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  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Histoire • Jeanne et ses juges

     

    Jean Sévillia a donné [Figaro magazine du 30.01.2016] le rappel historique qui suit des circonstances du procès de Jeanne d'Arc. Et c'est, en même temps, une excellente présentation de l'ouvrage que vient de publier Jacques Trémolet de Villers. Que les amis de Lafautearousseau ne manqueront pas de lire...  LFAR  

    une_proces_jeanne_darc.jpgLe 23 mai 1430, Jeanne d'Arc est capturée par les Bourguignons devant Compiègne. Six mois plus tard, elle est livrée aux Anglais, puis incarcérée à Rouen où le chapitre de la cathédrale accorde une concession de territoire à l'évêque de Beauvais, Cauchon, afin qu'il ouvre un procès pour les crimes que la Pucelle, faite prisonnière dans son diocèse, aurait commis : avoir « vécu dans le dérèglement et dans la honte, au mépris de l'état qui convient au sexe féminin », et avoir « semé et répandu plusieurs opinions contraires à la foi catholique ». Le 9 janvier 1431, la procédure s'engage. Quinze interrogatoires ont lieu entre le 21 février et le 17 mars. Les 27 et 28 mars, l'acte d'accusation est lu à la jeune fille. Au cours des semaines suivantes, diverses exhortations lui sont données. Jamais elle ne cède devant ses accusateurs.

    Le 24 mai, toutefois, face au bûcher où Cauchon commence à lui lire la sentence de mort, Jeanne faiblit : s'en remettant à l'Eglise pour la foi à accorder à ses voix, elle renonce à porter des vêtements d'homme en échange de la promesse d'être gardée par des femmes, dans une prison d'Eglise. La sentence étant commuée en prison à perpétuité, la Pucelle est reconduite dans son cachot anglais, au mépris de la parole qui lui a été donnée. Là, elle subit uni tentative de viol. Quatre jours plus tard, elle remet par conséquent ses habits d'homme. Dès lors considérée comme relapse, elle est brûlée vive, le 30 mai, sur la place du Vieux-Marché...

    De ce procès d'inquisition, le minutes ont été conservées. Il révèle, face à des juges qui mentent et qui trichent, l'intelligence de Jeanne d'Arc, sa vivacité d'esprit, son courage, sa simplicité, parfois ses fragilités. Avocat et essayiste, Jacques Trémolet de Villers publie les pièces intégrales de la procédure tout en les analysant - la typographie distinguant clairement le texte et le commentaire Ce faisant, l'auteur ressuscite la formidable dramaturgie de ce procès truqué, qui sera annulé vingt-cinq and plus tard, mais auquel on se surprend à rêver à une autre fin. Précieux document historique ce beau livre est aussi une leçon politiqua et spirituelle, et un émouvant exercice d'admiration pour Jeanne d'Arc, le plu: pur des symboles français. 


    22510100300630L.jpgJeanne d'Arc. Le procès de Rouen (21 février-30 mai 1431), lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers, Les Belles Lettres, 316 p., 24,90 €.

  • Culture & Loisirs • In memoriam : L’année commence mal

     

    par Bruno Stéphane-Chambon

     

    D’abord on n’ira plus Chez Laurette, et on ne dansera plus langoureusement sur la musique de Wight Is Wight, Michel Delpech, nous a quitté le 2 janvier 2016. Après la gueule de bois au lendemain de l’enterrement de cette funeste année 2015, le départ du trouvère qui nous rappelait les jours heureux, n’était pas pour nous remettre en forme. Ses chansons les plus populaires ont marqué les adolescents d’hier et d’aujourd’hui, car on a tous rêvé d’un grand amour Pour un Flirt, regretté que la République à sa naissance ne soit pas aussi Jolie que Marianne, et parcouru les belles routes départementales du Loir-et-Cher.

    Après s’être égaré souvent dans des zones ésotériques imprégnées de paradis artificiels, il avait sur son chemin de Damas, celui de saint Paul, rencontré le Christ. Il nous a légué en 2013, un très beau livre, J’ai osé Dieu, édité aux Presses de la Renaissance,‎

    Deux jours plus tard… Attention on ne rit plus !

    Le tonitruant, caractériel, facétieux Adjudant de la Gendarmerie, Jérôme Gerber, ci devant Michel Galabru, vient d’éteindre son dernier cigare.

    La liste de ses rôles tenus au théâtre, au cinéma et à la télévision nécessiterait plusieurs pages de grand format. Seulement, rappelons que sa carrière théâtrale débuta à la Comédie Française en 1950, suite à un Premier prix qu’il obtint après trois ans d’étude au Conservatoire National dans la classe de Denis d’Inès. Il y restera sept ans en interprétant différents auteurs classiques et modernes. S’ensuivirent de nombreux rôles au Boulevard et surtout au cinéma. On lui a parfois reproché d’avoir tourné des films alimentaires, mais ainsi qu’il le disait avec humour : « si j’étais capable d’autres choses pourquoi les metteurs en scène de renom, ne sont ils pas venus me chercher ? » A partir de 1964, la saga du Gendarme de Saint-Tropez le révéla au grand public et cette association avec le grand Louis de Funès de Galarza, lui permit une grande carrière de comique. C’était sans compter que son talent était multiple et que ce personnage rabelaisien et aussi pagnolesque avait plusieurs cordes à son arc, dont une pouvait vibrer sous le coup d’un archet tragique.

    Grâce à la perspicacité de Bertrand Tavernier, il interpréta, en 1976, le rôle terrible du sergent Joseph Bouvier dans Le Juge et l’Assassin, rôle pour lequel il reçut le César du meilleur acteur en 1977. C’est oublier que cette facette dramatique avait été déjà décelée en 1970 lors de son interprétation au théâtre dans Les Poissons Rouges de Jean Anouilh, au Théâtre de l’Œuvre. Dans le même registre on ne peut oublier le film, réalisé par Jean Becker en 1983, Un été meurtrier, où sa prestation dans le rôle du père d’Eliane, interprétée par Isabelle Adjani, nous révèle une nouvelle fois son sens inné de la tragédie et de la douleur. Le summum de son art de l’interprétation, incontestablement, fut son rôle de Monglat, le roi du marché noir, dans Uranus de Claude Berri, sorti en 1990. La puissance et la violence que pouvait exprimer l’acteur étaient liées à la plus profonde morbidité du personnage, tour de force exceptionnel !

    On ne passera pas sous silence l’aide qu’il porta aux jeunes artistes sans jamais en faire cas avec grande pudeur. Il reprit la salle du conservatoire Maubel, pour créer un théâtre, puis le Théâtre de 10 heures pour en faire un tremplin pour les jeunes auteurs et comédiens, et enfin fut à l’origine des Estivales de Malaucène, dans le Vaucluse.


    A 85 ans, enfin ! Le Molière du meilleur comédien lui est décerné en 2008.

    Le 4 janvier 2016, à 93 ans, le Boulanger, fils adoptif de Raimu, est mort de tristesse après le départ de sa femme et de son frère bien aimé.
    Michel Galabru était un de nos plus grands acteurs français.

    Un jour plus tard…

    Pierre Boulez rejoint son maître, Olivier Messiaen, au firmament étoilé des notes musicales.

    Tour à tour et concomitamment, il fut compositeur, chef d’orchestre, grand théoricien de la musique contemporaine, et en corollaire pédagogue.

    A la recherche d’outils technologiques et informatiques, nouveaux instruments de ses compositions et de celles des créateurs contemporains, il fonda en 1969, l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique), Université et laboratoire du son, mais surtout école d’art. Son œuvre et sa personnalité furent souvent vilipendées, mais de par son obstination et sa puissance créative, il parvint à s’imposer et devenir la référence du monde musical contemporain.

    Pierre Boulez, durant un demi-siècle, malgré une œuvre prolifique a été plus un penseur et théoricien de l’art, qu’un véritable prophète. Il est vrai que son enseignement de la construction et la déconstruction de la phrase musicale, pourrait s’apparenter au Clavier bien tempéré de Johann Sébastian Bach, avec ses préludes et fugues utilisant les 12 demi-tons de la gamme chromatique. Bach terminait par cette dédicace que n’aurait pu renier Pierre Boulez : « Pour la pratique et le profit des jeunes musiciens désireux de s’instruire et pour la jouissance de ceux qui sont déjà rompus à cet art. »

    Mais Johann Sébastian Bach célébrait l’âme alors que Pierre Boulez ne s’intéressait qu’à l’alchimie cérébrale au détriment du chant.

    Toutefois, on ne pourra nier sa profonde compréhension des œuvres musicales de tout temps et pour exemple, on écoutera avec attention, son interprétation du morceau archi- connu du Boléro de Ravel. Le chef d’orchestre va au plus profond de l’inspiration avec un grand sens de l’épure, sorte de démarche janséniste sur un sujet profane.

    Pierre Boulez est mort le 5 janvier 2016 à Baden-Baden. Nous sommes en deuil d’un des plus grands artistes de nos dernières décennies, qui restera le pilier du rayonnement de la musique contemporaine française.

    L’œil de Satan est entré dans la tombe

    Bowie-600x398.jpgSouvent la ydriase révèle une souffrance cérébrale importante. Elle peut être aussi la cause d’émotions et se traduire par des phénomènes physiologiques. Elle est aussi un signe d’attirance.

    À 15 ans, lors d’une bagarre dans la cour de l’école, David Robert Jones, né le 8 janvier 1947, reçoit un coup de poing de poing d’un camarade de classe. Son œil gauche est gravement atteint et lui laisse à vie la pupille dilatée. (Phénomène de la mydriase, agrandissement du diamètre de la pupille).

    La planète le connaîtra sous le nom de David Bowie. Sophistiqué à l’extrême, il sera d’une incurable curiosité en visitant tous les types de musiques et en créant son propre style. En avant-garde de façon permanente, il a devancé tous les compositeurs de sa génération et dans tous les styles, rock, soul, funk, disco, techno avec l’aide de toute une instrumentalisation électronique dans des spectacles qui se voulaient apocalyptiques.

    A partir de 2004, David Bowie apparaît rarement mais se paye le luxe de vendre 140 millions d’albums dans le monde. Adepte du satanisme et arborant sa bisexualité avec outrance, le personnage se voulait sulfureux et parfois violent.

    Mais les clefs de cet être emblématique, icône du dandysme, adulé par les bobos qui n’ont rien compris à ce Janus, sont données dans le film Furyo, réalisé en 1983 par Nagisa Oshima. Duel infernal entre deux seigneurs, le capitaine Yonoi qui dirige, en 1942, avec cruauté un camp de prisonniers anglais, et un détenu, le major Cellier, interprété par David Bowie, lui-même. Entre eux se joue une lutte pour l’honneur, troublée par une attirance réciproque et ambigüe. Fascination et opposition de deux civilisations. On se souviendra longtemps de l’image de l’officier enterré vivant, dont seul le visage émerge de la terre, avec son expression souveraine.

    Mais David a deux yeux différents, l’un jette un regard provoquant à l’adresse d’un public complaisant, l’autre est en état d’introspection, en recherche de la paix bouddhique, la sérénité familiale et peut être aussi la grande quête de la spiritualité. Lors du concert en l’honneur de Freddy Mercury, donné au Stade Wembley en 1992 devant des dizaines de milliers de personnes, David Bowie, a achevé son spectacle en s’agenouillant avant de réciter le Notre-Père…

    Satan était un ange déchu, mais croyait en la miséricorde, il est mort le 10 janvier 2016 à New York. 

  • Livres • Il n'y a plus de mystère Louis XVII

     

    Une intéressante recension de Philippe Maxence*, notamment destinée aux passionnés du sujet. Mais peut-être pas seulement... Pour nous qui voyons la monarchie non comme une fantasmagorie mais comme un recours politique pour la France, l'affaire est classée.   LFAR

     

    220px-Philippe_Delorme.jpgDepuis de longues années, Philippe Delorme s'intéresse à la destinée tragique de Louis XVII, le dauphin emporté dans la tourmente révolutionnaire. Il publie ici une véritable somme sur le sujet, rassemblant en un seul volume ses travaux antérieurs tout en les mettant à jour afin de donner une réponse précise à rune des plus célèbres énigmes de l'histoire de France : Louis XVII est-il mort au Temple ou a-t-il survécu sous le nom de Naundorff ? Pour l'auteur, le jeune roi est bien mort de la tuberculose, le 8 juin 1795, après avoir vécu un véritable enfer en prison.

    Pour clore le débat, Delorme rapporte les conclusions des analyses ADN effectuées sur le coeur de l'enfant du Temple, non sans en avoir retracé l'étonnant parcours. L'historien montre notamment que ce coeur ne peut être confondu avec celui de son frère aîné, décédé en 1789, qui avait été embaumé.

    Dans Sang royal, Jean-Louis Bachelet (Ring, 316 p., 18 €) conclut dans le même sens : ce coeur est bien celui de l'enfant martyr.

    LOUIS XVII,  LA BIOGRAPHIE, de Philippe Delorme, Via Romana, 448 p., 24 €.

    * Figaro magazine [30.01.2016]

  • Un 31 janvier à Nancy ... A ne pas rater ... C'est aujourd'hui

     

    DIMANCHE 31 JANVIER 2016 A NANCY

    Messe pour le repos de l’âme du Roi Louis XVI

    à 10 h 30 Eglise Marie-Immaculée 32 avenue du général Leclerc à Nancy

    et à partir de 12 h 30 

    Fête des Rois de l’U.S.R.L.

    et de La LORRAINE ROYALISTE

    Repas suivi de la galette traditionnelle

    Auberge de « Maître Marcel »

    Angle Routes de Martinvaux et Maron – Chaligny

    Allocutions de

    Jean-Marie CUNY - Jean-François GICQUEL 

    Paul LUPORSI - Philippe SCHNEIDER 

    Prix comprenant un apéritif, le plat principal, la galette et une boisson :

    22 € par personne avec Choucroute royale comme plat principal (option 1)

    ou pavé de sanglier sauce poivrade et spaetzles fraiches (option 2)

    10 € pour les enfants (nuggets de poulet, frites, galette, une boisson)

    S'inscrire au plus tôt auprès de La Lorraine Royaliste, 284 avenue de la Libération, 54000 Nancy ou par courriel à lalorraineroyaliste@yahoo.fr ou téléphone au 06 65 64 72 17.

     

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • L'anniversaire de la princesse Antoinette

     

    La Princesse Antoinette, fille aînée du Duc et de la Duchesse de Vendôme, est née à Vienne en Autriche le 28 janvier 2012, patrie de sa grand-mère maternelle qui appartient à la noblesse autrichienne et de son arrière-grand-mère la Duchesse de Wurtemberg, née archiduchesse Rosa d’Autriche.

    La princesse Antoinette, ici sur les genoux du Duc de Vendôme, est la sœur du Prince Gaston âgé de 6 ans et de la princesse Louise-Marguerite qui va célébrer son 2ème anniversaire  le 30 juillet prochain.

    Une 4ème naissance est attendue pour le mois de juin prochain au foyer du Prince Jean et de la Princesse Philomena.

    De grand cœur, tous les vœux de Lafautearousseau

    Photo La Couronne

    Repris de Noblesse et Royautés

     

     

  • Médias • Le scandale des caricatures

     

    par Yves Morel 

    Le scandale des récents dessins de presse relatifs aux réfugiés et au petit Aylan : une liberté d’expression sans limites mais à sens unique.

    Les caricatures de la fin de l’année dernière et du début de celle-ci, parues dans Charlie Hebdo et divers journaux, à propos de la mort tragique du petit Aylan retrouvé gisant sur une plage turque, ont suscité beaucoup d’émoi et de protestations indignées sur les réseaux sociaux

    Des dessins scandaleux

    Plusieurs dessins parus en septembre dernier dans Charlie Hebdo sont en cause. L’un d’eux, de Coco (alias Corinne Rey) en page de couverture, n’est pas ciblé sur Aylan. Il représente un type d’Européen d’une cinquantaine d’années, imbibé d’alcool (il a le nez rouge et semble brailler comme un poivrot), avachi dans son fauteuil, bouteille de bière à la main, et déclarant, à l’intention d’un réfugié qui, coudes et genoux à terre, lui tient lui de tabouret : « Vous êtes ici chez vous » ; au-dessus de lui, on peut lire : « Bienvenue aux migrants ». Sans doute, s’agit-il d’un Allemand du temps où Mme Merkel laissait entrer les réfugiés proche-orientaux, mais il tient également du beauf franchouillard.

    Morel2-225x300.jpgTrois autres dessins incriminés sont signés de Riss (alias Laurent Sourisseau), rédacteur en chef de Charlie Hebdo. Le premier est ordonné autour de trois inscriptions. La première proclame : « La preuve que l’Europe est chrétienne » ; la seconde affirme : « Les chrétiens marchent sur l’eau » et est reliée par une flèche à la représentation graphique d’un chrétien des premiers temps de l’Eglise, arpentant la surface de la mer ; la troisième déclare : « Les enfants musulmans coulent », et est rapportée, par une autre flèche, à l’image d’un enfant en train de disparaître et dont seules les jambes émergent encore. Le second dessin montre le cadavre du petit Aylan allongé sur la plage, près d’un panneau publicitaire de Mac Donald annonçant : « Promo : Deux menus enfants pour le prix d’un » ; en guise de commentaire, Riss a écrit : « Si près du but ». Le troisième dessin montre une femme affolée poursuivie par un homme à tête de cochon, dont les gros yeux exorbités et la langue sortant de la bouche expriment la concupiscence ; Riss a ajouté au-dessus du dessin : « que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi ? » ; et il donne la réponse au-dessous : « Tripoteur de fesses en Allemagne ».

    Morel-3-234x300.jpgEnfin, un dernier dessin signé Chaunu (il s’agit d’Emmanuel Chaunu, fils de l’historien Pierre Chaunu), paru le 6 septembre dans le journal lorrain L’Union, repris par Ouest-France et diffusé sur Facebook, représente le cadavre d’Aylan sur la plage, affublé d’un cartable dans le dos, avec ce commentaire : « C’est la rentrée ».

    Les critiques les plus acerbes ont plu sur les journaux incriminés, et Chaunu a même reçu des menaces de mort. En Grande-Bretagne, la Society of black lawyers(SBL) envisage de porter plainte contre Charlie Hebdo devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour « incitation à l’intolérance et à la persécution ». Son président, Peter Herbert, a, sur son compte Twitter, qualifié l’hebdomadaire de publication « raciste et xénophobe… témoignant de la dépravation des mœurs de la société française ». Ce jugement n’est pas faux, à moins dire, mais son fort parfum « réactionnaire » étonne, en des temps où la critique du racisme et de l’intolérance se conjugue en permanence avec cette « dépravation des mœurs » dénoncée par l’avocat britannique.

    Critiques et menaces viennent surtout de l’étranger, ou encore de la communauté musulmane française. En revanche, la grande majorité de nos compatriotes n’a pas semblé choquée par les caricatures visées ; de plus, nos dirigeants politiques n’ont émis aucune désapprobation, et nos grandes consciences intellectuelles et médiatiques ne se sont guère manifestées : il est vrai que, depuis un an, nous sommes tous Charlie.

    Morel-4-300x198.jpgUne défense idéologiquement orientée, une tentative de justification aberrante

    Mieux, il s’est trouvé des voix et des plumes pour prendre la défense des dessinateurs visés, ceux de Charlie Hebdo tout spécialement.

    Ainsi, Daniel Schneidermann, de Libération, adresse à Riss, sur Arrêtsurimage.net, une mise en garde où la compréhension se fait connivence. Son texte est riche d’informations relatives à la conception de la liberté d’expression et de la morale au sein du monde journalistique.

    Selon Schneidermann, le dessin de presse de Riss, représentant Aylan adulte en agresseur sexuel, ne présente rien de choquant dans la mesure où il s’inscrit dans le droit fil de la tradition cruellement iconoclaste de Charlie Hebdo : « Ce dessin ne m’a pas particulièrement ému. Ni fait rire. Il m’a seulement rappelé l’esprit Hara-Kiri, l’esprit de la période Choron-Cavanna-Reiser : on tape sur tout ce qui bouge indifféremment : les flics ET les manifestants, les militaires ET les antimilitaristes, les cons, les fonctionnaires, les fachos, les profs, alors pourquoi pas aussi les migrants, sans trop faire l’effort de se demander si on parle des migrants eux-mêmes ou des migrants tels que les fachos les désignent, tout est bon dans le crayon, tout ce qui vient sous le crayon ». Autrement dit, liberté d’expression totale, quitte à blesser certaines sensibilités, et sans concession partisane, sociale ou catégorielle.

    Seulement voilà, la jeune génération, elle, ignore tout de la période Hara Kiri des Cavanna, Choron et autres Reiser ; en revanche, elle est très marquée par l’empreinte laissée sur Charlie Hebdo par les Philippe Val et Caroline Fourest, islamophobes avérés ; si bien qu’elle est tentée de considérer ce journal comme antimusulman et raciste. Et le dessin de Riss ne peut que les conforter dans cette opinion, d’autant plus que, tel qu’il est, il trouverait tout naturellement sa place dans des périodiques racistes et islamophobes de droite. Ecoutons Schneidermann : « Vu de ce point de vue là, rien ne distingue ton dessin, Riss, d’un dessin qui pourrait être publié dans Minute ou Valeurs actuelles » (Horresco referens).

    Certes, Charlie Hebdo se situe aux antipodes politiques et culturels de ces journaux maudits qui n’ont de place que dans les égouts de notre radieuse cité républicaine. Mais, de prime abord, tout semble indiquer le contraire. « Pour bien le distinguer d’un dessin de Minute ou de Valeurs actuelles [une distinction à effet de sauf-conduit ou de vaccin], il faudrait avoir une vue d’ensemble de la page ou du numéro entier en lequel il a été publié ». Une telle vue d’ensemble montre [ouf !] combien Charlie est éloigné de ces publications « nauséabondes » (ainsi aime-t-on dire aujourd’hui).

    En effet, que ne découvre-t-on pas alors, qui lave notre hebdomadaire de tout ciblage sur l’islam : « Au-dessus du crobar fatal, un autre croque Valls et Taubira [gens de gauche]. Au-dessous, un autre se moque des dessinateurs eux-mêmes [Ah, ben alors ! S’ils se paient leur propre tête !]. Tout aussi férocement, au fil du numéro, sont croqués Bowie, la trilogie curés-imams-rabbins, Dieu, Hollande, les flics, Johnny, Depardieu, le Dakar, Sarkozy, Juppé, Trump, un curé pédophile, etc… ». Une diversité-alibi dans l’iconoclasme qui atteste que Charlie n’est pas raciste ou particulièrement islamophobe, ne défend aucune cause, et brocarde toutes les religions, tous les partis, voire tout ce qui est susceptible de susciter les engouements collectifs et médiatiques (Johnny, le Dakar). Et Schneidermann d’ajouter que « le lieu d’énonciation du message est important pour qui veut se faire son propre jugement sur le dessin ». Ainsi, pour ce journaliste, le sens profond et la signification réelle d’un dessin de presse dépendent entièrement du journal en lequel il paraît.

    Des interprétations différentes et des libertés inégales suivant les obédiences politiques

    Et le plus triste, est qu’il a objectivement raison : en effet que n’aurait-on pas dit si les dessins de Riss étaient parus dans Rivarol sous le crayon et la signature de Chard ? L’indignation aurait atteint un degré paroxystique, les cris de protestations auraient été délirants, les insultes et les appels au meurtre auraient fusé de toutes parts, le périodique et le dessinateur auraient croulé sous les lettres de menaces de mort, et auraient été assignés en justice non par des avocats britanniques, mais par des associations bien françaises (Ligue de Droits de l’Homme, LICRA, MRAP, SOS Racisme, etc..), cependant que nos ministres eussent exprimé leur plus vive réprobation et que certains parlementaires eussent demandé l’interdiction du journal.

    Voilà où en est la liberté d’expression en France. Elle dépend entièrement du milieu en lequel évolue celui qui s’exprime (par la voix, la plume ou le crayon). Un même propos, un même dessin peut valoir compréhension ou indulgence, ou, au contraire, opprobre publique et persécution, suivant le périodique qui lui sert de support. Schneidermann enfonce le clou en ajoutant : « Le problème, c’est que ce dessin, soigneusement propagé par ceux-là mêmes qui veulent le dénoncer, va atteindre des publics qui n’auront jamais accès au numéro entier de Charlie Hebdo »… et qui le prendront donc pour ce qu’il est : un dessin cruel, profondément blessant et offensant pour la mémoire du petit Aylan, sa famille (dont la douleur se trouve ainsi ravivée), et le monde arabo-musulman, un dessin que l’on peut qualifier à fort bon droit de raciste et islamophobe, et qui témoigne de l’amoralité foncière de son auteur. Schneidermann et les défenseurs des dessinateurs en cause invoquent à l’appui de leur défense le caractère systématiquement ravageur du journal qui, depuis toujours, attaque férocement tout et tout le monde, sans parti pris.

    Or, ce salissement général des hommes (et des femmes) et ce décapage brutal de toutes les valeurs religieuses et morales montrent simplement que nous sommes en présence de gens qui ne respectent rien ni personne et se vautrent dans l’ordure, voire leurs propres excréments.

    Riss affirme que ses dessins ont été mal interprétés, c’est-à-dire jugés comme des manifestations de racisme et d’islamophobie. Là n’est pas la question : le scandale de ces dessins tient à ce qu’ils insultent un petit garçon mort récemment dans des circonstances atroces, et sa famille ; et, de surcroît, ils injurient de manière ordurière une religion et une culture. Et cela est sans excuse, nonobstant l’absence de parti pris (jusqu’à quel point d’ailleurs ?) de l’auteur ou du journal. Le plaidoyer de Schneidermann n’a aucune valeur. Il en a d’autant moins qu’il sous-entend clairement que certains ont le droit de tenir des propos ou de produire des dessins qui seraient interdits à d’autres. Droit au scandale, à l’iconoclasme, au blasphème, mais pas pour tout le monde.

    Des plaidoyers aberrants

    La tentative de justification des dessins incriminés prend d’ailleurs des tournures aberrantes. En témoignent les explications de Chaunu. De la manière la plus inattendue du monde, ce dessinateur qui a représenté le cadavre d’Aylan affublé d’un cartable dans le dos, avec la mention « C’est la rentrée », affirme avoir voulu rendre hommage à l’enfant. Pas moins. Se déclarant « sidéré » par les reproches qui lui furent adressées de s’être « moqué d’un enfant mort », il se justifie par ces propos véritablement surréalistes : « J’ai découvert l’image d’Aylan à la télé en pleine rentrée scolaire, au milieu des reportages sur les angoisses des élèves et les peurs des parents. Il y avait un tel décalage entre ces émotions, à la fois normales et surdimensionnées par les médias, et le sort de cet enfant de l’exode. Alors, j’ai voulu rendre hommage à Aylan, ce petit enfant qui n’ira jamais à l’école, et qui cache la multitude de tous les enfants morts ». Honnêtement, qui peut croire une explication aussi extravagante et l’accepter comme une justification ? Seule la mauvaise foi suscitée par le conformisme partisan peut inciter à l’agréer. Dans une société qui a fait du dénigrement de toutes les valeurs le socle de son « éthique » (négative) et du conformisme intellectuel et moral, un dessinateur qui se moque d’un enfant mort tragiquement ne saurait être foncièrement mauvais, et le malaise provoqué par son dessin ne peut être imputable qu’aux préjugés, à la courte vue et à la bêtise du public. C’est ce que pense Chaunu, qui déclare : « Avec les attentats du 7 janvier [2015], toute une population a découvert le dessin de presse. Mais elle n’a pas été éduquée pour le décrypter. Il n’y a pas de caricature sans culture. Il faut de l’éducation pour analyser une image. C’est un grand chantier, qui sera très long ».

    Autrement dit, ceux qui se sont indignés du dessin de Chaunu sont des incultes, des sauvages (des « sauvageons », aurait dit Chevènement) qu’il importe d’éduquer et d’instruire… afin de leur apprendre à ne pas tout mélanger, de leur faire comprendre que le sens d’un dessin de presse se rapporte à son auteur et surtout à l’orientation idéologique et morale du périodique qui le publie, qu’un même dessin revêt des significations très différentes suivant qu’il paraît dans Charlie Hebdo ou Minute, suivant qu’il est signé Riss ou Miège. C’est ce que nous assène Daniel Schneidermann dans sa lettre numérique à Riss, dont nous avons examiné le contenu plus haut. Décidément, c’est bien un manque d’éducation qui explique ce regrettable malentendu à l’égard de ces dessins sur le petit Aylan, jugés scandaleux. Il y a urgence à y remédier. Il convient d’éduquer nos collégiens et lycéens à l’interprétation du dessin de presse, suivant le conformisme actuel tendant à torpiller systématiquement toutes les valeurs spirituelles et morales et à attenter à la dignité de toutes les personnes et de toutes les communautés.

    Et, là encore, ce qui est désolant, c’est de penser que de nombreux professeurs de lycées et collèges vont s’appliquer à éduquer leurs élèves au dessin de presse et à la caricature en ce sens, celui d’un droit à une liberté d’expression sans limite… tant qu’elle se manifeste dans le bon sens et dans les périodiques reconnus 

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

  • Société • Après les Bronzés, les migrants font du ski

     

    par Aristide Leucate

    Une tribune dérangeante sur la dessiccation de l'âme française ...

     

    aristide-leucate.jpgVous avez sûrement aimé (ou tout au moins vu) Les bronzés font du ski, vous savez, cette comédie bien française, écrite et interprétée par la troupe du Splendid et réalisée en 1979 par Patrice Leconte. On y narrait les tribulations nombrilo-intimistes d’un groupe d’amis venus dans les alpages affublés de leurs médiocres états d’âme crypto-existentiels pour y passer quelques vacances pas forcément reposantes, ce qui fait tout le comique du film.

    Vous en voulez encore ? Non pas une énième resucée de ce comique troupier qui, finalement, hormis certaines scènes d’anthologie, a plutôt mal vieilli. Mais plutôt une version, disons plus… exotique, résolument moderne, tellement dans le vent, si conforme au politiquement correct ambiant.

    Cela se passe à Serre Chevalier, dans les Hautes-Alpes. L’on peut y voir, sur des pistes enneigées et baignées de ce doux soleil si caractéristique des Alpes du Sud, des Érythréens, Somaliens et autres Soudanais s’ébrouer bruyamment, chuter joyeusement, s’interpeller en swahili ou en arabe pour, sans nul doute, vanter leurs exploits de fondeurs débutants.

    Non, vous ne rêvez pas ! Ces braves gens, arrivés fraîchement dans nos contrées, via l’Allemagne de Mutter Merkel, tentent un stage d’intégration accéléré, sous le regard sirupeux de nos belles âmes progressistes.

    Combien de nos compatriotes dont les enfants rêveraient de connaître les plaisirs sains de la montagne mais qui, à défaut, doivent se contenter des souvenirs de privilégiés échangés dans les cours d’école ?

    Ces populations qui tentent, vainement, d’apprendre notre langue, ne connaissant rien de nos us et coutumes, de notre culture, de nos traditions, voire de nos institutions, sont, sans préalable, plongées dans le bain des délices indus de l’industrie occidentale du loisir de masse. Avant même d’avoir eu le temps de mériter, par le travail ou un effort reconnu, cette récompense qui leur tombe gratuitement du ciel généreux de nos largesses contrites.

    Tout ce théâtre révoltant se joue, non pas tant dans l’indifférence générale que dans l’ignorance savamment entretenue par la classe politico-médiatique jouant la corde de l’autoculpabilisation. Qu’un seul de nos compatriotes s’essaye, publiquement, devant son maire, son député ou son conseiller départemental, à une observation étonnée devant cette incongruité et il sera poliment – mais fermement – rabroué.

    Pendant ce temps, les migrants peuvent skier tranquilles. Ne reste alors plus qu’à l’indigénat de souche à se retourner mélancoliquement sur son passé. Car, à bien y réfléchir, ils étaient plutôt sympas, les Bronzés et leurs plaisantes élucubrations ; mais n’ont-ils pas aussi contribué, avec d’autres non moins dénués de talent (Coluche, Le Luron, Renaud, etc.) à instiller un corrosif poison de dérision qui a fini par ronger, jusqu’à la dessiccation, l’âme française ? 

     (Boulevard Voltaire)

    Docteur en droit, journaliste et essayiste
  • Taubira : Les Couleuvres et le Scorpion

     

    La démission de Christiane Taubira a inspiré à Dominique Jamet une fable d'une rare perspicacité. Perspicacité humaine et morale selon la tradition et à la manière des fabulistes, où des figures animales forgées sur le terreau des circonstances - en l'occurrence des couleuvres et un scorpion - sont des universaux. Et perspicacité politique, on le verra en lisant cet excellent texte qui envisage toutes les dimensions du départ du Garde des Sceaux. LFAR    

     

    La démission surprise (?) de Christiane Taubira met fin à une situation délirante. Gardienne des Sceaux et des prisons dès le début du quinquennat, nommée pour des raisons politiques, maintenue en place pour des raisons politiciennes, la championne du deux-roues et du double langage ne cachait plus depuis belle lurette ses désaccords profonds avec le gouvernement dont elle faisait pourtant encore officiellement et nominalement partie. Et pour comble, ces désaccords étaient particulièrement graves dans son domaine de compétence – si toutefois le mot est bien approprié.

    D’où l’étrange spectacle de Guignol dont l’hémicycle du palais Bourbon était devenu le théâtre. Banc des ministres ou banc des accusés ? Privée de tribune, immobile à sa place, le visage impassible mais la mine sévère, Mme Taubira écoutait immobile tel ou tel de ses collègues, et souvent le premier d’entre eux, présenter et défendre des projets qu’elle désapprouvait notoirement ou répondre pour elle aux questions qui lui étaient directement adressées. Absente et silencieuse quand ses fonctions lui commandaient de parler, elle s’épanchait sur des plateaux et dans des studios de préférence étrangers pour y donner à entendre qu’elle n’était pas solidaire de l’équipe dont elle portait le maillot.

    Quel gouvernement, digne de ce nom, aurait toléré un tel comportement ? Mais avons-nous un gouvernement ? Protégée par son statut de caution de la gauche, irremplaçable parce que dernier porte-parole (en sourdine) des frondeurs dans le ministère droitisant de Manuel Valls et Emmanuel Macron, Taubira jouissait visiblement de sa scandaleuse immunité. Tel un mari trompé de notoriété publique, le président de la République ne demandait à ce ministre incontrôlable que de sauver un minimum d’apparences, de continuer à échanger son droit de retrait contre l’appétissant plat de lentilles ministériel et feignait de croire que ce compromis boiteux valait acquiescement.

    De fait, c’est Christiane Taubira qui a choisi sa fenêtre de tir, autrement dit la forme et le moment de son départ, les pires pour le gouvernement fragilisé dont elle était le dernier gri-gri. C’est le matin même du jour où le projet de révision constitutionnel sera présenté et discuté à l’Assemblée, devant une majorité divisée, une opposition goguenarde et malveillante et une opinion agacée par la distance persistante entre le langage martial de nos dirigeants et la persistance, voire l’aggravation des menaces qui pèsent sur nous, qu’en claquant la porte qui lui était grande ouverte depuis longtemps elle jette son pavé dans la mare.

    Ce pourrait être une fable : « Les Couleuvres et le Scorpion ». Après avoir tout avalé et jusqu’à la nausée, Christiane Taubira va pouvoir développer, contre les anciens amis qui lui avaient gardé sa place auprès d’eux sur le navire en perdition, toute sa capacité de nuisance. Retrouvant sa liberté de parole et de critique, reprenant où elle l’avait laissé son rôle de conscience et d’icône de la gauche, l’ex-ministre de la Justice – dont la candidature, en 2002, avait contribué pour sa part à la défaite de Jospin – est susceptible, en groupant autour d’elle – ce qui n’était pas le cas à l’époque – la gauche morale, la gauche des valeurs, la vraie gauche, de priver le candidat officiel du PS de la possibilité d’accéder au second tour. Aujourd’hui est un jour à marquer d’une pierre noire pour Hollande et, accessoirement… pour Mélenchon. 

     
    Journaliste et écrivain
    Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
     
  • Qui sera le Prince ? La réponse de Pierre Boutang

     

    Pierre Boutang revient ici, sur L'Avenir de l'Intelligence, qu'il appelle « cet immense petit livre », publié par Maurras en 1905. L'actualité - le monde, la société postmodernes - nous y ramène, comme elle y ramenait Boutang en 1952. 

    Maurras y oppose - un peu à la manière des tragédies de la Grèce antique - deux personnages ou entités allégoriques, engagés dans une lutte à mort : l'Or, c'est-à-dire les puissances d'Argent, les forces du matériel rendues abstraites, et le Sang, c'est-à-dire l'ensemble des forces de la Tradition et de l'Esprit : politique, histoire, culture, religion, spiritualité. Ainsi se définit pour Maurras l'opposition Révolution / Contre-Révolution ou Révolution / Tradition.

    La Révolution, en détruisant le pouvoir royal venu du fond des âges, et qui s'appuyait sur les forces de la Tradition et de l'Esprit, a ouvert toutes grandes les portes aux forces de l'Or, qui règnent maintenant sans partage, et nous sommes aujourd'hui dans cet Âge de fer ou âge barbare, prophétisé par Maurras, qu'ont amené les philosophes du XVIIIe siècle, mais aussi leurs prédécesseurs de la Réforme et de la Renaissance.

    Cela durera-t-il toujours ? La victoire de l'Or sur le Sang est-elle définitive ? C'est, évidemment, une possibilité, et les apparences, aujourd'hui, semblent plaider en faveur de cette hypothèse.

    « A moins que...», dit toutefois Maurras, dans la conclusion de L'Avenir de l'intelligence, son immense petit livre. Et d'esquisser comme une stratégie de la contre-révolution, son souci n'ayant jamais été que de conjurer les perspectives d'un effondrement de notre civilisation et de faire triompher les solutions qui l'en sauveraient.  

    Disciple et continuateur de Maurras, Boutang poursuit ici cette réflexion, dans l'espérance que l'à moins que... par quoi s'achevait l'Avenir de l'Intelligence ne soit pas une attente vaine.

    Les Soviets ont disparu, dans l'effondrement cataclysmique de l'utopie messianique marxiste; et c'est aujourd'hui le vide de la postmodernité qui s'y est substitué... Certains événements, certains personnages dont il est question dans ce texte appartiennent au passé. L'essentiel, la question centrale, plus actuelle que jamais demeure : Qui sera le Prince de ce temps ? Elle est au coeur de notre présent. Lafautearousseau  

     

    4110103012.jpgQui sera le Prince ?

    Article de Pierre Boutang paru dans Aspects de la France les 21 et 28 novembre, et le 12 décembre 1952 [Extraits]

     

    Qui sera le Prince ? Telle est l'unique question du vingtième siècle méritant l'examen, capable de mobiliser les volontés. La fraude démocratique consiste à lui substituer celle de la société, la meilleure possible, et le débat sur son contenu spirituel et moral. Quelle est l'organisation la plus juste, la plus humaine, et d'abord quelle est la meilleure organisation du débat sur cette organisation ?  Voilà le chant des sirènes des démocrates.

    Fiez-vous y ! Le vent et les voleurs viendront.

    Les voleurs et le vent sont à l'oeuvre. La diversion est plus que bonne : très sûre. Pendant ces beaux débats, toutes fenêtres ouvertes, le vent apporte sa pestilence. Et sous le masque de l'opinion reine, de la liberté de jugement des Lazurick ou des Lazareff, l'or triomphe; il détient tout le réel pouvoir dont la presse a mission et fonction cher payée de cacher la nature et de divertir dans le peuple la nostalgie croissante et le désir évident.

    Qui sera le Prince ? Il s'agit de l'avenir : il n'est pas de principat clandestin, de royauté honteuse de soi-même et qui puisse durer. Une société sans pouvoir qui dise son nom et son être, anarchique et secrètement despotique, sera détruite avant que notre génération ait passé. Pour le pire ou pour le meilleur elle disparaîtra. A la lumière très brutale et très franche de la question du Principat, de la primauté politique, les sales toiles des araignées démocratiques, les systèmes réformistes, les blagues juridiques, les ouvrages patients des technocrates européens; seront nettoyés sans recours. Par quelles mains ? C'est le problème... Qui tiendra le balai purificateur ? Non pas quel individu, pauvre ou riche, de petite ou très noble extrace, mais quel type d'homme ? Incarnant quelle idée ? Réalisant quel type de la Force immortelle, mais combien diverse et étrangère par soi-même au bien et au mal ?  

    L'heure nouvelle est au moins très sévère, a dit le poète. Cette sévérité, aujourd'hui, tient à ce fait : nul ne croit plus à la meilleure structure sociale possible, la plus humaine et la plus juste. Tous voient qu'elle ne profite, cette question toujours remise sur le métier de l'examen, sans personne pour la tisser, qu'aux coquins et aux domestiques de l'argent. Les fédéralistes eux-mêmes, armateurs de débats sur les pactes volontaires, reconnaissent que la question du fédérateur est primordiale; mais les uns tiennent que ce fédérateur doit être un sentiment, la peur panique inspirée par les soviets, les autres avec M. Duverger dont les articles du Monde viennent d'avouer la honteuse vérité, que l'or américain, l'aide en dollars, est le seul authentique fédérateur de l'Europe.....

    Positivement, les malheurs du temps ont fait gagner au moins ceci à l'intelligence mondiale, et la vague conscience des peuples : à l'ancienne utopie succède l'inquiétude, la question chargée de curiosité et d'angoisse -qui, quelle force, quelle espèce de volonté humaine, va garantir ou réaliser un ordre politique et social, juste ou injuste, mais qui sera d'abord le sien ? Nos contemporains savent ou sentent qu'il n'y a pas de justice sociale sans société ni de société sans une primauté reconnue, établie en droit et en fait. La réelle nature de la force publique, du Prince qui garde la cité et y exerce le pouvoir, importe plus aux hommes qui ont été dupes si longtemps, que le jeu de patience et d'impatience des réformes sociales; ces réformes sont innombrables dans le possible, imprévisibles dans leurs conséquences; ce qui compte, ce qui est digne de retenir l'atttention ou d'appeler l'espérance, réside dans la loi vivante de leur choix, dans la réalité organique, dans la volonté responsable qui les ordonne et les préfère.

    Reconnaître l'importance capitale de la question du Prince, considérer les autres problèmes politiques comme des fadaises ou des diversions vilainement intéressées, tel est el premier acte d'une intelligence honnête de notre temps. Car cette question du prince est toujours essentielle, et toujours oubliée : mais elle était jadis oubliée parce qu'elle était résolue, et les utopies elles-mêmes s'appuyaient sur la réalité incontestée d'un pouvoir légitime. Depuis le dix-huitième siècle la puissance de l'or, clandestine, masquée par les fausses souverainetés du nombre et de l'opinion n'a pas comblé dans les esprits, les coeurs, les besoins, le vide laissé par la démission des Princes. Les balançoires, les escarpolettes constitutionnelles, dont les brevets continuent en 1952 d'être pris à Londres (ou dans les "démocraties royales" rétrogrades) ne satisfont pas, avec leurs recherches d'équilibre, le goût profond que gardent les peuples pour la stabilité et la connaissance des vraies forces qui soutiennent un gouvernement. L'homme du vingtième siècle n'a pas envie de se balancer à l'escarpolette démocratique et parlementaire : les expériences faites en Europe centrale lui montrent quel est l'usage probable des cordes libérales dont se soutenaient ces jolis objets et jouets des jardins d'Occident. Elles portent bonheur aux pendus..... 

    Quand on voit, quand on sait l'enjeu de cette guerre engagée sous nos yeux pour le Principat, l'inventaire des forces, des réalités naturelles et historiques, capables de répondre à la commune angoisse, s'impose rapidement. L'intellectuel, l'écrivain, disposent de l'outil du langage, dont la fonction est de distinguer des provinces de l'être. Ils font donc leur métier, lorsqu'ils dénombrent les prétendants au Principat. Ils peuvent faire leur salut temporel, en choisissant, en aidant, la force naturelle qui leur apparaît salutaire et légitime.

    La recherche de l'intelligence, dans ce domaine, est libre entre toutes. Elle ne doit de comptes qu'à la vérité, et lorsqu'elle se soumet à ses lois supérieures, à la patrie. Sa liberté propre se moque du libéralisme doctrinaire. Que ses lois propres, et sa soumission la conduisent à vouloir le Principat du Prolétaire, ou celui du Sang dans l'ordre dynastique, son choix ne dépendra pas, par exemple, du retard que tel prolétaire ou tel groupe prolétarien peuvent avoir, dans leur opinion subjective, sur la réalité et la force que le Prolétaire incarne pour un monde nouveau. Les difficultés qui naissent de ces retards, de ces rétrogradations, ne sont pas inconnues des marxistes. Il eût été bien étrange qu'elle fussent épargnées au nationalisme. Leur caractère de phénomène aberrant et transitoire laisse intacte la vraie question : quelle force réellle, capable d'extension, douée d'un sens universel, assumera le Pouvoir que l'on occupe clandestinement, mais n'incarne ni n'accomplit ? Est-ce que ce sera leProlétaire selon Marx, ou le Sang, le principe dynastique, selon Maurras ? Le reste est futilité, opportunisme naïf que l'histoire balaiera sans égards.  

    Non point selon l'ordre national, mais selon l'appparence, un premier Prince apparaît, prétendant du moins au Principat : le journal, le pouvoir de l'opinion. Prétention qui n'est monstrueuse que si l'on néglige les causes et les effets : si le peuple , si le nombre ou la masse - quelles que soient les définitions matériellles que l'on donne de ce Protée - était décrété souverain, l'évidence de son incapacité, de ses faibles lumières, de son enfance, selon le dogme du progrès, imposaient la régence pratique du pédagogue. Ce pédagogue du peuple souverain devait éclairer et former la volonté générale : l'extension rapide du pouvoir de lire rendait incertaine l'action des clubs et des assemblées : la presse seule pouvait se glisser partout en renseigner l'enfant Démos aux mille têtes folles, les mettre à l'abri de la séduction des anciennes autorités, de la mainmise de l'Eglise, de la séduction des Princes ou des généraux.

    Le combat du XIXe siècle pour la liberté de la presse apparaît ainsi comme le plus noble, le plus raisonnable qui pût être conduit, avec les prémisses de la démocratie. Des milliers d'hommes sont morts pour que nous ayons le droit d'accomplir, comme l'a dit Péguy, cette formalité truquée du suffrage universel. Mais la mort demillions n'eût pas été insensée pour que les conditions intellectuelles de cette formalité, la liberté de la presse, seule capable de vaincre le truquage, fût réalisée. Marx avait raison dans sa logique de démocrate radical, qui allait le conduire très loin du libéralisme formel : "La presse est la manière la plus générale dont les individus disposent pour communiquer leur existence spirituelle" (Gazette rhénane, 1842). Or, cette communication est le devoir démocratique majeur, où tout esprit doit enseigner sans cesse le peuple, innombrable héritier du Pouvoir, ayant une charge aussi certaine que celle dont Louis XIV accable un Bossuet. Il n'y a donc pas de limite démocratique à la liberté de la Presse, ce pédagogue des nations, mais dont la mission ne peut finir qu'avec la parfaite majorité de Démos.

    La difficulté commence (et commença !) avec la définition de l'enseignement ainsi donné : le pédagogue se révèle innombrable, indéfini, comme l'élève. A la limite théorique, Démos qui sait ou peut écrire enseigne Démos qui sait et peut lire. Les deux données quasi matérielles et de hasard, écrire et lire, se substituent au choix humain du précepteur, et à la présence naturelle de l'élève royal.

    En fait, par la simple existence d'un commerce de la librairie, une merveilleuse possibilité s'ouvrait ainsi aux forces secrètes qui disposeraient de l'or. Vainement, Marx s'écriait-il, dans la même Gazette de Francfort, à l'occasion des extraordinaires débats de la Diète rhénane qui devaient jouer un rôle décisif dans la formation de son mythe révolutionnaire "la première liberté consiste pour la presse à n'être pas une industrie !" La presse était une industrie, ou le devenait à toute vitesse.

    Si l'or ne renonçait pas, avec les organes de corruption des partis et les truquages électoraux, à gouverner directement le peuple et lui imposer des représentants, du moins les Pourrisseurs les plus scientifiques s'aperçurent très vite de l'existence d'un moyen économique et supérieur : il suffisait de tenir "le quatrième pouvoir" inconnu de Montesquieu, et d'agir sur le pédagogue de Démos. La divisibiliét infinie de l'or, sa séduction aux mille formes s'adaptaient naturellement au maître divers, au pédagogue polycéphale.... On pouvait y aller. On y alla ! 

    Le pédagogue de Démos ne pouvait prétendre, au départ, à un enseignement si bien assimlilé par son élève que le choix des meilleurs en résultât, automatiquement, à l'heure des votes. Était-il écouté, suivi ? Les gouvernements considéraient qu'ils avaient, eux, atteint leur majorité en obtenant la majorité; ils s'émancipaient; ils agissaient à leur tour, par des lois ou par des fonds secrets, sur la presse écoeurée de cette ingratitude. Mais il y avait une ressource : c'était la fameuse opposition. L'opposition au parlement pouvait être méconnue; elle se composait en somme de vaincus. S'appuyait-elle sur une presse vivace, expression du citoyen contre le Pouvoir du moment, éducatrice de son successeur inévitable, alors les chances de la liberté étaient maintenues, on était encore en république !

    Hélas ! La presse d'opposition, précisément parce qu'ellle pouvait influer sur la décision prochaine de Démos, tant qu'elle acceptait le système et ses profits glorieux, tenait à l'or autant que l'autre. Du moins sauvait-elle les apparences.

    Il fallut attendre une déclaration vraiment décisive de l'éditorialiste du quotidien Figaro, feuille conformiste à l'immense tirage, pour que cette dernière décence, cette ultime réserve et pudeur de la putain Démocratie fût gaillardement sacrifiée. Nous commentons dans la Politique de cette semaine ce texte monumental (auro, non aere, perennius !) dû à l'ingéniosité perverse de Mauriac. Citons-le ici pour mémoire :

    « Je sais, on reproche souvent au Figaro d'être toujours du côté du gouvernement. Dans une démocratie, je prétends qu'un grand journal ne peut être un journal d'opposition. Un journal comme Figaro, en raison même de son audience ne peut fronder. Il a des responsabilités sur le plan patriotique. J'admire les gens qui peuvent trancher de tous les problèmes dont ils ignorent les difficultés. Or, le nom du président du Conseil peut changer, les difficultés restent les mêmes au gouvernement.» 

    L'abdication définitive et publique du quatrième pouvoir en démocratie entraîne la ruine de la démocratie elle-même. Le pédagogue de Démos abdique avec son élève devant l'idole d'un gouvernement qui a toujours raison, infaillible et sans principe, girouette prise pour gouvernail du monde, vaine paille au vent de l'histoire consacrée comme grain des choses et substance de la Société....

    La voie est libre alors pour notre dénombrement des forces qui aspirent à la primauté du Prince.

    Qui sera le Prince ? L'or, la puissance financière toute pure et impure ? La technique et ses terribles dévots ? Le Prolétaire dans la dictature révolutionnaire ? Ou le Sang, la force dynastique tels que les définit le merveilleux petit livre de 1905 : « La force lumineuse et la chaleur vivante, celle qui se montre et se nomme, celle qui dure et se transmet, celle qui connaît ses actes, qui les signe, qui en répond.»  

    Repris de notre Grand Texte XXXIII du 9.10.2012 - Et actualisé.

     

  • Culture • Nice : colloque universitaire Jean-François Mattéi, aujourd'hui [2e jour]

     

    En un temps de mondialisation aveugle et amnésique, l’Europe peut-elle encore donner un sens au monde qui est à venir ? L’œuvre de Jean-François Mattéi a le mérite d’attirer l’attention sur la nature de la crise que traverse la pensée européenne en lui donnant le nom de « barbarie » (La barbarie intérieure, 1999). 

    C’est en essayant, répond-il, de penser à hauteur d’homme et de vivre dans la perspective d’une transcendance, que nous pourrons lutter efficacement contre la montée de l’insignifiance. En décrivant le déclin de l’esprit et les trahisons de l’Europe sans âme, dont il fit le procès (Le procès de l’Europe. Grandeur et misère de la culture européenne, 2011), en dénonçant la barbarie qui la gangrène du dedans, en rejetant le nihilisme qui vide l’homme de sa substance et les faux savoirs qui le « dévastent » (L’homme dévasté, 2015), Mattéi se retrouve dans la situation de Socrate face aux Sophistes.  

    Cependant, en même temps qu’il opère sa critique, il donne - comme Socrate - le remède en plaidant pour l’universalité de la raison et le retour au réel. C’est sur les conditions d’un renouveau de la pensée à la lumière de ce retour au réel - qui pose le problème de l’être - que l’œuvre de Jean-François Mattéi fera l’objet de ce Colloque. 

    Ce Colloque se propose d’en aborder les différents aspects - métaphysique, éthique, politique, esthétique - et de penser avec le philosophe en nous interrogeant avec lui. 

    Programme : Colloque Jean-François Mattei Janvier 2016.pdf

     

  • La lutte pour l'emploi en Bretagne

     

    par Jean-Philippe Chauvin

    Ce qu'est la honte et le scandale de la disparition programmée de l'agriculture française, la misère financière et humaine dans laquelle elle est laissée, le drame des millions d'emplois qui y ont été détruits, sacrifiés au dogme du libre-échangisme sans règles ni limites, la perte de substance et de qualité qui s'en suit pour la société française et sa civilisation, tout cela doit être dit et Jean-Philippe Chauvin nous semble avoir particulièrement raison de rappeler les responsabilités de la République dans tout ce sinistre processus. Si l'on veut rechercher les causes premières et les solutions ultimes au problème ainsi posé, on lira l'article de Pierre Boutang que nous reprenons plus loin : « Qui sera le Prince ? »   Lafautearousseau 

     

    arton8470-7b8cd.jpgLes agriculteurs bretons sont, une fois de plus, sur les routes de l'Ouest pour défendre leur emploi, tout comme, dimanche 24 janvier, des milliers de personnes étaient à Brest pour la même raison, pour maintenir des emplois, ceux du Crédit Mutuel Arkéa, troisième employeur de la région avec 6.500 salariés, emplois aujourd'hui menacés par un projet de fusion avec la branche de l'Est du Crédit Mutuel que souhaite réaliser la Confédération nationale de ce groupe bancaire : c'est un vent de colère qui souffle à nouveau en Bretagne, et qui pourrait, une fois de plus, décoiffer Marianne... 

    Il faut être clair : depuis l'été, rien n'a vraiment changé pour le monde agricole, piégé par un système qui demande toujours des prix plus bas aux producteurs alors qu'ils ne rentrent déjà plus dans leurs frais de production. Le gouvernement n'arrive pas à faire entendre raison au monde des transformateurs, eux-mêmes frappés durement par la concurrence déloyale des abattoirs allemands (qui utilisent une main-d’œuvre étrangère à très bas coût, parfois moins de 600 euros mensuels), ni au secteur de la Grande distribution, du moins la partie la plus mondialisée de celle-ci. Le problème n'est-il que français ou européen ? Même pas, car c'est tout le système de la mondialisation qui, en définitive, est vicié, et qui détruit plus d'emplois qu'il n'en crée dans notre pays et dans nos régions. Une mondialisation globale qui n'est plus, désormais, que « la guerre de tous contre tous », au moins sur le plan commercial, économique et social. Cela signifie-t-il que l'internationalisation des échanges était forcément destinée à tourner ainsi ? Peut-être pas, et il me faudra en reparler... 

    Pour l'heure, la Bretagne souffre, une fois de plus, et elle doit se battre, à nouveau, pour « Vivre, décider et travailler au pays », comme le clamaient, il y a déjà plus de quarante ans, les affiches des militants bretons, y compris des royalistes de la Nouvelle Action Française, solidaires des ouvriers du « Joint français » de Saint-Brieuc en 1972 ou de ceux de l'industrie de la chaussure à Fougères en 1977. Un combat qui pourrait bien rappeler les responsabilités de la République centrale dans les multiples crises sociales qui affectent la Bretagne et, au-delà, notre pays tout entier... 

    Le Blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Tout ça pour ça : Mariage pour tous, deux ans après, un flop social !

     
     
    Le mariage gay n’a pas la cote chez les homosexuels. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le nombre de mariages homosexuels a globalement décru passant de 10 522 mariages de personnes de même sexe en 2014 à 8000 en 2015. Dans le remarquable entretien qui suit, donné à Atlantico, Guillaume de Prémare tire les leçons de ce bilan chiffré. Il le fait en allant à l'essentiel. Conclusion : le mariage pour tous aura été plus qu'une nécessité, un véritable projet culturel. Encore faut-il dire lequel. Ce que fait Guillaume de Prémare. Et là, du simple point de vue du Bien Commun, politique et social, nous partageons, sur le fond, son analyse.  LFAR
     
     
    5bbc9ffaa3fdbebce007b4aa89b36a5f.jpgAtlantico : On a envie de dire tout ça pour ça ! Que pensez-vous de toute cette énergie dépensée et de tout ce capital politique utilisé pour donner satisfaction à une minorité de minorité (les homosexuels représentant seulement 1% de la population) qui au final n'utilise pas le droit de se marier avec leur conjoint du même sexe ?

    Guillaume de Prémare : L’enjeu de la loi Taubira était culturel, il s’agissait de déconstruire l’ordre anthropologique naturel et symbolique qui fonde la société sur la famille et la famille sur la différence homme-femme, le père, la mère et l’enfant. Madame Taubira a joué cartes sur table en précisant qu’il s’agissait d’un "changement de civilisation". Ce nouvel ordre symbolique et social est un symptôme fort de ce que Pierre Manent nomme "la souveraineté illimitée de l’individu". Dans la dialectique des minorités, la fonction de la loi est d’assurer la reconnaissance sociale de l’individu dans toutes ses dimensions particulières. Il faudrait ainsi un statut pour tous, alors même que tous ont déjà un statut partagé, celui de personne et de citoyen. Chacun revendique de nouveaux droits qui ne reposent sur aucune réalité commune. La logique des minorités est une marche folle vers une égalité fictive essentialisée, qui mène à la guerre de tous contre tous. Et nous voyons bien que les principes communs de vie en société se délitent : tout le monde se demande aujourd’hui comment vivre ensemble. Mais la loi Taubira est loin d’être le seul facteur. L’engrenage de ce que Jacques Généreux nomme la "dissociété" a commencé depuis longtemps. Nous avons oublié que la loi est un cadre général qui se réfère à des réalités partagées et favorise le déploiement d’un bien commun.

    En quoi le mariage gay a-t-il été le cache sexe d’un projet de société qui vise à diffuser la théorie du genre ? Quelles autres réformes sont venues confirmer ce changement de société ?

    L’idéologie issue des études sur le genre vise à imposer l’idée d’indifférenciation entre l’homme et la femme. Il y a un lien substantiel avec le mariage homosexuel : si deux hommes ou deux femmes peuvent se marier et adopter des enfants – au même titre qu’un homme et une femme -, c’est qu’il y a équivalence des situations et indifférenciation entre homme et femme. Il y a une dialectique qui vise à opposer nature et culture ; et même à nier l’existence d’une nature humaine. Cette opposition est trompeuse parce que l’homme est par nature un animal social et culturel ; et sa dimension biologique est articulée à sa dimension culturelle. La nature humaine englobe tout cela. D’autre part, l’idéologie du genre diabolise la notion de stéréotype, attribuant à ce mot une connotation par principe négative, donc à déconstruire. "Stéréotype" est un mot grec qui signifie "modèle fort". Un modèle fort n’est pas nécessairement négatif, au contraire. Le déficit éducatif actuel révèle le préjudice considérable causé par la chute des modèles forts, par exemple celui du père. Pour ma part, je soutiens qu’il y a de bons stéréotypes. Mais si le mariage gay est un "cache sexe" pour le Gender, il est, peut-être encore davantage, un cheval de Troie redoutable pour le marché des mères porteuses (la GPA). On s’appuie sur ce que l’on nomme "droit des minorités" et "égalité" pour introduire demain l’acceptabilité sociale et culturelle de l’externalisation de la grossesse. Cela ouvrirait un formidable marché de masse pour les firmes. La recherche du profit sans limites est indissociable des nouvelles mœurs de la postmodernité.

    Le gouvernement a-t-il été sous l’influence de certains lobbies LGBT qui veulent en finir avec l’hétérosexualité et faire triompher la théorie du genre ?

    D’une manière générale, la dissociété postmoderne dissout le politique dans la logique des lobbies. Cela consacre la loi du plus fort. Ultra-minoritaire, le lobby LGBT tire en grande partie sa force des firmes mondiales qui le financent et l’appuient sans relâche. Le militantisme homosexuel est en effet un instrument pour les firmes, comme je viens de l’expliquer pour la GPA. Le patron de Goldman Sachs a expliqué que le mariage gay est un "good business". Nous avons vu comment les grandes firmes US avaient imposé, via la Cour suprême, le mariage homosexuel à tous les Etats américains en juin 2015. Le lobby LGBT est en quelque sorte un jouet dans les mains du capitalisme globalisé. Les nouvelles mœurs de la dissociété sont consubstantiellement les mœurs de ce capitalisme tardif ; qui n’a plus rien à voir avec le capitalisme entrepreneurial et familial de jadis. Il n’y a aucune contradiction à ce que les révolutionnaires de 68 terminent aujourd’hui dans les bras des puissances d’argent. Et "la souveraineté illimitée de l’individu" jette l’individu – pieds et poings liés - dans les bras du Marché tout-puissant.

    En faisant des sujets sociétaux un enjeu majeur de sa politique, le gouvernement n’a-t-il pas plus servi ses propres intérêts que ceux de la communauté homosexuelle ?

    L’axe Valls-Macron est, sur de nombreux points, interchangeable avec Juppé, Lemaire ou Sarkozy. Le gouvernement s’accroche donc à ce qu’il juge être des marqueurs de gauche, dits sociétaux. Mais cela n’a de gauche que le nom. D’une part parce que cela fait l’affaire des puissances financières, d’autre part parce que le "sociétal" n’a aucun ancrage dans les classes populaires. Quant au PCF et Mélenchon, c’est en partie parce qu’ils ont rallié les nouvelles mœurs qu’ils n’ont quasiment plus d’électorat ouvrier. Le PCF de Duclos et Marchais aurait probablement combattu le mariage homosexuel et dénoncé "les mœurs décadentes du capitalisme".

    S’il reconnait le mal de la loi Taubira, Nicolas Sarkozy n’aurait pas l’intention finalement d’abroger la loi sur le mariage pour tous s’il revenait à l’Elysée. Le revirement de Nicolas Sarkozy sur la question du mariage homosexuel ne risque-t-il pas de se mettre à dos la partie conservatrice de l’électorat de droite ? Autrement dit, y-a-t-il un pouvoir de nuisance de la MPT sur la droite et sur Sarkozy ?

    Oui, La Manif Pour Tous a un pouvoir de nuisance sur les candidats de droite qui ne s’engagent pas pour la famille. Nous l’avons encore constaté aux dernières élections régionales. LMPT fait donc un bon travail. Cependant, Sarkozy ne s’est jamais prononcé sérieusement sur la loi Taubira ni engagé fermement à l’abroger. Pour moi, il n’y a ni surprise ni revirement mais parfaite continuité du personnage. Lors du meeting Sens Commun en 2014, il a acheté "pas cher" - comme il dit – des soutiens et des adhésions UMP, il a fait son marché parmi d’ex-LMPT. Il y a eu mépris de sa part et méprise de la part de ceux qui ont bien voulu y croire. D’une manière générale, je crois que les personnes de tradition socio-politique conservatrice vont comprendre progressivement que la droite qu’ils veulent – libérale au plan économique et conservatrice au plan familial – n’existe pas ou n’existe plus. La défense de la famille ne peut donner de résultat dans un cadre libéral, pour les raisons que j’ai évoquées plus haut. Elle doit s’inscrire dans le cadre d’un combat social et culturel plus large. C’est en rejoignant les préoccupations sociales d’un peuple rudoyé par ce que Laurent Bouvet appelle "l’insécurité culturelle" et par la machinerie économique globale que les défenseurs de la famille trouveront cette surface de contact avec la sociologie des profondeurs du peuple qui leur manque aujourd’hui. Faire ami-ami avec la droite est une illusion. 

    Guillaume de Prémare est délégué général d'Ichtus, et ancien président de La manif pour tous. Twitter @g2premare