L'impasse, par Hilaire de Crémiers
(Cet article est tiré du numéro 96 de Politique magazine, mai 2011)
Il y a des moments dans la vie politique où il n’y a plus de bonnes solutions. L’histoire se charge d’en trouver et pourvu qu’elles soient bonnes !
L’Europe ne va pas bien. Ce n’est pas en répétant qu’il faudrait en conséquence faire davantage d’Europe, que l’Europe ira mieux. Au lieu d’édicter indéfiniment de nouvelles règles pour colmater les brèches, il serait sage de revoir la conception d’ensemble.
Le discours politique français est frappé d’une terrible inconséquence. D’un côté, il n’est question que de pousser à davantage d’intégration européenne avec cette idée sous-jacente que « plus » d’Europe permettra de sauver l’Europe ; et, d’un autre côté, il ne s’agit que de protester contre les effets de cette prétendue dynamique quand les dirigeants, pourtant tout acquis à l’idée européenne, s’aperçoivent soudain avec effroi que des intérêts français vitaux vont devoir être sacrifiés pour une construction dont nul ne voit les perspectives ni les avantages, sauf ceux qui en vivent et en profitent.
L’europe impossible
Les socialistes ont ainsi sacrifié – l’ont-ils même voulu ? – l’industrie française ; ils ne doivent pas s’étonner si les ouvriers leur en veulent et préfèrent voter Front national.
Il en est de même de la Politique agricole commune. Comment un Bruno Le Maire, succédant à un Michel Barnier redevenu commissaire européen – toujours les prébendes ! –, peut-il tenir sur le sujet un double discours ? Mieux placé que tout autre, il sait fort bien que l’agriculture française est peu à peu mais inéluctablement sacrifiée par Bruxelles à des considérations européistes et mondialistes.
Et voilà maintenant qu’il apparaît comme une évidence que le fameux espace Schengen qui, il faut s’en souvenir, avait été présenté en son temps comme la norme européenne de sécurité des frontières, n’est qu’une passoire…et non seulement une passoire mais une pompe aspirante pour tous les peuples d’Europe, d’Afrique et d’Asie.
Discours de Grenoble, réglementation sur les « Roms », sur l’immigration illégale et clandestine. Langage de combat qui provoqua tant de tapages ! Et pour quoi aujourd’hui ? 20 000 Tunisiens reçoivent leurs titres de séjour en Italie et ne cherchent qu’à venir en France. Espace Schengen, n’est-ce pas ? Nicolas Sarkozy pousse une clameur ; il rencontre Berlusconi, c’était le 26 avril. Résultat : un marchandage global, une lettre commune à la Commission européenne pour qu’elle aide à la protection des frontières – elle en profitera pour justifier encore ses augmentations budgétaires ! – une promesse pour l’Italie d’avoir en novembre la présidence de la BCE – qu’en penseront les Allemands ? – une compensation pour les achats français d’entreprises italiennes… Et puis… des Tunisiens, bientôt des Libyens, des Soudanais, des Africains qui continueront d’arriver et qui remonteront la Botte, pour aller où, s’il vous plaît ?
Il est permis de se demander comment se règlent tous ces problèmes, par quels coups de téléphone, quelles décisions, quelles tractations ? Comment agir dans le long terme avec de pareils procédés ?
Crises systémiques, vices systémiques
C’est le vice essentiel de systèmes mal conçus qu’il faut dénoncer, système européen, mais aussi système français. Que valent des institutions dévoreuses d’énergie, destructrices de puissance, qui écrasent les peuples en gaspillant leurs ressources ?
Pour ainsi dire chaque jour, un ébranlement nouveau vient les secouer. C’est un vacillement perpétuel. À quand l’écroulement ?
Ce n’est pas une prophétie, c’est une certitude mathématique. En effet, la dette grecque que l’Europe a cru colmater est toujours là, chaque jour plus béante : 340 milliards fin 2011. Les 110 milliards octroyés n’y suffisent plus. Elle n’est plus tenable.
Aucun plan d’austérité ne peut venir à bout d’une telle charge.
Reste à brader la Grèce, morceau par morceau, ce que fait le gouvernement grec sans scrupule, mais dans de si mauvaises conditions qu’aucun résultat tangible ne changera l’implacable réalité.
Cependant le monde officiel de la politique et de la finance affirme encore hautement à ce jour de fin avril – mais demain ? – qu’il n’est pas question de restructurer la dette grecque. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir ce qu’une telle affirmation signifie. Faut-il rappeler que Madame Lagarde, il y a quelques semaines encore, expliquait que les prêts français à la Grèce étaient une affaire des plus profitables, vu les remboursements escomptés, « intérêt et capital », cela allait de soi ? Mais voilà que se profile déjà le nécessaire rééchelonnement avant l’inéluctable cessation de paiement, autrement dit la banqueroute.
Du coup tous les avoirs en dette grecque ne vaudront plus que roupie de sansonnet. Voilà pourquoi il est interdit d’évoquer même la catastrophe !
Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi : la combinazione
Problème immense et insoluble, systémique selon le langage convenu : c’est que les banques européennes, allemandes, anglaises, françaises, et la BCE elle-même ont dans leurs avoirs quantités de titres qui ne seront plus, pour parler le jargon, que des « actifs toxiques ». Autrement dit, du néant. Aucun des « stress-tests » auxquels les banques au mois de juin prochain devront se soumettre, ne prévoient cette accablante réalité.
Voici encore la dette irlandaise, d’autre nature sans doute, mais aux conséquences équivalentes. Elle ne cesse d’être réévaluée à la hausse. Les banques irlandaises que l’État irlandais aidé par l’Europe renfloue, ont, elles aussi, des dettes à l’égard des établissements financiers européens. La BCE a même récemment racheté de prétendus actifs, c’est-à-dire encore du néant.
Voici, de plus, la dette portugaise avec ses taux devenus impossibles. Le gouvernement portugais a démissionné pour pouvoir demander l’aide de l’Union européenne et du FMI, au bas mot 80 milliards d’euros. Sans garantie aucune… Voici maintenant, à la queue leu leu, les dettes espagnole, italienne, française…Aucun fonds de soutien n’y pourvoira. Le FMI, de rapport en rapport, commence à manifester son inquiétude.
Ce n’est pas en vain que les Etats-Unis, menacés d’avoir leur note dégradée, ont reçu une semonce sur leur colossal endettement, 14 400 milliards de dollars, 100 % du PIB, et sur leur déficit annuel. Il faudra que républicains et démocrates se mettent d’accord pour assurer les financements courants. Le président Obama servira d’arbitre. C’est une nécessité nationale. Cet impératif peut les sauver.
Mais l’Europe ? Il n’y a pas d’arbitre ; elle nie les nécessités nationales ; elle ne fait que des comptes et ses comptes sont mauvais. Aucune institution n’est en mesure d’aborder le problème de fond.
Et les peuples le comprennent à leur manière. Les vrais Finlandais qui se sont imposés aux dernières élections législatives finlandaises, ne veulent plus payer pour l’Europe. Les Hongrois, non plus, qui préfèrent avec Viktor Orban retrouver leur racine nationale et chrétienne et réécrire dans ce sens leur constitution.
Il en sera de même au Portugal et en Irlande. Le Front national en France fait frémir la classe politique installée. Les Anglais veulent se sauver par eux-mêmes et ils y arriveront. Quant aux Allemands, si les officiels de la classe politique se sont laissés forcer la main à plusieurs reprises par Nicolas Sarkozy, en particulier encore en mai 2010 au moment où la crise a failli de nouveau tout emporter, c’est parce qu’ils savaient que leurs intérêts bancaires étaient concernés. Vient un temps où trop, c’est trop.
Pourquoi payer ? Madame Merkel a elle-même prévenu : il faudra bien que « les privés » payent, autrement dit les banques, autrement dit les particuliers. Ainsi les États se garent devant cette succession de chutes financières qui s’annoncent ; du moins prétendent-ils ainsi préserver leurs contribuables.
Et en France ? Alors que le mur de la dette se rapproche en même temps que celui des autres pays – et cumulées, ce sont des sommes astronomiques, 3 600 milliards exigibles d’ici fin 2012 –, alors que dans quelques mois le risque deviendra vertigineux, les partis ne savent qu’inventer pour séduire l’électorat ; chaque jour voit un candidat nouveau à la présidentielle ou à de ridicules primaires qui sont des jeux de gosses de riches…Telle est la vie politique française. Qui veut bien comprendre, qu’il comprenne ! ■
Commentaires
Belle analyse de la bureaucratie fédérale.
Quand on évoque les PIIGS et les autres pays latins menacés, on confond souvent les nations et les Etats.
En fait ce sont d'abord les Etats, structure de gestion des nations, qui sont en faillite mais le rapport de services à la nation les contient de leur couper les vivres comme cela devrait être dans une économie arithmétique.
On finira par détruire les Etats en banqueroute pour repartir de zéro, en s'appuyant sur le capital des nations ou ce qu'il en restera. Le danger c'est l'Etat qui fait ballast à contre-temps.
Les royalistes ne cessent de dénoncer, d'alerter et ils
partagent avec bien d'autres, pas nécessairement
royalistes, des analyses semblables, sans parler de celles
des économistes dits hétérodoxes.
De même, les solutions à mettre en oeuvre sont connues,
mais se heurtent à l'idéologie ultralibérale, européiste et
mondialiste d'une oligarchie tantôt ménagée par une droite
accommodante, tantôt par une gauche de collaboration.
Royalistes, nous savons que malheureusement, ce seront
les faits, l'actualité, les événements plutôt subis
qu'anticipés, qui provoqueront un changement inéluctable.
Chacun éprouve ce sentiment et s'y attend d'une manière
ou d'une autre, mais nous ne savons pas quand
exactement, dans quelques mois, plus ?
C'est pourquoi, il me semble que toutes les déclarations et
initiatives de la Maison de France, en ces temps troublés
sont plus qu'indispensables, pour faire entendre la voix de
la France et rassembler les Français. Nous devons les y
encourager, nous rendre utiles, nous engager, et soutenir
toutes les actions de notre famille royale qui iront en ce
sens, pour annoncer aux Français qu'une autre voie est
possible.
L’Europe qui se construit aujourd’hui est une Europe bureaucratique et jacobine, qui reproduit à plus grande échelle tous les défauts caractéristiques de l’Etat-nation. C’est une Europe qui donne la priorité à la dérégulation et à l’ouverture des marchés au lieu de se doter des moyens d’une politique commune.
Sans volonté politique ni véritable légitimité démocratique, elle prive les nations existantes de ce qui leur reste de souveraineté sans leur restituer celle-ci à un plus haut niveau.
La construction européenne se fait essentiellement dans le domaine économique et commercial, qui tend à faire de l’Europe une zone commerciale au lieu de lui permettre de devenir un pôle régulateur de la mondialisation.
Le fédéralisme, au contraire, propose le rejet de toute forme d'hégémonie exercée par l'une des parties composantes, comme de toute forme de centralisation et d'homogénéisation de type jacobin.
Au principe d'omnicompétence étatique, il oppose le principe de subsidiarité, c'est-à-dire de compétence suffisante. Contre le souverainisme, qui tranpose l'idéal individualiste dans l'ordre international, il prône l'autonomie, c’est-à-dire la mutuelle dépendance et la souveraineté partagée.
Le fédéralisme intégral n'organise pas à partir d'un centre ou d'un axe, il arrange ensemble à partir de la base afin d'articuler dans un tout. Il considère les minorités, non comme des quantités négligeables, mais comme des qualités irremplaçables. Il n'a pas pour but de supprimer les nations et les peuples, mais au contraire de sauvegarder ce qui les caractérise en propre.
Il respecte les coutumes et traditions locales, garantit les particularismes juridiques et sociaux, et n'unifie qu'au niveau de ce qui est véritablement commun à tous. Il articule ensemble des réalités politiques, culturelles, linguistiques ou sociales qui n'ont pas nécessairement les mêmes frontières.
Il suppose enfin la remise à l'honneur de la dimension politique du social, c'est-à-dire la participation active des citoyens à la vie publique à partir de la commune et de la région, afin de donner aux sociétaires, par le biais d’une véritable démocratie de base, le plus de moyens possibles de décider par eux-mêmes de ce qui les concerne.
Poser la question du fédéralisme, sans avoir préalablement
poser la question de la souveraineté est non seulement une
aberration mais également une utopie.
Dire que " L’Europe qui se construit aujourd’hui est une
Europe bureaucratique et jacobine, qui reproduit à plus
grande échelle tous les défauts caractéristiques de l’Etat
nation " n'est pas réellement exact dans la mesure où
précisément l'Europe n'est pas une nation, et qu'un
Etat-nation souverain n'est pas nécessairement
bureaucratique et jacobin.
Historiquement, les Etats et les nations ne se sont pas
construits sur le principe de la subsidiarité. Ce principe,
étranger à la politique, et venu de l'Eglise, ne parait pas
transposable dans l'ordre politique. Il aurait pour
conséquence de créer une hiérarchie des pouvoirs où la
base serait coupée du sommet et où l'autonomie aurait
pour corollaire un abandon de souveraineté, alors
qu'autonomie et souveraineté ne sont pas incompatibles.
Dire que "le fédéralisme n'a pas pour but de supprimer les
nations et les peuples, mais au contraire de sauvegarder
ce qui les caractérise en propre", n'est pas recevable.
Les nations et les peuples ne sont pas de simples folklores
avec us et coutumes, mais des entités souveraines. Elles
peuvent effectivement mutualiser une part de leur
souveraineté, mais ceci se nomme confédéralisme et non
fédéralisme. Le fédéralisme aux Etat-Unis ou en
Allemagne, n'est pas constitué de peuples ou de nations
différentes, seulement d'Etats fédérés. Ceci est également
le cas pour la Suisse qui se dit pourtant Etat confédéral.
Pour l'Europe, il n'y a pas d'Etat fédéral possible, sauf à
remettre en cause la souveraineté des Etats-nations
européens. Seule, une confédération européenne basée
sur d'autres fondements que ceux existants est
souhaitable, surtout si l'on est royaliste.
Dès le départ, la construction de l’Europe s’est en fait déroulée en dépit du bon sens. Quatre erreurs essentielles ont été commises :
1) Etre partis de l’économie et du commerce au lieu de partir de la politique et de la culture en s’imaginant que, par un effet de cliquet, la citoyenneté économique déboucherait mécaniquement sur la citoyenneté politique.
2) Avoir voulu créer l’Europe à partir du haut, au lieu de partir du bas.
3) Avoir préféré un élargissement hâtif à des pays mal préparés pour entrer dans l’Europe à un approfondissement des structures politiques existantes.
4) N’avoir jamais voulu statuer clairement sur les frontières de l’Europe et sur les finalités de la construction européenne.
L'Europe n'est peut-être pas une nation mon cher DC, mais c'est mieux que celà : c'est une civilisation. Dès lors pourquoi craindre l'abandon de souveraineté, si nous avons une même vision de l'homme et une même communauté de destin?
En lisant cette intéressante discussion, quelques remarques me viennent à l'esprit:
1. René Sédillot a écrit (il y a longtemps) un "Survol de l'Histoire de l'Europe" qui montrait, entre autres choses, comment, tout au long de l'Histoire, l'unité européenne a été, bien des fois, envisagée, tentée. Comment ce n'est pas une idée neuve. Comment, en définitive, elle ne s'est jamais réalisée. Ce qui ne prouve sans-doute pas qu'elle ne se réalisera jamais mais démontre, au moins, l'extrême difficulté de l'entreprise.
2. Une civilisation, c'est peut-être mieux qu'une nation. C'est surtout, je crois, autre chose.
3. Enfin, une question : abandon de souveraineté, pourquoi pas ? Mais entre les mains de qui ou de quoi ? Pour ma part, je n'ai pas, au vu de la réalité actuelle de l'Europe, de réponse à cette question qui a, sans-doute, une certaine importance.
Mon cher JACO il n'y a pas "abandon de souveraineté" mais transposition dans un ensemble supérieur (principe de subsidiarité).
Ce principe est issu de la doctrine sociale de l'église catholique, telle que définie par Thomas d'Aquin et formulée par le pape Léon XIII dans son encyclique "Rerum Novarum". Il est inscrit dans le traité instituant la communauté européenne article 5.
Il serait temps de faire évoluer notre conception de l'Europe.
La fin de la souveraineté française est indissociable de la
fin de la France en tant qu'entité juridico-historique.
Il y a certes une forme de "civilisation" européenne, mais
la "civilisation" française n'est pas la "civilisation"
allemande.
L'Eglise peut avoir d'excellentes visions en matière de
doctrine sociale, mais appliquer un principe relevant de ce
domaine, à une construction politique est tout différent.
Quoiqu'il en soit, l'abandon de souveraineté ne fait ni
partie des caractéristiques de la royauté française et
encore moins de ses attributs.
Thulé a écrit ceci : "Pourquoi craindre l'abandon de souveraineté, si nous avons une même vision de l'homme et une même communauté de destin?".
C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question : "abandon de souveraineté (..), mais entre les mains de qui ou de quoi ?".
Pour l'instant, je n'ai pas la réponse. En effet, je ne vois pas en quoi consiste ou pourrait consister concrètement l'"ensemble supérieur" qu'évopque Thulé un peu mystérieusement.
JACO, DC, je vous engage à vous reporter à l'excellent article de Maurras.net, dans lequel Philippe fait une remarquable analyse du livre de Charles Maurras "La Monarchie Fédérale" et dont je vous livre la conclusion:
"Vingt ans se sont écoulés depuis la Déclaration des jeunes félibres fédéralistes, quatorze depuis la publication de L’Idée de la décentralisation, et onze depuis l’effacement de Frédéric Amouretti. Maurras note une évolution favorable à son point de vue, d’une jeunesse intellectuelle désormais plus sensible aux thèmes régionalistes que ne l’était la génération précédente. Mais la grande différence par rapport à la Déclaration de 1892, c’est qu’entre temps Maurras est devenu royaliste ; la construction fédérale, fédérative, fédératrice prend toute sa cohérence. Local, provincial, national et imperium supranational y sont articulés dans une construction logique à l’expression si actuelle qu’on en vient à se demander ce que deux guerres mondiales et cent années de bouleversements ont pu en modifier"…
Franchement, si l'on veut en référer à Maurras, à propos de notre sujet, il vaudrait, à mon sens, beaucoup mieux lire son texte plutôt que les commentaires qu'en donne le Philippe dont parle Thulé. Que je ne connais pas.
Pourquoi le blog ne le publierait-il pas ? J’en soumets l’idée au blogmestre. Ce ne serait pas de la place perdue. Et si Thulé adhère à ce que Maurras y dit, alors, nous serons d'accord. Et peut-être DC aussi.
Quelques extraits de" La Monarchie Fédérale"
"Les instituteurs primaires du xx esiècle commencent à ne plus vouloird’un verbiage dont s’est nourri plus d’un lettré du xixe. On s’est rendu un compte parfait de la frivolité de certaines oppositions, de la fragilitéde certaines déductions. Il n’y a pas antinomie, mais affinité entre l’unité française et les diversités régionales qui la composent.
L’Europe moderne n’assiste pas à un mouvement d’unification fatale, elle subit deux effortsen sens divers, mais non contraires6, et l’effort unitaire n’est pas le plus puissant; les peuples heureux, les politiques adroits sont d’ailleurs ceux quisavent combiner ces diversités au lieu de les entrechoquer. Enfin, loin dese fusionner et de se fédérer, les grandes nations modernes vivent dans unétat croissant d’antagonisme qui suffirait à montrer que l’avenir européenet planétaire appartient à l’idée de la défense des nations, nullement à la concorde cosmopolite.
Pour faire face à cet avenir, la France contemporainen’aura point trop de toutes ses forces, de leur organisation la plus pratiqueet la plus vigoureuse!
C’est pour la bien organiser que nous voulons aller au Roi; mais c’est pour ne rien gaspiller, pour tout utiliser dans le meilleur état possibleque nous conseillons l’autonomie des pouvoirs locaux et professionnels.Les républicains autonomistes et fédéralistes, qui s’étaient cachés longtemps,ne se dérobent plus. Ils ne nous disent pas comment leur régime, où lacentralisation est fatale, réalisera ce qu’ils veulent; mais enfin ils le veulent,d’une volonté plus profonde qu’on ne le croit dans le pays."
Les pouvoirs locaux et professionnels pour reprendre la
formulation de Thulé, ne disposent pas par définition de la
souveraineté, dans la mesure où autonomie ne signifie pas
indépendance.
Seuls les Etats disposent de la souveraineté. Quant à la
monarchie dite féodale, davantage identifiée à la
monarchie mérovingienne et carolingienne, celle-ci se
trouve précisément aux antipodes de la construction
millénaire capétienne.
Les rois capétiens avaient bien mesuré les dangers du
féodalisme face à la royauté, le pouvoir des grands
feudataires face à la main de justice du Roi, le pouvoir des
parlements face à l'autorité royale.
Actuellement, la décentralisation existe et le principe de
libre administration est même constitutionnel. Bien
entendu, tout ceci peut être adapté en permanence mais
de là à imaginer un Etat fédéral européen où les Etats
nations ne seraient que de simples provinces européennes
ou pire que ces Etats-nations n'existeraient plus et que
seules survivraient les régions des différents pays
d'Europe, au nom du principe de subsidiarité, est non
seulement une utopie, mais un abandon pur et simple de
ce que la France représente historiquement.
Ce n'est pas parce que l'Eglise, à juste titre, voit dans
l'Europe une même vision de l'homme (à une nuance près
dans la mesure où il existe aussi une minorité d'Etats en
Europe où la majorité de la population est de confession
musulmane), et une même communauté de destin, que l'on
doit en tirer des conséquences politiques, complètement
abracadabrantesques, comme diraient certains.
Car si nous suivons ce raisonnement, pourquoi le Pape ne
serait pas tant qu'à faire, imperator théocrate de l'Europe,
façon iranienne, et Rome, à nouveau capitale de l'Empire.
Evidemment, je force le trait mais tout de même notre ami
Thulé nous pousse dans des retranchements !?
Il est possible que notre ami Thulé, qui aime l'Europe, et il a raison, qui voudrait qu'elle tende à son unité, et l'on peut y souscrire, même et, peut-être, surtout, quand on est royaliste et patriote, pousse DC dans des retranchements où je me retrouve aussi.
Mais il a eu, à mon avis, l'excellente idée de nous proposer la lecture d'un texte de Maurras, qui traite, en fait des divers aspects de cette discussion : Le régionalisme (compris au sens maurrassien qui n'a pas grand chose à voir avec la "décentralisation" façon Vème République), le patriotisme français, l'Europe, la mondialisation, la Monarchie Fédérale.
Ce texte de Maurras, exception faite des noms cités, et de certains faits d'Histoire, nécessairement datés, me semble parfaitement actuel et remarquablement équilibré dans son fond.
Il y a, dans cette réflexion, des points qui correspondent aux idées de Thulé, d'autres qui en sont, à mon sens, et à juste raison, l'exact contraire.
Je crois que, globalement, sans que la référence à Maurras, ressemble si peu que ce soit à un "argument d'autorité", nous pourrions tous adhérer à ses analyses sur ces sujets.
C'est pourquoi, j'espère que lafautearousseau retiendra ma proposition de publier "la Monarchie Fédérale" ne serait-ce que pour nourrir notre réflexion.
Merci à DC/Thulé/Jaco pour leurs commentaires, qui enrichissent et nourrissent notre Blog à tous, et nous poussent à une saine "disputatio". En effet, publier "La Monarchie fédérale" est une excellente idée, et nous allons le faire 'incessamment sous peu". Profitons de l'occasion pour encourager chacun à discuter sur le Blog, au moyen des "commentaires" qui - on le voit ici - font avancer les choses, en permettant de toujours mieux préciser les Idées. Une information : le nombre de personnes ayant posté un (ou plusieurs...) commentaire s'élève, pour l'instant, à 370 : c'est, aussi, un des éléments qui permettent d'apprécier la vitalité d'un Blog.... Merci à toutes et à tous, et, à vos plumes !.....
J'avais lu trop vite "monarchie féodale" au lieu de "
monarchie fédérale", d'où une certaine confusion.
Toutefois, à preuve du contraire, le mot "fédérale" tel qu'il
a pu être employé par Maurras, n'a sans doute pas la
même signification que celle que l'on entend aujourd'hui,
lorsque l'on parle d'Europe fédérale.
Quant à dire que la Monarchie française est fédérale, elle
l'est sûrement dans le sens de l'unité, à savoir une
monarchie unitaire, donc un Etat unitaire et non fédéral,
qui s'est formé au cours du temps en fédérant différents
territoires et provinces, soit la plupart du temps par
alliances ou mariages, mais aussi par conquêtes.
En fait, il me semble que l'on confond territoires et nations.
Un territoire conquis par la force, par une famille ou par
une personne au Moyen-âge et sur lequel s'exerçait la
souveraineté d'un seigneur, ne constituait pas pour
autant, nécessairement, une nation. C'est pourquoi, il
était possible de fédérer différents territoires qui par la
légitimité des rois capétiens et autour d'eux, ont pu
constituer petit à petit une véritable nation, c'est-à-dire une
communauté unique de destin librement consentie.
Pour l'Europe, il en est tout autrement. Les nations
existent déjà, et même si elles partagent une communauté
de destin, celle qui leur est propre demeure; et si
d'aventure, elle devait disparaître, il en serait donc fini de
la France, comme des autres nations, précisément, en tant
que communautés spécifiques de destin, ce qui, pour la
France, est de mon point de vue, non seulement
inconcevable, mais surtout inacceptable.
Au contraire mon cher DC, c'est bien parceque les nations d'Europe, prises isolément, n'ont pas la taille critique pour s'opposer au mondialisme anglo-saxon, que nous devons faire l'Europe fédérale.
L’alternative est claire : soit l’Europe, donnant la priorité à la libéralisation, épouse la dynamique d’un grand marché visant à s’élargir le plus possible, et en ce cas l’influence américaine y deviendra prépondérante, soit elle s’appuie sur une logique d’approfondissement de ses structures d’intégration politique par le biais du fédéralisme et de la subsidiarité, dans une perspective essentiellement continentale et avec l’intention de balancer le poids des Etats-Unis.
C'est une question de vie ou de mort pour la civilisation européenne.
Je me demande bien quelle nation, en Europe, a, actuellement, pour politique et pour volonté de contrebalancer la puissance américaine et de constituer à cet effet une puissance souveraine unique. Si Thulé en trouve une, qu'il la dise.
Tout à fait d'accord avec vous mon cher JACO, l’" Europe des États", l’" Europe des patries" ou l’" Europe des nations", formules commodes pour masquer un refus fondamental de l’Europe, ne permettent pas d’atteindre un tel objectif. Il en va de même d’une "nation européenne", qui reporterait au niveau supra-national toutes les tares propres à la logique unitaire de l’État-nation jacobin — et aussi d’un fédéralisme "par le haut " qui n’est trop souvent que l’alibi de l’hégémonisme.
Seul le fédéralisme "par le bas", dit aussi fédéralisme intégral ou sociétal, fondé sur une application rigoureuse du principe de subsidiarité, peut permettre, en faisant partir la construction européenne du niveau communautaire, local et régional, de rejeter d’un même mouvement l’impuissance et le nivellement.
Pour qu'il y ait la possibilité d'un "fédéralisme sociétal", pour que le principe de subsidiarité puisse s'appliquer, il faudrait que des sociétés existent, qu'elles soient organiques. Nous vivons, au contraire, dans un monde foncièrement individualiste, presque totalement atomisé. Raison pour laquelle la politique que propose Thulé me paraît tout simplement surréaliste.
Ni plus, ni moins surréaliste que ce qui nous réunit, mon cher JACO. C'est ce qui nous fait préférer les questions ouvertes aux réponses toutes faites.
Il n'y a pas besoin, en général, et pour la France, en
particulier, de se référer à une notion de taille critique
pour s'opposer au mondialisme anglo-saxon. Il suffit de la
volonté politique. La France est une puissance économique,
militaire et nucléaire, diplomatique, qui peut faire valoir ses
positions, sans se fondre obligatoirement dans une Europe
fédérale intégrée.
Avant d'approfondir la mutualisation de certains moyens et
de construire une Europe confédérale, respectueuse des
souverainetés, il faudrait déjà affirmer ce que la France
souhaite. Or, pour l'instant, nous nous complaisons dans le
modèle anglo-saxon avec des personnages tels Christine
Lagarde, Dominique Strauss Kahn, Nicolas Sarkozy ...
Et si nous regardons ailleurs, en Irlande, en Grèce, au
Portugal, en Espagne, c'est la même chose. Tout est à
revoir.