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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • KATYN, l'insoutenable audace de la Mémoire... (1)

                Septembre 1939 . Brisée par l'écrasante supériorité militaire allemande, l'armée polonaise capitule. Soldats et réfugiés qui fuient l'avancée hitlérienne sont soudainement pris en tenaille par l'Armée rouge qui, sous couvert du pacte secret Molotov-Ribentropp, a envahi la Pologne sans déclaration de guerre.

                Commandement allemand et russe livrent alors tous les officiers polonais faits prisonniers au NKVD, la police politique soviétique, qui les déporte aussitôt dans les régions de Katyn, Kharkov et Kalinine où, au printemps 1940, Staline donne personnellement l'ordre d'exécuter 25.700 d'entre eux.

                Béria se charge de la besogne selon la bonne vieille méthode bolchévique : une balle dans la nuque de chaque condamné.... des bulldozers qui creusent des fosses, y poussent les cadavres et les recouvrent hâtivement de terre.

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    Éliminer les élites.            

                Dans le même temps, nazis et soviétiques procèdent, en totale collaboration, à l'arrestation massive des élites de la société polonaise. Quelque 1,6 million de civils, dont des membres des familles des officiers assassinés, des universitaires, des médecins, artistes et avocats sont ainsi déportés, entre 1939 et 1942, dans des camps d'extermination bolchéviques où la plupart mourront.

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    Un des charniers de Katyn.

                Après l'invasion de la Russie par les forces hitlériennes et leur fulgurante avance, en 1943, les nazis découvrent les charniers de Katyn. Leur propagande s'en empare en cachant leur propre collaboration à ce crime. Cette révélation tronquée portera pour longtemps, notamment après la guerre, et aujourd'hui encore chez certains intellectuels, un coup fatal à l'établissement de la vérité sur ce crime contre l'humanité. Dès la capitulation de l'Allemagne nazie, les soviétiques se défendront, en effet, en imputant les charniers aux vaincus. Ils tenteront même de faire inculper pour ce massacre certains accusés du procès de Nuremberg. Et, si la forfaiture est effectivement dénoncée par des juges américains -un commissaire soviétique est récusé et exclu du tribunal- on s'accorde pourtant, sous la pression britannique, à enfouir la vérité sous ce mensonge d'Etat dont le gouvernement communiste polonais installé par les soviétiques fait, avec le silence sur le crime de non intervention de l'Armée rouge lors du siège de Varsovie, l'acte fondateur de la Pologne nouvelle...

    Effacer une mémoire collective.

               L'histoire étant ainsi réécrite avec la complicité des Alliés, la chasse aux survivants, y compris ceux entre-temps convertis au communisme, et aux familles qui croyaient encore au retour possible d'un prisonnier ou qui recherchaient la vérité, fut ouverte par la police et l'administration. Le régime ne recula devant rien : entreprendre des démarches d'identification ou honorer les morts équivalait à être fiché comme suspect, entraînait des interrogatoires et pouvait même déboucher sur une arrestation ou un assassinat politique. Certains jeunes gens, archivés comme parents d'une victime du massacre, se virent refuser l'entrée à l'Université en tant qu'élément "socialement douteux".

                Dès 1945, une chape de plomb mémorielle s'étendit ainsi sur la Pologne, confortée par un art consommé du mensonge comme tout sysème communiste en a le secret. Ici s'arrête l'histoire, et là commence Katyn, le film magistral d'Andrzej Wajda. Car c'est bien d'un film qu'il s'agit avec cette oeuvre rédemptrice sans équivalent, et non d'une leçon d'histoire en images.

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    Tragédie au féminin.

                D'abord, il y a, sur un pont de métal enjambant le fleuve, ce plan époustouflant d'une foule qui fuit les Allemands et se heurte à une autre foule que pousse en sens inverse l'invasion russe. Séquence minutieusement mise en scène et dont le tumulte exprime en quelques secondes la réalité historique, psychologique et humaine du sujet. Puis, la caméra se pose sur un visage de femme qui tient par la main une enfant. Et c'est tout le ressort du drame qui emplit l'écran et ne le quittera plus. Car le dernier film de l'auteur de Kanal (1957) et de L'Homme de marbre(1977), dont le père fut éxécuté d'une balle dans la nuque près de Katyn, est construit comme une tragédie moderne dont la trame ne serait pas le récit d'un massacre, mais l'observation clinique du mensonge à travers le regard des femmes. C'est là toute la force de l'oeuvre. L'absence, celle des disparus, est le moteur de l'action et leurs épouses, mères, soeurs, filles sont les héroïnes vivantes par qui, plus tard, bien plus tard -et le film ne le montre pas- les meurtriers seront confondus. C'est là le trait de génie de Wajda: Katyn n'est pas un film de dénonciation, mais un cri d'amour et de foi. Grâce à ce chemin de la mémoire, semé de dangers, que parcourent obstinément ces femmes belles et dignes, chacune d'elles se révêle être, selon le mot du poète Pierre Emmanuel, "les pères de nos morts". Et c'est ce qui en fait des Antigone autant que des pieuses porteuses de flambeaux dans la nuit d'un oubli programmé.

    Un fim profondément chrétien.

                Le cinéaste a dédié ce film à toute sa famille, mais c'est en souvenir de la ferveur de sa propre mère vivant dans l'attente du retour d'un mari qui ne figurait, par erreur, sur aucune liste,  que la caméra de Wajda dessine l'absence de l'être aimé en touches de douleur pudique sur des visages de femmes. Le fil conducteur de sa narration, qui utilise largement le flash back et des couleurs automnales tendant au sépia, est fourni par le carnet journalier tenu par l'un des prisonniers. La vérité est ainsi précisément délivrée au spectateur sous la forme sans apprêt d'un procès-verbal, celui-là même que les bourreaux n'ont pas voulu écrire. Avant d'être de sang, la trace est ainsi d'encre. D'une encre passée gravée sur un papier jauni où se tiennent les détails d'un crime inavouable. Certaines images contiennent une inévitable violence, mais sans la moindre complaisance ni, surtout, la moindre désespérance dans l'homme. Le mal est à sa place, l'Espérance aussi : l'oeuvre de Wajda est imprégnée de cette Foi qui, durant les années les plus noires de son histoire, a sous-tendu la résisitance d'une Pologne catholique. Le dernier plan a la puissance d'un Goya transfiguré par la prière : on ne peut enterrer l'histoire quand la croix a le dernier mot.

               

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                                                                Mémorial de Baltimore, oeuvre du sculpteur Andrzej Pitynski

    (1) : article de Benoît Gousseau, Politique Magazine n° 72 (pages 42/43). Film d'Andrzej Wajda, avec  Maja Ostasweska, Artur Zmijevski, Danuta Stenka, Magdalena Cielecka. Sorti le 1° avril.

     

  • Républicain, comme ils disent… Du FN au PS, une querelle politique absurde, selon Frédéric Rouvillois

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    Hier, mardi 10 février, paraissait à la Une de Causeur, et sous ce titre même, l'article de Frédéric Rouvillois que l'on va lire. Brillante et spirituelle analyse qui, à propos de l'adjectif républicain conclut par cette formule lapidaire et radicale que nous faisons nôtre :« Une bulle de savon. Rien de plus. » Lafautearousseau

    Transformé en chef d’Etat « jupitérien » par la grâce de l’événement, notre ex-« Président normal », comme les Sages, les Pythies et  les Prophètes, s’exprime désormais par énigmes. Après avoir consacré sa conférence de presse du 5 février dernier à célébrer le mystérieux « esprit du 11 janvier », il a ainsi répondu à une question sur la législative partielle du Doubs par une formule à peine moins obscure : « Il y a des partis qui sont dans la République, ceux qui concourent aux suffrages sont dans la République, ont des élus dans la République, ont le droit, donc, d’avoir des candidats, et donc des élus. (…).  Mais est-ce à dire que tous les partis sont pleinement dans les valeurs de la République ? Non. Adhérent aux valeurs de la République ? Non. Au moins, à toutes les valeurs ? Sûrement pas.» Aussitôt, l’aphorisme est contesté par Florian Philippot, invité sur une radio périphérique à commenter la conférence de presse : en l’occurrence, réplique le vice-président du Front national, ceux qui se targuent d’être républicains sont justement ceux qui ont renoncé à l’être en acceptant de noyer la France dans l’Union européenne et qui, par là même, ont renié le principe républicain par excellence, la souveraineté nationale.

    Étant donné la fréquence avec laquelle on utilise le mot « républicain » et les graves conséquences que l’on en tire, le débat n’est pas sans intérêt. Mais lequel des deux a raison ? Hollande et les ennemis du Front national, qui lui reprochent de ne pas l’être même s’il profite de la République, et qui n’hésitent pas à appeler au front « républicain » pour lui faire barrage ? Ou Philippot et les siens, qui accusent ces républicains autoproclamés d’avoir délaissé, au profit d’une mondialisation oligarchique, ce qui ferait l’essence et le cœur même de la république?

    Dans l’absolu, ni les uns, ni les autres – dans la mesure où la notion de « république » s’avère aussi floue, aussi incertaine et finalement à peu près aussi inconsistante que celle de « démocratie ». Du reste, la petite querelle du 5 février n’est pas sans rappeler les interminables controverses du temps de la guerre froide, où les Etats socialistes (qui se qualifiaient de démocraties populaires) et les régimes libéraux (dits démocraties pluralistes) s’accusaient les uns les autres d’usurper le titre de démocratie, et prétendaient en être les seuls titulaires légitimes. Et encore le mot démocratie fournit-il quelques pistes pour savoir ce qu’il faut entendre par là, et qui peut s’en prévaloir : la démocratie, nous rappelle l’étymologie, est un système dans lequel le pouvoir appartient au peuple, démos. Pour le mot « républicain », les choses paraissent beaucoup plus aventureuses : personne ne peut dire ce que c’est, pas même l’imposant Dictionnaire critique de la république paru il y a quelques années, qui renonçait purement et simplement à définir son propre objet. 

    Pourrait-on, au moins, commencer par dire que la république est le contraire de la monarchie héréditaire? Même pas : en 1576, Jean Bodin intitule ce qui deviendra le plus célèbre traité de philosophie politique d’Ancien régime Les Six livres de la République, utilisant ce terme comme synonyme d’État, res publica, quel que soit le régime politique de ce dernier. Il n’y a pas d’incompatibilité : sur les pièces de monnaie que Napoléon Ier fait frapper à son effigie, on lit ainsi, côté face, Napoléon Empereur, et côté pile, République française. C’est aussi l’époque où un théoricien révolutionnaire rallié à Bonaparte, Roederer, invente la notion de « monarchie républicaine », et démontre dans un essai que l’hérédité n’entraîne pas une augmentation du pouvoir du « Chef de la République ».

    Mais alors, si la république, ce n’est même pas cela ? Eh oui : cela peut être tout et n’importe quoi, les États-Unis et l’URSS, la Chine populaire et la république de Saint Marin, la DDR et la république de Salo, Sade et Savonarole, la démocratie et l’aristocratie. La république, explique sobrement le Dictionnaire de l’Académie française en 1831, c’est, tout bonnement, « un État gouverné par plusieurs ».

    Dans ces conditions, on devine qu’il est assez délicat de savoir qui est « républicain », qui ne l’est pas, ce que pourraient bien être les « valeurs républicaines » et qui pourrait être en mesure d’en juger. Naguère, un éminent professeur de droit s’était interrogé sur la signification de l’article 89 alinéa 5 de la constitution, selon lequel ne saurait faire l’objet d’une révision «  la forme républicaine du gouvernement » ; au bout du compte, il fut bien obligé de constater le caractère insaisissable de la notion : cette « forme républicaine » inclut-elle le caractère national de la souveraineté (auquel cas le transfert de celle-ci à l’Union européenne serait impossible) ? L’organisation parlementaire du régime ? Le scrutin majoritaire à deux tours ? L’existence d’un Sénat et d’une juridiction constitutionnelle ? Le système de sécurité sociale et la retraite par répartition ? C’est comme on veut. Open bar. 

    Au passage, on note que certains de ces éléments se rencontrent également dans des systèmes politiques non-républicains, où personne n’aurait l’idée de les nommer ainsi. On qualifie de « républicain » ce qui, en France, est pratiqué en République, mais qui pourrait être qualifié autrement dans une monarchie : c’est ainsi que notre célèbre « méritocratie républicaine » est appelée « méritocratie royale » au Maroc – bien qu’elle n’ait en soi aucun lien nécessaire avec la république, pas plus d’ailleurs qu’avec la monarchie. 

    En fait, le terme républicain, dont on veut faire un indépassable critère du bien politique et moral, s’avère entièrement relatif, aussi bien dans l’espace que dans le temps.

    C’est ce que laissait deviner l’autre soir, à la télévision, une sortie du journaliste Christophe Barbier, l’homme qui parle toujours dans le sens du vent. Celui-ci déclarait en effet que, de nos jours, font partie intégrante des valeurs républicaines le refus de la peine de mort, le droit du sol comme mode d’acquisition de la nationalité et l’adhésion à une évolution fédérale de l’Europe. À ces mots, Florian Philippot, présent sur le plateau, manqua de s’étrangler avec la fameuse écharpe rouge de Christophe Barbier : de fait, il aurait pu rétorquer que le droit du sol fut institué en France sous François Ier, et que c’est sous la république, avec le Code civil de 1804, que fut établi le droit du sang, lequel ne sera pas remis en cause par la IIe République. Le droit du sol comme critère de républicanisme ? Dans ce cas, l’une des plus vieilles républiques du monde, la Suisse, ne serait pas républicaine, pas plus d’ailleurs que l’Italie ou l’Autriche.

    En bref, ce qui est républicain ici ne l’est point là-bas, ce qui l’était hier ne l’est plus aujourd’hui : plaisantes valeurs qu’une rivière borne!

    Autre exemple : si une approche fédéraliste de l’Europe est aujourd’hui un marqueur républicain, on peut supposer que tel n’était pas le cas en 2005 : ou alors, il faudrait en déduire que 56% des électeurs, ayant rejeté le projet de constitution européenne, n’étaient pas républicains à ce moment là. C’est du reste cette relativité qui permet à Alain Juppé d’excommunier sans états d’âme le Front national comme non-républicain au motif qu’il défend actuellement les thèses que lui-même développait autrefois, dans les années 1970-1980, lorsqu’il était l’étoile montante du Rassemblement pour la République. La question étant de savoir si le républicain d’aujourd’hui le sera toujours après-demain.

    Au total, l’adjectif républicain n’est donc pas grand-chose d’autre qu’un label. Une étiquette que l’on s’attribue, sans contrôle, pour démontrer que l’on est dans le camp du bien. Et que l’on refuse à ses ennemis afin de donner au combat que l’on mène, ou à leur exclusion, un vernis politique et une teinture morale. Une bulle de savon. Rien de plus.  

    L'auteur       

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    Frédéric Rouvillois est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

    * Image (du haut) : wikicommons.

  • Jean Sévillia : « La colonisation et le non-sens historique d'Emmanuel Macron »

     

    Par Alexis Feertchak

    Alors qu'Emmanuel Macron a qualifié la colonisation de crime contre l'humanité, Jean Sévillia explique [Figarovox, 16.02] pourquoi une telle déclaration est un non-sens historique. En tant qu'historien, il estime que l'on ne peut pas jeter ainsi « l'opprobre sur les Européens d'Algérie, les harkis, et leurs descendants ». Nous n'ajouterons rien à cette pertinente analyse, si ce n'est que les déclarations d'Emmanuel Macron le disqualifient pour parler au nom de la France et diriger le pays.  LFAR

     

    XVM374ace7c-f3ac-11e6-a80c-3dc5aaa52285-120x168.jpgLors de son déplacement en Algérie, Emmanuel Macron a accordé un entretien à la chaîne Echorouk News où il qualifie la colonisation d'« acte de barbarie » et de « crime contre l'humanité ». Ces qualifications morale et juridique ont-elles un sens historiquement ?

    Sur le plan juridique, la première définition du crime contre l'humanité a été donnée en 1945 par l'article 6 de la Charte de Londres qui instituait le Tribunal militaire international, instance qui allait juger les chefs nazis à Nuremberg. Étaient visés « l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile ». D'autres textes affineront la définition, comme le statut de Rome créant la Cour pénale internationale, en 1998, sans en changer l'esprit. Or la colonisation est le fait de peupler un pays de colons, de le transformer en colonie, voire, nous dit le dictionnaire le Robert, de procéder à son « exploitation» afin de le «mettre en valeur ».

    Historiquement parlant, à l'évidence, la colonisation suppose un rapport de domination du colonisateur envers le colonisé, variable en intensité et en durée selon les lieux où elle s'est déroulée, mais elle n'a pas pour but d'exterminer les colonisés, ce qui, sans parler de l'aspect moral, n'aurait même pas été de l'intérêt matériel du colonisateur. Parfois, dans les périodes d'installation du colonisateur, et cela a été le cas, en Algérie, la colonisation est passée par une guerre de conquête, avec son lot de violences inhérentes à toute guerre. Les travaux d'historiens comme Jacques Frémeaux ou le regretté Daniel Lefeuvre nous ont cependant appris à contextualiser les méthodes d'alors de l'armée française, une armée qui sortait des guerres révolutionnaires et napoléoniennes, et ont montré qu'Abd el-Kader n'était pas non plus un enfant de chœur quand il combattait les Français. Mais cent trente années de présence française en Algérie ne se résument ni à la guerre de conquête des années 1840 ni à la guerre d'indépendance des années 1950. Il y a un immense entre-deux qui a duré un siècle, avec ses échecs, ses pages grises, mais aussi ses réussites, ses motifs de fierté.

    Qualifier la colonisation d'acte de barbarie ou de crime contre l'humanité est un non-sens historique, un jugement sommaire, manichéen, qui passe sous silence la part positive de l'Algérie française, celle qui a conduit des Algériens musulmans à croire à la France et à s'engager pour elle. L'histoire a pour but de faire la vérité et non de jeter de l'huile sur le feu, mais, s'agissant de « barbarie », on pourrait rappeler que, dans les événements tragiques de la fin de l'Algérie française, des Européens d'Algérie ou des musulmans fidèles à la France ont été victimes d'actes aujourd'hui constitutifs du crime contre l'humanité. Si on veut vraiment faire de l'histoire, il faut tout mettre à plat.

    Dans cet entretien, Emmanuel Macron est revenu sur ses propos parus dans Le Point en novembre 2016 qui ont été « sortis de leur contexte », notamment quand il évoquait les « éléments de civilisation » apportés par la colonisation française. Comment comprenez-vous cette expression d'« éléments de civilisation » ?

    Je suppose qu'Emmanuel Macron faisait alors allusion, par exemple, à l'œuvre d'enseignement menée par la France en Algérie, certes avec retard, un retard dû à l'impéritie de la IIIe puis de la IVe République. En 1960, 38% des garçons musulmans et 23% des filles fréquentaient l'école, pourcentage qui était supérieur à Alger où 75% des garçons musulmans et 50% des filles étaient scolarisés, Européens et Arabes étant mêlés sur les bancs des écoles au moment où, dans maints États américains, la ségrégation sévissait encore entre Blancs et Noirs. Peut-être l'ancien ministre faisait-il encore allusion à la médecine coloniale. L'École de médecine d'Alger a été fondée moins de trente ans après la conquête. En 1860, le taux de mortalité infantile pouvait atteindre les 30 % dans la population algérienne. En 1954, il sera descendu à 13 %, pourcentage certes trop élevé, mais qui témoignait quand même d'un progrès. C'est à Constantine, en 1860, qu'Alphonse Laveran a identifié l'agent du paludisme, ce qui lui vaudra le prix Nobel de médecine en 1907. À l'école ou à l'hôpital, où était le crime contre l'humanité dans l'Algérie française ?

    Ajoutant que l'on ne construit rien sur « la culture de la culpabilisation », l'ancien ministre de l'Économie précise aujourd'hui: « La France a installé les droits de l'Homme en Algérie, mais elle a oublié de les lire ». Ne peut-il pas ainsi réconcilier l'opposition entre les partisans de l'excuse et les critiques de la repentance ?

    Il est certain que défendre un minimum l'œuvre française en Algérie tout en flattant un maximum les contempteurs de la colonisation française est un exercice qui demande de la souplesse. Mais je laisse les commentateurs de l'actualité analyser les balancements contraires d'Emmanuel Macron, spécialiste du rien-disant destiné à contenter tout le monde afin d'attirer un maximum de voix. Je rappellerai seulement que l'histoire électorale française, depuis un siècle et demi, a vu régulièrement surgir du paysage politique des personnages de ce type et jouer les hommes providentiels dont de braves citoyens attendaient tout. La société du spectacle y ajoute une dimension où il faut avoir la gueule de l'emploi : être jeune et beau. Ce sont des phénomènes sans enracinement dans la société, et par-là éphémères.

    Comment expliquez-vous que la « colonisation » suscite encore aujourd'hui un tel débat dans l'opinion publique ? Est-ce le signe de la crise identitaire que traverse le pays ?

    L'opinion me paraît plutôt indifférente à la question : déjà, dans les années 1950-1960, elle était de plus en plus hostile à l'Algérie française qui exigeait des sacrifices que plus personne n'avait envie de supporter. Mais en France, l'esprit de repentance permet à certains réseaux d'attiser la détestation de notre passé, phénomène de haine de soi qui conduit à dissocier la nation. Et en Algérie, la dénonciation de la colonisation française cela fait partie des fondamentaux du pouvoir actuel qui s'est construit sur toute une mythologie autour de la guerre d'indépendance. Le drame nous revient en ricochet par les jeunes Français d'origine maghrébine qui ont été élevés avec l'idée que la France aurait commis des crimes à l'égard de leurs aïeux. Comment pourraient-ils aimer la France dans ces conditions, comment pourraient-ils se reconnaître dans notre passé ? C'est un chemin difficile mais il n'y en a pas d'autre: il faut faire toute la vérité sur la relation franco-algérienne à travers la durée et à travers la multiplicité de ses facettes. On pourra regarder en face l'histoire de la présence française en Algérie dans sa totalité le jour où l'opprobre ne sera plus jeté par principe sur les Européens d'Algérie et les harkis, et leurs descendants. 

    « On pourra regarder en face l'histoire de la présence française en Algérie le jour où l'opprobre ne sera plus jeté sur les Européens d'Algérie et les harkis, et leurs descendants. » 

     

    Journaliste, écrivain et historien, Jean Sévillia est rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine. Il vient de publier Écrits historiques de combat, un recueil de trois essais (Historiquement correct ; Moralement correct ; Le terrorisme intellectuel) qui vient de paraître aux éditions Perrin.

    Alexis Feertchak

     

  • Djihadistes, Zemmour : La langue de bois est devenue une œuvre d’art contemporaine

    Laurent Cantamessi, dans Causeur, donne l'intéressante et très actuelle réflexion qu'on lira ici. On en discutera tel ou tel point. Elle a le mérite à nos yeux de montrer comment la barbarie nihiliste des fous de Dieu répond à la vacuité, au propre nihilisme, d’une société qui renonce à son histoire, qui renonce à exister et qui renonce même à nommer ses agresseurs, de peur qu’ils la frappent plus durement. Dialectique mortifère que cet article met en lumière et dont il incombe à la France de sortir. Lafautearousseau.  •    

    Ce n’est pas possible. C’est inconcevable. On nous avait pourtant promis la fin de l’histoire, la fin des guerres, la fin des frontières, la fin des religions, la fin des fanatismes, la fin des fins, la vraie der des ders, et voilà que ça repart. Nous étions pourtant bien tranquilles entre Européens, dans le petit vase clos de notre espace Schengen, convaincus d’avoir pour de bon réussi à abolir le passé, le présent et l’avenir, pour rêver d’un futur sans lendemain, un présent perpétuellement remis à jour : le jour sans fin, le vrai.

    Et voilà que, pour commencer, l’ours russe sort les griffes, furieux qu’on lui piétine les pattes tandis que le sommeil de l’Europe au bois dormant est troublé par des fous furieux, dont il est impossible d’évaluer le nombre et qu’aucun plan vigipirate ne peut arrêter, répondant à l’appel de Daech et se mettant en tête de faire exploser la France en fonçant sur des piétons dans un marché de Noël ou en attaquant un commissariat. Tandis que l’on était occupé dans les journaux à débattre du cas Zemmour ou de la place des crèches de Noël dans les mairies, la réalité s’est rappelée à notre mauvais souvenir. Le réveil est forcément un peu difficile. Madame le Procureur de la République à Dijon a avancé que le forcené qui a blessé treize personnes dans sa ville n’était qu’un simple déséquilibré dont les actes ne relevaient pas de l’entreprise terroriste. Comme si tous les types qui décapitent, roulent sur des piétons ou abattent des fillettes dans les cours d’école au nom de l’Islam n’étaient pas des déséquilibrés. Mais le procureur de Dijon avance que le fou furieux a simplement crié “Allahou Akbar” pour se donner du coeur à l’ouvrage. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a d’ailleurs confirmé ces propos. Il est donc établi qu’un type qui fonce à cinq reprises dans la foule en hurlant “Allahou Akbar” ne commet pas d’attentat. Il a simplement un coup de chaud, ce n’est pas un acte terroriste. Ceci n’est pas une pipe, écrivait Magritte en peignant une pipe. La langue de bois est devenue une véritable œuvre d’art contemporaine, à force d’absurdité. Les McCarthy et Jeff Koons peuvent aller se rhabiller, leurs provocations font pâle figure à côté des perles langagières qui dérivent dans l’immensité du vide politique.

    Mais en dépit de ces exorcismes médiatiques, le ready-made assassin a fait des émules. Deux heures après Dijon, c’est Nantes qui était la cible d’un autre “déséquilibré”, choisissant lui de foncer à travers un marché de Noël et faisant onze blessés. Vingt ou trente minutes après l’attentat, les médias ont attendu avec angoisse que l’on confirme ou non la nouvelle : le conducteur avait-il crié lui aussi “Allahou Akhbar”? Il s’agissait de pouvoir labelliser avec certitude ce deuxième acte de violence, comme si la cible choisie pour l’attaque n’était pas assez symbolique. Dans la foulée, le président annonçait la tenue d’une réunion ministérielle d’urgence, dont il ressortira sans doute qu’il convient désormais d’interdire les marchés de Noël ou d’apposer sur les tableaux de bord des voitures des autocollants invitant à la modération religieuse avant de prendre le volant.

    Ceux qui prétendent en Irak ou en Syrie servir l’Islam traditionaliste sont des déséquilibrés au même titre que ceux qui se jettent en voiture dans la foule ou ceux qui décident d’aller “faire le djihad” dans leur califat de déséquilibrés. Etait-il vraiment utile de préciser que ces fous de Dieu sont des fous furieux ? Ces fous-là d’ailleurs ne servent ni Dieu ni aucune sorte de tradition. Le fondamentalisme de Daesh et de ses multiples excroissances fanatisées n’est qu’un nihilisme parmi d’autres. L’islamisme renouvelé de 2014 ne propose qu’une table rase sommaire et ultra-radicale : plus de culture, plus de religion, plus d’histoire, seulement une sorte de mystique dévoyée mêlant la sacralisation de la violence à une caricature de théocratie qui séduit tous les laissés pour compte et les ratés, tous les perdants radicaux, comme l’écrivait Enzensberger, choisissant de se reconvertir en soldats de Dieu après avoir cessé de révérer le dieu Argent, lassés de ne pas devenir les petits arrivistes qu’ils rêvaient d’être.

    Ceci devrait poser question à l’Islam dans lequel cette « nouvelle radicalité » prétend trouver ses racines et sa justification morale. Cela devrait aussi poser question à l’imam de Lunel, ce prétendu religieux qui cautionne la barbarie nihiliste au nom des « enfants de la Palestine », comme le chauffard en croisade de Dijon prétendait agir « par empathie avec les enfants de Tchétchénie ».  Cela devrait enfin interroger les sociétés qui produisent ou accueillent ce genre de fanatiques sans oser les nommer clairement, une société qui fait tellement profession de se détester qu’elle est une cible parfaite pour cet Islam-là qui se rêve à nouveau guerrier et conquérant, une société qui oppose sa propre vacuité au vide de « cette religion sans culture », de cette « Sainte Ignorance ».

    La ridicule affaire des crèches de Noël a montré à quel point une minorité agissante raisonne encore en France, comme si nous étions encore au XIXe siècle ou coincés pour l’éternité dans un mauvais Don Camillo : ces « libres penseurs » prisonniers de leurs dogmes qui ne supportent rien de leur propre culture, ces antifas qui chassent les spectres d’une histoire qu’ils ne connaissent pas pour mieux ignorer les excès d’un monde qu’ils ne veulent pas voir. Le nihilisme de Daech, des jeunes djihadistes ou des déséquilibrés qui attaquent les commissariats ou foncent sur les marchés en hurlant « Allahou Akhbar » répond au nihilisme d’une société qui renonce à son histoire, qui renonce à exister et qui renonce même à nommer ses agresseurs, de peur qu’ils la frappent plus durement. Il fut un temps où Sartre compagnon de route enjoignait de prêcher le mensonge pour ne pas désespérer Billancourt. Aujourd’hui, alors que la gauche se fiche bien de Billancourt, il faut intervenir en Irak mais pas à Kobané la syrienne pour éviter de tuer un jeune djihadiste français. De même qu’après trois actes de terreur, certes perpétrés par des individus isolés mais revendiqués au même cri d’« Allahou Akhbar », il faut parler de déséquilibrés pour ne pas désespérer les banlieues.

    Les pouvoirs publics semblent tétanisés à l’idée d’appeler l’islamisme ou le terrorisme par leur nom au lieu de continuer à parler d’actes isolés, sans liens les uns avec les autres. Bien sûr qu’il s’agit d’actes isolés mais il existe un lien tellement évident entre ces trois attaques, qui ont eu lieu pour certaines à quelques heures d’intervalle, qu’il paraît presque surréaliste de le nier. Confrontés à cette menace, nous sommes désarmés par des années d’autoflagellation et de terrorisme intellectuel et nos dirigeants sont paralysés par la crainte de ne pouvoir préserver la paix sociale ou de « stigmatiser », péché mortel. Nous n’avons pas besoin de Daech ou de ses émules pour nous faire peur : quand il s’agit de nommer nos maux, nous sommes terrorisés par nos propres mots.  •

    Causeur

  • VERDUN, UN « MOMENT FESTIF »

     

    Par François Marcilhac

     

    500021990.jpgAlors que la décence semblait l’avoir emporté, voici que M. Ça-Va-Mieux a décidé, ce mardi 17 mai, sur Europe 1, de relancer la polémique. Oui, si le maire de Verdun le décide, l’Etat aidera en termes de sécurité comme financièrement, à la tenue du concert de Black M le 29 mai à la fin des commémorations du centenaire, car il est important, aux yeux de Hollande, d’assurer à la jeunesse ce « moment festif  » (sic) ! 

    « Que fête-t-on à Verdun, Monsieur le Président ? Ses 306.000 tués ? Ses 406.000 blessés ? Que fête-t-on, Monsieur le Président ? Ses 700.000 vies brisées ?  », avait pourtant demandé non sans raison, dans Le Figaro du 12 mai, Erwan Le Morhedec, qui tient le blog Koztoujours. « Je les invite à venir me voir, qu’ils aiment ou pas ma musique, on va s’amuser », avait déclaré quelques jours plus tôt le rappeur à L’Est Républicain, à propos de ce « rendez-vous populaire et tourné vers la jeunesse », voulu par l’Elysée. « On va s’amuser »... D’ailleurs, comment n’aurait-il pas le soutien présidentiel, puisque ce descendant de tirailleur sénégalais ayant combattu lors de la Deuxième guerre mondiale est, de fait, un rappeur raciste... antifrançais ? Ou comment l’instrumentalisation, pour le coup nauséabonde, de la mémoire d’un combattant africain vise à renforcer ce racialisme d’Etat qu’instaure le Gouvernement avec une rare détermination depuis quelques mois, à coup de campagnes « antiracistes » ou « antidiscriminatoires », en vue d’opposer les Français de souche ou les immigrés assimilés à un électorat de substitution, sur lequel compte Hollande pour se faire réélire. Ce n’est pas pour rien que Valls avait parlé d’apartheid à la suite des attentats islamistes de janvier 2015. Le message était lancé.

    Certes, que ce soit une gauche dépourvue de tout sentiment national qui ait l’honneur d’assurer les commémorations de la guerre 14-18 ...du moins jusqu’en 2017, est une malchance pour le pays. Et on s’attend, pour le centenaire de Verdun, à une commémoration bien révisionniste. Mais qu’elle ait songé et songe toujours à transformer un moment de gravité sacrée en performance festive, comme pour donner raison, par-delà sa mort, à Philippe Muray, sur le nihilisme d’élites destructurées ayant remplacé dans leur esprit le citoyen par l’homo festivus, de plus ethniquement « divers » — la seule chose importante pour sa lecture racialiste de la société —, montre le fossé abyssal qui sépare désormais le pays légal du pays réel. Philippe Muray revu et corrigé par Renaud Camus : où quand la réalité dépasse la fiction.

    La fachôsphère — entendez les patriotes —, aurait gagné — provisoirement ? —, grâce aux réseaux sociaux, cette nouvelle bataille de Verdun. Rama Yade est allée jusqu’à désigner l’Action française, prouvant son inculture nationale en nous accusant de nous opposer à l’union nationale alors que l’Action française n’a pas manqué un seul jour, durant quatre ans, à l’Union sacrée. C’est Sébastien Lacroix, dans son éditorial du 15 mai de L’Union-L’Ardennais, qui trouve les mots les plus justes : « Que les beaux esprits de la gauche ou d’ailleurs, sans aucune pudeur, mettent sur le compte de la xénophobie du peuple ce qui relève basiquement du respect des morts et de la dignité, est une perversion de la pensée qui laisse pantois. » « Les beaux esprits de la gauche ou d’ailleurs  » : la droite parlementaire a en effet délégué Benoist Apparu pour regretter publiquement cette annulation, que nous espérons définitive, et dénoncé, elle aussi, cette capitulation devant l’ « extrême droite », ce qui en dit long sur ce qu’il reste de patriotisme en son sein et surtout sur son aliénation à l’hégémonie morale de la gauche.

    Oui, plus que la guerre intestine du parti socialiste ou les querelles d’ego à droite pour rafler la mise aux primaires, cette faute morale commise par le pays légal est le signe d’une crise majeure d’élites ayant perdu tout lien avec l’histoire de leur pays, toute compréhension de la symbolique nationale, tout respect dû aux « morts pour la France », et ce quelles que soient leurs origines mais sans instrumentalisation antiraciste, tout contact, enfin, avec un peuple français déjà mort, à leurs yeux. Pour eux, il n’existe plus que l’Europe, espace ouvert à une mondialisation inscrite dans le sens de l’histoire et qui sera heureuse — le mondialisme est un nouveau millénarisme — quand l’individu aura enfin été réduit au consumérisme, que les raz-de-marée migratoires auront imposé le multiculturalisme et qu’un cosmopolitisme fantasmé nous fera vivre au sein d’un patchwork de communautés rendues d’autant plus agressives les unes envers les autres que chacune aura le sentiment, d’ailleurs exact, d’être menacée par les autres. Quand la figure du « migrant festif », esclave du XXIe siècle soumis à la loi de fer de la finance mondialisée, aura remplacé celle du citoyen.

    Aujourd’hui, « commémorer Verdun », c’est en évacuer la dimension tragique. S’il faut clore les commémorations par un concert rap, où « on va s’amuser  », c’est qu’il faut empêcher les jeunes Français de connaître et comprendre le sacrifice de leurs aînés morts non pas pour des idées creuses, mais pour leur pays, comme désormais, à l’école, au collège, au lycée, on empêche ces mêmes jeunes d’apprendre leur histoire, la richesse de leur culture, la profondeur de leur langue, l’antiquité de leur héritage. Loin de nous le désir d’opposer au pacifisme bêlant, fauteur de guerre, un bellicisme cocardier que l’Action française a toujours eu en horreur. Son nationalisme est tourné vers la vie, celle de la jeunesse française avant tout, que la république en moins de vingt-cinq ans a envoyée deux fois à l’abattoir. Mais quelle cécité criminelle que ce négationnisme festif, qui vise à effacer la mémoire du combattant mort pour une réalité charnelle, sa patrie, au moment où la dimension tragique de l’histoire nous revient en pleine figure, où l’individu consumériste et jouisseur, dépourvu d’âme et bientôt d’esprit critique, auquel on veut mensongèrement réduire le citoyen, est brutalement ramené au principe d’une réalité sanglante, où bientôt, peut-être, il ne suffira plus de s’asseoir à la terrasse d’un café pour avoir le sentiment de « résister » — les niais ! —, tout en recouvrant la haine, avant tout de soi, des oripeaux de la charité et de l’altruisme pour mieux anéantir ce que nos pères ont mis tant de générations à construire, au prix de leur sueur et de leur sang.

    Une gauche et une droite également mondialistes, c’est-à-dire apatrides, se partagent aujourd’hui le pouvoir. Elles sont d’accord sur l’essentiel. Leur opposition ne porte que sur les moyens en fonction de ce qu’elles croient être encore leurs clientèles électorales. Sur la fin, la disparition de la France dans une Europe mondialisée soumise à l’ordre américain, elles sont foncièrement d’accord. Si j’ai répondu présent à l’invitation de Robert Ménard, pour les rendez-vous de Béziers, c’est aussi parce qu’il est aujourd’hui devenu impossible, si on appartient à l’autre camp, c’est-à-dire au camp national, de cultiver esthétiquement ses différences, de faire dans la surenchère égotiste, de chercher dans l’autre ce qui distingue et non ce qui rassemble. Tous ceux qui, aujourd’hui, chez les patriotes, cultivent la division porteront une lourde responsabilité non pas tant devant l’Histoire, qui n’a jamais jugé personne, que devant leurs concitoyens et, demain, leurs enfants et les enfants de leurs enfants, ce qui est bien autre chose. 

    L’ACTION FRANÇAISE 2000

  • Jean Sévillia, un dissident de la première heure contre le terrorisme intellectuel

     

    Par Mathieu Bock-Côté
     
    Mathieu Bock-Côté - que nous avons souvent cité ici pour la grande clarté de ses justes analyses - a lu Les écrits historiques de combat de Jean Sévillia. Ce dernier a été, selon lui, l'un des premiers à analyser avec lucidité et courage les contours du politiquement correct quand celui-ci était encore triomphant. Ainsi souligne-t-il fort opportunément combien Jean Sévillia a fait oeuvre utile tant au sein du grand groupe de presse auquel il collabore depuis de longues années que par son œuvre personnelle [Figarovox 27.09]. Nul n'ignore la proximité de Jean Sévillia avec notre école de pensée active et l'on se souviendra qu'il a été, avec Marcel Jullian, Gérard Leclerc, Jacques Tréomlet de Villers et Jean-Marc Varaut, l'un de ceux qui ont accueilli et salué le prince Jean de France lorsqu'il vint aux Baux de Provence en juin 2002, rencontrer les royalistes qui s'y rassemblaient chaque année depuis trente ans.    Lafautearousseau
     
     

    3222752275.jpgNombreux sont ceux qui dénoncent le politiquement correct, mais rares sont ceux qui prennent vraiment la peine d'étudier sa logique et son fonctionnement. Dans de nombreux livres parus au fil des quinze dernières années, Jean Sévillia s'est imposé cet exercice, pour voir de quelle manière le politiquement correct manipule les esprits et étouffe la liberté de pensée, de réfléchir et de débattre, dans des sociétés qui prétendent pourtant avoir renversé tous les tabous. Aujourd'hui, sous le titre Écrits historiques de combat (éd. Perrin, 2016), il rassemble trois d'entre eux, Historiquement correct, Moralement correct et Le terrorisme intellectuel. Il fait précéder le tout d'une vigoureuse préface inédite où il revient sur l'état de la vie intellectuelle en France, aujourd'hui, et sur les manifestations de dissidence contre le conformisme progressiste, à un moment, où le pays est victime d'une offensive islamiste qui ramène le tragique au cœur de la cité.

    Cette réédition est heureuse: ces trois ouvrages, parus respectivement en 2003, en 2007 et en 2000, n'ont pas vieilli. Ou plutôt, l'analyse qu'ils nous proposent est confirmée. J'ajouterai qu'ils ont été écrits avant la percée médiatique du nouveau conservatisme français, qui a traumatisé une gauche habituée à définir seule les paramètres de la respectabilité idéologique. Même s'ils demeurent aujourd'hui très minoritaires dans un paysage médiatique où l'hégémonie progressiste est indéniable, les dissidents conservateurs sont néanmoins plusieurs et ont le bonheur, comme on dit, de chasser en meute. Il n'en a pas toujours été ainsi. Quand Jean Sévillia a écrit ses livres, il était un des rares à affronter aussi ouvertement le progressisme, tout en le faisant avec une grande courtoisie démocratique, sans jamais verser dans la polémique gratuite. Il a fait preuve d'un immense courage civique. C'était un précurseur, comme plusieurs l'ont justement noté.

    Sévillia est non seulement journaliste de profession mais historien de vocation. On comprend pourquoi Historiquement correct ouvre ces Écrits historiques de combat. L'espace public, on le sait, est accroché à une certaine vision de l'histoire, qui conditionne le présent et contribue à sa définition. En d'autres mots, le récit historique joue un grand rôle dans la définition des termes de la respectabilité médiatique et de la légitimité politique. Et comme le montre Sévillia, la conscience historique occidentale est obstruée par des légendes et autres mythes qui déforment le passé. Il faut savoir se délivrer de cette mythologie culpabilisante. Qu'il s'agisse des croisades, de l'inquisition, des guerres de religion, des Lumières, de l'esclavage ou de bien d'autres thèmes, Sévillia déconstruit avec une érudition remarquable les clichés qui habitent l'esprit public contemporain. Avec une culture encyclopédique, fruit de très nombreuses lectures, il invalide la vulgate médiatique.

    L'entreprise est indispensable : Sévillia montre comment une forme d'obstination dans l'anachronisme domine notre rapport au passé. On ne pose pas aux acteurs des temps anciens les questions qu'ils se posaient mais on les écrase sous nos préoccupations contemporaines. On instrumentalise le passé pour justifier le dynamitage de la continuité historique. Si le passé est empoissonné, c'est la tradition qu'il faut rejeter, pour mieux repartir à zéro. C'est l'obsession de la table rase. Paradoxe: on pourrait croire que plus le passé s'éloigne et plus son étude se dépassionne. C'est le contraire. Le passage des années le simplifie à outrance. On ne veut y voir que des gentils et des méchants. Plus les témoins disparaissent et plus l'histoire se laisse enfermer dans un récit idéologique qui gomme la complexité des situations. Elle devient dès lors inintelligible. Sévillia réhabilite les vertus de la nuance historique. C'est à cette condition que l'histoire peut redevenir un laboratoire pour réfléchir aux divers visages de la nature humaine.

    Moralement correct examine un autre grand pan du système d'inhibitions qui étouffe le débat public, en illustrant comment les ravages associés aux grandes mutations culturelles liées à la révolution libertaire des années 1970 sont sacralisés. Sévillia montre de quelle manière s'impose la figure de l'individu-roi, au nom de qui on détricote les institutions et on pousse à la dissolution des mœurs communes dans la cité. À terme, cet individu délié, qui s'autocongratule en se présentant comme un citoyen du monde, perd les médiations protectrices pourtant constitutives de son humanité, qu'il s'agisse de la famille ou de la patrie : le bien commun devient impensable. L'individualisme fanatisé fait des ravages et pousse l'être humain vers le fantasme le plus destructeur qui soit, celui de l'autoengendrement. Ici encore, la contribution de Sévillia est majeure : elle démontre la dynamique idéologique commune aux revendications « sociétales ». Toute querelle politique véritable repose en fait sur une divergence anthropologique.

    Troisième ouvrage de ces Écrits historiques de combat, Le terrorisme intellectuel propose une remarquable analyse du politiquement correct à travers une petite histoire de l'intelligentsia française depuis la Deuxième guerre mondiale. De Lénine à Staline, de Mao à Pol Pot, elle s'est très souvent trompée et croit encore aujourd'hui indiquer le sens de l'histoire. Elle se trompe à nouveau en décrétant la fin des nations, en célébrant l'immigration massive ou la théorie du genre. Derrière son hostilité à la civilisation occidentale, on retrouvera une forme de fureur nihiliste, qui la pousse à tout déconstruire. Elle aime aussi présenter ses contradicteurs dans les habits d'un fascisme éternellement renaissant, ce qui est n'est pas sans efficacité lorsque vient le temps d'exécuter médiatiquement un adversaire, de le frapper d'ostracisme. Encore aujourd'hui, on préfère psychiatriser un adversaire plutôt que de débattre avec lui. La parole dissidente fait encore scandale.

    J'y reviens: c'est un travail de longue haleine qui permet aujourd'hui à Jean Sévillia de rassembler ces trois livres. On les lira ou les relira avec grand bonheur. À la différence de ceux qui ont adhéré aux mythes progressistes avant de rejoindre eux aussi le camp des critiques du politiquement correct, on peut dire que Jean Sévillia était dès le début une figure dissidente. Dans nos sociétés, il faut d'abord avoir été de gauche pour avoir un jour le droit de ne plus l'être. On tolère les esprits désenchantés, mais beaucoup moins ceux qui n'ont pas été bluffés. Il ne s'agit pas de se moquer de ceux qui ont d'abord cru au progressisme, avant de s'en éloigner, mais seulement de constater qu'il était possible, dès le début, de ne pas se laisser bluffer par ses légendes, de ne pas se plier à ses commandements. Ces Écrits historiques de combat nous rappellent que Jean Sévillia fut de ceux-là. Il s'est imposé comme un écrivain politique indispensable de nos temps où la liberté se paie plus cher qu'on ne le croit. 

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

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  • Idées • Eric Zemmour : « L'homme qui n'aimait pas notre Révolution »

     

    Par Eric Zemmour

    Une réédition remarquable du classique de Burke. Depuis deux siècles, les droits de l'homme sont devenus  notre religion. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire, d'ailleurs, comme on le voit aujourd'hui. Deux remarques à propos de cette brillante recension d'Eric Zemmour [Figarovox - 2.11]. La première est que le terme conservateur - que revendiquent très couramment les intellectuels appelés souvent néo-réacs - n'a plus le sens péjoratif qu'il avait jadis dans les milieux royalistes ou patriotes (« c'est un mot qui commence mal ...»), il ne se rattache plus à l'idéologie libérale ou bourgeoise de la droite parlementaire, il signifie plutôt attachement à ce que nous aurions appelé en un temps, au sens profond, la Tradition.  A conserver ou à retrouver. Notre seconde remarque est une réserve lorsque Zemmour écrit que « les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même ». Ce qu'il peut y avoir de vrai dans cette affirmation doit, selon nous, être fortement relativisé : rien de comparable entre les libertés anciennes que la monarchie a pu détruire et l'œuvre du rouleau compresseur idéologique du jacobinisme révolutionnaire encore à l'œuvre aujourd'hui. Les plus ultras partisans de la décentralisation et des libertés se satisferaient volontiers aujourd'hui des libertés de toutes sortes dont était toujours hérissée la France à la veille de la Révolution.  Lafautearousseau    

     

    522209694.4.jpgC'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ; dans les grands textes du passé qu'on comprend le mieux la situation politique contemporaine. La dernière réédition du classique Réflexions sur la Révolution en France d'Edmund Burke l'atteste une nouvelle fois avec éclat. Il faut dire que le travail éditorial est admirable : préface brillante de Philippe Raynaud ; appareil critique exhaustif et passionnant ; sans oublier divers discours ou lettres de Burke qui attestent que, jusqu'à sa mort en 1797, celui-ci n'a jamais cessé de ferrailler contre notre Révolution.

    On se souvient de la thèse de Burke : les « droits de l'homme » n'existent pas ; il ne connaît que les « droits des Anglais ». On songe aussitôt à Joseph de Maistre, qui, lui non plus, n'avait jamais rencontré d'« hommes », mais des Italiens, des Russes et même, grâce à Montesquieu, des Persans. Ce ne sera pas la seule fois que le libéral conservateur anglais se retrouve sur la même ligne que le réactionnaire savoyard. Pas la seule fois qu'il inspirera tous les conservateurs avec son éloge chaleureux des « préjugés ».

    Pour Burke, les libertés sont un héritage, un patrimoine hérité de ses ancêtres. De sa tradition et de son Histoire. Burke est le premier à prendre « la défense de l'Histoire contre le projet révolutionnaire de reconstruction consciente de l'ordre social », nous explique notre préfacier didactique. Cette querelle dure jusqu'à nous. Nous vivons encore sous l'emprise de ces révolutionnaires qui ne se lassent jamais de « faire table rase du passé », pour qui tout est artificiel, tout peut être construit par volonté et par contrat, même la nation, même la famille, jusqu'au choix de son sexe désormais.

    Burke comprend tout de suite les potentialités tyranniques du nouveau quadrilatère sacré des concepts à majuscule : « Philosophie, Lumières, Liberté, Droits de l'Homme » ; et les violences de la Terreur qui s'annoncent, « conséquences nécessaires de ces triomphes des Droits de l'Homme, où se perd tout sentiment naturel du bien et du mal ». Burke tire le portrait, deux siècles avant, de nos élites bien-pensantes contemporaines qui n'ont que le mot « République » à la bouche, pour mieux effacer la France : « Chez eux, le patriotisme commence et finit avec le système politique qui s'accorde avec leur opinion du moment » ; et de ces laïcards qui réservent toute leur fureur iconoclaste au catholicisme, quel qu'en soit le prix à payer : « Le service de l'État n'était qu'un prétexte pour détruire l'Église. Et si, pour arriver à détruire l'Église, il fallait passer par la destruction du pays, on n'allait pas s'en faire un scrupule. Aussi l'a-t-on bel et bien détruit. »

    Burke est le père spirituel de tous les penseurs antitotalitaires du XXe siècle, en ayant pressenti que les hommes abstraits des « droits de l'homme » désaffiliés, déracinés, arrachés à leur foi et à leur terre, hommes sans qualités chers à Musil, seraient une proie facile des machines totalitaires du XXe siècle.

    Mais Burke, avec son œil d'aigle et sa prose élégante, est aussi passionnant par ses contradictions et ses limites. Burke parle d'abord aux Anglais de son temps. Il n'est pas un conservateur comme les autres. Il a pris le parti des « Insurgents » américains contre l'Empire britannique. C'est un libéral qui croit en une société des talents et des mérites. Mais il combat ses propres amis qui soutiennent les révolutionnaires français au nom d'une démocratisation des institutions anglaises. Burke se fait le chantre des inégalités sociales et rejette la conception rousseauiste de la participation des citoyens au pouvoir. Il n'est pas républicain ; il n'admet pas que la souveraineté nationale assure la liberté des citoyens. Il donne raison à Napoléon, qui écrira dans quelques années à Talleyrand : « La Constitution anglaise n'est qu'une charte de privilèges. C'est un plafond tout en noir, mais brodé d'or. »

    Il décèle avec une rare finesse l'alliance subversive entre gens d'argent et gens de lettres, qui renversera en France l'aristocratie d'épée et l'Église. Burke a déjà deviné ce que Balzac décrira. Mais il faut, à la manière des marxistes d'antan, lui rendre la pareille : Burke est l'homme de l'aristocratie terrienne anglaise qui s'est lancée dans l'industrie au XVIIIe siècle et entend bien soumettre politiquement les classes populaires pour permettre les conditions de « l'accumulation capitaliste ». Il défend une authentique position de classe. Mais sa position de classe donnera la victoire à l'Angleterre dans la lutte pour la domination mondiale.

    Burke est un conservateur libéral ; il accepte l'arbitrage suprême du marché ; il est proche d'Adam Smith et est le maître de Hayek. Mais comme tous les conservateurs, son éloge nostalgique de « l'âge de la chevalerie », de « l'esprit de noblesse et de religion », son émotion devant les charmes de Marie-Antoinette seront emportés comme fétu de paille par la férocité du marché, ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste ». Il ne veut pas voir ce que Schumpeter reconnaîtra : le capitalisme détruit « non seulement les arrières qui gênaient ses progrès, mais encore les arcs-boutants qui l'empêchaient de s'effondrer ».

    Burke est anglais et sa réponse est anglaise. Mais la Révolution de 1789 est française. La monarchie anglaise n'a pas eu la même histoire que la monarchie française. Les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même. D'abord pour émanciper le roi de l'Église et des féodaux, puis, pour arracher le pays aux guerres de Religion. La Glorious Revolution de 1688 s'est faite au nom de la religion protestante et de la défense des libertés aristocratiques.

    Deux histoires, deux conceptions de la liberté. Mais Burke préfigure et annonce le sempiternel regret des libéraux français et de toutes nos élites depuis deux siècles : que la France ne soit pas l'Angleterre. Ce regret n'a jamais été consolé ni pardonné: après avoir tenté pendant deux siècles de corriger le peuple de ses défauts ; après s'être efforcées de l'angliciser, de l'américaniser, de le « protestantiser », les élites hexagonales ont fini par abandonner le peuple français à son indécrottable sort « franchouillard » et le jeter par-dessus bord de l'Histoire. Au nom de l'universalisme et des droits de l'homme. Burke avait eu raison de se méfier. 

    Réflexions sur la révolution en France. Edmund Burke, Les Belles Lettres, 777 p., 17 €.

    Eric Zemmour           

  • Le cynisme européiste d’Emmanuel Macron

    Le discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne

     

    Par François Marcilhac

     

    3466611312.jpg« Une Europe souveraine, unie, démocratique  »  : le titre du discours de Macron à la Sorbonne, le 26 septembre, suffit à prouver le tour de passe-passe, comme hier la «  fédération d’États-nations  » inventée par Jacques Delors – une fausse synthèse d’éléments inconciliables pour faire passer la pilule. Selon Delors, une Europe fédérale ne remettait pas en cause l’indépendance des nations, puisqu’elle préservait les États, ce qui était évidemment contradictoire  ; selon Macron, il convient d’attribuer à l’Europe les attributs de la nation  : la souveraineté, l’unité et un régime politique – la démocratie – reposant sur l’existence d’un imaginaire demos européen. Opposées en apparence dans leur formulation, les deux supercheries, aussi fédéralistes que ringardes, sont identiques. Macron regarde l’avenir dans le rétroviseur des «  pères fondateurs  ». Comme s’il s’était trompé d’époque. Comme s’il n’avait pas vu que l’Europe ne fait plus rêver des peuples qui, d’ailleurs, y ont toujours vu autre chose que leurs voisins  : pour les démocrates-chrétiens, surtout français, la garantie de la paix en sortant de l’histoire grâce à la constitution d’un ersatz de chrétienté  ; pour d’autres, notamment les Allemands, la possibilité de retrouver à plus ou moins long terme “leur” suprématie continentale – la «  destinée manifeste  » à la sauce germanique  ; pour d’autres encore, une assurance-indépendance contre un voisin – russe – jugé par nature menaçant. Et pour beaucoup, la possibilité d’appartenir à un club économique et monétaire permettant d’assurer leur développement, appartenance qui, ayant ses contraintes, peut se retourner en cauchemar car l’Europe est tout sauf solidaire – les Grecs l’ont appris à leurs dépens. Quant au Royaume-Uni, qu’il ait été dehors ou dedans (mais toujours à moitié), il est fidèle à la doctrine de Churchill  : le projet européen, c’est bon pour les nations continentales.

    Histoire, identité et horizon

    Macron a beau pérorer que l’Europe est «  notre combat  », «  notre histoire, notre identité, notre horizon  », il mêle là encore une platitude – l’Europe est en un sens «  notre histoire  » – à deux affirmations idéologiques. En quoi serait-elle «  notre combat  » – Quel «  citoyen  » européen serait prêt à mourir pour Gdansk davantage que pour Dantzig  ? – ou «  notre identité  »  ? Comme s’il existait une identité européenne préexistante aux identités nationales qui n’en seraient que les déclinaisons alors que, bien au contraire, l’identité européenne n’a jamais été que le carrefour des identités nationales. Non, évidemment, que ce dialogue n’ait eu d’incidence sur la culture de chacun des peuples qui y ont, inégalement du reste, participé dans l’histoire. Mais jamais ce dialogue n’a fini par constituer le brouet insipide d’une identité européenne. Enfin, en instituant l’Europe comme «  notre horizon  », Macron rétrécit singulièrement celui de nations historiques comme l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni (dont il justifie ainsi la sortie) ou évidemment la France, dont les horizons se confondirent toujours avec la terre entière – reculant, comme il se doit, au fur et à mesure que ces nations avançaient. «  Notre horizon  » ne saurait se limiter au «  petit cap du continent asiatique  » (Paul Valéry).

    Macron a évoqué les «  pères fondateurs  », eux qui, instrumentalisant le traumatisme de deux guerres mondiales dont les nations furent avant tout les victimes et à peine la cause occasionnelle, conçurent aussitôt leur projet comme un asservissement du politique à l’économique au plus grand profit de l’hégémonie américaine. Il est vrai que c’est de cette idéologie matérialiste que Macron est le héraut. Idéologie consumériste qui constitue le brouet insipide européen que nous évoquions à l’instant. C’est pourquoi, disciple de Monnet, il veut explicitement substituer le «  débat scientifique  » au «  débat politique  » et abandonner l’Europe aux «  experts  », c’est-à-dire aux lobbies.

    Un souverainisme de repli  ?

    Aussi, après Mitterrand à Strasbourg en 1995 – «  le nationalisme, c’est la guerre  » –, a-t-il beau dénoncer en «  continuateur  » plus qu’en «  révolutionnaire  » (Pierre-André Taguieff) «  nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli  », «  idées qui se présentent comme des solutions préférables  » auxquelles il avoue, deux lignes plus haut, préférer «  les bourrasques de la mondialisation  »  : ses propos n’en font que mieux ressortir son aveuglement et son cynisme. Aveuglement devant la résurgence, partout dans le monde, singulièrement en Europe, d’un besoin d’identité face, précisément, aux dégâts culturels, plus encore qu’économiques, du mondialisme. Car avant d’être des «  idées  », «  nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli  » traduisent un besoin de persévérer dans l’être auquel c’est le mondialisme, par ses ravages, qui risque de donner un visage peu amène – et le succès relatif de l’AFD en Allemagne n’est pas forcément pour nous réjouir. Il en est de même du faux nationalisme catalan, sur fond d’égoïsme économique  : que traduit-il sinon un “chacun pour soi” que le mondialisme favorise  ? Macron est dans le domaine des idées, ou plutôt de l’idéologie. Aux prétendues idées de repli, il oppose une Europe qui «  ne vivra que par l’idée que nous nous en faisons  ». Idée en l’occurrence sonnante et trébuchante, puisqu’elle consiste à faire de l’Europe un open space – parlons macronien – du mondialisme, comme le montre l’entrée en vigueur, avant même sa ratification par les parlements nationaux, du CETA, traité de libre-échange euro-canadien, auquel Macron a toujours été favorable. C’est là tout son cynisme. Faire servir, comme les «  pères fondateurs  », une idée apparemment généreuse à la mise en coupe réglée des peuples et des civilisations sous un impératif de primauté de l’économique cachant la volonté de puissance de l’Argent sans rivages. La souveraineté, l’unité et la démocratie dont il rêve, ce sont celles des marchés dictant leur loi à des peuples submergés, à l’identité éclatée. Il est vrai  : «  Moi je n’ai pas de ligne rouge, je n’ai que des horizons.  »

    C’est à Giscard, qu’il fait penser. “Jeune” président (plus jeune même), centriste et atlantiste, il mêle lui aussi, en libéral-libertaire assumé, volonté de faire éclater les cadres de la société (l’avortement et le divorce pour Giscard, la PMA et bientôt la GPA et l’euthanasie pour Macron) et dépassement du national au profit d’une Europe mondialisée. Giscard est l’instigateur de l’élection du Parlement européen au suffrage universel, du regroupement familial puis de la Constitution européenne, devenue le traité de Lisbonne. Pour Macron  : listes européennes transnationales, Europe à deux vitesses pour forcer le passage au fédéralisme, budget «  du cœur de l’Europe  », valorisation du «  défi  » migratoire. Et comme Giscard à l’époque, peut-être notre «  pionnier  » se pense-t-il trop jeune pour prendre sa retraite après deux mandats nationaux et se voit-il déjà le premier président de l’Europe. Mais il faut auparavant diluer la France dans le grand tout européen. Bien sûr, les Allemands, Merkel en tête, n’ont pas les mêmes projets, surtout en matière budgétaire. Les Français ont toujours été les seuls «  Européens  ». Alignement explicite sur le «  modèle allemand  », que viendra sanctionner un nouveau «  traité de l’Élysée  », en matière sociale (la «  convergence  »), monétaire (la dogmatique austéritaire) et migratoire, bradage des derniers fleurons de notre industrie au profit du capitalisme d’outre-Rhin (Alstom dernièrement)  : les Allemands se contentent de ramasser ce que Macron leur offre. Ils savent que la condition d’une Allemagne toujours plus forte est une France toujours plus «  européenne  », c’est-à-dire toujours plus faible.  

     

  • Politique & Religion • L’anticatholicisme n’est-il aujourd'hui qu’un antioccidentalisme ?

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [25.12] Mathieu Bock-Côté invite les sociétés occidentales à « assumer ce qu’on pourrait appeler les marqueurs identitaires les plus profonds de notre civilisation », notamment le christianisme et particulièrement l'héritage catholique. L'Eglise catholique elle-même ne nous y invite plus avec autant de netteté. Volens nolens, cet héritage demeure pourtant un marqueur fondamental de notre identité.  LFAR  

     

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    Dans un monde menacé par un islam politique particulièrement militant, certains esprits anachroniques sentent encore le besoin de sonner la charge contre le catholicisme, comme s’il fallait enfin en finir avec lui. C’est le cas d’une Femen qui s’est jetée sur la crèche du Vatican lundi matin pour s’emparer de la statue de l’Enfant Jésus en dénonçant le travers sexiste du catholicisme. Le procès est entendu : l’Église catholique est encore assignée au mauvais rôle, et les médias, globalement, aiment l’y maintenir, comme si elle représentait une survivance anachronique dans le monde moderne. Il faut lutter contre le catholicisme comme s’il demeurait le principal obstacle avant l’avènement d’un nouveau monde pour de bon délivré de la tradition. Chaque fois qu’on l’humiliera, on applaudira, d’autant plus que l’orthodoxie diversitaire aime mettre toutes « les religions » dans le même sac dès qu’il est question de l’émancipation féminine, ce qui permet de ne pas réfléchir à la question bien particulière de l’islam.

    Il est difficile de ne pas mettre en relation cette intervention des Femen avec l’absurde censure d’un film de Noël dans une école française quand les enseignants ont compris qu’il n’était pas sans lien avec les origines de cette fête et se sont empressés de l’arrêter en plein milieu. Pour reprendre l’explication loufoque rapportée par les journalistes qui ont rendu publique cette histoire, « il ne s'agit pas d'un film sur une légende de Noël mais sur l'histoire de la nativité ». On se demandera si celui qui a dit ça est complètement bête ou simplement de mauvaise foi. La scène est quand même d’une invraisemblable stupidité. On veut bien croire que la fête de Noël est aujourd’hui déchristianisée, au point même d’être neutralisée dans de plus vastes « fêtes de fin d’année », mais il n’en demeure pas moins que si l’histoire a ses droits, on conviendra au moins de ses origines chrétiennes. Faut-il désormais censurer toute mention des racines chrétiennes de l’Occident pour ne pas froisser les tenants de l’orthodoxie diversitaire et les représentants les plus intransigeants des religions non-chrétiennes ? Les Américains, sans se tromper, parlent depuis des années d’une guerre contre Noël.

    Plusieurs l’ont noté, le remplacement du traditionnel Joyeux Noël par Joyeuses Fêtes s’inscrit, consciemment ou inconsciemment, dans ce processus de déchristianisation de la culture. En 2009, les commerçants du Plateau Mont-Royal, à Montréal, avaient cru trouver la formule la plus inclusive qui soit pour ne vexer personne en souhaitant « Joyeux Décembre ». La formule était incroyablement ridicule mais montrait jusqu’où peut aller la censure du réel pour ne pas heurter les sensibilités minoritaires exacerbées qui hurlent à la discrimination dès qu’on redécouvre que toutes les religions n’ont pas laissé la même empreinte sur notre civilisation. Il y a dans le monde occidental un zèle déconstructeur qui pousse à vouloir éradiquer toutes les traces du christianisme, comme si on espérait un jour le chasser du décor et l’effacer de la vie publique : la diversité pourrait alors s’exprimer et le christianisme serait privé de ses derniers privilèges. On a pu le constater il y a quelques semaines encore avec l’affaire de la croix de Ploërmel, qu’on a prétendu condamner au nom de la laïcité alors qu’il s’agissait surtout de pousser plus loin la neutralisation de l’identité historique de la France. Un jour pour ne plus heurter personne, faudra-t-il changer de calendrier ?

    Sommes-nous encore dans un monde au moins partiellement chrétien ? Telle est la question. Il ne s’agit pas de savoir si nous croyons personnellement à la religion catholique, mais si nous assumons ce que Pierre Manent appelle la « marque chrétienne » de notre civilisation – c’est-à-dire que le catholicisme a servi de matrice civilisationnelle au monde occidental et qu’on ne peut nous y arracher complètement sans mutiler notre propre identité. On oublie aussi qu’on peut parfaitement assumer cette marque chrétienne et l’idée de laïcité, aussi fondamentale que nécessaire – les deux ne sont contradictoires que pour ceux qui peinent à réconcilier les différentes facettes d’une même civilisation. Il faut une certaine excentricité intellectuelle, en fait, aujourd’hui, pour croire que c’est le catholicisme qui menace la laïcité et qui cherche à occuper de nombreuses manières l’espace public en y faisant sentir de manière de plus en plus agressive sa présence.

    Une question essentielle surgit : comment maintenir vivant un patrimoine de civilisation marqué par le christianisme quand la foi qui l’alimentait est morte, ou du moins, complètement déculturée et pratiquée sérieusement seulement dans les marges ? Il faut, pour cela, amener la philosophie politique à réfléchir aux conditions mêmes de possibilité de notre civilisation. Il ne s’agit plus seulement de réfléchir au régime politique de la cité mais à la conception de l’homme sur laquelle elle repose – sur son anthropologie, pour le dire autrement. Cela implique aussi de dégager notre compréhension du politique d’un présentisme asséchant en renouant avec une conception historique de la communauté politique, qui fasse droit à la part sacrée de l’appartenance à la cité. En d’autres mots, on peut ressaisir le christianisme à travers un patriotisme de civilisation qui n’impose à personne quelque foi que ce soit mais qui réinscrit le politique dans l’histoire en se tenant loin de la tentation de la table-rase. L’art politique a davantage à voir avec l’histoire qu’avec la gestion.

    On y revient alors : ce n’est pas en déconstruisant elles-mêmes leur propre socle de civilisation que les sociétés occidentales sauront vraiment se montrer à la hauteur des exigences de l’hospitalité. Au contraire, plus elles se renient et moins ceux qui les rejoignent peuvent vraiment les aimer. La haine de soi ne fait rêver personne, le nihilisme non plus. Il ne s’agit pas de fantasmer sur je ne sais quelle reconfessionnalisation de l’État ou d’idéaliser de quelque manière que ce soit la parole du Pape ou d’autres officiels du monde catholique mais simplement d’assumer ce qu’on pourrait appeler les marqueurs identitaires les plus profonds de notre civilisation : la cité ne saurait être une simple structure juridique sans épaisseur historique et culturelle. Elle plonge ses racines dans le cœur de l’homme et ne saurait se fermer aux besoins fondamentaux de l’âme humaine. Mais pour plusieurs, aujourd’hui, cette simple évidence passe étrangement pour un scandale.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • États-Unis, retour vers le futur, par Frédéric de Natal.

    Il existe dans les rangs Républicains un courant de pensée monarchiste hérité d'une tradition qui remonte aux origines de l'histoire des États-Unis.

    «Nos pères fondateurs, malgré ce que beaucoup de gens pensent, ont créé un gouvernement monarchique et non un gouvernement de type parlementaire. Des individus comme Alexander Hamilton, John Adams, John Jay, George Washington, James Wilson et d’autres ont travaillé pour créer un gouvernement qui permettrait l’unité entre tous les États. Ils ont créé une monarchie limitée, en s’assurant qu’aucune branche du gouvernement ne détiendrait la suprématie et ne deviendrait tyrannique. Nous voulons qu’un empereur héréditaire remplace la présidence actuelle, en conservant tous les pouvoirs conférés ou implicites présents dans la constitution ».

    frédéric de natal.jpgLongue chevelure blonde tombant à peine sur ses épaules et yeux bleus perçants, Austin Pomper est le fondateur de l’United Monarchist Party of America. Dans un pays qui a longtemps combattu l’oppression britannique, l’idée de voir un monarque à la tête de cette république fédérale peut paraître utopique. Réduit au rang de folklorisme, le monarchisme américain a connu plusieurs existences au cours de l’histoire des États-Unis. Les turpitudes liées à la présidence de Donald Trump viennent pourtant d’insuffler un vent nouveau à ce royalisme d’outre-Atlantique qui entend s’imposer comme une alternative dans une société radicalement fracturée.

    C’est le dernier né des mouvements monarchistes américains. L’United Monarchist Party of America (UMPA) revendique déjà plusieurs centaines de membres dans tout le pays, actifs sur les réseaux sociaux. À sa tête, Austin Pomper, qui est fermement convaincu que le système démocratique actuel est à bout de souffle, que seule une monarchie peut recréer l’esprit d’union cher aux pères fondateurs des États-Unis et empêcher une nouvelle sécession entre le Sud et le Nord. Lorsque les 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord décident de réunir leurs destins sous une seule main, le 4 juillet 1776, c’est le républicanisme inspiré des idées philosophiques de Montesquieu, de Rousseau ou de John Locke qui est le système idéologique dominant dans les colonies. Centre des Lumières outre-Atlantique, la ville de Philadelphie va insuffler l’émergence d’une identité américaine aux insurgés qui désormais rejettent l’hégémonisme commercial et régalien de la monarchie hanovrienne de Georges III. Pourtant, à la veille de la révolution américaine, tous n’adhèrent pas à ce concept et certains cherchent à couronner la jeune nation en devenir. Une délégation parcourt les chemins d’Europe à la recherche d’un souverain et leur choix se porte sur Bonnie Prince Charlie, Charles Édouard Stuart : le prétendant jacobite les éconduit poliment. Leader du parti fédéraliste, Alexander Hamilton envoie un courrier au prince Henri de Prusse mais le goût prononcé pour les hommes du Hohenzollern, en dépit de ses talents militaires incontestables, ne permet pas l’instauration d’une monarchie héréditaire. Les partisans d’une monarchie jettent alors leurs derniers espoirs et leur dévolu sur George Washington lui-même. Riche planteur, ce général a été un des héros de la guerre d’indépendance, il est loin de s’opposer à cette proposition, la deuxième du genre qui lui est faite, mais il finit par refuser en dépit de titres aussi exotiques que farfelus qu’on lui soumet tels que « Sa Majesté élue », « Sa Splendeur » ou encore « Son Altesse le Président des États-Unis d’Amérique et le protecteur de leurs libertés ».

     

    La monarchie, remède pour une société américaine fracturée

     

    Austin Pomper regarde l’histoire de la France monarchique avec fascination. Comme tous les étrangers qui se passionnent pour le conflit dynastique, il a ses propres points de vue. Pour lui, la couronne passe par la branche des Orléans incarnée par le comte de Paris. « La monarchie n’est pas une relique du passé. C’est très naturellement que j’ai porté mon regard vers elle. C’est la forme d’organisation politique la plus logique selon moi. C’est le meilleur exemple de démocratie directe ou de démocratie représentative. Thomas d’Aquin et Aristote ont enseigné que le meilleur gouvernement est celui qui combine la monarchie, l’aristocratie et la démocratie, le système des trois vertus ». Dans les années 1970, en pleine présidence Nixon, un mouvement monarchiste américain avait surgi, la Constantian Society, cultivant la nostalgie de l’Ancien régime tombé en 1789. Il meurt avec son fondateur à l’aube du XXIe siècle, remplacé par un Royalist Party qui connaît un succès tout aussi mitigé. Présidence impériale, création d’un Sénat où siégeraient les membres de la maison royale, monarchie héréditaire avec primogéniture masculine, augmentation du nombre de représentants au Congrès et au Sénat, les propositions ne manquent pas. Un sondage est même en ligne sur leur site officiel aux couleurs du drapeau américain afin de savoir si les curieux de passage adhèrent à leur programme. « Les gens parlent du gouvernement central comme d’un gouvernement tyrannique, détenteur de trop de pouvoirs concentrés à Washington, et qui doit tomber » rappelle Austin Pomper qui renvoie ses compatriotes à leurs livres d’histoire. « Nous n’avons jamais demandé la chute du roi George III, nous lui avons adressé une supplique qu’il a ignorée. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de prendre notre indépendance ». Mais à la question de savoir quel prince ceindrait une couronne, les monarchistes américains demeurent très indécis.

    « Nous sommes maintenant à la croisée des chemins dans notre pays. Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre fin à ces combats constants, ces besoins de suprématie et de contrôle. Notre gouvernement national doit être réformé comme ceux des États d’Amérique. Si nous voulons survivre, si nous voulons nous unir, il est indispensable de nous transformer » affirme Austin Pomper. Pour autant, les monarchistes américains sont très divisés. Si l’UMPA a condamné l’attaque du Capitole et pointé du doigt la responsabilité de Donald Trump, il en est d’autres qui soutiennent l’ancien président des États-Unis. L’American Monarchist Society (AMS) entend favoriser « un vrai retour à une politique traditionaliste » et ne cache pas son adhésion aux idées extrêmes du Parti Républicain dont l’attitude durant quatre ans a dérouté plus d’un de leurs élus. « L’Amérique a besoin de se tourner vers des dirigeants puissants qui permettront d’inverser la tendance au sein d’une république qui mine notre société » rappellent les monarchistes de l’AMS qui citent volontiers Monseigneur Lefebvre en guise de référence ou encore l’UKIP britannique. « Une monarchie est fondée sur la nation, respectueuse de son passé, de son peuple et de sa culture » peut-on lire sur son forum de discussion. On évoque les monarchies constitutionnelles, absolues et électives. Cette dernière fait mouche. « Une élection par État afin d’élire démocratiquement un souverain » propose-t-on.

    Récemment, un historien, John Meacham, a publiquement accusé le Parti Républicain d’être devenu « un parti monarchiste, considérant Trump comme son roi, qu’il ait raison ou tort ». « Et c’est intéressant parce que dans l’esprit et la philosophie de l’ère fondatrice, c’est précisément ce contre quoi nous nous sommes battus » renchérit-il, raillant ces idéalistes qui pensent renverser utopiquement le système et refaire l’histoire.

     

    Illustration : De Bonnie Prince Charlie à Trump, les drapeaux de la discorde ou l’impossible quête de l’homme providentiel.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Alain de Benoist : « L’assimilation des immigrés n’est ni une bonne ou une mauvaise idée… Elle est juste impossible ! ».

    Le débat sur l’« intégration » des immigrés s’enlise depuis des décennies, ne serait-ce que parce qu’il n’est jamais précisé à quoi il s’agit de s’intégrer : à une nation, à une histoire, à une société, à un marché ? C’est dans ce contexte que certains préfèrent en appeler à l’« ». Il y a deux mois, le magazine Causeur consacrait tout un dossier à cette notion en titrant, en première page : « Assimilez-vous ! » Ça vous inspire quoi ?

    Dans les milieux qui s’inquiètent le plus du flot migratoire, on entend en effet souvent dire que l’assimilation serait la solution miracle : les immigrés deviendraient des « Français comme les autres », et le problème serait résolu. C’est la position défendue avec talent par Causeur, mais aussi par des auteurs comme Vincent Coussedière, qui va faire paraître un Éloge de l’assimilation, ou Raphaël Doan (Le rêve de l’assimilation, de la Grèce antique à nos jours). D’autres objectent que « les immigrés sont inassimilables ». D’autres, encore, refusent l’assimilation parce qu’elle implique nécessairement le métissage. Ces trois positions sont très différentes, et même contradictoires, mais elles ont en commun de considérer que l’assimilation est possible, au moins en théorie, même si certains n’en veulent pas ou considèrent que les immigrés ne jouent pas le jeu.

    L’assimilation est un concept de nature universaliste, hérité de la philosophie des Lumières (le mot se trouve déjà chez Diderot). Il présuppose que les hommes sont fondamentalement tous les mêmes. Pour faire disparaître les communautés, il faut donc amener les individus qui les composent à s’en détacher. C’est en quelque sorte un marché que l’on se propose de passer avec les immigrés : devenez des individus, comportez-vous comme nous et vous serez pleinement reconnus comme des égaux, puisqu’à nos yeux l’égalité suppose la mêmeté.

    Vous vous souvenez de l’apostrophe de Stanislas de Clermont-Tonnerre, en décembre 1789 : « Il faut tout accorder aux Juifs comme individus, il faut tout refuser aux Juifs comme nation ! » (Les Juifs n’ont pas cédé à ce chantage, sans quoi ils auraient dû renoncer à l’endogamie et il n’y aurait plus de communauté juive aujourd’hui.) ne dit pas autre chose quand il affirme que la citoyenneté française reconnaît « l’individu rationnel libre comme étant au-dessus de tout ». Raphaël Doan est très clair sur ce point : « L’assimilation est la pratique qui consiste à exiger de l’étranger qu’il devienne un semblable […] Pour assimiler, il faut pratiquer l’abstraction des origines. » Autrement dit, qu’il cesse d’être un Autre pour devenir le Même. Pour ce faire, il doit oublier ses origines et se convertir. « Émigrer, c’est changer de généalogie », dit Malika Sorel. C’est plus facile à dire qu’à faire. Car s’assimiler aux « valeurs de la République », cela ne veut rien dire. S’assimiler, c’est adopter une culture et une histoire, une sociabilité, un modèle de relations entre les sexes, des codes vestimentaires et culinaires, des modes de vie et de pensée spécifiques. Or, aujourd’hui, les immigrés sont dans leur majorité porteurs de valeurs qui contredisent à angle droit celles des populations d’accueil. Quand on leur propose de négocier leur intégration, on oublie tout simplement que les valeurs ne sont pas négociables (ce qu’une société dominée par la logique de l’intérêt a le plus grand mal à comprendre).

    Et vous, l’assimilation, vous la jugez bonne ou mauvaise ?

    Ni bonne ni mauvaise. J’ai plutôt tendance à la croire impossible. La raison principale est qu’on peut assimiler des individus mais qu’on ne peut pas assimiler des communautés, surtout quand celles-ci représentent 20 à 25 % de la population et que celles-ci sont concentrées – « non parce qu’on les a mis dans des ghettos, mais parce que l’être humain cultive naturellement le voisinage de ceux qui vivent comme lui » (Élisabeth Lévy) – sur des territoires qui favorisent l’émergence de contre-sociétés exclusivement basées sur l’entre-soi. C’est surtout vrai dans un pays comme la France, marquée par le jacobinisme, qui n’a cessé de lutter contre les corps intermédiaires pour ramener la vie politique et sociale à un face-à-face entre l’individu et l’État. Colbert avait déjà déployé de grands efforts pour « franciser » les Indiens d’Amérique. Ce fut évidemment un échec.

    En France, l’assimilation a connu son apogée sous la IIIe République, à une époque où la battait son plein à l’initiative des républicains de gauche alors désireux de faire connaître aux « sauvages » les bienfaits du « progrès ». Mais la IIIe République a aussi été une grande éducatrice : dans les écoles, les « hussards noirs » mettaient un point d’honneur à enseigner l’histoire glorieuse du roman national. Nous n’en sommes plus là. Toutes les institutions (Églises, armée, partis et syndicats) qui facilitaient l’intégration et l’assimilation dans le passé sont en crise. L’Église, les familles, les institutions ne transmettent plus rien. L’école elle-même, où les programmes sont dominés par la , n’a plus rien à transmettre, sinon la honte des crimes du passé.

    L’assimilation implique qu’il y ait une volonté d’assimiler du côté du pouvoir en place et un désir d’être assimilé du côté des nouveaux arrivants. Or, il n’y a plus ni l’une ni l’autre. En décembre dernier, Emmanuel Macron l’a explicitement déclaré à L’Express : « La notion d’assimilation ne correspond plus à ce que nous voulons faire. » On voit mal, d’autre part, quelle attractivité le modèle culturel français peut encore exercer sur des nouveaux venus qui constatent que les autochtones, qu’ils méprisent souvent, quand ils ne les haïssent pas, sont les premiers à ne vouloir rien savoir de leur histoire et à battre leur coulpe pour se faire pardonner d’exister. Dans ce qu’ils voient, qu’est-ce qui peut les séduire ? Les enthousiasmer ? Les pousser à vouloir participer à l’histoire de notre pays ?

    Dernière remarque : dans le modèle assimilationniste, l’assimilation est censée progresser de génération en génération, ce qui peut paraître logique. Or, on s’aperçoit qu’en France, c’est exactement le contraire. Tous les sondages le démontrent : ce sont les immigrés des dernières générations, ceux qui sont nés français et possèdent la nationalité française, qui se sentent le plus étrangers à la France, qui pensent le plus que la charia prime la loi civile et trouvent le plus inacceptable tout « outrage » à leur religion. En août dernier, interrogés sur la proposition « L’islam est-il incompatible avec les valeurs de la société française », 29 % des musulmans répondaient par l’affirmative, tandis chez les moins de 25 ans, cette proportion était de 45 %.

    Un tel débat est-il propre à la France ? Aux pays occidentaux ? Ou bien la question de l’intégration par l’assimilation se retrouve-t-elle un peu partout ?

    Les pays anglo-saxons, n’ayant pas été marqués par le jacobinisme, sont plus hospitaliers aux communautés. Par ailleurs, aux États-Unis, les immigrés n’ont en général aucune animosité envers le pays dans lequel ils cherchent à entrer. La grande majorité d’entre eux, à qui l’on a inculqué le respect des Pères fondateurs, veulent être américains. Le « patriotisme constitutionnel » fait le reste. En Asie, c’est encore différent. La notion d’assimilation y est inconnue, pour la simple raison que la citoyenneté se confond avec l’appartenance ethnique. Pour les deux milliards d’individus qui vivent dans le nord et le nord-est de l’Asie, en particulier dans la zone d’influence confucéenne, on naît citoyen, on ne le devient pas. C’est la raison pour laquelle la et le Japon refusent de faire appel à l’immigration et ne naturalisent qu’au compte-gouttes (les très rares Européens qui ont obtenu la nationalité japonaise ou chinoise ne seront, de toute façon, jamais considérés comme des Japonais ou des Chinois).

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier.

     

    Alain de Benoist

    Intellectuel, philosophe et politologue
     
  • Spécial Centenaire 14-18 « Une nation, une langue » ou « une langue, une nation » (3ème partie) (39), par Jeunesse si tu

    En contact avec les mouvements Jeunesse si tu savais et Poussières d'étoiles; voici les liens de leur page FB, de leurs sites officiels et de leur chaîne youtube :

     

    JEUNESSE SI TU SAVAIS

    https://www.facebook.com/jeunessesitusavais/

    https://www.jeunesse-si-tu-savais.fr/

     

    POUSSIERES D'ETOILES

    https://www.poussieresdetoiles.fm/

    Ouvrez le lien du site à l'aide du moteur de recherche GOOGLE CHROME.

    https://www.youtube.com/channel/UCvYtt4Ws_Uc4Cj0LeLCoEJQ/videos

     

    Et voici le trente neuvième article (aussi en vidéo/audio) qu'ils nous ont adressé, en attendant la suite...

    entre Nation et nationalités
    C’est toute l’histoire contemporaine de la Révolution aux deux guerres mondiales que nous allons ainsi survoler. Et dans cette partie voici la Grande Guerre de 14-18.

    https://www.poussieresdetoiles.fm/uploads/newscast/0/0/22/50c85612-a16e-4ac4-93a2-d49436c21746.mp3

     

    Ce principe appliqué au XXème siècle : 14-18

    Après cette guerre de 1870, on voyait déjà se profiler « la Revanche », la guerre suivante qui était celle où la France voulait libérer cette province annexée contre son gré. Tous les parlementaires d’Alsace-Moselle avaient protesté (en vain) contre cette annexion, représentant ainsi l’opinion presque unanime des Alsaciens-Lorrains qui venaient d’être rattachés à un Etat-Nation auquel ils n’avaient jamais adhéré. Depuis plus de deux siècles (1648) leur destin avait été lié à la France, communauté d’histoire partagée et de destin qui formait une des plus anciennes nations (avec ses différentes langues et coutumes). Une notion de Nation – pluriculturelle et pluriethnique – à l’opposé du principe, issu de la Révolution, de Nation basée sur une seule langue et une seule race.

    Les Alsaciens et les Lorrains ont eu l’occasion aussi de protester tout au long de cette occupation de 1871 jusqu’en 1918. Nombreuses ont été les manifestations d’hostilité au nouveau pouvoir impérial, à casque à pointe. Une lutte d’autant plus ferme que le premier ministre Bismarck voulait aussi imposer à l’Alsace – pour la rendre plus servile - son « Kulturkampf » un combat à la fois de persécution du catholicisme (un peu comme pendant la Révolution française) et de germanisation.

    La guerre suivante, fille de celle de 1870, ne fut pas seulement franco-allemande mais mondiale (par le jeu des alliances). Les enjeux pour la France étaient de récupérer l’Alsace-Moselle. Pour l’Empire allemand de continuer son expansion pangermaniste, puisque le but était d’occuper d’autres territoires où on parle un dialecte germanique (sans oublier l’aspect économique): en Lorraine, dans le nord de la France. Mais aussi toute une partie de la Belgique (qui n’était indépendante que depuis 80 ans) et l’ensemble des Pays-Bas. Des objectifs de guerre, tout en consolidant ses acquis de 1870, qui développeraient des conquêtes au détriment des populations qui parlaient un dialecte germanique toujours selon ce même principe des nationalités. Un principe qui se répand par des révolutions et aussi par des guerres. Cette fois-ci ce fut une première guerre mondiale. Après quatre ans de guerre qui firent près de 20 millions de morts (militaires et civils), les résultats furent le contraire des espérances de l’Empire allemand.

    Elle se termina d’abord par l’effondrement de la Russie avec la Révolution d’Octobre (1917) et l’arrivée au pouvoir des communistes qui mirent fin rapidement à la guerre, (en cédant de nombreuses possessions russes en Europe centrale et de l’est, paix de Brest-Litvosk-1918) afin de consolider sa conquête révolutionnaire (en instaurant la « dictature du prolétariat », les goulags et en luttant contre les Russes blancs) .

    Cette Grande Guerre se termina aussi par l’effondrement de l’Autriche et de l’Allemagne (Armistice du 11 Novembre 1918). L’Allemagne y perdra son Empereur mais garda son unité. Le traité de Versailles (1920) - qui va organiser l’Europe et le monde pour l’après-guerre - a conservé l’unité allemande. Les anciens royaumes et principautés qui composaient cet Empire furent définitivement abolis, et leurs souverains prirent le chemin de l’exil. Par contre les traités de Versailles, du Trianon et de St-Germain-en-Laye furent très sévères envers l’Autriche. Le président des États-Unis (un des vainqueurs) ne voyait pas d’un très bon œil cet ensemble autrichien qu’il considérait comme un empire catholique alors que l’empire allemand était protestant et le dérangeait moins à ce niveau-là. Il s’était d’ailleurs rallié, pour une future réorganisation de l’Europe, à ce principe des nationalités (qu’il appelait « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ») dès le 22.01.1917. Le sort de l’Allemagne est alors celé : l’unité préservée (une langue, une Nation) ; et pour l’Autriche: l’éclatement (puisque c’est un empire multi-ethnique (à chaque langue, un Etat-nation). Tout était déjà prédéterminé pour le futur *traité de Versailles *et l’organisation de l’Europe de l’après-guerre. Ce qui explique le refus de ces puissances alliées de paix séparée (en 1917) proposée par l’Empereur d’Autriche Charles Ier. Pour cette paix séparée non suivie d’effet et les dispositions du traité de Versailles, Wilson, le président des Etats-Unis avait reçu le soutien de Clémenceau, le Président du Conseil français. Tous deux anti-catholiques notoires, inspirés et soutenus par la franc-maçonnerie.

    La guerre de 14-18 déboucha - après les traités de Versailles et associés, sur la fin de l’Empire autrichien, l’exil du dernier Empereur et l’éclatement de cet empire. Se constituèrent ainsi des républiques avec la Hongrie, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, etc. avec des morceaux de l’empire autrichien qui se regroupèrent pour l’essentiel selon le principe des nationalités, avec « une langue, une Nation ».

    Alors que l’optique du Reich allemand dès 1870-71 fut la fusion des régions et des groupes de population. Ce qui aboutissait à un éclatement des Etats voisins pour regrouper (souvent par la force) des régions qui parlaient allemand. L’application de ce principe pour l’Empire autrichien – comme pour certains autres pays - produit un effet centrifuge qui fit éclater l’ Empire et les états multiethniques pour constituer de nouveaux états en fonction de la langue parlée localement. C’est donc un principe révolutionnaire qui vise à faire exploser l’ensemble de l’organisation des états et des empires qui se s’étaient constitués au fil de l’histoire et au rythme des siècles. ** L’empire autrichien** s’était constitué en plus de sept siècles autour de la dynastie des Habsbourg, par mariages et conquêtes. C’était le fruit lent de l’histoire. Mais si on veut faire du passé table rase, on réécrit l’histoire sur de nouvelles bases. Cependant ces nouvelles bases étaient révolutionnaires, puisqu’il a fallu à chaque fois soit des guerres soit des révolutions pour arriver à de nouveaux états et de nouvelles frontières. Au prix du sang : la première guerre mondiale a fait quelque 20 millions de morts à cause de ces principes de nationalités. D’ailleurs le prétexte du déclenchement de cette guerre fut l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche à Sarajevo par un Serbe de Bosnie qui militait pour rattacher sa région (administrée par l’Autriche) à la Serbie au nom de ce principe des nationalités, appelé ici panslavisme (ce qui fut réalisé après le traité de Versailles avec la création de la Yougoslavie).

  • De la caricature assassine aux caricaturistes assassinés, par Pierre Wariou.

    La presse satirique apparaît à la Révolution française. Elle s'emploie bien sûr à détruire ce qui est sacré, Dieu et le roi. Le pli est pris, la caricature révèlera les antagonismes et les journaux se multiplieront, jusqu'à Charlie Hebdo. Qui tire sur de vieilles ambulances, comme l'Église, avant de s'attaquer au tank musulman.

    Qui dit aujourd’hui blasphème dit Charlie Hebdo. Créé en 1970 par François Cavanna et le professeur Choron, le journal prenait la suite de Hara-Kiri. C’est donc dans le sillage d’une presse libertaire des années 1960 qu’on peut mieux comprendre l’histoire des caricatures blasphématoires.

    Car la presse satirique a une longue histoire en France, mais une histoire qui apparaît à un moment précis : la Révolution française. Est-ce à dire que la caricature n’existait pas auparavant ? Si, bien évidemment, mais pas sous la forme de journaux. En revanche, la caricature s’est très tôt trouvée mêlée à un contexte religieux. Qu’on songe à tous ces personnages grotesques qui ornent les tympans ou les chapiteaux des églises ou à ces rois à tête de singe que les moines n’hésitaient pas à dessiner dans les marges des manuscrits. Et qu’est-ce que le diable, avec ses cornes et ses yeux globuleux, sinon un dieu caricaturé ? Quand l’occident s’engage dans les croisades, on adopte la couleur verte pour Satan, la couleur de l’Islam, couleur de l’Antéchrist. Les idéologues qui manient l’anachronisme pourraient y voir le premier blasphème anti-musulman mais ce serait faire un contre-sens : si un seul Dieu est admis, le blasphème ne s’adresse qu’à lui.

    Après les croisades, ce fut une autre guerre religieuse qui inspira les caricaturistes : les guerres de religion du XVIe siècle. Henri III, le dernier des Valois, fut sans doute le souverain le plus caricaturé après Louis XVI : La Vie et les faits notables de Henry de Valois, ouvrage paru en 1589 et qu’on trouve à la Bibliothèque nationale, accumule les charges. On remet en question la validité du sacre, on se déchire et on représente le « Pourtraict du couronnement de Henri de Valois lorsque par sa pétulence et orgueil la couronne lui coula deux fois de dessus la tête : qui était un mauvais présage à l’avenir ». Quand on soutenait que les monarques étaient investis par le Christ, caricaturer un souverain au moment de son couronnement revenait à remettre en question l’autorité de Dieu ou, à tout le moins, à dénoncer un grave dévoiement. L’histoire est ironique : Henri III mourut assassiné.

    Avant de tuer, briser le sacré

    C’est que la caricature est tout à la fois le signe d’une liberté d’expression mais également le révélateur de revendications et donc de tensions sociales : on y a massivement recours lorsque la société est en crise. Marginales sous l’ancien régime, les caricatures explosent sous la Révolution. Les Révolutions de France et de Brabant, le journal de Camille Desmoulins, leur donne une bonne place. Parmi les caricatures des trois ordres, le clergé n’est pas oublié. Le prêtre est caricaturé. Sans doute qu’on aurait davantage hésité à guillotiner Louis XVI si les caricatures n’avaient pas précédé les députés de la Convention. Avant de tuer le ci-devant roi il fallait briser le sacré qui entourait sa personne. Le blasphème rampant de la caricature révolutionnaire s’y employa.

    Fait remarquable, le XIXe siècle, siècle des révolutions, fut aussi le siècle des caricatures. La monarchie de Juillet l’apprit à ses dépens et Louis-Philippe reste associé à une poire. Si les journaux comme La Caricature ou Le Charivari sont aujourd’hui les plus connus, il faut toutefois noter qu’ils étaient républicains. Les légitimistes sacrifièrent également au genre et le journal Brid’Oison étrilla lui aussi Louis-Philippe.

    À la succession des régimes politiques correspond la succession de la presse satirique. Sous la IIIe République, Le Grelot ou La Petite Lune tenaient le haut du pavé. Au moment de l’affaire Dreyfus, Le Rire est lancé et couvre l’événement. A nouveau, la France découvre des caricatures sur fond de guerre religieuse, cette fois-ci, ce sont les dreyfusards et les antidreyfusards qui s’opposent. Puis, c’est l’Union sacrée qu’on attaque, la guerre qu’on remet en question, le sacrifice des tranchées et le boche qu’on dessine. La Baïonnette et Le Crapouillot font rire dans les tranchées et la France républicaine moque le Kaiser allemand.

    Les trublions étaient à l’origine de la chienlit

    On le voit, le blasphème n’est pas forcément le sujet le plus central de la presse satirique. Qu’on le scrute partout aujourd’hui est somme toute bien normal : en 1905, les caricatures anticléricales sont légion, aujourd’hui, alors que l’islamisme et le terrorisme correspondent à un des faits politiques majeurs du XXIe siècle, il aurait été inquiétant de ne pas en trouver l’écho sous la plume mordante des dessinateurs. Car les caricatures sont des synthèses, des raccourcis, qui impliquent l’outrance puisque la subtilité est réservée à la pensée qui peut se déployer plus à son aise dans les articles. Elle sert moins à inciter au dialogue qu’à cliver. Les combats politiques sont d’ailleurs friands de ces raccourcis : ce sont les slogans, ceux qu’on scande lors des manifestations ou qu’on peint sur les murs. Or, Charlie Hebdo est l’enfant naturel de mai 68. Le professeur Choron avait coutume de se vanter d’en avoir été à l’origine « Mai 68 n’aurait pas eu lieu sans Hara-Kiri ! » affirmait-il… Avec Cavanna, Wolinski et Reiser, ils étaient déjà tous là. Le célèbre slogan « Il est interdit d’interdire » n’est d’ailleurs sorti ni de la Sorbonne, ni des Beaux-Arts mais de la bouche de Jean Yanne, au micro de RTL, en 1968. Il entendait caricaturer les gauchistes, ceux-ci lui reprirent ensuite l’idée. Les trublions étaient à l’origine de la chienlit.

    Car l’esprit Charlie est un esprit libertaire. En cela, ils partagent avec les anarchistes les critiques qu’on peut adresser à leur pensée politique, celui notamment d’être esclaves de leur révolte. Leur rébellion a toujours prise avec le réel, c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de se rebeller contre ce qui fait l’actualité, dans les pages d’un hebdomadaire. Ce contre quoi les anarchistes se révoltent détermine le contenu de leur pensée. Luz déclarait que « Charlie doit être un instrument de lutte contre la connerie. » La connerie, c’est le rejet de toute ce qui fait autorité, et Dieu est une de ces autorités. Quand l’anarchiste Blanqui lançait sa phrase blasphématoire « Ni Dieu, ni maître », il avait plusieurs siècles de retard. Cela faisait bien longtemps que l’Église ne dominait plus ni les rois ni les princes et que l’État était devenu l’autorité suprême. En caricaturant l’Église, en blasphémant Dieu, ils ne faisaient jamais que tirer sur l’ambulance.

    Reiser, pourfendeur des beaufs

    Car c’est au cours des années 1970 que le nombre de pratiquants ne cesse de chuter. À la même période, Hara-Kiri réserve sa couverture à la face cachée du Christ. Ses fesses apparurent en janvier 1973. Trois ans plus tard, c’est à la Vierge Marie d’être en Une : elle se rase et le journal titre qu’il s’agit d’un travelo. C’est un fait connu que les catholiques n’avaient alors ni manifesté ni décapité qui que soit. La charge était pourtant bien blasphématoire. On signalera également que si Hara-Kiri n’hésitait pas à moquer l’Église, il ne se privait pas de moquer l’Islam. En janvier 1979, la rédaction consacrait sa Une à la vie sexuelle de l’Ayatollah Khomeini, qui préparait alors son retour en Iran et sa révolution depuis la France. En couverture Hara-Kiri le faisait poser avec sa poupée gonflable.

    Il serait cependant faux de réduire le journal à ce blasphème. Ce sont tous les totems de la contre-culture des années 1960 et 1970 qu’on y retrouve. Reiser est d’abord le pourfendeur des beaufs avant d’être celui des curés.

    C’est sans doute là toute la différence entre le blasphème de Hara-Kiri et les caricatures de Mahomet de Charlie : d’un côté on tire sur l’ambulance ; de l’autre, on s’attaque au tank. On a vu que la longue histoire de la caricature et du blasphème laissait apparaître quelques récurrences : la caricature blasphématoire est tout à la fois le signe de la vigueur de la liberté d’expression mais également le révélateur des fractures d’une société. On voit apparaître les caricatures au moment des guerres de religion ou des guerres civiles. Qu’il s’agisse d’Henri III ou de Louis XVI, elles annoncent souvent le sang même si elles ne le font pas couler. Ce que le blasphème contre l’Islam de Charlie Hebdo comporte cependant de neuf c’est que, désormais, ce ne sont plus les cibles des caricaturistes qui se font tuer mais les caricaturistes eux-mêmes.

    Illustration : Marianne avide de sang impur et chargeant à la baïonnette, tendrement appelée Rosalie selon une charmante chanson de Botrel. Les Poilus s’en servirent peu.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Résister par la Culture : L'Album des Éphémérides, L'aventure France racontée par les Cartes...(200 photos).

    FRANCE SATELLITE.JPGIl s'agit dans cet album de donner aux Français qui l'ont perdue, ou qui ne l'ont jamais reçue - notamment les jeunes - la fierté de leurs origines, dans toutes leurs facettes, brillantes ou sombres; mais pour avoir cette fierté de ses racines, encore faut-il les aimer; et, pour les aimer, encore faut-il, d'abord, les connaître.

    Or, notre Ministère de la des-Éducation nationale supprime maintenant l'Histoire de France - après l'avoir racontée, mais faussée, travestie, dénaturée... dans ses manuels pendant plus d'un siècle; et notre Système croit et proclame que la France commence en 1789/1792; et il s'est bâti, pensé et voulu contre nos racines profondes.

    Il ne s'agit donc pas, avec cet album, d'une encyclopédie qui prétendrait à la perfection et se proposerait de tout dire sur tout : bien au contraire, il s'agit d'un album "politique" au sens où il se propose de montrer à ceux qui en doutent, qui n'y croient pas ou plus, qui la nient ou la combattent, la réalité de cette France charnelle, héritée et venue du fond des âges. 

    C'est la défense de cet Héritage, et la volonté de le poursuivre et de le faire vivre aujourd'hui qui fonde et justifie notre combat politique.  

    Après l'Introduction, déjà présente sur la page d'accueil de l'album, on va donc tâcher de présenter, d'une façon correcte et juste :

     

    1. : "notre Préhistoire",  ou "la France" bien avant "la France" (22 photos) : le paléolithique et le néolithique, l'Homme de Tautavel, la Dame de Brassempouy, les antenéanderthaliens, l'Homme de Cro-Magnon, les Grottes de Lascaux, la Grotte Chauvet et la Grotte Cosquer, les mégalithes du Sud-Ouest et de Corse... ce qui nous amènera jusqu'au premier peuplement connu avec certitude sur le sol de ce qui deviendra "la France" : le peuple basque.

     

    2. : "notre Antiquité" (30 photos) : avec l'histoire des Celtes, le premier peuplement significatif, et la base démographique véritable du futur peuple français, de la future Nation française; et leur rencontre avec les Grecs, puis les Romains, puis le Christianisme : ou, bien avant que Lutèce/Paris ne devienne notre capitale, quand nos lointains ancêtres s'abreuvaient déjà aux sources intellectuelles, morales, mentales et spirituelles de nos trois autres capitales : Athènes, Rome et Jérusalem... 

     

    3. : "notre Moyen-Âge" (première partie, 20 photos) : de la chute de l'Empire romain aux Croisades et aux États latins d'Orient, en passant par la Peste de Justinien, Clovis, Dagobert, Charlemagne, les Wisigoths et les Normands, l'établissement des Capétiens, Aristote au Mont Saint-Michel, les Chemins de Saint Jacques...

     

    4. : "notre Moyen-Âge" (deuxième partie, 22 photos) : la "révolution communale", Philippe Auguste, Aliénor d'Aquitaine et les Plantagenêts, l'art roman et l'art ogival ou "français", Saint Louis, les empires de Cluny et de Cîteaux, la Croisade des Albigeois, la Guerre de Cent ans, les Papes en Avignon, la grande peste de 1348, et Louis XI qui triomphe de la Maison de Bourgogne, agrandit la France et fonde la Poste... 

     

    5. : de la Renaissance et François premier à Henri IV (14 photos) : Paix perpétuelle avec la Suisse après Marignan, mais une guerre de deux siècles avec la maison d'Autriche commence, contre l'Empire de Charles Quint; éclosion de la Renaissance : les châteaux de la Loire; les grands navigateurs : Verazzano, Champlain, Cartier, et les "échelles du Levant"; agrandissements territoriaux, et Guerres de religion... 

     

    6. : des Traités de Westphalie, l'apogée, aux Traités de 1815, le désastre (32 photos) : les Traités de Westphalie, le Canal du Midi, l'art baroque, des Versailles partout en Europe, les cartes de Cassini, le génie de Vauban, la marche vers le Rhin et les "Réunions" de Louis XIV, mais aussi deux pages "noires" : la Guerre des Camisards et le "commerce triangulaire"; les Atlas de Trudaine; les 80 "départements carrés", Paris livrée à la Terreur, la France soulevée contre la Convention; la Vendée, première Résistance contre le Totalitarisme; l'Empire napoléonien, triomphe de l'hubris, s'achève dans le désastre des Traités de 1815 et la France diminuée et occupée; comparaison instructive entre la France après Richelieu et la France après Napoléon et la funeste Révolution...

     

    7. : le XIXème siècle, de 1814/1815 à la Guerre de 1914 (18 photos) : la Belgique, "dernier cadeau de la monarchie"; la conquête de l'Algérie; le Canal de Suez et celui de Panama; Quérétaro : désastre au Mexique; la défaite de 1870, la perte de l'Alsace-Lorraine et Strasbourg devenu un "glacis anti-français"; le premier Tour de France, Tour de la France; la Guerre de 14 : le quart Nord-Est de la France dévastée, le martyre de la cathédrale de Reims; les Dardanelles, l'autre "Front"... 

     

    8. : de 1939, le plus grand désastre de notre Histoire, à maintenant : après les dernières péripéties, essai d'état des lieux de la France d'aujourd'hui (21 photos) : la Ligne Maginot, ou l'illusion de la sécurité; l'effondrement de 1940; la "geste" de la 2ème D.B.; l'Empire Français en 45; l'Algérie française : essai de bilan; l''Europe des six"; depuis 1955, des "Régions", curieux mélange de retour aux Provinces et d'aberrations technocratiques; le choix du nucléaire, et le port spatial européen en France, à Kourou; avec les DOM/TOM, une présence sur les cinq continents, la France deuxième puissance maritime mondiale, et... trois Rois en France !; les langues régionales et la langue française dans le monde; la France à Rome et à Jérusalem; depuis Henri IV, le co-Principat d'Andorre...

     

    9. : "Rêves d'Empire" et "Aux marges du Palais" (20 photos) :

     Pour le meilleur et/ou pour le pire, la France s'est projetée, à l'extérieur de ses frontières métropolitaines, sur les quatre autres continents; mais, à la différences des Anglais ou des Espagnols, ce qui a manqué à cette "projection" ce ne fut ni la hardiesse, ni le courage, ni l'ingéniosité, mais le nombre, la démographie. Si les Espagnols ou les Anglais ont volontiers émigré dans leurs nouvelles colonies - et, à certaines époques, massivement... - il a fallu, en France, recourir à des expédients parfois douteux (faire appel à des condamnés, voire des forçats et bagnards..) pour étoffer des troupes de "colons" toujours insuffisantes, vu l'immensité des territoires à peupler, après les avoir découvert et conquis... Il ne reste donc que des "rêves d'Empire" aux Indes, aux Amériques, en Extrême-Orient, mais ce qui aurait pu être, et n'a pas finalement pas été, fait aussi partie des pages sombres et glorieuses de notre Histoire, et doivent être connues comme en faisant partie intégrante...

    Il restera à parler enfin de ces territoires de taille et d'importance très différentes, qui sont situés en dehors mais en marge, en lisière, du "cher et vieux pays" : ces territoires, à certaines époques, auraient pu, ou dû, devenir français, et faire partie aujourd'hui de la France. L'Histoire - du moins jusqu'à aujourd'hui... - ne l'a pas voulu, ne l'a pas "fait"; ces territoires entretiennent de ce fait malgré tout - volens nolens... - une certaine relation, particulière, avec la France : ce sont ces terres "aux marges du Palais", pour paraphraser la chanson....

    10. : deux-centième et dernière photo : "Et maintenant ?..." :

     

    L'aventure France racontée par les cartes....

    Cliquer sur l'image, pour visualiser l'album...

    lafautearousseau

  • Éphéméride du 6 juillet

     Le Jardin des Plantes, aujourd'hui

     

     

    1626 : Aux origines du Jardin des Plantes 

     

    Jean Hérouard et Guy de la Brosse, tous deux "médecins et apothicaires" de Louis XIII, obtiennent du Roi l'autorisation de fonder un Jardin de simples, les "simples" étant ces plantes médicinales, ou, si l'on préfère, des "variétés végétales aux vertus médicinales" : le Jardin des Plantes est né, même si ses appellations varieront par la suite

    Neuf ans plus tard, en 1635, un Édit royal de Louis XIII lui confère le statut de "Jardin royal des plantes médicinales" et, en 1640, il est ouvert au public : entre temps, Jean Hérouard et Guy de la Brosse en ont fait une véritable école de botanique, d'histoire naturelle et de pharmacie.

    Il sera appelé Muséum national d'Histoire naturelle à partir de la Révolution, et s'étend aujourd'hui sur 23,5 hectares, comprenant une Ménagerie, des Serres tropicales, une Galerie de Minéralogie et de Géologie... ainsi que les collections du duc d'Orléans - celui qui aurait été Philippe VIII - grand voyageur, explorateur et naturaliste, léguées par lui au Muséum à sa mort, en 1927.

    Jean Hérouard et Guy de la Brosse - et Louis XIII aussi... - auraient sans aucun doute été bien étonnés si on leur avait dit, à l'époque, qu'un jour lointain, presque quatre siècles plus tard, un Guide touristique fameux écrirait de ce qu'ils venaient de mettre au monde :

    "Véritable caverne d'Ali Baba, le Jardin des Plantes est un lieu privilégié : en combinant culture et plaisir, il met la science à la portée de tous. Bref, une authentique machine à remonter le temps, histoire de savoir comment on en est arrivé là... un voyage au pays des merveilles, dans le temps comme dans l'espace." 

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    Site officiel :

    http://www.mnhn.fr/museum/foffice/transverse/transverse/accueil.xsp

     

    Et aussi :

    http://www.jardindesplantes.net/ 

     

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    1794 : Début du martyre des religieuses d'Orange

     

    Entre le 6 et le 26 juillet, sur les quarante et une religieuses arrêtées, 32 seront assassinées, jusqu'à ce que la Convention elle-même ordonne l'arrêt des exécutions, juste avant la chute de Robespierre.

    Elles ont toutes été béatifiées collectivement par Pie XI, le 10 mai 1925.

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    Dans la cathédrale Notre-Dame d'Orange... 

    http://nouvl.evangelisation.free.fr/martyrs_orange.htm

     

    Le mardi 9 juillet 2019, la Ville d'Orange, sous l'impulsion de son Maire, Jacques Bompard, a inauguré le Mémorial de la Terreur, devenant ainsi la première ville de France à (voir l'Éphéméride du 9 juillet) à "manifester" la réalité du terrorisme révolutionnaire, "le chaos explosif des révolutionnaires" dont parlait Gustave Thibon, auquel succède aujourd'hui "le chaos figé des conservateurs du désordre"...

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    "Qui te craint, ô guillotine,

    À mon avis, a grand tort;

    Si tu nous fais grise mine,

    Tu nous conduis à bon port.

    Si tu nous parais cruelle,

    C'est pour notre vrai bonheur;

    Une couronne éternelle

    Est le prix de ta rigueur."

    (Soeur Théotiste, une des 32 Martyres d'Orange)

     

     

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    1809 : Fin de la bataille de Wagram, commencée la veille

     

    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre XVII, Le Consulat et l'Empire :

    "...Il faudrait des volumes entiers pour raconter ces campagnes qui s'engendraient l'une l'autre et dont aucune ne décidait rien. À peine Napoléon eut-il rétabli la situation militaire en Espagne et ramené Joseph qu'il dut laisser ses lieutenants aux prises avec les rebelles. L'Autriche, encouragée par les difficultés de la France, était encore une fois entrée en guerre, et l'empereur dut se rendre des bords de l'Èbre aux bords du Danube. Les préparatifs de l'Autriche avaient été sérieux.

     

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    Ce n'était pas un adversaire négligeable. La journée d'Essling fut pénible, la victoire de Wagram coûteuse (juillet 1809). Mais une autre complication sortait de cette victoire. Pour frapper plus sûrement l'Autriche, Napoléon s'était servi contre elle de Poniatowski et des Polonais. Comme au dix-huitième siècle, la Pologne altérait notre politique et nos alliances, et, depuis les partages, elle réunissait toujours la Russie, la Prusse et l'Autriche.

    Alexandre, resté neutre pendant la guerre austro-française, veillait sur la Galicie, et, déjà déçu par l'abandon des projets sur la Turquie, s'inquiétait d'une résurrection de la Pologne. Alors, si la Russie n'était plus pour Napoléon une alliée fidèle, si elle refusait de s'associer au blocus continental, elle devenait une ennemie et alors il faudrait la battre à son tour. L'idée de vaincre l'Angleterre par l'Europe et l'Asie, la mer par la terre, conduisait à ces conséquences, absurdes à première vue, pourtant logiquement liées..." (sur ce funeste "Blocus continental", instauré par le Décret de Berlin, voir l'Éphéméride du 21 novembre)

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    Au-delà des sentiments  - réels - qui unissent français et polonais, "tant qu'il y a une Pologne à partager, Moscou c'est Berlin, Berlin c'est Moscou..." (Bainville)
     
     
     
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    1866 : Naissance de Charles Mangin  

             

    Lorrain - né à Sarrebourg le 6 juillet 1866 - Mangin prit la tête de la Xème Armée au printemps 1918, et participa à la seconde bataille de la Marne : c'est lui qui réalisa la célèbre contre-attaque du 18 juillet à Villers-Cotterêts, qui brisa l'armée allemande.

    Vainqueur dans l'Aisne à l'automne, il libéra Soissons et Laon et rompit le front ennemi, mais l'armistice annula son offensive prévue en Lorraine. Il entra à Metz le 19 novembre, atteignit le Rhin à Mayence le 11 décembre, occupa Mayence et la rive gauche du Rhin en décembre 1918 : il encouragea les autonomistes allemands qui voulaient créer une République rhénane, contre les nationalistes prussiens, politique refusée et empêchée par les Anglo-Américains...

    Mangin mourut subitement, et bizarrement, en mai 1925 à Paris, au cours d'un repas au restaurant, la rumeur publique parlant même d'un "empoisonnement". La politique française était alors celle du Cartel des gauches (Herriot, Painlevé, Briand), qui succédait à la Chambre bleu horizon de la Victoire, et Maurras et surtout Daudet, qui ne s‘en cachait pas, fondaient de réels espoirs sur lui…

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    http://cavaliers.blindes.free.fr/profils/mangin.html

     

    Dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet voir la photo "Mangin, qui avait conçu l'Etat rhénan"

     

     

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    1885 : Louis Pasteur vaccine pour la première fois contre la rage 

     

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    Il sauve ainsi un petit berger alsacien de 9 ans, Joseph Meister : fort de son succès, il réalisera plus de 350 inoculations en un an et profitera de sa renommée pour lancer une souscription, qui permettra de créer l'Institut Pasteur...

     

    http://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-vaccins-leurs-effets-notre-systeme-immunitaire-696/page/13/

     
     
     
     
     
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    1886 : Naissance de Marc Bloch
     
     
    "...Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération..."
     
    "La France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J'y suis né, j'ai bu aux sources de sa culture. J'ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux." (L'Étrange défaite, septembre 1940).