeable de l’élite politique, médiatique et artistique de l’époque se refuse à comprendre que Depardieu se donne à Poutine parce que la France le désespère. Poutine n’est pas un président normal. Poutine se distingue parce qu’il a de l’ambition pour son pays et son peuple. Depardieu choisit Poutine comme on lance un ultime appel au secours. Paradoxalement, c’est par patriotisme que Depardieu brandit l’étendard de Poutine. Pour réveiller un peuple en proie au déclinisme sur fond de mésestime de lui-même. Quand Depardieu proclame que « Les Français sont plus malheureux que les Russes », il constate une évidence que l'élite française persiste à nier.

    Depardieu pose la bonne question : peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie, doute, avec une élite anesthésiante et conformiste ? Peut-on plaider pour le retour de l’optimisme et de l’ambition quand on se prétend président normal ? Ou se poser en Premier ministre avocat d’une réforme du collège qui promeut un enseignement de l’histoire qui ne distingue pas la France dans ce qu’elle emporte de plus exaltant auprès de jeunes consciences ?

    Depardieu sera-t-il enfin entendu ? Ecouté ? Lui-même en doute. On lui laissera le mot de la fin, tout en souhaitant qu’il se trompe : « Moi, je suis au-delà de la révolte. C’est fini ça. J’adorerais donner des coups à condition que j’en prenne. Je parle de vrais coups, qui font saigner. Pas de petites polémiques sur le fait que je ne veuille pas payer mes impôts. La masse est bête. Et ceux qui font la masse, c’est-à-dire les journalistes, encore plus bêtes ».  

  • Histoire & Actualité • Mazarin président ! La morale n’a rien à voir avec la politique

     

    Une chronique de Jean-Paul Brighelli

    [Bonnet d'âne & Causeur 22.03]

    Le style et la lucidité Brighelli. La verdeur, l'expression directe, souvent familière, qui la rend proche, attrayante, convaincante. A quoi s'ajoute une sorte de bon sens, comme sorti du vieux fond populaire, au temps où il existait encore : L'on est d'emblée d'accord avec Brighelli. A noter, pour nous qui sommes royalistes, que Camille Pascal [voir ci-dessus] comme Jean-Paul Brighelli, sont l'un et l'autre amenés à se référer à l'Ancien Régime dès lors qu'il s'agit de droite Justice ou de compétence politique ... Lafautearousseau

         

    2704624286.jpgLes solides élans de vertu de la France contemporaine me sidèrent un peu. On veut, paraît-il, des hommes politiques intègres. Curieux discours, qui met en avant certaines qualités qui ne sont pas essentiellement politiques, mais morales. Mais qu’est-ce que la morale a à faire avec la politique ?

    Relisez Machiavel, relisez Gabriel Naudé, puis posez-vous la question : qu’est-ce qui est prioritaire, en politique ? Celui qui a acheté le veston, ou les qualités de l’homme à l’intérieur du veston ? Je ne doute pas que le Canard enchaîné, qui dispose manifestement d’un dossier très complet tombé du ciel, ait encore sous le coude la facture insensée du fournisseur des caleçons de Fillon — il a eu jadis celle des chaussettes cardinalices de Balladur. Et alors ? On distille des sous-entendus sur les mœurs de tel autre — mais qu’en avez-vous à faire ? On sort des histoires sur le chauffeur de l’un et le garde du corps de l’autre — et puis ?

    Plutôt que d’exiger un politique « propre » — une exigence portée par nombre d’électeurs qui ne le sont guère —, je préférerais que l’on exigeât (c’est chouette, l’imparfait du subjonctif, ça vous fait immédiatement passer pour un réactionnaire aux yeux des imbéciles) des hommes politiques compétents — prioritairement. Des hommes d’Etat, y compris de sexe féminin, à l’aventure.

    Mais ça, évidemment, c’est plus rare. Chez les politiques comme chez leurs électeurs.

    J’ai un peu travaillé sur le XVIIème siècle, particulièrement sur les années 1648-1658, autour de la Fronde et de la Guerre de Trente ans. Et j’en ai tiré une grande admiration pour les politiques de l’époque — Retz, conspirateur-né qui avait distribué des dizaines de milliers d’écus d’aumônes pour soulever le peuple des gueux, Condé, « né capitaine », qui n’hésita jamais à trahir son royal cousin et à diriger contre lui les armées de l’ennemi espagnol, et surtout Mazarin, qui sut résister à la Fronde, et signer les traités de Westphalie et la Paix des Pyrénées. C’est lui, juste derrière Louis XIV dont il contrôle l’embrassade avec son homologue espagnol, Philippe IV.

    Mettons les événements en balance. Mazarin était d’une origine obscure, il n’avait pas un sou vaillant quand il arriva à Rome, il coucha avec qui il fallait — hommes et femmes, disent les pamphlétaires de l’époque —, il fit même semblant d’entrer dans les ordres (tout en s’en gardant bien, lui qui avait des choses de la religion une vision essentiellement utilitaire, ce qui lui permit d’être nommé cardinal à 39 ans, et peut-être après d’épouser la Reine de France, Anne d’Autriche), il s’affecta à lui-même les revenus de 21 des plus grosses abbayes de France, et mourut en laissant une énorme fortune (il était probablement l’homme le plus riche de France, peut-être d’Europe) acquise par des procédés absolument délictueux, même selon les normes de l’époque. Et alors ? 

    Il avait acquis à la France les Trois évêchés (Metz, Toul, Verdun), Sedan et toute la Haute-Alsace, sans compter des villes éparses dans l’Est et dans le Piémont. Et aussi l’Artois, Gravelines, Thionville, tout le Roussillon (l’Espagne jusque là s’étendait au-delà de la forteresse de Salses, qui se situe à 30 kilomètres au nord de Perpignan), le Vallespir, le Conflent et le Capcir — et tout l’est de la Cerdagne. Désormais, c’étaient les Pyrénées qui formeraient la frontière. Il avait marié son filleul Louis XIV à sa cousine germaine Marie-Thérèse, et avait exigé une dot si considérable que l’Espagne ne put jamais la fournir, ce qui permit plus tard à Louis XIV d’installer un Bourbon sur le trône à Madrid — ils y sont encore. Et à part l’intermède napoléonien, nous n’avons plus jamais eu de guerre avec l’Espagne, ce qui n’est pas rien quand on pense que cela faisait plus d’un siècle que nous nous entre-tuions sur tous les champs de bataille européens. Ah oui, et il a légué Turenne et Colbert au roi, qui en fit grand usage. Parce qu’en plus, il savait s’entourer de gens compétents — et pas de sous-fifres anxieux d’être élus ou réélus.

    Chef d’un pays catholique, il sut s’associer aux puritains de Cromwell pour écraser Condé passé à l’ennemi, à la bataille des Dunes. Mais il poussa le roi à se réconcilier avec ledit Condé, qui lui gagna par la suite un petit paquet de batailles. Et il salua la restauration de Charles II en Angleterre — contre les puritains alliés de la veille. On n’avait pas encore inventé le mot de Real Politik, mais l’idée était déjà là.
    Et se sentant mourir, il eut l’habileté suprême de faire semblant de léguer son immense fortune au roi, qui fort obligeamment refusa le cadeau, car il ne sied guère à un souverain de devoir son aisance à un particulier. Dumas a tout raconté en détail dans le Vicomte de Bragelonne. Du coup, cela lui permit de doter très richement ses nièces, qui n’étaient pas non plus des premiers prix de vertu. La belle affaire !

    Bref, un type très faisandé, et le plus grand Premier ministre que nous eûmes jamais — si grand que Louis XIV, à sa mort, renonça à le remplacer.

    Voilà un homme politique selon mon cœur. Doué, intrigant, parti d’en bas et arrivé en haut, promettant tout sans jamais tenir, amateur d’arts et de musique — c’est grâce à lui que l’opéra est entré en France. Attaqué comme jamais homme politique d’aujourd’hui ne le fut (on compte près de 5000 « Mazarinades », ces terrifiants pamphlets écrits contre lui et l’accusant de tous les péchés capitaux), et survivant toujours. Italien de surcroît — Giulio Mazarini, un immigré ! —, mais éminemment français : imaginez un Algérien dans la même situation, et vous aurez une idée de ce que l’on pensait et disait de lui, y compris le fait qu’il aurait eu le « vice italien », qui était puni de mort à l’époque. Il a même eu l’idée de faire élever Philippe, le frère cadet du roi, selon des mœurs assez peu viriles, afin qu’il n’ait jamais l’idée de comploter contre son frère, comme l’avait fait Gaston contre Louis XIII. Tout en le mariant quand même à la sœur du roi d’Angleterre, pour préserver l’avenir.

    Bref, une ordure d’un immense talent. Sans lui, le Rivesaltes et le Maury seraient des vins espagnols. Un désastre.

    Evidemment, tout cela se passait à une époque où la France dominait l’Europe. Maintenant que nous sommes un renvoi en bas de page de l’historiographie allemande, nous nous soucions plus de morale  que de grandeur —c’est tout ce que l’on nous laisse.

    bruno-le-roux-demission-fekl-660x400.jpgQue la présente campagne présidentielle se consacre depuis deux mois à l’exposé de vétilles en dit long sur la façon dont la société du spectacle camoufle le politique sous des falbalas, et d’acteurs que nous fûmes (le passé simple aussi fait de moi un homme de droite) nous transforme en marchandises. Parce c’est de politique qu’il s’agit — et personne n’en parle. On frappe sur des casseroles, on s’invective sur des frais de transport (ça avait commencé il y a vingt ans à propos des « frais de bouche » de Chirac à l’Hôtel de ville de Paris), on met en examen pour des broutilles — alors qu’on devrait inculper tous ceux qui ont miné la France depuis trente ans, par exemple dans l’Education nationale — et qui persistent et signent.

    Allez, votez en fonction des programmes, en fonction de capacités réelles des candidats, en fonction de vos convictions politiques. Sinon la prochaine fois je vous raconte la vie de l’abbé Dubois — dont on fait les pipes.  • 

    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur

  • Chantal Delsol à L’Action Française 2000 : « Il y a un abîme entre la démagogie et le populisme »

    Philosophe, professeur des universités, membre de l’Institut, Chantal Delsol vient de consacrer une livre au “populisme", un courant d’opinion qu’il est convenu de vilipender, mais qui mériterait davantage de considération à ses yeux.

    (Article paru dans L’Action Française 2000, 19.02.2015) 

    L’Action Française 2000 – Considérant qu’il est difficile d’évoquer une catégorie qui relève davantage de l’injure que de la politique, vous procédez à une généalogie du populisme qui vous conduit tout droit en Grèce antique. Peut-on dire que le populiste est à la démocratie moderne ce que le démagogue était à la démocratie athénienne ?

    Chantal Delsol – On peut dire que l’un et l’autre représentent le même symptôme : un problème que l’élite rencontre avec le peuple, dans un régime où, précisément, c’est le peuple qui est souverain. D’ailleurs ces catégories n’émergent que dans les démocraties. Mais tout mon livre consiste à montrer qu’il y a un abîme entre la démagogie antique et le populisme contemporain, parce qu’il y a eu un glissement à l’époque des Lumières, qui a transformé qualitativement les choses. Aujourd’hui, on traite les chefs populistes de démagogues, mais ; justement ; ils ne le sont pas du tout.

    Selon vous, ce « saut qualitatif » qu’est « le passage de la grande particularité » (la cité, le royaume) « à l’universel » (devenir un citoyen du monde devient un impératif catégorique) s’accomplit entre Rousseau et Kant. Quelle est la responsabilité des Lumières dans ce passage de la politique à la morale ?

    Le moment des Lumières est crucial. C’est le moment où le monde occidental se saisit de l’idéal émancipateur issu du christianisme, et le sépare de la transcendance : immanence et impatience qui vont ensemble – le ciel est fermé, tout doit donc s’accomplir tout de suite. C’est surtout vrai pour les Lumières françaises. Ce qui était promesse devient donc programme. Ce qui était un chemin, lent accomplissement dans l’histoire terrestre qui était en même temps l’histoire du Salut, devient utopie idéologique à accomplir radicalement et en tordant la réalité. Pour le dire autrement : devenir un citoyen du monde, c’était, pour Socrate (et pour Diogène, ce Socrate devenu fou), un idéal qui ne récusait pas l’amour de la cité proche (dont Socrate est mort pour ne pas contredire les lois). Être citoyen du monde, pour les chrétiens, c’était une promesse de communion, la Pentecôte du Salut. Mais pour les révolutionnaires des Lumières, dont nos gouvernants sont les fils, être citoyen du monde signifie tout de suite commencer à ridiculiser la patrie terrestre et les appartenances particulières – la famille, le voisinage, etc. Lénine a bien décrit comment s’opère le passage dans Que faire ? – il veut faire le bien du peuple, mais il s’aperçoit que le peuple est trade-unioniste, il veut simplement mieux vivre au sein de ses groupes d’appartenance, tandis que lui, Lénine, veut faire la révolution pour changer le monde et entrer dans l’universel : il va donc s’opposer au peuple, pour son bien, dit-il. C’est le cas de nos élites européennes, qui s’opposent constamment au peuple pour son bien (soi-disant). Pour voir à quel point l’enracinement est haï et l’universel porté aux nues, il suffit de voir la haine qui accompagne la phrase de Hume citée par Le Pen « Je préfère ma cousine à ma voisine, ma sœur à ma cousine, etc. », pendant qu’est portée aux nues la célèbre phrase de Montesquieu : « Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime. » Or nous avons besoin des deux, car nous sommes des êtres à la fois incarnés et animés par la promesse de l’universel.

    La catégorie de l’« idiotie » est centrale dans votre réflexion : le goût pour l’enracinement n’est pas forcément criminel, dites-vous, et ne conduit pas directement au nazisme...

    Oui, la démagogie antique, qui est en quelque sorte un crime lèse-démocratie, commence par la rencontre avec l’idiot. Celui-ci, au sens grec, est un particulier englué dans sa particularité. Il ne s’occupe que de sa famille et ne pense qu’à cela ; les affaires de la cité ne l’intéressent pas : aussi, il n’est pas un citoyen – car le citoyen, c’est celui qui s’élève à l’universel pour vouloir le bien commun. Le chef démagogue est celui qui flatte les penchants de l’idiot. Aujourd’hui, un chef de parti démagogue serait celui, par exemple, qui exhorterait les gens à ne pas payer leurs impôts, ou à ne pas aimer la France. Mais les chefs de partis populistes exhortent à aimer les entités proches et particulières, comme la France justement, et c’est tout à fait différent. Ils cultivent les penchants des citoyens pour l’enracinement, alors que les élites sont dans l’émancipation sans frein. Nous sommes dans un cas de figure très différent de celui de l’antiquité. Dans l’antiquité, les démagogues étaient susceptibles de détruire la démocratie (car lorsque les gens ne se comportent plus en citoyens, ils se mettent en situation de tyrannie). Mais aujourd’hui, les chefs populistes réclament que la démocratie prenne davantage en compte les valeurs d’enracinement et réfléchisse aux limites de l’émancipation tout azimut. Le besoin d’enracinement et le besoin d’émancipation font partie peut-être du destin humain, en tout cas certainement du destin occidental – l’enracinement est un besoin spécifiquement humain, l’émancipation répond au temps fléché judéo-chrétien. On pourrait même dire, mais ce serait un autre sujet, qu’au fond l’invention de la démocratie répond à la nécessité de trouver à chaque époque un équilibre entre les deux, car ils se contredisent. Mais il est tout à fait faux de dire, comme le disent nos élites, que l’enracinement est une faute contre l’esprit, une faute contre la démocratie, et s’apparente au nazisme. Le nazisme a été la perversion de l’enracinement, comme le communisme a été la perversion de l’émancipation. Mais assimiler constamment un besoin (ce que Simone Weil appellerait un besoin de l’âme) à sa perversion, c’est une imposture.

    Pour Sartre, dans Réflexions sur la question juive (1954), « si le Juif n’existait pas, l’antisémite l’inventerait » ; il ajoutait que, finalement, « c’est l’antisémite qui crée le Juif », du moins tant que celui-ci ne revendique pas son authenticité. Ne pourrait-on pas dire, parallèlement, que ce sont les membres d’une élite mondialisée, déconnectée du pays réel, qui créent, parce qu’ils en ont besoin pour asseoir moralement leur pouvoir sur le peuple, cette « France moisie » dont le populiste serait le représentant politique ? Comment dès lors rendre la parole au peuple ?

    Je ne dirais pas cela, de même, d’ailleurs, que je tiens les paroles de Sartre pour de l’exagération. Il est de toute façon difficile de créer une réalité de cette manière ! Le peuple de l’enracinement décrit par nos élites haineuses existe bien, et on le rencontre ici ou là dans les médias où il s’exprime. Personnellement, je n’aimerais pas qu’il parvienne au pouvoir tel quel (on me confisquerait aussitôt mon stylo, en tant que femme !), et d’ailleurs je n’ai jamais voté pour ces partis. Mais je pense qu’il faut travailler à élever ces gens, à les civiliser en quelque sorte, et pour cela cesser d’abord de les injurier. De même qu’il faut travailler à élever l’élite en lui faisant comprendre les nécessités de l’enracinement. Je ne dirais pas que les dits populistes sont une invention de l’élite qui aurait besoin d’un ennemi, mais qu’ils sont grandis et radicalisés par l’élite qui tente de biffer des composantes essentielles de l’humain.

    Propos recueillis par François Marcilhac

    Chantal Delsol, Populisme – Les demeurés de l’Histoire, Le Rocher, 220 p., 17,90 euros.

  • Brûlante inactualité

    Telle est en effet la question ... [Photo : Annonce d'une conférence de Frédéric Rouvillois au Cercle de Flore] 

     

    Par François Marcilhac

     

    500021990.jpgIls étaient déjà 23 % en 2007 : les Français sont aujourd’hui près de 40 % à estimer que la présence d’un roi au sommet de l’Etat aurait des conséquences positives sur l’unité nationale et la stabilité gouvernementale. Tels sont les chiffes, sans appel, d’un sondage réalisé par BVA pour l’Alliance Royale à la fin du mois d’août, auquel les médias de l’oligarchie, à l’exception notable du Figaro, se sont bien gardés de donner l’importance qu’il méritait à l’aube d’échéances politiciennes dont ils font leurs choux gras.  

    Pour 31 % des Français (contre 24 % en 2007), remplacer le président de la République par un monarque donnerait une meilleure image de la France dans le monde, 29 % d’entre eux étant même prêts à voter pour un candidat royaliste au premier tour de l’élection présidentielle (20 % en 2007), ce qui, si ce chiffre se vérifiait, pourrait compromettre bien des plans tirés sur la comète par ceux qui croient leur présence au second tour inéluctable uniquement parce que les médias officiels le leur font croire.

    Cette progression est évidemment due à la façon dont nos deux derniers présidents ont dévalorisé la fonction présidentielle, ce qui prouve bien, comme l’a judicieusement compris Emmanuel Macron, que les Français n’ont jamais fait leur deuil de la figure royale. Montebourg ou Mélenchon se trompent lorsqu’ils visent, dans une VIe république, une dévalorisation encore plus grande de l’exécutif. C’est au contraire l’autorité que les Français plébiscitent, une autorité non pas stupidement répressive, comme sait l’être la Marianne quand il lui prend de montrer les muscles, mais créatrice de lien social parce que placée au-dessus de partis qui ne représentent que leurs propres intérêts ou les intérêts de ceux dont ils sont la courroie de transmission. Pour Frédéric Rouvillois, professeur de droit constitutionnel à Paris-Descartes, ces chiffres sont « très impressionnants [...]. Dans la mesure où la question de la monarchie est justement d’une brûlante inactualité, ce sondage révèle comme des lames de fond ou des courants en profondeur qui agitent l’opinion publique »*.

    « Brûlante inactualité » : l’oxymore dit l’essentiel, à savoir l’insatisfaction profonde des Français face à un régime qui, non content de ne pas leur assurer du travail et de se satisfaire d’une gestion sociale du chômage, d’ailleurs de plus en plus onéreuse, ne les protège même plus. Et je ne parle pas seulement des attentats : l’Europe, l’immigration, la perspective d’un traité transatlantique nous livrant pieds et poings liés à l’hégémonie américaine et que Bruxelles négocie toujours, c’est la France dans son être charnel qui est menacée, c’est son unité sociale et culturelle qui est déchirée. Or le quinquennat d’Hollande a fini de déconsidérer une république qui ne semble plus qu’un talisman verbal aux yeux d’une grande majorité de nos compatriotes. Si «  inactuelle », donc, que peut apparaître la question institutionnelle, le malaise des Français est bien « brûlant », tout simplement parce qu’est brûlante la situation du pays. Or, en France, comme par le monde, on a déjà vu les régimes les mieux établis s’effondrer en quarante-huit heures.

    Un autre sondage, réalisé du 30 août au 1er septembre, c’est-à-dire en même temps que le précédent, mais par l’IFOP pour Atlantico, le confirme de manière tout aussi impressionnante : 75 % des Français ne sont pas touchés par l’emploi des termes «  valeurs républicaines » et « république ». Comme l’observe Jérôme Fourquet, directeur du Département opinion publique à l’IFOP, on assiste là à « un phénomène de saturation », « en particulier en ce qui concerne les valeurs républicaines, avec une forte dégradation depuis mai dernier » (ils étaient 65% en mai 2015) [2]. Et on peut prévoir que la campagne électorale ne fera qu’aggraver ce phénomène ! Car on assiste parallèlement à une discrédit croissant de la parole politique : les Français ne se sentent « davantage touchés » qu’à 26 % (contre 38 en mai 2015) quand les politiques leur parlent d’identité nationale. Pourquoi ? En raison, évidemment, « du décalage observable entre les valeurs proclamées et les valeurs déclinées dans la réalité »**.

    On n’en sera pas étonné, c’est au FN que la thématique de l’identité nationale est la plus forte : 48 % s’y sentent « davantage touchés » par cette thématique, contre 10 % par celle de la république. Ce qui se traduit pas un autre décalage croissant : entre le discours officiel du FN et son électorat. Lorsque Marine Le Pen centre son propos sur la république ou les valeurs républicaines, elle délaisse 90 % de ses électeurs ! Un décalage que confirme le sondage sur la monarchie : alors que seuls 4 % des sympathisants de la gauche seraient favorables à l’exercice du pouvoir par un Roi, ils sont 37 % au Front National ; quand à peine 20 % des sympathisants de gauche estiment qu’un roi à la tête de la France peut avoir des conséquences positives sur l’unité nationale, ils sont 55 % au FN ! Comme le commente encore Frédéric Rouvillois, « ce qui est curieux, c’est qu’une partie importante des électeurs du Front national sont d’anciens électeurs de gauche ! Autrement dit, ces anciens électeurs de gauche, en allant vers le Front national, s’aperçoivent qu’une forme monarchique du pouvoir pourrait s’avérer positive »*.

    Et gageons que ce décalage croissant pourrait même finir par lasser les meilleures volontés si le parti continue d’en rajouter dans la surenchère laïciste pour contrer la surenchère islamiste. Etendre à tout l’espace public l’interdiction du port non seulement du voile islamique mais également des « grandes (sic) » croix et des kippas serait faire preuve d’aveuglement et donc de faiblesse puisque cela reviendrait à tomber dans le piège tendu par les islamistes : amener le législateur français à traiter de la même façon la tradition judéo-chrétienne, qui fait corps avec notre être, et des provocations identitaires étrangères à notre sol. Mais comment en serait-il autrement lorsqu’on ignore la spécificité, tant charnelle que spirituelle, de notre nation pour une conception idéologique, désincarnée de la France — la laïcité, les valeurs républicaines — que, finalement, partagent LR, PS et FN ? François Hollande, le 8 septembre dernier, à la suite de Sarkozy le 8 octobre 2015, ne définissait-il pas la France comme une simple «  idée », évidemment soluble dans cette autre idée qu’est la république ...et, surtout, la conception que se fait de cette même république Terra Nova, le groupe de réflexion socialiste devant lequel il s’exprimait salle Wagram ?

    On a beau jeu, ensuite, de reprocher au maire de Béziers sa reprise, du reste peu originale, de la phrase hypothétique de De Gaulle sur la France, pays de race blanche. Voilà à quelles oppositions stériles entre des définitions de la nation aussi fausses l’une que l’autre aboutit le refus de toute rigueur et formation intellectuelles pour l’électoralisme le plus immédiat. Un jeune campeur d’Action française pourrait, à la fin de sa première université d’été, renvoyer dos à dos tenants d’une conception idéologique et d’une conception ethnique du peuple français, lequel « est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation », selon le mot de Bainville. Encore faut-il qu’une laïcité oublieuse de son inspiration chrétienne ne dissolve pas ce composé qui doit être pensé dans son unité culturelle, spirituelle et historique. À la veille d’échéances importantes, ne réduisons pas la France à un ectoplasme conceptuel pour le plus grand bonheur des mondialistes ! 

    L’Action Frrançaise 2000

    Le Figaro du 2 septembre 2016  **  Sur Atlantico le 5 septembre 2016

  • Alain de Benoist : « François Hollande aurait fait un très bon marchand des quatre-saisons »

     

    Cet entretien qu'Alain de Benoist a donné à Boulevard Voltaire est d'une rare qualité. Qu'il explique ne pas parvenir à détester François Hollande comme homme quelconque est prétexte ici à réflexion, précisément sur ce qui distingue l'homme quelconque de l'homme d'Etat et, plus encore, de celui qui est investi du Pouvoir. Et de Benoist de définir à sa façon qui n'est pas celle de Boutang mais finit pas y ressembler, en quoi consiste un Pouvoir légitime : Sacralité - même en un sens laïque - assentiment populaire, incarnation de la souveraineté et du destin d'un peuple, d'une nation, singularisés par l'Histoire ... Et pour réaliser une telle incarnation, il ne faut pas être un homme quelconque, il faut être en surplomb... Il n'y a peut-être aujourd'hui plus beaucoup de sujets sur lesquels nous soyons en désaccord avec Alain de Benoist. En tout cas, celui dont il est question ici en est un exemple.  LFAR     

     

    1530443371.jpgC’est devenu un gag récurrent : chaque nouveau Président parvient à nous faire regretter son prédécesseur. Avec François Hollande, on a atteint le fond, non ?

    Contrairement aux commentateurs qui le couvrent d’injures (se défouler en éructant est le meilleur moyen de faire savoir qu’on n’a rien à dire), je ne parviens pas à détester François Hollande. Je me désole de le voir occuper le poste qui est le sien, mais sur le personnage lui-même, je n’ai rien à dire. Il aurait sans doute pu faire un convenable receveur des postes, un directeur de succursale d’une société d’assurances, un marchand des quatre saisons. En tant que premier secrétaire du PS, il n’a pas été pire qu’un autre : dans les magouilles et les petites blagues, il a toujours été à son affaire. Le seul problème est que ce personnage insignifiant est président de la République.

    Depuis Pompidou, Mitterrand excepté, la fonction de chef de l’État n’a cessé de se dégrader. Il n’y a plus de chefs, et il n’y a guère plus d’État. La comparaison est certes facile, mais on imagine évidemment mal le général de Gaulle aller faire du jogging en suant à grosses gouttes sous un tee-shirt aux armes de la police new-yorkaise, ou partant en scooter pour aller rejoindre sous la couette une pom-pom girl du show-business. Un chef de l’État doit avoir conscience qu’il n’est pas seulement lui-même, mais qu’il incarne une fonction. Qu’il se discrédite lui-même passe encore, qu’il rabaisse sa fonction est impardonnable. L’homme et sa fonction sont deux choses différentes, et c’est la fonction qui doit l’emporter.

    Cela pose la question de savoir ce que l’on est en droit d’attendre de la part d’un chef de l’État.

    Dans ce domaine, qu’on soit en monarchie ou en république, on en revient toujours à Ernst Kantorowicz et à sa célèbre thèse sur Les Deux Corps du roi. Bien sûr, on n’attend plus du chef de l’État qu’il guérisse les écrouelles, mais au moins qu’il soit conscient de ce qu’il incarne, à savoir cette fonction souveraine qui le met en position de diriger une nation, c’est-à-dire un peuple singularisé par son histoire. Quand on incarne une telle fonction, on ne va pas parler à la télévision dans des émissions de « divertissement », on ne joue pas au « type sympa » et on apprend à nouer sa cravate ! On respecte la fonction qu’on incarne, et on s’applique à la faire respecter. Or, le pouvoir n’est respecté que s’il garde une dimension de sacralité. Même dans une république laïque, même dans une société sortie de la religion, il reste une appétence pour le sacré, d’abord parce que tous les grands thèmes politiques modernes sont d’anciens thèmes religieux qui ont été rabattus sur la sphère profane, ensuite parce que les hommes obéissent à tout sauf à des choix rationnels. La sacralité du pouvoir est, au même titre que le suffrage populaire, le fondement de la légitimité.

    Mais cette dégradation est allée significativement de pair avec le déclin du politique. Cerné par l’économie, par la morale des droits de l’homme, par les diktats de l’expertocratie, le politique décline. Et c’est l’impolitique qui règne. François Hollande n’est pas seulement un homme inculte, qui n’est même pas capable d’articuler une phrase en français correct, c’est un homme qui ignore aussi ce qu’est la politique. Il l’ignore parce que les notions de mythe collectif, de marche du monde, de sens historique, lui sont étrangères. Tout comme ses prédécesseurs, il ne sait pas que la politique est tragique. Ou plutôt qu’elle l’était. Car la politique est aujourd’hui devenue comique. La grande erreur des politiques est de croire qu’ils seront d’autant plus populaires qu’ils apparaîtront « comme tout le monde », alors que c’est exactement l’inverse. Ce n’est pas la proximité qui rend populaire, c’est la hauteur et la grandeur. Ce n’est même pas d’être aimé, c’est d’être admiré. Pour être admiré, il faut faire de grandes choses. Et pour faire de grandes choses, il faut être en surplomb.

    C’est-à-dire ?

    Dans l’entretien exclusif qu’il vient d’accorder à la revue Éléments, Patrick Buisson dit à merveille ce dont il s’agit quand il se moque de « Hollande disant : si le chômage ne recule pas, je ne me représenterai pas. La belle affaire ! Il montre par là qu’il n’a rien compris à ce qu’est la puissance politique du mythe dans l’Histoire […] Les mythes sont les agents de l’Histoire, ils font l’élection. Pas l’économie. »

    Régis Debray rappelait récemment que « la conscience historique, c’est l’essence de toute grande politique ». Mais cette notion même de grande politique est totalement étrangère à la classe politique au pouvoir, qui ne connaît que la météorologie électorale, la politicaille et les « petites phrases » qui font du buzz, et qui ne raisonne plus qu’en termes de « communication » et d’« image » parce qu’elle croit qu’on peut remplacer l’autorité par la séduction. « Chacun sait, ajoutait Debray, que nos décideurs ne décident plus rien, que nos élus n’ont plus de prise sur le cours des choses, que l’art de gouverner consiste à faire semblant […] La fin du politique est ce qui fait époque en Europe. » La politique, ce n’est pas la discussion sur les 35 heures ou sur le statut des fonctionnaires, ce n’est même pas la croissance ou le chômage. La politique, c’est le regard perçant et l’esprit de décision, les grands projets collectifs, le sens du moment historique, la claire perception d’un sujet historique. La politique, ce n’est pas l’avenir, c’est le destin. Allez parler de « destin d’un peuple » à François Hollande ! Tous les hommes politiques sont aujourd’hui des intermittents du spectacle. 

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • François, pape philanthrope

     

    Par François Marcilhac 

     

    3466611312.jpgLe milliardaire et «  philanthrope  » George Soros semble avoir trouvé dans le pape François un concurrent redoutable en matière de surenchère immigrationniste. Car si les vingt et une mesures, qui peuvent être tirées du message papal publié le 21 août dernier, pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018, semblent pour un grand nombre d’entre elles démarquées du plan en six points que Soros, financier actif du village planétaire, a édicté en septembre 2015, toutefois, celui-ci semble plus raisonnable que le pape puisqu’il reconnaît tout de même que le placement des réfugiés doit s’effectuer non seulement «  là où ils le souhaitent  » mais également «  là où ils sont désirés  », et «  à un rythme adapté aux capacités européennes d’absorption  ». Foin de détails aussi bassement matérialistes pour le pape  : l’accueil des migrants et réfugiés ne doit prendre en compte ni les capacités économiques des pays hôtes, ou plutôt des pays cibles, ni leurs capacités culturelles d’absorption de masses humaines dont le mode de vie est souvent à l’opposé du nôtre. Qu’importe  ? Il s’agit d’«  accueillir, protéger, promouvoir et intégrer  » les migrants, par ailleurs non distingués des réfugiés, et qui, de ce fait, n’ont que des droits et aucun devoir, puisqu’ils incarneraient l’humanité souffrante.

    L’Action française et l’Église

    L’Action française n’a évidemment pas à se prononcer sur la compatibilité des propos du pape avec la théologie catholique. Mouvement laïque, accueillant en son sein pour leur seule qualité de citoyens des Français de toutes confessions et religions, ou simplement athées ou agnostiques, elle a néanmoins toujours observé que la physique politique qu’elle enseigne, et qui est conforme à l’ordre naturel, rejoint par cela même la doctrine sociale de l’Église. Sur ce point, elle ne fut jamais prise en défaut  : c’est pourquoi, si elle eut à subir, pour un temps, les foudres disciplinaires du Vatican, jamais elle ne fut condamnée sur le plan doctrinal. Maurras, lui-même agnostique, s’est toujours émerveillé de cet accord, du reste fondé dans le thomisme, entre les principes politiques, dégagés inductivement, et l’enseignement de l’Église. On est toutefois en droit de se demander si François ne méjuge pas sa qualité de pape pour celle de simple philanthrope en prenant ainsi fait et cause pour l’idéologie immigrationniste. Comme le remarque sur son site Metablog l’abbé de Tanoüarn, dans un article judicieusement intitulé «  Qu’est-ce qu’un Christ humanitaire  ?  »  : «  comme pasteur universel, la responsabilité du pape n’est pas “le développement humain intégral”, mais le salut des âmes  », ajoutant que la papauté moderne «  connaît la même tentation que la papauté médiévale d’Innocent III à Boniface VIII, cette confusion du spirituel et du temporel  », à savoir «  la même “temporalisation du royaume de Dieuque déplorait Jacques Maritain dans Le Paysan de la Garonne et la même volonté d’atteler le successeur de Pierre à un projet temporel universel, dont il serait la clé de voûte  ».

    Nous l’avions déjà observé pour l’Église de France en analysant, il y a juste un an, la calamiteuse lettre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France «  aux habitants de notre pays  »  : la sécularisation du message évangélique fait le lit de l’idéologie mondialiste en faisant du village planétaire le village-témoin, ici-bas, de la Jérusalem céleste. Ne rajoutons pas aux malheurs du monde en appelant amour du prochain la compromission avec la fausse générosité de l’oligarchie internationale, qui favorise de dramatiques déplacements de population pour en finir avec les nations. Et «  de même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationnisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit  » (abbé de Tanoüarn, Minute du 30 août 2017). Ne pensons pas non plus révolutionner le cœur de l’homme en opposant, en lui, le chrétien au citoyen, via l’opposition de la «  centralité de la personne humaine  » et des devoirs de l’État  : prétendre que la sécurité personnelle passe avant la sécurité nationale n’a évidemment aucun sens.

    Pas de sécurité sans cadre politique

    Laurent Dandrieu n’a pas eu de mal à montrer qu’«  il n’existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart  »  ; «  par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale  » (Le Figaro du 22 août 2017). Ce que rappelle également le philosophe chrétien Rémi Brague, par ailleurs grand spécialiste de l’islam, qui ajoute que l’État doit «  empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, “comme en pays conquis”, qu’ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux  », précisant  : «  une parabole  », comme celle du bon Samaritain, «  s’adresse à “moi  »  ; «  elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire  »  ; «  un État n’est pas une personne  » (Le Figaro du 1er septembre). Non pas opposition, mais différence d’ordre. C’est pourquoi, d’ailleurs, un État ne connaît que des ennemis publics (hostes) et les personnes privées des ennemis privés (inimici), dont, en bons chrétiens, elles doivent s’efforcer de pardonner les offenses. Mais en tant que citoyen, on doit aussi savoir combattre avec détermination les ennemis (hostes) de sa patrie, même si cela doit toujours se faire sans haine  : «  le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes  », rappelait Louis XV, le soir de Fontenoy  ; le «  sang impur  » est une notion républicaine  : elle n’est pas française.

    Ne jetons pas, enfin, aux orties l’identité pluriséculaire des sociétés européennes au profit d’un multiculturalisme qui provoque déjà chez nous ses effets multiconflictualistes. Il faudrait, selon le message papal, «  favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre  »  : mais comment croire, sans un angélisme particulièrement aveugle, que favoriser une «  intégration  » opposée à l’assimilation, c’est se placer «  sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général  »  ? Chaque jour nous apporte, en Europe, le témoignage du contraire. Non, tendre à une société multiculturelle généralisée ne rapprochera pas les hommes entre eux  ! Il fut un temps où le cardinal Bergoglio était plus lucide  : «  Qu’est-ce qui fait qu’un certain nombre de personnes forment un peuple  ? En premier lieu, une loi naturelle, et un héritage. En second lieu, un facteur psychologique  : l’homme se fait homme dans l’amour de ses semblables. […] Le “naturel” croît en “culturel”, en “éthique”. Et de là, en politique, dans le cadre de la patrie, qui “est ce qui donne l’identité”.  » (Cité in F. Rouvillois, La Clameur de la Terre, JC Godefroy, 2016, p. 65-66) Comme le rappelait Maurras dans Pour un jeune Français, la cohésion de la nation suppose qu’on s’accorde sur un bien vraiment commun à tous les citoyens. «  En d’autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera pas l’absolu, mais celui du peuple français.  » Seul ce bien commun national qui, loin d’être contraire au bien humain, l’incarne, sera notre guide sur la question des prétendus «  migrants  » – concept idéologique dont la fonction est de cacher des réalités différentes pour mieux organiser la soumission des nations à un ordre supranational.  

    Paru dans l'Action Française 2000 du 7 Septembre 2017.

     

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