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  • Algérie : une police politique omniprésente…

    Constantine en Algérie 

    Par Péroncel-Hugoz 

    Sur la lancée algérienne de sa précédente chronique, Peroncel-Hugoz passe cette semaine de la culture à la politique, et donne son coup de dent à ce qui est, selon lui, depuis ses débuts, l’un des travers majeurs du régime d’Alger : l’espionnite … Vétéran des grands-reporters du « Monde », Péroncel-Hugoz a travaillé dans plusieurs pays arabes avec une longue halte en Algérie où il eut sérieusement maille à partir plusieurs fois avec les autorités. Il poursuit une série de chroniques consacrées à ses « années algériennes ». Elles nous diront aussi quelque chose de l'Algérie d'aujourd'hui.

     

    peroncel-hugoz 2.jpgParmi mes manies figure l’ordre, y compris quand je ne suis que de passage dans une chambre d’hôtel. « L’air de rien, l’ordre et la méthode ont fait la force de la Vieille Europe », devait me dire un jour le président-poète sénégalais Léopold Senghor, sans doute pour me décomplexer.

    En tout cas à mon niveau, ce trait m’a toujours simplifié la vie, notamment dans mon métier de journaliste. 

    Tout ça afin de vous dire qu’au fil de ma tournée pour le premier recensement industriel de l’Algérie indépendante avec une dizaine de jeunes enquêteurs algériens, en 1965-1966, je me rendis compte à plusieurs reprises d’un désordre inexpliqué parmi mes affaires, notamment dans un hôtel de Constantine ou, deux jours de suite, après une absence de plusieurs heures, je trouvai mes affaires déplacées voire mélangées, notamment mes livres et papiers. Je me rassurai un moment en pensant que ça devait être dû au tout jeune garçon d’étage assez rustaud, affecté au service. 

    Le bruit circulait alors en Algérie que les autorités surveillaient de près des allogènes venus dans l’intention de convertir des indigènes au christianisme, mais il s’agissait de missionnaires évangéliques états-uniens et je n’ai rien, vraiment rien de commun avec ces gens-là… En outre, à l’époque, on m’aurait plutôt soupçonné d’être passé à l’islam car pour tester la résistance du corps humain au jeûne de Ramadan, durant lequel on se trouvait, je m’étais mis à jeûner … J’ai déjà raconté cette expérience personnelle sur ce blog le 11 juillet 2014. 

    Nouveau en Algérie, connaissant encore mal les pratiques policières du pouvoir local, je me rendis naturellement et chez le consul de France dans le chef-lieu de l’Est algérien et chez Mgr Pinier, alors évêque de Constantine et d’Hippone pour les informer et leur demander conseil. Tout deux, séparément, bondirent sur leur fauteuil : « Mais que vous êtes naïf, M. Péroncel-Hugoz, tout étranger est suspect aux yeux de ce régime soupçonneux et pratiquement tout visiteur se voit mis au moins un temps sous surveillance et ses bagages ont droit à une ou plusieurs fouilles quant il s’absente de sa chambre … Chacun sait cela ici ». Je me  le tins pour dit. 

    Comme je n’avais aucunement l’intention de renverser le gouvernement algérien et que j’estimais n’avoir rien à me reprocher vis-à-vis du pays, je continuai mes activités sans plus me soucier de fouilles ou filatures, abandonnant ces messieurs à leurs soupçonnite et espionnite maladives … J’avais mon enquête nationale à conduire de Tizi-Ouzou à Tamanrasset, de La Calle à Zouj-Beghal. J’avais aussi à terminer un mémoire pour l’Université de Genève sur « la politique du Royaume arabe de Napoléon III en Algérie », mémoire pour lequel j’avais bénéficié d’une bourse de la Confédération suisse. 

    Les bonnes manières de Si Mahmoud Bouayed, directeur de la Bibliothèque nationale d’Alger, me firent vite oublier les tripotages de la terrible « SM » dans mon innocente valise. Cela dit, j’avais compris la vraie nature de la « République algérienne démocratique et populaire », résumée en ces deux initiales, « SM », qui ne furent bientôt plus prononcées qu’à voix basse par l’Algérien moyen ; SM = Sécurité militaire, alors principal instrument de surveillance de la population, allogènes compris, par le régime opaque vers lequel avait bifurqué la jeune Algérie, à son corps défendant, par la faute de quelques « flics » algériens formés à la soviétique en Allemagne de l’Est ou en Tchécoslovaquie et qui, par leurs manœuvres sans scrupules, avaient vite mis la main sur le noyau décideur du gouvernement d’Alger. Et cela, autant que je sache, dure encore en 2016.

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 05.02.2016

  • Nicolas Sarkozy, Christiane Taubira, Alain Juppé, Jean-François Copé : j'écris, donc je suis...

     

    De nombreux ouvrages signés d'hommes politiques paraissent dans les librairies ces derniers mois. Pour André Bercoff, les dirigeants cherchent ainsi à échapper aux flux incessants de l'info en continu et des réseaux sociaux. D'où, dans Figarovox, une salutaire et revigorante humeur, dans le style que l'on sait ... D'autant qu'il n'est ni inutile ni désagréable de voir ainsi relativisés, ou mieux dévalorisés, ces Messieurs de la politique et de la presse qui ne méritent pas meilleur traitement.  LFAR

     

    photo.jpgJ'écris, donc je suis. Jamais autant qu'aujourd'hui, les politiques n'avaient si minutieusement détourné le postulat cartésien. Certes, le pacte séculaire qui lie les Français à l'imprimé, faisait depuis longtemps en sorte que tout représentant du peuple qui se respecte, publiât, un jour ou l'autre, un essai polémique, une vibrante profession de foi, un programme pour Pâques ou la Trinité, et enfin - exercice incontournable - ses Mémoires à l'automne de sa vie. La plupart des ouvrages précités se vendaient peu ou point, mais qu'importait le tirage, pourvu qu'on ait son quart d'heure de célébrité : l'ivresse des micros et des caméras pour commenter, s'étendre et se répandre sur l'immortel produit de ses précieux neurones. A chaque parution, le récipiendaire expliquait pourquoi il faisait don de son cerveau à la France : il était en effet indispensable, pour sauver ce cher et doux pays, que les citoyens connaissent les fulgurantes analyses, les étonnantes prédictions ou les non moins sulfureuses révélations qu'un politique digne de ce nom se doit de mettre à la connaissance de tous. Les grenouilles ont toujours voulu se faire aussi grosses qu'un bœuf : le passage en librairie donnait l'illusion, le temps d'une saison, de passer pour un homme d'État. Rien de nouveau sous le soleil de l'édition.

    Aujourd'hui, cependant, force est de reconnaître, dans ce domaine comme dans tant d'autres, l'accélération de l'Histoire, fille des nouvelles technologies et des récentes crises économiques et identitaires. Et surtout, de celle du pouvoir. Depuis la rentrée de septembre dernier, il n'est de semaine sans qu'un élu ne fasse paraître l'état présent de son encéphale sous forme de quelques dizaines, voire quelques centaines de pages. De Villiers à Fillon, de Copé à Taubira, de Juppé à Sarkozy, de Le Maire à Valls, tous sont passés, passent ou passeront par la case écriture. Qu'ils fassent appel à des « nègres» , ou pondent eux-mêmes leur œuf, nul, désormais, ne peut échapper aux fourches caudines de ce vice impuni. Levez-vous, ô lecteur désiré… Et peu importe si certaines publications ne se vendent qu'à quelques centaines d'exemplaires : la petite pierre blanche sera toujours là, sur Amazon ou dans les lignes de Wikipédia.

    Paradoxe ? Non : instinct de survie. À l'heure où le public se méfie de plus en plus des médias comme de leurs représentants, des politiques comme de leurs promesses, les réseaux sociaux passent leur temps à contredire, à démentir ou à contester une parole qui, jadis, au bon vieux temps, passait par le tamis d'une presse omniprésente et encore puissante, et qui a perdu peu à peu sa légitimité et sa force. Quand gauche et droite ne savent plus où elles habitent, quand la plus récente joute télévisée efface immanquablement la précédente, où peut encore se nicher le dur désir de durer ? Dans le livre. Celui dont on rêve qu'il restera, quand on aura tout oublié. 

    André Bercoff

    André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.

  • Ce soir, 8 février à Grenoble : conférence de Pierre de Meuse

     

    Les débats sur la politique d’immigration, sur la place que tiennent le christianisme ou l’islam dans notre nation, sur le rôle des institutions européennes ou encore sur les récentes controverses sur la déchéance de nationalité pour les binationaux, mettent l’identité de la France en question. Pierre de Meuse nous invite à réfléchir sur les présupposés des positions respectives.

    CONTACT

    Centre Lesdiguières -  Le Buissert  38340 Pommiers-la-Placette

    centrelesdiguieres@laposte.net

     

    arton10035-948b6.pngA noter que le lendemain, mardi 9 février, Pierre de Meuse sera l'invité du Cercle Dauphinois de Documentation et de Communication Culturelle,  Alliance Royale du Dauphiné, pour une conférence sur : « LA LEGITIMITE DYNASTIQUE EN FRANCE », à 20h15, Salle paroissiale de l’église Arménienne St Augustin, 1 rue Dupleix, Grenoble.

     

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Culture & Littérature • Alain Finkielkraut : un néo-réac sous la coupole

     

    Par Henri BEC

     

    2015-03-20_155205_bec-village.jpgAlain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l’Académie française (on dit son « remerciement »), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d’orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d’assister à l’effondrement d’une pensée, et peut-être même d’un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l’histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l’Académie s’est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D’autre part, le discours prononcé sous la coupole n’en fut pas moins éminent : « Le nationalisme, voilà l’ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l’histoire, et me voici, pour ma part, accusé d’avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l’autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m’attendent au tournant et j’aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente » .

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    La France s’oublie elle-même

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l’être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France « semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même ».

    « Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre » .

    Fils d’un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l’éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettres belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l’ennemi, condamnation qu’Alain Finkielkraut juge « exorbitante » , était très attendu. « Il n’y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l’avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s’abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l’Académie, il cite Pierre Gaxotte, l’historien de l’Action française, évoquant Blum : « Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d’ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine ». Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l’autre) et affirme, comme elle l’avait écrit dans L’enracinement, avoir été étreint par le « patriotisme de compassion » … « non pas donc l’amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai pris conscience qu’elle aussi était mortelle, et que son « après » n’avait rien d’attrayant » .

    L’hommage à Félicien Marceau

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l’occupant. Lorsque la connaissance des mesures prises contre les juifs commence à se répandre, il écrit  « Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission » .

    « Ce geste ne lui est pas facile » commente Finkielkraut. « Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie » . Il explique longuement sa démarche, « révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards » et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu’à l’aune d’un moment : « Aux ravages de l’analogie, s’ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d’incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires » …

    … « Car les hommes prennent pour l’être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l’esprit du temps. Cartésiens et fiers de l’être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent « Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n’obéir qu’au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l’opinion commune ».

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l’intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue : « Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle » …

    Il analyse enfin longuement l’œuvre littéraire de Félicien Marceau : « Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n’étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d’une forme à l’autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges« .

    Contre le prêt-à-penser

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    « C’est la mémoire devenue doxa, c’est la mémoire moutonnière, c’est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c’est la mémoire de l’estrade, c’est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient » .

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces « idiots » (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, « une amitié distante » faite de « tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire. »

    Il formule le même constat sur « la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi » .

    Mais : « À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République » .

    Et pour finir : « L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse » .

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d’abord, d’Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s’est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l’Académie n’entend pas rompre le fil de l’histoire. 

    Politique magazine

  • Langue française • Réformer l'orthographe ? Ce qu'en pensait Jacques Bainville ...

    Les nénuphars, peints par Claude Monet 
     
     
    2227883577.jpg20 juillet 1906
     
    Somme toute, que reproche-t-on à l'orthographe usuelle ? D'être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ?
     
    C'est ici que réside ce qui n'est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l'on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d'esprit, il n'y aura jamais de simplification suffisante ?
     
    Il faut aller tout de suite à l'extrémité, et l'extrémité c'est l'orthographe phonétique, le droit donné à chacun d'écrire comme son oreille entend. Du moment qu'il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l'apprendre.
     
    On voit mal où est l'avantage. Pour le voir, pour soutenir qu'il existe et que les simplifications proposées abrégeraient des études inutiles, il faut admettre que les enfants ont un mal considérable à retenir la figure de chaque mot. Les réformateurs proposent, par exemple, de terminer uniformément par les lettre èle tous les mots qui contiennent ce son. On écrira hirondèle, èle, quèle, èle, je me rappèle comme stèle et fidèle.
     
    Vous souvenez-vous d'avoir eu la moindre peine à retenir qu'on devait mettre : hirondelle, aile, quelle, elle, rappelle ? Tel n'est pas mon cas. Et j'imagine qu'on apprendrait fort vite à ne pas confondre l'èle de l'oiseau avec èle, pronom personnel. Mais il faudrait l'apprendre encore, et je ne vois donc pas trop où est l'avantage, sinon de rendre obscure et lointaine l'origine du second mot et difficilement compréhensibles les dérivés (je ne sais en ce moment s'il en existe de très usuels, mais il y en a à coup sûr) où se retrouve la forme originale du latin ala.
     
    S'il s'agit d'apprendre pour apprendre, mieux vaut continuer d'enseigner ce qui est conforme à la fois aux habitudes et à l'étymologie. Aile, c'est ala, comme ellle c'est illa. S'il y a difficulté, au moins est-elle logique et permet-elle de se débrouiller, tant bien que mal, dans la forêt des mots savants. L'orthographe actuelle est, à y bien regarder, plus utile que nuisible aux personnes médiocrement instruites : son accord, même quelquefois un peu lâche, avec l'étymologie, ce sont les humanités du pauvre, c'est le latin des études primaires. L'orthographe compliquée est par là plus "démocratique" que l'orthographe simplifiée.
     
    Il est surprenant que les réformateurs n'aient pas pensé à cela. 
     
    Journal, Tome I (années 1901 à 1918), Plon, pages 37 à 38.
     
     

  • Civilisation & Société • Faut-il douter de l’art contemporain ?

     

    par Aloysia Biessy

    Le jeune blog Le Rouge & Le Noir répond sans ambiguïté et en débat : il faut douter de l'Art contemporain. Avis partagé, bien-sûr ! LFAR

     

    rn.pngLes Historiens de l’art ont une fâcheuse tendance à créer des catégories systématiques pour cataloguer les mouvements artistiques suivant des périodes de l’Histoire… L’Histoire ne peut se défaire de la période artistique qui l’influence, guide le geste de l’artiste, tant à à l’échelle organique (constitution de la matière) que dans la qualité essentielle (sens profond) de l’œuvre qu’il créée. Mais déconstruite, l’Histoire est désormais jaugée à l’aune de son échéance immédiate ; depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une sorte d’irrésistible mouvement pousse le spectateur à adopter une « posture consciente » vis-à-vis de l’ouvrage, réflexion factice imposant un examen ontologique obligé, plein d’une vanité mortifère. C’est dans ce cadre, s’abritant docilement à l’ombre d’un prêche humaniste dénué de sens, que l’art « contemporain » prend corps.

    La désertion du sens : une dialectique usée

    Sans plus s’interroger sur la nature de l’art, seul son caractère actuel autorise la reconnaissance de l’ouvrage. Abandon de son sens profond, de cette manne de transcendance immortalisée dans la matière par la seule virtuosité de l’artiste… A l’heure où la vieille dialectique (usée) de la désertion du sens n’en finit plus d’essaimer son poison, le progrès fait loi : la légitimité de l’innovation tant répétée depuis Duchamp, mais privée de l’acte de subversion ultime du fou génial, est devenue inaudible. La subversion passéiste est devenue désormais systématique. L’aboutissement de deux siècles de projection nihiliste est grossièrement illustrée… C’est une sorte de manifeste, sommant le spectateur de se plier à une inéluctable « interaction » avec l’œuvre - un « dialogue » (sic) - imposé par le devoir de bonheur auquel on n’a d’autre choix que de se conformer. Désormais, on « interroge l’œuvre » plutôt que d’être happé par ces puissants traits de génie des artistes, fruit d’une émulation exprimée à l’échelle tant sensible qu’essentielle… L’indiscipline duchampienne ne pouvait être estampillée. La reprise qu’en fait depuis une centaine d’années « l’artiste » contemporain relève au mieux de l’ignorance crasse, au pire de l’opportunisme malléable du « créateur », obéissant au bon gré d’un mécène s’évertuant toujours à distinguer un Degas d’un Warhol…

    Un art subventionné... par le secteur privé

    De fait,  quiconque s’intéresse à cet « art » actuel ne peut honnêtement ignorer le marché sous-jacent qui l’anime ; « Murakami est un artiste Arnault », lance insidieusement Jean-Jacques Aillagon au détour d’une émission de télévision… [1] On entend déjà les concerts de voix s’insurger : « au même titre que Le Brun ou le Sueur étaient des ‘’artistes Louis XIV’’ ! ». A cette différence : les peintres d’alors œuvraient pour le Beau et à l’expansion de la magnificence royale… Là où les concepteurs d’ouvrages contemporains éludent la nature figurative de l’art - reflet de la nature, relativisent la nécessaire prouesse technique dont elle se doit de faire preuve et ne sont, désormais, qu'uniquement tributaires du degré de maîtrise technique d’un intervenant tiers, reflètent les goûts de castes élitistes, ignorantes, dont la vulgarité ne semble avoir d’égale mesure que la vénalité.

    C’est dans la perspective de porter un regard attentif à l’expression artistique contemporaine que le Rouge et le Noir va débattre de l’art contemporain. « Dans notre monde de certitudes, seul l’art contemporain permet de douter. Ouf ! », aime à déclarer (sérieusement ?) le ploutocrate directeur du Théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes. Laissons donc le lecteur douter… 

    [1Émission de « Ce soir ou jamais », Frédéric Taddeï, France 2, 27 septembre 2010.

    Le Rouge & Le Noir

     

  • Traditions ... • Carnavals de France

     

    6 mai,reims,henri iii,paix de beaulieu,louis xiv,versailles,le vau,le notre,louis xiii,tunnel sous la manche,eurostar,eurotunnel,francois grignardVoici bientôt le temps des carnavals, tradition diverse, sans cesse maintenue et renouvelée, mais venue du fond des âges ...

    En 1294, Charles d’Anjou, Comte de Provence, signale avoir passé à Nice "les jours joyeux de Carnaval".

    Pour être tout à fait juste, il faut bien admettre que fort peu de gens se souviendraient aujourd'hui de ce Prince, s'il n'avait, par cette brève mention, été le premier à attester de l'existence - en l'occurrence, à Nice - de ces intenses manifestations d'allégresse populaire.

    Michel Mourre lui-même reste assez discret sur le personnage, et note surtout qu'il fit "de fréquents séjours en Provence où il se montra un sage administrateur". Ce qui explique sa présence, en 1294, aux réjouissances du Carnaval de Nice, qui est donc le plus ancien connu, et reconnu, en France, même s'il n'est, bien sûr, pas le seul : le Carnaval de Dunkerque, par exemple, se signale par son exceptionnelle animation et - en plus de son "jeter de harengs" - par la très belle et très émouvante Cantate à Jean Bart, l'illustre enfant de la cité :

     

     

    Mais plusieurs autres villes en France organisent de très beaux et très joyeux Carnavals.

    Carnavals de France  -  Carnaval de Nice - Carnaval de Dunkerque

  • « Je pense à vous ce soir, Ô morts de février »

     

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     AUX MORTS DE FÉVRIER 

     

    Les derniers coups de feu continuent de briller

    Dans le jour indistinct où sont tombés les nôtres

    Sur onze ans de retard serai-je donc des vôtres

    Je pense à vous ce soir, Ô morts de février.  

     

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    Robert Brasillach, 5 février 1945

    (Poèmes de Fresnes, Minuit et demi, 1945)

  • Pourquoi le 6 février 1934 a été stérile : l'analyse de Maurice PUJO

     

    3253704197.jpgPourquoi les manifestations de janvier et février 1934, dont celle, tragique, du 6 février, n’ont pas débouché sur ce changement de régime, pour lequel l’Action française s’était toujours battue ? Maurice Pujo, après avoir conduit toute la campagne de l’Action française sur l’affaire Stavisky et dirigé l’action des Camelots du Roi, en a donné l’explication en termes simples * : sans une Action française suffisamment forte et reconnue tant sur le plan de la pensée politique que de la conduite de l’action proprement dite, l'union des patriotes est stérile. Et la leçon vaut pour aujourd’hui. LFAR

     

    18135321.jpgÀ force de le répéter, les gens du Front populaire ont fini par croire que le Six Février était le résultat d’une terrible conjuration tramée de toutes pièces par d’affreux "fascistes" contre les institutions républicaines.

    Rien ne correspond moins à la réalité. Le 6 Février a été, à son origine, le sursaut national le plus spontané, le plus pur d’arrière-pensées. Il a été la révolte de l’honnêteté et de l’honneur français contre un scandale qui était une des hontes naturelles et cachées du régime : le pillage de l’épargne sans défense avec la complicité des gouvernants qui en ont la garde. 

    Sans doute, ce scandale a été mis en lumière, développé, "exploité", si l’on veut, par des patriotes conscients qui étaient les hommes de l’Action française. Là-dessus, M. Bonnevay, président de la Commission du Six Février, ne s’est pas trompé lorsqu’il nous a désignés comme les responsables de la mobilisation de l’opinion et de la rue.

    C’est nous qui avons publié les deux fameuses lettres Dalimier qui avaient été, aux mains de Stavisky, les instruments de l’escroquerie. C’est nous qui, par nos premières manifestations, avons chassé du ministère ce Dalimier qui se cramponnait. C’est nous qui, pendant trois semaines, encadrant tous les patriotes accourus à nos appels, avons fait à dix reprises le siège du Palais-Bourbon. C’est nous qui, par cette pression sur le gouvernement et les parlementaires, avons arraché chaque progrès de l’enquête, empêché chaque tentative d’étouffement. C’est nous aussi qui avons publié la preuve de la corruption d’un autre ministre, Raynaldi, et c’est nous qui, en rassemblant des dizaines de milliers de patriotes, le 27 janvier, au centre de Paris, avons chassé le ministère Chautemps qui cherchait à se maintenir [...]

    Tenter le coup ?

    Dira-t-on que nous envisagions le renversement du régime ? Eh ! nous ne cessons jamais de l’envisager ! Nous avons, dès nos débuts, proclamé que nous formions une conspiration permanente pour la destruction de la République, cause organique de nos maux, et pour la restauration de la monarchie, qui seule pourra les guérir.

    Mais, en menant la chasse aux prévaricateurs complices de Stavisky, nous n’avions pas visé, de façon préconçue, cet heureux événement. Il y avait des services immédiats à rendre à la France ; nous les lui rendions. Si, au terme de cette crise, la restauration de la Monarchie pouvait être tentée, nous n’en manquerions certes pas l’occasion. C’est seulement un fait qu’il n’y a pas eu d’occasion parce que les conditions nécessaires ne se sont pas trouvées réunies.

    C’est ce que nous devons répondre à ceux qui, nous faisant le reproche inverse de celui de M. Bonnevay, estiment que nous aurions dû "tenter le coup". Il y avait sans doute – ce qui est important – un malaise incontestable qui, au-delà des hommes au pouvoir, était de nature à faire incriminer le régime. Il y avait même, à quelque degré, dans l’esprit public, un certain état d’acceptation éventuelle d’un changement. Il y avait aussi l’inorganisation relative et le sommeil des éléments actifs chez l’adversaire socialiste et communiste. Mais ces conditions favorables, en quelque sorte négatives, ne pouvaient suppléer à l’absence de conditions positives indispensables pour avoir raison de cette chose solide par elle-même qu’est l’armature d’un régime resté maître de son administration, de sa police et de son armée. Et il faut un simplisme bien naïf pour s’imaginer qu’en dehors des jours de grande catastrophe où les assises de l’État sont ébranlées, comme au lendemain de Sedan, le succès peut dépendre d’un barrage rompu...

    Pourquoi Monk n’a pas marché

    Ce qui a manqué au Six Février pour aboutir à quelque chose de plus substantiel que des résultats "moraux", c’est – disons-le tout net – l’intervention de ce personnage que Charles Maurras a pris dans l’Histoire pour l’élever à la hauteur d’un type et d’une fonction, l’intervention de Monk. Un Monk civil ou militaire qui, du sein du pays légal, étant en mesure de donner des ordres à la troupe ou à la police, eût tendu la main à la révolte du pays réel et favorisé son effort. Un Monk assez puissant non seulement pour ouvrir les barrages de police, aussi pour assurer immédiatement le fonctionnement des services publics et parer à la grève générale du lendemain.

    La question de ce qu’on a appelé à tort l’échec du Six Février se ramène à celle-ci : pourquoi Monk n’a-t-il pas marché ?

    Répondra-t-on qu’il n’a pas marché parce qu’aucun Monk n’existait ? Il est certain que personne ne s’était désigné pour ce rôle. Mais c’est essentiellement un domaine où le besoin et la fonction créent l’organe. Il y aurait eu un Monk et même plusieurs si les circonstances avaient été telles qu’elles pussent lui donner confiance.

    Certains s’imaginent qu’ils décideront Monk par la seule vertu de leurs bonnes relations avec lui et dans quelques conciliabules de salon. Singulière chimère ! Monk éprouve très vivement le sentiment de sa responsabilité. Ce n’est qu’à bon escient qu’il acceptera les risques à courir pour lui-même et pour le pays et il a besoin de voir clairement les suites de son entreprise. Devant apporter une force matérielle qui est tout de même composée d’hommes, il a besoin de pouvoir compter, pour le soutenir, sur une force morale assez puissante. Il ne réclame pas de civils armés – c’est là l’erreur de la Cagoule – qui doubleraient inutilement et gêneraient plutôt les soldats, mais il veut trouver autour de lui, lorsqu’il descendra dans la rue, une "opinion" claire, forte et unie.

    Et cela n’existait pas au Six Février. Si les manifestants étaient unis par le sentiment patriotique et le mépris de la pourriture politicienne, ils n’avaient pas d’idée commune sur le régime qui conviendrait à la France pour la faire vivre "dans l’honneur et la propreté". De plus, les rivalités de groupes et les compétitions des chefs empêchaient même que, séparés dans la doctrine, ils pussent s’unir dans l’action.

    Depuis le début de l’affaire Stavisky jusqu’au 27 janvier où notre manifestation des grands boulevards renversa le ministère Chautemps, il y avait eu, dans l’action, une direction unique : celle de l’Action française. C’est à ses mobilisations que l’on répondait ; c’est à ses consignes que l’on obéissait. (On lui obéit même le jour où, en raison de la pluie et pour épargner un service plus pénible à la police, nous renonçâmes à la manifestation) Mais, à partir du 27 janvier, devant les résultats politiques obtenus et ceux qui s’annonçaient, les ambitions s’éveillèrent, et les groupements nationaux préparèrent jalousement, chacun de son côté, leur participation à une action dont ils comptaient se réserver le bénéfice. Cette agitation et cette division ne firent que croître, après la démission de M. Chiappe, préfet de police, survenue le 3 février.

    Aucune entente

    La Commission d’enquête a cherché un complot du Six Février. Mais il n’y avait pas un complot pour la bonne raison qu’il y en avait cinq ou six qui s’excluaient, se contrariaient et se cachaient les uns des autres. Il y en avait dans tous les coins et sur les canapés de tous les salons. On peut se rendre compte qu’il n’y avait aucune entente entre les groupes divers en examinant les rendez-vous qu’ils avaient donné pour la soirée historique, et les dispositions qu’ils avaient prises, sans parler des manœuvres qu’ils firent et dont à peu près aucune n’était d’ailleurs préméditée.

    Si, par impossible, les patriotes l’avaient emporté dans de telles conditions, s’ils avaient chassé le gouvernement et le parlement, le désaccord entre eux n’aurait pas manqué d’apparaître presque aussitôt et les gauches vaincues n’auraient pas tardé à reprendre le pouvoir.

    C’est à quoi le Monk inconnu, le Monk en puissance, devait songer. C’est pourquoi il s’est abstenu d’une intervention qui aurait été stérile. C’est pourquoi la journée du Six Février n’a pas donné de plus grands résultats.

    Maurice Pujo

     

    * étude (extraits) publiée par la Revue Universelle du 15 juillet 1938.

  • Maurras a-t-il vraiment « voulu » le roi ? La réponse de Pierre Boutang

     

    3253704197.jpgLa note précédente – l’analyse de Maurice Pujo – dit en quoi et pourquoi les révoltes de janvier et février 1934 furent sans lendemain. En quoi et pourquoi, du même coup, Maurras n’a pas cru que ces émeutes étaient l’occasion, comme disaient les anciens ligueurs et camelots, de ramener le Roi. Une frange insuffisante de l’opinion et des élites françaises acquise à la monarchie était la première de ces raisons; mais aussi, l’union des patriotes, faute de pensée politique commune ou faute de pensée politique tout court et faute d’une direction unique, était surtout une désunion, une dispersion, un chacun pour soi. Le succès ne lui était pas ouvert. Entre les deux guerres, à vrai dire, Maurras et l’Action française semblent bien avoir cherché ailleurs les moyens d’aboutir. Par exemple avec le (les) Monk en puissance dont parle Maurice Pujo : « Il y aurait eu un Monk et même plusieurs si les circonstances avaient été telles qu’elles pussent lui donner confiance ». Elles ne le furent pas, entre 1918 et 1940 et pas davantage le 6 février 1934.  

    Reste, alors, s’agissant de Maurras, ce que Boutang appelle l’insulte. Non pas seulement le reproche, cent fois répété - origine, comme Olivier Dard, l’a montré lors d'une conférence à Martigues, en janvier 2014, des grandes ruptures de l’histoire de l’Action française - de ne pas avoir abouti ; reproche de l’échec, adressé, on le sait, au seul Maurras, car c’est de lui, en réalité de lui seul, que les contemporains – et plus tard, encore, la postérité - attendent tout.  

    Pourtant dit Boutang, « dans cet ordre (celui de l’espérance royale), il n’a jamais pensé qu’à faire ». Et, par delà le reproche, voici donc, l’insulte dont parle Boutang et qu’il réfute, à sa façon*. 

    « Ses pires insulteurs sont ceux qui feignent de douter qu’il ait, de toutes ses forces, voulu le Roi, comme il voulait la patrie. Encore un coup, Péguy était bon juge, espérait même qu’il y eût quelqu’un pour vouloir la République comme Maurras voulait le Roi et a dit la conviction que cet homme était prêt à mourir pour ce Roi qui ne meurt pas, pour Celui, tout autant, qui de manière fixe, destinée, figure, pour une ou deux générations, cette escorte des siècles. Croyez-vous, jeunes-gens, que, parce qu’il le démontre avec tout l’éclat du Même et du Logos, il y adhère moins ? ça ne serait vraisemblable que pour un qui se distinguerait de sa pensée. Il voulait même que le Roi voulût régner, autant et plus qu’il prouvait sa nécessité ».   

    Ceux de nos lecteurs qui souhaiteraient savoir ce que Pierre Boutang pensait des journées de février 1934 ; ce que, selon lui, Maurras, lui-même, en pensait, pourront écouter ou réécouter sa conférence, du 31 mars 1988, à Marseille, conférence et débat dont un enregistrement vidéo existe, heureusement, dans lafautearousseau.  Nous le remettons ici en ligne pour l'occasion. Boutang y traite de bien d'autres sujets majeurs, encore pour aujourd'hui. 

    * Maurras, la destinée et l'oeuvre, Plon, 1984)

     

    Pierre BOUTANG : L'horizon politique Le Prince chrétien

     

     (A noter : un intéressant et amusant dialogue sur le 6 février 34 et sur différents moyens de faire la monarchie, à partir de la 93')

  • Mauvaise grâce : Du « président citoyen » à la « dérive monarchique »

     

    par Frédéric Rouvillois
    professeur de droit public à l’université Paris Descartes

    Une - comme toujours - excellente réflexion de Frédéric Rouvillois, parue dans Causeur. Sur ce sujet, nous avons déjà publié une réaction de Jean-Philippe Chauvin à laquelle on pourra se reporter : Le droit de grâce, ce droit royal...  LFAR

     

    frederic-rouvillois.jpgComment, lorsqu’on est chef de l’État, échapper à la singularité de la fonction ? Comment faire pour demeurer un « président normal » ? Telle est l’une des questions que pose l’affaire Jacqueline Sauvage, du nom de cette sexagénaire condamnée par deux cours d’assises successives pour le meurtre de son mari, mais graciée le 31 janvier dernier par le président Hollande.

    Prévu à l’article 17 de la constitution de 1958, le droit de grâce est en effet l’une des dispositions les moins « républicaines » – ou si on préfère, les plus monarchiques – de notre Ve République. Ce droit, dit de « rémission », en ce qu’il permet au chef de l’État de remettre tout ou partie de sa peine à une personne condamnée, remonte à l’époque où le roi, « lieutenant de Dieu sur terre », était à la fois souverain et source de justice : et par conséquent, libre de réformer, au nom de la Justice, les effets de décisions prises par les juridictions pénales.

    Cette dimension monarchique avait d’ailleurs conduit la Révolution à supprimer le droit de grâce – en vertu d’un décret pris par l’Assemblée constituante quelques jours  avant la fuite à Varennes, le 4 juin 1791. Tout aussi logiquement, ce droit est absent des constitutions républicaines de l’An I et de l’An III, mais il est rétabli par le Premier consul en 1802 – ce qui, notait Adolphe Thiers, revenait à « assimiler autant que possible son autorité à celle de la royauté » [1]. Par la suite, si on le retrouve dans les constitutions de la IIe ou de la IVe République, c’est de façon encadrée et dépersonnalisée, puisque le président l’exerce après avis du Conseil d’État dans la première, et « au sein du Conseil supérieur de la magistrature » dans la seconde. Un exercice collégial censé retirer à ce droit son caractère monarchique.

    Mais en 1958, les constituants de la Ve République entendent rompre avec cette logique : ils reviennent alors, avec l’article 17, à un exercice personnel et, en fait, discrétionnaire du droit de grâce. À l’époque, lors de l’élaboration de la Constitution, ce retour irrite les représentants de l’autorité judiciaire, qui accusent « cette novation » d’être en réalité une régression qui ramènerait l’État « très haut dans l’évolution historique » [2]. Du côté gaulliste, en revanche, on se félicite de cette personnalisation, qui correspond au fait que « le chef de l’État n’est responsable de l’exercice du droit de grâce que devant sa conscience et devant Dieu (s’il y croit) » [3].

    Le droit de grâce, en ce qu’il remet en cause les conséquences d’une décision juridictionnelle parfaitement régulière, se situe de fait dans la plus totale anormalité. Dans le dérogatoire absolu : ce que conforte encore le fait que le décret de grâce n’est pas publié au Journal officiel, comme s’il devait rester secret, et que sa légalité n’est pas susceptible d’être contestée devant le juge administratif. Une fois pris, le décret de grâce est définitif. Incontestable.

    Hollande aurait pu détourner le regard mais…

    Voilà pourquoi François Hollande, qui durant des années avait réclamé l’institution d’un « président citoyen » et vilipendé les « dérives monarchiques » de la Vème, s’est toujours senti très mal à l’aise face à cette prérogative héritée des rois. Jusqu’ici, rappelle le site de l’Élysée, il ne l’avait utilisée « qu’une seule fois, en permettant une libération conditionnelle sans éteindre la peine » au profit de Philippe El Shennawy, le plus ancien détenu de France, incarcéré depuis 38 ans – ce qui ne portait qu’une atteinte minime à l’autorité judiciaire. Mais il en allait tout autrement dans le cas de Mme Sauvage – dont la condamnation définitive par la Cour d’assises du Loir-et-Cher était toute récente, puisqu’elle remontait au 3 décembre dernier. Gracier la condamnée revenait ainsi à remettre frontalement en cause les conséquences des jugements des deux Cours d’assises successives lui ayant infligé la peine.

    À cet égard, le président Hollande aurait donc pu détourner pudiquement le regard – en se réclamant de la tradition républicaine, ou de la majesté de la loi, ou du respect de l’autorité judiciaire, ou de la séparation des pouvoirs, ou même du principe démocratique puisque le jugement avait été rendu par des jurys citoyens. Ce qui lui aurait permis, en refusant la grâce, de réendosser d’un seul coup le costume (deux-pièces) du « président normal », et du chef d’État droit dans ses bottes…

    Sauf qu’à cette place et dans cette fonction, c’est cette (pseudo) normalité qui s’avère anormale. D’autant que, comme l’a montré l’expérience de la Révolution, la suppression du droit de grâce profite peut-être à l’institution judiciaire, mais jamais à la justice. Summum jus, summa injuria, dit un adage latin : le droit strict est strictement injuste, ainsi que le prouve d’ailleurs le cas de Mme Sauvage, cette dernière, si l’on s’en tenait à la loi, ne pouvant, malgré les décennies de souffrance infligées par un mari monstrueux, qu’être jugée coupable, et punie en conséquence. Du reste, dans ce jeu à fronts renversés, il est cocasse de constater que les plus farouches adversaires de la monarchie républicaine, comme Jean-Luc Mélenchon, étaient en tête de ceux qui réclamaient à cor et à cri la grâce de Jacqueline Sauvage.

    Et c’est ainsi que François Hollande céda – sans que l’on puisse savoir à quoi, ou à qui : à la pression des comités de soutien, des médias et des 400 000 signatures lui demandant d’agir ainsi ? Ou à la logique monarchique de sa fonction de chef de l’Etat ? Pourtant, s’il y céda, ce fut de mauvaise grâce, non sans hésitations ni réticences avouées : vorei e non vorei… C’est ce qu’indique la communication publiée par l’Élysée, où le président déclare avoir voulu faire face « à une situation humaine exceptionnelle »– comme si une grâce pouvait répondre à autre chose. Et où il conclut (on imagine son demi sourire en dictant cette apostille) n’avoir agi que « dans le respect de l’autorité judiciaire » – alors que la grâce est par définition le moyen ultime de passer, au nom de la justice, par-dessus les limites, les blocages, les pesanteurs inhérents à cette autorité judiciaire.

    Ce qui s’appelle se payer de mots, quand bien même ceux-ci ne trompent personne. Et qu’ils confirment que, même lorsqu’ils prennent de bonnes décisions, certains politiques demeurent toujours un peu à côté, ou en dessous, de leur fonction. 

    1. A. Thiers, Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Paulin, 1845, t. III, p. 540
    2. M Chazelle, Comité consultatif constitutionnel, 31 juillet 1958
    3. Fr. Luchaire, Comité interministériel, 30 juin 1958

    Frédéric Rouvillois [Causeur, 4.02.2016]

  • L’Algérie en guerre contre ses binationaux ?

     

    par Gabriel Robin

    En lisant cette intéressante note de Gabriel Robin [Boulevard Voltaire, 4.02.2016], on ne peut s'empêcher de conclure que, sur la question de la bi-nationalité s'agissant de leurs ressortissants, ce sont les autorités algériennes qui ont raison. Raison contre nos intellectuels, juristes, politiciens et gens de médias. Certes, la mémoire des origines, l'attachement à une patrie de provenance en termes de culture, peuvent être légitimes pourvu qu'ils ne prévalent pas sur les devoirs que l'on a contractés envers le pays dont on a acquis la nationalité. Celle-ci n'est pas faite, en effet, que de mémoire et de culture, domaines où la multi-nationalité est possible. Elle est aussi faite d'intérêts, parfois de leur choc, choc dans certains cas, entre des intérêts vitaux. C'est pourquoi la bi-nationalité exigerait au moins un choix explicite de prévalence. En fait, au sens plein, incluant le culturel mais aussi le politique, l'on peut considérer la bi-nationalité comme impossible. L'individualisme postmoderne peut-il seulement comprendre et admettre que la citoyenneté ne se partage pas et qu'en définitive l'appartenance à un Etat ne peut être qu'à un seul ? Les autorités algériennes, plus frustes, le savent. Les Français l'ont oublié et, par la force des choses, devront le réapprendre. Il se pourrait que ce soit tout simplement la déchéance de la bi-nationalité qu'il convient de décider. Débat ouvert ! Lafautearousseau  

     

    Gabriel Robin.jpegDimanche, l’Algérie votera sa nouvelle Constitution. Dernière œuvre politique majeure du président Abdelaziz Bouteflika, la révision de la Constitution a été approuvée le 11 janvier dernier en Conseil des ministres. Si certaines mesures ont été saluées par l’opinion publique, comme la reconnaissance officielle de la langue amazighe, d’autres agacent quelques opposants. C’est le cas de l’article 51 qui restreint fortement les droits des binationaux.

    Les fonctions politiques seront désormais réservées aux seuls nationaux algériens qui ne possèdent pas une autre nationalité. Idem pour la plupart des hautes responsabilités de l’État (gouverneur de la banque centrale, directeur général de la sûreté nationale ou président de la Cour suprême). Par ailleurs, l’accès à la fonction de président de la République ne sera rendu possible qu’aux candidats strictement algériens capables de prouver dix ans de résidence en Algérie. Cet article 51 dérange.

    Chafia Mentalecheta, députée binationale franco-algérienne, a ainsi poussé un coup de gueule sur les réseaux sociaux : « Au nom de la communauté nationale établie à l’étranger, composée de millions de binationaux attachés à l’Algérie comme peu savent le faire, jaloux de leur algérianité comme peu peuvent le comprendre, liés à la nation algérienne par le sang et par l’Histoire, je refuse que l’Algérie se mette au diapason constitutionnel de la France en instituant une variante de la déchéance de la nationalité. » Les deux réformes n’ont strictement rien à voir mais qu’importe l’exactitude quand critiquer la France est un véritable sport national.

    Les protestations contre l’article 51 se multiplient dans les pays à forte diaspora algérienne. C’est évidemment en France que la réforme suscite les réactions les plus passionnées. Chafia Mentalecheta a même lancé une pétition expliquant l’amour qu’elle porte à sa nationalité d’origine. Dans un élan lyrique, la députée parle amoureusement des « bi, tri et quadrinationaux », à l’identique de Jack Lang sur Canal+ récemment.

    La binationalité ne devrait être qu’une exception. Il est difficile d’avoir deux patries comme il est difficile d’avoir deux mères. L’Algérie dénonce cette hypocrisie et appelle les Algériens possédant une autre nationalité à choisir. Si ces derniers veulent être des acteurs politiques dans leur pays d’origine, ils doivent faire un choix clair pour la nationalité algérienne et non pas simplement en profiter des avantages.

    Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la présidence de la République, le dit clairement : « Ceux qui voudraient servir ou représenter l’Algérie à de très hauts niveaux de responsabilités ne doivent avoir de loyauté qu’envers elle et doivent être dégagés de tout lien avec une puissance étrangère. » Un discours de bon sens que je fais mien.

    Sous couvert d’anonymat, un ancien haut fonctionnaire déclarait : « Mes enfants, nés en Europe, qui sont rentrés avec moi, n’ont donc pas le droit de servir leur pays ? De quel droit ? » Ils en ont le droit mais ils doivent faire un choix. Les binationaux franco-algériens ont plus souvent des comportements de patriotes algériens lorsqu’ils vivent en France. Les événements de la dernière Coupe du monde de football en témoignent. Abdelaziz Bouteflika les enjoint désormais à traduire leurs déclarations en actes. Si l’Algérie est dans leur cœur, ils doivent renoncer à la nationalité française.   

    Juriste
  • Numéro de février de Politique magazine : « Le phénomène Marion Maréchal-Le Pen »

     

    Découvrez le numéro de février ! 

    Le phénomène 

    Dossier spécial Marion Maréchal-Le Pen

    Ses adversaires la craignent. Ses partisans la voient aller très loin. En à peine trois ans, Marion Maréchal-Le Pen a explosé médiatiquement. Députée du Vaucluse, elle incarne une droite assumée qui renoue avec les valeurs historiques du Front national. Comment se positionne-t-elle sur l’échiquier politique et quelles sont ses perspectives au sein d’un Front national fracturé par les lignes en concurrence ?

    Dans un entretien exclusif, elle explique à Politique magazine sa volonté de rassembler le plus largement possible pour battre la gauche sur de vraies convictions.

    > Entretien avec Nicolas Lebourg, politologue, spécialiste du FN :  « La stratégie de Marion Maréchal-Le Pen est la plus pertinente »

    Et aussi dans ce numéro…  54 pages d’actualité et de culture !

    Sommaire

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  • Renaud Camus : « Le réensauvagement de l’espèce est en marche »

     

    Intéressant entretien donné par Renaud Camus à Boulevard Voltaire [3.02.2016]. On pourrait en discuter tel ou tel détail, mais non l'esprit et le fond avec lesquels nous ne pouvons qu'être d'accord. Renaud Camus a particulièrement raison, nous semble-t-il, de ne pas faire porter notre déclin identitaire sur les seuls phénomènes migratoires mais aussi sur ce qu'il appelle la Grande Déculturation qui nous affecte concurremment.  LFAR

     

    L’ONU vient de publier un rapport sur les « migrations de remplacement ». Selon l’Organisation, « le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité ». Cela rejoint votre idée de « Grand Remplacement » ?

    Ce rapport n’est pas le premier. Il y a très longtemps que l’ONU et ses commissions tournent autour du concept de remplacement, ce qui évidemment me fait bien rire, mais jaune, alors que je me fais traiter, y compris par certains de nos amis, de complotiste et d’illuminé. Le point de vue de l’ONU empile deux aberrations, dont la première est au moins une grave erreur d’appréciation et la seconde une monstruosité morale.

    La première est la conviction qu’il faut enrayer le déclin démographique des populations et le vieillissement qui l’accompagne nécessairement. Or, l’un et l’autre, surtout le premier, sont la sagesse même. Toutes les politiques écologiques qui prétendent sauver la Terre sans tenir compte de la désastreuse explosion démographique sont un vain et ruineux bavardage. Les peuples les plus développés, dans leur tréfonds, sont bien conscients de cette donnée-là et évolueraient naturellement, si l’immigration d’abord, l’invasion migratoire ensuite, n’intervenaient pas, vers une décroissance démographique naturelle et modérée, parfaitement raisonnable, et qui ne menacerait en rien leur existence, d’autant qu’eux-mêmes n’ont jamais été si nombreux. Cette légère décroissance entraînerait, c’est vrai, un inévitable vieillissement de la population, auquel on a parfaitement les moyens de faire face, qui n’implique en rien le moindre empêchement de faire des enfants ou la disparition de la jeunesse mais qui pourrait, n’était la Grande Déculturation, être l’occasion d’un progrès de la vie de l’esprit.

    Le problème de la planète n’est pas du tout la dénatalité relative de l’Europe : il est la surnatalité explosive et catastrophique de l’Afrique.

    Quant à la monstruosité morale et culturelle, morale parce que d’abord culturelle, elle tient évidemment à ce que j’appelle le remplacisme, le totalitarisme post-industriel et financiariste, pan-économiste, rival et souvent complice de l’islamisme : pour lui, la matière humaine indifférenciée est indéfiniment échangeable avec elle-même, remplaçable à merci. Faut-il souligner qu’il ne saurait y avoir de dignité de l’espèce qu’en la constitution permanente d’hommes et de femmes irremplaçables ? Dès lors que l’homme est remplaçable par l’homme, il l’est aussi par la bête, et réciproquement, par la machine et par la chose. Le remplacisme est une chosification du vivant.

    Dans ses conclusions, l’ONU donne des chiffres, mais n’aborde pas les conséquences culturelles d’une telle migration. Or, n’est-ce pas le plus important ?

    Évidemment, mais culturel n’est pas assez dire. Ontologique serait plus vrai. Le remplacisme est un tout.

    À Cologne, en prévision du carnaval, l’Allemagne met en place une politique intensive d’information et distribue quantités de tracts et autres notices invitant les réfugiés à « ne pas violer les femmes, à ne pas boire d’alcool ni uriner en public ». Pensez-vous que cela puisse être efficace ?

    On nous expliquait déjà qu’il était vilain d’abandonner son chien avant les vacances. Demain, on nous rappellera qu’étrangler ses vieux parents ne se fait pas du tout. Le réensauvagement de l’espèce est en marche.

    Comment analysez-vous le fait que politiques, médias puis organisations féministes aient tenté de cacher les événements de la Saint-Sylvestre pour les premiers, et qu’elles aient été si lentes à réagir pour les secondes ?

    Le remplacisme est un tout, je le répète, et entre autres choses une fabrique de l’ersatz, du faux, du mensonge et, non pas du silence, certes, mais de l’assourdissement : tout pour que la vérité n’affleure pas, et d’abord celle du Grand Remplacement et de sa vraie nature.