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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Sur C News, Eric Zemmour : ”La France perd la guerre car la République française a été faible face à l'Allemagne en 1935

    Éric Zemmour vs Alain Finkielkraut

    © Face à l'info 20/01/2020

  • Paris ce 13 novembre, aux Mardis de Politique magazine, le colonel Michel Goya dira comment l'armée française a gagné la

     

    Rendez-vous à partir de 19 h 00 - Conférence à 19 h 30 précises
    Participation aux frais : 10 euros -  Etudiants et chômeurs : 5 euros

    Salle Messiaen, 3 rue de la Trinité  Paris 9° - Métro La Trinité, Saint-Lazare

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    Renseignements : Politique magazine, 1 rue de Courcelles Paris 8° - T. 01 42 57 43 22

  • Le duc et la duchesse de Vendôme attendent une 5ème naissance pour cet automne. C’est une joie familiale et française !

     

    soleil.jpgLes Princes en ont officialisé l’annonce via le magazine « Point de vue » paru cette semaine, qui consacre un reportage de plusieurs pages au prince Jean, à la princesse Philoména et à leurs enfants, qui viennent de passer quelques temps de vacances dans le Midi. 

    Le bébé qu’attend la princesse Philoména sera le cinquième enfant du couple princier. 

    Le blog de la Couronne a ajouté à l’heureuse nouvelle le juste commentaire suivant que nous faisons nôtre : « C’est la famille de France, qui, une fois de plus, va s’agrandir et c’est une grande joie pour nous tous, bien sûr, mais aussi pour tous les Français car la famille royale de France représente la stabilité et la pérennité de la Nation, qu’elle incarne. Avec la Famille de France, c’est tout le peuple français, dans son ensemble, qui replonge au cœur de ses racines, dans lesquelles il peut trouver la force de poursuivre l’aventure et d’affronter les périls qui l’assaillent. » 

    Lafautearousseau et ses lecteurs adressent leurs félicitations au duc et à la duchesse de Vendôme et tous leurs souhaits pour les temps à venir. Leur fidélité va de soi.  ■

  • Mort du chef de l'Etat islamique au Grand Sahara tué par une frappe de l'armée française.


    Adnan Abou Walid al-Sahraoui a été tué lors d'une frappe aérienne de la force Barkhane, la mission française engagée depuis huit ans au Sahel pour combattre les groupes djihadistes.

    LIRE L’ARTICLE : https://fr.euronews.com/2021/09/16/mo...

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  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (177), La Polynésie française à l'échelle de l'Europe......

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    Autre exemple, parlant, de la souveraineté que confère à la France sur les océans ses possessions ultra-marines.


    Oui, ce sont des "confettis d'Empire"; oui, elles coûtent cher; mais, oui aussi, elles apportent quelque chose à la France : le nier serait absurde...


    Décidément, les réalités - et, donc, la "politique"... - ne sont pas choses simples...

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant : L'aventure France racontée par les Cartes...

     

     

    lafautearousseau

  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (188), Rêves d'Empire : Inde française...(I/II)

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    En 1740, Dupleix, gouverneur des établissements de la Compagnie française des Indes - fondée par Colbert en 1664 - cherche, à partir de Pondichéry et avec l’aide de soldats indiens, les Cipayes, à étendre l’influence de la France sur le sud de l’Inde.

    Il parvient à contrôler la plus grande partie du Dekkan.

    Mais la Compagnie trouve ces conquêtes plus nuisibles qu’avantageuses; le soutien de Louis XV, occupé dans les guerres européennes, lui manque et surtout, la France n’a pas la maîtrise des mers.


    Pourtant, au même moment , La Bourdonnais à partir de l’île Maurice (alors appelée "de France") et de l’île de la Réunion (alors "île Bourbon"), avait fait des Mascareignes une base susceptible d’aider Dupleix.


    Mais ils furent tous les deux rappelés en France : Bainville, dans ses "Chroniques", a expliqué ce rappel : Louis XV préférait "réunir", définitivement, la Lorraine et la Corse, agrandissant ainsi le territoire national, plutôt que d'affronter au loin les Anglais - qui s'opposaient déjà à nous sur le continent... - dans des aventures périlleuses et moins assurées que la réunion de ces deux provinces...


    Pendant la guerre européenne qui suit - la Guerre de Sept Ans - Pondichéry est prise par les Anglais et le Traité de Paris, en 1763, ne laisse à la France que cinq comptoirs : Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor et Yanaon, qui seront peu à peu rendus à l’Inde (la dernière "restitution" s'achevant en 1956).

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant : L'aventure France racontée par les Cartes...

     

    lafautearousseau

  • Le premier prix des Impertinents...

                Créé en octobre 2009, à l'initiative (heureuse...) de Jean Sévillia, le Prix des Impertinents est un prix littéraire destiné à récompenser un ouvrage (essai, histoire ou roman) s'inscrivant à contre-courant de la pensée unique et des diktats du politiquement correct. Il est décerné au début de chaque année, après une première sélection du jury, à l'automne, et distingue un ouvrage paru l'année précédente.

                Il est remis à la brasserie Montparnasse 1900.

                Le jury du Prix des Impertinents est composé de Christian Authier, Bruno de Cessole, Jean Clair, de l'Académie française, Louis Daufresne, Chantal Delsol, de l'Institut, Paul-François Paoli, Rémi Soulié (secrétaire général), François Tallandier, Eric Zemmour. Jean Sévillia en est le Président.

                Le Prix a donc été décerné pour la première fois, le 18 janvier 2010. Il a été attribué à Claire Brière-Blanchet, pour son ouvrage Voyage au bout de la Révolution, de Pékin à Sochaux (Fayard), saisissante auto-exploration, par une ancienne militante, des années de plomb du maoïsme français.

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    282 pages, 18 euros

                Ce livre raconte l'histoire d'un couple de jeunes intellectuels petits-bourgeois maoïstes (PCmlF), qui a choisi au début des années soixante-dix d'aller volontairement travailler en usine pour prêcher la révolution aux ouvriers. Vu avec le recul, le point de départ politiquement faux ne pouvait mener qu'à un échec absolu, au naufrage d'une vie, mais pourtant un certain nombre de gens l'ont assumé. Des intellectuels -et non des moindres- ont, à l'époque officiellement soutenu ces idées absurdes. Il faut avoir vécu ces années -où l'engagement politique personnel radical existait encore- pour comprendre cette démarche, même si on ne l'a jamais approuvée. Ce livre rappelle d'autres expériences semblables plus anciennes (Robrieux pour le PCF), d'autres vies militantes brisées ici et ailleurs.

                Le plus affligeant dans l'histoire, c'est de constater que l'échec n'a pas mis fin à la cécité politique des intéressés. Si les dirigeants à la fois les plus lucides et les plus opportunistes ont pu se recaser habilement dans les partis politiques dominants, les autres (les plus sincères ou les plus aveugles) comme l'auteur ont fini, après avoir péniblement survécu grâce à une psychothérapie, dans le marécage du néolibéralisme.

  • Demain, ne manquez pas notre Éphéméride du jour...

    lfar flamme.jpg1905 : Guillaume II débarque à Tanger...

    Après "l'affaire de Kiel", en 1895, ce coup de l'empereur allemand, et la reculade française qui suivit, fut la démonstration - hélas éclatante !... - que la République, le Système, n'avait pas et ne pouvait pas avoir de véritable politique étrangère, alors que la guerre approchait... et que Maurras ne prévoyait "que"... "500.000 jeunes Français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue" : ce sera un million cinq  !

    On est, là, aux origines du livre de Maurras Kiel et Tanger, dont Boutang disait qu'il était "un acquis pour la suite des temps".

    La persistance de l'actualité de Maurras - à travers Kiel et Tanger mais pas seulement... - laisse rêveur...

    lafautearousseau

  • Dans notre Éphéméride de ce jour...

    1866 : Parution de La Coumtesso, poème politique, mais sous forme cryptée, énigmatique de prime abord, de Frédéric Mistral

     

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    Quand il fait paraître "La Coumtesso", Mistral, né en 1830, a trente-six ans...
     
    On commencera par lire le texte complet, en provençal, mais accompagné de sa traduction en français :

    Texte complet La Coumtesso.pdf

     

    On le verra tout de suite : il s'agit d'un poème puissant, véritable allégorie contre l'idéologie et la centralisation jacobine, où le message politique se cache sous les symboles et sous un certain hermétisme (très en vogue à l'époque : le poème est daté par Mistral du "22 Août 1866").

    C'est probablement l'un des plus beaux, et en tout cas l'un des plus forts poèmes de Mistral. L'un de ceux qui a le plus de souffle.

    On le sait, Mistral n'a jamais voulu situer son action sur le plan politique stricto sensu. Une estime et une amitié personnelle bien réelles, une proximité de pensée - et "de fait" - très fortes le liaient à Charles Maurras et au mouvement d'Action française (1), amitié qui ne s'est jamais démentie, pas plus que leur estime et leur admiration réciproque.

    Et toute la vie de Mistral se situe, de toute évidence, dans un traditionalisme de fait, à la fois culturel, religieux, spirituel et, donc, qu'on le veuille ou non - mais sur un plan autre - politique... Dans son livre célèbre Maîtres et témoins de ma vie d'esprit, Maurras place Mistral dans la catégorie des "maîtres"...

    Pourtant, Mistral n'a jamais franchi le pas, et ne s'est donc jamais engagé politiquement...

    Cependant, qu'on lise attentivement La Coumtesso, et l'on y trouvera un grand souffle épique, lié aux problèmes institutionnels et culturels de la France d'alors, qui restent ceux de la France d'aujourd'hui...

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    L'amour de la petite patrie, voie royale d'entrée vers l'amour de la grande; à l'inverse, la détestation des particularités locales... 

                

    En voici l'argument : une Comtesse riche et belle, de sang impérial, vit fière, heureuse, libre et puissante. Mais sa soeur d'un autre lit l'enferme dans un couvent où règne la tristesse de l'uniformité perpétuelle, où tout est régi communément. Le poète appelle donc ses soupirants - s'ils savaient l'entendre, s'ils voulaient le suivre... - à partir comme des trombes, pour "crever" le grand couvent, libérer la Comtesse, démolir le cloître et pendre l'abbesse !...

    Que veut dire tout ceci ?

    La Coumtesso, c'est évidemment la Provence : à la strophe III du Paragraphe I on lit : "(elle avait)... des montagnes couvertes de neige pour se rafraîchir l'été; d'un grand fleuve l'irrigation, d'un grand vent le souffle vif...". Les montagnes, ce sont, bien sûr, les Alpes; le grand fleuve, le Rhône et le vent vif, le mistral.

    La soeurâtre et le grand couvent c'est, non pas la France - car Mistral n'a jamais été séparatiste - mais la France jacobine, le Paris jacobin. Cette prison des peuples qu'est l'idéologie centralisatrice jacobine, contre laquelle Mistral appelle à la révolte. À la révolte mais, répétons-le, pas à la sécession.... Et Mistral prend à dessein l'image du couvent car il a bien compris que l'idéologie jacobine centralisatrice est l'héritière directe de cette Révolution qui s'est voulue, et pensée, comme une Nouvelle Religion: la NRR, la Nouvelle Religion Républicaine, qui veut à tout prix se substituer à la religion traditionnelle. Et qui a ses dogmes, ses temples, ses prêtres, ses commandements...

    Dans ce couvent - au sens figuré - tout le monde est - au sens propre - soumis à la même loi tatillonne: à la strophe II du Paragraphe II on lit : "là, les jeunes et les vieilles sont vêtues également... la même cloche règle tout communément".

    Comment ne pas se souvenir, ici, de la phrase fameuse: en ce moment, tous les écoliers de France sont en train de faire une version latine ?...

    Et comment ne pas voir une prémonition effrayée du politiquement correct et de l'auto-censure dans les vers suivants, toujours allégoriques : "En ce lieu, plus de chansons, mais sans cesse le missel; plus de voix joyeuse et nette, mais universel silence..." ? Ou : la tyrannie de tous les corrects possibles (historiquement, culturellement, moralement, religieusement... corrects) qui a étouffé la pensée et fait régner une désolante uniformité... 140 ans après que le poème ait été écrit, c'est bien la police de la pensée qui est croquée ici, avec son "missel", et le "silence universel" qu'elle impose à toute voix autre que la sienne...

    Cet étouffement de toute pensée, de toute liberté, ne peut aboutir qu'à la mort, tout simplement (strophe IV du Paragraphe II) : "À la noble demoiselle, on chante les Vêpres des Morts, et avec des ciseaux on lui coupe sa chevelure d'or..."

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    En Provence, en Bretagne et partout ailleurs, les mêmes causes produisent les mêmes effets, et appellent les mêmes remèdes... Juste la nuance qui s'impose : ce n'est pas "la France" mais "le Système", la République idéologique, qu'il faut dire : et cela n'a rien à voir avec "la France"... 

                

    La Comtesse, ce sont donc les nations historiques qui composent le France, la Provence, évidemment, au premier chef, mais toutes les autres Provinces avec elle; mais aussi et surtout (2) la langue et la culture provençale, prisonnières dans un cachot du ministère de l'Instruction publique.

    Marcel Pagnol - mais bien d'autres également... - a raconté comment il était interdit de parler provençal à l'école, et comment on se faisait - au sens propre - taper sur les doigts avec une règle bien dure lorsqu'on osait braver l'interdit. En Bretagne, des écriteaux prévenaient : "Défense de cracher par terre et de parler breton"...

    C'est aussi ce génocide culturel que dénonce, poétiquement, le poète en parlant des "tambourins" de la Comtesse que l'on a brisés. S'étant refusé à entrer en politique, Mistral utilise l'arme de la fable, de l'allégorie, pour dénoncer le mal...

    Quant à l'appel aux soupirants de la Comtesse, "Ceux-là qui ont la mémoire", dit Mistral, comment ne pas voir qu'il s'agit là de l'exacte antithèse du fameux Du passé faisons table rase ?

    Mistral appelle donc à renverser l'idéologie et à rétablir les libertés locales : à "pendre l'abbesse" et "crever la grand couvent" (les quatre strophes du Paragraphe III, et dernier)...

    Difficile de faire... plus révolutionnaire !

    Et, si on nous passe le raccourci, plus "politique d'abord !"...

     

    (1) Pour avoir une idée de cette amitié de pensée entre Mistral et Maurras en particulier, l'Action française en général, il suffit de consulter les articles publiés dans les deux numéros de L'Action française qui parurent au moment de la mort du grand poète :

    • numéro du 26 Mars 1914 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral ! (1/2)

    • numéro du 27 Mars 1914 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral (2/2)

    (2) : "aussi et surtout", car Mistral l'a redit cent fois : la langue - par la culture qu'elle véhicule - est l'âme et le coeur d'un peuple, son ossature mentale...

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     Toujours plus de gestion idéologique et de centralisme technocratique,
    pour supprimer les solidarités nées de l'Histoire 
     
     

    Trois de nos Éphémérides essayent de restituer au moins une partie de la puissance et de la beauté de la poésie mistralienne (8 septembre, naissance; 25 mars, décès; 29 février, Prix Nobel) : elles sont réunies et "fondues", pour ainsi dire, en un seul et même PDF, pour la commodité de la consultation :

    Frédéric Mistral

    Et six autres de nos Éphémérides rendent compte de son action, de ses initiatives ou d'autres prises de position importantes :

      la création du Félibrige et la fête de son Cinquantenaire (Éphéméride du 21 mai);

     l'institution de la Fèsto Vierginenco (Éphéméride du 17 mai) et celle de l'Élection de la Reine d'Arles (Éphéméride du 30 mars);

     le contexte historico/politique de la création de la Coupo Santo (Éphéméride du 30 juillet);

    Frédéric Mistral récite L'Ôde à la Race latine à Montpellier (Éphéméride du 25 mai);

    enfin, la publication de son brulot anti-jacobin, fédéraliste et décentralisateur, donc authentiquement "politique", traditionnaliste et réactionnaire : La Coumtesso (Éphéméride du 22 août)

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  • Livres • Ernst Jünger et la vie magnifique

     

    Par Rémi Soulié

     

    R. Soulié.jpgLECTURE - Luc-Olivier d'Algange a publié, Le Déchiffrement du monde : La gnose poétique d'Ernst Jünger, aux éditions de l'Hamattan. Rémi Soulié nous invite à découvrir cette méditation sur le Temps, les dieux, les songes et symboles. 

    Les poètes sont de singuliers alchimistes qui tendent moins à transformer en or les métaux vils qu'à montrer (au sens de la monstration) la beauté de l'être derrière le fatras plus ou moins informe des temps. Telle est la vocation de Luc-Olivier d'Algange, qu'il illustre dans ses poèmes, ses essais — qui sont aussi des poèmes — et dans sa vie — qui en est un aussi tant nous la savons contemplative, accordée aux œuvres, aux heures et aux saisons. 

    Ernst Jünger, dont on célébrera en 2018 le vingtième anniversaire de la disparition, compte de longue date au nombre de ses intercesseurs, de ses compagnons de songes et d'exactitudes, lesquels ne sont séparés que par des esprits obtus, ennemis de la nuance et des nuages - le mot est le même -, bref, des esprits modernes oscillant entre fanatisme et relativisme, avers et revers de la pendeloque nihiliste, la pendeloque désignant aussi l'excroissance de peau que les chèvres portent sur l'avant du cou.

    Comme il n'est de voyage qu'initiatique et de pèlerinage que chérubinique, Le Déchiffrement du monde - dont l'alphabet, par définition, est l'invention de Novalis, entre Saïs et Bohême -, publié dans la superbe collection Théôria, dirigée par Pierre-Marie Sigaud aux Éditions L'Harmattan, est une carte où lire la géographie d'un esprit, d'un cœur et d'une âme, non sur le mode universitaire, scientifique et technique, mais sur celui, musical, qui convient aux muses orphiques, celles-là mêmes que Philosophie, hélas, congédie au début de la Consolation de la philosophie de Boèce mais que Métaphysique, dans l'œuvre de d'Algange, réintroduit prestement. Il ne faut pas non plus s'attendre à une lecture politique ou, a fortiori, idéologique de l'œuvre de Jünger : place à une lecture de haute intensité, à un discours de la méthode, à une herméneutique infinie comme le monde fini !

    Le « vaisseau cosmique » dans lequel nous sommes embarqués et dont nous sommes convoie en effet aussi bien les galaxies que les cicindèles, les unes et les autres correspondant analogiquement entre elles en vertu de la loi des gradations elles-mêmes infinies et d'une gnose héraldique où le visible est l'empreinte de l'invisible. Nous sommes parvenus à un point tel de l'involution que très peu, c'est à craindre, reconnaîtront là leur pays.

    Ce livre, comme tous ceux de Luc-Olivier d'Algange, est donc écrit pour les « rares heureux » stendhaliens ou ceux qui forment les pléiades des « fils de roi » chers à Gobineau — fort heureusement, leurs privilèges se transmettent à quiconque (déserteurs gioniens, rebelles et anarques jüngeriens…) échappe au règne titanique et despotique de la quantité. Dans sa Visite à Godenholm, citée par d'Algange, Jünger évoque d'ailleurs ces « petits groupes » qui, dans les déserts, les couvents et les ermitages, rassemblent des irréguliers, stoïciens et gnostiques, autour de philosophes, de prophètes et d'initiés gardant « une conscience, une sapience supérieure à la contrainte et à l'histoire. »

    En dix chapitres — « Ernst Jünger déchiffreur et mémorialiste », « Le nuage, la flamme, la vague », « L'art herméneutique », « Le regard stéréoscopique », « L'œil du cyclone : Jünger et Evola », « Le songe d'Hypérion: Jünger et Hölderlin », « De la philosophie à la gnose », « La science des orées et des seuils », « L'Ermitage aux buissons blancs », « Par-delà la ligne » — d'Algange pulvérise la fallacieuse distinction qui oppose un premier Jünger nationaliste, belliqueux et esthète à un second, contemplateur solitaire et méditatif. Il montre - là encore, au sens de la monstration, contre les démonstrations pesantes et disgracieuses - que Jünger vécut une seule et unique expérience spirituelle dans laquelle la contemplation est action, et inversement, ce qui échappe aux modernes empêtrés dans les diableries des scissions entre le sujet et l'objet, l'un et le multiple, l'immanence et la transcendance, le temps et l'éternité, l'être et le devenir, Dieu et les dieux, etc. Voilà d'ailleurs pourquoi d'Algange n'a jamais écrit qu'un seul livre — mais c'est un chef d'oeuvre : l'art poétique et métaphysique des symboles. « L'éternel devenir de la vérité de l'être, écrit-il, surgit sous les atours de l'intemporel, à la pointe de l'instant, sur la diaprure de l'aile du moucheron, dans l'irisation de la goutte de rosée que le premier soleil abolit, nuance dans la nuance. »

    Le Cœur aventureux, à rebours des assurances bourgeoises, des morales puritaines et utilitaristes, du pathos humanitaire et psychologique, s'est glissé dans les contrées du monde sensible et intelligible armé de la « raison panoramique » qui, à la différence des logiques binaires ou dialectiques, embrasse ainsi la totalité et fait briller la coincidentia oppositorum que nulle analyse ne décompose. La synthèse intuitivement perçue du Tout y resplendit avec ses anges, ses papillons, ses champs de bataille, ses rêves, ses mythes, ses légendes, ses collines et ses rivages, ses formes, ses types et ses figures dont celles du Soldat, du Travailleur, du Rebelle et de l'Anarque. Tout y est subtil comme une chasse, comme une pensée qui est une pesée, « l'étymologie étant, avec les sciences naturelles, l'art héraldique par excellence. » De ce point de vue, Jünger hérite du romantisme allemand et prolonge bien sûr cette « Allemagne secrète » dont Stefan George fut le héraut inspiré.

    Dans cette miniature lumineuse qu'est Le Déchiffrement du monde, la perspective souligne les dimensions de hauteur et de profondeur où se meut naturellement et surnaturellement Jünger. L'approche y est qualitative et courtoise, comme dans un ermitage creusé dans des falaises de marbre où il serait encore possible de lire et d'herboriser — ce qui revient au même — loin des hordes forestières. C'est ainsi qu'Ernst Jünger et Luc-Olivier d'Algange nous initient à « la vie magnifique ». Magnifique, oui, le mot s'impose.  

    Rémi Soulié, écrivain, essayiste, critique littéraire, collaborateur du Figaro Magazine, est, entre autres, l'auteur de Nietzsche ou la sagesse dionysiaque, Pour saluer Pierre Boutang, De la promenade : traité, Le Vieux Rouergue.

    Figarovox du 12.12.2017

    Lire aussi ...

    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

  • Livres • Le secret de Pierre Boutang : retour sur l'ouvrage de Stéphane Giocanti

     

    Pierre Boutang a été et reste l'un de nos maîtres, comme on eût dit plus volontiers en d'autres temps. Mais un maître au sens de George Steiner, un maître duquel on apprend, mais avec qui l'on dialogue, dans une relation vivante, où parfois s'affirment divergences ou développements. Et à la différence des Maurras, Daudet, Bainville, nombre d'entre nous ont approché, connu, écouté, interrogé un Pierre Boutang de chair et d'os, qualités et défauts confondus. L'excellente recension qui suit du dernier ouvrage de Stéphane Giocanti nous le fait redécouvrir tel qu'en lui-même. Nous la devons à Philitt, un site de réflexion philosophique et culturelle qu'il faut, selon nous, connaître et faire connaître. LFAR   

    Après une biographie consacrée à Charles Maurras (Flammarion, 2006), Stéphane Giocanti s’attaque à l’un des plus talentueux disciples du maître de l’Action française : Pierre Boutang (Flammarion, 2016). Ce livre nous permet de découvrir un personnage complexe et souvent sous-estimé, de l’étudiant facétieux au philosophe virtuose en passant par le talentueux polémiste.

    Une des choses qui ravit lorsqu’on évoque le nom de Pierre Boutang, c’est qu’on sait d’emblée – à la différence des intellectuels d’aujourd’hui – qu’on peut le nommer écrivain ou philosophe. Car Boutang, bien qu’il ne soit pas si loin de nous – il meurt le 27 juin 1998 – était incontestablement les deux. Il avait à la fois l’âme d’un poète et celle d’un métaphysicien. Dans sa biographie consacrée à l’auteur d’Ontologie du secret, Stéphane Giocanti dresse le portrait d’un homme dont la complexité déroutera plus d’un lecteur, trop habitué que nous sommes au monolithisme de nos contemporains. D’abord normalien et militant de l’Action française, maréchaliste puis giraudiste pendant la Seconde Guerre mondiale, soutien de De Gaulle dans l’espoir de voir le comte de Paris succéder à ce dernier, disciple de Maurras renonçant petit à petit à son antisémitisme pour finir fervent défenseur d’Israël… Boutang est insaisissable bien que toujours mû par l’idéal monarchique et par son catholicisme.

    Jeune, Boutang se distingue par sa beauté, par sa force physique et par sa verve. Ce Rimbaud aux mains de paysan est aussi espiègle que charmeur. Il envoûte ses professeurs autant que ses camarades. Giocanti nous dépeint avec talent cette période de la vie du philosophe. On ressent nettement la tension inhérente chez Boutang entre sa curiosité intellectuelle inépuisable et son tempérament dionysiaque – qui va de ses nombreuses conquêtes à son besoin de faire le coup de poing. Ainsi, il manque d’être exclu de l’école Normale pour avoir réservé un accueil très spécial à Jean Zay qui venait donner une conférence en Sorbonne « Pour répondre à cette personnalité politique, qui en 1924 a comparé le drapeau français à un « torchecul » dans un poème antimilitariste, l’étudiant répand de haut en bas des murs de l’École quantité de papier hygiénique », raconte Giocanti. Mais dans le même temps, Boutang est un élève brillant, lecteur compulsif qui impressionne ses professeurs que sont, entre autres, Vladimir Jankélévitch, Gabriel Marcel et Jean Wahl. « […] il recopie ou commente Nietzsche, Kierkegaard, Hegel, Platon, Pascal, Bergson, rédige toute une dissertation sur le langage, commente l’article que Jean Wahl vient de consacrer à Karl Jaspers dans la Revue de métaphysique et de morale », souligne le biographe.

    La vie d’étudiant fut également pour Boutang l’occasion de rencontres décisives : Philippe Ariès, Raoul Girardet – tous deux futurs historiens de renom – Maurice Clavel, qui sera un écrivain et journaliste célèbre, puis celle qui deviendra sa femme, Marie-Claire Canque. Giocanti tient à montrer que, si Boutang est très fidèle en amitié, il l’est moins en amour. Le couple était déjà un petit miracle en soi : lui militant Action française, elle imprégnée d’un humanisme de gauche. Mais Boutang ne peut s’empêcher d’user de son charme sur les femmes. Il multipliera les conquêtes, les trahisons qui seront, en partie, à l’origine d’un de ses ouvrages les plus importants Le Purgatoire, son chemin de croix philosophique. « De son mariage, Boutang dira rétrospectivement qu’il a été heureux autant qu’il était possible », note Giocanti qui veut témoigner de ce pessimisme amoureux propre à Boutang.

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      Stéphane Giocanti                 Boutang parlant à Maurras

     

    S’il faut trouver un défaut au travail remarquable de Giocanti, il concerne le récit de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur perd Boutang de vue pour parler en détail de la rivalité entre le général de Gaulle et le général Giraud. Si cette contextualisation a un sens puisque le « maréchaliste » Boutang a choisi le camp de Giraud pendant la guerre avant de célébrer De Gaulle dans les années 60, Giocanti s’éloigne un peu trop de son entreprise biographique pour aller sur le terrain de l’analyse historique. Pendant un chapitre entier, Boutang est un peu délaissé et on ne le retrouve véritablement que quand l’auteur se décide à aborder l’après 1945. On retiendra néanmoins la position complexe de Boutang dans ce conflit. Boutang reste fidèle à Maurras et soutient le maréchal Pétain. Pourtant, il ne se sent pas du tout proche de l’administration de Vichy et abhorre l’esprit de collaboration. Boutang se mobilisera pour faire sortir du camp de Drancy son ancien professeur Jean Wahl qui lui en sera reconnaissant toute sa vie. L’historien Simon Epstein dira de l’auteur d’Ontologie du secret qu’il fut « résistant à sa manière ». En lisant Giocanti, on comprend d’ailleurs que ce n’est pas le « maréchalisme » de Boutang qui lui a posé problème après la guerre mais bien plutôt son giraudisme. Sans doute aurait-il été ministre, comme Malraux, s’il avait rejoint Londres en 1940, dira de lui un ami.

    L’avènement d’un philosophe

    Boutang a 29 ans quand la guerre se termine. Philosophe royaliste et catholique, il doit ferrailler avec les existentialistes, les structuralistes et les marxistes qui dominent la scène intellectuelle française. Il mènera son combat depuis deux revues qu’il dirigera successivement, Aspects de la France puis La Nation française. Avec ce deuxième titre, Boutang veut donner un nouveau souffle à la pensée monarchique affaiblie depuis la mort de Maurras en 1952. « Le projet est de dépasser ce qui a été tenté à Aspects de la France et de tracer une voie intellectuelle et politique nouvelle. Il s’agit de créer un laboratoire d’idées et un espace de débat, de relever le royalisme politique et doctrinal », précise Giocanti avant d’ajouter que Boutang entendait résumer la ligne éditoriale du journal par une boutade : « Ne pas être trop bête. » Longtemps, cette carrière de polémiste va retarder le destin philosophique de Boutang qui éprouve beaucoup de difficultés à se retirer du monde. Il faudra attendre 1973 – il a alors 57 ans – pour que soit publiée sa thèse Ontologie du secret dans laquelle il a mis toutes ses forces. Ferdinand Alquié salue une « prouesse » tandis que Gabriel Marcel, son vieux maître, évoque un « monument ». De son côté, George Steiner parle d’un « rendez-vous décisif ». « Avec Ontologie du secret, Pierre Boutang s’impose comme un penseur à la fois considérable et singulier. Ce traité, qui est aussi le journal de bord d’une pensée qui se construit, aborde les fondements mêmes de l’ontologie et de la métaphysique, en examinant les articulations entre l’être et le secret », explique Giocanti.

    Dès lors, ce Boutang consacré peut envisager de rejoindre la Sorbonne. Il est élu professeur de métaphysique le 12 mars 1976. Mais son passé de militant politique le rattrape et une campagne est lancée pour l’empêcher d’enseigner dans cette prestigieuse université. Jacques Derrida, Pierre Vidal-Naquet, Pierre Bourdieu ou encore Luc Ferry font partie des signataires. Ils mettent en doute le sérieux philosophique de Boutang et lui reprochent d’avoir ressuscité « la presse d’extrême droite ». L’alliance des libéraux, des marxistes et des structuralistes contre le philosophe royaliste et catholique est un échec. Les défenseurs de Boutang sont nombreux, d’Emmanuel Levinas à André Froisard en passant par René Schérer. Avant que François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, ne rappelle : « […] la liberté de nos adversaires n’est-elle pas un peu la nôtre ? » En dernière instance, c’est le talent de professeur de Boutang, sa générosité aussi, qui légitimeront sa place à la Sorbonne. « Pédagogue de la liberté intérieure, Boutang donne aux étudiants l’occasion de rompre avec le conformisme marxiste et freudien ambiants, mais il leur offre surtout la possibilité d’interroger les textes comme ils ne l’ont pu auparavant, avec des recours à l’étymologie, aux comparaisons entre les langues, et des parallèles inattendus qui surgissent pour éclairer une notion, ouvrir un problème… », souligne Giocanti.

    Universitaire controversé mais respecté, Boutang pourra enfin se consacrer à l’essentiel : la philosophie. Après Ontologie du secret (1973), c’est Le Purgatoire (1976), Apocalypse du désir (1979) ou encore Maurras, la destinée et l’œuvre (1981) qui contribueront à forger sa réputation de penseur de premier plan. Cent ans après sa naissance, la biographie de Giocanti apparaît comme un hommage nécessaire à cet homme hors du commun qui aura traversé le XXe siècle comme une comète. 

    Crédits photo : Rue des Archives/mention obligatoire©Louis Monier

    Philitt

  • GRANDS TEXTES (41) : L'Avenir du nationalisme français

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    Le tome II des Œuvres capitales de Charles Maurras, sous-titré Essais politiques, s’achève par un texte court au titre prometteur : L’Avenir du nationalisme français.

    En exergue, on y lit la mention suivante : Ces pages forment la conclusion  du mémorial publié sous le titre POUR UN JEUNE FRANÇAIS chez Amiot Dumont, Paris, 1949.

    Maurras y démontre comment « le nationalisme français se reverra, par la force des choses…»  Force des choses qui, aujoud'hui, semble bien s'exercer sur la France avec intensité, avec caractère de gravité, de divers ordres, intérieurs et extérieurs.

    Et justifier la permanence ou le retour d'un nationalisme français, tel que Maurras l'illustre et le redéfinit ici.

    Par quoi ce très beau texte trouve toute son actualité.  

    Lafautearousseau 

    MAURRAS hommage.jpgIl ne reste donc plus au Français conscient qu'à agir pour que sa volonté soit faite et non une autre : non celle de l'Oligarchie, non celle de l'Étranger.

    Reste le rude effort d'action pratique et réelle, celui qui a voulu maintenir en fait une France, lui garder son bien, la sauver de son mal, résoudre au passage ses crises. C'est un service trop ancien et trop fier de lui-même pour que l'œuvre amorcée en soit interrompue ni ralentie. Ceux qui sont de l'âge où l'on meurt savent qu'elle dépend d'amis en qui l'on peut avoir confiance, car, depuis plus de quarante ans, ils répètent avec nous : par tous les moyens, même légaux. Ayant travaillé ainsi « pour 1950 », ils travailleront de même pour l'an 2000, car ils ont dit dès le début : pour que la France vive, vive le Roi !

    L'espérance ne se soutiendrait pas si le sens national n'en était pas soutenu en première ligne. Mais là aussi je suis tranquille.

    Il est beaucoup question d'abandonner en tout ou en partie la souveraineté nationale. Ce sont des mots. Laissons-les aux professeurs de Droit. Ces messieurs ont si bien fait respecter leur rubrique, intus et in cute , ces dernières années, qu'on peut compter sur eux pour ajouter du nouveau à tous les plus glorieux gâchis de l'intelligence . Les trésors du réel et ses évidences sont plus forts qu'eux. Ce qu'ils déclarent périmé, ce qu'ils affectent de jeter par-dessus bord ne subira pas plutôt l'effleurement d'une égratignure ou d'une menace un peu concrète, vous verrez l'éclat de la réaction ! Preuve que rien ne vit comme le sens de la nation dans le monde présent. Ceux qui voudront en abandonner une part ne feront rien gagner à Cosmopolis : ils engraisseront de notre héritage des nationalités déjà monstrueuses. Les plus grands faits dont nous soyons contemporains sont des faits nationaux : la prodigieuse persévérance de l'Angleterre dans l'être anglais aux années 1940-1945, l'évolution panslaviste ou plutôt panrusse des Soviets, la résistance que la Russie rencontre chez les nations qu'elle a cru s'annexer sous un double vocable de race et de secte, l'éclosion de la vaste conscience américaine, le retour à la vie du nazisme allemand, sont tous des cas de nationalisme suraigu. Tous ne sont pas recommandables. Nous aurions été fous de les imiter ou de les désirer tous. Nous serions plus insensés de ne pas les voir, qui déposent de la tendance universelle. En France, le patriotisme en avait vu de toutes les couleurs après la victoire de Foch : que d'hostilité et que de disgrâces ! De grands partis caractérisés par leurs « masses profondes », étaient lassés ou dégoûtés du vocabulaire français, il n'y en avait plus que pour le charabia marxiste. À peine l'Allemand a-t-il été campé chez nous, toutes ses offres de bon constructeur d'Europe ont été repoussées et le Français, bourgeois, paysan, ouvrier ou noble n'a connu à très peu d'exemples près, que le sale boche ; l'esprit national s'est refait en un clin d'œil. La patrie a dû avaliser la souillure de beaucoup d'hypocrisies politiciennes. L'usage universel de ce noble déguisement est une preuve de plus de sa valeur et de sa nécessité, qui est flagrante : on va le voir.

    Le nationalisme de mes amis et le mien confessent une passion et une doctrine. Une passion pieuse, une doctrine motivée par des nécessités humaines qui vont grandissant. La plupart de nos concitoyens y voient une vertu dont le culte est parfois pénible, toujours plein d'honneur. Mais, parmi les autres Français, surtout ceux du pays légal, distribués entre des partis, on est déjà et l'on sera de plus en plus acculé au nationalisme comme au plus indispensable des compromis. Plus leurs divisions intéressées se multiplient et s'approfondissent, plus il leur faut, de temps à autre, subir le rappel et l'ascendant plus qu'impérieux du seul moyen qu'ils aient de prolonger leur propre pouvoir. Ce moyen s'appelle la France.

    Comment l'éviter quand tout le reste les sépare ? Sur quel argument, sur quel honnête commun dénominateur discuter hors de là ? Il n'y a plus de mesure entre l'économie bourgeoise et l'économie ouvrière. Ouvrier et bourgeois sont des noms de secte. Le nom du pays est français. C'est bien à celui-là qu'il faut se référer. Qu'est-ce qui est avantageux au pays ? Si l'on adopte ce critère du pays, outre qu'il est sous-entendu un certain degré d'abjuration des erreurs partisanes, son essentiel contient toute notre dialectique, celle qui pose, traite, résout les problèmes politiques pendants du point de vue de l'intérêt national : il faut choisir et rejeter ce que rejette et choisit cet arbitre ainsi avoué.

    Il n'y a certes là qu'un impératif limité. Les partis en lutte feront toujours tout pour s'adjuger le maximum en toute propriété. Mais leur consortium n'est rien s'il ne feint tout au moins des références osant aller plus loin que la partialité collective. S'y refuse-t-il ? Son refus peut donner l'éveil au corps et à l'esprit de la nation réelle, et le point de vue électoral lui-même en peut souffrir. Si ces diviseurs nés font au contraire semblant de croire à l'unité du compromis nationaliste, tout spectateur de bonne foi et de moyenne intelligence en sera satisfait.

    Donc, avec douceur, avec violence, avec lenteur ou rapidité, tous ces partis alimentaires, également ruineux, ou périront de leur excès, ou, comme partis, ils devront, dans une certaine mesure, céder à l'impératif ou tout au moins au constat du nationalisme. L'exercice le renforcera. La fonction, sans pouvoir créer l'organe, l'assouplira et le fortifiera. Les doctrines des partis se verront ramenées, peu à peu, plus ou moins, à leurs éléments de Nuées et de Fumées auxquelles leur insuccès infligera un ridicule croissant. Leur foi ne sera bientôt plus qu'un souvenir sans vertu d'efficacité, trace matérielle tendant à s'effacer, car on rira de plus en plus de ces antiquailles, aux faux principes qui voulaient se faire préférer aux colonies et aux métropoles et qui mènent leur propre deuil. 

    Alors pourra être repris quelque chose de très intéressant : le grand espoir de la nation pour déclasser et fusionner ses partis.

    Un mouvement de nationalisme français ne sera complet que par le retour du roi. En l'attendant, les partis se seront relâchés de leur primatie et, par l'effet de leurs abus, les mœurs auront repris tendance à devenir françaises, l'instinct et l'intérêt français auront reparu à leur rang.

    Il ne faut pas se récrier à ce mot d'intérêt. Fût-il disgracieux, c'est le mot juste. Ce mot est plein de force pour nous épargner une grave erreur qui peut tout ruiner.

    Si au lieu d'apaiser les oppositions et de les composer sur ce principe d'intérêt, on a honte, on hésite et qu'on se mette à rechercher des critères plus nobles, dans la sphère des principes moraux et sacrés propres aux Morales et aux Religions, il arrivera ceci : comme en matière sociale et politique les antagonismes réels de la conscience moderne sont nombreux et profonds, comme les faux dogmes individualistes sur l'essentiel, famille, mariage, association contredisent à angle droit les bonnes coutumes et les bonnes traditions des peuples prospères qui sont aussi les dogmes moraux du catholicisme, il deviendra particulièrement difficile, il sera impossible de faire de l'unité ou même de l'union dans cet ordre et sur ce plan-là. Ou si on l'entreprend, on essuiera une contradiction dans les termes dont l'expérience peut déjà témoigner.

    Ces principes contraires peuvent adhérer, eux, à un arrangement, mais non le tirer de leur fond, non le faire, ni se changer, eux divisés, eux diviseurs, en principes d'arrangement.

    Ces principes de conciliation ne sont pas nombreux. Je n'en connais même qu'un.

    Quand, sur le divorce, la famille, l'association, vous aurez épuisé tous les arguments intrinsèques pour ou contre tirés de la raison et de la morale, sans avoir découvert l'ombre d'un accord, il vous restera un seul thème neutre à examiner, celui de savoir ce que vaut tout cela au point de vue pratique de l'intérêt public. Je ne dis pas que cet examen soit facile, limpide ou qu'il ne laisse aucune incertitude. Il pourra apporter un facteur de lumière et de paix. Mais si, venu à ce point-là, vous diffamez la notion d'intérêt public, si vous désavouez, humiliez, rejetez ce vulgaire compromis de salut public, vous perdez la précieuse union positive qui peut en naître et, vous vous en étant ainsi privés, vous vous retrouvez de nouveau en présence de toutes les aigreurs qui naîtront du retour aux violentes disputes que l'intérêt de la paix sociale aurait amorties.

    On a beau accuser l'intérêt national et civique de tendre sournoisement à éliminer ce que l'on appelle, non sans hypocrisie, le Spirituel : ce n'est pas vrai. La vérité est autre. Nous avons appelé et salué au premier rang des Lois et des Idées protectrices toutes les formes de la Spiritualité, en particulier catholique, en leur ouvrant la Cité, en les priant de la pénétrer, de la purifier, de la pacifier, de l'exalter et de la bénir. En demandant ainsi les prières de chacune, en honorant et saluant leurs bienfaits, nous avons rendu grâces à tous les actes précieux d'émulation sociale et internationale que ces Esprits pouvaient provoquer. Si, en plus, nous ne leur avons pas demandé de nous donner eux-mêmes l'accord désirable et désiré, c'est qu'ils ne le possèdent pas, étant opposés entre eux : le Spirituel, à moins d'être réduit à un minimum verbal, est un article de discussion. Le dieu de Robespierre et de Jean-Jacques n'est pas le Dieu de Clotilde et de saint Rémy. Le moral et le social romains ne sont pas ceux de Londres et de Moscou. Vouloir les fondre, en masquant ce qu'ils ont de contraire, commence par les mutiler et finit par les supprimer. Dès que l'unité de conscience a disparu comme de chez nous, la seule façon de respecter le Spirituel est celle qui en accueille toutes les manifestations nobles, sous leurs noms vrais, leurs formes pures, dans leurs larges divergences, sans altérer le sens des mots, sans adopter de faux accords en paroles. Un Spirituel qui ne serait ni catholique ni protestant ni juif n'aurait ni saveur ni vertu. Mais il doit être l'un ou l'autre. Ainsi seront sauvés la fécondité des féconds et le bienfait des bons ; ainsi le vrai cœur des grandes choses humaines et surhumaines. Il existe une Religion et une Morale naturelles. C'est un fait. Mais c'est un autre fait que leurs principes cardinaux, tels qu'ils sont définis par le catholicisme, ne sont pas avoués par d'autres confessions. Je n'y puis rien. Je ne peux pas faire que la morale réformée ne soit pas individualiste ou que les calvinistes aient une idée juste de la congrégation religieuse. On peut bien refuser de voir ce qui est, mais ce qui est, dans l'ordre social, met en présence d'options tranchées que l'on n'évite pas.

    De l'abondance, de la variété et de la contrariété des idées morales en présence, on peut tout attendre, excepté la production de leur contraire. Il ne sera donc pas possible à chacun, catholique, juif, huguenot, franc-maçon, d'imposer son mètre distinct pour mesure commune de la Cité. Ce mètre est distinct alors que la mesure doit être la même pour tous. Voilà les citoyens contraints de chercher pour cet office quelque chose d'autre, identique chez tous et capable de faire entre eux de l'union. Quelle chose ? L'on n'en voit toujours qu'une : celle qui les fait vivre en commun avec ses exigences, ses urgences, ses simples convenances.

    la-monarchie-francaise.jpgEn d'autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l'humble Bien positif. Car ce Bien ne sera point l'absolu, mais celui du peuple français, sur ce degré de Politique où se traite ce que Platon appelle l'Art royal, abstraction faite de toute école, église ou secte, le divorce, par exemple, étant considéré non plus par rapport à tel droit ou telle obligation, à telle permission ou prohibition divine, mais relativement à l'intérêt civil de la famille et au bien de la Cité. Tant mieux pour eux si tels ou tels, comme les catholiques, sont d'avance d'accord avec ce bien-là. Ils seront sages de n'en point parler trop dédaigneusement. Car enfin nous n'offrons pas au travail de la pensée et de l'action une matière trop inférieure ou trop indigne d'eux quand nous rappelons que la paix est une belle chose ; la prospérité sociale d'une nation, l'intérêt matériel et moral de sa conservation touche et adhère aux sphères hautes d'une activité fière et belle. La « tranquillité de l'ordre »  est un bel objet. Qui l'étudie et la médite ne quitte pas un plan humain positif et néanmoins supérieur. Sortir de l'Éthique n'est pas déroger si l'on avance dans la Politique vraie. On ne se diminue pas lorsque, jeune conscrit de la vertu patriotique, on élève son cœur à la France éternelle ou, vieux légiste d'un royaume qu'un pape du VIe siècle mettait déjà au-dessus de tous les royaumes, on professe que le roi de France ne meurt pas. Tout cela est une partie de notre trésor, qui joint où elle doit les sommets élevés de l'Être.

    La nouvelle génération peut se sentir un peu étrangère à ces chaudes maximes, parce qu'elle a été témoin de trop de glissements et de trop de culbutes. Elle a peine à se représenter ce qui tient ou ce qui revient ; c'est qu'on ne lui a pas fait voir sous la raison de ces constantes, le pourquoi de tant d'instabilités et de ruines. Il ne faudrait pas croire celles-ci plus définitives qu'elles ne sont. L'accident vient presque tout entier des érosions classiques d'un mal, fort bien connu depuis que les hommes raisonnent sur l'état de société, autrement dit depuis la grande expérience athénienne continuée d'âge en âge depuis plus de deux mille ans, soit quand les royaumes wisigoths de l'Espagne furent livrés aux Sarrasins ou les républiques italiennes à leurs convulsions, par le commun effet de leur anarchie. La vérification polonaise précéda de peu nos épreuves les plus cruelles, et nos cent cinquante dernières années parlent un langage instructif.

    690209123.jpgLe mal est grave, il peut guérir assez vite. On en vient d'autant mieux à bout qu'on a bien soin de ne point le parer d'autres noms que le sien. Si l'on dit : école dirigeante au lieu d'école révolutionnaire, on ne dit rien, car rien n'est désigné. Si l'on dit démagogie au lieu de démocratie, le coup tombe à côté. On prend pour abus ou excès ce qui est effet essentiel. C'est pourquoi nous nous sommes tant appliqués au vocabulaire le plus exact. Une saine politique ayant le caractère d'une langue bien faite peut seule se tirer de Babel. C'est ainsi que nous en sommes sortis, quant à nous. C'est ainsi que la France en sortira, et que le nationalisme français se reverra, par la force des choses. Rien n'est fini. Et si tout passe, tout revient .

    En sus de l'espérance il existe, au surplus, des assurances et des confiances qui, sans tenir à la foi religieuse, y ressemblent sur le modeste plan de nos certitudes terrestres. Je ne cesserai pas de répéter que les Français ont deux devoirs naturels : compter sur le Patriotisme de leur pays, et se fier à son Intelligence. Ils seront sauvés par l'un et par l'autre, celle-ci étant pénétrée, de plus en plus, par celui-là : il sera beaucoup plus difficile à ces deux grandes choses françaises de se détruire que de durer ou de revivre. Leur disparition simultanée leur coûterait plus d'efforts que la plus âpre des persévérances dans l'être et que les plus pénibles maïeutiques du renouveau.  

     

     

  • Michel De Jaeghere: «Napoléon, faites entrer l’accusé».

    © Rmn - Grand Palais (château de Versailles) / Franck Raux / SP.

    Le bicentenaire de la mort de Napoléon est l’occasion d’une campagne de dénigrement de l’Empereur. Pour Michel De Jaeghere, directeur du Figaro Hors-Série, qui consacre un sublime numéro au conquérant, Napoléon est attaqué car il incarne tout ce que ses adversaires détestent: la France.

    3.jpgChateaubriand, retour d’exil, avait écrit que Bonaparte avait été «marqué de loin» par la Providence «pour l’accomplissement de ses desseins prodigieux». On était en 1803 et le Concordat avait, de fait, dopé les ventes du Génie du christianisme, dont on publiait la deuxième édition. L’écrivain en était vite revenu, comparant dès 1807 dans le Mercure de France l’Empereur à Néron et dénonçant, derrière «le tyran déifié (…), l’histrion, l’incendiaire et le parricide». Il avait quitté entre-temps la Carrière. Il n’espérait plus jouer de rôle politique sous l’Empire et vivait le parfait amour avec Natalie de Noailles, beauté ensorcelante issue d’un milieu royaliste où l’on espérait encore une chute rapide du régime: sous la forme d’un coup d’audace, l’article avait eu quelque chose d’un serment d’amour. Ecrit au lendemain d’Eylau, où les armes avaient paru, soudain, contraires aux espérances françaises, il avait été publié après la victoire de Friedland, à la veille de l’apogée de Tilsit. «L’acte de courage devenait un suicide», écrit André Maurois. Le contretemps avait valu à Chateaubriand les foudres du maître, et plusieurs années de relégation à la Vallée-aux-Loups.

    Le 4 avril 1814, alors que depuis cinq jours Paris a capitulé devant les troupes alliées, et tandis que le tsar, vainqueur, hésite encore sur le gouvernement auquel il va confier la France, Chateaubriand fait paraître De Buonaparte et des Bourbons. La brochure a été écrite dans l’urgence et la fièvre. L’écrivain en avait, pendant sa rédaction, caché chaque nuit sous son oreiller le manuscrit, laissant deux pistolets chargés auprès de son lit. Plaidoyer pour le retour de la branche aînée des Bourbons sur le trône de leurs pères, elle accable un «Buonaparte» désormais désigné comme un fléau du Ciel avec toute la violence et l’excès d’une œuvre de combat. L’Empereur déchu n’avait été, à la lire, qu’un étranger sans parole et sans lois, qui avait semé le crime et l’oppression dans le sillage de la plus tatillonne des dictatures policières, livré le pays au pillage afin de financer une administration tracassière, poursuivi des conquêtes inutiles au fil desquelles il avait mis la jeunesse de France en coupe, épuisant son armée dans l’absurde guerre d’Espagne et la désastreuse campagne de Russie, au terme de laquelle il avait lui-même abandonné ses hommes à la défaite et à la mort.

     

    Ils dénonçaient l’Ogre qui avait fait périr plus d’un million de soldats et réclamait chaque année, comme Moloch, sa ration de chair fraîche. 

     

    Le libelle n’était pas, à vrai dire, le premier du genre. D’autres avaient, dès 1813, commencé à paraître sous le manteau. Ils dénonçaient l’Ogre qui avait fait périr plus d’un million de soldats et réclamait chaque année, comme Moloch, sa ration de chair fraîche ; l’Antéchrist qui avait emprisonné le pape et détrôné les rois. De 1814 à 1821, les pamphlets se multiplièrent. Jean Tulard en a recensé plus de cinq cents (L’Anti-Napoléon, 1964). Ils se proposaient de dissiper les images glorieuses imprimées aux esprits par quinze ans de propagande, en même temps que de désarmer les nostalgies que pouvait faire naître le souvenir de l’épopée, par comparaison au spectacle d’un roi podagre, régnant sur une France diminuée. L’euthanasie des pestiférés de Jaffa, le départ clandestin d’Egypte, les violences antiparlementaires du 19 brumaire et l’abandon de la Grande Armée lors de la retraite de Russie offraient les thèmes autour desquels s’ordonnaient mille et une variations. Les ultras ne pardonnaient pas à Napoléon d’avoir retardé une Restauration qui aurait pu survenir, sans lui, dès octobre 1795 ; qui avait été à deux doigts de se faire en 1799, dix ans à peine après la prise de la Bastille. Les libéraux lui reprochaient d’avoir détourné le cours de la Révolution pour installer son pouvoir personnel. Mme de Staël et Benjamin Constant regrettaient qu’il n’ait pas mieux suivi les leçons du salon de Coppet, et respecté les libertés modernes.

    Un demi-siècle passe. Pour son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, appelé à devenir la bible des instituteurs de la IIIe République, Pierre Larousse consacre en 1867 et 1874 deux articles distincts à Bonaparte et à Napoléon (ils ont chacun la taille d’un livre). Le premier avait porté «le nom le plus grand, le plus glorieux, le plus éclatant de l’histoire». Mais il était «mort au château de Saint-Cloud, près de Paris, le 18 brumaire». L’autre était un général factieux, un usurpateur et un parvenu, étranger à la France «par la race et par les idées», fossoyeur d’une Révolution dont il avait étouffé «les principes et les résultats (…) dans des vues de grandeur personnelle et d’intérêt privé», méprisant pour un peuple qu’il n’appréciait que pour sa «force brute, dans la mesure où il pouvait l’exploiter pour ses tueries». Son règne avait été une «réaction haineuse» imitée du «césarisme byzantin».

     

    « Sauf pour la gloire, sauf pour l’“art”,il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé. »

    Jacques Bainville

     

    A l’autre extrémité du spectre politique, Jacques Bainville rouvrit le dossier en 1931, avec une biographie qui, plus qu’un récit de la vie de l’Empereur (celle de l’homme privé avait été, déjà, détaillée dans les livres de Frédéric Masson ; celle de l’homme public, racontée dans l’Histoire du Consulat et de l’Empire d’Adolphe Thiers), se voulait réflexion sur le sens de son aventure. Son analyse était plus subtile. Elle était à peine moins sévère: Napoléon avait poursuivi, à ses yeux, une ambition dont il n’avait pas les moyens. Faire accepter à l’Angleterre, à l’Autriche et à la Prusse l’annexion de la Belgique et l’hégémonie française sur l’Europe aurait pu être l’œuvre d’une dynastie. Elle demandait des siècles, une continuité, une stabilité, du temps dont, faute de légitimité, Napoléon était dépourvu. Il s’était efforcé de l’imposer à la hussarde, déployant les ressources de tout son génie pour surmonter la précarité de victoires encore et toujours à refaire. Il s’était heurté aux lois inexorables de l’histoire, et il avait fini par laisser la France, exsangue, plus petite qu’il ne l’avait reçue. «Sauf pour la gloire, sauf pour l’“art”, concluait-il, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé.»

    Publiant en 1937 Jeanne d’Arc, Louis XIV, Napoléon, Charles Maurras y reprit à son compte les analyses de son ami Bainville en s’efforçant de traiter Bonaparte «de sang-froid». Rendant hommage à «l’épée fulgurante» qui avait porté l’art militaire français à l’«incandescence», il reprochait au souverain d’avoir miné l’Europe de l’ordre et de l’équilibre en y infusant le principe des nationalités, qu’il jugeait appelé à rendre les nations, «déesses d’un monde nouveau», insatiables. Simplifiant au cœur du continent le chaos germanique, Napoléon avait en outre ouvert la voie dangereuse de l’unité de l’Allemagne. Il pouvait bien avoir abaissé et démembré la Prusse: réveillant, par son humiliation même, le sentiment national allemand, il avait, avec la confédération du Rhin, offert pour l’avenir aux Hohenzollern un formidable champ d’expansion. Son œuvre intérieure avait, dans le même temps, avalisé la destruction révolutionnaire des corps intermédiaires au nom d’un égalitarisme qui laissait désormais l’individu-nain en tête à tête avec l’Etat-géant.

    Le réquisitoire comportait, cependant, cet étrange codicille, qui en dit long sur le regret d’avoir dû, par raison raisonnante, refuser de céder à l’enchantement: «Il y a l’homme, disait le maréchal Lyautey! On ne cite pas de créature plus émouvante. L’admiration ne tarit pas. Mémoire immense, génie de l’organisation, flamme de rêve, psychologie aiguë, puissance de travail, étendue et ressort de la volonté, le sujet est inépuisable, et l’épuiserait-on, il resterait le charme: le romantique charme d’une carrière unique par l’abrupte sauvagerie du point de départ, le vertige de l’apogée, l’éloignement du point de chute. (…) Le tout oblige à répéter:“Encore une fois, je le trouve grand!”»

    Le bicentenaire de la mort de Napoléon est commémoré en 2021 par l’organisation d’une splendide rétrospective de sa vie et de son œuvre à la Grande Halle de La Villette, en même temps que par une superbe exposition sur ses derniers instants au musée de l’Armée («Napoléon n’est plus»). Par le nombre des publications, colloques, conférences, expositions parisiennes et provinciales qu’a coordonnés à cette occasion la Fondation Napoléon, on mesure que, cinquante-deux ans après le lancement des festivités qui avaient célébré, en 1969, l’anniversaire de sa naissance, la ferveur n’est pas retombée en France.

     

    Victime de l’intersectionnalité des luttes, il doit désormais répondre d’accusations relatives au nouvel ordre moral qui fait chaque jour sentir son emprise de manière un peu plus étouffante. 

     

    Ce même bicentenaire est marqué pourtant, dans la presse et le monde politique, par la reprise du procès dont Napoléon est l’inusable prévenu, et qui semble ne jamais devoir se conclure. Les chefs d’accusation ont cependant changé de nature. Napoléon n’est plus menacé par le feu croisé des jacobins et des ultras, des libéraux, des contre-révolutionnaires et des républicains. On ne lui demande plus compte de l’équilibre européen non plus que du respect des libertés individuelles. Foin de ces vieilleries! Victime de l’intersectionnalité des luttes, il doit désormais répondre d’accusations relatives au nouvel ordre moral qui fait chaque jour sentir son emprise de manière un peu plus étouffante. Napoléon n’avait-il pas traité les femmes, dans le Code civil, en mineures? Ne s’était-il pas lui-même comporté parfois comme un soudard avec certaines d’entre elles? N’avait-il pas négligé d’abolir l’esclavage en Martinique, lorsqu’il avait recouvré en 1802 la souveraineté sur l’île, où il avait été maintenu par les Anglais depuis 1794? Pis encore, cédant aux incitations du Sénat conservateur, aux pressions des planteurs, ne l’avait-il pas rétabli en Guadeloupe au prétexte que son abolition avait ruiné l’île? N’y eut-il pas là chez lui une manifestation typique du «racisme systémique» de cet Occident que des populations du monde entier s’efforcent par tous les moyens de rejoindre alors même qu’on paraît ne jamais devoir clore la liste de ses crimes?

    Napoléon fut, pour le meilleur et pour le pire, un homme blanc ; il n’était pas vegan, il ne triait pas ses déchets. Il est trop tard pour lui en faire grief (nul ne propose encore que soient réexhumées ses cendres et qu’elles soient jetées, en signe d’exécration, à la fosse commune: cela viendra peut-être). Mais il reste loisible aux spécialistes du harcèlement démocratique de tenter de nous interdire de nous pencher sur son souvenir sans faire au préalable repentance. Nous en avons, depuis vingt ans, tellement pris l’habitude! Cela ne serait, après tout, qu’une fois de plus.

     

    Ce qu’ils lui reprochent, c’est en définitive d’avoir été « grand » 

     

    Notre réponse aura pourtant, ici, quelque chose de plus décisif. On pourrait certes tenter de faire valoir que Napoléon fut homme de son temps, qu’engagé dans le maelström politique il avait accepté de s’y compromettre, et de faire, ici ou là, des choix discutables, des erreurs de jugement, des fautes, mais qu’il s’était efforcé d’étreindre son époque avec une énergie sans pareille, et avait fait briller, dans le brouhaha d’une France à peine sortie de la commotion révolutionnaire, des éclairs de génie. Ce serait en quelque sorte plaider les circonstances atténuantes. Mais ces arguments seraient en réalité irrecevables pour ses adversaires, et il est temps peut-être d’adopter contre l’indigénisme, la cancel culture et leurs produits dérivés ce que Jacques Vergès appelait «la défense de rupture». Car les animateurs de cette campagne se moquent bien au fond de Napoléon, des femmes et de l’esclavage. S’ils entendent substituer, à Rouen, la statue de Gisèle Halimi à celle de l’Empereur parce qu’elle fut militante de la cause féministe et avocate du FLN, c’est bien parce que l’histoire de l’Empire les indiffère. Ce qu’ils veulent, c’est nous imposer les canons de leur nouvelle morale en décrétant ce qui a droit ou non à notre admiration. Ce qui les indispose, chez Napoléon, ce ne sont pas les faiblesses réelles ou supposées de son règne, c’est d’avoir illustré de manière éclatante ce «monde d’avant» dont ils entendent nous faire honte afin de désarmer en nous le désir de rester ce que nous sommes. Ce qu’ils lui reprochent, c’est en définitive cela même que lui reconnaissait Maurras, pourtant adversaire de sa cause: d’avoir été «grand», à l’image de l’histoire et de la civilisation dont il a été, un instant, le porte-parole et l’incarnation. La réponse que nous ferons à ses accusateurs dépassera dès lors le cadre d’une controverse savante: elle témoignera de notre volonté de poursuivre l’aventure, ou de notre résignation à sortir, confus, de l’histoire.

     

    Michel De Jaeghere est directeur du Figaro Hors-Série et du Figaro Histoire.

    Cet éditorial est extrait du nouveau Figaro Hors-Série.

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    «Napoléon. L’épopée - le mythe - le procès», 162 pages, 12,90 €, disponible en kiosque et sur le Figaro Store.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Éphéméride du 30 décembre

    1671 : aux origines de l'Institut...

     

     

     

    987 : Hugues Capet fait sacrer son fils Robert  

     

    Les six premiers Capétiens directs procéderont ainsi : après Hugues, Robert II le Pieux, Henri 1er, Philippe 1er, Louis VI et Louis VII feront sacrer leur fils de leur vivant.

    Philippe Auguste, septième roi de la dynastie sera le dernier sacré du vivant de son père, Louis VII : à sa mort, le trône était suffisamment solide pour qu'il se dispensât de cette précaution.

    Et, en effet, son fils Louis VIII lui succédera sans qu'aucune contestation ne s'élève. 

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    Il faut bien dire que c'était là, pour Hugues, l'une des seules façons d'affirmer son pouvoir et de préparer l'avenir. Que pouvait-il faire d'autre, lui qui ne régna que dix ans et dont la puissance réelle était dérisoire, que d'assurer le trône dans sa famille, en attendant que des jours meilleurs n'arrivent ?

    Jacques Bainville l'a d'ailleurs bien écrit : "Les premiers règnes furent sans éclat".

    Pourtant, malgré sa faiblesse, c'est une dynastie qui va régner huit siècles que Hugues vient de fonder. Et Bainville parle, par ailleurs, de la date de 987 comme de la plus importante, la plus heureuse de notre Histoire...

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    "Il s'appuiera essentiellement sur des évêques et quelques grands abbés, les seuls intellectuels qui puissent élaborer une théorie du pouvoir. Pour eux, malgré son insigne faiblesse, Hugues est l'héritier légitime d'une autorité supérieure, seule capable de maintenir l'ordre et la paix dans la société chrétienne. Abbon, l'abbé de Fleury (aujourd'hui Saint Benoît sur Loire) reprend des textes carolingiens pour définir les domaines où doit s'appliquer l'autorité royale : il offre ainsi une référence prestigieuse à ce roitelet, et exprime l'espoir que placent en lui les grands ecclésiastiques.

    La rédaction d'un ordo, c'est-à-dire un manuel de la cérémonie du sacre royal, est un autre trait inattendu de confiance dans la royauté, qui souligne aussi son caractère religieux... Hugues est inhumé à Saint-Denis, parmi les tombeaux des Carolingiens, mais aussi ceux de ses ancêtres, patrons du monastère. La nécropole des rois de France est ainsi désignée dès les débuts de la dynastie." (in Larousse des Rois de France, page 29).

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    Monogramme d'Hugues Capet, sur un diplôme du 20 juin 989.
     
    C'est à Senlis, le 1er juin 987, qu'avait eu lieu l'élection, mouvementée, d'Hugues Capet (voir l'Éphéméride du 1er juin)...
     
     
     

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    1370 : Élection de Grégoire XI
     

    Pierre Roger de Beaufort, 201ème pape jusqu'à sa mort, en 1378, fut à la fois :

    • le dernier pape français,..

    •  celui qui ramena la papauté à Rome, après presque soixante-dix ans ans passés en Avignon...

    • et celui après la mort de qui s'ouvrit le Grand schisme d’Occident, qui devait durer de 1378 à 1417...

    Il y eut sept papes en Avignon, chefs incontestés de l'ensemble de l'Église catholique, le premier étant Clément V, celui de "l'affaire des Templiers", maudit sur son bûcher par Jacques de Molay ("...Pape Clément, Roi Philippe, avant un an, je vous cite à comparaître au Tribunal de Dieu..."). Maurice Druon a amplement développé cette histoire dans ses Rois Maudits...

    Deux papes reviendront en Avignon, pendant le Grand schisme, qui dura presque quarante ans, mais  ils ne furent pas - bien au contraire... - les papes incontestés d'une Église unie...

    La fin du Grand schisme, en 1417, marqua aussi la fin définitive de toute présence papale - légitime ou non - en Avignon...

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    Départ de Grégoire XI pour Rome, Fresque de Benvenuto de Giovanni - 15ème siècle,
    Ospedale Santa-Maria della Scala - Sienne

     

    http://compilhistoire.pagesperso-orange.fr/GREGOIREXI.htm

     

    http://www.horizon-provence.com/papes-avignon/index.htm

     

     Et, dans notre Album L'Aventure France racontée par les cartes, voir la photo "La Papauté en Avignon..."

     

     

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    1671 : Création de l'Académie Royale d'Architecture
     

    Supprimée, comme toutes les Académies, à la Révolution, elle est réunie avec d'autres à la Restauration, en 1816, dans une Académie des beaux-Arts, et fait aujourd'hui partie de l'Institut de France, ce Parlement des Savants.

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    1812 : Mort d'Antoine-Louis Albitte
     
     
    Surnommé "le tigre de l'Ain", il fut l'un des plus féroces représentants en mission de la Convention. Sévissant particulièrement dans le quart sud-est de la France (à Lyon, Marseille, Toulon, à l'armée des Alpes...), c'est lui qui est évoqué dans le célèbre Ligue noire :
     
    "...J'en veux foutre cent par terre
    Et de sang tout inonder ! 
    Oui, je veux, dans la poussière, 
    Rouler Albitte et Crancé..."
    (Crancé était l'autre "représentant en mission", complice d'Albitte en terrorisme de masse et crimes contre l'humanité...)
     
    Lors de la séance de la Convention du 17 juillet 1793 - rapportée par le Moniteur, dans lequel était notée l'intégralité de débats de l'Assemblée - il brossa le tableau d'un Midi contre-révolutionnaire, le comparant à la Vendée, et se trouve ainsi directement à l'origine de l'expression Vendée du Midi, ou Vendée provençale...
     
    Après avoir tant terrorisé et massacré, il mourut lamentablement, de froid et d'épuisement, lors de la retraite de Russie, quelque part dans l'actuelle Lituanie...

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    Pour écouter La Ligue noire, en lire les paroles et en savoir plus sur les atrocités commises par ce sinistre individu, notamment à Lyon, voir notre Éphéméride du 8 août

     
     
     

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