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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (75)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : L'aristocratie ouvrière...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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Ouvriers imprimeurs et journalistes au comptoir, après le lancement de l'impression du journal...

 

De "Paris vécu", Première série, rive droite, pages 22/23 :

"...Adolphe Belval était le chef de l'équipe de typos qui composaient notre quotidien au début.
C'était un homme gros, solide, jovial, parigot dans l'âme, avec des yeux en grains de café, noirs et subtils dans une face ronde.
Sa valeur professionnelle était grande, son expérience consommée, dans ce métier difficile qu'est la confection d'un grand journal.
Il y a une élite ouvrière, notamment à Paris, passionnée pour les choses de l'esprit et les discussion théoriques et politiques, en même temps qu'habile en sa technique, et que je considère comme une véritable aristocratie.
De cette élite j'ai connu de nombreux spécimens, dans les hôpitaux et le monde des infirmiers, chez les typos, chez les cheminots, chez les chauffeurs (autrefois chez les cochers de fiacre), chez les garçons de restaurants et de marchands de vin, et dans bien d'autres professions.
Un ouvrier de Paris à l'esprit ouvert est plus intéressant, à mon avis, qu'un bourgeois de même niveau intellectuel, parce qu'il n'est pas gâté par la convention, l'apprêt, le chiqué, l'esprit d'académie, de faculté, de salon; sceptique et gouailleur, il est remarquablement accessible à une conviction forte, à une certitude même mystique, à un enseignement vigoureux.
Le goût d'apprendre, de s'instruire est très vif chez lui.
Quant aux typos, ils sont une aristocratie dans l'aristocratie dont je parle et fort capables de discerner ce qui est beau, nouveau, intéressant, de ce qui ne l'est pas.
Je parlais avec Belval comme j'aurais parlé avec un de mes collaborateurs de la rédaction, non pas seulement des choses et des gens, mais des idées.
Belval n'avait rien d'un primaire. Il s'exprimait bien, avec ces saines incorrections qui valent mieux que la correction morte d'un Hermant ou d'un Henri de Régnier.
Il croyait que le Gaillac valait le Château-Yquem (ce qui amusait beaucoup le cher comte Eugène de Lur-Saluces, propriétaire dudit Yquem), mais j'avais fini par lui arracher cette idée erronée.
En revanche, nous convenions tous deux que le pain de la boulangerie Hédé, rue Montmartre, était (il l'est encore) le roi des pains.
- Adolphe, voulez-vous m'expliquer pourquoi on ne trouve plus de bon brie à Paris ?
- Monsieur Dau...daudet c'est par...parce que la...la fabrication n'est plus la même. Mais je vous en trou...trouverai de...demain soir.
Le lendemain soir, en effet, nous lâchions l'imprimerie et Maurras, dans le feu de son article - sous la surveillance implacable de Boisfleury - pour aller déguster, au Croissant, un quartier de brie sans plâtre, accompagné d'un pain "polka" de chez Hédé, craquant à souhait, avec ce que j'appelle une mie des anges, id est à odeur de froment.
Il n'y a rien de meilleur ici-bas. Puis, comme je suis faible avec les gens que j'aime bien, je laissais Adolphe faire venir un Gaillac..."

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