« Violences de l'Action française contre le PS à Aix-en-Provence » ? Ou lamentations d'une fédération déchue ?
Jean-David Ciot à la cour d'appel d'Aix-en-Provence © Photo Jean-François Giorgetti
En perturbant, le 2 décembre dernier, une « conférence » organisée par la section du PS d'Aix-en-Provence à l'Institut d'Etudes Politiques (?), puis en s'invitant à la cérémonie de présentation de ses vœux, au Théâtre d'Aix, le lundi 25 janvier, les jeunes d'Action française qui ont organisé ces chahuts ont paradoxalement surtout abouti à sortir de l'ombre, et à donner quelque publicité et motifs de se manifester, à Jean-David Ciot, assez obscur député de la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône. Sans-doute s'en serait-il passé. Mais y avait-il là de quoi fouetter un chat ?
L'affaire a pourtant remué les médias en ligne, petits et grands - jusqu'au Huffington Post - la presse écrite, nationale et locale, et, naturellement, le quotidien local La Provence qui s'est surpassé dans la mise en œuvre des grands moyens et l'emploi des mots stigmatisants qui sont censés tuer. [Voir illustrations].
Que faut-il en penser ? Nous dirons notre avis, Lafautearousseau ayant été mentionné voire mis en cause par le politologue mobilisé pour l'occasion, ainsi, d'ailleurs, que les sections provençales de l'Action française pour leurs activités pendant ou après la guerre, et les rassemblements royalistes des Baux de Provence dont on sait qu'ils ont été organisés pendant plus de 30 ans par l'équipe qui, aujourd'hui, publie Lafautearousseau.
Quels étaient les motifs des jeunes d'Action française qui ont organisé ces chahuts ? Leurs reproches ? Disons, tout simplement, à notre connaissance, l'indignation, les soupçons de corruption - parfois la certitude de cette corruption - sentiments que partage la quasi totalité de la population des Bouches-du-Rhône, y compris dans l'électorat anciennement ou encore socialiste, à l'égard des élus PS, dont certains, Jean-Noël Guerrini en tête, mais aussi Jean-David Ciot, ont fait - ou font encore - l'objet d'informations judiciaires pour détournement de fonds publics. Que des relaxes soient intervenues faute de preuves caractérisées n'a d'ailleurs rien changé au soupçon de la population. Qui sait en faire les frais et ne s'y résigne plus.
Il est de notoriété publique, en effet, - même France Inter en a donné un tableau cataclysmique - que la Fédération du Parti Socialiste des Bouches-du-Rhône, historiquement l'une des deux plus puissantes de France avec celle du Nord, a perdu une grande partie de ses adhérents, que les militants sont partis, que les cotisations ne rentrent plus, et que les permanences sont vides ou abandonnées. C'est ainsi qu'aux dernières régionales le PS n'a pu se trouver comme tête de liste qu'un élu de Forcalquier largement inconnu en région PACA, que ses leaders en ont été absents, et que son score l'a éliminé du second tour. A cette dégringolade, il doit bien y avoir, n'est-ce pas ?, une explication... Les jeunes d'Action française en réclamant, ce qui est leur droit, la démission du Jean-David Ciot en question, fût-ce avec la véhémence de leur âge, n'ont fait que reprendre le vœu majoritaire de leurs concitoyens. Sur leurs violences, qui ont été surtout des chahuts, nous ne croyons pas utile d'épiloguer, alors que nous vivons malheureusement dans un pays dont les Pouvoirs publics tolèrent à longueur d'année toutes sortes de violences, gravissimes celles-là, que ce soient celles des quartiers, des dealers, des Roms, des migrants, des sans-papiers, des illégaux, des délinquants, des multirécidivistes, des associations expressément constituées pour leur apporter soutien, aide et assistance, etc.
Reste à nous exprimer sur les explications que donne dans La Provence, à la demande de ce quotidien, le politologue Jean-Yves Camus. Spécialiste, nous dit-on, de l'extrême-droite, où nous ne nous situons pas. (Outre le fait que nous réprouvons l'emploi de ce terme simplement destiné à stigmatiser). Il s'agit, pour lui, d'expliquer et caractériser la permanence d'une tradition assez ancienne de l'Action française à Aix et Marseille. Il en donne quelques raisons banales (Maurras était de Martigues, il a légué sa très belle bibliothèque à sa ville de naissance, c'est un lieu de pèlerinage pour les militants royalistes, etc.). Il y ajoute quelques notes positives pour nous, sans-doute pas pour lui (l'Action française a toujours su entretenir la flamme ... ne serait-ce qu'en organisant des rassemblements réguliers aux Baux de Provence). Il signale l'activité sur internet de groupes comme Lafautearousseau - dont il semble pourtant ignorer (?) que le lectorat est largement plus national que régional. Il va jusqu'à concéder qu'il y a d'ailleurs une certaine qualité intellectuelle dans certains de ces noyaux où l'on trouve des racines universitaires. Il semble aussi ignorer que Lafautearousseau existe depuis huit ans et ne coïncide donc pas avec l'émergence, notamment à Marseille, depuis deux ou trois ans, d'une nouvelle génération plus activiste et plus tapageuse qu'avant. [Elle est simplement plus jeune et fait ses armes]. Nous relèverons pour finir cette affirmation sans preuve que Jean-Yves Camus croit utile de livrer et qui fait un peu partie, d'ailleurs, des inévitables - quoique anachroniques - accusations qu'il est convenu de porter, quel que soit le sujet - à l'encontre de l'Action française. Ici, cela prend la forme suivante : « La section de Marseille est particulière. Son leader pendant la Seconde guerre mondiale était un collaborateur, coupable d'exactions, ce qui n'était pas vraiment le parti pris de l'Action française. Ces nationalistes n'aimaient pas voir une armée d'occupation.» Pour qui a passé plusieurs décennies à militer à l'Action française à Marseille, ce sont ces deux dernières propositions qui sont vraies. Sur la première [le leader de la section de Marseille pendant la Seconde guerre mondiale était un collaborateur, coupable d'exactions] le spécialiste qu'est Jean-Yves Camus ne dit rien. Pas de nom, pas de preuve, pas de détail. Nous n'ignorons pas, on s'en doute, qu'au cours de l'Occupation, il y a eu, à l'Action française, ou dans sa mouvance, des militants ou sympathisants qui se sont engagés dans la Collaboration. Ils contrevenaient alors à la ligne politique de l'Action française. Nous n'ignorons pas non plus, qu'il y en eut beaucoup plus à gauche, venus du mouvement pacifiste, du Parti communiste et, en fait, de toute la gauche. Le leader de l'Action française à Marseille que nous avons connu et qui l'a dirigée des années 1950 à 1980, n'avait rien d'un collaborateur. Nous ne contesterons pas le professionnalisme de Jean-Yves Camus mais, à coup sûr, son impartialité. Il collabore à Charlie Hebdo, il exerce des responsabilités au think tank Jean Jaurès, il se classe nettement dans la mouvance du Parti socialiste. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne peut pas être, dans cette affaire comme dans une autre, un élément de pluralité de l'information, pour la Provence. Même coloration garantie !
Le manque de sérieux marque toute cette agitation. Et la vraie violence - la violence de fond - n'est pas là où ces Messieurs l'ont dit. Lafautearousseau •
Rassemblement royaliste aux Baux de Provence