M. Hollande a donc été sifflé puis pris à partie à Carmaux par quelques autochtones mécontents, sans aucun doute ses propres électeurs. Certes, à travers son ex-Premier secrétaire, c’est d’abord le P.S. qui est en cause : un parti qui s’est complètement coupé des aspirations populaires et surtout désintéressé de la double inquiétude « identitaire » suscitée par la mondialisation et l’immigration ; un parti devenu plus ou moins « social-démocrate » et, à ce titre, co-gestionnaire du système euro-libéral. Mais on ne devrait sans doute pas trop se réjouir car, à travers son chef, c’est aussi l’Etat lui-même qui se trouve une fois de plus déconsidéré.
Or, le tropisme parlementariste reste très fort à gauche. Le feu qui couve contre la politique socio-économique de M. Valls pourrait avoir des conséquences dévastatrices à moyen terme pour la solidité de l’Etat. Il ne faut pas négliger en effet la réaction de ces députés socialistes qui refusent d’être ce qu’ils sont, c’est-à-dire, par la grâce des institutions de la Vème, des godillots, et qui réclament à cor et à cri que la prétendue « représentation nationale » retrouve l’intégralité de ses prérogatives - c’est-à-dire en fait l’instauration d’une VIème République, ou plutôt la résurrection de la IVème.
A droite, le danger pour la France vient de la conversion désormais flagrante de l’U.M.P. à un européisme militant - il n’est que de reprendre les propos récents de MM. Copé, Juppé, Raffarin et consorts. On est avec eux désormais très loin de la conception gaullienne de l’Europe des nations : MM. Guaino et Wauquiez, rejoints par une quarantaine de parlementaires, peuvent bien signer dans Le Figaro un intéressant argumentaire anti-européiste, M. Lamassoure, tête de liste U.M.P. en Ile-de-France, s’affirme ouvertement fédéraliste européen ! Et, de toute façon, sur ce sujet, le seul esprit partisan prévaut désormais, à l’mage de Mme Morano qui, avant tout soucieuse de se démarquer du F.N. à l’occasion des prochaines européennes, préfère la fuite en avant européiste.
Ceux qui reprochent à la Vème son esprit « monarchique » lui font en vérité grand honneur dans la mesure où la France elle-même est née de l’Etat capétien. L’Etat français d’aujourd’hui repose sur des institutions qui peuvent, certes, nous sembler imparfaites. Convenons pourtant que les choses pourraient être pires, par exemple délitement politique avec le retour du parlementarisme ou effacement national dans un conglomérat supranational. On ne dénoncera jamais assez le tort que les partis politiques causent ou sont susceptibles de causer au pays. On peut déjà douter de l’existence même d’un Etat digne de ce nom. Jusqu’à quand les dernières digues tiendront-elles ?