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Le 26 Février 1803, alors que le comte de Provence, chef de la Maison de France, était en exil en Pologne à Varsovie, un message venu au nom de Bonaparte, Premier Consul, vint demander au chef de la Maison de France et aux Princes de son sang de renoncer à leurs droits dynastiques au Trône de France.
En échange de cette renonciation, Bonaparte promettait une rente à vie à l’ensemble des Princes. Cette tentative est comparable à celle menée cinq années plus tard en Espagne lorsque Ferdinand VII abdiqua le Trône en faveur de Napoléon Ier qui le donna à son frère Joseph.
La réponse du comte de Provence (datée du 28 Février) fut d’une clarté absolue :
Je ne confonds pas M. Bonaparte avec ceux qui l’ont précédé ; j’estime sa valeur, ses talents militaires ; je lui sais gré de plusieurs actes d’administrations ; car le bien que l’on fait à mon peuple me sera toujours cher ; mais il se trompe, s’il croit m’engager à transiger sur mes droits : loin de là, il les établirait lui-même s’ils pouvaient être litigieux, par la démarche qu’il fait en ce moment.
J’ignore quels sont les desseins de Dieu sur ma race et sur moi : mais je connais les obligations qu’il m’a imposées par le rang où il lui a plu de me faire naître ; chrétien, je remplirai ces obligations jusqu’à mon dernier soupir ; fils de Saint Louis, je saurai, à son exemple, me respecter jusque dans les fers ; successeur de François Ier, je veux du moins pouvoir dire comme lui : Nous avons tout perdu fors l’honneur.
Et plus bas de cette réponse est rajoutée la phrase : Avec la permission de mon oncle, j’adhère de cœur et d’âme, au contenu de cette note. Signé : Louis-Antoine d’Artois, duc d’Angoulême.
Après avoir été éconduit par le chef de la Maison de France, ce dernier informa de cette visite incongrue son frère le comte d’Artois (futur Charles X) qui était chargé d’en faire part au Princes de la Maison de France. Le 22 Avril 1803, tous réunis (à l’exception duc d’Enghien, et du prince de Conti qui n’ont pu rejoindre le groupe) autour du comte d’Artois, les Princes de la Maison de France signèrent la déclaration suivante :
Nous Princes, soussignés, frère, neveu, cousins de S. M. Louis XVIII, roi de France et de Navarre, pénétrés des mêmes sentiments dont notre Souverain Seigneur et Roi se montre si dignement animé dans sa réponse à la proposition qui lui a été faite de renoncer au trône de France, et d’exiger de tous les Princes de sa maison une renonciation à leurs droits imprescriptibles de succession à ce même trône, déclarons :
Que notre attachement à nos devoirs et à notre honneur, ne peuvent jamais nous permettre de transiger sur nos droits ; nous adhérons de cœur et d’âme à la réponse de notre Roi.
Qu’à son exemple, nous ne nous prêterons jamais à la moindre démarche qui puisse nous faire manquer à ce que nous nous devons à nous-mêmes, à nos ancêtres, à nos descendants.
Déclarons enfin, que positivement certains que la grande majorité des Français partage intérieurement tous les sentiments qui nous animent, c’est en leurs noms comme au nôtre, que nous renouvelons devant Dieu, sur notre épée et entre les mains de notre Roi, le serment sacré de vivre fidèles à l’honneur et à notre légitime Souverain.
Wanstead-House, le 23 Avril 1803.
Signé :
Charles-Philippe de France, comte d’Artois.
Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry.
Louis-Philippe d’Orléans, duc d’Orléans.
Antoine-Philippe d’Orléans, duc de Montpensier.
Louis-Charles d’Orléans, comte de Beaujolais.
Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé.
Louis-Henri-Joseph de Bourbon-Condé, duc de Bourbon.
Le 22 Mars 1803, le duc d’Enghien écrira au Chef de sa Maison pour adhérer publiquement aux deux déclarations.
Il n’est pas utile de souligner qu’aucun descendant du roi d’Espagne, Philippe V, n’a été associé à cette déclaration, et que selon le premier paragraphe de cette déclaration, ils ne sont pas assimilés aux Prince de la Maison de France. Preuve une fois de plus, que Louis XVIII et Charles X excluaient bel et bien leurs cousins de la la branche Espagnole de toutes prétentions dynastiques au trône de France. •
Source : Gallica / Maison de France. D’un certain « Monsieur F ». Livre adressé à Monsieur Bayard de Plainville, député de l’Oise en 1815.
Les trente-six ans du foyer de Blanche – l’Arche d’Aigrefoin
« Cette fin de semaine, le foyer de ma sœur Blanche fêtait ses trente-six ans. Les foyers de l’Arche sont organisés en différentes maisons d’une dizaine de personnes handicapées et de leurs accompagnateurs. Celui dans lequel vit Blanche porte le nom de Magnificat, qui correspond tout à fait à la joie et la bonne humeur qui régnaient en ce quatorze juillet.
Cette fête marque aussi un changement fort pour elle. Cela fait trente-trois ans qu’elle est résidente à l’Arche et elle va maintenant rejoindre une autre maison sur le même site qui accueille les plus anciens avec une assistance médicalisée.
Blanche a grandi à Magnificat, c’est là qu’elle se sent chez elle. Comme notre frère François qui réside à l’Arche de Paris, elle est toujours heureuse de pouvoir sortir régulièrement nous voir. Cependant c’est grâce à l’Arche qu’ils ont construit leur environnement d’adulte avec leurs amis, leurs activités au Centre d’Aide par le Travail et leurs loisirs.
Ces invitations sont toujours pour nous des moments privilégiés qui sortent de l’ordinaire, dans une joyeuse effervescence comme vous le verrez sur certaines photos.
Je veux rendre un hommage particulier aux membres de nos familles qui vivent un handicap et qui nous apportent tant. Ils nous communiquent une vraie joie fraternelle ; une belle leçon d’humanité à un moment où beaucoup d’entre eux n’arrivent pas jusqu’à la naissance parce qu’ils ne sont pas désirés. Je le dis ici, leur vie vaut vraiment la peine d’être vécue … et pour moi, que serait ma vie sans eux ? » •
Jean de France, duc de Vendôme Domaine Royal, le 17 juillet 2017
La joie partagée avec Blanche de l'anniversaire du foyer Magnificat
Cette méditation qui intéresse et émeut a été donnée dans le Journal de Montréal du 10 juillet 2017. Elle mêle réflexion personnelle, démarche spirituelle et regards sur le monde actuel. Peut-être Mathieu Bock-Côté s'en défendrait-ils, mais nous trouvons ces derniers regards dans la veine des grands antimodernes. Le lecteur avisera. LFAR
J’ai visité aujourd’hui la magnifique co-cathédrale Saint-Jean, à La Valette, à Malte. Elle est époustouflante. Je rêvais de la voir depuis longtemps. Une église comme celle-là est faite pour traverser les siècles. Nous fabriquons aujourd’hui un monde jetable, à l’obsolescence programmée : ce qui dure nous effraie, on s’y sent prisonnier, même si, par ailleurs, l’homme moderne cherche partout des ruines qui parlent au cœur. Il y a dans le cœur humain un désir de transcendance. Qu’on me permette de citer Saint-Exupéry, dans Citadelle : « vous les voyez, les hommes de toutes les contrées du monde, courir à la recherche de ces réussites de pierre que vous ne fabriquez plus. Ces greniers pour l’âme et le cœur. Où avez-vous vu l’homme éprouver le besoin de courir le monde pour visiter des entrepôts ? » L’homme n’est pas qu’une créature prosaïque et il cherche peut-être moins dans ce qui reste du passé un exotisme à bon marché que des traces d’éternité.
Qu’on me permette aussi de citer Daniel-Rops, dans L’Église de la cathédrale et de la croisade qui m’accompagne ces jours-ci dans mes bagages : « Si, avec le Claudel du Soulier de Satin, on se demande « ce qui leur a pris, à ces croquants, à ces manants, à ces grippe-sous, à ces cul-terreux », pour dresser par le monde tant de merveilles, la seule réponse tient en deux mots : ils croyaient ». L’homme a besoin de croire à quelque chose d’autre que lui-même pour révéler tout son génie. C’est souvent parce qu’il croit au ciel qu’il peut embellir la terre. Inversement, l’homme enfermé en lui-même et moqueur devant le sacré, quelle qu’en soit la forme, a bien des chances de se condamner à l’assèchement existentiel. On ne gagne rien à voir dans la religion une simple manifestation d’irrationalité. Je ne dis pas qu’il faut avoir la foi, elle ne se commande pas, et même lorsqu’elle se présente, il suffit souvent de chercher à la saisir pour qu’elle se dissipe. Je dis qu’il faut au moins comprendre quelles aspirations de l’âme humaine elle révèle. Quant à moi, j’aime savoir que dans le monde, des hommes et des femmes prient pour nous. Et cela, même si je ne suis pas certain de comprendre à quoi ils croient.
Pourtant, je confesserai cela : à aucun moment, aujourd’hui, dans cette magnifique église, je n’ai senti le besoin de me recueillir. Peut-être était-ce parce que nous étions des milliers de touristes à l’occuper ? C’est possible. Rien n’est plus étranger au silence de la prière que se sentir plongé dans une masse humaine qui flâne. Je ne suis jamais vraiment parvenu à me recueillir à la basilique Notre-Dame non plus. Mais au fond de moi, je sens que ce n’est pas que cela. « À défaut de savoir prier », pour le dire avec Dominique de Roux, je sais toutefois quand j’ai un besoin intime de m’agenouiller devant la croix, même si je me sens ridicule dès que je me relève en me demandant à quel théâtre mystique je viens de me livrer. Et c’est moins dans les églises majestueuses que dans de toutes petites églises, sans prétention, comme on aime dire : elles témoignent moins de la puissance de l’homme que de son humilité devant un monde qui se présente à lui comme un mystère. Le génie du christianisme est aussi un génie de la faiblesse comme beauté. Je suis aussi bouleversé par la beauté de ces croix plantées ici et là, comme on en trouve dans plusieurs régions du Québec : comment ne pas y voir une marque de la plus belle espérance ?
Qu’on ne voit pas dans cette petite confession une marque d’hostilité à l’endroit des belles et grandes cathédrales. Elles peuvent aussi nous hypnotiser. Je me souviens d’avoir passé une ou deux heures (j’avais perdu un peu le sens du temps) devant la cathédrale de Strasbourg. Je ne parvenais pas à m’y arracher. Je ne bougeais pas. Je la regardais et j'étais soufflé par tant de beauté. Il s'agit en fait de trouver les endroits les plus susceptibles d’amener l’homme à entrer dans une méditation silencieuse où il peut s’arracher pour quelques instants aux contingences de ce monde et plonger en lui-même pour accéder à ce qu’il peut souhaiter être sa part éternelle. Chacun y va selon sa nature, probablement. Je ne sais plus qui disait qu'il y a une géographie du sacré mais cette intuition me semble féconde. Il y a certainement des lieux qui nous poussent davantage à la prière que d'autres et je constate simplement que d’une ville à l’autre, je les cherche confusément, et je suis chaque fois ému de les découvrir. •
« La grande idée de Jeanne fut le sacre de Reims » Jacques Bainville
Par Jean Sévillia
Le 22 février 1429, Jeanne d'Arc quitte Vaucouleurs. Le 5 mars suivant (selon la chronologie de Maurice Vachon), elle a sa première entrevue, à Chinon, avec le roi Charles. Le 29 avril, elle atteint Orléans qui est délivrée le 8 mai. Le 17 juillet, à Reims, Jeanne assiste au sacre de Charles VII. Le 10 septembre, elle doit renoncer à prendre Paris. Le 23 mai 1430, devant Compiègne, elle tombe aux mains des Bourguignons qui la livrent aux Anglais. Ces derniers accèdent au voeu des clercs qui veulent juger la Pucelle pour sorcellerie et par là même atteindre le roi Charles qui lui doit son sacre. Le procès, instruit à Rouen, s'ouvre le 21 février 1431. Face à ses accusateurs, la jeune fille se défend, jamais ne cède. Le 24 mai, en entendant la sentence de mort, elle faiblit toutefois. Reconduite dans son cachot anglais au mépris de la parole qui lui a été donnée d'être gardée par des femmes, elle subit une tentative de viol. Quatre jours plus tard, elle remet ses habits d'homme. Considérée comme relapse, elle est brûlée vive, le 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché. Elle n'avait pas 20 ans. Deux ans de vie publique, cinq siècles de postérité.
Dans un livre paru en 1993, aujourd'hui réédité, Gerd Krumeich, spécialiste allemand de la Grande Guerre, s'intéresse au mythe Jeanne d'Arc : de Voltaire à Michelet et de Péguy à Bertolt Brecht, d'innombrables écrivains ont eu leur interprétation de la Pucelle, laquelle a inspiré les catholiques comme les républicains, le socialiste Jaurès comme le nationaliste Barrès, le royaliste Maurras comme le trotskiste Bensaïd (1).
Contradictions ? Non, inépuisable richesse du personnage. La relecture des minutes du procès de Jeanne par l'avocat et essayiste Jacques Trémolet de Villers, parue l'an dernier, est désormais clisponible en poche : un précieux document historique assorti d'une leçon politique et spirituelle (2).
Et voici, inédit, un considérable dictionnaire que tous les passionnés de Jeanne d'Arc s'offriront car il contient tout ce que l'on sait sur elle : 2 000 pages, prodigieux travail au service de celle qui incarne, disent les auteurs, « un idéal de pureté hors du commun » (3). •
(1) Jeanne d'Arc à travers l'Histoire, de Gerd Krumeich, Belin, 410 p., 24 €. (2) Jeanne d'Arc. Le procès de Rouen, de Jacques Trémolet de Villers, Tempus.365 p.. 9 €. (3) Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d'Arc, de Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau (dir.), Desclée de Brouwer. 2 012 p., 49 C.
Publié le 8 avril 2017 - Actualisé le 22 juillet 2017
Ne dit-on pas « Mens sana un corpore sano » ? : les beaux jours arrivent, et, avec eux, le désir de retrouver la nature.
Pour les amateurs de marche à pied-randonnée, ou de VTT, savez-vous qu'il existe, dans cet endroit de Haute Provence dont sont partis, il y a bien longtemps, les ancêtres des Maurras, un circuit sport-santé ?
Il se trouve dans la petite - mais charmante... - commune de Saint Julien le Montagnier, dans le Haut Var, commune située sur l'aire du Parc naturel régional du Verdon, à deux pas du très beau lac d'Esparron-sur-Verdon.
En voici une très rapide présentation :
Circuit « Les Maurras » :
Itinéraire en boucle. (9,485 Km) - Dénivelé : 102 mètres - Durée : environ 5 heures.
Départ depuis l’Office de Tourisme (Parking).
Intérêts du sentier :
Les Paysages
Caractéristiques de l’arrière-pays provençal, ils sont contrastés en toute saison. Vous parcourrez les plaines agricoles avec cultures céréalières, de la vigne et de la truffe pour découvrir un magnifique panorama sur le village perché de St Julien et ses moulins à vent.
La Flore
La végétation est encore typique des Préalpes calcaires : forêts de pins sylvestres, pins d’Alep, chênes blancs et chênes vert. garrigue provençale, flore sauvage méditerranéenne, xérophile et aromatique nous rappellent la richesse des parfums de la Provence.
Le Patrimoine
Les attraits paysagers et floristiques de ce circuit s’ajoutent au patrimoine rural : le lavoir des Fontettes (XIXe siècle), la fontaine et la chapelle situées à Saint-Pierre ; l’oratoire Saint-Eloi (1948), l’oratoire Saint-Denis (XIXe également), le lavoir des Phélines (1880), l’oratoire Saint-Marc. De plus, l’itinéraire du circuit permet de découvrir la Bastide Neuve, sans oublier le pont de pierre autrefois très emprunté.
Alors, à vos vélos, à vos chaussures de marche, et... bonne randonnée ! •
Ce que signale, entre autres choses, sous l’écume de l’événement, la crise qui vient d'opposer le chef de l'Etat et le chef d'Etat-Major des Armées, c'est le retour de la question militaire au premier plan.
L'idéologie de la fin de l'histoire et l'économisme dominant après l'effondrement du bloc communiste, avaient relégué l'armée au rang de survivance quasi symbolique. Quelle utilité, désormais ?
Le réveil de l'Islam et de ses violences sur tous les continents, la résurgence des nationalismes - américain, russe, chinois, indien, etc. - nous ramènent aujourd'hui à la réalité. Laquelle restitue à l’arméeson rôle et son importance. C'est bien parce qu'Emmanuel Macron n'a pas perçu cette évolution qu'il a déclenché, pour huit cent cinquante millions d'euros, une crise qui, â l'évidence, a tourné à son désavantage.
Durant la Grande Guerre, observant la désorganisation complète du secteur bancaire et financier, Bainville notait qu'en définitive le Sang prévaut toujourssur l'Or. « Ce qui sortira le plus affaibli de cette crise, écrivait-il, c'est la puissance de l'Or. Et cela doit être quand il apparaît que la première valeur de toutes, c'est le Sang. »
Ce n'est pas exactement ce à quoi l'on vient d'assister, encore que dans cet épisode, Emmanuel Macron a remporté une victoire qu'il paie au prix fort.
Il pourrait ainsi arriver un moment, qui s’est déjà vu, où, sous la pression des nécessités, un chef militaire de valeur prévaudra dans l'esprit des Français sur un politicien de rencontre. Ce n'est pas nécessairement ce qui pourrait nous arriver de mieux. Mais c'est ce qui pourrait advenir tout de même faute d'un pouvoir politique dont la légitimité ne serait pas contestée. •
Analyse initialement publiée dans le numéro de juin de Restauration Nationale
La machine à perdre électorale a une nouvelle fois fonctionné.
Seul un candidat libéral-libertaire, mondialiste, immigrationniste pouvait l'emporter. Alors même que les Français réclament plus de frontières, de protection, de défense de l'identité nationale et d'arrêt de l'immigration. Il n'y a là aucun déficit de démocratie. Il y a le résultat logique du régime d'opinion et, par conséquent, de ceux qui la font : les médias et la finance. Un bon marketing politique a permis à l'enfant gâté de l'emporter : prise en compte de la volonté de renouvellement, ambiguïté des positions laissant espérer à tout le monde, démobilisation des opposants, utilisation de réflexes conditionnés (moi ou « Oradour »...). Si ce n'avait pas été Macron, c'eût été Fillon, cet autre candidat maastrichtien.
Certes on peut se réjouir du laminage des partis traditionnels, ceux dits de gouvernement. Ils n'ont que ce qu'ils méritent. Le « dégagisme » procure ses petites joies. Hélas, cette petite satisfaction, cause d'un fort report des voix vers le candidat d'En marche, a été analogue à celle de l'enfant lassé de ses vieux jouets et fasciné par le tout beau tout nouveau. Il a fallu une forte dose d'immaturité politique et d'amnésie précoce pour associer Macron au concept du renouvellement. Le désenchantement viendra car l'ancien banquier n'aura pas le pouvoir de changer le plomb en or. Ce président n'est pas celui des Français, pas même celui de la majorité d'entre eux. Il est celui des bobos des grandes métropoles. Nullement celui du pays réel, notamment de cette France périphérique jugée inadaptée au processus de globalisation. Ce mépris affiché du peuple n'enlève pourtant rien à la légitimité démocratique du nouvel élu, pas plus que les 24 millions d'électeurs qui se sont abstenus. Ainsi l'exige le respect des valeurs républicaines. Pardon, mais quelle mascarade que tout cela !
Macron est encore moins le président de la France. Pour cela il y faudrait d'abord la référence à un sol et donc à des frontières, fruits d'une construction persévérante et moyen de protection souveraine en même temps que d'identité. Mais de frontières, il ne saurait en être question pour un cerveau acquis au mondialisme et au fédéralisme européen. Du coup plus d'esprit de défense. Une Florence Parly, remplaçant la Goulard, précédemment prévue et éjectée, est là pour se charger de la basse besogne de l'intégration des Armées, dont elle est la ministre, au grand tout européen. C'était bien la peine d'aller à Orléans célébrer l'héroïne nationale et nous infliger ensuite des ministresses disant ouvertement ne pas « se sentir françaises ». Il y faudrait aussi la référence à un peuple, ce qui suppose la reconnaissance des corps qui le constituent à commencer par la famille dont l'intitulé n'apparaît plus dans aucun ministère. Il y faudrait enfin la référence à une culture, mais dans son discours de Lyon du 7 février, le candidat Macron a affirmé qu' « il n'existe pas de culture française ». Qu'allait-il donc faire au Puy du fou, ce haut lieu d'enracinement culturel français ?
Ainsi le personnage incarne-t-il tout à la fois le pire de la droite économique et le pire de la gauche sociétale. Il y a de quoi s'inquiéter. Les bonnes surprises, s'il y en a, seront marginales. Ainsi après le trio infernal du quinquennat précédent (Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem), Blanquer apparaît-il à l'Education nationale d'un moindre sectarisme. Ce n'est pas difficile ! Le fait important est que le président désormais en place jouit d'une position renforcée : les élections ont scellé la faillite du P.S, des L.R et du F.N, l'assemblée lui est soumise, le Premier ministre et les ministres également grâce à la puissance bureaucratique. Certains observateurs voient là un retour à l'esprit du début de la Ve République : désir de renouvellement et réalité du pouvoir exercé conjointement par l'Elysée et la technocratie. Si on ajoute à cela le nouveau clivage séparant les réfractaires et les partisans du monde globalisé, ceux-ci étant au pouvoir et méprisant les premiers, on mesure le risque d'une République totalitaire en marche.
Il serait illusoire de compter sur l'oligarchie européenne pour corriger ce processus. En France une véritable opposition va-t-elle émerger ? Il est peu probable qu'elle vienne des L.R, lesquels se rallient, d'ailleurs, ou se divisent en sous-partis. Ce qu'il reste de patriotes dans notre pays n'a pas d'autres solutions que de faire l'effort d'un travail intellectuel et de trouver un paradigme commun. Dans cette tâche nous avons beaucoup à apporter. ■
Le conflit qui s’est publiquement ouvert entre le président de la République et le Chef d’Etat-Major des Armées et qui s’est conclu hier par la démission de ce dernier, est un mauvais coup donné à la France.
Particulièrement dans sa situation : à l'intérieur, la menace terroriste rampante et, tout aussi graves sinon plus, les risques de violences communautaires, religieuses ou ethniques ; à l'extérieur, plusieurs engagements périlleux, possiblement aventureux, africains et proche-orientaux ; à quoi s'ajoutent de redoutables perspectives de futures vagues migratoires massives venant d'Afrique noire et s’ajoutant aux précédentes, devenues habituelles et qui d’ailleurs perdureront, si elles ne sont pas accrues, par exemple par l’implosion algérienne tout à fait prévisible etc.
Face à ces dangers, l'on sait, sans besoin de développer, que nos armées sont, comme on a pris l’habitude de le dire, à l'os et qu'en particulier, leur équipement est dans un état de délabrement lamentable. Il fallait veiller à ne pas l'affaiblir davantage.
Un Etat n’est jamais prudent de diminuer les dépenses militaires, - notamment les programmes d’équipement - sous prétexte d’une situation de paix relative. La sagesse consiste à savoir que ces états sont précaires ; qu’ils ne sont pas éternels ; et, d’autre part, que les programmes d’équipement militaires ne sont réalisables qu’à moyen ou long terme. Les derniers présidents de la République ont manqué de cette prudence comme de cette sagesse.
C’est dans ces conditions que le général de Villiers a défendu, à huis-clos, devant la commission de la Défense nationale de l’Assemblée, le budget des Armées. Et qu’Emmanuel Macron l’a brutalement et publiquement réprimandé, le conduisant pratiquement à la démission. « J’obéis par amitié » disait Lyautey. Et on peut observer dans Saint-Simon la nature des dialogues entre Louis XIV et Vauban. L’autorité du grand roi – pour incontestée qu’elle soit et sans besoin d’être rappelée – se teintait de camaraderie d’armes. Au point d'étonner le lecteur d'aujourd'hui.
Ce n’est pas ainsi que s’est manifestée l’autorité d’Emmanuel Macron à l’égard du chef d’Etat-Major des Armées. Et le voici l’objet, le centre, de toutes les critiques. En butte à la réprobation de l’opinion et au malaise qu’il rencontre dans l’Armée dont Pierre de Villiers était un chef respecté. Bien au-delà du général lui-même, ledit malaise s’établit désormais globalement entre Emmanuel Macron et les Armées dont il est constitutionnellement le chef, la rupture de confiance semblant consommée.
On reprochera sans-doute désormais bien des choses à Emmanuel Macron, qu’il aurait mieux fait d’évaluer avant d’agir : à tort ou à raison, sa jeunesse, son inexpérience ; pire : son autoritarisme, sa mégalomanie et son égocentrisme seront mis en avant. L’on se rappellera assez vite qu’il a, en fait, été plutôt mal élu et qu’il ne dispose à l’Assemblée que d’une majorité désignée par une minorité de Français.
Emmanuel Macron s’apercevra alors qu’il est bien difficile d’être Jupiter en République. Et qu’il l’est plus encore d’y être tenu pour légitime. L'unanimisme macronien aura fait long feu. •
Le cardinal Mazarin par Philippe de Champaigne - Peut-être le plus corrompu et le plus grand de nos ministres
Par Alain de Benoist
Sur morale et politique, Alain de Benoist, dans cet entretien intéressant donné à Boulevard Voltaire [18.07], opère les distinctions nécessaires. Celles-là même que nous avons rappelées nous aussi dans Lafautearousseau à maintes reprises, au fil des récentes affaires. Corruption, mensonges, tartufferie, sont des reproches d'ordre moral, secondaires au regard du politique. Les vérités qu'exprime ici Alain de Benoist ressortent d'une très ancienne sagesse du gouvernement des Etats ; elles imprègnent notamment l'Ancien Régime. La sous-morale qui infeste aujourd'hui médias, opinion et soi-disant élites constitue comme une drogue débilitante de toute action politique. Elle n'intéresse pas les esprits politiques et même leur répugne.LFAR
Dès son élection, Emmanuel Macron a fait de la « moralisation de la vie politique » son cheval de bataille. Là-dessus, Richard Ferrand et le couple François Bayrou-Marielle de Sarnez ont été obligés de quitter le gouvernement dans les conditions que l’on sait. Vous en pensez quoi ?
Honnêtement, rien du tout. Les histoires d’emplois fictifs, de comptes en Suisse, d’attachés parlementaires, de mutuelles bretonnes et que sais-je encore ne sont là que pour amuser la galerie. Elles ne sont là que pour distraire, au sens pascalien, une opinion publique qui n’est déjà plus depuis longtemps en état de distinguer l’historique de l’anecdotique. Leur seul effet positif est de discréditer toujours un peu plus une classe politique qui a effectivement démérité, mais pour de tout autres raisons. En dehors de cela, elles conduisent à croire que la vie politique doit se dérouler sous l’œil des juges, en même temps qu’elles généralisent l’ère du soupçon au nom d’un idéal de « transparence » proprement totalitaire. Et le mouvement s’accélère : on reprochera bientôt aux ministres de s’être fait offrir des caramels mous et d’avoir oublié de déclarer leur collection de moules à gaufres dans leur déclaration de patrimoine.
Quant aux lois destinées à « moraliser la vie publique », elles resteront à peu près aussi efficaces que celles qui prétendent moraliser la vie financière. Depuis le scandale de Panama (1892) – pour ne pas remonter plus haut -, les « affaires » ont de tout temps émaillé la vie politique. Pour y remédier, on légifère à grand bruit mais dans le vide. En bientôt trente ans, ce ne sont pas moins de dix lois différentes qui ont été adoptées à cette fin, depuis la loi du 11 mars 1988 sur la « transparence financière de la vie politique » jusqu’à celle du 9 décembre 2016 relative à la « lutte contre la corruption », en passant par celle du 29 janvier 1993 sur la moralisation des campagnes électorales et des procédures publiques. Aucune de ces lois n’a empêché de nouvelles « affaires » de surgir. Il en ira évidemment de même de celle que prépare le gouvernement.
Serait-il plus immoral de se faire offrir des costumes en douce (François Fillon) que d’attaquer la Libye (Nicolas Sarkozy), avec les résultats politiques que l’on sait ?
Évidemment pas, mais avec cet exemple, vous abordez indirectement la véritable question qu’il faut se poser : celle des rapports entre la politique et la morale. Tout le monde, bien entendu, préférerait être gouverné par des dirigeants intègres plutôt que par des corrompus. Mais la politique n’est pas un concours de vertu. Mieux vaut une franche fripouille, voire une sinistre crapule qui fait une bonne politique (il n’en a pas manqué dans l’Histoire), qu’un brave homme aux qualités morales incontestables qui en fait une mauvaise (il n’en a pas manqué non plus) – et qui, du même coup, discrédite jusqu’à ses qualités. La politique a pour but d’atteindre des objectifs politiques, pas des objectifs moraux. Ce qui a manqué à Louis XVI, c’est d’être aussi Lénine et Talleyrand. Les saints ou les ascètes sont rarement des machiavéliens !
La vérité est que les qualités politiques et les qualités morales ne sont pas de même nature. Elles n’appartiennent pas à la même catégorie. La politique n’a pas à être gouvernée par la morale, car elle a sa propre morale, qui veut que l’action publique soit ordonnée au bien commun. Elle n’est pas ordonnée à l’amour de tous les hommes, ou à l’amour de l’homme en soi, mais se préoccupe d’abord de ce que peut être le destin de la communauté à laquelle on appartient. À ceux qui pensent avoir tout dit lorsqu’ils ont proclamé que « tous les hommes sont frères », rappelons que la première histoire de frères est celle du meurtre d’Abel par Caïn.
La politique morale, émotionnelle et lacrymale, la politique des bons sentiments est en fait la pire politique qui soit. La politique qui consiste à multiplier les ingérences « humanitaires » au nom des droits de l’homme aboutit régulièrement à des désastres, comme on peut le voir aujourd’hui au Proche-Orient. Celle qui nous commande d’accueillir avec « générosité » tous les migrants de la planète confond tout simplement morale publique et morale privée. Celle qui consiste à gloser sur les « valeurs » pour mieux ignorer les principes est tout aussi invertébrée. Le politiquement correct relève lui aussi de l’injonction morale, pour ne rien dire de la « lutte-contre-toutes-les-discriminations ». Cette politique morale prend malheureusement toujours plus d’ampleur à une époque où le « bien » et le « mal », tels que les définit l’idéologie dominante, tendent de plus en plus à remplacer le vrai et le faux. Là comme ailleurs, le politique doit reprendre ses droits.
Max Gallo et le Prince Jean de France à la Sainte Chapelle [2009]
L’académicien français Max Gallo est mort le 18 juillet 2017 à l’âge de 85 ans. Il avait dialogué avec le Prince Jean, dans Le Figaro magazine, en novembre 2009 (Photo). Max Gallo venait de publier un livre d'histoire des premiers capétiens, le Prince Jean son ouvrage Un Prince français. On pourra retrouver trace de leur entretien - Jean d'Orléans et Max Gallo, la France au coeur - dans Lafautearousseau*.
Pour Figarovox, Paul-François Paoli a évoqué, dès hier soir, son souvenir dans l'intéressant article repris ci-dessous. LFAR
Atteint de la maladie de Parkinson depuis plusieurs années, Max Gallo nous a quittés mardi, à l'âge de 85 ans. Historien de vocation mais aussi romancier et essayiste à succès, Max Gallo était entré à l'Académie française le 31 mai 2007, où il avait succédé à son ami Jean-François Revel. Une consécration pour ce fils d'immigrés italiens, né à Nice le 7 janvier 1932, quivouait à la France un véritable culte, qu'il exprimera à travers son œuvre et son action politique.
Après avoir obtenu un CAP de mécanicien ajusteur puis un bac mathématique et technique au lendemain de la Libération, Max Gallo allait poursuivre des études littéraires et développer une passion pour l'histoire qu'il étudie à l'université. Devenu agrégé, puis docteur en histoire, il enseigne au lycée Masséna à Nice et à l'université de cette même ville et enfin donne des cours à Science Po Paris à partir de 1968. Une ascension sociale et intellectuelle commence pour ce jeune provincial qui a très fortement ressenti les différences de classe et ne se sent pas à l'aise avec les enfants de la bourgeoisie parisienne. Ayant adhéré à 17 ans au Parti communiste qu'il identifie à la Résistance, il rompt après la mort de Staline et devient un anticommuniste convaincu tout en continuant de se situer à gauche jusque dans les années 1990. Ses premiers romans, notamment Le Cortège des vainqueurs, publié en 1972, qui raconte la destinée d'un jeune fasciste italien jusqu'aux années 1975, sont imprégnés par les drames politiques de son temps. Depuis la célèbre Baie des Anges, saga niçoise publiée en 1976, qui connaîtra un grand succès - plus de 700 000 exemplaires vendus - à La Machinerie humaine, suite de 11 romans publiée entre 1992 à 2002 qui peut se lire comme une enquête sur la France des années 1990, l'œuvre romanesque de Max Gallo, qui compte une cinquantaine de romans, est toujours liée aux enjeux d'une histoire collective à laquelle des individus en quête de destin sont confrontés.
«Dans mes romans, le plafond est bas, il pèse, il écrase, mais mes personnages se battent quand même. Beaufort, le personnage principal de La Part de Dieu (1996, Fayard), est un homme apparemment sans espoir. Il a perdu sa fille et ne se fait plus guère d'illusions sur l'amour. Malgré tout il se bat. Pour quelle raison? Il est simplement plus digne pour un homme de rester debout le plus longtemps possible», écrit-il.
Ayant dû faire un choix entre sa vie à Nice à la fin des années 1960 et son existence à Paris, Max Gallo choisit la seconde option, laquelle ne sera pas sans conséquences sur sa vie de famille. Le jeune Niçois devient parisien, et bientôt une figure de la vie intellectuelle parisienne.
Il écrit d'abord des romans de politique-fiction sous le pseudonyme de Max Laugham. En 1971, il prête assistance à Martin Gray pour la rédaction d'Au nom de tous les miens, histoire romanesque d'un jeune rescapé du camp de Treblinka. Le livre rencontre un immense succès. Ce sera pour Gallo le premier d'une très longue série de best-sellers.
Puis à partir des années 1980, cet écrivain infatigable publie des biographies consacrées à Robespierre, Garibaldi, Jaurès ou Jules Vallès.
Sa série de quatre tomes sur Napoléon, publiée en 1997 chez Robert-Laffont (Le Chant du départ, Le Soleil d'Austerlitz, L'Empereur des rois, L'Immortel de Sainte-Hélène), est un des points culminants de sa carrière d'auteur aussi populaire que prolifique: désormais Max Gallo privilégie systématiquement la part de lumière de l'Histoire de France. Ses livres visent explicitement à célébrer, à élever plutôt qu'à critiquer. C'est pour l'ancien professeur le seul moyen de faire aimer la France à la jeunesse, notamment d'origine immigrée.
Doté d'une énergie physique exceptionnelle, l'homme est debout à l'aube. Il travaille comme un chef d'orchestre. Devant lui, des chevalets où sont disposés les matériaux historiques et biographiques de ses travaux en cours. Gallo tape directement ses ouvrages sur une vieille machine à écrire, comme il le ferait sur un piano. Ses livres dépassent bientôt la centaine de titres.
Parallèlement à son travail d'écrivain prolixe, Max Gallo poursuit une carrière d'éditorialiste à L'Express, qu'il rejoint à partir des années 1970 sur la demande de son ami Jean-François Revel, puis il prend la tête de l'éphémère Matin de Paris dans les années 1980.
Après la victoire de François Mitterrand en 1981, l'écrivain adhère au Parti socialiste et se présente aux élections municipales de Nice qui l'opposent à Jacques Médecin durant une campagne violente qui verra son adversaire l'emporter. Ayant rencontré Mitterrand dans une émission d'Apostrophes, il garde de la politique une vision singulière, nourrie par l'histoire. Devenu secrétaire d'État et porte-parole du gouvernement en 1983 (il se dote d'un directeur de cabinet nommé François Hollande), il ne tarde pas à marquer des distances avec le Parti socialiste, où il ne s'est jamais senti à son aise, dira-t-il plus tard. Il réprouvera ce qu'il appellera le cynisme de Mitterrand concernant la montée du Front national tout en poursuivant sa carrière de député européen.
En 1983, il publie une tribune retentissante intitulée Le Silence des intellectuels, initiative spectaculaire à gauche, qui montre que son auteur n'entend pas se faire dicter sa parole et son comportement.
Il rompt officiellement avec le PS en 1992 pour fonder le Mouvement des citoyens avec Jean-Pierre Chevènement, parti dont il devient le président et participe à la campagne du non au traité de Maastricht avec Philippe Seguin. Durant les élections européennes de 1999, il soutient Charles Pasqua et Philippe de Villiers à la tête d'un éphémère Rassemblement pour la France. Enfin, en 2002, il participe activement à la campagne présidentielle de Jean-Pierre Chevènement et intervient comme orateur dans ses meetings, regrettant toutefois que son ami n'ait pas réussi à faire le lien avec les «Républicains de l'autre rive», ceux de la droite souverainiste.
Sa participation régulière à l'émission L'Esprit public de Philippe Meyer, avec Jean-Louis Bourlanges et Yves Michaud, en font une voix familière et aimée des Français. Il se révèle un formidable pédagogue et, fort de son délicieux accent niçois, un excellent conteur.
Durant ces années, Max Gallo engage une réflexion sur la destinée de la France et développe l'idée d'une «crise nationale» qu'il compare à la guerre de Cent Ans, crise qui aurait débuté après la Première Guerre mondiale et se poursuit aujourd'hui. Il publie plusieurs livres liés à ce thème, notamment Fier d'être français puis L'âme de la France, histoire de la nation des origines à nos jours, pour dénoncer la notion de repentance historique qui se développe à partir des années 2000 et encourt l'ire de ceux qui lui reprochent de mettre en doute le fait que le rétablissement de l'esclavage aux Antilles par Napoléon relève du «crime contre l'humanité». Max Gallo sera poursuivi en justice mais ses accusateurs seront déboutés.
Il participe aussi à la polémique engagée en 2005 par un groupe d'historiens, dont Pierre Nora et Jacques Julliard, qui refusent, au nom de la «liberté pour l'histoire» une réécriture du passé à l'aune des lois mémorielles, notamment celles ayant trait au « crime contre l'humanité ». Cette évolution vers la droite conduira l'auteur de la Lettre ouverte à Robespierre sur les nouveaux Muscadins, pamphlet paru en 1986, peu avant le bicentenaire de la Révolution française, à reconsidérer l'événement dans un sens plus critique. Avec le temps, Max Gallo, tout en restant jacobin, s'est rapproché de la vision de François Furet.
En 2007, il soutient la candidature de Nicolas Sarkozy qu'il qualifiera de «républicain d'autorité» et rédigera plusieurs grands discours sous son quinquennat, notamment celui consacré au dernier poilu de la guerre de 14, Lazare Ponticelli.
Quand il entrera à l'Académie française, le 31 janvier 2008, reçu par Alain Decaux, le président de la République sera présent, privilège rare sous la Coupole.
Toutes ses activités d'acteur de la vie publique ne le détournent pas de son travail d'écrivain qui publie parfois jusqu'à trois livres par an. Il multiplie les grandes séries consacrées ici à la vie du général de Gaulle, là à celle de Saint Louis, Louis XIV, Victor Hugo, Richelieu. La Résistance, le Moyen Âge, les premiers temps de la chrétienté, rien ne paraît étranger à cet esprit insatiable, curieux de tout savoir, de tout comprendre.
En 2013, il convient avec son éditeur et ami Bernard Fixot qu'il publiera durant les cinq années qui viennent une série sur le premier conflit mondial, chaque volume portant spécifiquement sur une année de guerre. Dès la fin de 2014, les cinq volumes sont déjà écrits, et bientôt publiés. Son rythme de travail défiait les lois de l'édition. Seule la maladie le contraindra à ralentir son activité et ses publications en rafale.
Républicain dans l'âme et gaulliste de conviction, Max Gallo se définissait comme catholique. À ses yeux l'identité de la France, mais aussi de l'Europe, était inséparable de l'empreinte chrétienne et il ne cachait pas ses inquiétudes quant à la progression de l'islam, un thème que l'on retrouve d'ailleurs dans un de ses romans, La Part de Dieu.
Homme d'une puissance intellectuelle exceptionnelle, porté par le succès, il aura vendu plusieurs millions d'ouvrages en un demi-siècle - Max Gallo aura marqué son époque en devenant un intellectuel dont les points de vue comptaient.
Dans Histoires particulières (CNRS, 2009) et dans ses Mémoires, L'oubli est la ruse du diable, il rendit un hommage appuyé à son père qui lui avait inculqué l'amour de la France et le culte de la volonté qui peut permettre à un homme de vaincre la fatalité de l'origine. Il aimait voir en lui l'exemple d'une histoire d'immigration réussie par le travail et l'intégration. « Français de préférence », comme l'avait écrit Aragon…
Son inlassable activité, ses livres en cascade cachaient un drame intime: le suicide en 1972 de sa fille de seize ans. Cette blessure était toujours à vif. Elle ne fut pas étrangère à son retour à la religion comme il l'avait confié dans la préface d'un de ses livres. Max Gallo cherchait l'apaisement à sa souffrance de père dans le travail. Il va le trouver, désormais, dans le repos éternel.•
Lafautearousseau paraîtra chaque jour tout l'été, en format vacances, d'aujourd'hui jusqu'au premier septembre.
L'actualité sera réduite en juillet et août et si elle ne l'était pas, si des événements importants se produisaient, Lafauterarousseau ne manquerait pas d'en traiter.
Ce temps de relatif repos sera aussi l'occasion de puiser dans nos nombreuses et riches archives, ce que nous appelons nos trésors, pour nous replonger dans l'essentiel.
Bonnes vacances à tous nos lecteurs en compagnie, toujours de notre quotidien. Lafauterarousseau •
Publié le 21 juin 2017 - Actualisé le 19 juillet 2017
Est-il possible d'analyser le système Macron en profondeur, sérieusement, sans a priori excessif, systématiquement pro ou anti ? Puis d'élargir l'analyse à la nouvelle situation politique de la France ? C'est ce que Patrick Buisson fait ici dans cet important entretien pour le Figaro magazine[9.06], réalisé par Alexandre Devecchio. Ce dernier ajoute le commentaire suivant : « Patrick Buisson a scruté le paysage politique avec la hauteur et la distance de l'historien. Il restitue ici l'élection de Macron et la défaite de la droite dans le temps long de l'Histoire ». De notre côté, nous avons commenté ainsi ce remarquable entretien : « tout fondé sur un soubassement d’esprit monarchique et de droite légitimiste – où (Buisson) synthétise en une formule lapidaire ce que Maurras eût peut-être appelé le dilemme d’Emmanuel Macron : " On ne peut pas être à la fois Jeanne d’Arc et Steve Jobs ". Tout est dit ! ». Lafautearousseau
Depuis son entrée en fonction, Emmanuel Macron a fait preuve d'une gravité et d'une verticalité inattendues. Vous a-t-il surpris positivement ?
La fonction présidentielle est en crise depuis que ses derniers titulaires ont refusé d'incarner la place du sacré dans la société française. Sarkozy, au nom de la modernité, et Hollande, au nom de la « normalité », n'ont eu de cesse de vouloir dépouiller la fonction de son armature symbolique, protocolaire et rituelle. Emmanuel Macron a parfaitement analysé le vide émotionnel et imaginaire que la disparition de la figure du roi a creusé dans l'inconscient politique des Français. En France, pays de tradition chrétienne, le pouvoir ne s'exerce pas par délégation mais par incarnation. C'est, selon la formule de Marcel Gauchet, « un concentré de religion à visage politique ».
L'élection constate l'émergence d'une autorité mais celle-ci ne peut s'imposer dans la durée qu'à condition de donner corps à la transcendance du pouvoir et de conférer une épaisseur charnelle à une institution immatérielle. Il faut savoir gré à Macron de l'avoir compris jusqu'à faire in vivo la démonstration que la République ne peut se survivre qu'en cherchant à reproduire la monarchie et en lui concédant au bout du compte une sorte de supériorité existentielle. Voilà qui est pour le moins paradoxal pour le leader d'un mouvement qui s'appelle La République en marche.
De la cérémonie d'intronisation à la réception de Poutine à Versailles, les médias ne tarissent pas d'éloges au sujet de ses premières apparitions publiques…
Oui, même quand le nouveau président leur tourne ostensiblement le dos et n'hésite pas à remettre en cause les fondements de la démocratie médiatique : la tyrannie de l'instant, la connexion permanente, l'accélération comme valeur optimale. Le soin qu'il apporte à la mise en scène de sa parole, de sa gestuelle, de ses déplacements montre à quel point il a intégré la mystique du double corps du roi, qui fait coïncider à travers la même personne un corps sacré et un corps profane, un corps politique et un corps physique. Accomplir des gestes et des rites qui ne vous appartiennent pas, qui viennent de plus loin que soi, c'est s'inscrire dans une continuité historique, affirmer une permanence qui transcende sa propre personne. À ce propos, le spectacle du nouveau président réglant son pas sur la Marche de la garde consulaire et faisant s'impatienter le petit homme rondouillard qui l'attendait au bout du tapis rouge aura offert à des millions de Français le plaisir de se revancher de l'humiliation que fut la présidence Hollande, combinaison inédite jusque-là de bassesse et de médiocrité. Quel beau congédiement !
Mais n'est-ce pas simplement, de la part d'un homme de culture, une opération de communication bien maîtrisée ?
Toute la question est de savoir si, avec la présidence Macron, on sera en présence, pour le dire avec les mots de son maître Paul Ricœur, d'une « identité narrative » ou d'une « identité substantielle ». Reconstituer le corps politique du chef de l'État, lui redonner la faculté d'incarner la communauté exige que s'opère à travers sa personne la symbiose entre la nation et la fonction. Emmanuel Macron récuse le postmodernisme et veut réhabiliter les « grands récits ». Fort bien. Mais de quels « grands récits » parle-t-il ? Le roman national ou les success-stories à l'américaine ? Jeanne d'Arc ou Steve Jobs ? Honoré d'Estienne d'Orves ou Bill Gates ? Les vertus communautaires et sacrificielles ou le démiurgisme technologique de la Silicon Valley ?
C'est là où l'artifice dialectique du « en même temps » cher à Macron touche ses limites. Il y a des « valeurs » qui sont inconciliables tant elles renvoient à des visions diamétralement opposées de l'homme et du monde. Les peuples qui ont l'initiative du mouvement historique sont portés par des mythes puissants et le sentiment d'une destinée commune fondée sur un système de croyances et un patrimoine collectif. Pour recréer le lien communautaire à travers sa personne, le président Macron doit répudier le candidat Macron : mobiliser l'histoire non comme une culpabilité ou une nostalgie mais comme une ressource productrice de sens.
Outre la verticalité, Macron assume également une certaine autorité…
Toute la question est de savoir de quelle autorité il s'agit. Depuis Mai 68, les classes dirigeantes se sont employées à délégitimer la représentation transcendante des anciennes figures de l'autorité comme autant de formes surannées du contrôle social. Mais, si elles ont récusé l'autorité comme principe, elles n'y ont pas pour autant renoncé en tant que fonctionnalité. Autrement dit, comme technologie du pouvoir indispensable à l'induction du consentement, de l'obéissance, voire de la soumission chez les gouvernés. A l'ère de la communication, ainsi que l'avait pressenti Gramsci, la relation de domination ne repose plus sur la propriété des moyens de production. Elle dépend de l'aliénation culturelle que le pouvoir est en mesure d'imposer via la représentation des événements produite par le système politico-médiatique dont le rôle est de fabriquer de la pensée conforme et des comportements appropriés. On en a encore eu une éclatante démonstration avec la campagne présidentielle qui vient de s'achever.
Si Macron est le produit de ce système-là, est-il pour autant condamné à en rester indéfiniment captif ?
L'intention qui est la sienne de réintroduire de l'autorité dans le processus de décision politique est louable. Ce qui légitime l'autorité c'est, disait saint Thomas d'Aquin, le service rendu au bien commun. Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas chercher à restaurer l'autorité-principe là où sa disparition a été la plus dommageable ? A l'école, par exemple, où notre appareil éducatif s'est acharné à disqualifier la transmission et à la dénoncer dans le sillage de Bourdieu comme volonté de répétition et de reproduction du même. La transmission est par excellence l'acte vertical intergénérationnel qui consiste à choisir ce qui mérite d'être transporté à travers le temps quand la communication obéit à une logique horizontale et démocratique de diffusion non critique et non sélective dans l'espace. De ce point de vue, le profil du nouveau ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, est sans doute le seul vrai signe encourageant.
Régis Debray dit que Macron est un « Gallo-ricain », le produit d'un écosystème mental américanisé où l'instance économique commande à toutes les autres. N'est ce pas excessif ?
Je crains qu'il n'ait raison. Emmanuel Macron apparaît comme la figure emblématique de cette nouvelle classe dominante qui aspire à substituer à tous ceux qui proposent un salut hors de l'économie - religion ou politique - la seule vérité de l'économie. Tout ce qui n'est pas de l'ordre de l'avoir, toutes les visions non utilitaristes de la vie en société relèvent pour elle de l'angle mort. Le parti de l'économisme, c'est celui de l'interchangeabilité qui cherche à réduire en l'homme tous les particularismes et toutes les appartenances (nation, famille, religion) susceptibles de faire obstacle à son exploitation en tant que producteur ou comme consommateur. C'est le parti des « citoyens du monde », des « forces du flux d'information, de l'échange et de l'immigration » célébrés par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook lors de son discours aux diplômés d'Harvard le 25 mai dernier.
Le cycle dominé par l'économie, que l'on croyait sur le point de s'achever, a connu un spectaculaire regain à l'occasion de la campagne présidentielle. Le retour des nations, de l'histoire et de l'organisation de sociétés autour des thèmes de l'identité et de la souveraineté n'aura-t-il été qu'une fugitive illusion ?
Je n'en crois rien. Un système où l'économie commande l'organisation de la société est incapable de produire du sens. Sous couvert d'émancipation des individus, l'économisme a surtout œuvré à leur soumission croissante au règne de la marchandise et de l'ego consacrant, selon la formule d'Emmanuel Mounier, la « dissolution de la personne dans la matière ». La crise morale que nous traversons montre que l'homme réduit à l'économie ne souffre pas simplement d'un mal-être mais d'un manque à être. Elle est le fruit amer d'une malsociété, excroissance maligne de l'incomplétude d'une société exclusivement consumériste et marchande. « On ne tombe pas amoureux d'une courbe de croissance », proclamait l'un des rares slogans pertinents de 68. N'en déplaise aux médiagogues, il y a de moins en moins de monde pour croire que l'identité d'un pays se ramène à son PIB et que la croissance peut opérer le réenchantement du monde.
L'élection présidentielle que nous venons de vivre a-t-elle été un coup pour rien ?
Au contraire, elle aura été l'occasion d'une magistrale, et peut-être décisive, leçon de choses. La droite républicaine et le Front national ont fait la démonstration chacun à leur tour - François Fillon au premier et Marine Le Pen au second - qu'ils étaient l'un et l'autre, sur la base de leurs seules forces électorales, dans l'incapacité de reconquérir ou de conquérir le pouvoir. L'élimination de Fillon dès le premier tour fut tout sauf un accident, indépendamment des affaires dont on l'a accablé. Elle s'inscrit dans un lent et inexorable processus de déclin qui a vu la droite de gouvernement passer de 49 % au premier tour de la présidentielle de 1981 à 27 % en 2012 et à 20 % le 23 avril dernier. Faute d'avoir su opérer, comme ce fut le cas en 2007, une nécessaire clarification idéologique, la droite ne peut plus se prévaloir du bénéfice automatique de l'alternance. Elle a perdu l'élection imperdable. On ne voit pas pourquoi ni comment elle pourrait ne pas perdre les élections qui viennent. Faute d'avoir su construire une offre politique crédible, le FN est, lui aussi, dans l'impasse. Il reste ce qu'il a toujours été : un épouvantail, le meilleur allié du système qu'il prétend combattre, son assurance-vie. C'est à partir de ce double constat partagé qu'une refondation est possible.
Qu'attendez-vous de la décomposition-recomposition qui s'amorce ?
Je crois, comme Marcel Gauchet, qu'un grand mouvement conservateur est naturellement désigné pour être, selon sa formule, « l'alternative au moment libéral économiste » que nous vivons. Emmanuel Macron a choisi de se faire le champion du camp des progressistes au moment où la promesse fondatrice du progrès-croyance - à savoir l'assurance absolue d'une amélioration inéluctable, générale et universelle - a échoué sur la question du bonheur. L'indicateur de cet échec, on le trouve dans l'explosion de la production, du trafic et de la consommation de drogue comme dans la croissance exponentielle de la consommation de psychotropes qui représente en France, selon une récente étude de la Cnam, 13% des soins remboursés par l'Assurance-maladie. Ces chiffres expriment le décalage entre le bonheur promis et le bonheur réel dans notre société. Le seul vrai progrès est aujourd'hui de pouvoir douter du progrès. Le conservatisme est l'outil intellectuel qui permet d'échapper à ce processus de décivilisation. Je n'en connais pas de meilleure définition que celle qu'en a donné Ernst-Erich Noth : « Nous avons à concilier la tâche temporaire de la politique qui passe et la mission éternelle de l'intelligence ; mais cela n'est possible que par une subordination de la matière à l'esprit, de l'actualité à la continuité.»
La situation présente aurait donc, selon vous, le mérite de dissiper un long malentendu historique…
En effet. S'il était encore possible au milieu du siècle dernier d'accoler les deux vocables de libéral et de conservateur, leur accouplement relève aujourd'hui de l'oxymore, tant la fracturation intervenue depuis est d'ordre à la fois métaphysique et anthropologique. La Manif pour tous a fait apparaître, en 2013, une césure radicale entre une droite conservatrice - ce que j'ai appelé un populisme chrétien -, qui proclamait le primat du sacré sur le marché, et une droite libérale-progressiste, acquise au principe d'illimitation et à l'abaissement du politique au niveau de la gouvernance économique. Cette droite-là est en marche vers Emmanuel Macron, qui est en train de réussir à la fois la reconstitution de l'unité philosophique du libéralisme en illustrant à la perfection la complémentarité dialectique du libéralisme économique et du libéralisme culturel, mais aussi la réunification des libéraux des deux rives, comme le fit au XIXe siècle l'orléanisme, déjà soucieux de constituer un bloc central en coupant, selon la recette réactualisée par Alain Juppé, « les deux bouts de l'omelette ».
Soyons reconnaissants à Macron de son concours bénévole, même s'il n'est pas franchement désintéressé. De grâce, que personne ne retienne les Républicains « constructifs » qui se bousculent déjà pour le rejoindre. Rien ne sera possible sans cette rupture fondatrice. Il y a des décantations qui sont des clarifications. Il est des divorces qui sont des délivrances pour ceux qui restent.•
« Emmanuel Macron a parfaitement analysé le vide émotionnel et imaginaire que la disparition de la figure du roi a creusé dans l'inconscient politique des Français »
Publié le 10 juillet 2017 - Actualisé le 19 juillet 2017
On s'interrogera encore un certain temps sur la pensée Macron et c'est l'avenir qui nous dira quelle politique concrète, quels actes, sortiront de ses ambigüités. Car de ce que l'on pense naît tôt ou tard ce que l'on fait. Sur quoi l'on est jugé.
Le fond de la pensée d'Emmanuel Macron, c'est la volonté de concilier, surmonter les contraires. Résoudre les contradictions réputées artificielles. C'est ce qu'Edgar Morin appelle la complexité. Il n'est pas sans mérites de vouloir la penser. Mais encore moins sans risques. Malraux disait que la pensée est nuances mais l'action manichéenne. Emmanuel Macron en fera à coup sûr l'expérience.
La pensée complexe c'est aussi ce que prône un certain personnalisme, chrétien ou non, dont Emmanuel Macron s'est peut-être imprégné lors de ses années de formation.
Mais que ce soit dans le domaine de la culture, de l'immigration, de l'indépendance nationale, des options géostratégiques de la France, de son identité menacée, de l'enseignement de l'Histoire, de l'enseignement tout court, de la cohésion sociale, des questions sociétales, l'on pourra bien tenter la pensée complexe, essayer de concilier les contraires.
Dans l'ordre de l'action, une prévalence s'imposera toujours.
Entre ce qui fait vivre et ce qui fait mourir la conciliation est utopique, en un sens, mortifère ou criminelle.
Il vient un moment où des choix s'imposent. Ils ne sont pas faits que de conciliation des contraires ... A trop s'interroger sur les moyens justes de concilier les contraires, le risque de ne rien décider, ou mal, ou trop tard, est grand.
Maurras, dans son étude la plus connue sur Auguste Comte*, critique longuement l'idée dominante au XIXe siècle, du gouvernement de l'examen : examiner ce n'est pas encore gouverner.Il y a un temps pour l'examen, un temps pour gouverner, qui est celui de la décision.
Macron se dit pragmatique. Mais nous le voyons aussi idéologue. Peut-être les deux, en même temps. L'un de ces deux termes finira par être prévalent.
L'on peut aussi tenter de concilier pensée complexe et pensée réaliste à la condition que lors de la prise de décision ce soit la pensée réaliste qui ait le dernier mot. On verra Macron à l'ouvrage. •
*Auguste Comte, Bons et mauvais maîtres, Œuvres capitales, tome III, Flammarion, 1954
Alexandre Malafaye analyse ici [Figarovox, 17.07] les reproches exprimés par le président de la République au chef d'état-major des armées Pierre de Villiers. Il rappelle à juste titre qu' « aucun bon pouvoir ne s'exerce dans la durée sans contre-pouvoir ». Ce n'est pas pourtant, en l'occurrence, le nécessaire exercice de l'autorité que nous critiquerons, quant à nous. Mais que cette dernière s'exerce à mauvais escient. Quant à donner aux armées françaises la relance européenne comme horizon national et comme justification de l'effort qui leur est demandé, nous sommes infiniment réservés. Cela dit, nous approuvons l'esprit général de cette brillante tribune. LFAR
« Il n'est pas digne d'étaler certains débats sur la place publique. J'ai pris des engagements. Je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens, et devant nos armées, je sais les tenir. Je n'ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire.»
Celui qui prononce ces mots durs ne s'appelle pas Charles de Gaulle. Un chef n'aurait pas dit ça. Celui qui recadre ainsi le chef d'état major des armées (CEMA) a obtenu 24 % - seulement - au premier tour de l'élection présidentielle. Depuis, à 39 ans, il a été élu Président de la République et, au fil des semaines, un autre visage se dessine. La campagne nous a montré celui d'un séducteur habile, soucieux de rassembler le plus largement possible, « en même temps » à droite et à gauche. Mais à la vérité, nous avons élu un inconnu. Avant lui, les Français n'ignoraient presque rien des grands traits de caractère de leur Président. Cette fois, nous découvrons en marchant la vraie nature du nouveau locataire de l'Élysée, l'autre visage de Jupiter. Celui qui affirme « je suis votre chef » n'avait jamais été placé en situation de commandement, jamais il n'avait été numéro un.
Dès lors, l'observation des premiers actes du « chef » qui « sait », par delà la mise en scène urbi et orbi de la geste présidentielle, se révèle très instructive, et pas nécessairement rassurante. À travers sa confrontation brutale et déséquilibrée avec le chef d'État major des armées, Emmanuel Macron croit utile de signifier qu'il dispose du pouvoir. Curieux rappel en vérité, car sous la V° République, qui doute de l'étendue du pouvoir et des prérogatives du chef de l'État français ? Personne. Alors à quoi bon ? Veut-il tuer dans l'œuf toute velléité de contestation, voire simplement toute forme de discussion contradictoire ? Tout le laisse penser ; de la même façon, nous imaginons qu'avec cette exécution en place publique du CEMA, Emmanuel Macron vise tous ceux qui seraient tentés de le contrarier, puisqu'il n'a « besoin de nulle pression et de nul commentaire ». En ligne de mire, tous ceux qui procèdent de son autorité, et plus spécialement les directeurs d'administration qu'il a mis sous tension depuis son arrivée, avec la menace du spoil system.
Il n'aura donc pas fallu attendre longtemps pour voir le masque tomber. La bascule s'est faite au soir du deuxième tour des élections législatives. Comme il n'y a plus aucune parcelle de pouvoir à conquérir via les urnes, inutile pour Emmanuel Macron de persister dans la voie du charme et du « en même temps » ; il peut se débarrasser du gant de velours. Mais dispose-t-il vraiment d'une main de fer ? Le chantier des réformes à mener est tel que nous espérons voir la même fermeté s'exercer lorsque les premières vraies difficultés surgiront. Car si le CEMA n'a pas d'autre choix que d'obéir ou de se démettre, il n'en ira pas de même avec la jeunesse, la rue, ou encore les syndicats.
L'abus d'autorité peut masquer une faiblesse, ou bien refléter une certaine ivresse du pouvoir. Grisé par tant de puissance et l'image hypertrophiée renvoyée par le miroir médiatique, le meilleur des hommes peut se laisser aller à croire qu'il peut tout imposer, tout régler, tout dicter par sa seule volonté. Mais il faudra tout de même qu'à un moment ou à un autre, Emmanuel Jupiter Macron revienne sur terre et se familiarise avec un exercice maîtrisé du pouvoir et ses contingences.
Il lui faudra d'abord accepter de composer, car aucun bon pouvoir ne s'exerce dans la durée sans contre-pouvoir, et si les hauts-fonctionnaires, et les chefs militaires, ont le devoir d'obéir, ils ont le droit d'en remontrer à l'autorité politique. A condition, bien sûr, que cette dernière en accepte le principe. Hélas, il y a bien longtemps que ce n'est plus le cas, et la Nation toute entière s'en ressent. Cet équilibre est pourtant essentiel, et nous étions fondés à espérer que le renouveau démocratique promis par Emmanuel Macron le restaurerait. Il semblerait que rien ne change, et le Président de la République - qui dit aimer « le sens du devoir et de la réserve » -, comme ses prédécesseurs, préfère confondre les mots obéissance et soumission. C'est sans doute plus confortable, et même gratifiant pour l'égo. Mais l'homme étant pas nature faillible, si personne ne peut conseiller « le prince », ou le contredire, nous pouvons craindre des lendemains difficiles.
En second lieu, le Président devra apprendre à utiliser son autorité à bon escient afin de faire reposer son pouvoir sur le plus essentiel des principes de gouvernement : la confiance. Car c'est bien là que réside le grand pêché d'Emmanuel Macron dans sa confrontation avec le CEMA. Autorité et confiance ne vont pas de pair, et disposer du pouvoir ne se traduit pas ipso facto par capacité d'entrainement. D'autant que si on les braque, les capacités de résistances et d'inertie de l'administration et des Français sont immenses. Ainsi, plutôt que d'attaquer frontalement le CEMA, pourquoi le Président de la République n'a-t-il pas fait œuvre de pédagogie ? Dans son allocation prononcée à l'Hôtel de Brienne, devant la fine fleur militaire de la Nation, d'autres mots auraient pu produire un effet bien différent. Voilà, par exemple, ce qu'aurait pu dire un chef fédérateur et inspiré par le renouveau des pratiques politiques : « J'ai n'ai rien perdu de vos débats et de vos inquiétudes, et je les entends. J'ai pleinement conscience des difficultés qui découlent de ces ajustements budgétaires de l'année en cours, soyez-en persuadés. Mais nous n'avons pas le choix. Les efforts à court terme que le Gouvernement et moi vous demandons d'accomplir sont indispensables pour restaurer le crédit de la parole française sur la scène européenne. Il en va de la relance du projet européen avec nos partenaires. Les enjeux sont immenses, à la hauteur des attentes de nos compatriotes et des défis de ce siècle incertain à bien des égards. A l'évidence, ces efforts à court terme seront récompensés à long terme, nous nous y retrouverons tous, y compris nos armées dont j'assume le commandement en chef, et pour lesquelles j'ai le plus grand respect. Faites-moi confiance, vous ne serez ni déçus, ni trahis, je m'y engage solennellement devant vous. »
Voilà ce que nous aurions dû entendre, ce que nous aurions aimé entendre, ce qui aurait pu rassurer et clore le débat, redonner le sens et le souffle nécessaires, et motiver chacun sur l'objectif. Au lieu de cela, Emmanuel Macron se contente d'une nouvelle victoire à la Pyrrhus, en écrasant plus petit que lui. Mais à force de vaincre sans péril, il se pourrait bien qu'à la fin, il n'y ait ni triomphe, ni gloire. •
« L'abus d'autorité peut masquer une faiblesse, ou bien refléter une certaine ivresse du pouvoir. »