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  • Michel De Jaeghere: «Napoléon, faites entrer l’accusé».

    © Rmn - Grand Palais (château de Versailles) / Franck Raux / SP.

    Le bicentenaire de la mort de Napoléon est l’occasion d’une campagne de dénigrement de l’Empereur. Pour Michel De Jaeghere, directeur du Figaro Hors-Série, qui consacre un sublime numéro au conquérant, Napoléon est attaqué car il incarne tout ce que ses adversaires détestent: la France.

    3.jpgChateaubriand, retour d’exil, avait écrit que Bonaparte avait été «marqué de loin» par la Providence «pour l’accomplissement de ses desseins prodigieux». On était en 1803 et le Concordat avait, de fait, dopé les ventes du Génie du christianisme, dont on publiait la deuxième édition. L’écrivain en était vite revenu, comparant dès 1807 dans le Mercure de France l’Empereur à Néron et dénonçant, derrière «le tyran déifié (…), l’histrion, l’incendiaire et le parricide». Il avait quitté entre-temps la Carrière. Il n’espérait plus jouer de rôle politique sous l’Empire et vivait le parfait amour avec Natalie de Noailles, beauté ensorcelante issue d’un milieu royaliste où l’on espérait encore une chute rapide du régime: sous la forme d’un coup d’audace, l’article avait eu quelque chose d’un serment d’amour. Ecrit au lendemain d’Eylau, où les armes avaient paru, soudain, contraires aux espérances françaises, il avait été publié après la victoire de Friedland, à la veille de l’apogée de Tilsit. «L’acte de courage devenait un suicide», écrit André Maurois. Le contretemps avait valu à Chateaubriand les foudres du maître, et plusieurs années de relégation à la Vallée-aux-Loups.

    Le 4 avril 1814, alors que depuis cinq jours Paris a capitulé devant les troupes alliées, et tandis que le tsar, vainqueur, hésite encore sur le gouvernement auquel il va confier la France, Chateaubriand fait paraître De Buonaparte et des Bourbons. La brochure a été écrite dans l’urgence et la fièvre. L’écrivain en avait, pendant sa rédaction, caché chaque nuit sous son oreiller le manuscrit, laissant deux pistolets chargés auprès de son lit. Plaidoyer pour le retour de la branche aînée des Bourbons sur le trône de leurs pères, elle accable un «Buonaparte» désormais désigné comme un fléau du Ciel avec toute la violence et l’excès d’une œuvre de combat. L’Empereur déchu n’avait été, à la lire, qu’un étranger sans parole et sans lois, qui avait semé le crime et l’oppression dans le sillage de la plus tatillonne des dictatures policières, livré le pays au pillage afin de financer une administration tracassière, poursuivi des conquêtes inutiles au fil desquelles il avait mis la jeunesse de France en coupe, épuisant son armée dans l’absurde guerre d’Espagne et la désastreuse campagne de Russie, au terme de laquelle il avait lui-même abandonné ses hommes à la défaite et à la mort.

     

    Ils dénonçaient l’Ogre qui avait fait périr plus d’un million de soldats et réclamait chaque année, comme Moloch, sa ration de chair fraîche. 

     

    Le libelle n’était pas, à vrai dire, le premier du genre. D’autres avaient, dès 1813, commencé à paraître sous le manteau. Ils dénonçaient l’Ogre qui avait fait périr plus d’un million de soldats et réclamait chaque année, comme Moloch, sa ration de chair fraîche ; l’Antéchrist qui avait emprisonné le pape et détrôné les rois. De 1814 à 1821, les pamphlets se multiplièrent. Jean Tulard en a recensé plus de cinq cents (L’Anti-Napoléon, 1964). Ils se proposaient de dissiper les images glorieuses imprimées aux esprits par quinze ans de propagande, en même temps que de désarmer les nostalgies que pouvait faire naître le souvenir de l’épopée, par comparaison au spectacle d’un roi podagre, régnant sur une France diminuée. L’euthanasie des pestiférés de Jaffa, le départ clandestin d’Egypte, les violences antiparlementaires du 19 brumaire et l’abandon de la Grande Armée lors de la retraite de Russie offraient les thèmes autour desquels s’ordonnaient mille et une variations. Les ultras ne pardonnaient pas à Napoléon d’avoir retardé une Restauration qui aurait pu survenir, sans lui, dès octobre 1795 ; qui avait été à deux doigts de se faire en 1799, dix ans à peine après la prise de la Bastille. Les libéraux lui reprochaient d’avoir détourné le cours de la Révolution pour installer son pouvoir personnel. Mme de Staël et Benjamin Constant regrettaient qu’il n’ait pas mieux suivi les leçons du salon de Coppet, et respecté les libertés modernes.

    Un demi-siècle passe. Pour son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, appelé à devenir la bible des instituteurs de la IIIe République, Pierre Larousse consacre en 1867 et 1874 deux articles distincts à Bonaparte et à Napoléon (ils ont chacun la taille d’un livre). Le premier avait porté «le nom le plus grand, le plus glorieux, le plus éclatant de l’histoire». Mais il était «mort au château de Saint-Cloud, près de Paris, le 18 brumaire». L’autre était un général factieux, un usurpateur et un parvenu, étranger à la France «par la race et par les idées», fossoyeur d’une Révolution dont il avait étouffé «les principes et les résultats (…) dans des vues de grandeur personnelle et d’intérêt privé», méprisant pour un peuple qu’il n’appréciait que pour sa «force brute, dans la mesure où il pouvait l’exploiter pour ses tueries». Son règne avait été une «réaction haineuse» imitée du «césarisme byzantin».

     

    « Sauf pour la gloire, sauf pour l’“art”,il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé. »

    Jacques Bainville

     

    A l’autre extrémité du spectre politique, Jacques Bainville rouvrit le dossier en 1931, avec une biographie qui, plus qu’un récit de la vie de l’Empereur (celle de l’homme privé avait été, déjà, détaillée dans les livres de Frédéric Masson ; celle de l’homme public, racontée dans l’Histoire du Consulat et de l’Empire d’Adolphe Thiers), se voulait réflexion sur le sens de son aventure. Son analyse était plus subtile. Elle était à peine moins sévère: Napoléon avait poursuivi, à ses yeux, une ambition dont il n’avait pas les moyens. Faire accepter à l’Angleterre, à l’Autriche et à la Prusse l’annexion de la Belgique et l’hégémonie française sur l’Europe aurait pu être l’œuvre d’une dynastie. Elle demandait des siècles, une continuité, une stabilité, du temps dont, faute de légitimité, Napoléon était dépourvu. Il s’était efforcé de l’imposer à la hussarde, déployant les ressources de tout son génie pour surmonter la précarité de victoires encore et toujours à refaire. Il s’était heurté aux lois inexorables de l’histoire, et il avait fini par laisser la France, exsangue, plus petite qu’il ne l’avait reçue. «Sauf pour la gloire, sauf pour l’“art”, concluait-il, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé.»

    Publiant en 1937 Jeanne d’Arc, Louis XIV, Napoléon, Charles Maurras y reprit à son compte les analyses de son ami Bainville en s’efforçant de traiter Bonaparte «de sang-froid». Rendant hommage à «l’épée fulgurante» qui avait porté l’art militaire français à l’«incandescence», il reprochait au souverain d’avoir miné l’Europe de l’ordre et de l’équilibre en y infusant le principe des nationalités, qu’il jugeait appelé à rendre les nations, «déesses d’un monde nouveau», insatiables. Simplifiant au cœur du continent le chaos germanique, Napoléon avait en outre ouvert la voie dangereuse de l’unité de l’Allemagne. Il pouvait bien avoir abaissé et démembré la Prusse: réveillant, par son humiliation même, le sentiment national allemand, il avait, avec la confédération du Rhin, offert pour l’avenir aux Hohenzollern un formidable champ d’expansion. Son œuvre intérieure avait, dans le même temps, avalisé la destruction révolutionnaire des corps intermédiaires au nom d’un égalitarisme qui laissait désormais l’individu-nain en tête à tête avec l’Etat-géant.

    Le réquisitoire comportait, cependant, cet étrange codicille, qui en dit long sur le regret d’avoir dû, par raison raisonnante, refuser de céder à l’enchantement: «Il y a l’homme, disait le maréchal Lyautey! On ne cite pas de créature plus émouvante. L’admiration ne tarit pas. Mémoire immense, génie de l’organisation, flamme de rêve, psychologie aiguë, puissance de travail, étendue et ressort de la volonté, le sujet est inépuisable, et l’épuiserait-on, il resterait le charme: le romantique charme d’une carrière unique par l’abrupte sauvagerie du point de départ, le vertige de l’apogée, l’éloignement du point de chute. (…) Le tout oblige à répéter:“Encore une fois, je le trouve grand!”»

    Le bicentenaire de la mort de Napoléon est commémoré en 2021 par l’organisation d’une splendide rétrospective de sa vie et de son œuvre à la Grande Halle de La Villette, en même temps que par une superbe exposition sur ses derniers instants au musée de l’Armée («Napoléon n’est plus»). Par le nombre des publications, colloques, conférences, expositions parisiennes et provinciales qu’a coordonnés à cette occasion la Fondation Napoléon, on mesure que, cinquante-deux ans après le lancement des festivités qui avaient célébré, en 1969, l’anniversaire de sa naissance, la ferveur n’est pas retombée en France.

     

    Victime de l’intersectionnalité des luttes, il doit désormais répondre d’accusations relatives au nouvel ordre moral qui fait chaque jour sentir son emprise de manière un peu plus étouffante. 

     

    Ce même bicentenaire est marqué pourtant, dans la presse et le monde politique, par la reprise du procès dont Napoléon est l’inusable prévenu, et qui semble ne jamais devoir se conclure. Les chefs d’accusation ont cependant changé de nature. Napoléon n’est plus menacé par le feu croisé des jacobins et des ultras, des libéraux, des contre-révolutionnaires et des républicains. On ne lui demande plus compte de l’équilibre européen non plus que du respect des libertés individuelles. Foin de ces vieilleries! Victime de l’intersectionnalité des luttes, il doit désormais répondre d’accusations relatives au nouvel ordre moral qui fait chaque jour sentir son emprise de manière un peu plus étouffante. Napoléon n’avait-il pas traité les femmes, dans le Code civil, en mineures? Ne s’était-il pas lui-même comporté parfois comme un soudard avec certaines d’entre elles? N’avait-il pas négligé d’abolir l’esclavage en Martinique, lorsqu’il avait recouvré en 1802 la souveraineté sur l’île, où il avait été maintenu par les Anglais depuis 1794? Pis encore, cédant aux incitations du Sénat conservateur, aux pressions des planteurs, ne l’avait-il pas rétabli en Guadeloupe au prétexte que son abolition avait ruiné l’île? N’y eut-il pas là chez lui une manifestation typique du «racisme systémique» de cet Occident que des populations du monde entier s’efforcent par tous les moyens de rejoindre alors même qu’on paraît ne jamais devoir clore la liste de ses crimes?

    Napoléon fut, pour le meilleur et pour le pire, un homme blanc ; il n’était pas vegan, il ne triait pas ses déchets. Il est trop tard pour lui en faire grief (nul ne propose encore que soient réexhumées ses cendres et qu’elles soient jetées, en signe d’exécration, à la fosse commune: cela viendra peut-être). Mais il reste loisible aux spécialistes du harcèlement démocratique de tenter de nous interdire de nous pencher sur son souvenir sans faire au préalable repentance. Nous en avons, depuis vingt ans, tellement pris l’habitude! Cela ne serait, après tout, qu’une fois de plus.

     

    Ce qu’ils lui reprochent, c’est en définitive d’avoir été « grand » 

     

    Notre réponse aura pourtant, ici, quelque chose de plus décisif. On pourrait certes tenter de faire valoir que Napoléon fut homme de son temps, qu’engagé dans le maelström politique il avait accepté de s’y compromettre, et de faire, ici ou là, des choix discutables, des erreurs de jugement, des fautes, mais qu’il s’était efforcé d’étreindre son époque avec une énergie sans pareille, et avait fait briller, dans le brouhaha d’une France à peine sortie de la commotion révolutionnaire, des éclairs de génie. Ce serait en quelque sorte plaider les circonstances atténuantes. Mais ces arguments seraient en réalité irrecevables pour ses adversaires, et il est temps peut-être d’adopter contre l’indigénisme, la cancel culture et leurs produits dérivés ce que Jacques Vergès appelait «la défense de rupture». Car les animateurs de cette campagne se moquent bien au fond de Napoléon, des femmes et de l’esclavage. S’ils entendent substituer, à Rouen, la statue de Gisèle Halimi à celle de l’Empereur parce qu’elle fut militante de la cause féministe et avocate du FLN, c’est bien parce que l’histoire de l’Empire les indiffère. Ce qu’ils veulent, c’est nous imposer les canons de leur nouvelle morale en décrétant ce qui a droit ou non à notre admiration. Ce qui les indispose, chez Napoléon, ce ne sont pas les faiblesses réelles ou supposées de son règne, c’est d’avoir illustré de manière éclatante ce «monde d’avant» dont ils entendent nous faire honte afin de désarmer en nous le désir de rester ce que nous sommes. Ce qu’ils lui reprochent, c’est en définitive cela même que lui reconnaissait Maurras, pourtant adversaire de sa cause: d’avoir été «grand», à l’image de l’histoire et de la civilisation dont il a été, un instant, le porte-parole et l’incarnation. La réponse que nous ferons à ses accusateurs dépassera dès lors le cadre d’une controverse savante: elle témoignera de notre volonté de poursuivre l’aventure, ou de notre résignation à sortir, confus, de l’histoire.

     

    Michel De Jaeghere est directeur du Figaro Hors-Série et du Figaro Histoire.

    Cet éditorial est extrait du nouveau Figaro Hors-Série.

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    «Napoléon. L’épopée - le mythe - le procès», 162 pages, 12,90 €, disponible en kiosque et sur le Figaro Store.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • “La France, ce n’est pas la république et la république, ce n’est pas la France” : les dernières vérités de Jean Raspail

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

    Immense écrivain, monarchiste, ex-président du Comité national pour la commémoration de la mort de Louis XVI, Jean Raspail, décédé samedi à l'âge de 94 ans, nous avait reçus chez lui début 2019 pour un long entretien. La Révolution, la République, la foi, les rois et les livres : les vérités sans tabou d’un visionnaire enraciné.

    « Quand on représente une cause (presque) perdue, il faut sonner de la trompette, sauter sur son cheval et tenter la dernière sortie, faute de quoi l’on meurt de vieillesse triste au fond de la forteresse oubliée que personne n’assiège plus parce que la vie s’en est allée ailleurs ». Cette citation du Roi au-delà de la mer, qui sera prochainement réédité, illustre bien son auteur, Jean Raspail, homme libre, explorateur et marin, écrivain d’une foi, la foi royaliste, et consul général d’un royaume mythique et oublié, la Patagonie. Les multiples prix littéraires, dont le Grand prix littéraire de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre en 2003, saluent ainsi une voix qui a su faire mémoire de peuples oubliés, conter des rivages lointains entre imaginaire et réalité mais aussi défendre une cause ancrée dans notre histoire française, celle du roi. C’est un homme fidèle à lui-même, fort de ses convictions, d’une courtoisie rare et, hélas, disparue, qui nous a reçus dans son salon aux multiples hommages marins, pour évoquer cette notion sacrée du pouvoir qui réunissait les coeurs et les ferveurs. Une discussion entre volutes de cigarettes et dégustation de whisky empreinte d’audace et d’idéal.

    Valeurs actuelles. La France est une république depuis de nombreuses années. Pourtant, les royalistes n’ont pas disparu et continuent à prôner le retour du roi. Vous en faites vous-même partie : qu’est-ce qui vous a conduit à cette identité politique ?

    Jean Raspail. C’est une décision que j’ai prise car elle m’a semblé très logique. Mon père, qui n’était pas du tout royaliste à l’origine, l’est devenu de la même façon : en réalisant qu’avoir le roi était la manière la plus simple de gouverner un pays. Car le roi n’est pas seul, il est issu d’ancêtres présents en France depuis des milliers d’années et est façonné par cette histoire familiale intiment liée à son pays.

    Le dernier ouvrage de Philippe de Villiers, consacré au premier roi de France, Clovis, est intéressant à ce titre car il montre que la royauté a créé la France. Bien entendu, cette construction s’est faite avec l’appui de la religion chrétienne, naissante dans notre pays à cette époque-là. Toute cette succession de rois a, par leurs lois, leurs combats, leur foi, façonné la France. C’est la fameuse phrase qu’adressaient les royalistes au comte de Paris il y a une quarantaine d’années : “héritier des quarante rois qui en mille ans ont fait la France”. Mais il y a eu beaucoup plus que quarante rois et bien plus que mille ans…

    En outre, le roi est l’incarnation de la nation, ce que n’arrive pas à faire un président de la République, élu pour un court terme, à la courte vision et aux intérêts égoïstes. Le roi, lui, n’est pas élu : la fonction lui incombe par son sang et par son sacre. Il y a d’ailleurs un lien mystérieux entre le divin et le roi. Le roi est roi car il est aidé par la grâce divine reçue par l’onction de l’huile sainte. Il y a une grâce de Dieu dans ce sacre, ce qui n’existe pas avec la république. La légitimité se trouve alors du côté du sacré. Vous constaterez d’ailleurs que les monarchies qui fonctionnent encore en Europe sont celles où le roi a été sacré.

    Le roi est l’incarnation de la nation, ce que n’arrive pas à faire un président de la République, élu pour un court terme, à la courte vision et aux intérêts égoïstes.

    On constate justement une certaine perte du sacré dans nos sociétés. Si un roi revenait mais refusait de se faire sacrer, serait-il tout de même légitime à vos yeux ?


    J’ai écrit trois livres à ce sujet, tout est dedans… Le pouvoir royal est héréditaire et est tout aussi naturel que le rythme des marées. Il devient en revanche sacré par les neuf onctions à Reims. Il acquiert alors toute sa grandeur et sa plénitude. C’est pourquoi un roi qui se refuse au sacre, s’il est et reste le roi, est un roi “tronqué”, rapetissé. De toute façon, en France, un roi ne reviendra que si l’un des deux prétendants actuels accepte de faire hommage à l’autre. De même, comme je le dis dans Le Roi au-delà de la mer, qui sera prochainement réédité, pour qu’un roi prenne le pouvoir en France il faudrait qu’il ose prendre possession, pour commencer, d’une petite partie du territoire.

    Mais même si notre époque perd le sens du sacré, je crois qu’au fond de l’homme occidental persiste une conscience, parfois étouffée, qu’il existe un univers du sacré. C’est cette conscience qui l’a conduit à dresser églises et cathédrales dans l’Europe entière. Un exemple actuel est la résurrection de la Russie, favorisée par son retour à l’orthodoxie. Les pays qui aujourd’hui renouent avec le christianisme retrouvent ainsi une certaine grandeur.

    Comment expliquez-vous que le pouvoir royal paraisse à beaucoup de Français une chose peu naturelle ?


    J’ai été élevé dans des écoles catholiques où on nous apprenait le sens de l’honneur, l’histoire de notre pays avec ses grandeurs tout comme ses déshonneurs, où on transmettait une certaine éducation, notamment religieuse. Tout cela permettait d’appréhender la royauté comme un phénomène naturel découlant de notre histoire. Or cette éducation ne se fait plus, sauf dans certains isolats soudés comme le scoutisme. C’est d’ailleurs là une source d’espoir : après la guerre le mouvement était en déclin total et fut récupéré par la gauche. Tout esprit religieux fut supprimé du scoutisme. Or les choses changent : sans publicité, les mouvements scouts recrutent par centaines et retrouvent le sens du sacré qu’on leur avait ôté.

    Mais je pense que, comme ce fut le cas au temps des Barbares, ce sont les moines qui nous sauveront. Lorsque l’on sort de chez eux, on est transfiguré intérieurement. Ils forment une chaîne de prière avec la divinité. D’ailleurs certains monastères, comme le Barroux, transforment par leur rayonnement la région dans laquelle ils s’implantent. Je me dis souvent que si la France ne redevient pas chrétienne, le roi ne reviendra jamais !

    Les pays qui aujourd’hui renouent avec le christianisme retrouvent ainsi une certaine grandeur.

    Comment expliquer la déchristianisation française ?


    Beaucoup de choses sont en cause. Par exemple, je suis persuadé que le changement de liturgie y est pour quelque chose. Même si avec le motu proprio du pape benoît XVI les choses évoluent, les évêques refusent toujours de redonner des paroisses aux catholiques traditionalistes, c’est regrettable.

    Quels sont ces isolats auxquels vous faites allusion ?


    En termes ethnologiques, il s’agit d’une tribu en train de se rétrécir à cause de diverses raisons, qui s’isole dans un lieu bien spécifique. Ce sont de petites parties du territoire qui se coupent du reste du pays pour se protéger d’une société dont elles ne reconnaissent plus les valeurs et la violence. Ainsi, un nombre croissant d’isolats chrétiens se développe. D’une autre manière, le Puy du Fou est un extraordinaire isolat, qui offre une culture et du lien attirant des volontaires toujours plus nombreux. De même, la Patagonie est un immense isolat qui regroupe des milliers de personnes à travers notre Hexagone. Je reçois de très nombreuses demandes de naturalisation chaque semaine. Au final, ces isolats finiront par se rejoindre et permettront, je l’espère, une certaine relève française.

    Pourquoi avoir lancé et pris la présidence, en 1993, du Comité national pour la commémoration de la mort de Louis XVI ?


    J’ai trouvé que c’était une honte que l’on n’honore pas le bicentenaire de l’assassinat de Louis XVI. Pour donner du poids à cette commémoration, nous avons fondé un comité d’honneur, composé de gens formidables, parmi lesquels trente ducs, dont le duc de Rohan. Y figurait également la baronne Élie de Rothschild, et l’ambassadeur des États-Unis… C’était magnifique !

    Certes, nous avons également essuyé des refus, notamment de la part de membres de l’Académie française que je connaissais à peu près tous — je m’y étais d’ailleurs moi-même présenté, mais ils n’ont jamais voulu de moi. Je suis ainsi allé voir Jean d’Ormesson, qui m’a répondu : « Non, Jean, ce n’est pas possible, parce que je suis républicain. » J’ai également “démarché” en vain Maurice Schumann, qui était aussi sénateur. Il m’a reçu très gentiment, mais m’a rétorqué : « C’est une très bonne idée ce comité, mais je ne crois pas que ce soit le moment de diviser de nouveau la France. » Je pense, en réalité, qu’il avait, comme d’autres, un peu la trouille… Mais cela est sans importance. Je veux d’abord me souvenir de l’engagement, puis du formidable enthousiasme de tous ceux qui ont osé nous rejoindre. Je pense notamment à Maurice Rheims, que je connaissais et pour lequel j’avais une grande d’admiration. Avec lui, les choses sont allées très vite. À peine avais-je commencé qu’il m’a interrompu : « Écoute-moi, Jean, pour Louis XVI, tout de suite ! Les Juifs n’oublieront jamais ce qu’il a fait pour eux. » La même réponse m’a été faite par la baronne Élie de Rothschild, qui a, de plus, participé financièrement, ce qui nous a été fort utile car nous ne disposions d’aucuns moyens, ou presque. Contrairement à l’immense majorité des Français, ignorant ce fait, les Juifs continuent d’éprouver une vraie reconnaissance envers Louis XVI, qui leur a accordé — ce qui était tout à fait exceptionnel pour l’époque — la plupart des droits dont bénéficiaient les Français.

    Quand on me demande à qui je dois mon grade d'officier de la légion d'honneur, je réponds : « À Louis XVI ! »

    Votre engagement royaliste ne vous a pas empêché d’être promu au grade d’officier de la Légion d’honneur…


    Là aussi, l’histoire est étonnante. Huit ans après la commémoration en l’honneur de Louis XVI, et alors que j’étais déjà chevalier de la Légion d’honneur, je reçois une lettre m’informant de cette promotion — que j’avais d’autant moins demandée que, par tradition, elle ne se réclame pas. Jacques Chirac était alors président de la République et Jean-Pierre Raffarin, signataire du courrier, Premier ministre. Surpris, je regarde l’adresse et lis : « Monsieur Jean Raspail, Président du comité national pour la célébration solennelle de la commémoration de la mort de Louis XVI ». Bref, c’est cette initiative qui a failli être interdite par la République qui me valait, huit ans plus tard, d’être décoré ! Quand on me demande à qui je dois cette nomination, je réponds : « À Louis XVI ! »

    Pour en revenir aux rois, justement, quels sont, selon vous, les plus grands rois de notre histoire ?


    C’est une question difficile, car chacun des règnes doit être replacé dans son époque. Une certitude cependant : la très grande majorité de nos rois ont été de grands rois. C’est, par exemple, incontestablement le cas d’Henri IV, qui a sauvegardé la monarchie d’une situation généalogique inextricable. Il a rétabli un royaume qui était en train de se disloquer et a rétabli la France. Son action incarne la puissance de la royauté. Pour d’autres raisons, j’apprécie beaucoup François Ier, le roi de la Renaissance. D’une manière générale, outre nos rois, il y a eu aussi de grandes personnalités qu’on oublie, tels les Bourbons-Parme. Mais attention, je reconnais aussi qu’il y a eu à certains moments de notre histoire, par exemple sous Marie de Médicis, des périodes extrêmement déplaisantes. Le massacre de la Saint-Barthélemy est ainsi un épisode impardonnable.

    Considérez-vous Louis-Philippe, notre dernier monarque, comme un “vrai roi” ?


    Non. Il n’a pas été sacré. Ce qu’il a lui-même décidé. Il se voulait le roi du peuple. Mais pas le roi tout court…

    Quel regard portez-vous sur Saint Louis ?

    Je suis un de ses admirateurs, même si l’on peut s’interroger sur sa participation personnelle aux croisades. Certes, la fin des royaumes du Proche-Orient nécessitait son intervention, mais était-il nécessaire qu’il y aille lui-même ? Il a considéré que parce qu’il était le roi de droit divin, il était de son devoir de se rendre aux croisades. Si vous me permettez une digression, on peut considérer son attitude comme le contraire de celle, aujourd’hui, du pape François. Il est le pape mais ne veut pas qu’on le prenne pour le pape. Le premier geste qu’il a eu quand il a été nommé sur le trône de Pierre fut, par exemple, de prendre sa propre voiture et d’aller payer l’hôtel où il avait passé la nuit à Rome. D’autres exemples ont suivi depuis. Cette attitude se veut empreinte de modestie ; mais on ne demande pas au pape d’être modeste. On attend de lui une certaine allure. Pour les catholiques, et dans la mesure où Dieu existe — ce qu’à l’instar de mon ami Jean d’Ormesson je ne sais toujours pas, même si je l’admets —, le pape en est le représentant sur Terre. Or si Dieu a créé la Terre et ses merveilles, le pape doit avoir une certaine représentation.

    L'esprit “de gauche”de Vatican II a entraîné une décrue dommageable du sacré et de sa représentation.

    Cette rupture avec “l’allure” dont vous parlez, à qui ou quoi l’attribuez-vous ?


    En grande partie à Vatican II, évoqué ci-dessus pour le changement de liturgie, bien sûr, dont l’esprit “de gauche”, si l’on peut utiliser de terme, a entraîné une décrue dommageable du sacré et de sa représentation.

    Vous avez écrit un livre inachevé, La Miséricorde. À la fin, vous expliquez avoir décidé de ne pas finir ce livre. Pourquoi ce choix ?


    Ce livre était un inédit que j’ai proposé à mon éditeur qui me sollicitait. Et puis le public s’y est intéressé, au point qu’il a été traduit dans plusieurs pays, notamment en Pologne, où il fait un tabac. Ils sont catholiques, les Polonais ! Ils sont nationaux, ils aiment leurs frontières ! Le livre va donc ressortir en français. En revanche, je le laisserai inachevé. Et je ne vous dirai pas pourquoi j’ai décidé qu’il en soit ainsi : c’est trop personnel.

    Mais on sent qu’il a cheminé en vous depuis le début…


    C’est vrai. Je pense que c’est un livre qui me représente très bien. Je n’irai pas au-delà pour les confessions. Je n’apprécie pas beaucoup les écrivains confessionnels, ceux qui parlent d’eux, qui racontent leur vie… Je le fais très rarement. Là, c’est une exception. Et encore n’est-ce pas moi le narrateur… Mais, je vous l’ai dit, il restera inachevé.

    Lors de leurs allocutions et discours, les présidents de la République concluent par le traditionnel “Vive la République, et vive la France !”, comme si les deux étaient indissociables. Qu’en pensez-vous ?


    Il faudrait évidemment se contenter de “Vive la France !” La France, ce n’est pas la république. Et la république, ce n’est pas la France. C’est un système de gouvernement. Rien de plus. Moi je souhaiterais le retour à la féodalité. C’était formidable, la féodalité ! On avait quelqu’un au-dessus et au-dessous de soi. Et l’on se protégeait les uns les autres.

    Avez-vous déjà voté ?

    Voté ? Jamais. Imaginez-vous un royaliste voter pour le président de la République ? En revanche, je vote à Paris pour les municipales. En espérant, la prochaine fois, que soit mis un terme au mandat d’Anne Hidalgo…

    Imaginez-vous un royaliste voter pour le président de la République ?

    Un mot sur

  • GRANDS TEXTES (28) : Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand, par Charles Maurras

    Devant l'Histoire....

    Le 8 mai 2011, le site Maurras.net - sous le titre Comment Maurras dénonçait Hitler en 1937 - a envoyé ce texte de Maurras (alors en prison) en l'accompagnant du commentaire suivant (extrait) :

    "...En avril 1937, la librairie d’Action française publie une brochure de propagande destinée à montrer au public, et à rappeler en bons arguments aux militants, en quoi le nationalisme français se distingue en tout du fascisme mussolinien et du national-socialisme hitlérien. C’est Marie de Roux qui en rédige l’essentiel ; Maurras y ajoute une postface, Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand, que nous publions aujourd’hui, en lui adjoignant en note l’essentiel d’un billet écrit par Jacques Bainville en 1933, peu après l’accession d’Hitler au pouvoir.

    L’argumentation est solide et carrée.

    D’une part le racisme aryaniste est une ineptie, issue d’ailleurs d’auteurs français (Gobineau, de Leusse, Vacher de Lapouge) que Maurras et l’Action française avaient vertement condamnés bien avant qu’Hitler ne s’empare de leurs thèses; d’autre part cet Hitler n’est que le dernier avatar du danger pangermaniste dont l’Action française a toujours été le plus résolu des adversaires. Il n’y a donc rien de commun entre le nationalisme français, défensif et civilisateur, et le nationalisme allemand, barbare et expansionniste.

    Cette argumentation a-t-elle été entendue ? Des militants qui la connaissaient déjà par cœur, sans doute. Mais vis-à-vis de l’histoire, elle n’a pas pesé lourd, et lorsqu’après 1945 un Ernst Nolte cherche à disculper son pays de la responsabilité des horreurs nazies, il n’a qu’à reprendre à son compte et au pied de la lettre les vociférations de la gauche française : l’Action française était nationaliste ? Parbleu, alors c’est clair, elle était la préfiguration du fascisme et de l’hitlérisme.

    Il reste qu’aujourd’hui, le lecture du texte de Maurras en 1937 a quelque chose d’éclairant !"

    Dans un précédent envoi, le site rappelait :

    "...En juillet 1936, il (Maurras, ndlr) écrit dans l’Action française à propos du nazisme : « l’entreprise raciste est certainement une folie pure et sans issue ». En mars 1937, applaudissant à la condamnation du nazisme par le Pape, il précise ainsi sa propre position : « Tous les esprits impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle 'la théorie du sol et du sang', théorie métaphysique, bien entendu, qui substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une distribution toute subjective fondée sur les races et sur les climats, dérivée du principe que l'Homme allemand ('all-mann') est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des religions[». Il traite de « basses sottises » les idées de Gobineau et de Vacher de Lapouge et rappelle qu'il écrivait, déjà trente ans auparavant : « J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique. » Il demande une traduction non expurgée de Mein Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions hitlériennes avaient été censurés dans la version française..." 

     

    NATIONALISME FRANCAIS ET NATIONALISME ALLEMAND 2.jpg 

    Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand

     

    I
    Les Encycliques

           

    On ne saurait trop le dire, les deux dernières encycliques (1) sont des événements.

    La condamnation du communisme va contribuer puissamment à rétablir une unité profonde entre les défenseurs de l'ordre, et dans l'état présent du monde il n'y a rien de plus désirable.  

     

    divini redemptoris.jpg

    Texte complet (en français) : http://www.vatican.va/holy_father/pius_xi/encyclicals/documents/hf_p-xi_enc_19031937_divini-redemptoris_fr.html

     

           

    La condamnation, formelle et directe, de l'hitlérisme apporte enfin le trait de lumière souhaité aux esprits qui hésitaient sur les terrains vagues du nationalisme modéré ou du nationalisme exagéré, ces adjectifs qualificatifs n'ayant dit rien de net à personne, sinon que le premier était licite et le second interdit. Comment, jusqu'ici, se débrouiller là-dedans ?

     

    mit brennender Sorge Titel Seite.jpg  

    Texte complet (en français) : http://lesbonstextes.awardspace.com/pximitbrennendersorge.htm

     

     

    On sait maintenant ce qui est interdit, c'est l'hitlérisme, c'est le germanisme d'Hitler, c'est la métaphysique religieuse du sol et du sang.

    Il ne s'agit pas de renier sa race ni sa patrie. Il s'agit de distinguer entre des notions morales, des sentiments naturels, des idées humaines et ce qui fait l'objet d'une sorte de monothéisme historique, temporel et terrestre tout à fait aberrant.

     

    II
    Trente ans avant Hitler

           

    Les Français qui, par comparaison à l'hitlérisme, voudront s'informer de la véritable nature du nationalisme de leur pays ont à leur disposition des textes décisifs.

    Qu'ils ouvrent, tout d'abord, l'avant-dernier livre de Jacques Bainville, si précieux, Lectures (2), à la page 220. Ils liront :

    Le ministre hitlérien de l'instruction publique a cité l'autre jour comme une Bible le livre d'un professeur d'anthropologie à la Faculté de Rennes, Vacher de Lapouge. Je me rappelle très bien que ce livre, L'Aryen, son rôle social, avait paru dans les environs de l'année 1900, et que Charles Maurras avait mis le très jeune lecteur que j'étais en garde contre ces rêveries de race pure.

    Bainville écrit dans la même page :

    Gobineau est à la source du racisme.

    Si, donc, les fondateurs du Nationalisme français avaient eu le moindre penchant pour ces basses sottises, Bainville l'observe avec raison, les livres français y auraient abondamment pourvu. On avait la bible, la source. Et l'on était à l'origine du mouvement ; la liberté de direction, la liberté de choix étaient absolues pour nos amis.

    Écoutez-les parler de M. de Gobineau, dès les premières années du XXe siècle :

    Analysant un livre ingénieux et pénétrant que M. Seillière (3) a consacré au comte de Gobineau, M. Paul-Boncour a remarqué à différentes reprises que je ne me référais point à la doctrine de l'Essai sur l'inégalité des races humaines.

    M. Paul-Boncour m'en a demandé la raison.

    Elle est très simple. Je n'admets pas cette doctrine.  

     

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    Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-1855)

     

     

           

    Plus loin, étudiant un livre fort intéressant d'un disciple très original de Gobineau, et, selon nous, bien supérieur au maître, le comte de Leusse (4), j'écrivais, et ce compte rendu de cette « lecture orageuse » est vieux de plus de trente ans :

    … J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec ces généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique.

    Une aristocratie peut être formée de sangs assez divers et, ce nonobstant, accomplir toutes ses fonctions les plus hautes, si d'autres conditions s'y prêtent favorablement. Il y a aux débuts de l'histoire de France une aristocratie franque, une aristocratie scandinave, une aristocratie gallo-romaine (5). Toutes trois, surtout la première et la dernière, ont concouru à l'admirable système féodal. Ont-elles été inférieures dans ce rôle à l'aristocratie teutonique ou mieux à l'aristocratie danoise, qui, pour M. de Leusse, représentent une veine plus pure du sang des « Aryans » ?…

    … Nous savons qu'un État ne peut être prospère sans un pouvoir héréditaire, ou simple ou collectif, résidant dans une dynastie ou dans une aristocratie ; nous le savons, parce que nous savons pourquoi cela est. Mais nous ne pouvons pas dire que nous sachions que ces races régnantes ou gouvernantes régneront et gouverneront d'autant mieux qu'elles seront plus pures. S'il n'y avait qu'une race supérieure, on comprendrait que tout mélange l'abâtardit ; mais, aux époques historiques, quand les races sont en présence, c'est une question de savoir s'il y a des premiers et quels sont les premiers !…

    Un critique malin et qui aurait le temps de contenter sa malignité aurait à détacher des Études d'histoire ethnique plus d'une ligne assez plaisante, toutes les fois que M. de Leusse est forcé d'enlever quelque vertu à ses chers Germains ou de faire sur leur dos quelque concession. En un endroit où le conflit se montre entre l'humilité chrétienne et l'impertinence germaine, ce chrétien fervent ose parler d'un ton presque piqué du christianisme. Arrivé à l'époque de la Réforme, ce catholique résolu écrit qu'il n'en parlera point.

    « C'est par parti-pris, déclare-t-il, et pour des raisons dont je n'ai à rendre compte à personne que je ne traite pas dans mon travail la question de la Réforme de Luther. » Si les Aryas sont la fleur du monde et si les Germains sont eux-mêmes la fleur de l'Arya, il semble, en effet, difficile d'expliquer que ces êtres supérieurs aient mis toute leur âme à se couper d'avec la chrétienté entière et à détruire l'admirable unité catholique.

    Car c'est un autre caractère distinctif du Nationalisme français ; il est fort éloigné de présenter la nécessité pratique et moderne du cadre national rigide comme un progrès dans l'histoire du monde ou comme un postulat philosophique et juridique absolu. Il voit au contraire dans la nation une très fâcheuse dégradation de l'unité médiévale. Il ne cesse pas d'exprimer un regret profond de l'unité humaine représentée par la République chrétienne.  

     

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    Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), concepteur de la théorie de la Nation allemande, fondée sur le droit du sang. Il prononça ses Discours à la Nation allemande lors de l'invasion de la Prusse par les Français .

     

           

    On en trouvait une formule, parfaitement nette, dans la déclaration de novembre 1899 qui servit de départ au mouvement des idées de l'Action Française ; ce dont Fichte et ses successeurs ont fait gloire aux siècles nouveaux, nos amis ont déclaré en porter le deuil. En d'autres termes, ce qui, dans le Nationalisme français, a été une mise en garde indispensable contre la rigueur des temps, était au contraire, dans le Nationalisme allemand, présenté, constitué et systématisé comme un bien en soi.

    Au nationalisme officiel des Allemands nous avons opposé une doctrine de défense, comme il le fallait bien, à moins de tout livrer, de tout sacrifier, au pire, foyers, autels, tombeaux, la haute humanité.

    En défendant la France, en préservant de nos mains étendues « le flambeau de l'esprit » de notre nation, ce sont des biens traditionnels, éternels, universels que nous avons travaillé à défendre. Plusieurs de nos compatriotes ont pu s'y tromper ; leur erreur (il faut le noter) n'a pas été commise par un Allemand intelligent et cultivé, M. Ernst Curtius, qui a vu clairement quel « schisme » nous reprochions à l'Allemagne et comment la cause de l'intérêt français coïncide, point par point, ligne à ligne, avec le génie d'une civilisation pure et libre des conditions de temps et de lieux.

     

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    (1) : Encyclique Divini Redemptoris sur le communisme (19 mars 1937) et encyclique Mit Brennender Sorge sur la situation de l'Église catholique dans l'empire allemand (14 mars 1937), de Sa Sainteté le Pape Pie XI.

    (2) : L'article repris dans Lectures est une note publiée par Jacques Bainville en 1933, peu après la prise de pouvoir par Hitler, sous le titre Prestige de la pensée allemande. En voici les principaux extraits :

            "Le numéro de la Nouvelle Revue française consacré aux doctrines nationales-socialistes est hautement significatif, par lui-même et par son seul contenu. D'emblée, l'idéologie hitlérienne trouve une audience, est accueillie avec un désir d'étude, avec un sérieux que l'idéologie mussolinienne n'a pas eus. Pourquoi ? C'est vous qui l'avez dit. Parce que Hitler est allemand. Il n'y a pas de doute. L'ironie française s'en est donné à cœur joie des faisceaux, des chemises noires, du salut à la romaine et du déguisement de César. Le bel Adolphe, le peintre en bâtiment beau parleur a été raillé tant qu'il n'a été qu'un chef de bande, un énergumène de réunion publique. D'ailleurs, les Français refusaient de croire que trois hommes réunis un jour autour d'une table de brasserie et jurant de sauver leur pays pussent réussir (…)

            En dépit des haussements d'épaules, Hitler est devenu le maître. Tout change. La légèreté fait place à une gravité émue, déjà parente de la sympathie. Le national-socialisme n'est plus une mascarade de chemises brunes. C'est une philosophie. Et puisqu'elle est allemande, elle ne peut être superficielle. Il faut qu'elle aille aux racines de l'être.

            Nous n'en sommes que là encore. C'est pourtant très différent déjà de la vogue du bolchévisme (…) Le national-socialisme est examiné dans un autre esprit qui permet de déceler chez lui une attraction naissante. On lui trouve des profondeurs de pensée. Pourquoi ? Répétons-le : parce qu'il est germanique et qu'il faut que tout ce qui est germanique soit pensé.

     

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    Le comte Georges Vacher de Lapouge (1854-1936), anthropologue et théoricien de l'eugénisme. Athée, anticlérical et socialiste militant, il est l'un des fondateurs du Parti ouvrier français de Jules Guesde avant de rejoindre la SFIO.

     

     

            Les éléments de la doctrine hitlérienne, à l'analyse, sont pourtant pauvres. Il n'y a rien chez elle qui ne soit connu et même que de

  • Les 60 Messes pour Louis XVI 2012 recensées....

    Les Messes pour Louis XVI ne doivent pas être de pure commémoration.....

          Les Messes pour Louis XVI, dites partout en France, et même à l'étranger, depuis son exécution, ne doivent pas être de pure commémoration. Elles doivent aussi, elles doivent surtout, pour aujourd'hui, nourrir le processus de dérévolution dont la France a besoin pour renouer avec son Histoire, se replacer dans le droit fil de sa trajectoire historique et, s'il se peut, reprendre, un jour, sa marche en avant.

          Pendant bien des années, en effet, tous les 21 janvier, les Messes pour Louis XVI étaient, essentiellement, commémoratives.

          Les dernières de cette longue série, que l’Action française était presque seule à maintenir, ne réunissaient plus, du moins en province, malgré une fidélité admirable des participants, que peu de monde; elles étaient plutôt tristes; souvent, le célébrant ne disait pas un mot du roi Louis XVI; ces Messes avaient un air de naufrage du grand souvenir qui les motivait.

          Les choses ont bien changé depuis déjà quelques années. 

          Il nous semble qu'elles ont basculé, pour un certain nombre de raisons assez identifiables, autour des années 1987, 1989 et 1993 ... 

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      1987, c'était le millénaire capétien où le comte de Paris eût l'heureuse initiative de titrer, avec solennité, ses petits-fils Jean et Eudes, ducs de Vendôme et d'Angoulême ; de désigner le prince Jean comme devant reprendre le flambeau de la Famille de France, de la tradition royale. Par là, il semble qu'il rouvrait à l'espérance monarchique un horizon nouveau ...

           1989, ce fut l'échec patent des commémorations de la Révolution.

          1993, deuxième centenaire de l'exécution de Louis XVI, ce fut, grâce à l'action de quelques uns (Jean Raspail, Marcel Jullian, Jean-Marc Varaut ...) l'occasion d'un procès en règle de la Révolution, de ses horreurs, de l’exécution du Roi et de la Reine, du martyre de Louis XVII, de la Terreur, du génocide vendéen ...  

          Quelques uns encore (Jean-Marc Varaut, Alain Besançon, Jean-François Mattéi) ont développé l’idée que cette révolution était la matrice des horreurs révolutionnaires et totalitaires qui ont marqué tout le XXème siècle. Ainsi, le rejet de la Révolution commençait à s’inscrire dans notre modernité. Et aboutissait, de facto, à la remettre en cause.

          Au cours des années qui ont suivi, la redécouverte progressive de notre histoire monarchique par un certain nombre d’intellectuels, mais aussi dans la presse, les médias, et, finalement, une frange non négligeable de l’opinion française, s’est faite, de plus en plus, de façon non plus négative, mais positive.

          De fait, notre hypothèse étant qu’un certain basculement de ce que Barrès nommait « les puissances du sentiment » s’est produit, en France, à partir de 1987 jusqu’à aujourd’hui, l’on ne peut plus parler ni de la Révolution ni de notre passé monarchique, après, comme on en parlait avant…  

          Ce n’est sûrement pas une coïncidence, si, simultanément, dans toute la France, les Messes du 21 janvier ont pris, de façon a priori surprenante, un nouveau visage. Les assistances sont devenues nombreuses, ferventes, priantes ; les prêtres sont devenus sensibles à l’exemplarité du Roi et de la Reine, au sort indigne infligé à Louis XVII, aux conséquences sociales, politiques et, même, religieuses de la Révolution. Ces Messes ont cessé d’être des Messes d’enterrement. Elles ont retrouvé un sens. La liturgie y est, souvent, redevenue très belle et la présence des Princes, à Paris, comme en Province, donne à ce qu’elles commémorent une incarnation qui pourrait être utile au temps présent.

          C’est ainsi que les Messes pour Louis XVI contribuent symboliquement et performativement à ce que nous appelons le processus de dérévolution. Processus dont la France a besoin pour rompre le cycle schizophrène qui, depuis deux siècles, l’a coupée d’elle-même.

          Nous avons la chance historique – pour la première fois depuis fort longtemps – que les Princes de la Maison de France, y soient, à titre éminent, partie prenante.  

          Si nous savons contribuer à activer et amplifier ce processus, tout simplement, nous serons utiles, non à notre propre plaisir, mais à notre Pays.

          Nous publierons ici la liste de toutes celles dont nous aurons connaissance.... 

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    Albert Camus, L’homme révolté (La Pléiade, pages 528/529) : 


    "Le 21 janvier, avec le meurtre du Roi-prêtre, s’achève ce qu’on a appelé significativement la passion de Louis XVI.  Certes,  c’est un répugnant scandale d’avoir présenté, comme un grand moment de notre histoire, l’assassinat public d’un homme faible et bon. Cet échafaud ne marque pas un sommet, il s’en faut. Il reste au moins que, par ses attendus et ses conséquences, le jugement du roi est à la charnière de notre histoire contemporaine. Il symbolise la désacralisation de cette histoire et la désincarnation du Dieu Chrétien. Dieu, jusqu’ici, se mêlait à l’histoire par les Rois. Mais on tue son représentant historique, il n’y a plus de roi. Il n’y a donc plus qu’une apparence de Dieu relégué dans le ciel des principes.

    Les révolutionnaires peuvent se réclamer de l’Evangile. En fait, ils portent au Christianisme un coup terrible, dont il ne s’est pas encore relevé. Il semble vraiment que l’exécution du Roi, suivie, on le sait,  de scènes convulsives, de suicides ou de folie, s’est déroulée tout entière dans la conscience de ce qui s’accomplissait. Louis XVI semble avoir, parfois, douté de son droit divin, quoiqu’il ait refusé systématiquement tous les projets de loi qui portaient atteinte à sa foi. Mais à partir du moment où il soupçonne ou connaît son sort, il semble s’identifier, son langage le montre, à sa mission divine, pour qu’il soit bien dit que l’attentat contre sa personne vise le Roi-Christ, l’incarnation divine, et non la chair effrayée de l’homme. Son livre de chevet, au Temple, est l’Imitation de Jésus-Christ. La douceur, la perfection que cet homme, de sensibilité pourtant moyenne, apporte à ses derniers moments, ses remarques indifférentes sur tout ce qui est du monde extérieur et, pour finir, sa brève défaillance sur l’échafaud solitaire, devant ce terrible tambour qui couvrait sa voix, si loin de ce peuple dont il espérait se faire entendre, tout cela laisse imaginer que ce n’est pas Capet qui meurt, mais Louis de droit divin, et avec lui, d’une certaine manière, la Chrétienté temporelle. Pour mieux affirmer encore ce lien sacré, son confesseur le soutient dans sa défaillance, en lui rappelant sa « ressemblance » avec le Dieu de douleur. Et Louis XVI alors se reprend, en reprenant le langage de ce Dieu : « Je boirai, dit-il, le calice jusqu’à la lie ». Puis il se laisse aller, frémissant, aux mains ignobles du bourreau."   

    * LUNDI 16 JANVIER :

    * Bayonne : Mgr. Marc AILLET, Évêque de Bayonne, Lescar et Oloron célèbrera la Messe pour le roi Louis XVI et pour la France à 19 heures en la cathédrale de Bayonne. Nous nous retrouverons à 20 h 15 dans un restaurant bayonnais proche de la cathédrale (prix du repas : 20 €). Contact : louis.angulo@experts-comptables.fr

    * VENDREDI 20 JANVIER :

    * Lyon : 18h30, à l’église Saint-Denis à la Croix-Rousse, métro Hénon. La Messe sera suivie d’un pot et de la traditionnelle Galette des rois. Contact : 06 82 83 92 00
     
    *Pau : 19h, en l'église Saint-Martin de Pau.

    * SAMEDI 21 JANVIER :

    * Belgique :

        - Bruxelles :  11h00, Messe de Requiem pour le roi célébrée par Monseigneur Gilles Wach, Eglise Conventuelle du Couvent Sainte Anne, Avenue Léopold Wiener 26 B - 1170 Bruxelles.

        -  Rixensart (1330) : 11h00, en l'église de la Sainte-Croix, au château des Princes de Mérode.

    * Paris : - 12h, le Cercle de l’Oeillet Blanc vous invite à participer à la messe qui sera célébrée en l’église Saint–Germain–l’Auxerrois à la mémoire de la mort du Roi Louis XVI. Monseigneur Ravel, Evêque aux Armées, officiera....

                 - 11h, Paroisse Saint Eugène-Sainte Cécile, 4 rue du Conservatoire, 75009.

                 - 18h30, Saint-Nicolas du Chardonnet, 23 rue des Bernardins, 75005.

                 - 19h00, Centre Saint-Paul, 12, rue Saint-Joseph – 75002.

    * Agen : 9h, église Sante Foy.

    * Avignon :  18h, en la chapelle de la Sainte Croix (Pénitents gris), 8 rue des Teinturiers.

    * Beaune : 9h, Cloître Notre-Dame.

    * Bergerac : 15h30, en l’église Saint-Jean, rue Clairat à Bergerac (24100)

    * Béziers : 18h00, Chapelle des Pénitents Bleus, rue du 4 Septembre.

    * Bordeaux : à 19h, en l'église Saint Bruno.

    * Caen : à 11h, Chapelle Saint-Pie X 16, rue de Vaugueux - Degrés du Sépulcre.

    *Carcassone : 18h, église Saint Vincent.

    * Coligny : 10h, à Coligny (01270).

    * Dieppe : 9h30, en l'église Saint Jacques.

    * Dijon : 11h, église de St Bernard de Fontaines lès Dijon.

    * Fabrègues : 18h30, Prieuré Saint François de Sales, 1 rue Neuve des Horts.

    * Fontainebleau : 19h, au Carmel.

    * Grenoble : 11h, Collégiale Saint-André.

    * La Gaubretière : 11h, Prieuré de la Sainte Famille de La Gaubretière, Ramberge 85130. 

    * Lanvallay : 11h00, Prieuré Sainte-Anne, Lanvallay 22100.

    * Le Puy en Velay: 10h30, en l'église de Ceyssac (43000).

    * Lille : 11H, CHAPELLE 26 rue d'Angleterre (Vieux LILLE).

    * Limoges : 11h15, église Saint-Michel-des-Lions, rue Adrien Dubouché. A 12H30, reaoas au Restaurant “Croquenbouche " en  face du “Grain de sel”, 14 rue Haute-Cité. Pour participer au déjeuner, il  faut  s’inscrire   obligatoirement (le lundi  16 janvier au plus tard)  auprès d'Alain Rougevin-Bâville (Tél (Rép): 05-55-35-90-72) Courriel: alain.rougevin-baville@wanadoo.fr

    * Louailles (Sarthe) : 11h00, en l’église, route de La Flèche, 72300. Après la messe déjeuner-débat à 12 h 30, salle polyvalente de Vion (3,5 km de Louailles) animé par Jacques Trémolet de Villers, sur le thème « La crise actuelle, agonie d’un régime ou aurore d’un royaume ? ». (Général : 17€ -Autre : 8 € (étudiants, ecclésiastiques, chômeurs)

    * Marseille : 19h, Basilique du Sacré-Coeur, 81 Avenue du Prado (8ème - Métro : Castellane ou Périer).

    * Montpellier : 18h, Chapelle des Pénitents bleus, rue des étuves.

    * Mulhouse : 11h, église Saint Etienne.

    * Nancy : - 17h30, église Saint-Pierre, avenue de Strasbourg.

                  - 18H30, Chapelle du Sacré-Coeur, 65 rue du Maréchal Oudinot.

    * Nantes : 9h30, à Saint Clément. 12H15 dépôt de gerbe à la statue Louis XVI.

                   Invitation_21_janvier_2012.doc

    * Nice : - 10h, (avec la chorale des Pénitents Rouges), Chapelle du Saint Suaire.

                - 18h30, en la Chapelle de la Visitation-Sainte-Claire, située au bout de la rue Sainte-Claire (perpendiculaire à la rue Saint-François), dans le Vieux-Nice.         

    * Nîmes : 11h, Eglise Sainte Perpétue.

    * Orléans : 11h,Eglise Notre-Dame de Recouvrance, 10 rue Notre-Dame de Recouvrance.

    * Perpignan : 18h30, Prieuré du Christ-Roi.

    * Poitiers :  8 h 30, en l'église Notre-Dame-la-Grande.

    * Port-Marly : 8h45, église Saint Louis du Port Marly, 78160 Marly-le-Roi.

    * Reims : 11h en l'Eglise Notre Dame de France, 8 rue Edmé Moreau.

     

    * Roullet : (11km au sud-ouest d'Angoulême)18h30.

    * Saint-Denis : 12h, en la Basilique.

    * Thiberville : 17h30, en l'église du Planquay. La messe sera célébrée par Monsieur l'abbé Michel, recteur. Eglise du Planquay (à Thiberville, prendre la direction Orbec sur 5 Km - Dans le Planquay, 1ère à droite). 

  • 2010, Année Henri IV

     

    QUATRIEME CENTENAIRE

    DE L’ASSASSINAT D’HENRI IV

     

    Célébration nationale placée sous le Haut patronage du Président de la République 

     

                  

                    Encore une célébration ? Encore commémorer ? Encore se tourner vers le passé ? Pas du tout !

     

                    En rendant compte de cette initiative officielle du Gouvernement français, en s'y associant et en y participant, on fait tout à fait autre chose que de se complaire dans un passé aboli. On accomplit, certes, un geste de mémoire, en exaltant ce roi pacificateur et réconciliateur, mais tourné vers le présent et l'avenir. On contribue à pousser à la roue pour la reconquête de notre Histoire, la ruine de la Bastille du mensonge de l'histoire officielle,  grâce à laquelle nos adversaires ont réussi à falsifier notre passé, à le faire prendre en haine à une part du peuple, le coupant ainsi de ses Racines authentiques. Beaucoup de français en effet, abusés par l'ignorance et le mensonge, ne s'aiment pas, n'aiment pas la France, du moins la caricature mensongère qu'on leur en a montrée, et ne souhaitent donc pas prolonger cette aventure exaltante que représente notre Nation.

     

                    Exaltante, du moins, quand on connaît vraiment son Histoire, avec ses grandeurs et ses faiblesses (et même ses laideurs...) car comment pourrait-elle l'être -exaltante- lorsqu'on a été élevé en haine de son passé ? La réflexion n'est pas nouvelle, et elle n'est pas de nous: l'histoire de France -l'histoire officielle, enseignée dans les Ecoles- paraît avoir été écrite par les ennemis de la France.

             

                Justement, il va peut-être, et même sûrement, falloir énoncer cette vérité au passé. Enfin ! De toutes parts, l'édifice vermoulu du mensonge craque et s'affaisse. Le Système idéologique qui nous gouverne reste en place, mais ne tient plus que par la force d'inertie. La terre entière a assisté, en direct, a la télé, à l'écroulement de l'empire marxiste-léniniste, qui se voulait l'aboutissement final, et la quintessence de la grande Révolution de 1789/1793. Et tout le monde sait maintenant la vérité sur les Goulags et les univers concentrationnaires de tous les sytèmes révolutionnaires qui, jusqu'en Extrême-Orient, ont eu ceci en commun de sortir, tous, de la même matrice: les journées parisiennes de 1789 à 1793, justement dénoncées par François Furet comme portant, dès le début, les germes de la Terreur. Mais aussi des Totalitarismes et des Génocides modernes. La vérité éclate au grand jour, et chaque jour un peu plus, et le système en place n'arrive plus non seulement à diffuser son idéologie mensongère, mais encore à empêcher la Vérité d'apparaitre. Il ne se passe pas de semaine sans qu'un nouvel ouvrage ne vienne réhabiliter tel ou tel de nos rois, le parcours de Max Gallo étant à cet égard des plus révélateurs (il eut un temps sa carte du Parti communiste !). C'est ce mouvement irrésistible, cette lame de fond qui va tout submerger qu'il faut contribuer à amplifier toujours plus car, soyons-en sûrs, ce mouvement ne pourra pas rester sans conséquences.

     

                C'est par le mensonge que nos adversaires ont gagné, c'est par la manifestation de la Vérité qu'ils perdront et que leur système s'effondrera. Il s'est déjà effondré aux extrêmités de la terre, la vague du tsunami refluant maintenant vers son épicentre, son point de départ : Paris. Un jour, bientôt, c'est le coeur même, l'épicentre du tsunami qui retrouvera le calme. Si l'on n'a pas cette certitude, cette foi, à quoi bon combattre encore ? Non, ceux qui ont construit un système idéologique contre nos Racines et nos Traditions n'ont pas plus que d'autres les promesses de l'eternité. Leur idéologie est à bout de souffle, elle est morte. Elle reste encore en place, ici, par habitude. Un jour, bientôt, l'habitude elle-même ne suffira plus. Il faut pousser à la roue pour hâter ce moment-là.

     

                C'est, et ce n'est que, dans cet esprit, que nous nous réjouissons de cette Année Henri IV qui va s'ouvrir, sous le Haut patronage du Président de la république, ce qui semble bien corroborer ce que nous venons de dire...

                   La Présidence de la république a décidé d'honorer Henri IV, en donnant un éclat tout particulier à cette année 2010, qui marque le quatrième centenaire de sa disparition tragique. Un grand nombre de manifestations viendront seconder cette volonté des autorités politiques d'exalter le rôle que joua le roi dans l'époque troublée qui fut la sienne, et le symbole de paix, d'amitié et de rassemblement des français qu'il a su incarner au plus haut point. 
     
                   Nous parlerons bien, sûr plus en détail, et au fur et à mesure, des diverses manifestations qui se dérouleront tout au long de l'année. Plusieurs d'entre elles sont encore à l'état de projets, ou en cours de finalisation. D'autres, par contre, sont déjà clairement définies, et d'ores et déja annoncées. 
     
                   Voici ce que l'on peut citer, pour l'instant, entre autres...:

     

                   - Pour l'Aquitaine, à Nérac (Lot-et-Garonne), le 15 mai 2010, une Journée d’études : « Le Roi est mort. Vive le Bon Roi Henri » (Les Amis du Vieux Nérac)

     

                   - A Pau (Pyrénées-Atlantiques), au Musée national du château, en avril-juin 2010, l'exposition « Quel principe incomparabile.  Florence 1610 : hommage des Médicis à Henri IV, roi de France et de Navarre » (RMN, Musée national du château de Pau-Chapelle Médicis).

                     Du 17-19 juin 2010, Colloque  Les régicides en Europe du XVè au XIXè siècles.

                     Au Pôle intercommunal lecture publique et archives, autour du 14 mai, l'exposition Ravaillac, l’assassinat, le procès.

     

                    - Pour la région Centre, à Sully-sur-Loire (Loiret), au château, durant l'automne, une expositon sur les relations entre Henri IV et Sully.

                   

                    - Pour l'Ile-de-France:

     

                      A Paris, Création d’un itinéraire Henri IV dans Paris (Ville de Paris, Balades du patrimoine)

                                  Bibliothèque de l’Arsenal, le 17 mai 2010, Conférence-lecture « Les lundis de l’Arsenal ».

                                  Musée de l’Armée, Exposition-dossier sur Henri IV chef de guerre avec emprunt à Venise de l’armure d’Henri IV.

                                  Animation musicale pendant la Nuit des musées.

                                  Musée Carnavalet, mise en valeur de la salle Henri IV et présentation du masque mortuaire du Roi par Michel Bourdin

                                  Musée du Louvre, mars 2010, Exposition « Toussaint Dubreuil, peintre de Henri IV »

                                  Auditorium du musée du Louvre, automne 2010, Cycle de trois ou quatre conférences; 18-20 novembre, Colloque « Autour d’Henri IV : figures du pouvoir et échanges artistiques ».

     

                       A Fontainebleau (Seine-et-Marne), au château:

    - création d’un circuit jalonné de visite Henri IV à l’intérieur et à l’extérieur  du château avec mise en valeur des éléments importants

    - automne 2010 exposition dossier sur la Belle cheminée avec emprunt des bas-relifs du Louvre

     - inauguration de la réfection extérieure du quartier Henri IV

    - concert (cérémonie ?) dans la chapelle de la Trinité

    - cycle de conférences sur Henri IV et ses travaux à Fontainebleau

     

                        A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Cathédrale:

    - Recherche et inhumation du chef d’Henri IV

    - Programmation de concerts autour du temps d’Henri IV (Festival de Saint-Denis)

     

                        A Saint-Germain-en-Laye (Hauts-de-Seine), Musée d’archéologie nationale:

    - septembre-novembre 2010. Exposition La passion de la paix – Les vestiges du temps sur la tolérance et la paix (édits de Saint-Germain, de Nantes) et sur le château neuf et les jardins d’Henri IV. (Association Henri IV Saint-Germain-en-Laye 2010- Musée national des Antiquités)

                           Eglise de Saint-Germain

    - mardi 6 avril. Requiem des rois de France de Eustache du Cauroy  (Association Henri IV Saint-Germain-en-Laye 2010-Ville de Saint-Germain)

    - Son et lumière, tableau sur Henri IV

     

     

                         - Pour le Languedoc-Roussillon, à Montpellier (Hérault), automne 2010, Journée de visite à Montpellier, (Jardin des plantes créé en 1593, hôtel Jacques Cœur et des trésoriers de France où Henri de Navarre a séjourné…) organisée par la Société archéologique de Montpellier.

     

     

                          - Pour la région Midi-Pyrénées, à Cazaux-Saves (Gers) Château de Caumont, printemps-été 2010, exposition « Henri IV et le duc d’Epernon »

     

                          - Pour les Pays-de-la-Loire, à La Fleche (Sarthe), au Prytanée:

    -4 juin, (Chapelle): Requiem de du Cauroy

    -15 octobre, Visite et soirée rétrospective des célébrations du quadricentenaire de la naissance du roi Henri IV. (Association des Amis de la Bibliothèque du Prytanée)

    -17 octobre, Bibliothèque du Prytanée, exposition « Henri IV dans les collections de la bibliothèque du Prytanée : mythe, histoire et légende » (Association des Amis de la Bibliothèque du Prytanée)

    -16 octobre, Théâtre de la Halle aux blés, Conférences universitaires « Cœurs royaux et architecture funéraire »

     

     

                            - Pour la PROVENCE, à Marseille, Journée d’étude sur Henri IV et la Méditerranée.

     

     

                            - Pour l'Etranger: - Etats-Unis, Chicago, Newberry Library, Exposition "Henri IV à Chicago" (à travers le souvrages et documents conservés à Chicago).

                       

                                                        - Italie, Florence, Chapelle Médicis, septembre-décembre, Exposition « Quel principe incomparabile Florence 1610 : hommage des Médicis à Henri IV, roi de France et de Navarre »

                                                                     Rome, Basilique Saint-Jean-de-Latran,13 décembre, messe anniversaire de la naissance d’Henri IV

                                                                      Rome, Villa Médicis, Présentation et lancement de l'Année Henri IV. 

     

                               - Sur Internet:

     

    -  Important site interactif réalisé par la Délégation aux célébrations nationales, la Mission de recherche et de la technologie et la Société Henri IV (auteur Grégory Champeaud) .

    - Site de la Société Henri IV

    - Henri IV 2010, groupe sur Facebook

     

    Publications

     

     

    Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Fayard 2009 (nouvelle édition avec bibliographie actualisée.)

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    Alexander Bande, Le Cœur du Roi, Tallandier, 2009.

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    Janine Garrisson, Henri IV, le roi de la Paix, Tallandier 2006.

     
  • LIVRES • Le patriotisme tranquille d'Alain Finkielkraut, selon Mathieu Bock-Côté

     

    Mathieu Bock-Côté a lu pour Le Figaro l'ouvrage d'Alain Finkielkraut, La seule exactitude. Il estime que notre philosophe cultive pour la France un « patriotisme tranquille », sans prétention impériale aucune. Tranquille n'est pas le mot que l'on associe le plus, en général, à l'image d'Alain Finkielkraut. On le voit plutôt habité d'une forme anxieuse et agitée du souci contemporain, au sens de Chantal Delsol. On lui reproche contradictoirement un excès d'amour - qui confinerait à l'obsession - pour la culture traditionnelle, la civilisation françaises et d'être tout autant judéo-centré. Ce qui, dans ce dernier cas ne nous paraît pas tout à fait faux et un rien dommageable au point de lui rendre le Maurras profond, ou le vrai Barrès, inintelligibles voire a priori intellectuellement infréquentables. La difficulté, on s'en souviendra, n'a ni empêché ni troublé le dialogue foisonnant et fécond pas plus que l'admiration réciproque de Pierre Boutang et George Steiner... Mais s'agissant de l'œuvre et du statut d'Alain Finkielkraut, s'agissant de son analyse de la modernité, profonde et juste, nous sommes d'avis que Mathieu Bock-Côté dit une fois de plus l'essentiel.  Et avec une argumentation, un fond qui est aussi le nôtre. LFAR   

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgRien n'est plus important que ne pas se tromper d'époque. Telle est, d'une certaine manière, la grande obsession qui traverse La seule exactitude, le dernier ouvrage d'Alain Finkielkraut. Elle n'est pas vraiment nouvelle. Lecteur de Hannah Arendt, Finkielkraut souhaite depuis longtemps « penser l'événement », en s'ouvrant à sa part de nouveauté, à ce qui dans le monde qui vient, n'est pas une simple reconduction de celui d'hier. Malgré ce qu'en pensent les esprits désenchantés, l'histoire qui se fait n'est pas soumise à la seule loi du retour du même. Pourquoi cette mise en garde ? Essentiellement parce que Finkielkraut n'en peut plus d'entendre certains petits sermonneurs progressistes nous expliquer que les années 1930 seraient de retour, généralement ralliés à une forme d'antifascisme parodique qui n'en finit plus d'assimiler tout ce qui contredit le métissage euphorique du monde à une nouvelle peste brune.

    L'exercice n'est pas simple. Il faut révéler l'époque à travers l'événement. C'est au fil de ses chroniques hebdomadaires à la Radio communautaire juive et mensuelles à Causeur qu'il s'y est adonné. À sa manière, il s'est livré à l'exercice du bloc-notes, non pas pour dépeindre des caractères, comme le faisait Mauriac, mais pour voir en quoi de jour en jour, les événements nous obligent à réviser nos schèmes de pensée. On a beaucoup chanté, depuis vingt ans, la fin des idéologies. On s'imaginait un monde asséché, où ne se poserait plus la question de la légitimité. Nous accepterions tous, à différents degrés d'enthousiasme, une société se convertissant à la figure de la mondialisation heureuse, où les identités fondraient et les frontières se dissiperaient. Finkielkraut est de ceux qui refusent de voir dans cela un processus inéluctable. Il y décrypte plutôt une nouvelle idéologie dominante dont il cherche à nous déprendre.

    Cette idéologie, on trouve en son cœur une thèse forte: celle de l'interchangeabilité de toutes choses. Notre époque se montre radicalement incapable de penser le particulier, ce qui ne se laisse pas dissoudre dans une forme d'universalisme radical. Ainsi, Finkielkraut montre comment, en réduisant les langues à de simples instruments de communication, on perd le génie de chacune, qui s'exprime à travers la littérature. Il en est de même lorsqu'on cède au mythe de l'interchangeabilité des cultures et qu'on s'imagine possible, pour combler les besoins du marché du travail, d'importer des millions d'hommes en croyant pouvoir les séparer de leur culture et de leur religion. On découvre pourtant, tôt ou tard, qu'elles finissent par s'entrechoquer. Le mythe de l'interchangeabilité des sexes ne vaut guère mieux, lorsqu'il passe de la question de l'égalité entre les hommes et les femmes à celle de l'abolition du féminin et du masculin, comme si le simple rappel d'une différence poussait inévitablement à la discrimination.

    Mais Finkielkraut pousse plus loin encore son analyse. Les militants antiracistes d'aujourd'hui ne cessent de pratiquer un amalgame particulier : les musulmans seraient les nouveaux juifs. En un mot, l'antisémitisme des années 1930 trouverait un écho dans la soi-disant islamophobie des années 2000. D'une époque à l'autre, une même passion noire se déploierait : la peur de l'autre, qui pousserait au repli national, alimenté par le culte de l'homogénéité ethnique. Cela consiste, dans les faits, à croire la civilisation occidentale atteinte d'une pathologie ethnocentrique fondamentale, qui se déploierait rageusement chaque fois qu'on ne la refoulerait pas et qu'on ne se montrerait pas vigilant. En un mot, l'attachement national serait la dernière étape avant la xénophobie, qui pousserait au racisme et nous replongerait dans les heures les plus sombres de l'histoire. En se sachant atteint d'une telle maladie, l'Occident aurait raison de se détester et de ne pas vouloir transmettre une culture toxique, ruinée par les préjugés les plus odieux.

    Finkielkraut corrige ce diagnostic et ne se laisse pas berner par l'étrange amalgame. Les juifs furent victimes de la furie génocidaire et exterminatrice au cœur de l'idéologie nazie, qui animalisait et zoologisait l'humanité en la triant en races. Le IIIe Reich entendait « purifier » l'humanité en la libérant d'un peuple maudit, ou pire encore, d'un peuple diabolique qui se glisserait dans chaque civilisation pour la pousser à la dissolution. On ne trouve rien de tel dans le rapport à l'Islam qui s'installe en Europe à travers des migrations massives qu'il est de moins en moins possible de nommer. De périphrases en périphrases, on doit bien convenir, pourtant, d'une révolution démographique qui s'accompagne d'une mutation identitaire massive, comme si on voulait fabriquer un nouveau peuple sans le dire. Or, nous dit Finkielkraut, cet amalgame sert à empêcher une réflexion sérieuse sur l'intégration des populations musulmanes et l'assimilation de la défense de l'identité française à l'islamophobie.

    Finkielkraut le dit et redit : on ne saurait calquer bêtement une situation historique sur une autre. Et le malaise causé par l'Islam dans les sociétés européennes n'est pas le fruit d'une paranoïa collective, quoi qu'en pensent ceux qui croient faire disparaître les tensions entre les cultures en niant leur existence. Il ne s'agit pas de radicaliser le conflit entre les sociétés européennes et l'Islam, mais de constater qu'une immigration de peuplement aussi massive que constante n'ira pas sans bouleverser la société d'accueil. Une nation n'est pas qu'un ensemble de règles et de principes juridiques: c'est aussi, à certains égards, une communauté de mœurs, comme on le constate avec la place des femmes dans la société. Finkielkraut rappelle la tradition de la mixité à la française, qui est aussi celle du féminin dans l'espace public, qu'on ne saurait voiler sans mutiler au même moment la nation. En suivant cette piste, il cherche à redécouvrir ce qu'il y a de spécifique à la culture française - on pourrait dire, ce qu'il y a d'irremplaçable. C'est une manière, et probablement la meilleure, de penser politiquement l'héritage culturel.

    En un mot, on ne se rendra pas très loin en réduisant le patriotisme français à la seule défense des droits de l'homme. On sortira un peu de l'ouvrage de Finkielkraut pour rappeler que ce n'est pas seulement au nom des droits de l'homme qu'on a lutté contre le totalitarisme au vingtième siècle. Ce ne sont pas des libertaires en culottes courtes qui incarnèrent la résistance contre le nazisme mais le général de Gaulle et Winston Churchill, deux hommes qui seraient aujourd'hui considérés comme des infréquentables absolus dans la démocratie européenne. Le premier défendait l'honneur de la France dans un vocabulaire inintelligible à nos contemporains, le second était attaché à la gloire de l'empire et de la civilisation chrétienne. En un sens, la démocratie occidentale ne veut plus entendre parler de ses limites et des vertus nécessaires à sa défense, qui puisent dans un imaginaire assez étranger à la modernité radicale. On évoquera aussi la résistance des nations d'Europe de l'est contre le communisme, qui puisait ses ressources dans leur identité culturelle et religieuse, sans croire qu'elles heurtaient de cette manière la démocratie qu'elles souhaitaient restaurer.

    C'est l'honneur des pères, en quelque sorte, qui vient du fond de l'histoire, et qui lie les hommes entre eux au fil des générations, qui poussera les meilleurs d'entre eux, au moment d'une crise, à consentir à la possibilité de l'ultime sacrifice pour entrer en résistance. C'est ce que suggère Finkielkraut en parlant du devoir d'honorer nos pères en évoquant, dans un dernier chapitre fort émouvant, une filiation, un héritage, qui ne se laissera jamais complètement recycler par le contractualisme démocratique. Il y a au cœur de la cité une part sacrée, quelque chose comme un trésor, qu'on ne peut oublier sans sacrifier l'idée même d'un monde commun. Notre monde, en fait, vaut la peine d'être poursuivi et l'héritage de notre civilisation. Mais on ne saura le transmettre qu'en renouant avec la conscience intime de la finitude, et surtout, de la gratitude envers le donné. Pour reprendre une des formules de Finkielkraut, l'homme naît dans un monde qui le précède et qui lui survivra et s'il doit éviter de le muséifier, il n'en est pas moins le conservateur désigné.

    C'est un thème présent chez Finkielkraut depuis ses premières réflexions sur le sort des petites nations, telles qu'on les retrouve dans Comment peut-on être Croate ? et dans l'aventure intellectuelle absolument passionnante du Messager européen. Le propre de la petite nation, disait alors Finkielkraut, est d'avoir une conscience intime de sa précarité. Elle sait très bien qu'elle pourrait ne pas être et elle n'a jamais la prétention d'embrasser à elle seule l'ensemble du destin de l'humanité. Pour cela, dans les métropoles, on l'accusera de provincialisme. Et pourtant, les petites nations éduquent à leur manière la philosophie politique en rappelant qu'un corps politique s'enracine toujours dans une expérience historique singulière. C'est cette conscience de la précarité des choses humaines qui l'avait conduit dans L'ingratitude, son livre d'entretiens avec Antoine Robitaille, à se dire ami de la cause québécoise. Finkielkraut y allait alors de cette belle formule: nous sommes tous des Québécois. Il a depuis suivi cette piste assez fidèlement et Éric Zemmour avait raison de dire de Finkielkraut qu'il cultivait pour la France le patriotisme des petites nations, sans prétention impériale aucune. Toutes les nations, un tant soit peu conscientes du monde qui vient, sont aujourd'hui attentives à cette fragilité. Finkielkraut fut un des premiers à s'en rendre compte.

    Le livre de Finkielkraut nous oblige à poser la question de son rapport à la philosophie. Il le mentionne en passant, des esprits mesquins lui contestent de temps en temps son statut de philosophe. On voudrait en faire un essayiste grincheux parmi d'autres, même pas un intellectuel digne de ce nom. Sur les réseaux sociaux, qui donnent un écho disproportionné aux conversations grossières autrefois réservées aux tavernes les moins fréquentables, on se permet de l'insulter régulièrement. De petits agents de police qui se font passer pour des universitaires qualifiés cherchent aussi à le transformer en propagandiste réactionnaire qui ne mériterait même plus qu'on lui réponde. Il faut dire qu'ils réservaient aussi le même sort, il y a un peu plus d'un an, à une figure aussi importante que Marcel Gauchet. La gauche critique veut bien débattre, mais à ses conditions, de quoi elle voudra, et avec qui elle voudra. En un mot, elle souhaite définir les conditions de respectabilité dans le débat public et chasser les indésirables en les frappant d'ostracisme.

    C'est évidemment une sottise sans nom. À la différence de ces philosophes qui n'en finissent plus de rejouer les vieilles scènes d'un antifascisme passé de mode, ou de ces autres philosophes, plus civilisés mais tout aussi stériles, qui réduisent la philosophie politique à un exercice strictement académique, aussi ennuyeux que pédant, où on déconstruit et reconstruit sans cesse le modèle d'une société aussi idéale que désincarnée, Alain Finkielkraut, fidèle ici à Péguy, plonge dans le monde, ses brumes et ses impuretés, pour chercher à l'éclairer un peu, tout en sachant qu'on ne sait jamais exactement dans quelle époque on vit. Raymond Aron disait que l'homme fait l'histoire mais ne sait pas l'histoire qu'il fait. Finkielkraut cherche néanmoins à le savoir un peu. Et même si Raymond Aron n'est pas une de ses inspirations intellectuelles majeures, on pourrait dire de Finkielkraut qu'il est aujourd'hui le spectateur engagé par excellence. Il est l'interlocuteur dont on ne peut se passer, au cœur de la cité, pour comprendre un peu le monde dans lequel on vit.

    Nous sommes devant un philosophe majeur qui est aussi un écrivain remarquable. Il est normal qu'il trouble la médiacratie, qui ne sait plus trop quoi faire devant lui. Au moment de son passage à On n'est pas couché, Léa Salamé répétait la nouvelle ligne de défense de la gauche progressiste : les conservateurs auraient maintenant l'hégémonie culturelle. Cela en dit beaucoup sur la psychologie de l'intelligentsia, qui ne tolère tout simplement pas qu'on la contredise et qui panique dès lors qu'une autre voix que la sienne parvient à se faire entendre. Elle se croit assiégée dès qu'elle rencontre un contradicteur minimalement persistant. Mais Finkielkraut, comme d'autres, représente une parole libre, qui médite sur l'histoire sans se laisser conscrire, et qui subtilement, mais profondément, nous réapprend la liberté de pensée. Il arrive un moment où vient le temps de dire ce qu'on voit. Le dernier ouvrage de Finkielkraut n'est pas seulement un livre événement. C'est un livre capital. 

    Mathieu Bock-Côté            

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologue et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

     

  • Bicentenaire... Patrice Gueniffey : « Waterloo a déterminé tout le XIXe siècle »

    Waterloo, aujourd'hui, la reconstitution du siècle

     

    À l'occasion du bicentenaire de Waterloo, l'historien Patrice Gueniffey*, spécialiste de Napoléon, a analysé pour Figarovox, les enjeux de cette bataille (18 juin 1815). Par delà les aperçus historiques fort intéressants, les lecteurs de Lafautearousseau, relèveront les points forts - très actuels - du paragraphe de conclusion : « Notre pays n'a pas été uni par le consensus mais par l'autorité et par l'État (longtemps monarchique). (...) L'histoire de France est l'histoire de ses divisions. Mais le problème a empiré depuis 1792 car la monarchie était un verrou, un principe d'unité qui s'opposait aux forces centrifuges. Aucun régime n'a été tout à fait légitime depuis. (...) Aujourd'hui encore, si la République n'est plus contestée, elle ne suscite pas forcément d'adhésion active. » Il s'agirait, en effet, pour la France d'aujourd'hui de réinstaurer un Pouvoir qui soit légitime - et perçu comme tel. LFAR

     

    Peut-on dire que la bataille de Waterloo a déterminé le destin de l'Europe ?

    Patrice GUENIFFEY. - Les contemporains l'ont perçu d'emblée. Tout contribuait au caractère dramatique de cette bataille. Napoléon est dos au mur. Il n'a pas de réserves. Ses ennemis le savent. C'est la première fois que les armées des deux principales puissances de l'époque, la France et la Grande-Bretagne, se retrouvent face à face pour un affrontement de cette ampleur. Le choc a lieu sur un terrain de quelques kilomètres carrés seulement. La visibilité sur le théâtre d'opération est faible. C'est une bataille brève, violente et incertaine.

    Pour la mémoire nationale, elle fut bien sûr une humiliation terrible, mais aussi une défaite glorieuse. L'Europe tout entière avait dû se liguer contre la France seule pour pouvoir la vaincre. De Musset à Stendhal, de Chateaubriand et Dumas à Victor Hugo, les écrivains français du XIXe ne vont cesser de magnifier Waterloo. Ils méditeront sur le génie du grand homme, la gloire nationale, la laideur et la grandeur de la guerre. Il reste que la défaite de Napoléon signe la vraie fin de la Révolution française. L'événement clôt le cycle politique commencé en 1789. La Révolution appartenait pleinement au XVIIIe siècle par ses idées et par les hommes qui les avaient incarnées. Waterloo, c'est le premier jour du XIXe siècle, comme le 1er août 1914 est le premier jour du XXe siècle.

    En quoi Waterloo décide-t-il des grands traits du XIXe siècle en Europe ?

    La défaite et l'exil de l'Empereur ouvrent une ère de paix sans précédent pour le Vieux Continent. La Grande-Bretagne, la Prusse, l'Autriche et la Russie sortent renforcées d'une épreuve qui a failli les perdre. À court terme, la réaction antifrançaise a partout raffermi le sentiment national et les monarques qui l'incarnent. Pour autant, parmi les idées de la Révolution française, celles en accord avec l'état de la civilisation européenne se sont diffusées à la faveur des guerres. Le Code civil a été appliqué dans tout l'Empire, dont la Belgique et une partie de l'Italie faisaient alors partie. Les sociétés des pays occupés par Napoléon sont sorties de cette épreuve modernisées et plus libérales. La tension entre le principe monarchique et les idées démocratiques devient palpable partout en Europe. Au Congrès de Vienne, Londres, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg et la France de Louis XVIII vont convenir de s'allier contre les mouvements libéraux et nationaux. Des réunions périodiques de souverains sont instituées pour régler les crises du moment. La neutralité de certaines parties de l'Europe est proclamée (la Suisse, le Rhin). Le Congrès de Vienne va permettre d'éviter une guerre générale en Europe pendant un siècle. Certes, il y aura des conflits, mais limités. La civilisation européenne du XIXe a été le sommet de l'histoire du Vieux Continent. C'est la plus brillante du point de vue du progrès, des sciences, des arts et des lettres. Le XIXe siècle a pourtant mauvaise réputation. Il est sous-estimé et peu aimé, victime de son image de siècle « bourgeois ».

    Quel regard portent les Britanniques sur les Français au XIXe siècle ?

    Waterloo marque la victoire de la Grande-Bretagne sur la France pour l'hégémonie mondiale. C'est la fin d'un conflit en trois étapes qui a opposé les deux pays des années 1750 à 1815, entrecoupées de simples trêves.

    La première manche, la guerre de Sept Ans, a été gagnée par les Anglais. La France a pris sa revanche pendant la guerre d'indépendance américaine. Et, au terme d'un conflit très long et incertain, les Anglais l'ont finalement emporté en 1815. Waterloo consacre la puissance britannique pour un siècle. Désormais, la Grande-Bretagne contrôle les routes du commerce international. Au XIXe siècle, Londres va rester fidèle à sa politique d'équilibre. Dans les années 1840, les Britanniques se rapprochent de la France, qui n'est plus une menace pour eux, et lancent «l'Entente cordiale». L'expression naît à cette époque, sous la monarchie de Juillet. Louis-Philippe a favorisé ce rapprochement. Il avait vécu en Angleterre pendant l'émigration et était resté anglomane. Le symbole de cette réconciliation, c'est le retour de la dépouille de Napoléon en France, en 1840, qui donne lieu à une cérémonie grandiose. Après Louis-Philippe, Napoléon III puis la IIIe République ne feront que poursuivre cette politique d'entente avec Londres. Certes, il y eut des moments de tensions (sur la question d'Orient vers 1840, à Fachoda plus tard) où le patriotisme blessé des Français se réveille. Mais l'entente entre les gouvernements l'emportera.

    Quels sont les sentiments des Allemands envers la France au XIXe siècle ?

    Napoléon a bouleversé et simplifié la carte de l'Allemagne. De l'occupation napoléonienne de l'Allemagne est née la possibilité de l'unification du pays sous l'égide de la Prusse. En 1806, Napoléon écrase les Prussiens lors d'une campagne éclair de trois semaines. Berlin décide alors de collaborer avec Napoléon tout en reconstituant son armée pour préparer la revanche: cette politique portera ses fruits en 1813. Dans l'intervalle, les Français avaient une nouvelle fois traversé l'Allemagne, en 1809, cette fois pour attaquer l'Autriche. Ces manœuvres furent ressenties comme une humiliation et c'est à ce moment que le nationalisme allemand prend vraiment son essor. Discours à la nation allemande(1807) de Fichte en avait marqué la naissance; il s'épanouira au cours de ce que les Allemands appellent « la guerre de libération nationale » (1813) contre l'occupant français.

    Au soir de Waterloo, Wellington était enclin à ne pas poursuivre l'armée française en déroute. Mais le Prussien Blücher, lui, insiste et s'emploie à massacrer autant de soldats français que possible les jours suivants. Il y avait là une haine antifrançaise - dont les populations civiles souffrirent elles aussi - qui pèsera lourd en 1870 et lors de la Première Guerre mondiale. Or, sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, les milieux dirigeants français n'avaient nullement conscience de l'hostilité des Prussiens envers notre pays. Il faut dire que les intellectuels français du XIXe siècle - Renan, Taine, Cousin - étaient fascinés par l'Allemagne. Ils considéraient ce pays comme la patrie de la philosophie, de la science, de la culture et des valeurs libérales, telle que l'avait décrite Madame de Staël dans De l'Allemagne (1810). D'où l'ahurissement qu'a représenté la guerre franco-allemande de 1870-1871.

    Quel est le bilan des pertes humaines des guerres de la Révolution et de l'Empire pour la France ?

    La France comptait entre 28 millions et 30 millions d'habitants en 1789. Et le bilan probable des vingt-trois ans de guerre qu'a connus la France de 1792 à 1815 est d'environ 1 500 000 morts. Cette évaluation additionne les pertes des guerres civiles pendant la Révolution (Vendée, insurrection fédéraliste), des campagnes de la Révolution de 1792 à 1799 et des conflits du Consulat et de l'Empire. Les deux tiers des tués le furent pendant l'Empire. À partir d'Eylau (1807), les batailles de Napoléon sont de plus en plus meurtrières. En cause, notamment, l'intervention de plus en plus massive de l'artillerie. Le bilan humain de ces guerres est donc lourd. Cette époque marque le début du ralentissement de la croissance démographique. La stagnation de la démographie dans notre pays sera un des traits majeurs du XIXe siècle.

    Waterloo a-t-il condamné par avance l'expérience de la monarchie constitutionnelle en France ?

    Waterloo l'a compromise. Lors de la première Restauration, en 1814, le rejet de l'Empereur était réel et Louis XVIII avait agi avec habileté. Une réconciliation nationale n'était pas à exclure à moyen terme. Mais en mars 1815, lorsqu'il débarque de l'île d'Elbe, Napoléon revient « à gauche ». Il se présente comme le bouclier de la Révolution et réveille l'esprit jacobin, minoritaire dans le pays mais vivant. Son retour était une folie, directement contraire à l'intérêt de la France. Après sa deuxième abdication, la Terreur blanche et la Chambre introuvable, dominée par les ultras, sont une réaction aux Cent-Jours. Les bonapartistes et les républicains les plus radicaux fonderont bientôt des sociétés secrètes. Un climat de guerre civile larvée est perceptible jusqu'en 1830 et même au-delà, chez les déçus des Trois Glorieuses.

    Dans quelle mesure le souvenir de Napoléon Ier va-t-il dicter les choix de son neveu, Napoléon III, empereur de 1852 à 1870 ?

    Le nom de Bonaparte fait partie de ses titres à la légitimité. Le prince Louis-Napoléon, président de la République de 1848 à 1851 puis empereur des Français, se présente comme celui qui va garantir, à l'intérieur, l'ordre et le progrès et, au-dehors, affirmer la grandeur nationale et réparer les traités de 1815. Contrairement à son oncle, qui a perpétré un coup d'État sans victimes ni proscrits le 18 Brumaire (1799), Napoléon III prend le pouvoir dans le sang le 2 décembre. Il traînera ce handicap pendant tout son règne.

    Pour autant, le neveu ne manquait ni de projets ni d'idées pour la France. À partir de 1804, une fois le pays remis en ordre, Napoléon Ier avait tourné le dos à la France, il s'était consacré avant tout à la guerre et à la politique étrangère. Ce n'est pas le cas de Napoléon III. Le bilan intérieur du Second Empire est loin d'être négligeable: croissance économique, industrialisation, amélioration des conditions de vie. De surcroît, à la différence de son oncle, il libéralise son régime dans les années 1860. Sans la catastrophe de Sedan, l'empire aurait pu s'enraciner et la couronne passer à l'héritier du trône impérial. Une synthèse de la monarchie et de la démocratie, c'est la formule que cherchaient à tâtons les Français depuis 1789. Malheureusement, Napoléon III a fait oublier son bilan intérieur par sa politique étrangère aventureuse et chimérique. Il a été écrasé par son nom. La personnalité de Napoléon III reste difficilement déchiffrable.

    Quel regard la IIIe République porte-t-elle sur Napoléon Ier ?

    La IIIe République se fonde contre le régime qui l'a précédée. Déjà, Michelet, ardent républicain, considérait que Napoléon Ier avait confisqué la Révolution. Michelet aimait ce mot du révolutionnaire Anarchasis Cloots: «France, guéris-toi des individus!» Le mot «individu» signifie ici «sauveur». La quête de l'homme providentiel est un legs de la monarchie: Robespierre, Napoléon Ier, Napoléon III… Michelet voyait dans l'engouement périodique des Français pour les «sauveurs» un signe d'immaturité. De même, pour Jules Ferry, Napoléon, c'est le despotisme, l'aventure personnelle, la guerre permanente. Mais la préoccupation principale de ce grand lecteur de l'historien Edgar Quinet reste de dissocier l'idée républicaine de toute complaisance envers la Terreur, très perceptible encore en 1848. Ce sera la tâche des historiens républicains, de Lavisse à Aulard. Dans la mémoire collective, toutefois, Napoléon demeure une gloire nationale, tantôt héritier de la Révolution, tantôt principe d'ordre, et toujours «professeur d'énergie» comme disait Barrès.

    D'où vient cette hantise du déclin qui s'exprime dans notre pays depuis Waterloo ? L'idée de «La France qui tombe», pour reprendre le titre d'un essai à succès, correspond-elle à une réalité ?

    Ce sentiment du déclin se développe surtout après la défaite de 1870-1871. Le traumatisme de l'invasion et de la Commune est profond. Bouvard et Pécuchet, c'est, pour Flaubert, une façon de s'interroger sur les causes du désastre. Taine écritLes Origines de la France contemporainepour répondre à cette question, et Renan La Réforme intellectuelle et morale. La rupture de 1870-1871 ouvre une période de conflits intérieurs permanents: République contre monarchie, crise boulangiste, affaire Dreyfus, séparation de l'Église et de l'État. Après la parenthèse de la Grande Guerre et de l'Union sacrée, les querelles intestines reprennent de plus belle, dans les années 1930 comme pendant la guerre froide. Après 1945, Bernanos écrit que les Français ont renoncé à tout et que c'est fini. La France connaît une crise permanente et le sentiment d'être arrivée au bout de son histoire.

    La France souffre-t-elle d'un « surmoi napoléonien » qui l'épuise?

    La France est une civilisation brillante, « mieux qu'un peuple, une nation », disait Bainville, mais sans aucune cohésion politique. Notre pays n'a pas été uni par le consensus mais par l'autorité et par l'État (longtemps monarchique). D'où la prédilection nationale pour les grands hommes, de Jeanne d'Arc à de Gaulle, qui, dans les temps de crise, lui confèrent une unité qu'il n'a pas. La France n'est pas l'Angleterre, unie autour de ses droits et de ses libertés, ni l'Allemagne, unie par sa langue et sa culture. Ce trait culturel a toujours existé. L'histoire de France est l'histoire de ses divisions. Mais le problème a empiré depuis 1792 car la monarchie était un verrou, un principe d'unité qui s'opposait aux forces centrifuges. Aucun régime n'a été tout à fait légitime depuis. 1830 et 1848 sont davantage des émeutes que des révolutions. Le pouvoir cède très vite. Aujourd'hui encore, si la République n'est plus contestée, elle ne suscite pas forcément d'adhésion active. Il n'y a pas de consensus profond autour d'un projet politique pour la France. C'est l'une des «exceptions françaises» qui étonnent tant nos voisins. 

     

    * Grand historien de la Révolution française et de l'Empire, Patrice Gueniffey, ancien élève de François Furetest, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a également dirigé le Centre de recherches politiques Raymond-Aron. Son dernier ouvrage, «Bonaparte» (Gallimard, 862 p., 30 €), a reçu le grand prix de la biographie historique 2013. Parmi ses ouvrages qui ont le plus marqué figurent La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 (Fayard, 2000) et Le 18 Brumaire (Gallimard, collection Les journées qui

  • Mathieu Bock-Côté : « L'homme sans civilisation est nu et condamné au désespoir »

     

    A l'occasion de la sortie de son nouveau livre, Mathieu Bock-Côté a accordé un entretien fleuve à FigaroVox [29.04] où il proclame son amour de la France et fait part de son angoisse de voir le multiculturalisme détruire les identités nationales. Nous avons souvent dit notre proximité avec la réflexion de Mathieu Bock-Côté et, pour cette raison, l'avons beaucoup cité. Cette proximité de fond se révèle ici une fois de plus.  LFAR 

     

    En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française ?

    Je m'en voudrais d'abord de ne pas dire que j'aime profondément la France et que j'hérite d'une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j'ai le sort de la France à cœur!

    La pénétration de l'idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d'Amérique ?

    Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l'a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu'il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C'était faux, mais c'était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.

    Dans l'histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d'État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d'autres dans l'ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n'en finissent plus d'idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.

    Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien : c'est une idéologie fondée sur l'inversion du devoir d'intégration. Traditionnellement, c'était la vocation de l'immigré de prendre le pli de la société d'accueil et d'apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c'est la société d'accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n'est plus qu'un communautarisme parmi d'autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.

    Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s'est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l'identité canadienne. Il a remplacé ce qu'on pourrait appeler l'identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d'identité commune au Canada aujourd'hui, et cela plus encore depuis l'arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d'un air enamouré, c'est le sentiment d'être une superpuissance morale, exemplaire pour l'humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l'humanité.

    L'indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l'esprit post-moderne.

    Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu'on appellera l'esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C'est le pays du communautarisme décomplexé, c'est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.

    C'est le pays qui banalise sous le terme d'accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C'est le pays où certains iront même jusqu'à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d'esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.

    En France, le multiculturalisme semble moins agressif ...

    Il domine aussi l'esprit public mais n'est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l'idéal d'une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s'est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d'années.

    En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l'avenir de leur pays. J'ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu'ils subissent, comme s'ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s'autoflageller en toutes circonstances.

    Le multiculturalisme s'est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l'antiracisme, au début des années 1980, jusqu'à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d'une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.

    Il s'est aussi imposé avec l'aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.

    La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s'est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l'histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.

    Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d'un autre, le multiculturalisme se présente comme l'horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.

    La gauche européenne, en général, y voit d'ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.

    Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu'on constate qu'une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l'histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu'on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d'une déliaison sociale majeure.

    Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s'amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c'est qu'on y résiste exagérément, c'est que les nations historiques, en refusant de s'y convertir, l'empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.

    Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l'école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l'exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l'utopie diversitaire.

    C'est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu'on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.

    Quels sont les points communs et différence avec la France ?

    L'histoire des deux pays, naturellement n'est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.

    En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l'affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.

    Mais encore une fois, il faut le dire, c'est le même logiciel idéologique qui est à l'œuvre. Il repose sur l'historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d'une culture commune, dans la mesure où elle n'y voit qu'une culture dominante au service d'une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu'on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.

    En un mot, si l'idéologie multiculturaliste s'adapte à chaque pays où elle s'implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c'est qu'il s'agit d'une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l'expérience historique occidentale.

    Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N'est-ce pas paradoxal ?

    Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s'est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s'est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l'Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d'un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l'idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l'idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l'empire américain. C'est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.

    En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …

    Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d'être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d'autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s'en réclamer, d'autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.

    Le drame de cette contestation, c'est qu'elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu'il fallait combattre de toutes les manières possibles. D'ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d'une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d'une manière ou d'une autre, à l'État-nation.

    On ne sortira pas de l'hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.

    Depuis quelques années, on observe également en France la percée d'un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme ?

    Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l'expression la plus satisfaisante d'une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d'autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l'est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s'y opposer. Il faut pourtant dire qu'elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d'une liberté pensée comme pure indétermination. C'est le fantasme de l'autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l'histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.

    On peut certainement y voir une autre manifestation de l'héritage des radical sixties et de l'idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations - parce qu'à force de présenter toute différence à la manière d'une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s'esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu'elle représente, est particulièrement efficace da

  • Nouveaux scénarios à l’ère du Coronavirus Le Coronavirus est-il un châtiment divin ? Considérations politiques, historiq


    (Un grand merci à Annie Laurent qui m'a transmis hier matin ce texte extrêmement intéressant... François Davin, Blogmestre)

     

    Le sujet de mon intervention s’intitule : “les nouveaux scénarios en Italie et en Europe pendant et après le Coronavirus”. Je n’aborderai pas la question d’un point de vue médical ou scientifique : je n’en ai pas la compétence. Mais je traiterai cette question sous trois autres angles : celui du spécialiste de sciences politiques et sociales ; celui de l’historien ; et celui du philosophe de l’histoire. 

    Spécialiste des sciences sociales 

    Les sciences politiques et sociales sont celles qui étudient le comportement de l’homme dans son contexte social, politique et géopolitique. De ce point de vue, je ne m’interroge pas sur les origines du Coronavirus et sa nature, mais sur ses conséquences sociales actuelles et à venir. 

    Une épidémie est la diffusion à l’échelle nationale ou mondiale (en ce cas, on parle de pandémie) d’une maladie infectieuse qui touche un grand nombre d’individus d’une population donnée, en un espace de temps très bref. 

    Le Coronavirus, rebaptisé par l’OMS Covid-19, est une maladie infectieuse dont la diffusion a commencé en Chine. L’Italie est le pays occidental apparemment le plus touché. 

    Pourquoi l’Italie est-elle aujourd’hui en quarantaine ? Parce que, comme l’ont compris dès le début les plus fins observateurs, le problème du Coronavirus n’est pas tant le taux de mortalité de la maladie, mais bien sa rapidité de contagion. 

    Tous sont d’accord pour dire que la létalité de la maladie en elle-même n’est pas très élevée. Un malade peut guérir, s’il est assisté par le personnel spécialisé dans des structures sanitaires bien équipées. Mais si le nombre de malades s’étend, du fait de la rapidité de la contagion qui peut toucher simultanément des millions de personnes, on va manquer de structures et de personnel : les malades meurent faute de recevoir les soins nécessaires. En effet, les cas graves ont besoin du support des soins intensifs pour ventiler les poumons. Sans ce support, les patients meurent. Si le nombre de contagions augmentent, les hôpitaux ne seront plus en mesure de garantir à tous les soins intensifs et le nombre de morts augmentera. 

    Les projections épidémiologiques sont inéluctables et justifient les précautions prises. Si on ne le contrôle pas, le coronavirus pourrait toucher toute la population italienne. Même en supposant qu’il n’y ait en définitive que 30% de personnes infectées, soit environ 20 millions, si on compte à la baisse que 10% de ces cas se compliquent et ont besoin de soins intensifs, ces cas sont destinés à décéder. On aurait alors 2 millions de décès directs, plus tous les décès indirects résultant de l’écroulement du système de santé et de l’ordre social et économique qui en découle”.

    L’écroulement du système de santé aura à son tour d’autres conséquences, dont la première est la faillite du système productif du pays. 

    D’ordinaire, les crises économiques apparaissent lorsque font défaut l’offre et la demande. Mais si ceux qui voudraient consommer doivent rester chez eux, les magasins sont fermés et ceux qui seraient en mesure d’offrir ne peuvent faire parvenir leurs produits aux clients, parce que les opérations logistiques, le transport des marchandises et les points de vente entrent en crise, les chaînes d’approvisionnement, les supply chain, s’écroulent. Les banques centrales ne sont plus en mesure de sauver la situation : “la crise post coronavirus n’a pas de solution monétaire”, écrit Maurizio Ricci, sur La Repubblica du 28 février. 

    L’expression “tempête parfaite” a été forgée il y a quelques années par l’économiste Nouriel Roubini, pour désigner un ensemble de conditions financières qui pourrait conduire à un krach financier : Il y aura une récession globale due au Coronavirus”, affirme Nouriel Roubini, qui ajoute : “la crise va exploser et mener au désastre. A l’appui des prévisions de Roubini, nous constatons déjà la chute du pétrole : suite à  l’échec de l’accord à l’Opec, l’Arabie Saoudite, pour défier la Russie, a décidé d’augmenter la production et de baisser les prix. Et les évènements à venir viendront probablement confirmer ces prévisions.  

    Le point faible de la globalisation est l’”interconnexion”, ce mot magique de notre époque que l’on emploie tant en économie qu’en religion. L’exhortation apostolique Querida Amazonia du pape François est un hymne à l’interconnexion. Mais le système global est fragile, précisément parce qu’il est trop interconnecté. Et le système de distribution des produits est l’une des chaînes de cette interconnexion économique.  

    Ce n’est pas un problème de marchés, mais d’économie réelle. Ce n’est pas seulement la finance, mais aussi l’industrie, le commerce et l’agriculture, autrement dit les piliers de l’économie d’un pays, qui peuvent s’effondrer si le système de production et de distribution entre en crise.  

    Mais on commence à entrevoir aussi un autre point : il n’y a pas que l’écroulement du système sanitaire, ni l’éventualité d’un crack économique, mais il peut aussi y avoir un écroulement de l’Etat et de l’autorité publique, en un mot l’anarchie sociale. La révolte dans les prisons en Italie en est un indicateur. 

    Les épidémies ont des conséquences psychologiques et sociales, du fait de la panique qu’elles peuvent provoquer. Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, la psychologie sociale a fait son apparition. Et l’un de ses premiers représentants est Gustave Le Bon (1841-1931), auteur d’un ouvrage célèbre intitulé Psychologie des foules (1895).

    Le Bon analyse le comportement collectif et explique que dans une foule l’individu subit un changement psychologique : sentiments et passions se transmettent d’un individu à l’autre “par contagion”, comme on se transmet les maladies infectieuses. La théorie de la contagion sociale moderne, qui s’inspire de Le Bon, explique que, protégé par l’anonymat de la masse, même l’individu le plus calme peut devenir agressif, en agissant par imitation et suggestion. La panique est l’un de ces sentiments qui se transmet par contagion sociale, comme ce fut le cas lors de la Révolution française, dans la période dite de la “grande peur”

    Si, outre la crise sanitaire, nous avons aussi une crise économique, une vague incontrôlée de panique peut déchaîner les pulsions violentes de la foule. L’Etat est supplanté par les tribus, les bandes, surtout dans les périphéries des grands centres urbains. L’anarchie a ses agents et la guerre sociale, théorisée par le Forum de San Paolo, une conférence des organisations d’extrême-gauche d’Amérique Latine, est déjà à l’oeuvre de la Bolivie au Chili, du Venezuela à l’Equateur. Elle peut rapidement s’étendre aussi à l’Europe. 

    Ce processus révolutionnaire répond certainement au projet des lobbys globalistes, Mais si c’est là une vérité, il faut dire aussi que cette crise signe précisément la défaite de l’utopie de la globalisation, présentée comme la voie principale qui doit mener à l’unification du genre humain. En effet, la globalisation  détruit l’espace et abat les distances : aujourd’hui, pour échapper à l’épidémie, la règle est la distance sociale, l’isolement de l’individu. La quarantaine s’oppose diamétralement à la “société ouverte” appélée de ses voeux par George Soros. La conception de l’homme comme relation, caractéristique d’un certain personnalisme philosophique, disparaît. 

    Le pape François, après l’échec de Querida Amazonia, comptait beaucoup sur le congrès dédié au “global compact” prévu au Vatican le 14 mai. Il se trouve que ce congrès a été décalé et non seulement il s’éloigne dans le temps, mais ses hypothèses idéologiques se dissolvent. Le Coronavirus nous ramène à la réalité.

     Ce n’est pas la fin des frontières, telle qu’elle avait été annoncé après la chute du Mur de Berlin. C’est la fin d’un monde sans frontières. Ce n’est pas le triomphe du nouvel ordre mondial : c’est le triomphe du nouveau désordre mondial. Le scénario politique et social est celui d’une société qui se désagrège et se décompose. 

    Tout cela a-t-il été planifié ? C’est possible. Mais l’histoire n’est pas une suite déterministe d’évènements. Le maître de l’histoire est Dieu, et non les maîtres du chaos. C’est la fin du “village global”. Le killer de la globalisation est un virus global, le Coronavirus.

     

    Le point de vue de l’historien

    De l’analyse de l’observateur politique, nous passons à celle de l’historien qui cherche à voir les choses dans une perspective à long terme. Les épidémies ont accompagné l’histoire de l’humanité depuis toujours jusqu’au XXème siècle. Avec elles, il y eut toujours deux autres fléaux :  les guerres et les crises économiques. La dernière grande épidémie, la grippe espagnole des années 1920, fut étroitement liée à la Première Guerre Mondiale et à la Grande récession de 1929, connue aussi comme “the Great Crash”, crise économique et financière qui impacta l’économie mondiale à la fin des années 20, avec de graves répercussions également sur la décennie qui suivit. Puis ce fut la Seconde guerre mondiale.

    Laura Spinney est une journaliste scientifique anglaise, auteur d’un ouvrage intitulé La Grande Tueuse. Comment la grippe espagnole a changé le monde. Elle écrit que de 1918 à 1920, le virus de la grippe espagnole a contaminé environ 500 millions de personnes, dont certains habitants d’îles éloignées de l’Océan Pacifique et de la Mer Glaciale Arctique, provoquant le décès de 50-100 millions d’individus, dix fois plus que la Première Guerre Mondiale. La première guerre mondiale contribua à répandre le virus dans le monde entier

    Dans le monde interconnecté de la globalisation, la facilité de contagion est certainement plus grande qu’elle ne l’était il y a cent ans. Qui pourrait le nier ?

     

    Mais le regard de l’historien nous fait remonter plus loin dans le temps. 

      Le XXème siècle fut le siècle le plus terrible de l’histoire, mais il y eut un autre siècle terrible, celui que l’historienne Barbara Tuchman, dans son ouvrage A distant Mirror, définit comme“The Calamitous Fourteenth Century”.

    Je voudrais m’arrêter sur cette période historique qui marque la fin du Moyen-Age et le début de l’ère moderne. Je le fais en me basant sur les oeuvres d’historiens non catholiques, mais sérieux et objectifs dans leurs recherches. 

    Les Rogations sont les processions instaurées par l’Eglise pour implorer l’aide du Ciel contre les calamités. Dans les Rogations, on prie A fame, peste et bello libera nos, Domine : de la faim, de la peste et de la guerre, délivrez-nous Seigneur. La faim, la peste et la guerre ont  toujours été considérées par le peuple chrétien comme des châtiments de Dieu. L’invocation liturgique de la cérémonie des Rogations, écrit l’historien Roberto Lopez “reprit au XIVème siècle toute son actualité dramatique . “Entre le Xème et le XIIème siècle – observe Lopez – aucun des grands fléaux qui déciment l’humanité ne semble avoir fait massivement rage ; ni la peste, dont on n’entend pas parler en cette période, ni la famine, ni la guerre, qui fit un nombre très restreint de victimes. De plus, les horizons de l’agriculture furent alors élargis par un adoucissement progressif du climat. Nous en avons la preuve dans le recul des glaciers en montagne et des icebergs dans les mers du Nord, dans l’extension de la viticulture dans des régions comme l’Angleterre où elle n’est plus possible aujourd’hui, dans l’abondance d’eau dans les territoires du Sahara, reconquis ensuite par le désert .

    Le contexte fut bien différent au XIVème siècle, qui vit converger des catastrophes naturelles et graves, tant sur le plan religieux que politique. 

    Le XIVème siècle fut un siècle de profonde crise religieuse : il s’ouvrit avec la gifle d’Anagni (1303), l’une des plus grandes humiliations de la Papauté dans l’histoire ; puis il vit le déplacement des papes, pendant soixante-dix ans, dans la ville d’Avignon en France (1308-1378) et il se termina, de 1378 à 1417, par les quarante ans du Schisme d’Occident, où l’Europe catholique était divisée entre deux, puis trois papes opposés. 

    Si le XIIIème siècle fut une période de paix en Europe, le XIVème siècle fut une époque de guerre permanente. Il suffit de penser à la “guerre de cent ans” entre la France et l’Angleterre (1339-1452) et à l’irruption des Turcs dans l’Empire Byzantin par la prise d’Andrinople en 1362.  

     L’Europe connut en ce siècle une crise économique due aux changements climatiques provoqués non par l’homme, mais par les périodes glaciaires. Le climat du Moyen-Age avait été doux et tempéré, tout comme ses moeurs. Au XIVème siècle, les conditions climatiques se firent brusquement plus rudes. 

      Les pluies et les inondations du printemps 1315 eurent pour conséquence une famine générale qui s’empara de l’Europe entière, et en particulier des régions du Nord, causant la mort de millions de personnes. La faim se répandit partout. Les vieux refusaient volontairement la nourriture dans l’espoir de permettre aux jeunes de survivre et les chroniqueurs de l’époque rapportèrent de nombreux cas de cannibalisme.  

    L’une des principales conséquences de la famine fut la destructuration agricole. Il y eut, en ce temps-là, de grands mouvements de dépeuplement agricole caractérisés par la fuite des terres et l’abandon des villages ; la forêt envahit les champs et les vignes. À la suite de l’abandon des campagnes, il y eut une forte réduction de la productivité des sols et un appauvrissement du bétail. 

    Si le mauvais temps provoque la famine, cette dernière affaiblit les populations et ouvre la voie aux maladies. Les historiens Ruggero Romano et Alberto Tenenti rapportent qu’au XIIIème siècle, le cy

  • Interview exclusive de Mathieu Bock-Côté pour Educ’France !, par Axelle Girard.

    Source : https://educfrance.org/

    Mathieu Bock-Côté a accordé une interview exclusive à Educ'France : #Assimilation #Identité #LibertéScolaire #EdTech... Une leçon aussi édifiante qu'elle est porteuse d'espoirs. Propos recueillis par Axelle Girard.

    8.jpg1/ Vous êtes un auteur prolifique, et avez choisi d’inscrire votre action au cœur de plusieurs champs, parfois jugés incompatibles – à tort d’ailleurs. Comment définiriez-vous votre action ; êtes-vous d’abord un militant, un chercheur, un enseignant ou tout à la fois ?

    Comme sociologue (j’enseigne à HEC Montréal) et comme chroniqueur (Journal de Montréal et Figaro). Je me suis toujours intéressé, à travers mes livres, à la configuration de l’espace public en démocratie. À quelles conditions peut-on y avoir accès ? À partir de quels critères peut-on y être reconnu comme un interlocuteur légitime ? En d’autres termes, c’est la question de la légitimité qui m’obsède. C’est ce qui m’a amené à m’intéresser à ce qu’on pourrait appeler la grande mutation idéologique occidentale engagée à partir des années 1960. Nous vivons aujourd’hui sous le régime diversitaire, qui prétend donner la seule interprétation possible de l’expérience démocratique – alors qu’à mon avis, il la dénature. Je m’intéresse beaucoup à la manière dont le régime diversitaire se représente ses adversaires et ses ennemis. C’est ce qui explique notamment mon intérêt pour le conservatisme, et plus largement, pour les différentes formes de dissidences au sein de la modernité. Car si la modernité émancipe l’homme, elle le mutile aussi, et il faut prendre la révolte contre cette mutilation au sérieux. La modernité porte aussi en elle une tentation totalitaire, et il vaut la peine, encore aujourd’hui, de voir de quelle manière elle s’actualise pour mieux y répondre. Au nom de quoi les hommes ont-ils résisté au totalitarisme, au siècle dernier, et au nom de quoi pourraient-ils y résister, aujourd’hui ?

    Pour ce qui est de mon travail de chroniqueur, il consiste essentiellement à penser l’histoire qui se fait, pour le dire avec les mots de Raymond Aron. J’essaie, à travers mes chroniques, de décrypter l’époque derrière l’actualité, de situer les événements dans un contexte plus large pour les rendre intelligibles, en dévoilant dans la mesure du possible leur épaisseur historique et sociologique. Suis-je militant ? Je ne le crois pas. Je tiens beaucoup trop à ma liberté intellectuelle pour me définir ainsi. Cela dit, je suis militant d’une cause, une seule, mais qui me tient à cœur plus que tout : l’indépendance du Québec.

     

    2/ Comme étudiante en administration publique, j’ai lu vos travaux sur le multiculturalisme assimilé par vous à une religion. Et je vous rejoins presque systématiquement mais, au fond, j’ai envie de vous demander pourquoi la France a échoué à imposer l’assimilation ?

    Il y a des raisons internes et externes à cela. 

    Parmi les premières, on trouve la mise en place d’un dispositif politico-médiatique inhibiteur qui se réclame de l’antiracisme mais qui a véritablement eu pour fonction, depuis 40 ans au moins, de faire le procès de la nation : ceux qui résistaient à cette dénationalisation de la France étaient disqualifiés moralement, extrême-droitisés, fascisés, nazifiés, même. Ils étaient ostracisés, traités en paria. Le progrès des sociétés était associé à leur dénationalisation. La nation devenait une référence au mieux vieillotte, au pire maudite, et qui s’en réclamait risquait une très mauvaise réputation. La référence nationale a été refoulée dans les marges de la cité ou ne survivait dans le discours public que dans sa forme la plus diminuée. À travers tout cela, la définition de la nation n’a cessé de s’affadir : on a cessé de parler de la France comme une réalité historique et substantielle, pour la définir exclusivement à travers des valeurs républicaines, certes honorables et admirables et auxquelles je tiens comme tout le monde, mais qui ne la caractérisent pas. À ce que j’en sais, la démocratie, l’égalité, la justice sociale ne sont pas exclusives à la France. En fait, les références incandescentes à la République ont de plus en plus servi à masquer la désubstantialisation de la nation, comme si la première devait finalement se substituer à la seconde. C’est dans ce contexte que la France est ainsi passée de l’assimilation à l’intégration à la «société inclusive». Elle a suivi son propre chemin vers le multiculturalisme, même si le corps social y résiste, tant les mœurs françaises demeurent vivantes. La définition de l’identité nationale tend à se retourner contre les Français, dans la mesure où on leur reproche de verser dans la crispation identitaire et la xénophobie dès qu’ils refusent de pousser plus loin leur conversion au multiculturalisme qui repose, je l’ai souvent dit, sur l’inversion du devoir d’intégration. Dans la logique du multiculturalisme, ce n’est plus au nouvel arrivant de prendre le pli de la société d’accueil mais à cette dernière de transformer ses mentalités, sa culture, ses institutions, pour accommoder la diversité – l’islamisme, nous le savons, verra là une occasion de faire avancer son programme politique, en le formulant dans le langage du droit à la différence. Et plus la France est pénitente, honteuse d’elle-même, occupée à s’excuser dès qu’on l’accuse de quelque chose, moins elle est attirante, évidemment. Il est difficile d’aimer un pays qui maudit ses héros et veut les faire passer pour des monstres. L’État lui-même, perdant confiance en sa légitimité, a progressivement renoncé à assimiler en ne posant plus la culture française comme culture de convergence : elle ne devenait, en France, qu’une culture parmi d’autres, devant renoncer à ses «privilèges» historiques pour qu’advienne le vivre-ensemble diversitaire. Autrefois, plus on envoyait des signes ostentatoires d’assimilation ou d’intégration, plus on avant de chance de profiter des avantages de la coopération sociale. Il n’en est plus ainsi puisque les mécanismes sociaux poussant à l’assimilation sont désormais diabolisés au nom d’une fantasmatique «lutte contre les discriminations». D’ailleurs, l’État n’ose même plus défendre les frontières, au point de célébrer ceux qui ne les respectent pas au nom d’une conception particulièrement dévoyée de la fraternité. 

    On mentionnera aussi la dynamique de l’individualisme propre à toutes les sociétés modernes, mais qui s’est radicalisée avec les années 1960 et qui pousse l’individu à se désaffilier du cadre national comme si ce dernier était écrasant, étouffant, illégitime. Cette dynamique pousse à la désassimilation de la population française historique – et de toutes les populations occidentales, évidemment. L’individu ne se voit plus comme un héritier : il en vient même à rêver à son autoengendrement. Le progressisme contemporain déréalise l’individu et l’arrache aux appartenances les plus fécondes : il le décharne en croyant l’émanciper. Il le condamne pourtant à la nudité existentielle. C’est ainsi qu’on doit comprendre la fameuse théorie du genre qui pousse l’individu à vouloir s’autodéterminer au point de choisir lui-même son propre sexe, s’il s’en choisit un, parce qu’il peut aussi avoir la tentation de demeurer dans un flux identitaire insaisissable : c’est la figure du queer, associée, par ses promoteurs, à une forme d’émancipation absolue, la subjectivité ne se laissant plus instituer et se définissant exclusivement sous le signe de la volonté et de l’autoreprésentation. Qui questionne cette théorie est immédiatement accusée de transphobie, comme s’il fallait bannir intégralement ce qu’on pourrait appeler l’anthropologie fondatrice de la civilisation occidentale. L’être humain ne naît plus homme ou femme, apparemment : par décret théorique, on abolit l’humanité réelle pour en fantasmer une nouvelle, fruit d’un pur modelage idéologique. Le réel est condamné, proscrit, maudit : le réel est réactionnaire. Mais puisque le réel résiste, il faut toujours plus loin l’entreprise de rééducation des populations, qui ne parviennent pas à voir leur réalité à travers les catégories privilégiées dans les sciences sociales universitaires. L’État social se transforme alors en État-thérapeutique qui multiplie les campagnes de sensibilisation à la différence et à la diversité, pour neutraliser ce qui, dans la population, la pousse à ne pas s’enthousiasmer pour cet univers orwellien. Cela dit, l’individu ne peut pas durablement vivre dans un monde aussi mouvant, donc il en vient à se replier sur des identités de substitution paradoxalement bien plus contraignantes que l’identité nationale. On constate aujourd’hui, par exemple, une remontée du racialisme, qui vient essentiellement de la gauche, et qui cherche à relégitimer un concept régressif, la race, que nos sociétés avaient travaillé à neutraliser depuis plusieurs décennies. Ne soyons pas surpris : dès le début des années 1990, les plus lucides le disaient déjà, si vous renoncez à la nation, vous aurez pendant un temps l’individu, mais très vite, vous retomberez vers la tribu.

    Quant aux facteurs externes, j’en identifierais rapidement quatre. 

    Il faut d’abord mentionner l’américanisation des mentalités, qui déstructure l’imaginaire national en imposant un univers conceptuel absolument étranger à l’histoire française, qui la rend inintelligible aux nouvelles générations. On le voit avec la promotion délirante d’un racialisme venu tout droit des universités américaines et qui pousse à la tribalisation des appartenances. Ce racialisme déstructure profondément les rapports sociaux. La France en vient à ne plus comprendre ses propres mœurs et intériorise, du moins dans son appareil médiatique, la critique de l’intelligentsia anglo-saxonne, qui la présente comme une Union soviétique bulldozant ses minorités. La gauche radicale universitaire et les mouvements sociaux qui s’en réclament jouent un grand rôle dans cette américanisation, et pas seulement le capitalisme, comme on a tendance à le croire. Le commun des mortels résiste à cette dynamique, mais il y résiste peut-être de moins en moins. 

    La mondialisation, aussi, transforme les conditions mêmes de l’existence des sociétés. Il n’est plus nécessaire de s’assimiler pour fonctionner en société. Les métropoles et leurs banlieues connaissent une hétérogénéité identitaire de plus en plus marquée et la révolution technologique permet de vivre dans une société sans vraiment chercher à y appartenir, en continuant d’habiter mentalement son pays d’origine. On ne saurait sous-estimer les effets politiques de cette dynamique sociologique qui devrait nous amener à examiner avec lucidité ce qu’on pourrait appeler nos capacités d’intégration comme société.

    La construction européenne, aussi, qui n’a pas grand-chose à voir avec la civilisation européenne, et qui a même tendance à se construire contre elle, a contribué à disqualifier la référence nationale, en la décrétant inadaptée aux temps nouveaux. L’UE prétendait transcender les nations en les invitant à constituer politiquement la civilisation européenne : en fait, elle s’est construite contre la civilisation européenne, en la vidant de son épaisseur historique. On se rappellera son refus de reconnaître ses racines chrétiennes. La souveraineté nationale était jugée réactionnaire, et ceux qui la défendaient passaient pour les nostalgiques du nouvel ancien régime, centré sur la figure de l’État-nation. L’européisme s’accompagnait aussi d’un discours sur la mondialisation où l’intérêt de l’humanité était associée au mouvement perpétuel – Taguieff a parlé pour cela de bougisme. La mode, il y a quelques années encore, était à la déterritorialisation des appartenances et aux identités hybrides, engendrées par des métropoles mondialisées, se présentant comme tout autant d’espaces privilégiées pour favoriser le déploiement du régime diversitaire. 

    Il faut aussi parler de la pression migratoire. L’historien québécois Michel Brunet disait que trois facteurs pesaient dans le destin des civilisations : le nombre, le nombre, et encore le nombre. L’immigration massive déstructure profondément les sociétés qui la subissent. Le phénomène n’est pas nouveau : il se déploie depuis plusieurs décennies, même si le maquillage de la réalité par une démographie lyssenkiste a tout fait pour en minimiser la portée. Ou alors, on présente les grandes migrations d’aujourd’hui comme des flux démographiques naturels appartenant aux lois de l’histoire, auxquels on ne pourrait rien faire. On joue du droit, de l’histoire et de la statistique pour faire croire que ce qui arrive n’arrive pas et les médias, trop souvent, participent à ce recouvrement idéologique de la réalité. Plus encore, ils jouent un rôle central dans cette négation du réel. Nous vivons une forme d’écartèlement idéologique : la mutation démographique des sociétés occidentales est reconnue lorsqu’il faut la célébrer, mais niée lorsqu’on pourrait être tenté de la critiquer. Les tensions associées à cette société fragmentée sont constamment relativisées. Lorsque le réel pèse trop fort, on le maquillera ou on le traitera sur le mode du fait divers : on se souvient tous du traitement des agressions de Cologne, en 2016. On pourrait évoquer bien d’autres exemples, plus récent, mais celui-là est resté dans nos mémoires. Sur le fond des choses, l’immigration massive tend progressivement à rendre de plus en plus difficile l’assimilation et favorise plutôt la constitution de communautés nouvelles, qui se définissent à travers l’action d’entrepreneurs idéologiques associés à la mouvance indigéniste et décoloniale, comme des victimes intérieures de la communauté nationale. La laïcité française est ainsi présentée comme une forme de néocolonialisme intérieur destinée à étouffer les populations immigrées. Amusant paradoxe : autrefois, le colonialisme consistait à imposer sa culture chez les autres, aujourd’hui, cela consiste à imposer sa propre culture chez soi. Les nations occidentales sont expropriées symboliquement de chez elles, et lorsqu’elles protestent contre cette dépossession, on juge qu’elles basculent dans le suprémacisme ethnique. On leur explique que leurs racines ne comptent plus : nous sommes tous des immigrants, telle est la devine du régime diversitaire. L’histoire nationale est appelée à se dissoudre dans la mystique diversitaire : tel était le projet qui animait, il y a quelques années, l’ouvrage L’histoire mondiale de la France. Le régime diversitaire cherche alors à imposer de toutes les manières possibles la fiction du vivre ensemble, quitte à devenir de plus en plus autoritaire dans la maîtrise du récit médiatique pour éviter que des voix discordantes ne viennent troubler la fable de la diversité heureuse. Il cherche à contrôler les paroles dissidentes au nom de la lutte contre les propos haineux, mais on comprend qu’à ces derniers sont assimilées toutes les critiques du progressisme.

     

    3/ Parlons d’école : quelles grandes similitudes voyez-vous entre le combat pour la liberté scolaire en France et au Québec ?

    La question de l’autonomie scolaire me semble moins centrale, si je puis me permettre, que celle de la soumission du ministère de l’Éducation, chez nous, mais aussi, je crois, chez vous, à un pédagogisme débilitant qui a progressivement sacrifié les savoirs – j’ajoute toutefois que le phénomène est allé beaucoup plus loin de notre côté de l’Atlantique que du vôtre, où survit encore une conception exigeante de la culture. Cela dit, dans toutes les sociétés occidentales, une forme d’égalitarisme a poussé à la déconstruction de la culture parce qu’elle est verticale, et censée légitimer, dans l’esprit de ses détracteurs, certains mécanismes de reproduction sociale au service d’une élite masquant ses privilèges ses références culturelles. Alain Finkielkraut, dans La défaite de la pensée, et Allan Bloom, dans L’âme désarmée, ont analysé et critiqué ce discours dès la fin des années 1980. L’école ne devait plus transmettre le monde mais le recommencer à zéro : l’héritage était réduit à un stock de préjugés condamnables. Par ailleurs, le pédagogisme a voulu transformer l’école en laboratoire idéologique devant moins transmettre un patrimoine de civilisation que fabriquer à même les salles de classe une société nouvelle, dans la matrice du progressisme contemporain. Le pédagogisme invite moins à admirer et explorer les grandes œuvres, par exemple, qu’à les démystifier pour voir comment elles sont porteuses d’intolérables préjugés comme le racisme, la xénophobie, l’homophobie, la transphobie, la grossophobie, et ainsi de suite. Et cela quand on leur parle de ces œuvres. Car l’élève est aussi invité à exprimer son authenticité et à construire lui-même son propre savoir : c’était la lubie du socio-constructivisme. Le ministère de l

  • Taguieff: «Le décolonialisme est la maladie sénile de la gauche intellectuelle contemporaine», par Pierre Valentin.

    Manifestation d’un collectif de soutien à Adama Traoré. BERTRAND GUAY/AFP

    Le philosophe dénonce l’influence croissante du décolonialisme au sein de la gauche dans un essai tout juste paru, intitulé «L’imposture décoloniale».

    FIGAROVOX. - Dans votre dernier ouvrage L’imposture décoloniale vous dites: «Le postcolonialisme (…) risque d’entraîner toutes les familles de la gauche dans l’adhésion à une vision identitaire». Quelle est cette vision identitaire qui vous inquiète?

    Pierre-André TAGUIEFF. - Le postcolonialisme est, pour aller vite, la version soft du décolonialisme, lequel séduit non pas en raison de sa consistance théorique mais par sa «radicalité» idéologico-politique. Les idéologues décoloniaux appellent en effet à rompre totalement avec le passé maudit de la France et plus largement de l’Europe et de l’Occident, dont il réduisent l’histoire à celle du racisme, de la traite négrière, du colonialisme et de l’impérialisme.

    Ils rejoignent en cela les artisans-militants d’une contre-histoire dite «histoire mondiale» ou «globale», obsédés par la déconstruction du roman national français. Ils ne voient dans l’universalisme, celui du judéo-christianisme comme celui des Lumières, que l’expression d’un eurocentrisme qu’ils s’efforcent frénétiquement de «déconstruire» en même temps qu’ils s’appliquent à «provincialiser» l’Europe et sa culture. Ils criminalisent au passage la laïcité, dans laquelle ils ne voient qu’intolérance et rejet de la diversité, refus des saintes «différences».

    L’attractivité du décolonialisme à gauche et à l’extrême gauche s’explique largement par un appel du vide, dont les causes sont identifiables: la décomposition de la gauche et l’essoufflement du modèle social-démocrate, l’incrédulité croissante envers le marxisme et l’utopie communiste dont on hérite cependant l’anticapitalisme et l’anti-impérialisme, la banalisation d’un néo-féminisme misandre, dit «radical», dans les milieux intellectuels ainsi que le surgissement d’un antiracisme dévoyé, masquant à peine un racisme anti-Blancs doublé d’une judéophobie à visage «antisioniste».

    La gauche intellectuelle est profondément divisée sur ces questions qui s’entrecroisent

    À cela s’ajoute un sentiment de culpabilité à l’égard de l’islam, la «religion des pauvres» et des «dominés», qui fait que la «lutte contre l’islamophobie» peut être érigée en premier commandement de la «religion de l’Autre» (Philippe d’Iribarne). Il faut aussi bien sûr pointer l’influence du gauchisme identitaire à l’américaine, dont les thèmes se diffusent massivement sur les réseaux sociaux.

    Dans cette perspective, tous les malheurs du monde s’expliquent à partir de la relation d’inégalité entre «dominants» et «dominés», qu’on interprète en termes racialistes et victimaires: ce sont «les Blancs» qui dominent et les «non-Blancs» qui sont dominés. La «race» revient à l’ordre du jour: en dépit du fait qu’on la présente comme une «construction sociale», la couleur de la peau reste son principal indice.

    On brandit par exemple avec enthousiasme l’«identité noire», la «conscience noire» ou la «fierté noire», alors qu’on dénonce, à juste titre, les suprémacistes blancs qui parlent d’une «identité blanche», d’une «conscience blanche» ou d’une «fierté blanche». On se retrouve ainsi dans un monde divisé en «Blancs» et «Noirs» ou «non-Blancs», et ce, au nom d’un «antiracisme» douteux, qui s’avère un antiracisme anti-Blancs, c’est-à-dire une forme politiquement correcte de racisme. Une grande inversion des valeurs et des normes s’accomplit sous nos yeux.

    Est-ce que la gauche a les ressources intellectuelles pour y résister?

    La gauche intellectuelle est profondément divisée sur ces questions qui s’entrecroisent. À simplifier le tableau, je distinguerai trois nébuleuses idéologiques. Tout d’abord, les défenseurs de la laïcité stricte, dans la tradition républicaine privilégiant l’égalité dans une perspective universaliste, qui forment le camp de la gauche ferme ou «dure», intransigeante sur les principes. Ensuite, les partisans d’une laïcité «ouverte», tentés par le multiculturalisme, qui peuplent les territoires de la gauche «molle», convertie à la «religion de l’Autre».

    Enfin, les ennemis de la laïcité, dans laquelle ils voient l’expression proprement française d’un «racisme d’État» ainsi qu’une machine à justifier l’«islamophobie». Le slogan «Touche pas à mon voile» illustre cette position pseudo-antiraciste, qui consiste à retourner contre le principe de laïcité l’exigence de tolérance et l’impératif du respect des différences. C’est le camp de la gauche folle, celle qui s’est ralliée au drapeau du postcolonialisme et du décolonialisme, dont la passion motrice est la haine de l’Occident.

    La gauche « molle », (...) ayant pour seul horizon « l’ouverture », fournit des « idiots utiles » (...) à la gauche folle, qui mène la danse

    Cette nouvelle «gauche de la gauche» est rageusement anti-occidentale, elle est à la fois hespérophobe et gallophobe, en ce qu’elle réduit la France à un pays raciste et islamophobe. C’est cette gauche en folie, dont les nourritures psychiques proviennent des campus étatsuniens pratiquant le culte de la «radicalité», qui, voulant tout déconstruire et tout décoloniser, s’est engagée dans la voie dangereuse qu’est la «politique de l’identité».

    La gauche «molle», celle des bien-pensants (opportunistes, apeurés, naïfs, peu informés) ayant pour seul horizon «l’ouverture», fournit des «idiots utiles» (et parfois inutiles) à la gauche folle, qui mène la danse. Le décolonialisme, c’est la maladie sénile de la gauche intellectuelle contemporaine.

    Vous insistez sur la dimension déresponsabilisante des théories «systémiques» qui soulagent l’individu du fardeau de la responsabilité individuelle. Est-ce pour vous une des raisons principales de leur succès?

    En parlant de «discriminations systémiques», on paraît expliquer avec objectivité les échecs socio-économiques des individus appartenant à des minorités supposées discriminées. Ces individus sont ainsi déresponsabilisés: ils peuvent accuser «le système» d’être le seul responsable de leurs malheurs, comme ils peuvent accuser un prétendu «racisme d’État» de couvrir ou de justifier les «discriminations systémiques» dont ils s’imaginent être les victimes. Ce qui n’empêche nullement de considérer les discriminations réelles à l’emploi ou au logement, dont les causes sont loin de se réduire aux origines ethno-raciales.

    La dénonciation litanique du «racisme systémique» fait partie de la rhétorique des mouvances décoloniales et islamo-gauchistes. Il s’agit du dernier avatar de la notion de «racisme institutionnel», élaborée par deux révolutionnaires afro-américains, l’activiste Stokely Carmichael et l’universitaire Charles V. Hamilton, dans leur livre militant titré Black Power, sous-titré «La politique de libération en Amérique», publié en 1967. Cette notion était destinée à mettre l’accent sur le caractère systématique («systémique», dit-on plutôt aujourd’hui) ou structurel du racisme anti-Noirs dans la société nord-américaine, en supposant qu’il était inscrit dans les normes culturelles, les institutions et les pratiques sociales «normales», qu’il dérivait de l’organisation même de cette société.

    Il pouvait donc fonctionner socialement sans être intentionnel ni conscient. Le présupposé de ce modèle critique du racisme est que seul le racisme blanc existe et qu’il se confond avec le «pouvoir blanc» et la «société blanche» que seule une «révolution noire» peut transformer. Autant dire que, construit pour dénoncer le racisme anti-Noirs dans l’Amérique de la fin des années 1960, ce modèle est daté et situé. On ne saurait l’importer aveuglément pour analyser le racisme dans la société française contemporaine.

    Mais c’est précisément son simplisme qui est attrayant pour les radicaux de gauche: le racisme invisible explique tout et les mobilisations antiracistes ont un parfum révolutionnaire. En répétant litaniquement que la France est une société intrinsèquement raciste, on justifie les appels à la destruction du «vieux monde», qu’on juge irréformable. La notion de «racisme systémique» illustre bien ce que Raymond Boudon appelait le «sociologisme», qui postule que l’individu est le jouet des structures et des institutions, et incite à ne poser qu’une question: À qui profite le «système»?

    Cette déclaration témoigne de l’extrême confusion qui dérive d’un demi-siècle de déconstructionnisme en philosophie (...) et de constructivisme en sciences sociales

    Mais la réponse est toujours connue d’avance. Les pseudo-antiracistes y répondent en donnant dans le complotisme: ils désignent les membres de la «race» dominante («les Blancs»), instaurateurs et profiteurs du «racisme systémique». Voilà qui justifie les prêches contre «l’hégémonie blanche» et «le privilège blanc».

    Vous citez la cheffe du Parti des Indigénistes de la République Houria Bouteldja: «Le ‘je’ cartésien va jeter les fondements philosophiques de la blanchité». Sans reprendre ses termes, l’universalisme des Lumières n’est-il tout de même pas spécifique à l’Occident, conséquence de l’universalisme chrétien?

    Relevons d’abord le mélange de stupidité et de cuistrerie d’une telle affirmation, émanant de l’activiste qui incarne parfaitement l’islamo-gauchisme à la française. Elle témoigne de l’extrême confusion qui dérive d’un demi-siècle de déconstructionnisme en philosophie («tout est à déconstruire») et de constructivisme en sciences sociales («tout est construction sociale»).

    Dans les milieux décolonialistes à la française, le thème de la «blanchité» est d’importation récente et soulève un problème insoluble: si, en bon antiraciste, on récuse l’essentialisme en tant que présupposé du racisme, comment concevoir d’une façon non essentialiste ladite «blanchité»? Répondre en agitant le terme magique de «construction sociale», c’est se payer de mots. Le réinvestissement du biologique s’opère ainsi sous couvert de «construction sociale». Les pseudo-antiracistes à l’américaine diabolisent les gènes, mais sacralisent la couleur de la peau. Chassée par la grande porte de l’antiracisme savant des généticiens, la «race» revient par la fenêtre du néo-antiracisme militant.

    Faisant de la «blanchité» un stigmate, les idéologues décoloniaux s’efforcent de réduire l’exigence d’universalité à une arme secrète de la «société blanche» pour inférioriser ou disqualifier les non-Blancs. Manière de réaffirmer leur dogme fondamental: l’Occident est intrinsèquement raciste.

    Mais il ne faut pas oublier que ce sont des intellectuels occidentaux «blancs» qui, les premiers, ont lancé cette grande accusation sur le marché des idées. La haine de soi et l’auto-accusation pénitentielle font partie de la pathologie des milieux intellectuels occidentaux. Ne voir dans l’universalisme que ses instrumentalisations politiques et ses corruptions idéologiques, c’est faire preuve soit d’ignorance, soit de mauvaise foi.

    «Il est facile de reconnaître dans cette bouillie discursive des traces de l’utopie communiste». Qu’est-ce qui vous donne à penser que nous faisons face à un «marxisme racialisé» à l’heure où les marxistes purs et durs sont difficiles à dénicher?

    À quelques exceptions près, les intellectuels marxistes-léninistes, encore nombreux dans les années 1970-1990, se sont ralliés, d’une façon plus ou moins explicite, aux courants subalternistes ou décoloniaux, après avoir flirté avec le tiers-mondisme et l’altermondialisme. Le décolonialisme se présente en effet comme une réinterprétation hypercritique de l’histoire et un programme d’action révolutionnaire séduisant.

    L’évolution des milieux trotskistes est à cet égard fort intéressante: nombre de leurs intellectuels ont repris à leur compte les principaux thèmes décoloniaux (dénonciation du «racisme systémique», du «racisme d’État», de l’«islamophobie d’État», etc.), au point de juger acceptables la vision racialiste de la société et la promotion de notions comme celles d’identité raciale ou de conscience raciale. Ils tendent à oublier la lutte des classes au profit de la lutte des races et des sexes-genres, avec ce supplément de verbiage pseudo-savant qu’est l’«intersectionnalité».

    La bêtise la plus redoutable, parce qu’elle passe inaperçue, c’est la bêtise des élites intellectuelles, soumises aux modes idéologiques et rhétoriques

    Ce qui a fait basculer les marxistes, c’est d’abord la formation d’un prolétariat issu de l’immigration et de culture musulmane, et le ralliement croissant du prolétariat traditionnel aux partis dits populistes. C’est ensuite leur engagement inconditionnel en faveur de la cause palestinienne, qu’ils ont érigée en nouvelle «cause universelle». C’est, corrélativement, leur interprétation de l’islam politique comme une force potentiellement révolutionnaire avec laquelle il fallait s’allier. C’est aussi l’importance qu’ils ont accordé aux questions de «race» (la «race» étant une «construction sociale») et à la lutte contre le racisme, faisant passer au second plan la lutte des classes.

    C’est enfin leur passion de la critique radicale des sociétés occidentales, caractérisées par une somme de traits négatifs (capitalisme, impérialisme, colonialisme, racisme, sexisme, hétéro-patriarcat), donc vouées à être détruites. Ils ont ainsi comblé leur imaginaire utopiste de la table rase et de la construction d’une société parfaite (post-capitalisme, post-raciste, post-sexiste, etc.). Il ne leur restait plus, en rejoignant les rangs décoloniaux, qu’à ériger la «race» en principe explicatif de l’histoire, et, ainsi, à fondre le marxisme dans un néo-gobinisme dont le programme sommaire tourne autour d’une volonté de vengeance ayant pour cible la «société blanche» ou l’«homme blanc», abominable profiteur du «système hétéro-patriarcal».

    Vous rappelez que l’activiste Rokhaya Diallo a retweeté le compte satirique de Titania McGrath sur Twitter qui se moque des délires woke et devance même parfois des discours progressistes. La frontière entre la parodie et le premier degré est-elle ici en voie de disparition?

    C’est là un indice de la bêtise des nouveaux bien-pensants. Il ne s’agit pas de la bêtise ordinaire, pour ainsi dire innocente, mais d’une bêtise prétentieuse, arrogante, sophistiquée. Un esprit de sérieux idéologisé, doublé d’une roublardise plus ou moins affûtée. C’est la bêtise commune aux élites médiatiques et aux élites académiques faisant profession de «radicalité», à Rokhaya Diallo ou Lilian Thuram en version militante, à Judith Butler ou Gayatri Chakravorty Spivak en version «théorique», disons comiquement pédante.

    On a trop négligé de considérer le rôle de la bêtise dans l’histoire, comme le notait Raymond Aron. Mais la bêtise la plus redoutable, parce qu’elle passe inaperçue, c’est la bêtise des élites intellectuelles, soumises aux modes idéologiques et rhétoriques, conformistes dans le

  • «Aujourd'hui, faire aimer la France ne fait pas partie des missions d'un enseignant», par Martin Bernier.

    «Je crois à la possibilité, pour des enseignants motivés, aimant eux-mêmes la France, de transmettre cet amour à leurs élèves» AFP

    Dans son dernier livre, Jean-François Chemain déplore que la France soit trop souvent délaissée dans les discours républicains. Fort de son expérience d'enseignant en ZEP, il plaide pour un enseignement de l'histoire qui fasse aimer la France à ses enfants.

    13.jpgVotre livre débute avec le constat qu'il faut faire aimer la France à ses enfants, parler à leur cœur plutôt qu'à leur intelligence. En tant que professeur en collège, avez-vous le sentiment d'être parvenu à transmettre cet amour de la France à vos élèves?

    Jean-François CHEMAIN. - Effectivement, les élèves que j'ai eus en ZEP sont avant tout des affectifs, qui veulent aimer, qu'on les aime, et qu'on leur donne à aimer. C'est une équation très simple et très efficace, que j'ai personnellement expérimentée pendant une dizaine d'années. Avec des résultats très concrets, comme une classe qui se met spontanément debout pour chanter la Marseillaise à l'entrée du principal du collège, ou des élèves qui se mettent à danser en criant «vive la France» quand une de leurs camarades annonce qu'elle vient d'obtenir la nationalité. Mais faire aimer la France à ces jeunes est une gageure, puisqu’ils sont naturellement gorgés de discours de haine de notre pays, qu'ils proviennent de leur pays d'origine, de leur religion, de leur quartier, de leurs chanteurs préférés… À quoi s'ajoute le discours de repentance de plus en plus véhiculé par l'Éducation nationale elle-même. La France aurait tant à se faire pardonner – la colonisation, l'esclavage, la Shoah, son «racisme» actuel – que l'on ne touchera jamais le fond de ce tonneau des Danaïdes. Faire aimer la France ne fait absolument pas partie des missions d'un enseignant, au contraire c'est une prétention très mal vue par les instances qui veillent sur les programmes, très soucieuses d'un possible retour au «roman national». Le «roman de la gauche», par contre, fait fureur ! Donc oui, j'ai eu le sentiment de pouvoir, à mon petit niveau, faire un peu avancer l'amour de mes élèves pour la France, mais en franc-tireur, sous le manteau, et sans pouvoir préjuger de la pérennité du résultat.

    Vous citez Péguy dans votre livre. S'il est connu pour sa description des hussards noirs de la République, il faisait aussi le constat d'une déliquescence de l'école républicaine dès la fin du XIXe siècle. Au contraire, votre propos semble teinté d'optimisme. Vous avez encore espoir en l'école?

    Non, je ne crois pas que l'école, telle qu'elle est aujourd'hui, puisse régler des problèmes auxquels elle contribue largement. «Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes» disait Bossuet ! Le niveau des élèves français s'effondre d'un classement PISA à l'autre, mais les idéologues qui tiennent l'Éducation nationale n'en ont cure, tout à leur souci de nivellement égalitaire. Résultat, c'est un constat récurrent et général – mais que fait-on pour y remédier? – les élèves, dans leur grande majorité, ne maîtrisent plus la grammaire et le calcul, ce qui les rend inaptes à raisonner… peut-être est-ce ce que l'on veut, au moins inconsciemment, tant cette inaptitude permet de faire passer n'importe quelle ineptie, de susciter n'importe quels réflexes pavloviens. Je suis frappé, enseignant aujourd'hui dans des écoles post-bac, de l'homogénéité d'une grande partie de la jeunesse tant quant aux sujets qui lui semblent importants que quant à ce qu'il faut en penser. Pour ce qui est de faire aimer la France, je suis seulement optimiste de constater que la disposition existe chez les jeunes, mais il faudrait qu'il y ait en face quelque chose qui y réponde. Je crois donc à la possibilité, pour des enseignants motivés, aimant eux-mêmes la France, de transmettre cet amour à leurs élèves, quels qu'ils soient. Et là c'est un appel aux vocations !

     

    Le but avoué de l'instruction publique était, selon les mots mêmes de son promoteur Ferdinand Buisson, de mettre en œuvre la morale évangélique mais sans Dieu, et sans l'Église. Ce qui est la véritable définition de la laïcité.

    Jean-François Chemain

     

    Si vous semblez attaché à l'école, vous êtes plus sévère à l'égard de la République qui selon vous prend trop de place dans les discours officiels au détriment de la France. Vous pensez vraiment que la République a supplanté la France dans l'enseignement de l'histoire à l'école? Opposer les deux a-t-il un sens?

    Je le pense vraiment. La France est une terre, un peuple, une histoire, une civilisation multicentenaires. La République c'est l'État, et un certain mode de gouvernement depuis cent cinquante ans. Ce sont deux notions aussi différentes que le cheval et le cavalier. Et pour filer la métaphore, je dirais que la République n'est pas très tendre avec sa monture, qu'elle a tendance, depuis l'origine, à vouloir dresser à la cravache. Ça commence par une Terreur, dont on ferait mémoire ad nauseam si quelqu'un d'autre l'avait commise, mais qu'on escamote pudiquement, quand on ne lui trouve pas des excuses… Et ça se poursuit par un lancinant travail d'éducation/rééducation… Pour faire simple, le discours sous-jacent est celui-ci: la France a commis bien des péchés au cours de sa longue histoire. Elle y a été entraînée par l'Église catholique qui avait trop de pouvoirs. Heureusement, les Lumières sont arrivées, permettant l'avènement de la République qui, elle, a enfin tiré la France vers le haut. Donc tout ce qu'il y a eu de bien par la suite, on peut le mettre sur le compte de la République, et des républicains. Et tout le mal est advenu du fait de ceux qui, manipulés par l'Église et les nostalgiques de la France d'Ancien Régime, refusaient la République. Le combat n'est jamais terminé.

    L'esclavage? C'est Louis XIV et le Code Noir, tandis que la Seconde République l'abolissait définitivement – après que Napoléon l'a restauré: présentés ainsi, les faits sont simples et sans appel. La participation à la Shoah? C'est Pétain et le régime de Vichy, qui avaient supprimé la République. Là aussi c'est simple et sans appel. La Résistance? Les républicains ! La collaboration? Les adversaires de la République… L'affaire Dreyfus? D'un côté les gentils dreyfusards, de gauche et anticléricaux, les «républicains», en somme, de l'autre les méchants cathos patriotes. Pour la colonisation, c'est maintenant plus délicat, avec Ferry et son discours sur le devoir des «races supérieures» de dominer les «races inférieures», et son successeur Paul Bert qui a dit encore pire, mais on ne s'étale pas trop là-dessus. Le Président Macron a récemment reconnu le rôle de «la France» au Rwanda, alors que je ne crois pas que beaucoup de Français savent même où se trouve ce pays, et que si du mal a été fait c'est sur les instructions des dirigeants de la République. Donc la République est, en permanence, le procureur de la France et des Français, appelant à l'expiation et, pour ce qui la concerne, elle, en conserve toujours les mains propres.

    Vous reprochez à la République laïque son ambiguïté vis-à-vis du sacré. Vous pensez qu'elle ignore trop son propre héritage — chrétien et gallican — en prétendant s'ériger en nouvelle mystique?

    La République n'est pas, contrairement à ce qu'on croit, neutre religieusement. Elle est même le résultat de l'absorption de l'Église catholique – au moins de ses missions éducatrices et moralisatrices – par l'État absolutiste. La Révolution ne constitue en rien une rupture par rapport à l'Ancien Régime, mais bien l'accélération, la finalisation d'un processus commencé depuis Philippe le Bel. Il a d'abord pris la forme du gallicanisme, soumission de l'Église à l'État au temporel, puis celle de l'absolutisme, affirmation que le souverain tient sa sacralité de Dieu lui-même et non plus de l'Église, ce qui affaiblit les prétentions de cette dernière, enfin celle du despotisme éclairé, idée qu'il appartient à l'État de rationaliser l'Église dans l'esprit des Lumières, ce qui a été fait pendant les trois premières années de la Révolution, expérience de monarchie constitutionnelle. La République a donc achevé cela, d'abord par le Concordat de 1801, qui a nationalisé, fonctionnarisé l'Église, ensuite par les lois de la IIIe République. Celle-ci a rendu sa liberté à l'Église, en 1905, mais après en avoir repris la fonction moralisatrice et éducatrice, avec la création d'une «instruction publique», devenue «éducation nationale», dont le but avoué était, selon les mots mêmes de son promoteur Ferdinand Buisson, de mettre en œuvre la morale évangélique mais sans Dieu, et sans l'Église. Ce qui est la véritable définition de la laïcité.

    Aujourd'hui le processus s'accélère, avec l'affaiblissement des fonctions régaliennes de l'État, conséquence de l'Union européenne, et celui de ses missions de producteur de biens et services, et de «providence», faute de moyens financiers. Il ne lui reste plus qu'à nous rendre plus vertueux, ce qui constitue désormais son obsession. C'est la mission que s'est donnée un véritable «clergé» républicain, constitué, comme sous l'Ancien Régime, d'intellectuels à statut protecteur, forts de leur magistère intellectuel et moral, et payés avec les impôts du peuple pour lui faire en permanence la leçon: universitaires, «chercheurs» en sociologie, journalistes et artistes subventionnés, juges…

     

    Il faut en revenir à plus de modestie, de réalisme, de vérité aussi, en sortant de la révérence idolâtre à des idées abstraites, qu'on a cherché à imposer par les moyens les plus coercitifs, pour en revenir au simple amour de la France.

    Jean-François Chemain

     

    Vous dites que le dialogue est plus facile à établir entre croyants — chrétiens et musulmans dans le cadre de vos interactions avec vos élèves — qu'entre croyants et athées. Mais que faire face à ce constat? La France ne doit-elle pas protéger justement la liberté de ses citoyens de ne pas croire?

    Ayant enseigné en milieu presque exclusivement musulman, j'ai pu constater que mes élèves étaient très intéressés par les discussions d'ordre religieux, et que beaucoup s'y montraient plus ouverts qu'on aurait pu l'imaginer. Mais cela ne veut bien sûr pas dire qu'il faudrait obliger quiconque à croire, ou même à faire semblant ! Je note au passage que les reproches qui sont faits à l'Église quant à l'obligation de pratiquer, sous l'Ancien Régime, au moins aux grandes fêtes, ou à l'esprit dévot qui régnait au sommet du pouvoir au Grand Siècle, sont bien autant à mettre au compte de l'État, tant il est vrai que, comme l'écrivait la Bruyère, «un dévot est quelqu'un qui serait athée sous un roi athée». Et on en a aujourd'hui, des dévots de la laïcité ! Au contraire, l'Église a toujours su que la foi est une question personnelle, un effet de la «grâce», et qu'on ne saurait l'obtenir par décision d'État.

    Vous diriez qu'au fond l' «évangile républicain» est trop abstrait pour susciter un sentiment d'appartenance? Il façonne des constructions intellectuelles trop éloignées de toute réalité tangible pour être aimées?

    On cite régulièrement la devise «liberté, égalité, fraternité» comme un mantra, supposé galvaniser l'énergie du croyant, produire un effet magique, susciter l'intervention de quelque force surnaturelle. Mon expérience est que ces mots, dans les classes, ne suscitent que scepticisme et frustration. Ils sont trop abstraits, et constituent un objectif impossible à atteindre. Qu'est-ce en effet que la «liberté»? Je mets quiconque au défi de donner une définition claire et opératoire de la liberté républicaine, surtout à l'heure où, comme le notait Philippe Muray, il est devenu impossible, au nom de l'avènement de L'Empire du Bien, de «ne pas tout interdire, absolument». Qu'a-t-on désormais le droit de faire, de dire, et même de penser? Les jeunes musulmans ne voient dans ce mot qu'une imposture, alors qu'on demande aux filles d'enlever leur voile à l'école.

    Idem pour l'égalité… Les Français ne sont déjà même pas d'accord sur son contenu: égalité des chances? Égalité matérielle? Les jeunes issus de l'immigration trouvent anormal d'être, pour beaucoup, au bas de l'échelle sociale, et considèrent les Français «de souche» comme des privilégiés, sans voir qu'il a fallu à ces derniers des générations de labeur et de sacrifice pour sortir de la misère… Le malentendu est total !

    Quant à la fraternité, les «noirs», les musulmans, s'appellent «frères» entre eux, les féministes «sœurs»… La fraternité n'existe plus que dans les «communautés» ennemies d'une nation éclatée… Mais qui se sent «frère» d'un autre français de qui il ne partage ni la race, ni la religion, ni le genre, ni les préférences sexuelles? Quant à la laïcité, elle sera inopérante tant qu'elle ne reconnaîtra qu'elle n'est qu'un catholicisme sécularisé. Il faut en revenir à plus de modestie, de réalisme, de vérité aussi, en sortant de la révérence idolâtre à des idées abstraites, qu'on a cherché à imposer par les moyens les plus coercitifs, pour en revenir au simple amour de la France, de son Histoire, de son patrimoine, de sa culture, de sa langue… et de son peuple.

     

    Agrégé et docteur en histoire, Jean-François Chemain a été professeur en ZEP pendant une dizaine d'années. Il enseigne aujourd'hui dans le supérieur et a récemment publié Non, la France ce n'est pas seulement la République (Artège, 2021).

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • La Laïcité. Le sens des mots par Champsaur (II/II)

    Pour son 30ème anniversaire, l'excellente revue Commentaire ressort un texte de fond sur la laïcité, du regretté sociologue François Bourricaud. Il y rappelle que :

    * "... la laïcité ... peut engendrer le conformisme le plus étouffant, comme celui que tentait d'imposer Robespierre avec la fête de l'Être suprême au pire moment de la terreur jacobine...

    * ... le paradoxe de la laïcité, c'est qu'elle rompt avec les dogmes des religions révélées tout en prétendant utiliser ces dogmes ... (donc rien d'autre qu'une lutte pour la prise de pouvoir)

    * ... les républicains, puis les radicaux et les socialistes verront dans le dessaisissement de l'Église catholique (de l'école), dans la fin de sa prépondérance pédagogique, la condition préalable de tout progrès..." 

    L'heure n'est certainement pas à réécrire les évènements dramatiques qui se sont déroulés pendant 30 ans jusqu'à la loi de 1905. Sinon pour rappeler que prendre le contrôle de l'école était une obsession; mais sans changer notablement le contenu de ce qui était dispensé, comme en témoigne la lettre fameuse de Jules Ferry aux instituteurs du 17 novembre 1883.

    Pour féroce qu'ait été la lutte pour arracher aux congrégations (surtout aux Jésuites) leur rôle d'enseignants, le texte de Ferry ne laisse pas d'émouvoir par sa grande sensibilité, et les sentiments quasi paternels qu'il exprime à l'égard de l'enfance et de l'adolescence. Sans minimiser son engagement sectaire anti-religieux, on n'imagine pas aujourd'hui quel responsable politique pourrait écrire l'équivalent. Il ne viendrait à l'idée de personne de mettre en cause un équilibre qui fut long à établir, et la cohabitation qui est sortie de cette crise violente, mais il faudrait être aveugle pour nier la gravité de la situation d'aujourd'hui.

    Lorsque l'on se réfère à ces évènements comme au catéchisme de la République en passant par dessus une centaine d'années, on commet toujours un oubli fâcheux: le marxisme et son matérialisme desséché a semé son poison. Proliférant entre l'époque de nos aïeux et aujourd'hui, les enfants de Lénine, Trotski, Mao et Langevin-Wallon laissent derrière eux :

    · La déchristianisation de notre vieux pays;

    · La ruine de l'école de la République,

    et sont totalement tétanisés devant la moindre décision quant à l'installation galopante d'une religion dont il ne fait aucun doute qu'elle entrera en conflit avec les racines philosophiques et religieuses de la France. 

    L’ISLAM

    Pourquoi ce retour aux sources est il indispensable ?

    Afin de cesser de psalmodier des slogans approximatifs assénés à longueur de polémiques, dangereusement pernicieux parce qu'ils nous dissimulent la nécessité d'aborder avec lucidité les deux défis fondamentaux qui nous attendent : 

    1. Quelle lecture fait l'Islam de la laïcité à la française ?

    2. Quelle laïcité l'État en France peut il imposer à l'Islam ? 

    Ce n'est pas le lieu de tenter des réponses qui prendraient plusieurs pages. Mais on peut au moins rappeler la nature profonde d'une religion (que des media immatures présentent avec une insistance lourde, comme la seconde de France), en soulignant deux de ses caractéristiques fondamentales, qui la rende difficilement assimilable aux canons de la République de Léon Gambetta : 

    · La croyance dans la prédestination;

    · L'organisation complète de la société, de la famille, de la vie quotidienne et de l'enseignement, jusqu'à avoir établi un Droit, ou le religieux et le séculier sont étroitement imbriqués.

    Soulignons des évidences que nos législateurs oublient (ou préfèrent oublier) :

    1. L'accès au Coran ne peut se faire qu'en langue arabe

    2· Cet accès est enseigné très jeune, à l'âge où il faut acquérir les bases de la langue

    3·  Utopie que de faire semblant de croire que la laïcité à la française pourra imposer sa loi, contre la loi coranique (et le crime d'apostasie)

    Faut il rappeler les incidents permanents dans les hôpitaux, ceux qui commencent à surgir dans les entreprises (cf Le Figaro du 3 avril 2008; L'entreprise face à la pratique de l'Islam; l'Association nationale des directeurs des ressources humaines s'est saisie du problème des revendications religieuses au travail). Mon activité professionnelle m'emmenait souvent en Arabie Séoudite, voyageant quelques fois sur Saudi Airlines; sitôt les portes de l'avion fermées à Roissy, un enregistrement récite un verset du Prophète sur les devoirs du voyageur et la protection qu'il reçoit d'Allah. Dans de tels contextes les gémissements du Grand Orient contre ce qui reste de foi chrétienne vivante en France, et ses assourdissants silences sur l'installation de l'Islam, sont incongrus ou délibérément malhonnêtes.

    Le journaliste Claude Imbert du Point a écrit qu'un évènement majeur du XXème siècle en France a été la déchristianisation de notre vieux pays. Beaucoup de petites communes n'ont plus les finances pour entretenir leurs églises promises à la démolition. Sujet très vaste, mais nous sommes au coeur et nous héritons de cette situation. Membre de la commission sur la nationalité dans les années 1980, l'historien protestant Pierre Chaunu avait illustré cet inquiétant héritage en citant à ses collègues le prophète Jérémie "Les pères ont mangé des raisins verts et ce sont les dents des enfants qui en sont agacées" (31,29).

    La laïcité à la française n'a aucun sens pour l'islam et l'incompatibilité est totale. La seule issue est une application intransigeante de nos lois qui aboutira fatalement à entraver le culte de cette religion, mais quels pouvoirs publics sont prêts à la confrontation et surtout sommes nous en mesure à ce jour de pouvoir prétendre exercer ce magistère? La réponse est clairement négative, car il est totalement illusoire de vouloir revenir au respect des lois si l'école ne retrouve pas un fonctionnement normal. Banalité que de redire que le bien le plus précieux d'une nation, d'une civilisation, d'une religion est ses enfants et sa jeunesse.

    Et les musulmans ont beau jeu de souligner tous les travers d’une société déboussolée. Ils ne laisseront pas enseigner à leurs filles par des pédagogues dévoyés, la procédure pour avorter. La polémique créée en décembre 2007, dans une banlieue de Lyon par un recteur ignare, à l'ouverture d'une école confessionnelle musulmane, a surtout permis à des imams de nous jeter à la face que les parents en ont assez que leurs enfants fréquentent des établissements où ils n'apprennent plus rien sinon à devenir des vauriens. Au printemps 2001 un dénommé Cohn-Bendit eut à s'expliquer sur ses "écrits de jeunesse" (Le grand bazar 1975) d'une abjection insoutenable, où se mêle pédophilie et déviance sexuelle sur mineurs. Mystère de la République si celui que la presse de mars 2001 avait surnommé "le gourou crasseux" ne fut pas renvoyé devant les tribunaux.

    Et donc si communautarisme il y a, il ne concerne pas uniquement la question de la foi. Dans une société dépravée il n'y a aucun doute que la plupart des religions cherchent à rehausser le sens du Sacré chez l'Homme.

    Il n’y a guère de doute que le sujet de la laïcité à la française, est particulièrement mal maîtrisé. Pour preuve l’opuscule de Jean Glavany, député, ex chef de cabinet de François Mitterrand, et responsable de la laïcité au PS. Son travail est pour tout dire particulièrement médiocre (Nov. 2011), empêtré dans l’islam et ses voiles, sans aborder la vraie nature de cette religion.

    Si les dogmes; les définitions et l’Histoire ne sont pas clairs pour des responsables ou des décideurs, peut-on attendre qu’ils le soient chez les exécutants ?

    Un exemple du méli-mélo intellectuel dans lequel nous pataugeons. Une jeune cervelle portant le titre de professeur de lettres et d’histoire dans un lycée de Bordeaux (lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120914.OBS2461/laicite-autorite-le-prof-agresse-a-bordeaux-veut-briser-l-omerta.html ) est agressé par un élève. Ce dernier sans doute d’origine marocaine n’appréciait pas que son professeur ait émis des restrictions sur la démocratie au Maroc. Mais en lisant le nouvelobs jusqu’au bout on découvre que ce pédagogue est outré que l’Éducation nationale utilise le calendrier des fêtes chrétiennes pour calquer le déroulement de l’activité scolaire. C’est vrai, c’est très énervant … !

    Concluons en soulignant que nous serons d'autant plus fondés à être inflexibles chez nous, que l'on se sera montré infiniment respectueux envers les pays berceau de l'Islam ou ceux dont il est la religion majoritaire. Force est de constater qu'en cautionnant ou en rejoignant des opérations militaires à la justification fumeuse, et empêtrés dans un simili de politique étrangère sans colonne vertébrale, nous sortons de cette logique, en nous faisant entrainer dans un conflit entre l’Occident et l’islam, loin de l’histoire et de la tradition diplomatique française.

    Mais la loi de 1905, élaborée à son époque face à des religions où le séculier et la foi sont séparés dans leur Livre, n’est certainement le rempart que des politiciens prétendent opposer à un système socio religieux exclusif et conquérant.

     

  • Le Journal du Dimanche rend compte du séjour toulonnais du Prince Jean....

                A lafautearousseau, on l'a décidé une fois pour toutes: on se réjouit de tout le bon et de tout le positif dans ce qui arrive, même si, pour le reste, en notre for intérieur, on n'en pense pas moins... Cela nous vaut, régulièrement, d'être appelé blog optimiste, ce qui ne nous gêne pas, à cette nuance près -de taille, tout de même...- que nous préférons le terme d'Espérance, mais, bon...

                 Le dimanche 31 janvier, le motif de satisfaction est venu de la bonne demie page que le Journal du Dimanche a consacrée au séjour toulonnais du Prince (la page 12, pour être précis). Certes, deux ou trois choses, dans l'article, sont ce qu'elles sont. Mais, appliquons notre principe, et ne boudons pas notre plaisir. Il est positif -et révélateur- que le JDD, sans qu'on lui demande rien, ait jugé que la visite du Prince à Toulon méritait qu'on l'évoquât, et qu'on en rendît compte. Et ce qui transparaît, dans cette demie-page, à côté d'un ton parfois moqueur, ironique ou condescendant, c'est que le Prince agit, travaille, va à la rencontre des gens; même modestes, même de ceux qui vivent dans des HLM; et qu'il parle aussi -et qu'il écoute: très important, l'écoute...- avec des animateurs socioculturels....

                Une chose malgré tout, pour Mathieu Deslandes, le journaliste qui a écrit l'article: Nous ne rêvons pas d'un "retour de la Monarchie". La Monarchie de Saint Louis, de François premier, d'Henri IV et de tous les autres rois, la Monarchie appartient à l'Histoire. De la France et de l'humanité. Ce à quoi nous rêvons -et travaillons...- c'est à une ré-instauration de la Monarchie. C'est radicalement différent. Pas de restauration, d'une chose qui est derrière nous; une instauration, ou ré-instauration, de ce qui apparaît de plus en plus comme le recours, quand on voit l'état désastreux dans lequel la république idéologique à mis la France.

                Et, là, la Monarchie n'est pas derrière nous, elle est devant nous. La république idéologique a vieilli, terriblement vieilli, et -surtout- terriblement mal vieilli. Il n'a pas tenu ses promesses, ce merveilleux système au nom duquel les Révolutionnaires ont causé la mort de 700.000 personnes, instauré le Totalitarisme et organisé le premier Génocide des temps modernes, matrice de ceux d'Hitler, de Staline, de Mao, de Pol Pot.... 

                Et c'est parce que nous constatons ce désastre; parce que nous voyons qu'on a fait tout ça, pour ça; que les Bastille se comptent maintenant par dizaines et par centaines; que les féodalités de tous ordres dictent leur loi à un "semble Etat", qui, de toutes façons, n'a plus guère de pouvoir; que les dettes et déficits colossaux du Système font précisément de ce Système un voleur... etc... etc... que nous voulons, non pas restaurer quelque chose d'hier, mais instaurer quelque chose de nouveau, pour aujourd'hui et pour demain.

                Le nouvel Ancien Régime, monsieur Deslandes, c'est aujourd'hui, et c'est cette république idéologique à bout de souffle.

                Comme le dit le Prince Jean , dans son livre, que vous citez: "La Monarchie est une idée neuve en Europe..." (page 214, chapitre XI, Institutions).

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    La belle jardinière, caricature de Forain

    (1) : Est-ce l'émotion: dans la version internet, pendant quelques heures, ce fut une photo du Prince Eude, avec son épouse Marie-Liesse, qui apparut, sous-titrée Jean d'Orléans ! Là aussi: mais, bon....

    Voici l'article de Mathieu Deslandes:
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    Deux fois par mois -dit la légende, illisible ici- Jean de France parcourt l'Hexagone;
    Dans le Var, il s'est rendu dans une cité difficile (ci dessus),
    puis a rencontré des notables (à gauche)
    La tournée du "vrai Prince Jean"

    Mieux connaître ses sujets, telle est la volonté de l'héritier des princes de France. Et c'est ainsi que Jean d'Orléans a grimpé les étages d'une HLM de Toulon.

    Des mains baguées de chevalières tapotent des applaudissements: Son Altesse Royale le prince Jean de France vient d’achever sa conférence. Dehors, la nuit camoufle la rade de Toulon. Une dame perdue dans une immense fourrure bondit sur ses Mephisto: elle veut une dédicace du " vrai Prince Jean". Le vrai ? "Pas celui de Neuilly", glousse-t-elle.

    Pour s’adresser à l’héritier du trône de France, les silhouettes se font raides et les voix pointues. "Lors de ce genre de séances, il y a toujours des monarchistes, des curieux et des zinzins, énumère le Prince. Beaucoup veulent me toucher... " Qu’ils sachent donc que Jean d’Orléans (son nom civil) n’a pas hérité du pouvoir de guérir les écrouelles.

    "Quelque chose de sacré émane de lui", affirme pourtant un jeune entrepreneur varois, au bord de l’asphyxie dans son nœud Windsor. "Vous réalisez qu’il a dans son sang des traces des gènes de saint Louis ?" Peu de gens reconnaissent dans la rue ce grand garçon au front large et à la gentillesse hors d’âge. Mais ceux qui savent qu’il est l’arrière-petit-fils de l’arrière-petit-fils de Louis-Philippe disent ressentir un effet particulier. Et cela, partout où il passe.

    A raison de deux visites par mois en moyenne, Prince Jean parcourt la France à la rencontre de ses sujets. Ce week-end, il est à Lille. La semaine dernière, il était à Toulon. Dans chaque ville, les militants de son association Gens de France (humour princier !) assurent la logistique. Les consignes sont toujours les mêmes. Servir au Prince des repas sans gluten ni lactose ("sinon vous aurez un régicide sur la conscience"). Et lui composer "un patchwork de rencontres", afin de mieux connaître les réalités "politiques, spirituelles, sociales et militaires de notre pays". Y compris ses marges.

    "La France est monarchiste de coeur et républicaine de raison"

    Un brin fébrile, son comité d’accueil toulonnais le conduit donc "au cœur d’un quartier difficile", Sainte-Musse. Grande première: le Prince monte dans un appartement d’une tour HLM, où vivent des animateurs socioculturels. Il les écoute parler de leur mission. Ceux qui viennent à sa rencontre voudraient des oracles et des grands discours. Mais la plupart du temps, Prince Jean reste silencieux. "Il est sans cesse en rétention verbale", confirme le docteur Jean Gugliotta, un de ses conseillers. "Il est un citoyen ordinaire. En même temps, il a mille ans d’histoire familiale sur les épaules et tout ce qu’il dit se trouve chargé d’une portée particulière." Aussi entre-t-il plus que prudemment dans la vie. A 44 ans, l’héritier des Capétiens vient seulement de se marier, d’avoir un enfant, Gaston, et de ramasser dans un livre* ses convictions, globalement fidèles aux enseignements de l’Église.

    " Et le retour de la monarchie ?" Aristocrates et roturiers, royalistes et républicains, tous finissent par formuler la question. Au risque de décevoir ses plus fervents soutiens, Jean d’Orléans dresse un constat lucide: "Pour moi, la monarchie est une espérance. Il me manque cependant les circonstances et la volonté populaire. Pour l’instant, la France est monarchiste de cœur et républicaine de raison..."

    En attendant que l’histoire sonne à sa porte, ce fan de U2 est sollicité pour évoquer son aïeul Henri IV: on célèbre cette année le quatre centième anniversaire de la mort du Vert-Galant. C’est un début. "Jean IV" préférerait exercer un magistère moral. Mais entre la protection de l’environnement "à la manière d’un Al Gore", la défense du patrimoine culturel, de la francophonie ou celle des personnes handicapées (il a un frère et une sœur concernés), son cœur balance encore.

    Comme son grand-père avant lui, il rêve de la présidence de la Croix-Rouge, "en tout cas d’une grande institution où je pourrais délivrer une vision à long terme, alors que les politiques ont le nez dans le guidon". Entre une bruschetta au foie gras et un mignon de veau aux morilles, il précise: "Je pourrais apporter de la sérénité et… oui, me faire connaître."

    * Un Prince français, Pygmalion, 240 pages, 19,50 euros.

  • ”La” république, ou ”cette” république ? Peut-il y avoir (en France...) une ”bonne” République ? Débat avec D.C....(2/3)

               Voici maintenant nos commentaires. D.C. parle d'or quand il parle de res publica. Comment ne pas être d'accord avec lui ?

               Ce n'est en effet, et bien sûr pas, "la" République, en tant que technique ou forme de gouvernement qui nous gêne et que nous critiquons. C'est "cette"république, qui a une histoire, à laquelle elle ne peut ni ne veut -semble-t-il...- échapper, et qui est fondamentalement anti-chrétienne, anti-historique, dans la mesure où elle rejette nos racines et se construit sans elles, en dehors d'elles et contre elles ("du passé faisons table rase...").

               Elle qui fonctionne un peu -prenons une image- comme un diffuseur d'ambiance: elle diffuse un esprit, une mentalité, mais cet esprit et cette mentalité vont directement contre nos Racines historiques profondes; elles nient et combattent ces Racines historiques et chrétiennes....

                Crier "Vive la république !" si nous étions en Suisse ou en Allemagne, cela irait de soi, et nous n'aurions aucune répugnance à nous affirmer républicains, ce régime n'ayant absolument pas, dans ces deux pays voisins, la moindre trace des connotations idéologiques qu'il a chez nous.. Qui militerait pour l'instauration d'une monarchie en Suisse ?  Être "pour" un roi de Suisse, parce que nous sommes partisans de la Royauté en France, serait précisément aux antipodes de ce réalisme qui est le nôtre et que nous ne cessons d'opposer à l'idéologie révolutionnaire de 1789/1793, et à la république idéologique qui en est issue.

                 Il y a quelques temps, Antiquus postait un commentaire, que nous avions relevé, dans lequel il évoquait la démocratie idéologique. Sans avoir eu connaissance des propos de D.C., Antiquus nous aidait déjà, ainsi, à progresser dans la réflexion engagée par ailleurs, mais pas encore publique: ce n'est donc certes pas "la" république, ou "toute" république (pas plus que "la" démocratie, ou "toute" démocratie) que nous critiquons -et là-dessus nous ne pouvons que rejoindre D.C.- mais "cette" république idéologique qui est la nôtre (et cela vaut aussi pour "cette" démocratie idéologique qui est la nôtre...) qui en une seule année, l'année terrible 1793, a posé les bases des Totalitarismes et des Génocides modernes. Et sans avoir jamais effectué le moindre travail de mémoire ou de repentance, elle qui se repend de tout et à tout propos ! Elle ajoute ainsi le crime de mémoricide à son négationnisme et à son révisionnisme.

                 Cependant, les choses sont-elles écrites pour toujours ? En d'autres termes, pourrait-il y avoir un jour une bonne république en France ? Une telle question mérite d'être posée même si, vaguement iconoclaste, elle pourrait aller jusqu’à remettre en cause le projet royaliste ! Mais il est légitime de poser cette question deux siècles après la révolution : et si, finalement débarrassée du venin idéologique des origines, la république finissait par se transformer peu à peu en ce qu’elle est partout ailleurs dans le monde (sauf chez nous, encore la fameuse exception française !...) : une simple technique de gestion, une simple forme de gouvernement ?

                Après tout, la République, au sens de la Révolution, n’a pas plus qu’un autre régime les promesses de l’éternité. Comme les virus ou les épidémies, les idéologies peuvent, elles aussi, s’épuiser, finir leurs cycles, cesser pour un temps (ou pour quelques siècles) d’être virulentes. Les XIXème et XXème siècles révolutionnaires – où les peuples se sont épuisés à l’expérience désastreuse des idéologies – ne pourraient-ils pas avoir aussi épuisé les forces de l’Idéologie ? C’est à voir. La République, alors, pourrait-elle, en France, devenir viable ?  

                 Que faudrait-il, alors, pour que cette république (aujourd'hui encore et toujours république idéologique) devienne une "bonne" république ?

              Nous y voyons au moins quatre conditions:  

     

    1) Qu’elle cesse d’être une idéologie ou pire encore – ce qu’elle est en fait – une religion, pour devenir un moyen de gouvernement comme un autre.

     

    Plus de « piliers du temple »(propos de Jacques Chirac, parlant de la Loi de 1905...), plus de « temple » du tout, plus de prétention totalitaire à être un « absolu universel » - notion abstraite et révolutionnaire issue de 89.

     

    (Par parenthèse, la république française ne peut pas être sainement laïque précisément parce qu’elle est, elle-même, de fondation, une religion, laquelle est religion d’Etat)  

     

    2) Qu’elle cesse d’être anti historique.

     

           Qu’elle assume désormais l’intégralité de notre histoire nationale, alors que les principes de la république française reposent jusqu’à présent sur l'idée que la France héritée du tréfonds de l'Histoire, a été abolie par la déclaration de 1791. Elle doit assumer au contraire la totalité de l’héritage national, à commencer par l’héritage capétien et par l’héritage chrétien, fondateurs de la Nation, avec toutes les conséquences de cette « rupture » sur

    - le droit des Français à préserver l’identité nationale ainsi redéfinie,

    - l’enseignement,

    - les commémorations du passé national

    - la conservation du patrimoine,

    - le traitement dû aux héritiers actuels des rois de France.....

     

           Qu’elle accepte une saine critique des phases les plus destructrices de la période révolutionnaire et post-révolutionnaire

    (le Martyre des rois Louis XVI et Louis XVII ; de la reine Marie-Antoinette ; le génocide de la Vendée ; les années de Terreur et toutes leurs victimes ; les guerres révolutionnaires et post-révolutionnaires ; les destructions du patrimoine ; les luttes antichrétiennes etc...)

           En bref, qu’elle accepte de dresser le constat de ce que René Sédillot avait appelé "le coût de la Révolution".

      

    3) Qu’elle abaisse les féodalités minoritaires qui imposent la « pensée unique » à une majorité de Français qui n’en veut plus. (les Politiquement / Historiquement / Moralement corrects)

     

           Ces féodalités sont précisément celles qui dictent leur loi :

    - aux grands moyens de communication

    - au monde de l’enseignement

    - au monde du travail

          Sans cela rien n’est possible. Rien n’aura d’effet durable. Tout sera toujours à refaire.....

     

    4) Qu’elle trouve le moyen d’instaurer au sommet de l’État une institution pérenne et indépendante, espace a-démocratique non soumis à l’élection, capable d’incarner et garantir le bien-commun dans la durée. Le chef de la Maison de France, famille fondatrice de la Nation, nous paraît être, dans cet ordre d’idée, la personnalité naturellement désignée pour exercer cette fonction.

     

            Sinon, les inévitables alternances détruiront toujours tout. A supposer que du « positif » aurait été accompli. (Ne nous faisons pas d’illusions : nous somme déjà en 2012 !)

     

     

                 A ces 4 conditions, la république pourrait devenir une "bonne république". Ou s’en rapprocher. Mais serait-elle encore la République qui a existé jusqu’ici, issue de la Révolution ?

              En fait, comme se sont toujours accomplies en France les véritables « révolutions » politiques, c'est-à-dire par l’adaptation de l’existant, nous serions entrés dans un nouveau régime. Ce serait une évolution salvatrice. Rien ne nous dit ni ne nous assure que nous nous acheminions vers de telles perspectives.

              Mais, comme le disait Sénèque, « il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va ». Il importe en effet de ne pas ignorer les vents favorables – lorsqu’il en existe – et aussi de savoir clairement vers quoi l’on veut aller.... (à suivre...)