Savoir ce que l’on veut, par Louis-Joseph Delanglade
Effervescence médiatique ces derniers jours à l’occasion de la libération de quatre journalistes français ! M. July (qui fut longtemps directeur de Libération) se félicite que « la République ramène [toujours] les journalistes pris en otages » et précise que « manifestement ce dossier était prioritaire pour les pouvoirs publics »… Cocoricos de rigueur, médias et pouvoir vantant à l’unisson « une diplomatie active et efficace » !. C’est bien le seul créneau sur lequel la France obtient des résultats à l’étranger car, de fait, c’est peut-être le seul sur lequel elle sait ce qu’elle veut.
Ainsi, et de manière concomitante, la situation en Ukraine est venue rappeler l’indigence, si ce n’est la vacuité, de notre politique étrangère. La même presse parle lundi 14 de « logique de guerre » ; dénonce en milieu de semaine l’« ivresse » de M. Poutine, puis voit dans la réunion de Genève une « défaite » des Européens ; finit par reconnaître vendredi 18 que, selon les mots de M. Guetta, « mieux vaut un mauvais compromis que la guerre puisque ce n’est pas Munich, puisque Vladimir Poutine n’est pas Hitler ».
A l’évidence M. Poutine ne veut ni envahir l’Europe occidentale, ni exterminer qui que ce soit. Seulement avancer ses pions en Ukraine, dans le cadre d’une stratégie plus globale de réinstauration d’un espace « russe » plus conforme à la tradition tsariste. On sait donc ce qu’il veut. De même qu’on sait ce que veulent les Etats-Unis d’Amérique depuis la fin de l’Union soviétique : éviter à tout prix une telle résurgence, dût-elle se manifester à travers l’union douanière envisagée par M. Poutine - ce qui explique les avancées de l’Otan en ex-Europe de l’Est. Ce qu’on sait moins, c’est ce que veut l’Europe. Sans doute rien d’autre que ce que veulent les Etats-Unis, l’atlantisme le plus ringard restant la pierre angulaire de la quasi-totalité des pays de l’U.E.
Et la France ? I-ne-xis-tan-te, puisque partie prenante, pour l’occasion, de l’ectoplasme européen. Quand M. Fabius évoque l’Ukraine, ce n’est jamais pour rappeler ou définir ce qui pourrait ressembler à une politique conforme à nos intérêts nationaux en Europe orientale. Lors des événements de la place Maïdan, on n’entendait que les sempiternelles incantations (« démocratie », « droits de l’homme », etc.). Quand la Russie a annexé la Crimée, on a eu droit à des propos aussi vains qu’enflammés contre M. Poutine et le néo-impérialisme russe. Désormais, il est question d’un sommet européen destiné à envisager des sanctions…
Il ne s’agit certes pas de tresser des couronnes à M. Poutine ni de se faire des illusions sur la Russie. Au moins prendre la mesure des choses et comprendre qu’on ne pourra pas en user avec celle-ci comme on l’a fait avec la Serbie, ni avec celui-là comme on l’a fait avec le défunt Kadhafi. Et mener une politique étrangère digne de ce nom. Sinon, il faudra se contenter d’une diplomatie tout juste capable de rapatrier quelques journaleux dont on se demande quels intérêts ils servent.