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  • Kamel Daoud : en Algérie, « le mur de la peur a été cassé »

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgDeux autres réactions nous ont paru intéressantes à noter. Celles de Kamel Daoud, écrivain algérien de talent et  Yasmina Khadra qui vit en France. Tous deux balancent entre joie et inquiétude. On les comprend. Quant à nous, c'est essentiellement du risque que court la France dans cette affaire que nous nous préoccupons. Ce risque est réel et grand.  LFAR

    « le mur de la peur a été cassé » C’est par ces quelques mots, sur RTL, que l'écrivain Kamel Daoud s’est réjoui vendredi dernier du fait que ses concitoyens qui manifestent contre un cinquième mandat du président algérien Abdelaziz Bouteflika « ne reculeront plus » malgré les risques de violence.

    Comme plusieurs écrivains algériens se sont réjouis dans des médias français de cette contestation inédite depuis plusieurs années, Kamal Daoud dit aussi sa joie tout en craignant la répression d'un mouvement qui fait suite à la décision annoncée le 10 février du président, 81 ans, au pouvoir depuis 1999, de se représenter lors de la présidentielle du 18 avril. 

    « Le principal changement, c'est le fait que les gens n'ont plus peur. Ce qu'on appelle communément le mur de la peur a été cassé et c'est extraordinaire de sentir cette sorte de frisson, d'enthousiasme, cette sorte de joie », a déclaré Kamel Daoud sur RTL, en ligne depuis Oran (nord-ouest de l'Algérie). « Les gens ne se sentent plus terrorisés, et je choisis bien mon mot ». 

    « Je pense que l'écrasante majorité des Algériens ne reculeront plus », a-t-il dit. 

    « Mais d'un autre côté, le régime n'a pas de sortie de secours, pas de plan B pour le moment, et la tentation de la violence est là », a noté l'écrivain, soulignant la « volonté évidente (du régime) de terroriser les Algériens et de les immobiliser par ce chantage +soit nous, soit le chaos, soit nous, soit la guerre civile »

    Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en garde jeudi dernier contre un scénario comparable à la Syrie, pays en guerre depuis 2011. 

    « Il faut être sincère, j'espérais ce mouvement, mais je ne l'attendais pas car les Algériens nous ont habitués à beaucoup de renoncements. Pendant des années, j'ai écrit que l'Algérie avait renoncé. Quel bonheur de m'apercevoir que je me trompais », commente dans Le Parisien un autre écrivain algérien, Yasmina Khadra, qui vit en France. 

    Le régime « va tout faire pour calmer les esprits. Mais les Algériens sont fatigués. Ils ne veulent plus voir leurs enfants traverser la Méditerranée sur des bateaux de fortune et mourir au large », ajoute-t-il. 

    Source AFP

  • Éric Zemmour : « Bouteflika, symbole du mal-être de l'Algérie »

     

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    CHRONIQUE - Le président algérien incarne aujourd'hui le chantage exercé par une camarilla d'affairistes et de militaires : Bouteflika ou la guerre, version algérienne du très gaullien « Moi ou le chaos ». (Figaro Magazine du 1.03). Mais surtout, Zemmour dénonce ici « les lois (...) qui permettront demain à des millions d'Algériens de venir retrouver un frère, un père, un cousin résidant déjà en France. Une invasion légale qu'avait prophétisée il y a des décennies le lointain prédécesseur de Bouteflika, Houari Boumediene ». L'essentiel est dit. Et le plus grave.  LFAR

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    « Bouteflika moribond, momie mutique, passant sa vie de pantin désarticulé entre Alger et Grenoble, où réside son médecin traitant. »

    Dans les traditions du Maghreb, le chiffre 5 est censé porter bonheur. Les mères bénissent leurs enfants les doigts grands ouverts au-dessus de leurs têtes, ou leur accrochent autour du cou des pendentifs en forme de main. En Algérie pourtant, depuis quelques jours, des manifestations vouent aux gémonies ce chiffre 5. Le porte-bonheur est devenu symbole du malheur algérien. Du mal-vivre de tout un pays gangrené par une démographie exubérante, la corruption endémique, l'aliénation à une économie de rente, fondée sur les deux seules richesses du pays, le pétrole et le gaz. Le chiffre 5, comme le 5e mandat présidentiel que s'apprête à solliciter un Bouteflika moribond, momie mutique, passant sa vie de pantin désarticulé entre Alger et Grenoble, où réside son médecin traitant.

    abdelfatah-hamadache.jpgBouteflika a symbolisé à son avènement la fin de la guerre civile des années 1990 et la défaite improbable des islamistes. Bouteflika incarne aujourd'hui le chantage exercé par une camarilla d'affairistes et de militaires : Bouteflika ou la guerre, version algérienne du très gaullien « Moi ou le chaos ».

    Quand on parle de l'Algérie, le spectre du général de Gaulle n'est jamais loin. Bouteflika fut ministre du gouvernement Ben Bella en 1962 à l'indépendance algérienne. Il avait 25 ans et était une des vedettes de la dolce vita algéroise de l'époque !

    Bouteflika incarne ce FLN à qui le Général a livré l'Algérie, alors même que l'armée française avait gagné la guerre sur le terrain. Des adversaires impitoyables qui exécutèrent par milliers opposants politiques et harkis fidèles à la France, et chassèrent violemment les pieds-noirs (« la valise ou le cercueil »), alors qu'ils auraient pu stabiliser l'État et l'économie du nouveau pays, à l'instar de ce que fit Mandela avec les Blancs d'Afrique du Sud. Un FLN qui, dès les années 1960, au temps de Boumediene, refusa de prendre des mesures de répression démographique à la manière chinoise, au nom d'une politique de puissance qui a étouffé tout développement économique. Un FLN enfin qui engagea l'arabisation de l'éducation pour extirper les traces de la colonisation française, et fit ainsi le lit des enseignants islamistes.

    ob_576ab5_boumediene-c-dr.jpgAprès que l'armée eut gagné la guerre civile, Bouteflika, au nom de la réconciliation nationale, a ouvert les prisons et donné les clés de la société aux islamistes, préparant leur victoire politique future. Il ne faut jamais oublier que la bataille du FLN contre le colonisateur français se fit au nom de l'islam contre « les infidèles ». Des infidèles chez qui toute l'Algérie a pris l'habitude de se faire soigner et de déverser son trop-plein démographique depuis cinquante ans - alors que de Gaulle avait accordé l'indépendance à l'Algérie pour que son village ne devienne pas Colombey-les-deux-Mosquées. Des infidèles assez fous pour avoir multiplié les lois (dans la lignée des accords d'Évian, jamais abrogés) qui permettront demain à des millions d'Algériens de venir retrouver un frère, un père, un cousin résidant déjà en France. Une invasion légale qu'avait prophétisée il y a des décennies le lointain prédécesseur de Bouteflika, Houari Boumediene…    

  • Sont-ils tous irresponsables ?

    par Louis-Joseph Delanglade 

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    « Sortir de l’euro serait très risqué ; y rester dans les conditions actuelles l’est sans doute tout autant. » 

    Une étude du Centre de Politique Européenne (CEP), un think tank allemand européiste et libéral, vient de confirmer, en le chiffrant, ce que tout le monde sait mais qu’il ne faut pas dire : la monnaie européenne nous a appauvris.

    En effet, la disparition du franc aurait coûté, de 1999 à 2017, 56 000 euros à chaque Français. A comparer avec les deux extrêmes : l’Italie (perte de 73 605 euros par habitant pour avoir abandonné la lire) et l’Allemagne (gain de 23 116 euros pour avoir « renoncé » au mark). Les auteurs de l’étude soulignent volontiers la part de responsabilité de la France elle-même, de ses gouvernants donc qui ont privilégié la dévaluation (jusqu’en 1986) puis favorisé une désindustrialisation massive du pays avant et après le passage à l’euro, l’affaiblissant ainsi au point de le rendre incapable de profiter de la force de la nouvelle monnaie unique. 

    ECH20548039_1.jpgOn peut en effet se demander pourquoi, devant bien en prévoir les exigences, les gouvernements français, qui se sont succédé sous les présidences de MM. Mitterrand à Chirac dans les années 90, ont fait le choix de l’euro. Que ce soit illusion sur notre capacité de résilience ou idéologie européiste, le résultat est le même. On a voulu penser que l’Allemagne, soucieuse de sa réunification, donnait ainsi des gages en sacrifiant son mark sur l’autel de l’union alors qu’en réalité, vu la solidité structurelle de son tissu industriel, elle ne pouvait que profiter de la nouvelle donne - gagnant ainsi sur les deux tableaux. Aujourd’hui, la France est dans le piège : sortir de l’euro serait très risqué ; y rester dans les conditions actuelles l’est sans doute tout autant. 

    mike-poon.jpgCertains penseront que ce sont là les inconséquences fâcheuses d’un temps politique révolu. Qu’on se détrompe. Nous avons un exemple très actuel et très inquiétant pour l’avenir, car cela pourrait aussi nous coûter très cher. En janvier, l’annonce du désengagement de Casil Europe, l’actionnaire chinois (49,99%) de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, lequel actionnaire prétend désormais récupérer 500 millions d’euros (soit un gain d’environ 200 millions par rapport au prix d’achat de 2015), a prouvé que l’opération de privatisation (avalisée en son temps par M. Macron, alors ministre de l’Economie) risque de tourner au fiasco. L’inquiétant est que la leçon n’en soit pas tirée au plus haut niveau de l’Etat puisque M. Macron, nouvelle loi PACTE à l’appui, persiste dans son idéologie libérale de désengagement de l’Etat en privatisant d’autres sites stratégiques comme (et ce n’est qu’un exemple) Aéroports de Paris. L’opération de concession à un groupe privé pour soixante-dix années constituerait non seulement un non-sens économique et financier (pour quelques milliards d’euros, l’entreprise florissante qui rapporte jusqu’à 200 millions par an à l’État profitera à des investisseurs privés qu’il faudra encore dédommager à terme), mais aussi un non-sens sécuritaire (Aéroports de Paris est avec cent millions de passagers par an notre plus importante frontière et on ne peut raisonnablement imaginer que l’opérateur privé, qui ne recherche que le profit, ne privilégiera pas le commercial au détriment de la sécurité). Ce fol entêtement idéologique et libéral se cache derrière une motivation apparente dérisoire (gain immédiat de quelques milliards d’euros pour l’Etat). 

    1280px-MarkRuttePHKBX.jpgQu’on le veuille ou non, l’État reste le seul garant possible des intérêts nationaux, comme vient de le rappeler fort à propos le gouvernement du royaume des Pays-Bas qui a fait ce qu’il fallait pour garder la main sur le stratégique aéroport d’Amsterdam-Schipol. (Photo : Mark Rutte, 1er ministre des Pays-Bas)

    Désengager l’État de certaines missions régaliennes constitue donc plus qu'une faute politique grave, une sorte de trahison ; tout comme, à l’inverse et en son temps, l’engager dans une voie monétaire douteuse et de toute façon exigeante sans s’en donner les moyens.  

  • Sollers dit de drôles de choses à Salamé sur la France moisie, liquéfiée, pathétique de Macron : un directeur commercial !

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgIl arrive que des personnalités plus ou moins non-conformistes viennent briser inopinément le ronron gauchard de France Inter. Philippe Sollers, qui est capable de dire à peu près n'importe quoi, y compris de très banal et de très conforme, est de cette catégorie. Car il peut aussi asséner quelques vérités profondes avec le ton et les mots qui font mouche et parfois tuent. Il en est ainsi, passé le blabla égotique du début, de deux passages où Sollers sort de la norme pour parler vrai sur l'état de la France et sur la nature du Chef de l'Etat. Propos cinglants et justes qui font la qualité de cette vidéo de 10'. Nous les avons avons signalés à la suite. Bonne écoute. Pour ces deux passages, cela en vaut la peine ! LFAR ■


     

    Passage « La France moisie »

    Philippe Sollers avait, lorsqu'il était éditorialiste, publié il y a 20 ans, à la une du Monde, une tribune intitulée La France moisie. Tribune qu'il relit ce vendredi sur France Inter (1er mars) et qui sonne curieusement d'actualité.

    Passage sur la visite d'Emmanuel Macron à Pessac en Gironde, jeudi 28 février

    Sollers qualifie de sinistre l'image d'Emmanuel Macron face à ces salariées, ces femmes « parquées avec Marlène Schiappa comme garde-chiourmes », appuie Josyane Savigneau. Et Philippe Sollers commente : «Le président de la République se présente hier comme un directeur commercial avec toutes ces femmes, c'était sinistre [...] Nous sommes dans la France pathétique, la France liquéfiée ».

    Les deux courts textes ci-dessus sont de la rédaction de France Inter. 

  • Culture • Loisirs • Traditions

    Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance.  LFAR

  • Patrimoine cinématographique • Le promeneur du Champ de Mars

     

    Par Pierre Builly

    Le promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian (2005)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgLe vieil homme et la mort 

    Pour une fois, Robert Guédiguian n’évoque pas l'Estaque, le boulevard Michelet, le glorieux Olympique de Marseille et le cours Belzunce. 

    Mais il réalise un film sans aucun rapport avec les docks, la brise marine, le mistral et les calanques. Un film tout entier consacré à un homme. Que cet homme soit alors, et pour quelques mois encore Président de la République n'est pas sans importance, mais n'est pas si décisif que ça. 

    C20eSMOUkAAF46y.jpgAucune ennuyeuse rétrospective, dans Le promeneur du Champ de Mars, de l'action du quatrième chef d’État de la Vème République, aucun jugement de valeur, ni d'appréciation des forces politiques en présence : c'est à peine si est évoquée la réalité, l'actualité ennuyeuse et fébrile : c'est la marche vers la mort évidente et annoncée d'un lettré qui a vécu une vie intense, grisante, éblouissante. 

    D'ailleurs, le film commence par deux éblouissements : le survol de la Beauce et de Chartres à la scansion des mots de Charles Péguy et la présentation des gisants de la basilique de Saint-Denis, nécropole des Rois de France. Celui qui va mourir, et qui le sait, se pétrit encore de la force et de la beauté de ce qu'il a aimé, sans doute de singulière façon, comme il a passionnément aimé le Pouvoir, avec orgueil, cynisme, distance, hauteur. 

    le-promeneur-du-champ-de-mars.jpgFrançois Mitterrand aura été le dernier Président lettré de notre pays, sans doute, et même sûrement pour toujours (si, par malheur, l'agrégé de Lettres classiques François Bayrou était élu, en mai prochain, il ferait tout pour passer pour inculte, n'en doutons pas !) ; un Président qui avait le sens et le goût de l'Histoire et de la permanence des peuples, et celui de la transcendance, aussi (à la fin de son dernier message de vœux, le 31 décembre 1994 Je crois aux forces de l'esprit, et je ne vous quitterai pas !). 

    Du cinéma, tout ceci ? Et comment ! L'ivresse et la vanité du Pouvoir, la solitude du chef, la perspective de la mort douloureuse (et surtout de la perspective d'abandonner tout ça - ainsi que disait Mazarin, autre grand homme d’État -, c'est-à-dire toutes les beautés et les douceurs de la vie...) Du cinéma, bien sûr, quand un réalisateur trouve un acteur aussi exceptionnel que Michel Bouquet, prodigieux de ressemblance, de force intériorisée, de sens du sacré et de sens du dérisoire... 

    le-promeneur-du-champ-de-mars-01.jpgDeux réticences, toutefois : l'ennui de l'anecdote sentimentale qui secoue le confident (Jalil Lespert) du Président, anecdote d'une banalité peu soutenable au regard de la lente agonie du vieil homme (mais, après tout, c'est peut-être voulu, cette juxtaposition), et la trop lourde insistance sur le passé trouble, ou prétendu tel de François Mitterrand, regard vertueux, donc agaçant. 

    Un vieillard hédoniste, ambitieux, secret, cynique et profond meurt devant nous, désespéré, à sa façon, de n'être parvenu au faîte de l’État qu'à l'heure où l'action politique n'avait plus d'existence, avait disparu, noyée par l'omnipotence du Marché et des multinationales. Il aurait été un parfait Capétien. 

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    DVD épuisé, qu’on peut néanmoins trouver autour de 35 € .

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Livres & Actualité • Alain de Benoist contre le libéralisme (et ce qu’il a fait de nous)

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgNous avons mis en ligne, vendredi, une vidéo dans laquelle Alain de Benoist présente lui-même le livre qu'il vient de publier, Contre le libéralisme.

    Voici ce qu'en a pensé Jean-Paul Brighelli. Nous avons dit souvent aimer son style, son humour, son expression directe et sans ambages, son érudition, son bon sens, son non-conformisme et jusqu'à la verdeur de son langage. Cette excellente recension - parue sur son blog le 25 février - ne manque pas à la règle. Voici !  LFAR  

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    Tous les hommes ne sont pas interchangeables

    Seule l’extrême densité de l’actualité m’a fait retarder le compte-rendu déjà écrit du dernier livre d’Alain de Benoist, Contre le libéralisme.

    FIC147777HAB0-768x1234.jpgUne actualité si épaisse qu’elle a permis le déferlement de la sottise la plus élémentaire, non pas celle supposée des « gilets jaunes », qui n’en sont pas encore à formaliser l’ensemble de leurs revendications, et auxquels il est un peu vain de reprocher en bloc les bêtises de quelques-uns, mais celle des commentateurs : faut-il qu’ils aient peur pour qu’on lise sous la plume de gens ordinairement mieux avertis (Jean-François Kahn ou Jacques Julliard, par exemple) des pauvretés idéologiques d’un tel calibre… Cela me rappelle les éructations de la bonne madame Sand au moment de la Commune (lire absolument Les Ecrivains contre la Commune, de Paul Lidsky) : la « socialiste » de Nohan a soudainement craint que le peuple dont elle chantait les louanges tant qu’il fermait sa gueule ne vienne dévaster sa gentilhommière… Que voulez-vous, le peuple braille, gueule, éructe, et parfois même coupe des têtes. Et parfois, il n’a pas tort de le faire : nous exaltons la Révolution chaque mois de Juillet selon un rite magique – pour qu’elle ne se reproduise pas.

    Nous ne sommes pas des Alain Minc

    Contre le libéralisme donc… Entendons-nous : Alain de Benoist n’a rien contre l’idée que son boulanger ou son menuisier soient des entrepreneurs libéraux — tant qu’ils ont du talent. Un homme qui cite si souvent Ayn Rand (si vous n’avez pas vu le Rebelle, de King Vidor, empressez-vous !) n’a rien contre l’expression du génie, de l’individu porté à son plus haut point d’incandescence. Mais il s’agit ici de l’individuation libérale, l’assurance fournie par le libéralisme actuel que la médiocrité de chacun pourra s’exprimer sans contrainte, pourvu que chacun soit libre de consommer, c’est-à-dire au fond d’être asservi à l’objet, à l’avoir, faute d’être, qui est au cœur de son ouvrage. L’autre versant, c’est l’économisme, c’est-à-dire la tendance à remplacer le politique par un prêt-à-porter financier : « It’s the economy, stupid ! » beuglait James Carville, l’organisateur de la campagne de Clinton en 1992 — en écho au « There is no alternative » de Thatcher — « affirmation impolitique par excellence ». Ou à l’idée que, comme le proclame Alain Minc, « le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société ». L’illibéralisme contemporain, la pensée alter-mondialiste, le souverainisme sous toutes ses formes, nourrissent leurs critiques et leurs révoltes de ces affirmations péremptoires qui font les beaux jours des banques, mais pas les nôtres.

    Loana, c’est Jeremy Bentham

    Qu’est-ce que l’individu libéral ? « La culture du narcissisme, la dérégulation économique, la religion des droits de l’homme, l’effondrement du collectif, la théorie du genre, l’apologie des hybrides de toute nature, l’émergence de « l’art contemporain », la télé-réalité, l’utilitarisme, la logique du marché, le primat du juste sur le bien (et du droit sur le devoir), le « libre choix » subjectif érigé en règle générale, le goût de la pacotille, le règne du jetable et de l’éphémère programmé, tout cela fait partie d’un système contemporain où, sous l’influence du libéralisme, l’individu est devenu le centre de tout et a été érigé en critère d’évaluation universel. »

    C’est ce qu’il y a de bien avec les philosophes (et beaucoup moins avec les penseurs d’opérette qui se répandent en éditos chiasseux), c’est qu’ils savent poser un problème, pour en détortiller les nœuds dans les pages suivantes. Alain de Benoist montre avec une grande rigueur le lien qui unit Jeremy Bentham et John Stuart Mill à Loana ou à Macron (dont Marcel Gauchet dit qu’il est « le premier vrai libéral, au sens philosophique du terme, à surgir sur la scène politique française »).

    « L’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse des consommateurs »

    Comment ? protestent déjà les demi-habiles (rappelons au passage que le demi-habile pascalien est, comme le « presque intelligent », un gros connard qui se croit habile). Vous êtes contre la liberté ? Oui — chaque fois que, comme l’explique Pierre Manent, le règne sans partage des droits individuels fait automatiquement périr l’idée de bien commun. L’idée quantitative de l’individu, qui finalement renonce à être pourvu qu’on le laisse avoir, explique par exemple l’accueil que le libéralisme fait à l’immigration incontrôlée : « Le libéralisme, explique Alain de Benoist, aborde cette question dans une optique purement économique : l’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse potentielle des consommateurs grâce à des individus venus d’ailleurs, ce en quoi elle est positive. Elle se justifie en outre par l’impératif de libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, et permet aussi d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des autochtones ». Et d’ajouter : « On raisonne ainsi comme si les hommes étaient interchangeables ». L’idéologie des Droits de l’homme, appliquée de façon aveugle, finit par nier ces droits mêmes. Carton plein pour le vendeur d’i-phones et autres babioles onéreuses et jetables – mais pour nous ?

    Un exemple qui a surgi au fil de ma lecture — et c’est toujours bon signe quand un livre agite en vous des idées. On propose plusieurs dates pour la fin de l’empire romain : 410, avec le sac de Rome par les Wisigoths d’Alaric, ou 455 avec les Vandales de Genséric, ou 476, avec l’abdication du dernier empereur, Romulus Augustule. Mais pour moi, le début de la fin, c’est, en 212, l’édit de Caracalla, faisant de chaque habitant de l’Empire un citoyen romain. Ce n’était plus la peine désormais de chercher (souvent en servant dans l’armée) à devenir romain. Et on eut très vite recours à des Barbares pour remplacer les citoyens qui pouvaient dès lors se contenter de péter dans leurs toges. On leur avait donné un droit, et supprimé les devoirs. Le reste n’est qu’histoire des cataclysmes et de la décadence, comme le peignait Thomas Couture. 

    Que la liberté de consommer soit un asservissement est une évidence qui n’échappe qu’aux libéraux, pour qui « la liberté est en fait avant tout liberté de posséder. » Caracalla, le premier, en banalisant le « citoyen », a proclamé l’avènement de l’individu — rendant, du coup, le plaisir vulgaire et la citoyenneté obsolète.

    Y a-t-il de l’espoir ? Eh bien oui : le système est en train d’atteindre ses limites. « À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’un dépit des politiques d’austérité, elle ne sera jamais payée. » Plus vite on la dénoncera, plus vite nous récupèrerons le droit d’être des individus ré-organisés en société, unus inter pares, comme on disait à l’époque où « aristocratie » n’était pas un vain mot. Et nous balaierons les oligarques qui se prennent pour des élites auto-proclamées.

    Quant à savoir où se situe Alain de Benoist dans l’échiquier politique… Un homme qui cite souvent Jean-Claude Michéa ne peut être tout à fait mauvais. Mais j’imagine que Jacques Julliard et Jean-François Kahn doivent penser qu’il est le diable — contrairement aux esprits éclairés qui lisent ou écrivent dans son excellente revue, Eléments, en vente dans tous les kiosques.  

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    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur
  • ACTUALITÉ DE RONSARD : SE NON E VERO, E BEN TROBATTO !

     

    « France, de ton malheur tu es cause en partie,

    Je t’en ai par mes vers mille fois avertie.

    Tu es marâtre aux tiens, et mère aux étrangers

    Qui se moquent de toi quand tu es au danger,

    Car la plus grande part des étrangers obtiennent

    Les biens qui à tes fils justement appartiennent. » 

    Pierre de Ronsard (1524 -1585)

    S'agit-il d'un pastiche ? Dans ce cas, après tout, c'est un excellent pastiche. Lecteurs de Lafautearousseau qu'en pensez-vous ? 

  • Culture • Loisirs • Traditions

    Ce visuel a pour seul objet de marquer l'unité des articles du samedi et du dimanche, publiés à la suite ; articles surtout culturels, historiques, littéraires ou de société. On dirait, aujourd'hui, métapolitiques. Ce qui ne signifie pas qu’ils aient une moindre importance.  LFAR

  • Société • « Conspirationnisme » macronien

    Par Luc Compain

    Si LREM dénonce le conspirationnisme de ses adversaires, ses chefs aiment jouer avec l’idée du double complot intérieur et extérieur. Conspirationnistes eux-mêmes, les peu vraisemblables puissances de l’ombre qu’ils évoquent sont en fait autant de prudentes explications préventives de leurs échecs. 

    show.png« 40% des Gilets jaunes sont très complotistes », s’inquiète Le Point, qui veut nous convaincre que les Français adhèrent massivement aux théories du complot, « ce conspirationnisme étant nettement plus fort [chez les opposants au Président] que dans le reste de la population ». Ce chiffre « alarmant », « glaçant », relayé par toute la presse, est tiré d’un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et Conspiracy Watch qui ne doit pas être pris au sérieux¹ : entre autres défauts, ce sondage ne se préoccupe pas de toutes les théories du complot existantes² mais uniquement de celles qui sont a priori populaires – et donc plus susceptibles de toucher un public moins élevé socialement, et de définir le profil type du complotiste comme « un jeune pauvre peu diplômé » d’extrême-droite ou d’extrême-gauche qui s’informe sur les réseaux sociaux.

    Pour autant, il existe un conspirationnisme chic, politiquement admis et socialement recommandé, qui sévit jusqu’au sommet même de l’État. Cela peut paraître surprenant, dans la mesure où les « théories du complot » sont généralement construites en opposition aux « thèses officielles » – et qui pourrait être davantage officiel que le président de la République ? Ensuite parce que selon une répartition des tâches bien établie le conspirationnisme est le privilège des « gens qui sont faibles, ou fragiles, ou en colère », selon la formule d’Emmanuel Macron, les élites étant par définition responsables, rationnelles et raisonnables, en bref dépositaires d’une pensée complexe. Le conspirationnisme est supposé chose trop vile pour les contaminer. Leur anti-complotisme plaiderait d’ailleurs en leur faveur, bien que l’on s’aperçoive qu’il est avant tout utilisé comme un moyen pour disqualifier un adversaire ou une opinion concurrente.

    Cependant, dès que l’on a à l’esprit que le conspirationnisme est moins une idée ou un thème qu’une manière de déchiffrer le monde, on s’ouvre à la possibilité que les élites puissent partager la mentalité conspirationniste, en lui donnant une coloration particulière. En effet, le conspirationnisme met en scène un groupe agissant dans l’ombre en vue de réaliser un projet de domination. Le conspirationniste a la conviction que la marche du monde est contrôlable et que tous les événements fâcheux, sans lien apparent, ont une cause unique cachée, se rapportent à un projet maléfique et s’expliquent par lui. Un bouc émissaire incarne ce mal et est désigné responsable des événements négatifs.

    Le complot russe

    Russia-Today-Tele-Poutine-sous-haute-surveillance.jpgAvant même l’élection présidentielle, le candidat Macron et son équipe de campagne avaient désigné leur bouc émissaire. Le 14 février 2017, Richard Ferrand, alors secrétaire général d’En Marche !, publiait dans Le Monde une tribune intitulée « Ne laissons pas la Russie déstabiliser la présidentielle en France ! » En cause, les cyberattaques contre son mouvement en provenance… d’Ukraine – « comme par hasard cela vient des frontières russes » : outre qu’une pareille déclaration revient à juger la Russie responsable des agissements ayant lieu dans les quatorze pays qui lui sont voisins, on soulignera le faussement ironique « comme par hasard » qui traduit la connaissance du complot -, les déclarations de Julian Assange à propos d’informations qu’il disposerait sur Macron et, enfin, la « volonté d’influencer l’élection » prêtée à Russia Today et à Sputnik, c’est-à-dire leur refus de participer au concert de louanges médiatique.

    L’affaire Benalla est une nouvelle occasion pour la Macronie d’agiter le spectre de l’influence russe. L’écho considérable que le scandale rencontre sur Twitter (4,5 millions de tweets en français postés par plus de 270 000 utilisateurs différents) laisse apparaître que 1 % des comptes a publié 47 % du contenu. Qu’une ONG belge, DisinfoLab, émette l’hypothèse de comptes pro-Mélenchon, pro-RN ou russophiles (et non russes, ce qui sous-entend que partager des articles de RT ou de Sputnik revient à travailler pour la Russie), il n’en fallait pas davantage pour que la majorité se mette à dénoncer une manipulation russe. Que DisinfoLab ait finalement conclu à l’absence de preuve d’une tentative d’ingérence organisée, que l’influence des robots ait été infinitésimale ou que des spécialistes en communication politique en ligne aient estimé qu’il n’y avait pas lieu d’y voir la main des Russes, aura en revanche laissé indifférents les macronistes.

    3113bc8_13178-1rvuta3.aaci5asjor.pngLorsqu’en décembre 2018 le JDD demande : « La Russie est-elle derrière de faux comptes qui attisent la contestation sur les réseaux sociaux ? », il ne fait que mettre un point d’interrogation là où Macron n’a aucune incertitude : « Dans l’affaire Benalla comme [dans celle des] Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère représentent 90 % des mouvements sur Internet », ce qui prouve que « ce mouvement est fabriqué par des groupes qui manipulent » (Le Point, 1/02/2019). Les Gilets jaunes sont « conseillés » par l’étranger, ça saute aux yeux : « Regardez, à partir de décembre, les mouvements sur Internet, ce n’est plus BFM qui est en tête, c’est Russia Today ».

    Le complot russe comme clef d’explication universelle des difficultés rencontrées par Macron peut prêter à sourire. Télérama ne s’en prive pas : à propos d’un échange âpre entre Macron et les élus d’outre-Mer portant sur un insecticide, dans le cadre du grand débat national, l’hebdomadaire ironise sur « cette histoire de chlordécone, […] complot de la russosphère antillaise pour déstabiliser notre Président ». Il faut toutefois noter que cette obsession d’une influence russe maléfique connaît une bienheureuse exception : alors que, selon Médiapart, Alexandre Benalla a été, depuis l’Élysée, l’architecte de contrats avec deux oligarques russes, dont Iskander Makhmudov, réputé proche de Poutine et soupçonné de liens mafieux, l’ouverture par le parquet national financier d’une enquête pour corruption n’a pas eu l’heur de déclencher une réaction de Jupiter et de sa galaxie, sinon celle, railleuse, de Christophe Castaner, évoquant une « affaire de cornecul ».

    La prolifération des complots

    images.jpgPour nos élites, il n’existe pas seulement des complots de l’étranger, il y a aussi des complots intérieurs, bien que la frontière qui les sépare soit purement formelle. Depuis peu, les Russes doivent partager le rôle de bouc émissaire avec les fameux extrêmes qui se rejoignent. Macron a ainsi estimé que Christophe Dettinger « a été briefé par un avocat d’extrême-gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan ». Plus encore, l’extrême-droite est désignée coupable d’un commun accord entre les responsables de LREM et ceux de la gauche institutionnelle, ce qu’illustre parfaitement le communiqué de la CGT s’inquiétant des « ressorts obscurs d’une colère » pour laquelle l’extrême-droite serait à la manœuvre. Quoi qu’il en soit, les extrêmes ont partie liée avec des « puissances étrangères », notamment les responsables italiens, selon Marlène Schiappa qui prétend, au micro de France Inter (9/01/2019), qu’ils ont peut-être « financé les casseurs ». Sur quels éléments s’appuie-t-elle ? Nous ne le saurons pas. Et l’Italie de rejoindre l’axe du Mal.

    La présidence, en déficit de confiance, a également trouvé un bouc émissaire idéal à la crise des Gilets jaunes en dénonçant l’omnipotence de la technocratie (Le Figaro, 14/01/2019) : tout est de la faute de « Bercy », mystérieux Léviathan qui empêche les Français de connaître le bonheur. Les conseillers de l’Élysée ont ainsi mis en cause « l’inspecteur des finances sortant de l’ENA qui décide de tout, alors qu’il n’a jamais mis un pied sur le terrain », symbole d’« une fonction publique toute-puissante ». Il serait vain de croire que les complots ne visent que la France. Macron en est conscient et, à la dénonciation du complot étranger, il substitue le temps d’un instant celle du complot à l’étranger, affirmant que le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne avait été « manipulé » et qu’on avait « menti aux gens » (Le Parisien, 15/01/2019). L’accusation est grave. On ne saura malheureusement pas qui elle visait ni sur quoi elle se fondait, les « Décodeurs » du Monde ayant oublié d’enquêter.

    Finalement, ce conspirationnisme élitaire peut être l’expression d’un machiavélisme, la Macronie surfant sur l’idée que les Français seraient complotistes pour rappeler à l’ordre les journalistes : « Ce mouvement [les Gilets jaunes] est fabriqué par des groupes qui manipulent, et deux jours après, ça devient un sujet dans la presse quotidienne nationale et dans les hebdos ». Pour parer à ces manipulations, les médias doivent « hiérarchiser ce qui, dans l’info, est accessoire et ce qui est important ». À charge pour Benjamin Griveaux de le déterminer. La manipulation n’est d’ailleurs pas à sens unique puisque, le 8 février, le porte-parole du gouvernement a accusé les médias d’alimenter les croyances complotistes dans l’opinion, au sujet de l’affaire Benalla et de la question de l’indépendance de la justice.

    1156973.jpgLa dénonciation d’un complot fictif est aussi la réaction des vaincus de l’histoire. L’insatisfaction éprouvée à l’égard de l’évolution du monde – en l’occurrence, l’opposition croissante des peuples au mondialisme – est un carburant du conspirationnisme. Les éventuelles défaillances de la société ou les échecs répétés des politiques gouvernementales ne peuvent en être la cause, seule une influence maligne peut l’expliquer. À cet égard, l’histoire de la taxe carbone est exemplaire : deux mois après son abrogation par le Premier ministre et alors même qu’elle est à l’origine de la mobilisation des Gilets jaunes à laquelle il n’a toujours pas été mis un terme, le ministre François de Rugy et les secrétaires d’État Brune Poirson et Emmanuelle Wargon militent ouvertement pour son retour (Le Figaro, 12/02/2019). C’est une mesure excellente, et si elle a suscité des oppositions, qui ont été « entendues », c’est par manque de « pédagogie », dont ont profité des manipulateurs. En effet, il est impensable que les Français s’opposent à la taxe carbone, imaginée par ceux-qui-savent. Outre qu’elle permet de ne pas avoir à réévaluer ses présupposés en prenant en compte le réel, l’explication conspirationniste offre l’avantage de donner du sens à l’événement, et donc de consoler, de justifier sa position malheureuse de victime subissant les événements, ne parvenant pas à faire preuve d’initiative – il n’est plus question de maître des horloges –, incapable d’être force de transformation. En somme, le conspirationnisme macronien serait un symptôme d’impuissance politique, aveu élégamment maquillé.   

    1. Nous renvoyons à la critique d’Olivier Berruyer, « Analyse du Sondage “Êtes-vous un con ?” de Conspiracy Watch », publiée sur le blog Les Crises.
    2. Il est question de Big Pharma, de l’implication américaine dans les attentats du 11 septembre 2001 ou du complot sioniste mondial, et non de Trump comme agent russe, de l’équipement télécoms Huawei comme espion chinois ou de l’obsolescence programmée.
    Luc Compain
    pour Politique magazine
  • Patrimoine • Chantilly : Réouverture des appartements privés du duc et de la duchesse d'Aumale

    Chambre de la duchesse d'Aumale

    Les seuls appartements princiers de la monarchie de Juillet entièrement conservés en France 

    Otte_07_2010_022.pngLe 23 février 2019, les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale ont rouvert leurs portes après presque 2 ans de travaux. Aménagés entre 1845 et 1847 et décorés par Eugène Lami, ces 8 salles ont bénéficié d’une restauration fondamentale de leur décor et mobilier. Une occasion inédite, pour les visiteurs, de revivre les fastes de la monarchie de Juillet : le château de Chantilly abrite les seuls appartements princiers entièrement conservés en France.

    Situés au cœur de la partie la plus ancienne du château de Chantilly, au sein du Petit Château Renaissance bâti à partir de 1557-1558 par l’architecte Jean Bullant pour le compte du connétable Anne de Montmorency, les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale, figurent parmi les espaces les plus chargés en histoire et en émotion du château de Chantilly.

    Au XVIIIe siècle déjà, de fastueux appartements y avaient été aménagés pour le duc et la duchesse de Bourbon. La chambre de la duchesse, transformée par la suite en « salon violet », avait ainsi accueilli la mise au monde du duc d’Enghien, dernier descendant de la dynastie de Bourbon-Condé, fusillé dans les fossés du château de Vincennes en 1804 sur l’ordre de Bonaparte. 

    C’est donc au rez-de-chaussée du Petit Château, entre cour et étang, qu’Henri d’Orléans, duc d’Aumale, héritier du dernier prince de Condé, confia au soin de l’architecte Victor Dubois et du décorateur Eugène Lami l’installation de ses appartements privés après son mariage avec sa cousine Marie-Caroline-Augusta de Bourbon-Siciles le 25 novembre 1844. 

    Un ensemble unique et quasiment intouché

    Ouverts aux visites guidées en 1993, les appartements privés sont restés quasiment dans l’état où ils avaient été laissés à la mort du duc d’Aumale.  

    État des lieux

    Boiseries désordonnées et grisâtres, planchers affaissés, tentures et textiles insolés et décolorés, dorures usées, tableaux jaunis… Les injures du temps se faisaient sentir et ne rendaient pas justice aux lieux. Grâce à l’Institut de France, la Fondation pour la Sauvegarde et le Développement du Domaine de Chantilly et la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France, une restauration des structures et des décors a été menée, sous la maîtrise d’œuvre de Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques.  

    Tout le charme et l’attrait des appartements privés de Chantilly est conféré par le mobilier et les œuvres qui s’y trouvent, témoins d’une période féconde des arts décoratifs et de souvenirs personnels du duc d’Aumale et sa famille. 

    La beauté française ! 

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    Chambre du duc d'Aumale

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    Salon Violet

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    Salon Condé

    Informations pratiques

    Lieu : château de Chantilly
    Horaires :
    •  Basse saison : 11h, 15h, 16h (et 15h30 uniquement les week-ends et jours fériés) 
    •  Haute saison : 11h, 15h, 16h, 17h (15h30 et 16h30 uniquement les week-ends et jours fériés)
    Durée : 45 minutes
    Tarif : 5€ / personne en supplément du billet d'entrée
    Réservez votre billet en ligne
  • Cinéma • La Favorite

    Par Guilhem de Tarlé 

    A l’affiche : La Favorite, un film Yorgos Lanthimos, avec Olivia Colman (la Reine Anne), Rachel Weisz (Lady Sarah), Emma Stone (Abigail Hill).

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    Deux regards sur cette production ...

    Un film pervers avec des personnages pervers, un spectacle pas recommandable aux dialogues crus et scabreux.

    Certains me reprochent ma « bonne soirée » avec Ma Loute... Je crains des désabonnements avec ce « bon film ».

    On peut jeter en effet deux regards sur cette production.

    La-Favorite-Lanthimos.jpgElle répond sans doute, de la part du réalisateur, au désir de fric facile en salissant la dernière des Stuart, la reine Anne d'Angleterre (1702-1714), malade de la goutte, flirtant avec la folie (mais peut-être pas que…), sujette à des caprices et des accès de colère, qui laisse le gouvernement du royaume à ses deux confidentes successives, « gardiennes de la bourse privée », avec lesquelles elle entretient des relations lesbiennes.

    363-img_3_l.jpgJe préfère occulter cet aspect nauséabond de la réalisation pour m'intéresser à la guerre de succession d'Espagne que mène contre la France de Louis XIV, le royaume d'Angleterre, dont l'armée est commandée par le duc de Malborough (Malbrough  s'en va-t-en guerre, mironton, tonton, mirontaine).

    À Londres, auprès de la Reine, la duchesse de Malborough, Sarah Churchill (ancêtre de Winston, née Jennings) intrigue avec les Whigs mais aussi Godolphin, le chef des Tories, pour lever des impôts nécessaires à la poursuite de la guerre... jusqu'à ce que sa cousine Abigail, qui est aussi parente et alliée d'Harley, autre dirigeant des Tories, partisan de la paix, ne prenne sa place.

    1120816.jpgC'est l'évolution contrastée de ces deux favorites, cousines ennemies, que raconte ce film...

    Certes, ça conforte l'air du temps présent, mais est-il historique ďen faire des g... ? Même s’il semble, qu’historiquement, la première en ait accusé la seconde…  

    la-favorite.20190201000000.jpg

     PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Des Gilets jaunes à la Monarchie royale

    Par Jean-Philippe Chauvin 

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    Quand une grande part du peuple s'absente de la démocratie représentative [I]

    La révolte des Gilets jaunes n’est pas exactement une révolution, même si elle contient en elle des potentialités révolutionnaires, en particulier dans le désir de rupture avec des formes de la démocratie qui leur semblent faire la part trop belle aux classes dominantes : la démocratie parlementaire ou qualifiée de représentative est la plus dénoncée parce qu’elle paraît légitimer un « pays légal » sans devoirs réels à l’égard des électeurs.

    dt5s5s7woaew-3m-1.jpgDans le même temps, les manifestants du samedi et des ronds-points évoquent une possible dissolution de l’assemblée nationale (privilège réservé, par la constitution de la Cinquième, au président, ici celui-là même dont la démission est réclamée par ces mêmes manifestants) et le retour des Français aux urnes, démarche qui révèle un reste d’attachement à la « geste électorale parlementaire ». Cette apparente contradiction dans le discours revendicatif signale aussi le côté spontané et désordonné d’une révolte que personne n’attendait vraiment mais que beaucoup, inconsciemment ou non, espéraient, y compris nombre de royalistes. Ce qui est certain, c’est que la question de la démocratie et de ses applications, de ses formes mais aussi de son fond, de sa définition, est à nouveau posée, et qu’il serait bien dommage, là encore, que les royalistes ne participent pas à la réflexion sur ce sujet, en précisant leurs propre lecture et propositions. 

    Si l’on suit l’étymologie grecque du mot, la démocratie désigne « le pouvoir du peuple », dans un premier temps, mais il faut aller plus loin dans la définition : qu’est-ce que le peuple ? Son pouvoir ? Au-delà de la facile répétition incantatoire, approfondir le sens des mots, leur portée mais aussi leurs ambiguïtés, paraît nécessaire pour éviter les raccourcis et les manipulations. 

    couv22.jpgLe peuple, en démocratie : à bien y regarder, et en particulier à travers l’histoire du monde athénien antique, il ne s’agit pas des habitants d’un endroit donné, de la cité en l’occurrence, mais des seuls citoyens, et l’appartenance à ce peuple des citoyens peut aussi, selon les Etats et le moment, fortement varier, selon des critères de sexe, d’âge ou d’enracinement filial. Aujourd’hui, la citoyenneté en France est liée à la nationalité, et à la condition d’âge, celle d’avoir au moins 18 ans. Mais l’abstention récurrente lors des dernières épreuves électorales, parfois atteignant et dépassant la moitié du corps civique, indique soit un désintérêt pour la Chose publique (la Res Publica, ou « République » au sens bodinien du terme), soit un désaveu pour le système partisan actuel, ce qui n’a ni le même sens ni la même valeur. « Le peuple s’absente », ainsi, de la démocratie représentative contemporaine, au risque de ne plus être reconnu et écouté par les tenants et élus du « Pays légal » selon la logique imparfaite du « les absents ont toujours tort ». Et quand les barricades se dressent, des ronds-points aux centres-villes, et que les éternels « laborieux de la Cité » enfilent un gilet fluo pour se rendre visibles des gouvernants, la réponse de la République ne peut être, dans un premier temps, que mépris et répression, puis peur et encore plus de répression (celles-ci s’accompagnant d’un Grand débat national sans débouchés réels), entamant un cycle infernal dont il n’est pas sûr que nous soyons encore sortis…

    « Nous sommes le peuple », criaient les manifestants et les émeutiers, suscitant l’agacement des caciques de la démocratie représentative qui répliquaient, « c’est nous, le peuple, par la grâce des urnes, seule source de légitimité et de légalité » : de part et d’autre, l’incompréhension paraît totale, et durablement ancrée dans les esprits qui, à défaut toujours de surplomber les débats, s’échauffent jusqu’au risque de court-circuit. 

    g2018077.jpgLa réponse n’est pas d’un seul côté, et dépasser ce vain clivage paraît nécessaire, non par une simple prise de recul mais par une prise de hauteur : si « le peuple » (dans l’acception démocratique) est bien le corps constitué et reconnu de l’ensemble des citoyens, il ne peut être limité aux seuls votants, tout comme il ne se résume pas aux seuls contestataires actifs du samedi après-midi. Le peuple est constitué des deux catégories évoquées ci-dessus, mais aussi de ceux qui, tiraillés entre les deux postures, oscillent d’un camp à l’autre, dans un mouvement de va-et-vient qui pourrait bien devenir une permanence du débat public, au fil des réformes promises par l’exécutif et, surtout, voulues par les instances européennes, lointaines et souvent inaccessibles (voire incompréhensibles faute d’être vraiment connues) la plupart du temps aux citoyens français. Cela risque bien d’entraîner une forme d’ingouvernabilité si le Pouvoir ne sort pas vite de cet affrontement permanent et de ce « débat », non moins permanent, institué par le mode de « gouvernement » du président actuel. La République, même cinquième et malgré ses fondations gaulliennes et « monarchiques », peut-elle se libérer de ce piège fatal ? Si elle reste ce qu’elle est devenue ces dernières décennies, la réponse est forcément négative. (À suivre : du piège républicain à l’alternative monarchique)  

     Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Mathieu Bock-Côté: « Marlène Schiappa et les amalgames de la gauche mondaine »

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    CHRONIQUE - Les propos de la secrétaire d'État sur la Manif pour tous et les terroristes islamistes traduisent l'incapacité d'une certaine gauche de débattre autrement qu'à travers le scandale moral. [Le Figaro, 22.02]. Mais Bock-Côté va plus loin lorsqu'il dénonce l'amalgame que fait la gauche mondaine entre l'islamisme radical et la tradition profonde de notre civilisation. LFAR 

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    Une violence idéologique inouïe

    Interviewée par Valeurs actuelles , la secrétaire d'État Marlène Schiappa en a profité pour s'en prendre avec une violence idéologique inouïe aux militants de la Manif pour tous, en les comparant aux islamistes, avec lesquels elle leur trouve quelques troublantes ressemblances.

    Certes, le commentaire est bête, et de ce point de vue, pas nécessairement surprenant de la part d'une ministre qui n'est pas la puissance intellectuelle dominante de son gouvernement. On pourrait aussi dire simplement qu'il est absolument odieux et fermer le dossier. Pourtant, une telle déclaration est révélatrice de ce qu'on appellera la psychologie politique de la gauche mondaine et de son incapacité quasi congénitale à penser le désaccord politique autrement qu'à la manière d'un scandale moral. Elle mérite qu'on s'y attarde.

    Essayons de reconstruire le raisonnement de Marlène Schiappa. Dans son esprit, la société française est engagée dans un mouvement d'émancipation diversitaire comme le sont les autres sociétés occidentales. Ce mouvement se concrétiserait autour de grandes réformes sociétales s'enchaînant logiquement une après l'autre, chacune appelant la suivante. Il faudrait suivre le rythme du progrès et ne jamais s'arrêter, l'humanité se purifiant ainsi de ses toxiques préjugés. Devant cela se dresserait un grand parti conservateur transculturel fédérant les retardataires de toutes les civilisations, qui se caractériserait par le refus de la différence.

    4500846_7_195f_dans-la-manif-pour-tous-dimanche-apres-midi_ef264dfcbfbef040038b4bc5e548c6fb.jpgEn d'autres mots, entre les militants de la Manif pour tous et les islamistes, la différence ne serait pas de nature, mais de degrés. Dans son esprit, la droite versaillaise et les islamistes sont les deux revers d'une même médaille. Ils convergeraient idéologiquement. Marlène Schiappa a même trouvé le moyen de rendre la Manif pour tous responsable des agressions contre les homosexuels.

    On avait entendu un semblable raisonnement après la tuerie du 12 juin 2016 à Orlando. On s'en souvient, Omar Mateen qui avait prêté serment d'allégeance à l'État islamique, avait fait 50 morts et 53 blessés dans une discothèque gay. Sans surprise, le commentariat progressiste avait entonné le chant désormais célèbre du « pas d'amalgame ». L'islamisme n'aurait non seulement rien à voir avec l'islam, il en serait même le contraire. Mais l'argument avait été poussé plus loin. Cet attentat aurait en fait été révélateur de la profonde homophobie inscrite au cœur des grandes religions monothéistes. Autrement dit, s'il fallait refuser l'amalgame entre l'islam et l'islamisme, il fallait en faire un entre l'islam, le christianisme et le judaïsme, décrétés coupables par association de ce massacre. D'ailleurs, à ce moment aussi, la Manif pour tous avait été ciblée, comme si sa position sur le mariage la conduisait automatiquement à la persécution des homosexuels et même à la volonté de les exterminer ! En d'autres mots, du conservatisme traditionnel à l'homophobie meurtrière, il n'y aurait qu'un pas ou deux à franchir.

    XVM39a2f9ae-bb27-11e7-9ef0-d3e21654415a.jpgÀ travers cela, le parti progressiste trouve une nouvelle manière de relativiser l'offensive islamiste, qu'il n'accepte de dénoncer qu'en lui trouvant quelque ressemblance avec un péril intérieur pour éviter toute forme de stigmatisation. Ainsi, on ne dénoncera l'islamisme qu'à condition de dénoncer en parallèle l'islamophobie et la tentation identitaire qui rongerait nos sociétés de l'intérieur. On ne s'inquiétera de l'antisémitisme islamiste qu'à condition de soutenir au même moment que l'antisémitisme européen demeure le principal vecteur de la haine des Juifs. Dans le même esprit, on condamnera l'infériorisation structurelle et explicite de la femme dans l'islam à condition d'ajouter que son sort ne serait guère plus enviable dans le monde occidental, l'aliénation par le niqab trouvait son équivalent dans l'aliénation par le string.

    Que l'islamisme soit ouvertement en guerre contre le monde occidental, qu'il cherche à le soumettre en misant notamment sur le terrorisme le plus meurtrier, n'est finalement plus qu'un détail auquel il ne faut pas accorder une attention exagérée.

    Revenons-y : le progressisme version Schiappa se montre manifestement incapable de penser la figure d'un adversaire politique raisonnable, qui ne serait pas un ennemi public, non plus qu'un ennemi de l'humanité. Il se montre étranger au pluralisme politique le plus élémentaire qui consiste à accepter une diversité de points de vue légitimes sur le bien commun, et plus encore, qui tolère la coexistence de plusieurs philosophies politiques s'opposant mais ne cherchant pas à s'exclure mutuellement de la cité. Dans l'esprit de Marlène Schiappa, on trouve d'un côté les gens avancés, et de l'autre côté, les retardataires, qui sont aussi des retardés. Elle a beau prétendre aimer le débat, en fait, elle préfère sermonner, quand ce n'est pas tout simplement diaboliser.    

    Mathieu Bock-Côté 
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).