Michel Onfray et la longue marche vers la diabolisation, par Jules Torres.
Source : https://www.valeursactuelles.com/
Quelques semaines après avoir lancé sa revue Front populaire, de nombreux contributeurs sont venus apporter leur soutien à Michel Onfray. Pour le journal Le Monde, dans ces soutiens figurent des individus proches de l’extrême-droite, ce qui ferait de Michel Onfray une personnalité d’extrême-droite. Une stratégie de diabolisation qui dure pourtant depuis des années.
« C’est dans l’inconcevable conviction d’incarner la guerre contre le Mal que s’est constituée la gauche d’aujourd’hui », disait Philippe Muray. Depuis quelques jours, certains médias mainstream mènent une campagne de diabolisation à l’égard de la nouvelle revue - pas encore sortie - Front populaire, et plus particulièrement son fondateur Michel Onfray, coupable d’errer dans les méandres de l’extrême droite.
C’est notamment le cas du Monde, qui publie un papier titré « Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite ». Une analogie saisissante qui montre une fois de plus la stratégie sectaire de la gauche bien-pensante. De plus, Le Monde fait étalage dans son papier de plusieurs personnalités plus ou moins proches de l’extrême-droite. Mais les personnes citées ne sont que des contributeurs et non des auteurs. Stéphane Simon, le producteur de la revue Front populaire, dénonce un « papier abject et malhonnête. Ce n’est pas du journalisme mais de la police politique ». Le journaliste et écrivain André Bercoff tire lui aussi à boulets rouges sur le quotidien : « Le Monde il y a quarante ans était un journal de référence, ensuite il est devenu un journal de déférence et aujourd’hui c’est une feuille d’indifférence, à quelques talentueuses exceptions près ».
« Débattre du souverainisme en 2020 avec Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. L’affiche poussiéreuse pourrait presque faire sourire », lit-on dans le quotidien du soir. Il est vrai que publier des tribunes anti-consumériste signés par les représentants de ce même consumérisme, ça n’est pas « poussiéreux », mais ça fait sourire. « Le Monde juge le journal non pas sur son contenu mais sur ses abonnés, souligne Stéphane Simon. C’est une vraie chasse aux sorcières ». A croire qu’être souverainiste est devenu un gros mot. Julien Aubert, député souverainiste Les Républicains fustige ces méthodes : « On peut vouloir être indépendant et maître de sa destinée sans être fasciste. Cette caricature, qui aurait fait de Charles Pasqua ou Philippe Seguin de dangereux extrémistes, profite à tous les adversaires de la Nation ».
Jamais avare de grandes homélies bien-pensantes, Laurent Joffrin n’a pas tardé à réagir, dans une énième tribune à l’encontre de Michel Onfray. Le directeur de la publication de Libération dit avoir « naguère rompu les lances » avec Onfray « qui tenait déjà des propos proches des thèses du RN ». Cette diabolisation, caricaturale soit dit en passant, ne date pas d’aujourd’hui et montre les lacunes du système idéologique dominant depuis le début de XXIe siècle. « La petite coterie médiatique croit qu'en affaiblissant la Nation elle est dans le camp du Bien », analyse le député Les Républicains Julien Aubert. De son côté, Jean Messiha, membre du bureau national du RN, tance ce système qui « vise à excommunier et ostraciser les gens ».
La longue marche vers la diabolisation
En 2010, le philosophe publiait Le Crépuscule d'une idole, livre dans lequel il s’attaquait à Freud, et notamment à sa manière de faire de la science. Dans une tribune dans Le Monde (déjà), la psychanalyste Elisabeth Roudinesco avait accusé Michel Onfray de réhabiliter « un discours d’extrême-droite ». Après cette tribune, Michel Onfray fut même qualifié d’antisémite. Modèle d’« hitlerisation de l’adversaire », comme l’expliquait Murat, dans lequel on décrédibilise quelqu’un car il “pense mal”. Pourtant, le livre d’Onfray avait été salué par bons nombres de psychanalystes.
Ce pamphlet contre Freud n’avait pas plu à certains. Gérard Miller, psychanalyste médiatique, n’a sans doute pas digéré cette remise en cause du « père de la psychanalyse ». Dans un tweet posté il y a quelques jours, il a fustigé Michel Onfray, ce « Zemmour de gauche » devenu la « coqueluche de l’extrême-droite ». En bref, la gauche bien-pensante persiste à distribuer les étiquettes de bons et mauvais élèves. A croire que s’interroger sur l’islam et l’immigration fait de vous un partisan du RN. Onfray en est pourtant bien éloigné, lui qui a créé l’université populaire de Caen après le “choc” du 21 avril 2002.
Quand les politiques se mettent à diaboliser
En mars 2015, Michel Onfray est une nouvelle fois victime du sectarisme de la gauche, et est accusé de “faire le jeu” du Front national par le Premier ministre Manuel Valls. Le philosophe avait déclaré dans un entretien au Point qu’il préférait une « idée juste d’Alain de Benoist à une idée fausse de Bernard Henri Levy ». Coupable des “pires horreurs” en faisant appel à celui qui a façonné la “Nouvelle droite”, Manuel Valls l’avait accusé de « perdre les repères ». Une facheuse manie que les politiques ont à décrédibiliser ceux qui ne pensent pas comme eux. Comme le disait justement Michel Onfray, « on ne lutte pas contre le FN en disant que c’est le diable mais en le déconstruisant ».
Cette diabolisation par les politiques a gagné en intensité, qui plus est quand les médias se sont fait les porte-paroles des adversaires d’Onfray. Dans ce fameux article du Monde, un seul homme politique est interrogé, Alexis Corbière. Pour le député de la France insoumise, Michel Onfray « est devenu l’idiot utile d’une pensée réactionnaire qui a pour point de jonction une obsession anti-islam ». Et d’ajouter : « Il manque de rigueur. Il participe à une entreprise de démolition de la Révolution française. Il a une logique vendéenne ». Des propos balayés par Jean Messiha, cadre du RN, qui soutien le philosophe tout en le pensant toujours loin de ses idées : « Michel Onfray n’a pas encore franchi le Rubicond de l’identité ».
L'industrialisation de la caricature
Libération a depuis des années augmenté son mantra progressiste. En 2015, Michel Onfray s’interroge sur le traitement médiatique de la crise des migrants. Alerte générale dans les rédactions de la gauche morale. On pourrait même penser qu’une cellule de crise a été créé à la moindre prononciation de “migrant”, “immigration” ou encore “islam”. Quelques jours plus tard, Michel Onfray se retrouve en Une de Libération. Le quotidien créé par Jean-Paul Sartre — qu’Onfray a également déconstruit — affirme que le philosophe « défend des thèses qui alimentent la propagande d’extrême-droite ». Déjà à l’époque, remettre en cause une notion phare du progressisme amenait les plus zélés à la potence.
Mais cette technique de caricature et de décrédibilisation n’affecte pas seulement Michel Onfray. Eric Zemmour en est largement victime. Michel Houellebecq, avec son livre Soumission, a été vilipendé par les antiracistes. Alain Finkielkraut ne peut plus passer dans un plateau télé sans être caricaturé par les féministes à coup de montages vidéo. Bref, une seule mention du mot immigration ou islam fait de vous un nazi, un fasciste, un “néoréac”. Stéphane Simon, associé à Michèle Onfray pour créer Front Populaire, pense que le « système médiatique agit en petit kapo » et souligne un « réflexe de défense de l’élite bourgeoise ». Quant à Julien Aubert, il ne « supporte plus cette pensée du "reductio ad hitlerum" : Onfray est lu par des fachos donc Onfray est facho. La petite coterie médiatique croit qu'en affaiblissant la Nation elle est dans le camp du Bien ».
Les Français seraient donc des nazis ? Les livres de tous ces “polémistes” se vendent à des centaines de milliers d’exemplaires. Dire sa pensée est devenu périlleux dans ce conformisme ambiant. La situation actuelle de Michel Onfray montre une fois de plus la déconnexion entre les médias et le peuple. Si vous pensez mal ne dites rien, il ne faudrait pas « faire le jeu de l’extrême-droite ». André Bercoff, lui aussi régulièrement accusé de mal penser, parle lui de diabolisation à coup de “reductio ad lepenum”, qui ressemble à la « technique des staliniens dans les années 1950 ».
Julien Aubert fustige également ces méthodes : « La diabolisation d'Onfray est ridicule. Avec le temps, s'est créé un gloubi-boulga idéologique où l'extrême-droite est confondue avec le nationalisme ou le patriotisme, voire le souverainisme. » « Si aujourd’hui même le fait d’être souverainisme vous vaut le même traitement qu’on lui réserve, c’est mauvais signe pour la démocratie », conclu Jean Messiha. L’exemple Onfray n’est qu’un cas de plus dans les intellectuels condamnés pour avoir mal pensé.