UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Le Journal du Dimanche rend compte du séjour toulonnais du Prince Jean....

                A lafautearousseau, on l'a décidé une fois pour toutes: on se réjouit de tout le bon et de tout le positif dans ce qui arrive, même si, pour le reste, en notre for intérieur, on n'en pense pas moins... Cela nous vaut, régulièrement, d'être appelé blog optimiste, ce qui ne nous gêne pas, à cette nuance près -de taille, tout de même...- que nous préférons le terme d'Espérance, mais, bon...

                 Le dimanche 31 janvier, le motif de satisfaction est venu de la bonne demie page que le Journal du Dimanche a consacrée au séjour toulonnais du Prince (la page 12, pour être précis). Certes, deux ou trois choses, dans l'article, sont ce qu'elles sont. Mais, appliquons notre principe, et ne boudons pas notre plaisir. Il est positif -et révélateur- que le JDD, sans qu'on lui demande rien, ait jugé que la visite du Prince à Toulon méritait qu'on l'évoquât, et qu'on en rendît compte. Et ce qui transparaît, dans cette demie-page, à côté d'un ton parfois moqueur, ironique ou condescendant, c'est que le Prince agit, travaille, va à la rencontre des gens; même modestes, même de ceux qui vivent dans des HLM; et qu'il parle aussi -et qu'il écoute: très important, l'écoute...- avec des animateurs socioculturels....

                Une chose malgré tout, pour Mathieu Deslandes, le journaliste qui a écrit l'article: Nous ne rêvons pas d'un "retour de la Monarchie". La Monarchie de Saint Louis, de François premier, d'Henri IV et de tous les autres rois, la Monarchie appartient à l'Histoire. De la France et de l'humanité. Ce à quoi nous rêvons -et travaillons...- c'est à une ré-instauration de la Monarchie. C'est radicalement différent. Pas de restauration, d'une chose qui est derrière nous; une instauration, ou ré-instauration, de ce qui apparaît de plus en plus comme le recours, quand on voit l'état désastreux dans lequel la république idéologique à mis la France.

                Et, là, la Monarchie n'est pas derrière nous, elle est devant nous. La république idéologique a vieilli, terriblement vieilli, et -surtout- terriblement mal vieilli. Il n'a pas tenu ses promesses, ce merveilleux système au nom duquel les Révolutionnaires ont causé la mort de 700.000 personnes, instauré le Totalitarisme et organisé le premier Génocide des temps modernes, matrice de ceux d'Hitler, de Staline, de Mao, de Pol Pot.... 

                Et c'est parce que nous constatons ce désastre; parce que nous voyons qu'on a fait tout ça, pour ça; que les Bastille se comptent maintenant par dizaines et par centaines; que les féodalités de tous ordres dictent leur loi à un "semble Etat", qui, de toutes façons, n'a plus guère de pouvoir; que les dettes et déficits colossaux du Système font précisément de ce Système un voleur... etc... etc... que nous voulons, non pas restaurer quelque chose d'hier, mais instaurer quelque chose de nouveau, pour aujourd'hui et pour demain.

                Le nouvel Ancien Régime, monsieur Deslandes, c'est aujourd'hui, et c'est cette république idéologique à bout de souffle.

                Comme le dit le Prince Jean , dans son livre, que vous citez: "La Monarchie est une idée neuve en Europe..." (page 214, chapitre XI, Institutions).

    FORAIN CARICATURE.jpg
    La belle jardinière, caricature de Forain

    (1) : Est-ce l'émotion: dans la version internet, pendant quelques heures, ce fut une photo du Prince Eude, avec son épouse Marie-Liesse, qui apparut, sous-titrée Jean d'Orléans ! Là aussi: mais, bon....

    Voici l'article de Mathieu Deslandes:
    pjjdd.jpg
    Deux fois par mois -dit la légende, illisible ici- Jean de France parcourt l'Hexagone;
    Dans le Var, il s'est rendu dans une cité difficile (ci dessus),
    puis a rencontré des notables (à gauche)
    La tournée du "vrai Prince Jean"

    Mieux connaître ses sujets, telle est la volonté de l'héritier des princes de France. Et c'est ainsi que Jean d'Orléans a grimpé les étages d'une HLM de Toulon.

    Des mains baguées de chevalières tapotent des applaudissements: Son Altesse Royale le prince Jean de France vient d’achever sa conférence. Dehors, la nuit camoufle la rade de Toulon. Une dame perdue dans une immense fourrure bondit sur ses Mephisto: elle veut une dédicace du " vrai Prince Jean". Le vrai ? "Pas celui de Neuilly", glousse-t-elle.

    Pour s’adresser à l’héritier du trône de France, les silhouettes se font raides et les voix pointues. "Lors de ce genre de séances, il y a toujours des monarchistes, des curieux et des zinzins, énumère le Prince. Beaucoup veulent me toucher... " Qu’ils sachent donc que Jean d’Orléans (son nom civil) n’a pas hérité du pouvoir de guérir les écrouelles.

    "Quelque chose de sacré émane de lui", affirme pourtant un jeune entrepreneur varois, au bord de l’asphyxie dans son nœud Windsor. "Vous réalisez qu’il a dans son sang des traces des gènes de saint Louis ?" Peu de gens reconnaissent dans la rue ce grand garçon au front large et à la gentillesse hors d’âge. Mais ceux qui savent qu’il est l’arrière-petit-fils de l’arrière-petit-fils de Louis-Philippe disent ressentir un effet particulier. Et cela, partout où il passe.

    A raison de deux visites par mois en moyenne, Prince Jean parcourt la France à la rencontre de ses sujets. Ce week-end, il est à Lille. La semaine dernière, il était à Toulon. Dans chaque ville, les militants de son association Gens de France (humour princier !) assurent la logistique. Les consignes sont toujours les mêmes. Servir au Prince des repas sans gluten ni lactose ("sinon vous aurez un régicide sur la conscience"). Et lui composer "un patchwork de rencontres", afin de mieux connaître les réalités "politiques, spirituelles, sociales et militaires de notre pays". Y compris ses marges.

    "La France est monarchiste de coeur et républicaine de raison"

    Un brin fébrile, son comité d’accueil toulonnais le conduit donc "au cœur d’un quartier difficile", Sainte-Musse. Grande première: le Prince monte dans un appartement d’une tour HLM, où vivent des animateurs socioculturels. Il les écoute parler de leur mission. Ceux qui viennent à sa rencontre voudraient des oracles et des grands discours. Mais la plupart du temps, Prince Jean reste silencieux. "Il est sans cesse en rétention verbale", confirme le docteur Jean Gugliotta, un de ses conseillers. "Il est un citoyen ordinaire. En même temps, il a mille ans d’histoire familiale sur les épaules et tout ce qu’il dit se trouve chargé d’une portée particulière." Aussi entre-t-il plus que prudemment dans la vie. A 44 ans, l’héritier des Capétiens vient seulement de se marier, d’avoir un enfant, Gaston, et de ramasser dans un livre* ses convictions, globalement fidèles aux enseignements de l’Église.

    " Et le retour de la monarchie ?" Aristocrates et roturiers, royalistes et républicains, tous finissent par formuler la question. Au risque de décevoir ses plus fervents soutiens, Jean d’Orléans dresse un constat lucide: "Pour moi, la monarchie est une espérance. Il me manque cependant les circonstances et la volonté populaire. Pour l’instant, la France est monarchiste de cœur et républicaine de raison..."

    En attendant que l’histoire sonne à sa porte, ce fan de U2 est sollicité pour évoquer son aïeul Henri IV: on célèbre cette année le quatre centième anniversaire de la mort du Vert-Galant. C’est un début. "Jean IV" préférerait exercer un magistère moral. Mais entre la protection de l’environnement "à la manière d’un Al Gore", la défense du patrimoine culturel, de la francophonie ou celle des personnes handicapées (il a un frère et une sœur concernés), son cœur balance encore.

    Comme son grand-père avant lui, il rêve de la présidence de la Croix-Rouge, "en tout cas d’une grande institution où je pourrais délivrer une vision à long terme, alors que les politiques ont le nez dans le guidon". Entre une bruschetta au foie gras et un mignon de veau aux morilles, il précise: "Je pourrais apporter de la sérénité et… oui, me faire connaître."

    * Un Prince français, Pygmalion, 240 pages, 19,50 euros.

  • 153 Députés contre le rap poubelle...

                Nos lecteurs se souviennent que, suite à notre note "Tendres rappeurs, rap d'amour....." (Catégorie "Réagir au processus de dé-civilisation"), un lecteur nous avait envoyé le document suivant :  rapfrancaisJB.pdf  que nous avions publié dans la note "Rap "français" (?!).....", le 18 septembre dernier (toujours dans la Catégorie "Réagir au processus de dé-civilisation").

    violences rap francais.jpg
    (extrait d'un site internet spécialisé (!) dans le rap...):  "... LIM, lui, n’hésite pas à utiliser la vulgarité, afin de bien illustrer ses idées prônant la violence plutôt que la parole, comme dans sa chanson "Nique lui sa mère".....

               "En route pour un voyage au bout de la vulgarité, de la haine, de la barbarie -écrivions-nous alors- pour un pays mental où l'on a définitivement franchi les bornes de ce que Finkielkraut appelle le processus de dé-civilisation. Et, comme dirait l'autre, on sait que lorsque les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites !...

                Mais attention, "ils" sont chez nous, et "ils" tiennent des quartiers, des zones entières de nos villes et campagnes. La République danse sur un volcan..., avons-nous souvent titré: pense-t-on sérieusement que "ça" n'aura pas, forcément, certaines conséquences ?....."

                Un autre lecteur nous a envoyé récemment, à ce sujet, le courrier d'un député qui, avec un nombre important de ses collègues, essaie de "faire quelque chose" pour nettoyer les écuries d'Augias d'un Système qui, non seulement ne fait rien pour éradiquer sérieusement de telles insanités, mais encore -par le bais de subventions multiples et d'une politique (?) de démission généralisée et de laxisme écoeurant encourage et favorise de facto cette vulgarité, cette dé-civilistaion  dont parle Finkielkraut.

                On s'étonnera juste que le député Gonnot appelle "chanson" ces monceaux d'ordures et d'insanités. Et qu'à 153, sur un sujet pareil, ils ne fassent pas plus de bruit à l'Assemblée. Mais l'initiative méritait malgré tout d'être notée.....  Commentaire de fin ? Comment appelle-t-on un Système qui tolère "ça" ? Qui ferme les yeux sur "ça" ? Une seule solution : l'expulsion !

                Voici le texte.

    François-Michel Gonnot, Député UMP de l’Oise.

    Je figure parmi les quelques 153 députés UMP qui ont demandé il y a plusieurs mois au Ministre de la Justice – jusqu’ici sans succès - que des poursuites judiciaires soient ouvertes contre quelques groupes de rap qui, dans des chansons que fredonnent les banlieues et qui se vendent même à la FNAC, insultent gravement notre pays et menacent nos compatriotes de façon totalement inacceptable.

    Les membres de ces groupes sont étrangers ou d’origine étrangère. Ils ont été accueillis dans notre pays et y font aujourd’hui fortune en vendant leurs insanités. On ne peut accepter, et aucun gouvernement au monde n’accepterait, de tels faits. Jugez par vous-même, et attention c’est souvent « hard » :

    I : LE GROUPE 113 - Extrait de leurs chansons (!!!!!) :

     

    j' crie tout haut : " J'baise votre nation " 
    L'uniforme bleu, depuis tout p' tit nous haïssons 
    On remballe et on leur pète leur fion. 
    Faut pas qu'y ait une bavure ou dans la ville ça va péter, 
    Du commissaire au stagiaire: tous détestés ! 
    A la moindre occasion, dès qu' tu l' peux, faut les baiser. 
    Bats les couilles les porcs qui représentent l'ordre en France.

     

    II : LE GROUPE SNIPER - Extrait de "J'aime pas" :

    J'aime pas ce pays la France et le latin, son système son baratin. 

     

                                        Extrait de leur "La France" :

     

    Pour mission exterminer les ministres et les fachos
    La France est une garce et on s'est fait trahir 
    On nique la France sous une tendance de musique populaire 
    Les frères sont armés jusqu'aux dents, tous prêts à faire la guerre 
    Faudrait changer les lois et pouvoir voir Bientôt à l'Élysée des arabes 
    et des noirs au pouvoir. Faut que ça pète ! 
    Frère, je lance un appel, on est là pour tous niquer
    La France aux français, tant qu' j 'y serai, ça serait impossible. Leur 
    laisser des traces et des séquelles avant de crever.

    Faut leur en faire baver

    v' la la seule chose qu'ils ont méritée.
    T'façon j'ai plus rien à perdre, j'aimerais les faire pendre. Mon seul 
    souhait désormais est de nous voir les envahir. Ils canalisent la révolte 
    pour éviter la guerre civile. 

    III : SALIF - Extrait d'une de ses "chansons" (!) :

    Allez-y, lâchez les pitts, cassez les vitres, quoi 
    Rien à foutre, d' façon en face c'est des flics 
    C'est U.N.I.T.Y., renoi, rebeu, babtou, tway 
    Mais si on veut contrôler Paris, tu sais que ça sera tous ensemble. Ca y 
    est les pitts sont lâchés, les villes sont à chier, les vitres sont
    cassées, Les keufs sont lynchés, enfin, ça soulage, Faut que Paris crame. 
    On redémarre la guillotine, pire qu'à Djibouti. La
    France pète, J'espère que t'as capté le concept. 

    IV : Ministère Amer - Extrait de "Flirt avec le meurtre" : 

    j'aimerais voir brûler Panam au napalm sous les flammes façon Vietnam 
    tandis que ceux de ton espèce galopent où 24 heures par jour et 7 jours 
    par semaine J'ai envie de dégainer sur des f.a.c.e.s d.e c.r.a.i.e
    dommage (...) que ta mère ne t'ait rien dit sur ce putain de pays me
    retirer ma carte d'identité, avec laquelle je me suis plusieurs fois 
    torché.

    V : SMALA - Extrait de "Du miel les abeilles" : 

    La France est un pays de pute
    Mafia K'1 fry
    j' suis fier d'être rebeu. J'peux pas trahir mon couscous au lait caillé.
    J'ai passé toute ma jeunesse à racaille (...) 
    Comme le gros Nacine, le gros Nordine, mes potos 
    Les Algériens, danger ils ont du mal à nous gérer 
    Les Algériens, danger le passé on l'a mal digéré

    VI : LUNATIC - Extraits de "Temps mort" :

    ALLAH à Toi seul l'homme doit toute son adoration, les vrais savent. On 
    a pas oublié, l'or que le pape porte au cou est celui qui nous a été 
    pillé. Allo c'est B2O encore en chien d' chiennes, les hyènes ressentent 
    la tumeur et moi j' suis d'humeur palestinienne. 
    Qui veut la paix, prépare la guerre, j' te l' rapelle.
    vote pour emmener les porcs à la morgue, 
    Eh négro ! C'est l'heure d' manger, 
    Brûler leur sperme en échantillons, souder leurs chattes 
    J'suis pas le bienvenu, mais j' suis là,(...),
    j' suis venu manger et chier là. 
    Quand j'vois la France les jambes écartées j' l' encule sans huile. Z'ont 
    dévalisé l'Afrique... J'vais piller la France Tu m' dis "la France un
    pays libre" (...) attends-toi à bouffer du calibre. J'rêve de loger dans 
    la tête d'un flic une balle de G.L.O.C.K. 

                            Extraits de "Mauvais Oeil" : 

    Les colons nous l'ont mis profond. A l'envers on va leur faire, 
    On est venu récupérer notre dû
    Dans vos rues on va faire couler votre pu
    Attends toi à plus d'un attentat 
    Ici en France, loin des ambiances "pétard" 14 juillet
    Microphone ouvert et nos actions s'amorcent féroces
    A.L.I., Booba, Lunatic, Hauts de seine, on te saigne. 
    Extraits de leur chanson "Guerre/Jihad" :
    on repartira avec leur argent, leur sang et
    leurs pes-sa (sapes=fringues)
    La France n'est pas territoire neutre.

  • Républicain, comme ils disent… Du FN au PS, une querelle politique absurde, selon Frédéric Rouvillois

    fn-republique-ps-philippot.jpg

    Hier, mardi 10 février, paraissait à la Une de Causeur, et sous ce titre même, l'article de Frédéric Rouvillois que l'on va lire. Brillante et spirituelle analyse qui, à propos de l'adjectif républicain conclut par cette formule lapidaire et radicale que nous faisons nôtre :« Une bulle de savon. Rien de plus. » Lafautearousseau

    Transformé en chef d’Etat « jupitérien » par la grâce de l’événement, notre ex-« Président normal », comme les Sages, les Pythies et  les Prophètes, s’exprime désormais par énigmes. Après avoir consacré sa conférence de presse du 5 février dernier à célébrer le mystérieux « esprit du 11 janvier », il a ainsi répondu à une question sur la législative partielle du Doubs par une formule à peine moins obscure : « Il y a des partis qui sont dans la République, ceux qui concourent aux suffrages sont dans la République, ont des élus dans la République, ont le droit, donc, d’avoir des candidats, et donc des élus. (…).  Mais est-ce à dire que tous les partis sont pleinement dans les valeurs de la République ? Non. Adhérent aux valeurs de la République ? Non. Au moins, à toutes les valeurs ? Sûrement pas.» Aussitôt, l’aphorisme est contesté par Florian Philippot, invité sur une radio périphérique à commenter la conférence de presse : en l’occurrence, réplique le vice-président du Front national, ceux qui se targuent d’être républicains sont justement ceux qui ont renoncé à l’être en acceptant de noyer la France dans l’Union européenne et qui, par là même, ont renié le principe républicain par excellence, la souveraineté nationale.

    Étant donné la fréquence avec laquelle on utilise le mot « républicain » et les graves conséquences que l’on en tire, le débat n’est pas sans intérêt. Mais lequel des deux a raison ? Hollande et les ennemis du Front national, qui lui reprochent de ne pas l’être même s’il profite de la République, et qui n’hésitent pas à appeler au front « républicain » pour lui faire barrage ? Ou Philippot et les siens, qui accusent ces républicains autoproclamés d’avoir délaissé, au profit d’une mondialisation oligarchique, ce qui ferait l’essence et le cœur même de la république?

    Dans l’absolu, ni les uns, ni les autres – dans la mesure où la notion de « république » s’avère aussi floue, aussi incertaine et finalement à peu près aussi inconsistante que celle de « démocratie ». Du reste, la petite querelle du 5 février n’est pas sans rappeler les interminables controverses du temps de la guerre froide, où les Etats socialistes (qui se qualifiaient de démocraties populaires) et les régimes libéraux (dits démocraties pluralistes) s’accusaient les uns les autres d’usurper le titre de démocratie, et prétendaient en être les seuls titulaires légitimes. Et encore le mot démocratie fournit-il quelques pistes pour savoir ce qu’il faut entendre par là, et qui peut s’en prévaloir : la démocratie, nous rappelle l’étymologie, est un système dans lequel le pouvoir appartient au peuple, démos. Pour le mot « républicain », les choses paraissent beaucoup plus aventureuses : personne ne peut dire ce que c’est, pas même l’imposant Dictionnaire critique de la république paru il y a quelques années, qui renonçait purement et simplement à définir son propre objet. 

    Pourrait-on, au moins, commencer par dire que la république est le contraire de la monarchie héréditaire? Même pas : en 1576, Jean Bodin intitule ce qui deviendra le plus célèbre traité de philosophie politique d’Ancien régime Les Six livres de la République, utilisant ce terme comme synonyme d’État, res publica, quel que soit le régime politique de ce dernier. Il n’y a pas d’incompatibilité : sur les pièces de monnaie que Napoléon Ier fait frapper à son effigie, on lit ainsi, côté face, Napoléon Empereur, et côté pile, République française. C’est aussi l’époque où un théoricien révolutionnaire rallié à Bonaparte, Roederer, invente la notion de « monarchie républicaine », et démontre dans un essai que l’hérédité n’entraîne pas une augmentation du pouvoir du « Chef de la République ».

    Mais alors, si la république, ce n’est même pas cela ? Eh oui : cela peut être tout et n’importe quoi, les États-Unis et l’URSS, la Chine populaire et la république de Saint Marin, la DDR et la république de Salo, Sade et Savonarole, la démocratie et l’aristocratie. La république, explique sobrement le Dictionnaire de l’Académie française en 1831, c’est, tout bonnement, « un État gouverné par plusieurs ».

    Dans ces conditions, on devine qu’il est assez délicat de savoir qui est « républicain », qui ne l’est pas, ce que pourraient bien être les « valeurs républicaines » et qui pourrait être en mesure d’en juger. Naguère, un éminent professeur de droit s’était interrogé sur la signification de l’article 89 alinéa 5 de la constitution, selon lequel ne saurait faire l’objet d’une révision «  la forme républicaine du gouvernement » ; au bout du compte, il fut bien obligé de constater le caractère insaisissable de la notion : cette « forme républicaine » inclut-elle le caractère national de la souveraineté (auquel cas le transfert de celle-ci à l’Union européenne serait impossible) ? L’organisation parlementaire du régime ? Le scrutin majoritaire à deux tours ? L’existence d’un Sénat et d’une juridiction constitutionnelle ? Le système de sécurité sociale et la retraite par répartition ? C’est comme on veut. Open bar. 

    Au passage, on note que certains de ces éléments se rencontrent également dans des systèmes politiques non-républicains, où personne n’aurait l’idée de les nommer ainsi. On qualifie de « républicain » ce qui, en France, est pratiqué en République, mais qui pourrait être qualifié autrement dans une monarchie : c’est ainsi que notre célèbre « méritocratie républicaine » est appelée « méritocratie royale » au Maroc – bien qu’elle n’ait en soi aucun lien nécessaire avec la république, pas plus d’ailleurs qu’avec la monarchie. 

    En fait, le terme républicain, dont on veut faire un indépassable critère du bien politique et moral, s’avère entièrement relatif, aussi bien dans l’espace que dans le temps.

    C’est ce que laissait deviner l’autre soir, à la télévision, une sortie du journaliste Christophe Barbier, l’homme qui parle toujours dans le sens du vent. Celui-ci déclarait en effet que, de nos jours, font partie intégrante des valeurs républicaines le refus de la peine de mort, le droit du sol comme mode d’acquisition de la nationalité et l’adhésion à une évolution fédérale de l’Europe. À ces mots, Florian Philippot, présent sur le plateau, manqua de s’étrangler avec la fameuse écharpe rouge de Christophe Barbier : de fait, il aurait pu rétorquer que le droit du sol fut institué en France sous François Ier, et que c’est sous la république, avec le Code civil de 1804, que fut établi le droit du sang, lequel ne sera pas remis en cause par la IIe République. Le droit du sol comme critère de républicanisme ? Dans ce cas, l’une des plus vieilles républiques du monde, la Suisse, ne serait pas républicaine, pas plus d’ailleurs que l’Italie ou l’Autriche.

    En bref, ce qui est républicain ici ne l’est point là-bas, ce qui l’était hier ne l’est plus aujourd’hui : plaisantes valeurs qu’une rivière borne!

    Autre exemple : si une approche fédéraliste de l’Europe est aujourd’hui un marqueur républicain, on peut supposer que tel n’était pas le cas en 2005 : ou alors, il faudrait en déduire que 56% des électeurs, ayant rejeté le projet de constitution européenne, n’étaient pas républicains à ce moment là. C’est du reste cette relativité qui permet à Alain Juppé d’excommunier sans états d’âme le Front national comme non-républicain au motif qu’il défend actuellement les thèses que lui-même développait autrefois, dans les années 1970-1980, lorsqu’il était l’étoile montante du Rassemblement pour la République. La question étant de savoir si le républicain d’aujourd’hui le sera toujours après-demain.

    Au total, l’adjectif républicain n’est donc pas grand-chose d’autre qu’un label. Une étiquette que l’on s’attribue, sans contrôle, pour démontrer que l’on est dans le camp du bien. Et que l’on refuse à ses ennemis afin de donner au combat que l’on mène, ou à leur exclusion, un vernis politique et une teinture morale. Une bulle de savon. Rien de plus.  

    L'auteur       

    frederic-rouvillois.jpg

    Frédéric Rouvillois est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

    * Image (du haut) : wikicommons.

  • L'ÉCHEC DES GOUVERNANTS par HILAIRE DE CRÉMIERS

    Les tours de passe-passe ne prennent plus.

     

    H D C - Copie.jpgLe feuilleton grec risque de s'achever en drame et chacun sait qu'une tragédie grecque est d'allure cosmique et de sens universel. Encore faut-il en comprendre la portée ! 

    L'affaire grecque est le caillou dans la chaussure de l'Europe. Il lui blesse le pied depuis des années. C'était un petit caillou, croyait-on; de peu d'importance, ajoutait-on. La blessure ulcérée est devenue énorme et, maintenant, le caillou sorti ou pas sorti - il sortira évidemment et il faudra même qu'il sorte -, la plaie envenimée risque de gangrener toutes les parties basses et faibles de l'organisme européen. L'affaire est très mal partie parce que, dès le début, elle était très mal engagée. Les conséquences sont imprévisibles dans leur totalité. C'était, pourtant, cette possibilité de détérioration et cette imprévisibilité même des suites qu'il fallait précisément prévoir.

    Les dirigeants français comme les dirigeants européens n'ont rien su voir ni prévoir. Les discours tenus, il n'y a pas encore un mois, étaient d'une affligeante nullité. Personne ne reviendra dessus, ce qui serait pourtant le plus sûr, le plus juste et le plus terrible des jugements. Ni Sapin, ni Moscovici, ni Hollande, ni Juncker ne supporterait un tel examen critique. Tout ce monde-là s'est trompé et lourdement trompé. Leurs prédécesseurs pareillement.

    Parce qu'ils se sont toujours sortis des échéances précédentes, mais en aggravant à chaque fois les échéances suivantes, ils s'imaginaient et s'imaginent encore - même aujourd'hui - qu'il y aura des solutions et la crédulité publique se satisfait de cette facile persuasion.

    Comme il est écrit dans ces colonnes régulièrement et depuis presque huit ans, l'astuce maléfique de part et d'autre des partenaires européens a été d'entretenir une subtile et constante confusion entre liquidité et solvabilité. Chacun y avait avantage. Il était si facile de dire et de se dire qu'il suffisait d'approvisionner en liquidités pour que les problèmes soient résolus, ce qui permettait, en outre et en compensation, aux bailleurs de liquidités d'exiger des réformes structurelles de toutes sortes dans le cadre d'un technocratisme libéral qui est le fin mot de la doctrine bruxelloise et, de plus, surtout dans les débuts, d'obtenir des retours fort avantageux sur investissernents ou sur prêts, en tout cas pour les malins.

    Un tel système ne pouvait fonctionner qu'un temps. C'est que la réalité grecque se ramenait, en fait, à une question de solvabilité et, comme toujours en pareil cas, l'insolvabilité, quand elle est niée. ne cesse de s'accroître et, même en supprimant une partie considérable des dettes, l'échéance fatale survient inéluctablement et brusquement avec des chiffres démesurément grossis. Qu'on veuille bien se souvenir des chiffres d'il y a seulement quatre ans ! La machinerie européenne, à en croire les financiers de l'époque, n'aurait dû en faire qu'une bouchée !

    CONSÉQUENCES INCALCULABLES 

    Aujourd'hui les créances sur la dette grecque sont tout simplement irrécouvrables. Les Grecs le savent et ils veulent se donner les moyens de l'annuler - ou équivalemment de la reporter indéfiniment -, politiquement par un référendum, économiquement par un chantage sur l'économie européenne, financièrement par une pression sur la zone euro qui pourrait aller jusqu'à l'explosion. Les mois qui suivent seront décisifs, que la Grèce sorte de la zone euro ou même qu'elle prétende y rester d'une manière ou d'une autre. Dans le premier cas elle provoque un choc sur le système des dettes dont nul ne peut appréhender les séismes consécutifs, dans le second cas, elle continue de plomber le même système et sans fin. Tout cela est évidemment absurde. Et signale amplement l'échec d'une politique insensée et de toute une doctrine qui sert de justification à l'élite dirigeante européiste depuis trente ans. La catastrophe sera à l'échelle de l'illusion qui a été savamment entretenue.

    Il ne sert à rien de stigmatiser Tsipras : ses prédécesseurs, socialistes ou conservateurs, ont créé avec la complicité des eurocrates, la situation qu'il tente éperdument de dénouer comme un politicien qu'il est. Dire que la Grèce remontait la pente au prétexte que les circuits financiers avaient été allégés, relève de la supercherie. Car les chiffres sont implacables. L'euro n'était tout simplement pas une monnaie faite pour la Grèce. Et, d'ailleurs, la situation sera identique bientôt dans le reste de l'Europe, malgré les efforts demandés aux peuples. 

    Se gargariser avec des déficits primaires dont on dit qu'ils sont réduits ou supprimés, ne transforme pas le poids réel de la dette, ni n'évite l'écrasement des économies. Les comptables de Bruxelles en sont au trafic de bilans. Ou, comme nos politiques et nos financiers, aux assurances verbales. C'est toujours du genre bien connu : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». Ni l'Italie ni la France ne sont en état de supporter un choc sur leur dette souveraine. Surtout si la spéculation s'y met. La vérité est que leur dette, comme celle de la Grèce, n'a plus de prise sur la réalité. Les astuces de Mario Draghi ne changent pas les données fondamentales : les liquidités déversées par milliards ne servent pas concrètement à l'économie, malgré tout ce qui se dit, et n'améliorent pas la solvabilité d'un pays quand il est devenu en fait totalement insolvable. La dette française, comme celle de beaucoup d'autres pays, mais elle plus que les autres, est insoutenable : c'est du simple bon sens. Elle ne se réduit pas, elle se prolonge, s'installe dans la durée, s'alourdit et se refinance... jusqu'à quand. 

    PÉRILS POUR LA FRANCE 

    Il n'y a que François Hollande et son creux de Sapin pour croire et faire croire que l'économie française redémarre et, en plus, dit-il ingénument, grâce à lui ! Les chiffres d'activité passagère ne signifient rien. Ce qui est certain, c'est l'effondrement de pans entiers de l'économie nationale et la disparition incessante de postes d'emplois dans la vie des entreprises. Les gens avertis savent, en outre, que les sanctions stupidement prises par l'Europe contre la Russie pour complaire aux Américains, vont coûter plus cher aux Européens qu'aux Russes. Les exportations en sont frappées. Malgré le mépris évident des États-Unis pour l'Europe - l'affaire des écoutes n'en est qu'un détail mais qui l'illustre parfaitement -, le traité transatlantique, qui les avantage de toutes les façons, sera accepté comme tous les précédents par nos dirigeants sans culture et sans honneur. 

    Alors que le malaise français se ressent à tous les niveaux, dans les villes, chez les commerçants et les artisans, dans le fond des campagnes, dans toutes les entreprises petites, moyennes et grandes dont quelques-unes sont littéralement bradées, alors que les familles sont atteintes jusque dans leurs enfants livrés aux diktats imbéciles d'un gouvernement sans âme, ni foi, ni loi et que l'Académie française se voit dans l'obligation - rarissime - de rappeler à l'ordre, alors surtout que les risques intérieurs se conjuguent aux risques extérieurs que plus personne ne peut raisonnablement évaluer et que, pendant ce temps, pourtant, l'intérêt du chef de l'État comme de toute la classe politique se porte essentiellement sur les futures élections dont, évidemment, la présidentielle, la guerre civile commence chez nous. La première décapitation a eu lieu, sous les yeux effarés des Français. L'islamisme profite de la dislocation sociale de notre pays. Qui en est responsable ? Quelle politique intérieure, quelle politique extérieure ont abouti à ce résultat ? Le pape François a raison de souligner la responsabilité écrasante des dirigeants occidentaux qui, ne travaillant jamais que pour leurs intérêts et leurs ambitions, ont tout simplement oublié le bien commun. À quand de vrais chefs ? • 

    Politique magazine

     

  • En lisant Philippe de Villiers

     

    par Hilaire de Crémiers

    Dans Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu, Philippe de Villiers exprime tout son dégoût d’un système corrompu et corrupteur. Mais, au-delà du réquisitoire, se dégage un discours de politique empirique.

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgUn livre vient de paraître dont la pertinence politique est aujourd’hui d’une absolue évidence. Accessible à tous. Le moment est venu de dire ce que j’ai vu (Albin Michel) de Philippe de Villiers éclaire de l’intérieur le drame français. Comment se fait-il que la France, l’un des pays les plus puissants au monde, soit arrivé à ce point de décrépitude en quelques décennies ?

    Philippe de Villiers, sans faire de théorie, en expose les causes, en livrant le récit – haut en couleurs, il est vrai – de ce qu’il a vécu. Son expérience personnelle d’homme politique suffit, mais d’un homme politique qui a l’innocence de croire à ce qu’il dit et l’intelligence de donner du sens à ce qu’il fait. Apparemment, c’est extrêmement rare. Incompatible, en tout cas, avec le système en vigueur.

    « L’emburenage » politicien

     La classe politique française dans son ensemble – il y a toujours des exceptions – a renoncé à la France. Ceux qui vivent de la politique, en faisant allégeance au régime tel qu’il est, se privent de la liberté première d’être tout simplement français. Consciemment, inconsciemment, c’est ainsi. Des théories absconses dont leurs esprits inconsistants se satisfont et qui fixent tous leurs comportements intellectuels et politiques en les orientant sur on ne sait quel sens de l’histoire, leur ont fait perdre tout sens de la France.

    De Giscard à Hollande, en passant par Mitterrand, Chirac et Sarkozy, c’est manifestement la même fausse logique qui les a tous entraînés à mépriser concrètement la France pour ne prendre en considération que des évolutions générales, dites « modernes », dont le monde, d’après cette théorie simpliste, serait porteur : une sorte d’hégélianisme et de marxisme à la mode libérale et capitaliste, un « sous-Ricardo » indéfiniment revu et corrigé, au gré des circonstances, par les économistes et les penseurs à la mode, leur tient lieu de pensée.

    Rien de français dans ce ragoût idéaliste et matérialiste, les deux à la fois, composé fondamentalement de salmigondis anglo-saxons et germaniques. Mais y- a-t-il encore une pensée française ? Est-il seulement permis de penser français? Les quelques journalistes et intellectuels français, même venus de la gauche, qui commencent à se rendre compte de cet effroyable esclavage de la pensée, s’insurgent à juste titre. Est-ce là l’aboutissement de la République ?

    Eh bien, telle qu’elle fonctionne, oui ! Les vertus dont ils pensaient créditer le régime, n’étaient, en effet, qu’à mettre au crédit de la France. Les politiciens ont toujours vécu de cette ambiguïté : la France vraie, la République de principe, le régime sordide dont ils vivent. La France vivait et vit encore avec ses familles, ses soldats, ses industriels, ses commerçants, ses artisans, ses agriculteurs, ses professeurs et instituteurs, ses magistrats, ses gens de justice, ses ingénieurs, ses ouvriers, ses patrons…

    Cette réalité ne demande qu’à vivre, à prospérer et à se perpétuer dans ses hautes traditions qui savent, d’ailleurs, par elles-mêmes , parfaitement se renouveler ; mais, là-dessus, se hausse un monde politicien qui n’est, dans sa combinaison partisane, qu’une super structure inutile et qui vit sur la « bête ». Seuls ceux qui sont en charge d ’intérêts collectifs réels peuvent appréhender ce qu’est réellement la politique. Mais les professionnels de la politicaillerie – généralement des nantis intouchables de la fonction publique –, sont en réalité des monstres.

    Des forcenés qui ne vivent que pour satisfaire leurs ambitions. Voilà l’origine du malaise des Français, de la société française, jusque et y compris dans sa vie morale et artistique. Ça commence à se dire et à se savoir, tant mieux ! Il suffit de lire Villiers. L ’affaire des colonnes de Buren est de ce point de vue emblématique. De gauche , de droite, ces gens-là nous « emburenneront » jusqu’au cou !

    À voir par exemple, le sort réservé chez nous à un Maurice Allais, l’économiste – prix Nobel – qui a tout prévu de ce qui allait se passer, il apparaît à l’évidence qu’une réflexion française, propre à la France et, par ailleurs, bénéfique pour les nations, ne saurait même être envisagée par la dogmatique dite « républicaine » qui impose aujourd’hui ses articles de foi et son système d’inquisition.

    Cette dogmatique qui ose se dire « française », est totalement aliénée, dépendante de quatre ou cinq lieux communs qui bêtifient les esprits, privent les Français de toute vraie liberté et les livre aux forces ennemies, sur notre territoire même, à l’islamisme singulièrement, au mondialisme financier pareillement.

    Entrer en dissidence

    Une telle pensée, totalitaire à l’intérieur, tout en faisant de la licence sa règle, est, par nature, sur l’extérieur, perméable à toutes les influences étrangères ; elle se laisse dicter ses principes de conduite par les grands cercles mondialistes – est-il besoin de les énumérer ? – et qui, comme par hasard, sont au service d’intérêts économiques énormes, multinationaux, transnationaux, qu’aucun scrupule n’embarrasse ; ils détruisent tout sous leurs rouleaux compresseurs : les peuples, les nations, les moeurs, les lois, les coutumes, les habitudes de vie, les civilisations. Transformer le monde en masses indifférenciées de consommateurs-producteurs, voilà le but. L’immigration de masse ne gêne pas les cosmopolites apatrides!

    Ainsi les dirigeants français, ont-ils tout cédé à une Europe technocratique qui ne leur appartient même plus, sauf à y faire une carrière personnelle juteuse, une Europe qui, d’ailleurs, ne s’appartient plus elle-même et qui s’apprête à se livrer entièrement aux États-Unis et, au-delà, à un vaste ensemble globalisé dont la loi ne sera plus que le profit, l’argent, Mammon : les riches, selon l’aphorisme ricardo-marxiste, devenant toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres.

    Bien sûr, la théorie officielle vous explique doctement que, malgré tout, tout le monde s’enrichit ! En attendant, la France, elle, s’appauvrit. Le « fric », d’un côté, les lois « sociétales » de l’autre, tout ça marche ensemble ; et les financiers qui font marcher cette machine et dont le tartuffe d’Hollande est l’obligé, sont devenus nos maîtres. La France, un pays libre ? Allons, soyons sérieux! Et Bruxelles ? Villiers en fait le tableau : le « Bruxelles » officiel où les lobbies sont à la manoeuvre, avec, au coeur, « le fric » et « LGBT », toujours la même chose!

    Le « Bruxelles » officieux et secret dont il raconte une séance nocturne pour y avoir assisté de manière impromptue ; là, seul y est admis le gros argent mondialisé, avec ses sbires, ses profiteurs, ses maîtres patentés, ses doctes stratèges, tableau sinistre et pourtant d’une drôlerie criante de vérité! Le livre de Villiers est rempli d’anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres, tristes quant au fond, car il s’agit de la France, comiques quant aux personnes concernées, car elles sont ridicules dans leur suffisance insupportable.

    Le régime le veut ainsi : ce sont nos gouvernants ! Leur morgue dissimule mal leur vaniteuse vacuité. Mais voilà : ils ont appris des « trucs » pour gagner. Gagner des élections, gagner de l’argent, gagner des places, gagner des honneurs qu’ils s’attribuent entre eux. « Gagner et, après, on verra », telle est leur formule. Aucune noblesse d’âme, aucune élévation d’esprit, aucune vision historique, aucun sens du bien commun.

    Quelle galerie de portraits, quelle verve à la Daudet! Vouloir le bien dans un cadre pareil non seulement est impossible, mais ne fait que précipiter la catastrophe. Que les tenants d’un redressement national se le tiennent pour dit. C’est l’heure de la dissidence, prévient Villiers. Retenons ce mot de dissidence. De l’Est, elle doit passer à l’Ouest. 

    Directeur de Politique magazine

  • Le dangereux programme du candidat Macron ... S’il est appliqué, les classes moyennes seront laminées

    Matériel de campagne d'Emmanuel Macron à Marseille, avril 2017. SIPA.

     

    Par Roland Hureaux 

    Après avoir dit notre opposition à Macron, il faut surtout en formuler les raisons Etudier, analyser, avec méthode, précision et lucidité, ses idées, son programme, ses orientations, c'est ce que fait ici Roland Hureaux [Causeur 24.04]. Que nous ne puissions pas voter pour Emmanuel Macron, dans quinze jours n'est pas, alors, le plus important. Ce qui est important, est que, s'il est élu, nous aurons à combattre sa politique pour la durée d'un quinquennat.  LFAR      

     

    1871659358.jpgL’annonce en fanfare du programme d’Emmanuel Macron avait tout pour impressionner:  500 experts, 3000 ateliers avec, paraît-il, la participation de 30 000 Françaises et Français. Fallait-il tant de monde pour aboutir à un résultat aussi creux ?

    Il suffit d’écouter les Français pour connaitre leurs principales préoccupations, finalement assez simples : chômage et baisse des revenus, immigration, éducation, justice et sécurité, lourdeur de la pression fiscale et donc des dépenses publiques, système social pléthorique et désordonné.

    Le pédagogisme toujours roi

    Sur tous ces sujets majeurs, peu ou pas de propositions sérieuses.  Rien sur la justice, rien sur l’immigration (et comment cela intéresserait-il Macron qui a félicité Merkel d’avoir ouvert largement ses frontières ?), aucune réponse aux attentes des « travailleurs pauvres », immigrés compris, qui ont le sentiment frustrant d’être moins bien traités que les assistés. Rien par ailleurs sur la famille et la politique familiale –  et donc aucune perspective de revenir sur sa destruction par les socialistes.1 Et il n’est guère question de politique étrangère : pour quoi faire ? Macron compte poursuivre la politique d’alignement servile sur l’OTAN qui a valu à Hollande le mépris universel. Est seulement proposé un « quartier général européen »: pour faire la guerre à qui ?

    Sur la sécurité, les rares propositions sont d’une pauvreté affligeante : retour à la police de proximité (dite « police de sécurité quotidienne »), « ne plus tolérer les incivilités », plus vite dit que fait. « Toute peine prononcée sera exécutée », mais encore faut-il que ces peines soient prononcées, ce qui n’est pas évident aujourd’hui vu les dérives de la justice, dont Macron ne s’émeut pas.

    Sur l’éducation, à quoi sert de proclamer que l’on donnera « la priorité à l’école primaire » si on n’en change pas les méthodes, ce dont il n’est nullement question ? Ou de donner plus d’autonomie à des chefs d’établissement habitués à ne pas faire de vagues ? Ne sont remis en cause ni les méthodes pédagogiques aberrantes, ni le tronc commun, ni la réforme désastreuse du collège par Najat Vallaud-Belkacem, ni celle des rythmes scolaires, réformes que même Jean-Luc Mélenchon veut abroger.

    Pas question non plus de « la France périphérique », provinciale et rurale, qui souffre et dépérit : on peut imaginer que le quart des départements qu’il projette de supprimer sont de cette France-là.

    L’affaiblissement de l’Etat

    Les Français croulent sous les impôts : le programme prévoit de supprimer la taxe d’habitation, la seule que tous, Français et étrangers, payent. Il prévoit aussi la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 % et, comme Fillon, l’abrogation de l’ISF. Quoique cela ne soit pas dit, Macron envisage de compenser ces baisses par un super-impôt foncier. Moins d’impôts pour le haut et le bas de l’échelle, encore plus pour les classes moyennes, soit les 58 % de Français ayant un bien foncier, qui seront un peu plus laminés.

    Sur les 96 propositions, 27 annoncent une augmentation des dépenses, presque aucune ne tend à les réduire; il est seulement question de « lutter davantage contre la fraude fiscale ou sociale », ce qui laisse supposer que le ministre Macron ne le faisait pas assez. Propositions dépensières : augmenter le minimum  vieillesse de 100 € par mois, augmentation de  l’allocation adulte handicapé de 100 €  aussi, extension du  bénéfice de l’assurance chômage à ceux qui démissionnent, remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires,  plan de 5 milliards pour la santé, de 5 milliards pour l’agriculture,   grand plan d’investissement de 50 milliards, 2% du PIB pour la défense nationale (précisément l’objectif fixé par l’OTAN), soit au moins 20 milliards de plus. Ajoutons : « Nous augmenterons les salaires de tous les travailleurs, des ouvriers, des employés » d’un 13ème mois. Le Fonds pour l’industrie et l’innovation, prévu en sus, sera financé par la vente des participations  de l’Etat dans les industries stratégiques, ce qui va encore affaiblir sa capacité de manœuvre. De politique industrielle, il est à peine question chez celui qui a autorisé la cession d’Alstom à General Electric.

    Comme Marine Le Pen et à la différence de François Fillon, Emmanuel Macron maintient la retraite à 60 ans, sans même exiger, comme elle, 40 ans de cotisation.

     

    L’Europe, l’Europe…

    Macron a beau promettre de « construire une Europe qui développe nos emplois et nos économies », qui « protège nos industries stratégiques », on sait bien qu’elle a fait le contraire jusqu’ici. Il ne servira donc à rien de réunir « des conventions citoyennes pour redonner un sens au projet européen » (toujours le peuple ignare à qui on a mal expliqué les choses !) si le logiciel de l’Europe de Bruxelles n’est pas revu en profondeur.

    François Fillon est pour le maintien de l’euro mais il intègre à son programme les disciplines que cela implique (abrogation des 35 heures, retraite à 65 ans, réduction de la fonction publique). Emmanuel Macron est pour l’euro mais sans les disciplines qu’implique son maintien. Marine Le Pen les refuse aussi mais se propose de mettre fin à l’euro. François Fillon et Marine Le Pen, chacun à leur manière, sont cohérents. Emmanuel Macron, lui, ne l’est pas. Si son programme était appliqué, il ne lui resterait qu’à faire comme François Hollande : attendre le retour de la croissance pendant cinq ans en regardant d’un air désolé grimper chômage et déficits, ce qu’il faisait comme principal conseiller économique de l’actuel président.

    Autres contradictions sur l’Europe : il propose que les agriculteurs « soient payés au prix juste » et ne vivent plus de subventions, alors même que c’est Bruxelles qui a imposé en 1992 la réforme de la PAC laquelle a remplacé la rémunération par les prix par une rémunération par les primes. Comment d’ailleurs concilier ces intentions avec la volonté d’étendre le libre-échange à travers l’accord économique et commercial global (CETA), traité euro-canadien qu’il est le seul candidat à soutenir et qui fera encore baisser les prix ?

    Hollande en pire

    Loin de laisser espérer plus de liberté, le programme d’Emmanuel Macron annonce en outre, entre les lignes, le resserrement de toutes les contraintes bureaucratiques et idéologiques liées à la pense dominante: environnement (50 % de produits bios dans les cantines ou mise à la casse des vieilles voitures), parité à tous les étages, non-discrimination à tout va : « Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale » ; et même discrimination positive sous la forme d’ « emplois francs » pour les ressortissants de certaines banlieues. Le nom des entreprises ne respectant pas la parité homme/femmes sera rendu publique.  Evaluation systématique des services publics dont on sait le  caractère arbitraire des critères. En perspective, une société orwellienne où la pression du politiquement correct se fera encore plus étouffante. Bonjour le candidat jeune et libéral !

    Tout cela est assorti, ficelle un peu grosse, de quelques propositions ponctuelles clinquantes: interdiction de téléphones portables à l’école primaire et au collège (et au lycée ?), ouverture des bibliothèques le soir et les week-ends, un pass culturel (ce que font déjà beaucoup de maires), remboursement des lunettes et des prothèses dentaires à 100%. L’enseignement du fait religieux à l’école, vieille lune là aussi, fait craindre des abus.

    Rares propositions positives : le rétablissement de classes bilingues, promis aussi par François Fillon, et la limitation des sessions parlementaires.

    En résumé, ce programme, souvent flou et toujours démagogique laisse apparaître le prolongement et même l’aggravation des tendances majeures du quinquennat Hollande : immigration non contrôlée, déclin du système éducatif, explosion de la délinquance, sacrifice des familles et dénatalité, alourdissement des dépenses publiques et de la fiscalité, persistance d’un volant de chômage, système social injuste, police de la pensée. C’est ce qui explique sa pauvreté, mal masquée par le « bling bling » : la société du spectacle, chère à Guy Debord, est plus que jamais « en marche ».

    La philosophie générale de son programme est claire : davantage d’Europe et d’ouverture des frontières (aux hommes, aux marchandises, à la finance), pour une société mondialisée où la France, coupable de crimes contre l’humanité et qui, dit-il, n’a pas de culture propre, ne pèsera guère. Tout ce que demande le peuple… 

     
    * Sauf les familles immigrées principales bénéficiaires des allocations « ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin », les natifs pauvres n’ayant plus guère d’enfants. 

    Roland Hureaux
    essayiste

  • Entretien • Marin de Viry : « Le roi, c’est la France telle que l’éternité l’a voulue »

     

    Entretien - d'un grand intérêt, notamment pour nous, royalistes - paru dans l'Action Française 2000 [[n° 2951 du 16 Mars 2017]]].

     
    Redoutant la faillite de l’État, Marin de Viry appelle à lever l’hypothèque qui pèse sur l’avenir. Dans cette perspective, il explique qu’un roi, facteur d’unité, contribuerait à redonner à la France la confiance qui lui manque.

    Un roi immédiatement : tel est le titre de votre dernier livre. La Ve République ne répondrait-elle plus à sa définition de monarchie républicaine, conciliant un exécutif fort avec les exigences d’un parlementarisme raisonné ?

    La Ve République n’a plus rien à voir avec le régime que les constituants avaient imaginé en 1958. Pas seulement pour des raisons institutionnelles – certes, les institutions ont un peu évolué et l’Europe a changé la donne –, mais aussi et surtout à cause de l’esprit politique qui a conduit depuis quarante ans à hypothéquer d’abord l’avenir – pardon de parler d’argent, mais je pense à la dette que nous allons rembourser encore longtemps, nos enfants naissant avec plus de 30 000 euros de dette publique dans leur berceau –, ensuite le présent – c’est-à-dire les politiques que nous n’avons plus la capacité de mettre en place en raison de cette dette – et enfin le passé – le capital qui nous a été transmis et que nous allons dilapider pour payer cette dette. Aucun régime ne résiste à une dette aussi énorme que la nôtre, qui touche à la fois l’héritage, l’action présente et l’action future. Le quantitatif agresse le qualitatif, la civilisation est menacée par notre compte en banque, et le scandaleux destin de la Grèce nous pend au nez. Quand vous êtes en quasi-faillite, vous n’avez plus d’espace politique, plus de souveraineté, vous n’avez plus le droit de penser votre avenir tout seul. Le roi est nu. Il ne vous reste qu’à espérer que le régime a assez de force pour redresser la situation. La Ve République était un régime supposément fort et équilibré. Pas sûr qu’il résiste au stress de la faillite. Quant au parlementarisme raisonné, l’expression avait un sens quand l’exécutif était raisonnable et les parlementaires exagérément généreux : les parlementaires dissipaient, l’exécutif gardait, et les finances publiques étaient bien gardées. Aujourd’hui, les deux dissipent…

    La Ve République vous semble avoir laissé de côté la société civile. Une monarchie vous semblerait-elle mieux à même de laisser vivre et se développer les élites du pays réel ?

    Le pays réel… Je ne vais pas vous taquiner là-dessus. Disons plutôt le pays du principe de réalité. Le pays des Français qui ont une certaine idée d’eux-mêmes, de leur réalisation, de leur idéal, et qui se frottent aux réalités. Quand d’une part les réalités deviennent très dures et l’idée qu’ils se font de leur réalisation est méprisée, et que d’autre part la source de ce mépris et de ces difficultés est la même, c’est-à-dire tout ce qui est “officiel”, où il y a le gouvernement mais aussi les médias et la vie culturelle, alors le résultat est mécanique, politique, humain, ce que vous voulez, mais il est clair : ils détestent cette source. D’aucuns l’appellent le “système” ; dans le système, le principe de réalité n’agit pas, tout simplement. S’il agissait, nous aurions le sentiment d’une certaine raison dans les politiques et d’une certaine stabilité dans la situation. Dans l’idéal, la monarchie apporterait une réponse à cette question, en distinguant les citoyens – ou les sujets, je ne suis pas très regardant sur la terminologie – qui seraient véritablement utiles ; et au sommet, véritablement nobles, c’est-à-dire ayant administré la preuve qu’ils font passer leur honneur, lequel est toujours au service des hommes et donc de la société, avant leur intérêt personnel. Le principe de réalité, c’est tout simplement le champ d’application de l’intelligence pratique qui vise un principe. Je vise quelque chose, j’ai des moyens pour le réaliser et je cherche la bonne combinaison. Quand j’écoute beaucoup de responsables politiques, je me dis que l’intelligence les a désertés. Non pas qu’ils soient idiots, mais l’esprit de l’intelligence ne leur est tout simplement pas utile pour réussir. Il leur suffit de se promener avec des grilles de lecture en l’air, comme des cerfs-volants, pour réussir.

    Par sa présence, écrivez-vous dans votre livre, le roi fait peuple. Pouvez-vous préciser votre pensée ?

    C’est d’abord un vieux paradoxe : nous serions plus unis, donc plus peuple, par un roi catholique qui n’aurait pas été choisi que nous ne le sommes par un président qui a été choisi, mais pas par tous, et qui a une durée de légitimité de plus en plus faible. Le roi est à l’abri des trolls de Facebook et d’ailleurs qui font et défont la popularité. Ensuite, c’est une affaire de métaphysique : le roi, c’est la France telle que l’éternité l’a voulue. Pas une sorte de communauté de rencontre que l’on traîne d’accident en accident jusqu’à son éventuelle disparition matérielle. Il faut croire que Dieu a voulu la France, ou alors c’est un nom de marque comme Coca-Cola. Enfin, le roi est une personne, et la république un mot. Le hasard ou la providence, l’éternité, l’incarnation : sous ces trois idées, dans un pays donné, chacun peut se sentir le voisin de l’autre.

    Vous demandez un roi immédiatement. Il y a donc urgence selon vous… Quels sont les principaux défis que notre pays a à relever ?

    Un seul : celui d’une belle conscience de lui-même, car il le mérite. Généreuse, forte, intelligente, humble, entreprenante, ardente : les idées de démocratie directe et de monarchie peuvent beaucoup contribuer à introduire ces adjectifs dans la conscience collective et individuelle. Dans ce pays, il nous manque un sommet et une base. Nous avons un milieu en perdition, qu’on appelle le système. Il faut s’en débarrasser sans haine, avec des idées claires sur la manière dont plus de libertés donneraient de meilleurs résultats dans tous les domaines. Mais ne perdons pas de temps.

    Votre conception de la royauté est solidaire de votre foi catholique : la laïcité ne vous semble-t-elle pas avoir tenu ses promesses ?

    Ce qu’il faut garder de l’esprit de la laïcité, c’est qu’aucune puissance ne doit être autorisée à prendre le contrôle des consciences. L’Éducation nationale doit continuer d’exister, avec le mandat de développer les connaissances, la capacité critique de chacun, mais en lien étroit avec la notion d’intérêt général ; elle doit cultiver une discrétion bienveillante, prudente, respectueuse, en ce qui concerne les croyances de la personne et de la famille de la personne. Il se trouve qu’être citoyen n’épuise pas les aspirations de la personne. La laïcité laisse un vide et laisse une liberté. Laissons le roi donner l’exemple d’un vide comblé, et laissons les hommes libres de le combler à leur guise. Sacrons le roi, et laissons les hommes reconnaître Dieu, ou pas. Garantissons la permanence de la présence du catholicisme en France, et laissons l’Église polariser les âmes si elle le peut. Mais c’est bien au christianisme catholique que nous devons donner les clefs des symboles, c’est-à-dire de l’union de ce qui est séparé. Le lien entre l’homme et Dieu, entre les hommes, entre les sexes, entre la France et les Français. En un prodigieux travail multiséculaire, le catholicisme a délégitimé la violence, a donné à chacun les clefs d’un destin individuel pacifique, utile, aimant, maintenu l’espérance en les fins dernières, et constamment maintenu l’invisible présent dans le visible. Ce n’est pas assez que de rappeler que le catholicisme est dans nos racines. Il est ce que nous sommes. Un roi catholique, c’est le début de la fin de la haine de nous-mêmes. 

    Marin de Viry, Un roi immédiatement, éditions Pierre-Guillaume de Roux, mars 2017, 144 pages, 18,50 euros.

  • Retour sur l'élection d’Emmanuel Macron : les clefs d’une victoire en trompe-l’œil

     

    Par Aristide Leucate

     

    3266751844.3.jpgTout ça pour ça, serait-on tenté d’affirmer si l’on devait résumer cette élection présidentielle par laquelle, indéniablement, la France a manqué son rendez-vous avec l’histoire. Comme si, finalement, ataraxie rimait avec apathie, changement avec continuité. Sur le plan de la philosophie politique, ce scrutin n’interroge pas moins la notion de légitimité du pouvoir issu du suffrage universel, comme la légitimité même de ce suffrage universel dans la désignation du pouvoir.

    Bien que les médias mainstream aient, à l’unisson, fait outrageusement campagne (directement ou indirectement) pour Emmanuel Macron et soient tombés en pâmoison sitôt les résultats proclamés, hissant leur champion sur le pavois démocratique, il convient de rabattre ce triomphe romain artificiellement gonflé aux gaz hallucinogènes de la société du spectacle à sa signification réelle. Le nouveau président de la République n’a été élu que par un tiers des Français. Si l’on additionne les 47 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales avec les 9,5 millions de non ou de « mal » inscrits (ce qui constitue le « corps électoral potentiel »), on observe que près de 30 millions de personnes se sont abstenues (environ 12 millions), ont voté blanc ou nul (4 millions) ou ont porté leur suffrage sur la candidate du Front national (10,6 millions). Quant aux seuls électeurs inscrits (environs 47 millions), plus de 14 millions se sont expressément prononcés en défaveur d’Emmanuel Macron dont le score (66 %) se trouve, à bien y regarder, à équidistance relative de celui de Marine Le Pen (34 %) et de l’abstention, second parti de France avec un peu plus de 25 %. À vaincre sans péril, l’on triomphe sans gloire, écrivait Corneille. La formule est d’autant plus à propos qu’Emmanuel Macron a bénéficié d’un traitement médiatique préférentiel, soit par élision (au plus fort de l’affaire Fillon, il a été tranquillement abandonné aux babillages communicationnels de ses meetings et des éléments de langage savamment distillés par ses conseillers), soit par rejet a priori, Marine Le Pen (sans préjudice de ses objectives fautes personnelles et tactiques) cristallisant, par principe, tout ce que le système abhorre en elle tout comme les idées qu’elle défend avec son parti.

    Légalité sans légitimité

    Dès lors doit-on admettre, a minima, que si Emmanuel Macron a été légalement élu au regard de notre démocratie formelle et procédurale, il ne peut prétendre à la pleine légitimité de son sacre, sauf à analyser la légalité comme une simple métonymie de la légitimité. Max Weber avait, d’ailleurs, parfaitement envisagé ce cas de figure lorsqu’il écrivait que « la forme de légitimité actuellement la plus courante consiste dans la croyance en la légalité, c’est-à-dire la soumission à des statuts formellement corrects et établis selon la procédure d’usage » (Économie et société, tome I, 1922,). L’on voit comment, par ce biais, il est aisé de choir dans ce que Carl Schmitt appelait, sous Weimar, le piège de la légalité. Macron, comme ses prédécesseurs, ne pourra compter que sur la force de la loi, fût-elle injuste, pour asseoir une autorité présidentielle battant structurellement de l’aile depuis Sarkozy et Hollande. Mais il lui sera bien plus difficile qu’à ses devanciers de s’adosser à la majorité plus une voix du pays, qui procurait, grosso modo, à ceux-là un supplément d’âme compensatoire à leur impuissance politique. Cette élection présidentielle aura eu pour insigne mais funeste mérite de démontrer que le fond du gouffre politique n’est jamais totalement atteint tant qu’une excavation de plus grande envergure n’aura pas entamé l’inaltérable noyau des grands équilibres socio-anthropologiques. À cette aune, ce quinquennat à peine balbutiant s’annonce riche de catastrophes, non pas tant, nécessairement, par leur amplitude ou leur intensité que par leur propriété intrinsèque consistant à ajuster minutieusement celles déjà survenues, soit, en d’autres termes, à les aggraver considérablement. Le nouveau gouverneur de notre hexagonale province ne répondra nullement aux diverses crises sismiques (migratoires, sociales, identitaires, économiques, morales, pour ne citer que les principales) menaçant ces grands équilibres précités.

    La France paradoxale

    Néanmoins, même dans une démocratie aussi impure que la démocratie représentative, toute légitimité – fût-elle étroitement conditionnée dans son expression électorale – prend sa source – même quelque peu tarie ou dévoyée par tout un système marémoteur de digues ou de barrages légaux et réglementaires – dans le peuple. Or, force est de constater que celui-ci a singulièrement manqué à l’appel, lors même que la campagne a fait nettement ressortir deux paradigmes radicalement antagoniques : l’un représenté par le couple Macron-Fillon, plaidant pour des accommodements plus ou moins forcés, renforcés et raisonnables avec la mondialisation ; l’autre symbolisé par le diptyque Mélenchon-Le Pen, exhortant à renverser le système actuel en revenant plus ou moins à la nation. Le premier s’adressait à la France mondialisée, quand le second se faisait le porte-voix de la France périphérique, pour reprendre la fameuse dichotomie du géographe Christophe Guilluy. Or, le 7 mai dernier, ni l’une ni l’autre ne l’a emporté. Du moins, si la dernière a incontestablement mordu la poussière, la première n’a pu gagner seule. Elle a dû compter, en effet, sur une force d’appoint indispensable, cette « troisième France », grand impensé sociologique expliquant la persistance du fameux « plafond de verre » empêchant, supposément, le FN d’être majoritaire dans les urnes. Cette France, nous la qualifions de « paradoxale ». Elle est une France de l’entre-deux. Ni totalement mondialisée, car restant, par habitude familiale ou culturelle, arrimée à des vestiges de tradition ou de passé, ni franchement déclassée, prolétarisée ou délaissée, car gagnant, sinon confortablement, du moins acceptablement sa vie, même si elle ressent la nécessité d’accroître son « pouvoir d’achat » en recourant au crédit à la consommation.

    Confort petit-bourgeois

    Cette France est dite paradoxale car, sans être pleinement satisfaite de ses élites dirigeantes (qu’elles soient politiques, artistiques ou médiatiques), elle n’en est pas fondamentalement affligée. Elle n’est pas non plus foncièrement malheureuse, sans pour autant s’ébrouer dans le bonheur, comme en atteste sa consommation record de psychotropes. Cette France désire ressembler sinon rejoindre la France d’en haut, tout en la honnissant, la conspuant, la raillant. Elle ne manquera pas, cependant, ces habituels rendez-vous télévisuels, de Ruquier à Hanouna, sans oublier de se fournir chez les charcutiers-traiteurs médiatiques des opinions conditionnées prêtes à cuire de BFM TV ou de C-News. Cette France compatit, certes, au sort de la France d’en bas, la périphérique, celle à laquelle elle ne répugne pas, par romantisme ou snobisme, à s’identifier peu ou prou, soit parce qu’elle en provient (mais ne souhaite surtout pas y retourner), soit parce qu’elle la rassérène au secret et inavouable motif qu’il y a plus malheureux qu’elle, conjurant un sort semblable pour ses propres enfants. Cette France-là est avant tout éprise de son confort petit-bourgeois. Elle est intellectuellement déstructurée*, globalement inculte, anti ou a-décroissante et consommatrice frivole et compulsive, familialement recomposée. Elle est tout autant individualiste, nombriliste et narcissique que ses concitoyens de la France aisée des métropoles. Si celle-ci peut plus facilement voyager en classe affaire, celle-là tentera de la singer en montant dans les mêmes avions, via des places acquises sur les sites low-cost.

    La France des enfants gâtés

    Cette France râle, avec rage et ressentiment parfois, mais uniquement parce qu’elle ne parviendra pas à surmonter, par cupidité, âpreté ou caprice, ses frustrations consuméristes. Victime consentante du capitalisme de la séduction (selon l’heureuse expression de Michel Clouscard), elle baigne, indifférente et ravie dans la vie liquide si brillamment théorisée par le regretté Zygmunt Bauman. Bref, c’est la France des enfants gâtés qui ne savent pas que l’histoire est tragique, qui parlent sans cesse d’amour quand les pères racontaient sans cesse leurs guerres, qui disent “vous n’aurez pas ma haine” à ceux qui assassinent leurs proches remarquait aussi Éric Zemmour (RTL, 9 mai). La France des « Charlie » qui a élu un charlot…

  • MEDIAS • Charlie hebdo : des anars aux bouffons républicains... Par Grégoire Arnould*

    Charlie-Hebdo.jpg

    L'effet Charlie est largement retombé. Et parmi ceux qui au lendemain de la tuerie du 7 janvier se sont dits Charlie - ce ne fut jamais notre cas - nombreux sont ceux qui ont rapidement compris que ce slogan était une sorte de piège immédiatement imaginé par les hommes du Système pour canaliser, détourner la réaction nationale et populaire qui eût été normalement la suite de ces événements. Les positions se sont progressivement modifiées dans de nombreux cas. Et l'engouement pour Charlie n'est déjà plus aussi unanime qu'il le fut... Raison de plus pour réfléchir sur ce qu'a été, ce qu'est encore réellement Charlie hebdo. Ce que fait ici Grégoire Arnould. Et c'est fort intéressant.  Lafautearousseau

     

    La presse satirique d’après-guerre est peu importante, bien que quelques dessins soient publiés ici et là. A la fin des années 1960, une comète arrive : Hara-Kiri, qui deviendra rapidement Charlie Hebdo. Une revue qui provoque tous les types de réactions, du rire franc à l’indignation totale. Mais ce Charlie Hebdo-là n’a pas grand-chose en commun avec le titre endeuillé d’aujourd’hui…

    Au commencement était Hara-Kiri. Ses fondateurs avaient pour noms Choron et Cavanna. Des anars, des écorchés vifs qui tournaient tout en dérision. Des grandes gueules qui surjouaient toujours un peu le rire – ou la colère – quand les caméras étaient braquées sur eux. Il fallait les voir travailler ! L’Ina le permet. On ne peut que conseiller de se forger une idée en allant jeter un œil sur les archives vidéos disponibles. Vous entendrez un brouhaha terrible, vous verrez des volutes de fumées envahissantes, qui font se demander comment ils pouvaient dessiner dans un tel brouillard de tabac, et puis, un peu partout, des verres souvent plus trop remplis. Les cadavres de bouteilles, gisant à côté, ne laissent guère de doutes, on y picolait sérieusement. Sur les tables, des dessins souvent grivois, volontiers provocateurs avec tout ce qui incarnait le pouvoir : police, église, classe politique… Choron, Cavanna et leurs dessinateurs étaient, presque tous, des iconoclastes.

    Bien sûr, le mauvais goût n’était jamais loin. Souvent, même, les dessinateurs se jetaient à corps perdu dedans. Voilà, « bête et méchant », c’était bien résumé leur truc à Hara-Kiri, au début. C’est ce que leur avait dit, indignée, une lectrice. Ils avaient alors placé cette formule au fronton de leur journal. Au fond, c’étaient des sales gosses – talentueux, qu’on le veuille ou non – qui ont voulu le rester, coûte que coûte. D’ailleurs, ils se ruinaient en procès, car c’est ainsi que les choses se réglaient. Puis, ce fut la couverture de trop – pour les censeurs de l’époque –, la fameuse « une » « Bal tragique à Colombey – un mort ». Hara-Kiri, au moins sa version hebdomadaire, était interdit… mais allait vite renaître sous le titre Charlie Hebdo.

    Le pic : 150 000 exemplaires

    Avec Charlie Hebdo, ce fut une montée en puissance. C’était la France de Pompidou, puis de Giscard, à vrai dire la France d’après-mai 68. événement dans lequel, paradoxalement, un Choron, par exemple, n’avait pas vraiment grand-chose à saluer. Dans ces années 1970, les ventes atteignirent même un pic de 150 000 exemplaires. La concurrence était mince, le Canard enchaîné n’évoluait pas dans le même registre – du calembour essentiellement, que méprisaient tous les dessinateurs – et Minute bien trop éloigné sur le plan des idées pour capter le même lectorat. L’esprit de Charlie Hebdo était dans la filiation de celui d’Hara-Kiri : l’irrévérence, le mépris envers toute forme de pouvoir, l’humour immoral – ou amoral, selon ce qu’on en pense.

    Et puis Mitterrand fut élu. La prise de pouvoir par la gauche allait être fatale à Charlie Hebdo. La droite s’en allait, en même temps qu’une époque, et la bande à Choron et Cavanna perdait, là, ses cibles. Cette transition politique s’accompagnait d’une évolution de la jeunesse et des mœurs. Les jeunes générations ne les lisaient plus, les anciens lecteurs s’en étaient sans doute lassés. Charlie Hebdo s’était probablement enfermé dans une sorte de conformisme qu’il se plaisait, pourtant, à brocarder le plus possible. Les chiffres furent impitoyables : à peine 30 000 exemplaires vendus. Le début des années 80 sonnait le glas de leur aventure : ils mirent la clé sous la porte, avec une dernière « une », presque pathétique, « Allez tous vous faire… ». Un bras d’honneur de désespoir.

    Sous philippe Val, un nouveau Charlie

    Pendant une dizaine d’années, quelques journaux tentèrent de prendre la relève, sans accéder à la même notoriété. On peut penser à l’Idiot international de Jean-Edern Hallier, par exemple. C’est ce que soutient l’écrivain Marc-édouard Nabe, dans un film de Pierre Carles intitulé Choron dernière, lui qui, très jeune, publiait ses premiers dessins dans Hara-Kiri. Pour lui, l’esprit originel de Charlie Hebdo pouvait se retrouver dans l’Idiot. Mais cette aventure, initiée à la fin des années 60, se termina mal. Les relations Mitterrand/Jean-Edern Hallier l’expliquant pour beaucoup, surtout la mort du dernier…

    En 1992, en revanche, Charlie Hebdo allait renaître. Exit le professeur Choron, bonjour Philippe Val. Enfin, pas tout de suite. Le dessinateur Gébé dirigeait au début. Mais, très vite, Val allait prendre le pouvoir. Avec une équipe rajeunie (Charb notamment), mais toujours sous le parrainage des anciens, Cabu, Wolinski, Siné et Cavanna, qui semblait surtout servir de caution historique. Cela dit, ce n’était plus comme avant. Exemple typique : Philippe Val décide de tout, seul. Les « unes », c’est lui. Les choix éditoriaux, aussi. Avant, à l’époque Choron, la décision était prise à l’unanimité, le choix final se faisant parfois à deux heures du matin, comme on peut le voir dans certaines vidéos de l’époque.

    Sous Val, le ton change aussi. Le journal devient plus politique, plus engagé dans un seul sens. Il s’en prend encore au pouvoir, mais plus tout à fait de la même manière. 1995 leur offre une opportunité formidable : Chirac remporte la présidentielle. Un changement de pouvoir, une aubaine pour ce Charlie Hebdo 2.0. En parallèle, depuis les années 1980, un nouvel ordre moral et ses nouveaux bigots se sont installés. Sos-racisme était passé par là, les mouvements féministes aussi. D’ailleurs, on compte parmi les nouvelles plumes de Charlie Hebdo, les Caroline Fourest ou les Fiammenta Venner.

    Mais le journal satirique, rapidement, s’ancre dans le « système », il n’est plus tout à fait « anar ». Il milite pour l’intervention au Kosovo, pour le « oui » au référendum sur la constitution européenne. Toujours sous l’influence de Val. Le « système » n’est pas avare en récompenses d’ailleurs, si l’on suit l’ascension de Val, propulsé à la tête de France-Inter à la fin des années 2000. Les mauvaises langues expliquent que Sarkozy l’y a placé pour évincer les « humoristes » Guillon et Porte. Ironie de l’histoire ! Quelque temps avant le départ de Val, certains “historiques” du journal sont invités à prendre la porte. Siné est l’un deux.

    Raison donnée ? Antisémitisme ! La dent dure, celui qui a fondé Siné Hebdo assassine, dans une interview pour un webzine, l’évolution de Charlie Hebdo, période Val : « Ils bouffaient tous avec le pouvoir. Cabu, par exemple, était devenu très copain avec Delanoë. Charb, lui, avait mis des panneaux “interdit de fumer” partout ! » On est pas loin de l’hygiénisme. Il fallait voir, aussi, Philippe Val – encore à l’époque à la tête de Charlie Hebdo – monter les marches du festival de Cannes, entouré de BHL ou Glucksmann, avec un sourire satisfait, pour présenter le film C’est dur d’être aimé par des cons réalisé à la suite de la publication des caricatures de Mahomet.

    Chemin faisant, au cours de sa seconde vie, Charlie Hebdo s’est institutionnalisé en se muant en défenseur de la liberté d’expression, mais dans un cadre républicain. Voir Valls, aujourd’hui, descendre le perron de Matignon avec un Charlie Hebdo à la main donne l’impression que ce journal est devenu le bouffon de la République. Qu’il semble loin le temps des anars du début, quand on parlait, encore, de la liberté d’opinion. Quand un Choron défendait l’existence de Minute sur un plateau de télévision… ô tempora, ô mores…   

     

    * Politique magazine - Par    

     

  • OSONS LA FRANCE

     

    par François Marcilhac

     

    500021990.jpgQue retenir du Rendez-vous de Béziers, organisé par son maire, Robert Ménard, sous l’injonction « Oz ta droite » ? Tout d’abord que son succès, plus de 2000 participants venus de toute la métropole et même d’outre-mer, dans des conditions de déplacement rendues difficiles par l’incurie du pouvoir, est la preuve qu’il correspondait à un besoin. 

    Celui du pays réel de se faire entendre sans le truchement d’une classe politique largement discréditée. Nous parlons bien de pays réel, car il n’est pas question pour nous, royalistes, d’entrer dans l’opposition entre « peuple de droite » et « peuple de gauche », inhérente au régime républicain. Mais s’il est vrai que les Français qui sont venus participer à ces tables rondes « osaient » s’affirmer de droite, toutefois, par leur diversité et leur souci de l’avenir du pays, ils représentaient bien le pays réel dans toute son étendue.

    NON À LA DROITE DE CONTREBANDE

    La classe politique ne s’y est pas trompée. Et a usé de divers moyens pour discréditer cette rencontre de patriotes de toutes origines. Tout d’abord en la diabolisant. A gauche, SOS Racisme convoqua de maigres troupes pour venir manifester, sur l’ordre du préfet, devant le Palais des Congrès où se tenait, samedi après-midi, des tables rondes. La presse régionale, propriété de l’homme d’affaires et ministre radical Jean-Michel Baylet, a évidemment rendu compte de ces journées avec son objectivité coutumière. Quant à la droite molle, elle a ignoré l’événement en brillant par son absence, du moins officiellement. Car celle dont Robert Ménard a dénoncé, dans son discours de clôture du dimanche, la tendance à « ne passer qu’en contrebande le temps d’une élection » la frontière du politiquement correct, était présente dans la personne de certains intervenants, voire au sein même de l’organisation du rendez-vous, ce qui a permis de vérifier que le jeu de dupes est bien terminé. Certaines oreilles ont sifflé, les Français n’acceptant plus le double-jeu ni la lâcheté politique et morale. Mais le message a certainement perdu en clarté ce qu’il avait gagné en publicité. En revanche, des personnalités de la droite traditionnelle, bien connues pour leur indépendance d’esprit, telles que Jean-Frédéric Poisson, Xavier Lemoine ou Christian Vanneste, étaient là.

    PARTIS POLITIQUES : UNE LOGIQUE TOTALITAIRE

    Quant au Front National, la venue de ses représentants a été plus brève que prévue. Pour une histoire, paraît-il, de marche-pied : où va se nicher, chez certains, le souci du bien commun ! Descartes démontrait le mouvement en marchant. De même, il ne suffit pas de revendiquer le patriotisme : pour être crédible il faut le pratiquer en ne rajoutant pas la division à la division. Le pays ne peut plus se le permettre. Mais le Front National ressemble désormais à l’ex-UMP et au Parti socialiste, le centralisme démocratique en plus — c’est son côté ringard. Doit-on s’étonner du départ anticipé de Marion Maréchal-Le Pen, esprit libre s’il en est — ce n’est pas l’Action française qui dira le contraire ? Mais c’est la logique même des partis politiques, totalitaire au sens où ils ont tendance à se prendre pour le tout, qui est en cause. En gazouillant de façon grossière contre « l’extrême droite » réunie à Béziers, Philippot a seulement démontré qu’il refuse le débat avec les Français et qu’il considère toute parole libre comme un crime de lèse-Tsarine. Dommage, car si cette agression gratuite d’un électorat plutôt favorable ou gagnable devait désormais servir de ligne politique au Front, ses bastions acquis ces derniers années risqueraient de se transformer en 2017 en autant de villages Potemkine. Les résultats de 2016 sont déjà en demi-teinte et, devant l’épreuve de la réalité, l’enracinement du Front se révèle souvent celle d’un château de cartes.

    De plus, quel manque d’élégance, en parlant d’ « extrême droite », que d’user à l’égard des patriotes de tous horizons réunis à Béziers de la même malveillance que les médias de l’oligarchie à l’égard du Front national. Syndrome de Stockholm ? Ou simple servilité à l’égard du système ? Philippot, en cherchant à marquer contre le camp patriote dans sa diversité, a surtout marqué contre le sien. Délibérément ? En tout cas l’impatience, accompagnée de fébrilité, est mauvaise conseillère. Le SIEL en revanche, en dehors duquel le Rassemblement Bleu Marine est une coquille vide, n’a pas abdiqué sa personnalité. Marine Le Pen est-elle capable de comprendre que c’est le meilleur service que Karim Ouchikh pouvait lui rendre ? Rien n’est moins sûr.

    UNE VOIE ÉTROITE

    Quoi qu’il en soit, la voie empruntée par Robert Ménard est étroite, entre les piranhas de l’ex-UMP désireux de ramener au bercail un électorat de plus en plus tenté de lui faire défaut l’année prochaine et un Front national dont la psychorigidité signe son alliance objective avec Les Républicains. Certains, parmi les intervenants, étaient venus à Béziers racoler ouvertement pour Sarkozy. Ils ont été remis à leur place par la « base » mais celle-ci hésitera-t-elle à « voter utile », le moment venu, surtout si le FN, qui n’a jamais ni gouverné, contrairement au FPÖ autrichien, ni voulu gouverner, fait tout, par peur des responsabilités, pour échouer en 2017 en repoussant les électeurs de droite vers Sarkozy, voire Juppé ?

    Les experts invités par Ménard étaient, eux, venus pour la plupart faire un diagnostic équilibré de nos difficultés dans les différents domaines et tenter d’y répondre en élaborant des propositions via un dialogue, parfois difficile, parfois constructif, souvent émotif, avec la salle. La démocratie participative — Ségolène Royal la voulait, Robert Ménard l’a faite — est d’un apprentissage ardu. Tout cela demandera d’être retravaillé. Approfondi. Sans plus ignorer les sujets qui fâchent, notamment sur l’Europe ou l’économie, même si le prix à payer est l’affirmation d’une totale indépendance — la liberté est toujours un risque. La question de la structure se pose, de même que celle de la loyauté à l’égard de tous les patriotes qui avaient fait le déplacement.

    LES DIX AXES DE SALUT NATIONAL DE L’ACTION FRANÇAISE

    Hollande est aujourd’hui soupçonné, pour sortir de l’ornière sociale dans laquelle il s’est lui-même fourvoyé, mais ce sont les Français les plus modestes, comme toujours, qui paient le prix fort, de vouloir recourir à un de ces compromis de basse politique dont il est coutumier : ne pas modifier le texte sur le travail mais, sur le modèle de ce qu’ont déjà obtenu les routiers ou les intermittents ou que pourraient obtenir les dockers, faire miroiter à la CGT, contre la fin des grèves, des concessions dans les négociations actuelles à la SNCF, à Air France ou à la RATP. Le pays va mal. Des frondeurs en peau de lapin, qui profitent grassement du système, soufflent sur les braises sans prendre aucun risque, tandis qu’Emmanuel Macron joue sa partition : celle d’un technocrate qui juge le politique dépassé. Il est plus que temps de rompre avec un système qui s’autoreproduit au mépris de l’intérêt général. C’est d’un projet à long terme que la France a besoin. L’Action française, pour sa part toujours prête au compromis nationaliste, y travaille sans relâche. Elle avait défini, en 2012, dix grands axes de salut national à l’aune desquels elle avait jugé les programmes des candidats. Cet été, elle consacrera son université à les actualiser et les approfondir. Certaines des propositions qui ont émergé à Béziers rejoignent les siennes. Tant mieux. C’est la convergence des patriotes qu’il faut souhaiter. Osons la France, plus encore que la droite. Encore faut-il que tous les patriotes osent jouer le jeu.

    L’ACTION FRANÇAISE 2000

    Voir aussi ...

    Université d'été de l'Action française

    et deux autres points de vue sur le rendez-vous de Béziers et ses suites

    Que s’est-il passé à Béziers ? par Dominique Bonnétable

    Éric Zemmour : À Béziers, une défaite aux allures de prise de conscience

  • Pour une dynamique patriotique, un esprit de rassemblement national

     

    par François Marcilhac

    C’est la une de La Croix qui, ce lundi 14 décembre, résume le mieux les résultats des élections régionales : « La défaite pour tous ». Défaite du Front national qui, bien que devenu le premier parti de France, ne remporte aucune région. 

    Défaite de l’opposition parlementaire, qu’il est bien difficile d’appeler la droite et qui, réunissant l’ex-UMP et le centre, ne connaît un succès relatif que grâce à l’apport des voix de gauche, du moins dans deux grandes régions, et n’en remporte que laborieusement cinq autres. Défaite de la gauche qui, si elle limite les dégâts par rapport à ce que les media avaient annoncé, ne sera plus qu’à la tête de cinq régions, alors qu’elle en dirigeait la quasi-totalité. D’ailleurs, lucide, Valls a aussitôt commenté : « Ce soir, il n’y a aucun soulagement, aucun triomphalisme, aucun message de victoire », puisque « le danger de l’extrême droite n’est pas écarté, loin de là ». C’est donc un lâche soulagement pour le pays légal : le front panurgique a fonctionné encore une fois. Le discours de l’oligarchie, reposant sur ces deux piliers que sont la peur et la haine, a poussé un nombre important d’abstentionnistes du premier tour à se déplacer pour le second, allant aux urnes tels des moutons à l’abattoir démocratique. La Bête immonde n’était-elle pas en position, toute théorique, d’avaler quatre régions, de les « défigurer », selon l’inénarrable Kosciusko-Morizet ? Valls n’avait-il pas prévenu de manière sidérante que la France est à la veille de la « guerre civile » ?

    Non pas, évidemment, parce que l’Etat islamique dispose au sein même de la population d’un grand nombre d’agents dormants, prêts à commettre des massacres sur un simple SMS, mais parce que Marine Le Pen, Florian Philippot, Louis Aliot ou Marion Maréchal-Le Pen étaient sur le point de mutiler la « République » de pans entiers de son territoire en prenant la tête de plusieurs régions. Du reste, « la République est la seule et la plus forte des réponses ». On connaît la musique : le « patriotisme » (Valls) consiste bien sûr à voter pour les candidats d’une « société cosmopolite » (Hidalgo) assumée, car il s’agit alors d’un « patriotisme d’ouverture, européen », aux antipodes du « patriotisme de fermeture » (Raffarin) des tenants d’une « France frileuse, apeurée, protectionniste, anti-europénne » (Juppé). Dimanche soir, la langue de bois a fonctionné à plein régime.

    « Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs. [...] ils auront sabordé la démocratie », a, pour sa part, déclaré la benjamine du clan Le Pen devant ses militants. Plus exactement, il y a des victoires qui devraient faire honte aux vainqueurs si ces derniers avaient encore un minimum de décence et n’instrumentalisaient pas la morale à seule fin d’assurer leur monopole du pouvoir — on comprend pourquoi à l’Action française, « nous ne sommes pas des gens moraux » : c’est par éthique. Quant à avoir « sabordé la démocratie », on nous permettra d’en douter, à moins de croire en l’existence d’une « démocratie » toute de pureté et de désintéressement qui n’existe que dans les contes de fée qui font d’une introuvable Volonté générale le socle du Bien commun — et encore à quel prix : celui de renoncement à toutes les libertés individuelles. Non ! De même, « ceux qui disent s’opposer mais en réalité vous trompent » et « se partagent le pouvoir  » n’ont révélé aucuns « liens occultes » (Marine Le Pen) — ces liens sont connus de tous, et des électeurs en premier. Ni sabordement de la démocratie ni révélation fracassante, donc : ce qui s’est passé durant la semaine écoulée, c’est le libre jeu d’une démocratie qui n’a jamais été qu’un exercice de dupes, dans lequel une opinion publique préfabriquée par les puissances d’argent monopolise la parole publique.

    Sinon, comment expliquer que la quasi-totalité des électeurs de gauche, sur ordre de la rue de Solferino, acceptent de voir en Xavier Bertrand ou en Christian Estrosi, qu’ils vouaient aux gémonies quelques jours auparavant, des sauveurs de la liberté et du « pacte républicain » ? Comment expliquer que des abstentionnistes, qu’on croyait perdus pour la démocratie représentative, sur un coup de sifflet des chiens de garde de l’oligarchie, se soient rués dans les bureaux de vote pour créditer de leur confiance perdue ceux qui les avaient détournés de leur « devoir civique » ? S’il y a mystère, c’est celui de la démocratie elle-même, qui transforme l’électeur en schizophrène obtempérant à intervalles réguliers à des slogans qui le font aller voter presque comme un zombie contre la seule alternance crédible au sein du système lui-même.

    Faut-il alors « s’inquiéter, comme Marine Le Pen, sur les dérives et les dangers d’un régime à l’agonie » ? Si on voit à quoi font référence « les dérives et les dangers » — cette guerre civile manifestement souhaitée par l’oligarchie en cas d’arrivée au pouvoir du FN —, en revanche de quel « régime à l’agonie » parle-t-elle ? Commencerait-elle enfin à remettre en cause ce règne de l’étranger qu’est une République à laquelle elle et Philippot vouent pourtant un culte aussi nouveau au FN qu’exclusif ? Car, après tout, ce qu’elle continue d’appeler l’UMPS ne constitue pas un régime mais seulement une de ses multiples traductions historiques.

    Il est certain en tout cas que, pour l’oligarchie française et européenne — la première prenant ses ordres auprès de la seconde —, le 13 décembre ne saurait faire oublier le 6, c’est-à-dire le FN arrivant premier dans six régions, d’autant que celui-ci a encore progressé au second tour pour atteindre un record historique en voix — quelque 6,8 millions — avec, en sus, une abstention supérieure de vingt points à la présidentielle de 2012. L’oligarchie sait qu’elle n’en a pas fini avec la rébellion du peuple français, une rébellion qu’exprime aux yeux de celui-ci, faute d’une autre offre électorale, un Front national qui serait bien malvenu de ne s’en prendre qu’aux autres. Marine Le Pen a promis au soir du second tour la naissance de comités Bleu-Marine en veux-tu en-voilà partout en France. Il n’est pas certain que ce réflexe de boutique soit à la hauteur de la situation — surtout quand on connaît le degré d’autonomie du RBM par rapport à la maison-mère.

    Le report, ou plutôt la totale absence de report des électeurs de Debout la France de Dupont-Aignan sur les listes FN au second tour devrait la faire réfléchir. Sans compter un électorat catholique qui se redroitise mais que le FN fait tout pour repousser, exception faite de Marion Maréchal-Le Pen qui, d’ailleurs, a réalisé le meilleur score national. Pourquoi Marine Le Pen gagnerait-elle seule là où un Mitterrand, un Chirac, un Sarkozy ou un Hollande pourtant, eux, enfants légitimes du système, ont dû composer pour accéder à l’Elysée ? Tant que le FN n’entrera pas dans une logique de rassemblement national, c’est-à-dire tant qu’il n’acceptera pas de n’être qu’une composante d’une dynamique patriotique que le système est bien content de lui voir monopoliser au plan médiatique, cette unique cible lui facilitant son travail de sape, il continuera de se heurter à ce plafond de verre qui, quoi qu’en dise Marion Maréchal-Le Pen, existe toujours et surtout, ce qui est bien plus grave, il freinera la victoire du pays réel sur l’oligarchie, des « patriotes » sur les « mondialistes ». 

    L’Action Française 2000

  • L'impasse, par Hilaire de Crémiers

    (Cet article est tiré du numéro 96 de Politique magazine, mai 2011) 

            Il y a des moments dans la vie politique où il n’y a plus de bonnes solutions. L’histoire se charge d’en trouver et pourvu qu’elles soient bonnes ! 

            L’Europe ne va pas bien. Ce n’est pas en répétant qu’il faudrait en conséquence faire davantage d’Europe, que l’Europe ira mieux. Au lieu d’édicter indéfiniment de nouvelles règles pour colmater les brèches, il serait sage de revoir la conception d’ensemble. 

    europe impasse.jpg

            Le discours politique français est frappé d’une terrible inconséquence. D’un côté, il n’est question que de pousser à davantage d’intégration européenne avec cette idée sous-jacente que « plus » d’Europe permettra de sauver l’Europe ; et, d’un autre côté, il ne s’agit que de protester contre les effets de cette prétendue dynamique quand les dirigeants, pourtant tout acquis à l’idée européenne, s’aperçoivent soudain avec effroi que des intérêts français vitaux vont devoir être sacrifiés pour une construction dont nul ne voit les perspectives ni les avantages, sauf ceux qui en vivent et en profitent.

     

    L’europe impossible

            Les socialistes ont ainsi sacrifié – l’ont-ils même voulu ? – l’industrie française ; ils ne doivent pas s’étonner si les ouvriers leur en veulent et préfèrent voter Front national.

            Il en est de même de la Politique agricole commune. Comment un Bruno Le Maire, succédant à un Michel Barnier redevenu commissaire européen – toujours les prébendes ! –, peut-il tenir sur le sujet un double discours ? Mieux placé que tout autre, il sait fort bien que l’agriculture française est peu à peu mais inéluctablement sacrifiée par Bruxelles à des considérations européistes et mondialistes.

            Et voilà maintenant qu’il apparaît comme une évidence que le fameux espace Schengen qui, il faut s’en souvenir, avait été présenté en son temps comme la norme européenne de sécurité des frontières, n’est qu’une passoire…et non seulement une passoire mais une pompe aspirante pour tous les peuples d’Europe, d’Afrique et d’Asie.

            Discours de Grenoble, réglementation sur les « Roms », sur l’immigration illégale et clandestine. Langage de combat qui provoqua tant de tapages ! Et pour quoi aujourd’hui ? 20 000 Tunisiens reçoivent leurs titres de séjour en Italie et ne cherchent qu’à venir en France. Espace Schengen, n’est-ce pas ? Nicolas Sarkozy pousse une clameur ; il rencontre Berlusconi, c’était le 26 avril. Résultat : un marchandage global, une lettre commune à la Commission européenne pour qu’elle aide à la protection des frontières – elle en profitera pour justifier encore ses augmentations budgétaires ! – une promesse pour l’Italie d’avoir en novembre la présidence de la BCE – qu’en penseront les Allemands ? – une compensation pour les achats français d’entreprises italiennes… Et puis… des Tunisiens, bientôt des Libyens, des Soudanais, des Africains qui continueront d’arriver et qui remonteront la Botte, pour aller où, s’il vous plaît ?

            Il est permis de se demander comment se règlent tous ces problèmes, par quels coups de téléphone, quelles décisions, quelles tractations ? Comment agir dans le long terme avec de pareils procédés ?

     

    Crises systémiques, vices systémiques

            C’est le vice essentiel de systèmes mal conçus qu’il faut dénoncer, système européen, mais aussi système français. Que valent des institutions dévoreuses d’énergie, destructrices de puissance, qui écrasent les peuples en gaspillant leurs ressources ? 

            Pour ainsi dire chaque jour, un ébranlement nouveau vient les secouer. C’est un vacillement perpétuel. À quand l’écroulement ?

            Ce n’est pas une prophétie, c’est une certitude mathématique. En effet, la dette grecque que l’Europe a cru colmater est toujours là, chaque jour plus béante : 340 milliards fin 2011. Les 110 milliards octroyés n’y suffisent plus. Elle n’est plus tenable. 

            Aucun plan d’austérité ne peut venir à bout d’une telle charge. 

            Reste à brader la Grèce, morceau par morceau, ce que fait le gouvernement grec sans scrupule, mais dans de si mauvaises conditions qu’aucun résultat tangible ne changera l’implacable réalité.

            Cependant le monde officiel de la politique et de la finance affirme encore hautement à ce jour de fin avril – mais demain ? – qu’il n’est pas question  de restructurer la dette grecque. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir ce qu’une telle affirmation signifie. Faut-il rappeler que Madame Lagarde, il y a quelques semaines encore, expliquait que les prêts français à la Grèce étaient une affaire des plus profitables, vu les remboursements escomptés, « intérêt et capital », cela allait de soi ? Mais voilà que se profile déjà le nécessaire rééchelonnement avant l’inéluctable cessation de paiement, autrement dit la banqueroute. 

            Du coup tous les avoirs en dette grecque ne vaudront plus que roupie de sansonnet. Voilà pourquoi il est interdit d’évoquer même la catastrophe !

     

    sarkozy berlusconi.jpg

    Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi : la combinazione

     

     

            Problème immense et insoluble, systémique selon le langage convenu : c’est que les banques européennes, allemandes, anglaises, françaises, et la BCE elle-même ont dans leurs avoirs quantités de titres qui ne seront plus, pour parler le jargon, que des « actifs toxiques ». Autrement dit, du néant. Aucun des « stress-tests » auxquels les banques au mois de juin prochain devront se soumettre, ne prévoient cette accablante réalité.

            Voici encore la dette irlandaise, d’autre nature sans doute, mais aux conséquences équivalentes. Elle ne cesse d’être réévaluée à la hausse. Les banques irlandaises que l’État irlandais aidé par l’Europe renfloue, ont, elles aussi, des dettes à l’égard des établissements financiers européens. La BCE a même récemment racheté de prétendus actifs, c’est-à-dire encore du néant.

            Voici, de plus, la dette portugaise avec ses taux devenus impossibles. Le gouvernement portugais a démissionné pour pouvoir demander l’aide de l’Union européenne et du FMI, au bas mot 80 milliards d’euros. Sans garantie aucune… Voici maintenant, à la queue leu leu, les dettes espagnole, italienne, française…Aucun fonds de soutien n’y pourvoira. Le FMI, de rapport en rapport, commence à manifester son inquiétude.

            Ce n’est pas en vain que les Etats-Unis, menacés d’avoir leur note dégradée, ont reçu une semonce sur leur colossal endettement, 14 400 milliards de dollars, 100 % du PIB, et sur leur déficit annuel. Il faudra que républicains et démocrates se mettent d’accord pour assurer les financements courants. Le président Obama servira d’arbitre. C’est une nécessité nationale. Cet impératif peut les sauver.

            Mais l’Europe ? Il n’y a pas d’arbitre ; elle nie les nécessités nationales ; elle ne fait que des comptes et ses comptes sont mauvais. Aucune institution n’est en mesure d’aborder le problème de fond.

            Et les peuples le comprennent à leur manière. Les vrais Finlandais qui se sont imposés aux dernières élections législatives finlandaises, ne veulent plus payer pour l’Europe. Les Hongrois, non plus, qui préfèrent avec Viktor Orban retrouver leur racine nationale et chrétienne et réécrire dans ce sens leur constitution. 

            Il en sera de même au Portugal et en Irlande. Le Front national en France fait frémir la classe politique installée. Les Anglais veulent se sauver par eux-mêmes et ils y arriveront. Quant aux Allemands, si les officiels de la classe politique se sont laissés forcer la main à plusieurs reprises par Nicolas Sarkozy, en particulier encore en mai 2010 au moment où la crise a failli de nouveau tout emporter, c’est parce qu’ils savaient que leurs intérêts bancaires étaient concernés. Vient un temps où trop, c’est trop.

            Pourquoi payer ? Madame Merkel a elle-même prévenu : il faudra bien que « les privés » payent, autrement dit les banques, autrement dit les particuliers. Ainsi les États se garent devant cette succession de chutes financières qui s’annoncent ; du moins prétendent-ils ainsi préserver leurs contribuables.

            Et en France ? Alors que le mur de la dette se rapproche en même temps que celui des autres pays – et cumulées, ce sont des sommes astronomiques, 3 600 milliards exigibles d’ici fin 2012 –, alors que dans quelques mois le risque deviendra vertigineux, les partis ne savent qu’inventer pour séduire l’électorat ; chaque jour voit un candidat nouveau à la présidentielle ou à de ridicules primaires qui sont des jeux de gosses de riches…Telle est la vie politique française. Qui veut bien comprendre, qu’il comprenne ! ■

  • La coalition de gauche prépare-t-elle l'abolition de la monarchie espagnole en douceur ?, par Frédéric de Natal

    Ce lundi prochain, c’est un vent de fronde anti-monarchique qui va souffler dans l’enceinte des Cortès. Une heure avant l’arrivée du roi Felipe (Philippe) VI, les principaux présidents de formations de la gauche catalane, basque et galicienne (ERC, BNG, CUP, Bildu et JxCAT), accompagnés de leurs élus, au total 49 députés, ont annoncé qu’ils allaient lire un manifeste remettant en cause le principe monarchique tout en affichant leurs volontés sécessionnistes.

    Un acte de défiance qui n’est pas sans rappeler les événements de 1931 qui ont précipité l’exil du roi Alphonse XIII.

    La monarchie du roi d’Espagne est-elle menacée par un nouveau Front républicain ?

    Depuis la réélection du premier ministre Pedro Sanchez, le 10 novembre 2019, les médias s’inquiètent de la montée en puissance des partis indépendantistes et pro-républicains, présents aux Cortès. Y compris au sein du gouvernement. Pour «El Diaro», qui consacre un article complet à ce qu’elle considère comme une atteinte contre l’institution royale, la coalition au pouvoir (les socialistes du PSOE et l’extrême-gauche populiste de Podemos) cache mal ses rêves d’instaurer une « Tercera República » dans le pays d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon. Pour les indépendantistes catalans, il s’agit de protester contre le discours d’octobre 2017, d’une rare fermeté, prononcé par le souverain Bourbon qui avait accusé ceux-ci de « déloyauté » et de s’être « mis en marge de la démocratie » en organisant leur référendum d’autodétermination . Au mépris de la constitution de 1978 qui interdit ce genre de votations.

    «Un choc émotionnel » pour le journal «El Diaro» qui demande à la Zarzuela d’agir rapidement et de renouer le dialogue avec la Catalogne afin d’éviter la chute de la monarchie, restaurée en 1975, après le décès du caudillo Franco. Des relations qui se sont crispées depuis que ces mêmes formations ont refusé de rencontrer Felipe VI lors des consultations qui ont mené à la formation du gouvernement de coalition. « La monarchie est une institution anachronique qui n'épouse pas un système qui se doit d'être démocratique » n’a pas hésité à déclarer, dans la presse galicienne, le député du BNG au Congrès, Nestor Rego, et qui souhaite l’abolition de la monarchie. « L'actuel roi Bourbon a décidé de prendre une position de défense » contre les « droits collectifs du peuple à prendre son destin en main» a t-il renchéri.

    84461048_2516111565273872_6617245229500071936_n.jpg

    Pour le député de Vox, Santiago Abascal, auto-proclamé protecteur de la monarchie et qui n’a toujours pas avalé l’exhumation ordonnée par le premier ministre de la dépouille de Franco, comme il l’évoque lui-même dans un entretien à Valeurs Actuelles, ce gouvernement n’est composé que de « traîtres » à la «patria».

    En décembre 2019, devant la mairie de Madrid, et une flopée de drapeaux sang et or, y compris ceux des traditionalistes carlistes, un mouvement qui s'est singulièrement rapproché de lui, le parti Vox a appelé les espagnols à s’unir, «combattre les ennemis de l'ordre constitutionnel », « ramener Carles Puigdemont [éphémère président de la république de Catalogne-ndlr] en détention » et « arrêter le maudit Quim Torra [actuel président de la Généralité de Catalogne-ndr] ».

    «Nous serons cette forteresse qui protégera notre constitution [royale] » n’a pas hésité à marteler le leader de Vox, dont le parti ne cesse de gagner des voix dans tous les scrutins locaux et nationaux. Un parti qui aurait même certaines faveurs de certains membres de la famille royale comme le jeune Felipe Juan Froilán de Todos los Santos de Marichalar y Borbón, 21 ans, fils de l’infante Elena, qui n’a pas hésité à participer à une manifestation organisée conjointement par la droite populaire et Vox. Avant de se faire rappeler à l’ordre par son oncle, el Rey.

    Un référendum contre la monarchie ? C’est toute la question qui agite les milieux monarchistes espagnols. Toujours en décembre, un congrès a rassemblé dans la capitale du royaume, des centaines de délégués de formation de gauche et d’extrême-gauche, réunis au sein d’une Plateforme de consultation populaire et qui ont convenu d’organiser le 9 mai prochain un vote afin de savoir si l’Espagne souhaitait conserver son système actuel ou favoriser l’instauration d’une république. Selon le dernier sondage sur cette question, 51% des espagnols se revendiquent comme étant monarchistes contre 46% qui s’afficheraient républicains. Un conflit de génération est assez perceptible et fait craindre tous les scénarios. Pour 70% des jeunes espagnols, entre 18 et 24 ans, les mirages de république semblent plus attirants que les ors de la monarchie, une institution encore plébiscitée par les 55- 64 ans avec 62% des voix Un antagonisme qui est encore plus flagrant dans les différentes régions du royaume. Avec 75% des voix, l’Andalousie se place en tête des provinces pro-monarchiques, loin devant la Catalogne et le pays Basque qui rejettent respectivement la monarchie avec 74 et 71% des voix. Politiquement, le Parti Populaire (91%), Ciudadanos (83%) et Vox (82%) sont les mouvements les plus fidèles à la monarchie Bourbon. Une adhésion pour la monarchie en net recul chez les socialistes qui souhaiteraient la république à plus de 51% contre 44% en faveur du maintien de la royauté. Mais la palme de l’anti-monarchisme revient à Podemos où l’on trouve à peine 9% de ses membres sondés qui ne remettent pas en cause le système actuel.

    Atmosphère de guerre civile en Espagne ? Haro sur le nouveau ministre de la communication, Alberto Garzon, accusé de niveler la monarchie par le bas. Ce député de la Gauche Unie (Izquierda Unida) ) qui cite volontiers en exemple Karl Marx et Lénine et qui appelle Felipe VI le « roi-citoyen », a tenté de ne pas prêter serment devant le souverain. Un affront mal vécu par les monarchistes. C’est d’ailleurs le premier communiste à intégrer un gouvernement espagnol depuis la victoire du Front Populaire en 1936. Ce même Front qui avait conduit le pays vers le chemin de la guerre civile. Sa présence a d’ailleurs provoqué l’irritation des forces monarchiques, Eglise catholique et Vox en tête, qui ont appelé, à l’annonce de sa nomination «à prier pour le salut de l’Espagne » voir «l’armée à remettre de l’ordre dans le royaume » comme l’explique une édition du quotidien français, « L’Humanité », daté du 14 janvier dernier.

    Des modifications ont même été apportées à la prestation obligatoire de serment au roi depuis 2018. Exit la présence la Bible éditée en 1791 et dédiée à Charles IV, sur laquelle chaque ministre devait poser la paume de sa main au moment de la prestation de serment, comme le crucifix apposé près du Livre saint. Et si l’inclinaison au roi n’a pas été supprimée, elle n’est plus désormais obligatoire et laissée à la libre appréciation des ministres. Portraits du roi enlevés des mairies détenues par les indépendantistes ou les républicains, quand ils ne sont pas brûlés en place publique, drapeaux de la seconde république hissés au fronton des mairies, autant de signes d’inquiétudes et des menaces qui pèseraient sur l’institution royale d’après les monarchistes qui mobilisent désormais leurs partisans à chaque déplacement de la famille royale. Complots, fanstames en tout genre, le journal d’extrême-droite «Hispanidad » a, quant à lui, appelé à la formation d’un large mouvement catholique monarchique avant de se féliciter du discours prononcé récemment par le roi à la «Pascua Militar ».

    Devant les principaux chefs militaires, le roi Felipe a rappelé à ceux-ci que leur devoir était de faire «respecter la constitution et les valeurs démocratiques de la monarchie». ¡Que viva España y VERDE ! crient dans la rue et d'une seule voix les monarchistes qui font front commun face à la menace qui pèse désormais l'unité du pays...

  • Aux origines de la question sociale en France. Partie 2 : l'idéologie libérale des Lumières, par Jean-Philippe Chauvin.

    Après un rapide tableau de la situation économique de la France royale avant la fin du XVIIIe siècle et l’évocation des corporations et de l’ordre socio-professionnel de cette époque, il n’est pas inutile d’évoquer succinctement l’état d’esprit dominant sous les Lumières, véritable révolution dans la pensée du service et du temps (entre autres), à rebours de la conception royale de la justice : le règne de l’Argent et de la classe qui en vit et qui en fera système s’annonce…

     

    jean philippe chauvin.jpgL’organisation corporative de la société et de la production françaises a longtemps convenablement fonctionné et la puissance avérée et significative de l’économie nationale sous la royauté fondatrice et fédérative est indéniable. Mais cela signifie-t-il, pour autant, que la Monarchie d’Ancien Régime ne connaissait pas de problèmes sociaux ou qu’elle était un système parfait et intangible, insensible aux temps et à leurs contraintes, leurs évolutions ? Bien sûr que non !

     

    Nous connaissons tous les révoltes paysannes mais aussi urbaines qui émaillent les temps les plus difficiles du Moyen âge, en particulier après le XIIIe siècle. Elles traversent aussi l’époque dite moderne, et peuvent nous laisser une image plus que contrastée des temps anciens. Nous savons également que ce qui nous semble simple et naturel aujourd’hui (comme la disponibilité – payante, généralement – des produits de consommation alimentaire ou technique), ne l’était pas forcément hier : mais ne confondons pas les progrès techniques, souvent utiles et même salvateurs quand ils sont maîtrisés (1), avec les questions sociales, sans pour autant négliger les rapports et les tensions que les uns et les autres, dans toute société humaine, peuvent entretenir.

     

    Or, ce qui est marquant dans l’exercice et la justification de la Monarchie, c’est son souci politique de la justice, symbolisé par la main de justice remise au roi lors du sacre de Reims et par l’histoire exemplaire (et présentée comme telle par les historiens de la dynastie) du roi Louis IX, devenu saint peu de décennies après sa mort devant Tunis. (2) C’est aussi le souci de garantir « le plus grand bien » aux peuples du royaume, ceux-ci étant indissociables de l’essence même de la Monarchie, ce que symbolisait l’alliance remise au roi, toujours lors de la cérémonie du sacre. Sans oublier sa fonction thaumaturgique qui voit le roi toucher les écrouelles (3) et laver, à l’imitation du Christ, les pieds de quelques miséreux à Pâques…

     

    Or, l’idéologie des Lumières va remettre tout cela en cause, et c’est ainsi que la justice sociale va en être, au niveau des principes en attendant que cela soit au niveau des pratiques, la grande victime expiatoire, tout comme l’équilibre des sociétés et les classes populaires que les Lumières se chargeront, bientôt, d’invisibiliser.

     

    Dans un récent article passionnant de La Nouvelle Revue Universelle (4), Antoine de Crémiers décrit le processus idéologique qui se met en place au XVIIIe siècle, sous un titre de paragraphe particulièrement évocateur, « La liberté du travail, « valeur » suprême de l’oligarchie » : « Comme l’a si bien démontré Karl Polianyi, qu’il s’agisse du mercantilisme ou des formes antérieures de régulation du travail, la valeur du travail – comme l’économie en général, d’ailleurs – est toujours subordonnée à d’autres exigences – religieuses, morales, politiques – qui en forment le cadre et viennent « l’encastrer » dans le social. C’est le libéralisme qui, peu à peu, va dégager l’économie de ces encastrements pour la rendre autonome et indépendante de tout lien avec la religion, la morale et la politique. Et c’est au nom de la liberté du travail que ce processus de dégagement va s’accomplir. C’est une fantastique et redoutable révolution.

    Hannah Arendt résume très clairement les étapes de cette conception nouvelle : « L’ascension soudaine, spectaculaire du travail passant du dernier rang à la place d’honneur et devenant la mieux considérée des activités humaines, commença lorsque Locke découvrit dans le travail la source de toute propriété. Elle se poursuivit avec Adam Smith qui affirma que le travail est la source de toute richesse ; elle trouva un point culminant dans le système du travail de Marx où il devint la source de toute productivité et l’expression même de l’homme. » Adam Smith élabore une idée promise à un grand avenir et qui triomphe aujourd’hui, celle d’un marché « libre » permettant la libre circulation des marchandises et l’accumulation sans aucune limite des richesses. Pour que ce marché puisse se constituer, il faut que les produits du travail puissent s’y échanger en fonction de leur coût et cela ne peut se faire que si le marché du travail est également « libre » et indépendant de toute considération d’ordre moral, religieux et social susceptible d’en perturber le fonctionnement. Le travail est désormais une marchandise vendue comme tous les autres produits au prix strictement déterminé par la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande.

    Ainsi, la véritable découverte que promeut le XVIIIe siècle n’est pas celle de la nécessité du travail – on la connaissait depuis toujours -, mais celle de la nécessité de la liberté du travail et, pour y parvenir, la destruction, la disparition des modes d’organisation du travail qui venaient la limiter et la contraindre. » C’est aussi ce que promeut Turgot à travers ses écrits et ses actes lorsqu’il sera lui-même aux commandes de l’économie française, avant que le roi ne mette fin à cette « expérience libérale » (sur le plan économique) qui avait entraîné la première dissolution des corporations, en 1776, ensuite rétablies avant que la Révolution, éminemment libérale, ne les interdisent purement et simplement par les lois de 1791 : « Dans un article de L’Encyclopédie, Turgot résume fort bien la philosophie politique du libéralisme : « Ce que l’Etat doit à chacun de ses membres, c’est la destruction des obstacles qui les gêneraient dans leur industrie ou qui les troubleraient dans la jouissance des produits qui en sont la récompense. » Pour Turgot comme pour Adam Smith, l’intérêt est le véritable régulateur économique et c’est l’économie qui fait société. » Ainsi, les libéraux légitiment ce que l’on pourrait nommer l’égoïsme économique contre les solidarités professionnelles incarnées par les corporations.

     

    Autre révolution issue des Lumières, celle du temps, ou plutôt de sa conception et de sa compréhension, synthétisée et symbolisée par le raisonnement d’un Benjamin Franklin qui va « financiariser », « marchandiser » le temps, le ramener à une simple dimension utilitaire et matérielle : « Le temps, c’est de l’argent », traduction un peu maladroite mais explicite de son « Time is money » (5). Une formule terrible qui va légitimer la destruction de tout ce qui n’apparaît pas « utile » ou rentable aux yeux des possédants ou des actionnaires, et va permettre, en toute « bonne conscience » et dans le cadre de la Loi, l’imposition de rythmes inhumains, mécaniques et réglementés aux travailleurs d’usines comme de la terre…

     

    (à suivre : les grandes dates de la naissance de la question sociale en France)

     

    Notes : (1) : la Technique est-elle toujours un « progrès » ? S’il s’agit de la meilleure connaissance (et de sa pratique) des savoirs et des moyens de les maîtriser sans en devenir totalement dépendant, la réponse sera positive ; mais s’il s’agit d’une Technique qui s’imposerait aux hommes et serait aux mains de ceux qui la possèdent sans les garde-fous du « Bien commun » et de la nécessité du « partage du meilleur », il est évident que notre réponse sera négative ! C’est ce que le républicain Michelet évoque en partie dans son ouvrage peu connu intitulé « Le peuple », dans lequel il dénonce le machinisme, idéologie « patronale » de la Machine… C’est aussi ce que dénonce le royaliste Bernanos dans la série d’articles de « La France contre les robots », véritable charge contre le règne des Machines étendu aux sociétés modernes toutes entières.

     

    (2) : Louis IX est ainsi représenté comme celui qui rend la justice sous le chêne de Vincennes, et qui conseillait à son fils d’être d’abord du côté des plus pauvres quand un procès les opposait à de plus riches, et cela pour permettre, non d’influer sur le verdict, mais d’assurer l’équité du procès lui-même et éviter que la puissance des uns ne favorise ceux-ci au détriment de la justice elle-même. Aujourd’hui, saint Louis passerait, près de certains, comme un odieux gauchiste…

     

    (3) : les écrouelles se marquent par des fistules purulentes, localisées principalement dans le cou, et que les rois de France, sans doute depuis les carolingiens, étaient censées guérir en les touchant : le seul roi Louis XIV en touchera plus de 200.000 durant son règne… Mais, en fait, ce n’était pas le roi lui-même qui était guérisseur, mais son intercession entre Dieu et les malades qui devait permettre à Dieu de décider qui devait guérir…

     

    (4) : Nouvelle Revue Universelle, 1er trimestre 2019, numéro 55.

     

    (5) : quand Benjamin Franklin écrit cette phrase, il ne pense alors qu’au temps du travail et à sa productivité. La société de consommation, qui est la deuxième grande phase de développement et d’imposition de cette conception utilitariste du temps, va étendre la formule au temps libre, faisant de celui-ci une des plus importantes sources de revenus contemporaines, des parcs d’attraction aux films d’Hollywood, des jeux électroniques au tourisme international…

  • Michel Onfray et la longue marche vers la diabolisation, par Jules Torres.

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

    Quelques semaines après avoir lancé sa revue Front populaire, de nombreux contributeurs sont venus apporter leur soutien à Michel Onfray. Pour le journal Le Monde, dans ces soutiens figurent des individus proches de l’extrême-droite, ce qui ferait de Michel Onfray une personnalité d’extrême-droite. Une stratégie de diabolisation qui dure pourtant depuis des années.

    « C’est dans l’inconcevable conviction d’incarner la guerre contre le Mal que s’est constituée la gauche d’aujourd’hui », disait Philippe Muray. Depuis quelques jours, certains médias mainstream mènent une campagne de diabolisation à l’égard de la nouvelle revue - pas encore sortie - Front populaire, et plus particulièrement son fondateur Michel Onfray, coupable d’errer dans les méandres de l’extrême droite. 

    C’est notamment le cas du Monde, qui publie un papier titré « Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite ». Une analogie saisissante qui montre une fois de plus la stratégie sectaire de la gauche bien-pensante. De plus, Le Monde fait étalage dans son papier de plusieurs personnalités plus ou moins proches de l’extrême-droite. Mais les personnes citées ne sont que des contributeurs et non des auteurs. Stéphane Simon, le producteur de la revue Front populaire, dénonce un « papier abject et malhonnête. Ce n’est pas du journalisme mais de la police politique ». Le journaliste et écrivain André Bercoff tire lui aussi à boulets rouges sur le quotidien : « Le Monde il y a quarante ans était un journal de référence, ensuite il est devenu un journal de déférence et aujourd’hui c’est une feuille d’indifférence, à quelques talentueuses exceptions près ».

    « Débattre du souverainisme en 2020 avec Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. L’affiche poussiéreuse pourrait presque faire sourire », lit-on dans le quotidien du soir. Il est vrai que publier des tribunes anti-consumériste signés par les représentants de ce même consumérisme, ça n’est pas « poussiéreux », mais ça fait sourire. « Le Monde juge le journal non pas sur son contenu mais sur ses abonnés, souligne Stéphane Simon. C’est une vraie chasse aux sorcières ». A croire qu’être souverainiste est devenu un gros mot. Julien Aubert, député souverainiste Les Républicains fustige ces méthodes : « On peut vouloir être indépendant et maître de sa destinée sans être fasciste. Cette caricature, qui aurait fait de Charles Pasqua ou Philippe Seguin de dangereux extrémistes, profite à tous les adversaires de la Nation ».

    Jamais avare de grandes homélies bien-pensantes, Laurent Joffrin n’a pas tardé à réagir, dans une énième tribune à l’encontre de Michel Onfray. Le directeur de la publication de Libération dit avoir « naguère rompu les lances » avec Onfray « qui tenait déjà des propos proches des thèses du RN ». Cette diabolisation, caricaturale soit dit en passant, ne date pas d’aujourd’hui et montre les lacunes du système idéologique dominant depuis le début de XXIe siècle. « La petite coterie médiatique croit qu'en affaiblissant la Nation elle est dans le camp du Bien », analyse le député Les Républicains Julien Aubert. De son côté, Jean Messiha, membre du bureau national du RN, tance ce système qui « vise à excommunier et ostraciser les gens »

    La longue marche vers la diabolisation

    En 2010, le philosophe publiait Le Crépuscule d'une idole, livre dans lequel il s’attaquait à Freud, et notamment à sa manière de faire de la science. Dans une tribune dans Le Monde (déjà), la psychanalyste Elisabeth Roudinesco avait accusé Michel Onfray de réhabiliter « un discours d’extrême-droite ». Après cette tribune, Michel Onfray fut même qualifié d’antisémite. Modèle d’« hitlerisation de l’adversaire », comme l’expliquait Murat, dans lequel on décrédibilise quelqu’un car il “pense mal”. Pourtant, le livre d’Onfray avait été salué par bons nombres de psychanalystes. 

    Ce pamphlet contre Freud n’avait pas plu à certains. Gérard Miller, psychanalyste médiatique, n’a sans doute pas digéré cette remise en cause du « père de la psychanalyse ». Dans un tweet posté il y a quelques jours, il a fustigé Michel Onfray, ce « Zemmour de gauche » devenu la « coqueluche de l’extrême-droite ». En bref, la gauche bien-pensante persiste à distribuer les étiquettes de bons et mauvais élèves. A croire que s’interroger sur l’islam et l’immigration fait de vous un partisan du RN. Onfray en est pourtant bien éloigné, lui qui a créé l’université populaire de Caen après le “choc” du 21 avril 2002.

    Quand les politiques se mettent à diaboliser

    En mars 2015, Michel Onfray est une nouvelle fois victime du sectarisme de la gauche, et est accusé de “faire le jeu” du Front national par le Premier ministre Manuel Valls. Le philosophe avait déclaré dans un entretien au Point qu’il préférait une « idée juste d’Alain de Benoist à une idée fausse de Bernard Henri Levy ». Coupable des “pires horreurs” en faisant appel à celui qui a façonné la “Nouvelle droite”, Manuel Valls l’avait accusé de « perdre les repères ». Une facheuse manie que les politiques ont à décrédibiliser ceux qui ne pensent pas comme eux. Comme le disait justement Michel Onfray, « on ne lutte pas contre le FN en disant que c’est le diable mais en le déconstruisant »

    Cette diabolisation par les politiques a gagné en intensité, qui plus est quand les médias se sont fait les porte-paroles des adversaires d’Onfray. Dans ce fameux article du Monde, un seul homme politique est interrogé, Alexis Corbière. Pour le député de la France insoumise, Michel Onfray « est devenu l’idiot utile d’une pensée réactionnaire qui a pour point de jonction une obsession anti-islam ». Et d’ajouter : « Il manque de rigueur. Il participe à une entreprise de démolition de la Révolution française. Il a une logique vendéenne ». Des propos balayés par Jean Messiha, cadre du RN, qui soutien le philosophe tout en le pensant toujours loin de ses idées : « Michel Onfray n’a pas encore franchi le Rubicond de l’identité ».

    L'industrialisation de la caricature

    Libération a depuis des années augmenté son mantra progressiste. En 2015, Michel Onfray s’interroge sur le traitement médiatique de la crise des migrants. Alerte générale dans les rédactions de la gauche morale. On pourrait même penser qu’une cellule de crise a été créé à la moindre prononciation de “migrant”, “immigration” ou encore “islam”. Quelques jours plus tard, Michel Onfray se retrouve en Une de Libération. Le quotidien créé par Jean-Paul Sartre — qu’Onfray a également déconstruit — affirme que le philosophe « défend des thèses qui alimentent la propagande d’extrême-droite ». Déjà à l’époque, remettre en cause une notion phare du progressisme amenait les plus zélés à la potence. 

    Mais cette technique de caricature et de décrédibilisation n’affecte pas seulement Michel Onfray. Eric Zemmour en est largement victime. Michel Houellebecq, avec son livre Soumission, a été vilipendé par les antiracistes. Alain Finkielkraut ne peut plus passer dans un plateau télé sans être caricaturé par les féministes à coup de montages vidéo. Bref, une seule mention du mot immigration ou islam fait de vous un nazi, un fasciste, un “néoréac”. Stéphane Simon, associé à Michèle Onfray pour créer Front Populaire, pense que le « système médiatique agit en petit kapo » et souligne un « réflexe de défense de l’élite bourgeoise ». Quant à Julien Aubert, il ne « supporte plus cette pensée du "reductio ad hitlerum" : Onfray est lu par des fachos donc Onfray est facho. La petite coterie médiatique croit qu'en affaiblissant la Nation elle est dans le camp du Bien ».

    Les Français seraient donc des nazis ? Les livres de tous ces “polémistes” se vendent à des centaines de milliers d’exemplaires. Dire sa pensée est devenu périlleux dans ce conformisme ambiant. La situation actuelle de Michel Onfray montre une fois de plus la déconnexion entre les médias et le peuple. Si vous pensez mal ne dites rien, il ne faudrait pas « faire le jeu de l’extrême-droite ». André Bercoff, lui aussi régulièrement accusé de mal penser, parle lui de diabolisation à coup de “reductio ad lepenum”, qui ressemble à la « technique des staliniens dans les années 1950 ».

    Julien Aubert fustige également ces méthodes : « La diabolisation d'Onfray est ridicule. Avec le temps, s'est créé un gloubi-boulga idéologique où l'extrême-droite est confondue avec le nationalisme ou le patriotisme, voire le souverainisme. » « Si aujourd’hui même le fait d’être souverainisme vous vaut le même traitement qu’on lui réserve, c’est mauvais signe pour la démocratie », conclu Jean Messiha. L’exemple Onfray n’est qu’un cas de plus dans les intellectuels condamnés pour avoir mal pensé.