UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Que fait la France au Mali ?, par Olivier Perceval.

    « Encore une attaque contre les fran­çais au Mali : six blessés

    dans la zone dite des « trois fron­tières » (Mali, Niger, Bur­ki­na Faso), « un véhi­cule incon­nu s’est diri­gé à vive allure » vers l’ar­rière d’un convoi en opé­ra­tion avec des mili­taires maliens, selon le com­mu­ni­qué. « Un véhi­cule blin­dé de com­bat d’in­fan­te­rie (VBCI) s’est alors inter­po­sé pour pro­té­ger les autres élé­ments de la force. Devant cette manœuvre, le conduc­teur (…) a fait déclen­cher sa charge explo­sive », a‑t-il été pré­ci­sé. « Six mili­taires fran­çais ont été bles­sés mais leur pro­nos­tic vital n’est pas enga­gé (…) Ils ont été éva­cués par héli­co­ptère vers l’hô­pi­tal mili­taire de Gao. Trois d’entre eux feront l’ob­jet d’un rapa­trie­ment vers la métro­pole samedi. »

    olivier perceval.jpgAlors bien sûr que l’on soit de gauche ou de droite on s’interroge sur l’opportunité de la pré­sence fran­çaise au Sahel.

    Éric Zem­mour qui n’est spé­cia­liste ni de l’armée ni de la stra­té­gie mili­taire, explique en citant Bugeaud qui aurait décla­ré en par­lant des troupes fran­çaises : « Nous sommes des nomades qui pour­suivent d’autres nomades » que cette sen­tence de simple bon sens mon­trant la capa­ci­té de notre armée de s’adapter aux com­bats du désert, aurait induit une inca­pa­ci­té à s’adapter aux confron­ta­tions « clas­siques » et donc à se mesu­rer aux hordes ger­ma­niques. Cette remarque serait en fait une démons­tra­tion de l’inutilité de la pré­sence fran­çaise  hier comme aujourd’hui au Mali. Pré­ci­sons que les géné­raux qui ont com­bat­tu à l’époque de Bugeaud et Bugeaud lui-même étaient convain­cus (à tort ou à rai­son) du bien fon­dé de leur pré­sence en Afrique.

    On peut tou­jours contes­ter la poli­tique colo­niale de la troi­sième répu­blique se taillant un empire en Afrique, mais expli­quer la défaite de soixante-dix, et les dif­fi­cul­tés de l’armée fran­çaise en 1914 comme en 1940, par l’usure ou la dis­trac­tion des guerres colo­niales est bien le témoi­gnage d’une mécon­nais­sance du fonc­tion­ne­ment des armées aus­si bien aujourd’hui qu’aux périodes de l’histoire précitées.

    Dans ses mémoires, le Géné­ral Gou­raud se plaint du manque d’effectif, car la rumeur de la guerre en Europe gronde en 1900 et l’armée de la métro­pole se mobi­lise aux dépens de l’armée colo­niale dont on rapa­trie les effec­tifs, c’est ain­si que les offi­ciers ont déve­lop­pé des corps d’armée indi­gène (tirailleurs séné­ga­lais…) avec les­quels ils ont conquis la moi­tié du continent.

    Quant aux défaites dans les guerres euro­péennes elles sont davan­tage à mettre sur le compte des poli­tiques anti­mi­li­ta­ristes conduites par les diri­geants radi­caux socia­listes qui ont, non seule­ment essayé à plu­sieurs reprises d’épurer l’armée des cadres patriotes et catho­liques et le plus sou­vent roya­listes, et ont pla­cés des chefs bureau­crates et arri­vistes sur la base d’une conni­vence idéo­lo­gique et non sur le cri­tère déter­mi­nant de la com­pé­tence mili­taire tels Nivelle et  même Joffre (les Fran­çais, des lions com­man­dés par des ânes selon les Alle­mands) en 1914 – 1916, Game­lin en 1940, et même Bazaine en 1870. D’ailleurs à Paris, même sous Napo­léon III on ne fai­sait pas entiè­re­ment confiance aux offi­ciers colo­niaux dont la grande com­pé­tence leur confé­rait un franc par­ler qui écor­chait trop les oreilles déli­cates des fonc­tion­naires ministériels.

    L’armée colo­niale cou­verte de gloire s’est tou­jours com­por­tée héroï­que­ment dans cha­cune des guerres, en témoignent les ins­crip­tions sur leurs dra­peaux, mais nos armées ont tou­jours souf­fert d’impréparation stra­té­gique et maté­rielle. On note­ra que les chefs colo­niaux tenus à l’écart en 1914 sont réap­pa­rus peu à peu dès 1916 pour assu­rer la vic­toire, comme notam­ment Gal­lié­ni sur la Marne (ou Fran­chet d’Esperey dans les Bal­kans). Quoique l’on puisse pen­ser des guerres colo­niales qui visaient sur­tout à conte­nir l’expansion bri­tan­nique et assu­rer le contrôle de la Médi­ter­ra­née, On ne peut impu­ter à cet effort colo­nial la res­pon­sa­bi­li­té des échecs mili­taires sur le conti­nent européen.

    Aujourd’hui, si l’armée fran­çaise a dû inter­ve­nir au Mali , c’est d’abord pour évi­ter un car­nage à Bama­ko et une désta­bi­li­sa­tion dra­ma­tique de toute la région sahé­lienne, voire l’installation d’un cali­fat deve­nant une base avan­cée du ter­ro­risme isla­mique  dont l’Europe ferait les frais.  La dif­fi­cul­té relève, comme nous le rap­pelle Ber­nard Lugan, des conflits eth­niques pré­exis­tants, entre tri­bus toua­reg, peules, arabes et popu­la­tions afri­caines séden­taires. Chaque camps a épou­sé la cause isla­miste, soit avec Al-Qaï­da, soit avec l’Etat Isla­mique en concur­rence de maî­trise du ter­ri­toire, soit avec le gou­ver­ne­ment malien rem­pla­cé actuel­le­ment par une junte mili­taire sou­te­nue par la France et soi-disant la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale qui laisse l’armée fran­çaise agir avec les alliés locaux (Tchad, Niger Mali) qui refusent le Califat.

    Zem­mour a rai­son en revanche de rap­pe­ler que l’instabilité du Sahel est une consé­quence de l’agression de la Lybie et la chute de Kadha­fi qui contrô­lait toute ces régions. Outre les armes et les com­bat­tants que cette chute a four­nis aux dif­fé­rents bel­li­gé­rants, cela a réveillé les ten­sions eth­no-ter­ri­to­riales et sous cou­vert d’islamisme a per­mis à de véri­tables petites armées de se consti­tuer sous la hou­lette des chefs eth­niques traditionnels.

    Pour­quoi la France ? Parce qu’en Europe c’est le seul pays qui pos­sède une armée capable de faire « le job ». Que l’Afrique, selon l’état-major de l’OTAN est consi­dé­rée un peu comme notre jar­din (certes, c’est bien com­mode) et que nous avons des inté­rêts et une influence réelle dans ces pays (Cela n’empêche pas les ser­vices secrets des grandes puis­sances de nous mettre quelques peaux de bananes). Il n’est pas sûr en revanche que nos diri­geants poli­tiques aient bien mesu­ré tous les enjeux de cette affaire, mais il est sûr en revanche que si nous n’y étions pas, nous allions à la catas­trophe avec des consé­quences jusque dans notre métro parisien.

    La proxi­mi­té de la tenue d’une confé­rence du G5 Sahel en février, pousse aus­si les dji­ha­distes à atten­ter à la vie des sol­dats fran­çais, afin d’obtenir une réac­tion de l’arrière comme disait Ber­na­nos, et influen­cer les déci­sions vers un retrait de nos troupes, les­quelles ont déca­pi­té ACMI et par une stra­té­gie de coups de poing suc­ces­sifs désor­ga­ni­sé dura­ble­ment les groupes ter­ro­ristes. Outre les mines qui explosent sous les VBL (véhi­cules blin­dé légers), ou les atten­tats sui­cides, des rez­zous à l’ancienne se pro­duisent contre des vil­lages fai­sant des cen­taines de vic­times, des règle­ments de compte eth­niques le plus sou­vent tein­tés de djihad.

    Dire que l’État fran­çais ferait mieux de s’occuper de régler les flux migra­toires, plu­tôt que de guer­royer en Afrique, c’est mélan­ger le fro­mage et le des­sert, les deux com­bats com­plé­men­taires doivent être au menu et si l’immigration et l’insécurité inté­rieure relèvent bien du minis­tère de l’intérieur, l’armée dépend de celui de la Défense. Il n’y a donc a prio­ri aucun lien, si ce n’est une com­plé­men­ta­ri­té, entre le com­bat contre le dji­ha­disme en Afrique et la lutte contre l’immigration exces­sive en France.

    Cer­tains, et là Eric Zem­mour n’est pas concer­né, parlent d’enlisement de l’armée fran­çaise, parce que nous avons des morts, très peu en réa­li­té à côté des résul­tats obte­nus et des objec­tifs atteints. Il faut obser­ver au contraire que nos sol­dats montrent un pro­fes­sion­na­lisme et même par­fois un héroïsme qui méri­te­rait d’être un peu plus salué dans les médias.

    Main­te­nant, le plus dif­fi­cile sera de réta­blir la pré­sence et l’autorité de l’état malien sur l’ensemble du ter­ri­toire, cela sup­pose un appa­reil mili­taire effi­cace et une admi­nis­tra­tion com­pé­tente, ce qui n’est pas encore gagné… On ver­ra en février ce qu’il advien­dra de la pré­sence fran­çaise qui devrait être dimi­nuée sen­si­ble­ment. Gageons que l’avenir de la pré­sence fran­çaise au Mali ne soit pas trop lié aux options de poli­tique inté­rieure du moment avec la pers­pec­tive des élec­tions pré­si­den­tielles au dépend d’une lec­ture géostratégique…

    2.jpg

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Projet de loi contre le séparatisme : pour ne pas stigmatiser l'Islam, l'État renforce son pouvoir sur toutes les religi

    Photo © Valery HACHE / AFP

    Le refus de principe de distinguer entre les religions, et donc entre l’islamisme et les autres religions, est le péché originel du projet de loi sur les principes républicains présenté par le gouvernement. Du fait de cet indifférentisme, le combat contre la minorité islamiste permet à la République de renforcer son pouvoir sur toutes les religions. Explications de Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur de l’European Center for Law and Justice (ECLJ).

    Auditionné à l’Assemblée nationale, Mgr de Moulins-Beaufort, représentant de l’Église catholique, s’est déclaré « bien embarrassé » par le “projet de loi confortant le respect des principes de la République”. C’est ce même sentiment que partagent de nombreux chrétiens, catholiques et protestants, à l’égard d’un texte dont ils pressentent les dangers, même s’ils peinent à les décrire clairement et à y opposer des arguments de fond.

    La peur de l’islamisme pousse les Français à consentir à des abandons de libertés au profit des « principes de la République ». Certes, le danger de l’islamisme est réel, et ce texte contient quelques dispositions qu’il convient de saluer, mais il porte aussi fortement atteinte aux libertés de religion, d’association, d’expression, ainsi qu’aux droits éducatifs des parents. Il est en outre complété par un décret autorisant le fichage des personnes en fonction de leurs seules convictions religieuses et politiques, et non plus seulement de leurs actions. C’est une législation de combat dont on perçoit à peine l’étendue des conséquences.

    Mais la peur de l’islamisme justifie-t-elle une telle réduction des libertés et, pour reprendre les termes du Défenseur des droits, un tel « renforcement global du contrôle de l’ordre social ». Renoncer à nos libertés par peur de l’islamisme, n’est-ce pas précisément un objectif du terrorisme et donc, déjà, une victoire de cette idéologie mortifère ? Ne vaudrait-il pas mieux combattre directement, et seulement, les islamistes ? Cette question doit être posée.

    L’erreur indifférentiste

    Alors que le projet de loi avait été présenté initialement comme visant, avec raison, à combattre l’islamisme radical, la mention de cet objectif a été progressivement supprimée, et remplacée par la lutte contre toutes les atteintes d’inspiration religieuse aux « valeurs de la République », requalifiées ensuite de « principes » de la République par le Conseil d’État. Par ce texte, toutes les associations religieuses, familles et écoles hors-contrat seront soumises à de nouvelles charges, surveillées par les autorités, menacées de sanctions administratives, atteintes dans leurs libertés et entachées de suspicion. Toutes les entreprises et les associations qui souhaitent passer une convention avec l’administration ou recevoir une subvention de celle-ci devront se soumettre à un « contrat d’engagement républicain ». Sur ce point encore, le Défenseur des droits observe avec justesse que le texte « prévoit des interdictions et des sanctions d’application tellement vastes qu’elles sont hors de proportion avec la difficulté qu’il souhaiterait traiter ».

    Cette disproportion résulte du refus de principe de distinguer entre les religions, et donc entre l’islamisme et les autres religions. Il découle lui-même d’une erreur factuelle fondamentale de la laïcité suivant laquelle toutes les religions seraient égales, car fausses, extérieures à la rationalité publique. Cet indifférentisme est cause d’injustices, car qu’est-ce qu’il y a de commun entre le père Jacques Hamel et ses assassins ? Pourquoi traiter les victimes juives et chrétiennes comme leurs bourreaux islamistes ? Cet indifférentisme est cause d’injustices, mais c’est sur lui que repose l’affirmation par la République de sa supériorité sur toutes les religions. Finalement, du fait de cette erreur, le combat contre la minorité islamiste permet à la République de renforcer son pouvoir sur toutes les religions.

    Le mystère des principes républicains

    L’usage de la contrainte et des sanctions prévu par cette loi sera-t-il au moins efficace ? Saura-t-il faire entrer par la force les « principes de la République » que l’école n’a pas su transmettre par l’intelligence ? Et quel est le contenu de ces principes dont on prétend imposer le respect ? Le gouvernement n’a pas su les définir précisément dans le projet de loi et a confié cette mission au Conseil d’État qui devra s’en acquitter… après l’adoption de la loi. Voilà un nouvel exemple de dépossession du législateur. De fait, le contenu précis de ces valeurs républicaines reste un mystère réservé aux initiés.

    Certes, les grands principes « de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public », qui sont les seuls mentionnés dans le projet de loi, ne sont pas injustes en soi, mais susceptibles de nombreuses interprétations. Et peut-on se convertir à des principes abstraits et universels ? Ces principes répondent-ils au besoin de vérité et d’identité des personnes susceptibles de se radicaliser ? Accéder à l’universel suppose au préalable d’être enraciné et d’avoir réglé ses propres problèmes d’identité.

    La résistance des identités

    Force est de constater la persistance du besoin « d’enracinement » des personnes issues de l’immigration, même à la troisième génération. N’est-ce pas une preuve de la résistance de la nature humaine contre l’utopie de la société liquide ? La situation actuelle de « séparatisme » signe l’échec de l’idéal universaliste ; et ses promoteurs sont piégés car, selon les termes de Bossuet, ils chérissent les causes d’une situation dont ils déplorent les effets : ils sont favorables à l’immigration par universalisme, mais ne veulent pas des immigrés tels qu’ils sont, également par universalisme. Cette contradiction ne peut être résolue qu’en forçant les immigrés et leurs enfants à se convertir à l’universalisme, ce qui est impossible, car un homme déraciné a besoin d’identité. La radicalisation est la réponse au déracinement : ces deux mots ont d’ailleurs la même racine.

    Comment des personnes déracinées pourraient-elles croire en outre en la sincérité du Gouvernement et en ses valeurs lorsque, par exemple, Mme Schiappa, auteur bien connu de romans pornographiques, s’empresse de préciser que l’interdiction de la polygamie est sans conséquence sur le libertinage des « plans à trois », ou lorsque l’interdiction des associations non-mixtes est assortie d’une exception à la demande des loges maçonniques, tel que cela apparaît dans les travaux en Commission ? Que dire d’un renforcement du contrôle pénal d’internet qui laisse intacte le fléau de la pornographie ? Que dire de la crédibilité d’un gouvernement qui confie à cette même Mme Schiappa la mission d’annoncer la pénalisation des certificats de virginité et des propos sexistes ? Lorsque la loi fait référence à la conception républicaine de « dignité », comment ne pas voir qu’elle n’est pas celle de l’islam, ni d’ailleurs des autres religions ?

    Le besoin d’enracinement est humain et donc respectable, même si certains de ses modes d’expression doivent être réprouvés. Il faut se souvenir que saint Thomas d’Aquin protégea les enfants juifs de ceux qui voulaient en faire de bons sujets de la monarchie catholique, en les convertissant de force. Il enseignait en effet que les droits naturels des parents sur leurs enfants priment ceux de la société, même lorsque ces derniers se trompent en matière religieuse. Ainsi, le problème n’est pas tant le besoin naturel d’enracinement que l’immigration massive qui exacerbe ce besoin sous forme de radicalisation.

    Les droits des minorités contre la République

    L’universalisme républicain pourrait aussi se heurter au droit international. En effet, que se passera-t-il lorsque les musulmans de France invoqueront le respect des droits des minorités contre les principes républicains ? De nombreux textes, telle la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques de l’ONU, garantissent à ces personnes, entre autres droits de l’homme, celui « de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d'utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans ingérence ni discrimination quelconque. » Pourquoi les Hongrois et les Roms de Bulgarie et de Roumanie pourraient-ils bénéficier de ces droits, et non les Maghrébins de France ? La question doit être posée, car l’immigration, lorsqu’elle est massive, crée moins des Français que des minorités.

    La primauté des valeurs républicaines sur les consciences

    Une telle affirmation des « principes de la République », y compris aux dépens des libertés, constitue un profond changement social : il modifie l’équilibre entre la tradition démocratique et la tradition républicaine de nos institutions.

    Depuis l’après-guerre, le modèle démocratique dominait les institutions politiques occidentales. Il a été conçu comme un ensemble d’institutions et de mécanismes neutres, associés à des libertés indéfinies, c’est-à-dire laissant à chacun le choix d’en déterminer l’usage. En un mot, la démocratie ne disait pas ce qu’il faut penser, faire ou croire, et garantissait à chacun l’exercice de ces libertés dans les limites de l’ordre public. Comme des règles du jeu, le consensus démocratique se plaçait en-deçà des convictions personnelles.

    À présent, la démocratie perd sa neutralité axiologique et s’élève au-dessus des convictions personnelles pour les encadrer. Les fondations de la vie sociale s’élèvent pour devenir des murs. C’est ainsi que la tradition républicaine est réaffirmée aux dépens de la tradition démocratique.

    Ce phénomène d’encadrement axiologique de la vie sociale s’observe aussi au niveau européen. La Cour européenne des droits de l’homme soumet ainsi l’action des États au respect des valeurs de la « société démocratique », valeurs qu’elle définit de façon évolutive et qui visent paradoxalement à encadrer la démocratie élective. De même, la Commission européenne entend imposer aux gouvernements européens, et plus encore à leurs électeurs, le respect de « valeurs » libérales qui seraient constitutives de « l’État de droit ».

    Ces concepts « d’État de droit » et de « société démocratique » sont les équivalents européens des « principes de la République » affirmés par le Gouvernement. Le projet de loi sur les principes de la République participe ainsi du phénomène de moralisation du pouvoir qui s’idéologise, se ferme au pluralisme et réprime pour se défendre des valeurs concurrentes, en particulier lorsqu’elles sont d’inspiration religieuse. Car il ne faut pas se leurrer, ce sont bien les religions qui sont aujourd’hui les principales sources d’opposition aux valeurs structurant la société occidentale. En cela, le projet de loi ne se trompe pas de cible en visant toutes les religions.

    Le renversement d’appréciation entre l’État et les religions

    En Occident, ce mouvement d’encadrement axiologique est particulièrement manifeste s’agissant du domaine religieux qui, jusqu’à présent, était reconnu comme sacré, et donc séparé, dépassant le plan temporel et profane. C’est pourquoi, par exemple, les ministres du culte disposent jusqu’à maintenant d’une plus grande liberté d’expression que les laïcs, car leurs propos bénéficient aussi de la protection de la liberté religieuse. Tel n’est plus le cas avec le projet de loi : non seulement il prévoit de sanctionner les propos tenus au sein des lieux de cultes, mais il les réprime plus durement encore que les mêmes propos exprimés en un lieu profane. La religion n’est plus une source d’immunité, mais un facteur aggravant. De même, le projet de loi s’immisce dans le fonctionnement interne des communautés religieuses, en violation du principe d’autonomie, en forçant celles-ci à adopter un fonctionnement « démocratique » fondé sur le vote, et non plus sur l’obéissance. C’est ce que firent les communistes pour tenter de détruire l’Église de l’intérieur.

    Le renversement de l’appréciation de l’État et des religions est un phénomène culturel majeur. En 1948, lorsque les fondations du droit contemporain de la liberté religieuse furent posées, l’État était considéré comme une menace à contrôler, un Léviathan froid et dangereux, et les religions comme des ressources à valoriser, des expressions de notre humanité et des bastions de la liberté face aux totalitarismes. Au XXe siècle, ce sont les croyants qui étaient les victimes, et les États qui étaient les bourreaux. Aujourd’hui, la situation tend à s’inverser, au bénéfice de l’État et au détriment des religions, mais aussi du droit à la liberté de religion dont la légitimité est de plus en plus contestée. C’est le retour du Léviathan au profit duquel, selon Hobbes, les individus, par peur d'une mort violente, abdiquent leurs libertés en échange de la sécurité. Ecraser ou convertir ?

    Face à la peur de l’islamisme, seule la République paraît encore capable « d’écraser l’infâme », car l’histoire témoigne de sa capacité à recourir à la force, et même à l’injustice pour s’imposer.

    Quant aux catholiques, ils semblent avoir largement renoncé à l’autre mode d’intégration des étrangers : l’annonce explicite de l’Évangile et le baptême. Nombre d’entre eux espèrent même, sans rancune, trouver protection contre l’islam auprès de la République. C’est se bercer d’illusions, car ils seront les prochains sur la liste, avec les évangéliques, dont les écoles et les chapelles prolifèrent plus encore que les mosquées salafistes. Des députés et des experts auditionnés s’en sont d’ailleurs vivement inquiétés en commission parlementaire ; et les récents propos de Mme Schiappa contre les évangéliques sont de mauvais augure.

    Mgr de Moulins-Beaufort a jeté un froid au sein de la commission parlementaire lorsqu’il a déclaré qu’« il est déjà trop tard », exprimant par-là ses doutes à l’égard de la capacité du droit pénal à résoudre le problème du séparatisme et de la haine, la civilisation étant le fruit des mœurs, et non de la répression. Peut-on sérieusement lui donner tort ? Car – et c’est là où le bât blesse –, les principes de la République ne suffisent pas à constituer une civilisation. Ce ne sont pas ces principes, même imposés par la loi, qui convertiront à la France des personnes déracinées, mais le partage de la grandeur de notre roman national et, plus encore, osons le dire, le partage de l’Évangile qui sous-tend notre civilisation, et dont les principes de la République sont eux-mêmes un reflet.

    Source : https://www.valeursactuelles.com/

  • Pourquoi la gauche a-t-elle perdu les classes populaires, par Stéphane Beaud, Michel Pialoux.

    On se souvient de cette apostrophe prémonitoire de Pierre Mauroy, dans son fief socialiste du Nord, quinze jours avant la fin de la campagne du premier tour des élections présidentielles de 2002, rappelant à Lionel Jospin qu’il pouvait employer le mot de « travailleur » dans sa campagne.

    2.jpegCet « oubli » du candidat, qui est aussi celui de son « atelier de campagne », était significatif : le « cœur de cible » du PS, comme disent les spécialistes du marketing, était bel et bien les classes moyennes, celles pour lesquelles avaient été faites les principales réformes de la seconde partie de la législature Jospin, notamment la baisse d’impôts inspirée par Laurent Fabius. À ce titre, il entérinait la disparition des ouvriers dans la tête des hiérarques du PS, qui ont sans doute pensé qu’en dépit de tout, la baisse du chômage, les 35 heures, les emplois jeunes, la prime à l’emploi, etc. leur feraient regagner naturellement « leur camp » et retourner « au bercail », comme si le retour de la croissance et la baisse du chômage devaient se traduire mécaniquement par la fin du désamour entre la gauche et les classes populaires.

    Erreur ou naïveté ? Pourquoi une telle myopie, si frappante aux yeux de quiconque connaît un peu ces milieux sociaux ?

    Le divorce gauche/classes populaires vu du terrain et dans la durée

    Nous avons eu la possibilité – la chance – de suivre au fil du temps, presque pas à pas, la déstructuration du monde ouvrier  Nous l’avons vu se décomposer, encaisser et affronter une série de terribles épreuves qui ne faisaient pas la Une de l’actualité : la menace constante du chômage, la peur permanente à l’usine, l’usure au travail au jour le jour, l’entreprise systématique de disqualification du monde ouvrier et de ses valeurs, etc. Nous l’avons vu aussi résister avec les moyens du bord (la grève de 1989 à Sochaux restée dans les mémoires), regarder avec un mélange de sympathie et d’indifférence les grèves des cheminots de 1995 (qui ne les concernaient pas d’aussi près qu’on a bien voulu le dire). Nous avons vu monter de manière inexorable le chômage des jeunes, s’installer durablement la désespérance des « jeunes de cité », enfants d’immigrés pour la plupart, stationnant depuis des années, au mieux aux portes de l’emploi stable, au pire, dans des stages de formation parking. Nous avons vu décroître l’influence du Parti communiste, s’effilocher les rangs de la CGT et s’effondrer la CFDT ouvrière (qui n’a jamais pu se remettre de la « trahison notiste »). Parallèlement à l’effondrement d’une gauche ouvrière qui s’était dotée de ses propres représentants ouvriers, parlant haut et fort son propre langage, nous avons vu enfin monter régulièrement chez les ouvriers de cette région, en même temps que l’abstention, le vote Front National, un petit peu plus à chaque élection, sans qu’apparaissent pour autant des militants et des figures locales. Cette influence du FN a grandi régulièrement, de manière cachée et rampante. En même temps que l’onction électorale donnée aux thèses du FN, nous avons vu s’afficher ouvertement des opinions racistes et, symétriquement, certains « jeunes de cité » adopter une attitude systématique de provocation et d’agressivité vis-à-vis de tout ce qui pouvait être assimilé à un pouvoir « blanc » : la police, la justice, mais aussi l’école, les voisins, les « petits vieux » qui n’ont jamais rien dit et qui essaient de passer inaperçus dans le décor. On pourrait faire un inventaire plus détaillé de ces insensibles glissements qui, mis bout à bout, ont fini par composer un nouveau paysage social et politique où les ouvriers sont, sinon « passés à l’extrême droite », du moins dans un état permanent d’exaspération. Bref, s’il y a quelque chose qui ne peut pas nous surprendre, c’est le maintien dans les classes populaires de l’influence de Le Pen et l’ampleur accrue du discrédit de la gauche de gouvernement.

     Une classe devenue « objet »

    4.jpgLa sévère défaite de la gauche de gouvernement le 21 avril 2002 et le réveil d’une extrême gauche se réclamant du trotskisme ont, à l’inverse, fait resurgir une lecture archéo-marxiste du monde ouvrier, à la fois oublieuse de la réalité empirique et allergique à toute perspective sociologique attentive aux pratiques des individus. Contre la tentation que l’on voit poindre ici ou là de ressortir les mythes d’antan (la « figure ouvrière », l’ouvrier abstrait, idéalisé et héroïsé de la geste « ouvriériste » ou « gauchiste »), il s’agit de faire œuvre de lucidité collective, de sortir de l’ethnocentrisme dans lequel tombent sans le savoir la plupart des intellectuels dès qu’ils parlent des classes populaires.

    Pour aller à l’essentiel, il faut d’abord dire que le monde ouvrier, en même temps qu’il s’est transformé objectivement (chute des forteresses, réorganisation industrielle, vieillissement des actifs, montée du chômage, etc.), s’est progressivement trouvé privé des porte-parole, des mots, des « repères » qui lui avaient longtemps servi à se constituer en groupe. Les vieux mots apparaissent usés, les organisations auxquelles les ouvriers donnaient leur confiance se sont trouvées progressivement disqualifiées dans le champ politique. Le moral des militants en a été profondément altéré, le renouvellement des générations s’est opéré très difficilement dans les sections syndicales et dans les unions départementales. La vitalité du monde syndical, tant dans l’entreprise qu’au niveau local, qui constituait un capital collectif inestimable, s’est émoussée, la transmission d’une culture politique s’est interrompue. C’est ainsi que les ouvriers ont perdu leur élite : les ouvriers qualifiés qui formaient le fer de lance du groupe et l’ossature des sections syndicales d’entreprise. Beaucoup de militants vieillis sont partis à la retraite ou ont choisi d’aller chercher ailleurs une respectabilité (les anciens de la CFDT dans les associations, le travail social, l’enseignement ou même le consulting social, certains militants de la CGT ont pu aussi « se notabiliser »).

    Le plus frappant est que ce processus de « dépolitisation ouvrière » s’est fait sans brutalité et dans le plus grand silence. La représentation héroïque et messianique du monde ouvrier (l’image de Sartre haranguant le prolétariat de Billancourt, le temps où l’on disait « Le Parti », « La classe » pour désigner les ouvriers) s’est comme dissoute en l’espace de dix ans (1975-85) qui ont vu se succéder la (re)découverte du Goulag, l’irruption des nouveaux philosophes (qui continuent de sévir dans le champ intellectuel), la rupture de l’union de la gauche, le brutal tournant libéral de 1983. À partir de là, les ouvriers sont apparus progressivement « hors-jeu », simples témoins d’un passé appelé à disparaître.

    Cette période de « modernisation conservatrice » qui commence au milieu des années 1980 (qu’on se souvienne de l’émission télévisée Vive la crise en 1984) a fortement contribué au processus d’invisibilisation dans la société française du groupe ouvrier, privé de ses points d’appui dans l’espace public et de ses relais chez les intellectuels. Une méconnaissance profonde des conditions d’existence des classes populaires, voir un réel désintérêt se sont alors développés. À partir du moment où ont cédé les digues qui protégeaient les ouvriers du regard méprisant des élites, le processus de dévalorisation massive de la condition ouvrière et de tout ce qui est ouvrier a pu se donner libre cours. C’est aussi à partir de ce moment que sont apparus, chez de nombreux ouvriers, le sentiment qu’on les avait abandonnés et le soupçon que la gauche les prenait peu ou prou pour des « privilégiés » ou, en tout cas, pour des personnes qui n’étaient pas trop à plaindre : la gauche de gouvernement ne s’occupait plus d’eux, mais soit des « pauvres », des « exclus », des « Arabes », etc., soit des jeunes détenteurs de futures compétences (BTS, techniciens) qui ont achevé de les enterrer symboliquement (« Et nous, les OS ? » clamaient-ils dans les années 1980). Bref, les ouvriers stables n’ont plus été un sujet de préoccupation pour la gauche.

    Pour toutes ces raisons, on est fondé à dire que les ouvriers sont devenus plus ou moins une « classe objet », comme disait Pierre Bourdieu. Si on les compare aux ouvriers qui était « pris » et enveloppés dans la « classe », les ouvriers d’aujourd’hui ont cessé de se penser comme un groupe à part. Pour une large part, très sensibles au regard que la société porte sur eux, ils semblent appartenir désormais à un groupe poreux, sans frontières fortement délimitées. La montée du chômage de masse, l’arrêt de l’embauche dans les grandes usines, le vieillissement sur place, tout contribue à installer l’idée que les ouvriers n’ont plus d’avenir en tant que groupe. En schématisant, on peut dire qu’autrefois les ouvriers étaient respectés et faisaient peur, alors qu’aujourd’hui, ils ne sont guère respectés, ni défendus dans les usines et ont cessé de faire peur. Pire, on les prend en pitié. Le point d’aboutissement de ce processus de dévalorisation a pu déboucher sur des attitudes suicidaires du type de celle des ouvriers de Cellatex ou de Moulinex qui menaçaient de « tout faire sauter ». Par certains côtés, dans certaines constellations ouvrières, le vote Le Pen exprime aussi un formidable ressentiment.

    La spirale de la dévalorisation et de l’autovalorisation

    Aujourd’hui les ouvriers ont le sentiment d’être abandonnés : ils sont devenus des « petits », parfois prêts à des alliances contre les « gros », avec les artisans et commerçants, contre les « pourris », les « riches », mais aussi contre les « immigrés », les « Arabes », les « pauvres ». À l’égard de ces derniers, ils ont une relation très ambivalente parce que ce sont les groupes sociaux dont il faut à tout prix se démarquer, pour préserver sa dignité. En même temps, ils représentent un avenir possible : celui d’ouvriers déchus, dépossédés de leurs droits et bafoués dans leur estime d’eux-mêmes.

    Qu’est-ce qui a contribué à cette dévalorisation ? D’abord, le chômage car, comme a su le dire Henri Krasucki (dans le film de Gilles Balbastre, Le chômage a une histoire) : « Il n’y a pas de moyen de coercition plus violent des employeurs ou du gouvernement que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, lance des grenades, rien n’est aussi puissant comme moyen contre la volonté d’affirmer une dignité, la volonté d’être considéré comme un être humain. C’est ça la réalité des choses ». Mais aussi le fort vieillissement des ouvriers dans les usines, la manière dont le renouvellement des générations s’est opéré, la façon dont les patrons ont refusé la formation continue des ouvriers (à la différence de l’Allemagne), la disqualification de plus en plus forte du PCF et de la CGT (c’est même un miracle que la CGT ait réussi à « tenir » au moment où s’est effondré le PCF).

    Les transformations de l’école ont contribué à cette dévalorisation. Les filières professionnelles sont devenues en quelques années synonymes d’échec. De même que l’étude du célibat chez les paysans béarnais à la fin des années 1950 constituait un indicateur très sûr de la dévalorisation du monde paysan, de même, à Sochaux comme dans les vieilles régions industrielles, la fuite des filières de l’enseignement professionnel autrefois valorisées (comme les CAP qui préparaient au métiers d’ouvriers qualifiés) a révélé l’étendue de la dévalorisation de la condition ouvrière. Tendanciellement, les élèves des lycées professionnels sont devenus des enfants d’immigrés : il s’est joué ici quelque chose d’essentiel dans la représentation du monde ouvrier. Une anecdote en dit long sur cette dévalorisation du monde ouvrier dans les instances du pouvoir : au ministère de l’Éducation nationale, la rumeur a commencé à circuler qu’il ne fallait plus écrire ou prononcer le mot « ouvrier » dans les projets de revalorisation du lycée professionnel et que le seul mot permis était celui d’« opérateur ».

    La fracture intergénérationnelle est au centre de la dévalorisation symbolique de la « classe ouvrière ». Le rajeunissement du groupe ouvrier ne s’est opéré que très tardivement et principalement à travers l’intérim, la précarité, dans des conditions qui empêchaient la transmission et l’articulation des expériences. Une fraction croissante des enfants d’ouvriers sont les enfants d’immigrés qui rejettent violemment tout ou partie de l’héritage ouvrier traditionnel (pour qu’ils l’acceptent, il faut des circonstances exceptionnelles comme dans la lutte des jeunes du Mac Do menées par des jeunes diplômés du « 93 »). Le sentiment de ne plus faire partie du même monde s’approfondit, chez les vieux comme chez les jeunes.

    La question des immigrés joue là un rôle déterminant : celui de bouc émissaire qui leur est dévolu depuis vingt ans. Un mécanisme social d’une redoutable efficacité s’est alors mis en place : la croissance d’une « armée industrielle de réserve », la mise en concurrence entre « nationaux » qui décrochent et « immigrés » dont les ouvriers ont l’impression qu’ils ne cessent d’arriver plus nombreux en France (des classes de primo arrivants dans les écoles primaires, les regroupements familiaux, etc.). On ne mesure guère, chez les défenseurs d’une immigration « libre », à quel point la majorité des classes populaires été traumatisée par ces vingt ans d’attaques et de combats pour la survie qui les ont éloignées de tout progressisme en la matière.

    Conclusion

    Le vote FN dans les classes populaires doit être analysé comme un symptôme de la spirale de dévalorisation et d’autodévalorisation qui s’est emparée de (feu) la classe ouvrière, celle qui auparavant organisait et fédérait autour d’elle les autres fractions des classes populaires. Le choc du premier tour de l’élection présidentielle de 2002 invite à la réflexion et à faire retour sur les vingt années précédentes qui ont préparé le terrain à cette déroute et à cette humiliation collective du « peuple de gauche ». En fait, au cours de cette période, l’écrasement progressif des classes populaires n’a été troublé que par quelques moments de colère : les sidérurgistes de Longwy de 1979 et 1984, les ouvriers de Peugeot de 1989, les cheminots de 1995. Alors qu’à la fin des années 1960 la révolution apparaissait comme un spectre menaçant, trente ans plus tard, le tableau social s’est inversé : la constitution d’une armée de réserve d’intérimaires et de CDD, l’instauration d’une précarité institutionnelle, l’atonie des syndicats ouvriers, le démantèlement progressif de l’État social, la défaite ouvrière et la fragmentation des classes populaires en même temps que la cohésion renforcée et l’enrichissement d’une classe dirigeante de plus en plus sûre d’elle-même. C’est ainsi qu’on constate que la peur sociale a changé de camp durant cette période. En fait, on a méconnu la façon dont les effets de « la crise » se sont fait sentir sur les « perdants », la façon dont la société salariale s’est décomposée et divisée. Les valeurs de gauche – comme l’égalité ou la fraternité – ne sont plus prises en charge, mais sont au contraire disqualifiées, voire tournées en ridicule. D’où l’importance de revenir aujourd’hui sur ce qui s’est passé après « le tournant de la rigueur » pris par la gauche au pouvoir. En même temps que la montée inexorable du chômage, la réhabilitation de l’entreprise (Tapie, Montand, Minc, etc.) en dit long sur l’intense travail idéologique qui a ét

  • Le français, tu le parles ou tu nous quittes! Comment on a renoncé à intégrer par la langue, par Michel Aubouin.

    Des migrants suivent un cours à Toulouse, 2017 © Alain Pitton / NurPhoto / NurPhoto via AFP. 

    Maîtriser le français pour devenir français: la France s’entête à ignorer ce principe de bon sens. En détruisant le projet « Français langue d’intégration », les idéologues du multiculturalisme ont privé la France du premier vecteur de l’intégration et de l’assimilation, et encouragé le développement de ghettos linguistiques. par Michel Aubouin*

    3.jpgJe conserve de mes années d’enseignement la conviction que l’usage de la langue française est le préalable à l’apprentissage de toutes les autres disciplines. Puis, par une longue fréquentation des guichets de préfecture, j’ai compris que le français était aussi le préalable à l’intégration, parce que la langue n’est pas seulement un vecteur d’échanges, elle est aussi l’unique moyen d’aborder ce grand continent des références qui fait le savoir partagé : une certaine façon de raisonner, de voir le monde, de comprendre les constructions juridiques. Bref, la langue n’est pas un simple outil, mais une porte d’entrée vers l’intimité d’un peuple.

    En 2009, ayant été nommé en Conseil des ministres directeur de l’intégration des étrangers en France, j’ai rejoint mon poste nanti de cette conviction de bon sens. Je n’imaginais pas qu’elle allait m’attirer autant de déconvenues ! Les instances européennes ont conçu une grille d’appréciation du niveau de langue divisée en six niveaux, notés A1, A2, B1, B2, C1, C2. Le niveau A1 est le plus faible (c’est celui d’un touriste qui vient de passer quelques semaines dans un pays étranger), le niveau C2 est le plus élevé ; il correspond au niveau de langue d’un locuteur ayant appris à la parler et à l’écrire pendant l’enfance (ce que l’on appelle la « langue maternelle »). Un étranger installé en France pour y rester, avec l’ambition de devenir français, ne peut ignorer la langue française. Un niveau C1 ou C2 paraît requis. Un étranger qui vient d’arriver ne peut demeurer longtemps sans avoir un niveau moyen (B). Un étudiant ou un travailleur qui demande à venir en France devrait parler le français avant de présenter son dossier.

    La plupart des autres pays d’immigration procèdent de cette manière, et pour ceux qui ignorent la langue du pays, des dispositifs d’enseignement sont mis en place. La France, pourtant si fière de sa langue, ne fait pas ainsi. Elle considère que l’apprentissage de la langue est un processus naturel, qui s’effectue au contact des Français. Elle ignore qu’une partie des migrants venant d’un pays dit francophone ne parlent pas le français, que les campagnes d’arabisation conduites dans les pays du Maghreb ont fait reculer l’usage de la langue dite « de la colonisation », que nombre de migrants (de femmes en particulier) n’ont jamais été scolarisés, que beaucoup de ceux qui viennent de continents lointains utilisent des systèmes linguistiques totalement antinomiques avec l’apprentissage du français écrit.

    À mon arrivée en 2009, l’enseignement du français aux migrants était dispensé par des structures associatives, avec des moyens limités. La bonne volonté des bénévoles ne compensait pas toujours les défaillances de leurs méthodes, les ateliers étaient surtout fréquentés par des femmes et l’Éducation nationale n’avait aucunement l’intention de s’en mêler.

    2.jpg

    Brice Hortefeux rencontre des membres de l’AEFTI, Bobigny, juillet 2007. C’est sous son ministère que furent institués les premiers cours de français langue d’intégration (FLI). © MEHDI FEDOUACH / AFP.

    L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), placé sous ma tutelle, dispensait quelques heures d’enseignement qui se traduisaient par un niveau tellement faible qu’il a fallu créer pour le définir un échelon A1.1, inférieur au premier échelon de la grille européenne. Les formateurs, faute de mieux, utilisaient la méthode du « français langue étrangère » (FLE), enseignée à l’université pour un public d’étudiants. Les élites politico-administratives, impressionnées par le niveau de langue des écrivains étrangers de langue française, n’avaient pas vu ce qui se déroulait dans le même temps dans les grandes surfaces où ils ne faisaient pas leurs courses et dans le RER qu’ils n’empruntaient pas. L’usage du français reculait partout, le processus d’intégration ne fonctionnait plus et les communautés se formaient autour d’unités linguistiques, avant même de se structurer autour de lieux de culte.

    Dans la plupart des cas, les élèves étrangers des écoles publiques (majoritaires dans beaucoup d’établissements) n’entendaient pas parler le français chez eux, surtout lorsque le modèle culturel de la famille n’autorisait pas les femmes à occuper un emploi (Maghreb, Turquie, Pakistan, Afghanistan…). Certes, les pères de famille pouvaient être amenés à côtoyer le français dans leurs contacts professionnels (c’est rarement le cas dans le bâtiment), mais ils ne l’imposaient pas chez eux. Les commerçants du quartier étaient issus de la communauté et, parfois même, le médecin. On regardait, le soir, les chaînes des pays d’origine, en ignorant totalement l’actualité de celui où l’on faisait sa vie. Résultat : les collégiens, les lycéens pratiquaient en classe une langue étrangère. Les meilleurs s’en sortaient très bien, car les professeurs savent qu’ils sont souvent meilleurs en orthographe que les élèves dont le français est la langue maternelle, surtout quand son usage à la maison est par trop malmené. Mais tous les autres, la grande majorité, étaient à la peine.

    Ainsi, le français restait inaccessible quand, dans le même temps, la langue maternelle, plus souvent un parler dialectal qu’une langue académique, s’appauvrissait. Le champ sémantique devenait trop étroit pour exprimer des idées complexes ou des sentiments. Or, tous les spécialistes de l’enfance savent que la violence se nourrit de la difficulté à s’exprimer et qu’elle s’exacerbe lorsque l’adolescent baigne dans l’incertitude. Quant à l’institution, elle s’en contentait, acceptant qu’un étranger devienne français, par la naturalisation, sans maîtriser la langue française.

    Mes contacts dans le reste de l’Europe (la plupart de nos programmes étaient financés par un fonds européen) m’ont appris que nous étions les seuls à pratiquer ainsi. Les autres pays avaient mis en place des dispositifs d’enseignement efficaces, qui permettaient d’arriver en quelques semaines à un niveau B2 voire C1. Des langues aussi difficiles que le néerlandais ou le danois n’échappaient pas à la règle. J’ai assez vite compris que ma priorité devait être de rehausser le niveau de notre enseignement de français et, pendant quatre ans, je me suis appliqué à la mettre en œuvre. La première question était celle de la méthode : le FLE était de toute évidence inadapté à un public composé d’adultes peu scolarisés, ou qui l’avaient été dans un système linguistique très différent du groupe des langues latines auquel le français appartient (avec l’italien, l’espagnol ou le portugais).

    Un cercle de linguistes, dont des universitaires, m’a prêté son concours et proposé une méthode fondée sur l’oralité. C’était l’occasion de faire d’une pierre deux coups : enseigner à la fois l’usage d’un français du quotidien et les valeurs qui permettent le « vivre-ensemble », règles de politesse comprises. Avec le concours de la très sérieuse délégation générale à la langue française, nous avons publié un référentiel. Plusieurs universités, dont celle de Nanterre, s’en sont emparées pour demander la création d’un diplôme. Le FLI (« français langue d’intégration ») devenait une nouvelle branche de l’enseignement, à la fois complémentaire et distincte du FLE « historique ». Les pétitions se sont répandues aussitôt, animées par les adversaires de l’intégration, que j’ai découverts à cette occasion : ceux qui pensent que les étrangers n’ont pas à s’adapter aux modes de vie du pays d’accueil et les pédagogues du FLE, ébranlés dans leur savoir.

    La deuxième question était celle des structures d’enseignement. Les établissements scolaires demeurant fermés aux adultes, les ateliers d’alphabétisation, installés dans des locaux inadaptés, parfois sordides, survivaient difficilement. Seuls les AEFTI (association pour l’enseignement et la formation des travailleurs immigrés), issus des milieux syndicaux, tiraient leur épingle du jeu, en animant en leur sein une équipe de linguistes chevronnés. Les financements publics, remis en cause chaque année, laissaient les formateurs professionnels dans une situation de grande précarité. Il aurait fallu être fier de notre langue et montrer l’importance que nous lui accordions. En organisant des cours dans des sous-sols de cités HLM, nous faisions l’inverse. Mais le plus difficile, pour qui voulait apprendre la langue française en France, était d’abord de trouver un lieu où cette langue s’enseignait. À Paris, où de nombreuses officines proposent des cours d’anglais à grand renfort de publicité dans le métro, le seul lieu digne de ce nom était l’Alliance française installée boulevard Raspail, dans le 6e arrondissement de Paris, à proximité du Lutetia et du Bon Marché… On fait mieux comme insertion dans le milieu des apprenants ! Il fallait donc aider les entreprises et les associations engagées dans la démarche à s’organiser et, surtout, à devenir économiquement viables. Nous avons créé à cet effet un label FLI, fondé sur un cahier des charges contraignant.

    Comme directeur en charge de la naturalisation, mon principal levier était le niveau exigé pour accéder à la nationalité française qui, jusque-là, n’était pas normé, mais tout simplement apprécié lors d’un entretien conduit par un fonctionnaire de préfecture. L’édifice que j’ai contribué à édifier a été calé par un décret en Conseil d’État. La normalisation obligeait le postulant à détenir un diplôme ou un certificat prouvant un niveau B1 (ce devait être une première étape). Nous avons ainsi créé un marché de l’enseignement en rendant obligatoire l’accès à des niveaux plus élevés. Or, en France, notre modèle est fondé sur la gratuité et le bénévolat. Cela n’est pas justifié. La personne qui veut passer le permis paye ses cours. Il n’y a pas de raison qu’une personne engagée dans un processus d’apprentissage ne participe pas à son financement, d’autant que les collectivités locales contribuent à aider les plus modestes et que les employeurs développent des cours à l’usage de leurs employés. Avec le décret déjà mentionné, le diplôme FLI devenait un justificatif. Une centaine d’entreprises (privées ou associatives) se créèrent. Le mouvement engendra de nouveaux cris d’orfraie. Imposer un niveau de langue indisposait nos opposants, refusant par principe tout type de sélection.

    En mai 2012, je n’étais pas inquiet du retour de la gauche. Je pensais ma construction suffisamment solide pour résister aux coups de boutoir de ses adversaires. C’était sans compter avec les tenants de la société inclusive, opposés à toute tentative d’intégration des étrangers. Leur vision de la société avait été développée dans un rapport de Terra Nova, écrit par quelques membres du Conseil d’État, si éloigné de mes propres convictions que j’avais été incapable de la comprendre. Ces gens-là étaient fermement opposés au modèle de l’assimilation. Ils prônaient la juxtaposition des langues, des cultures, des modes de vie et la dilution d’une identité nationale considérée comme dangereuse. Le Premier ministre nomma l’un d’eux, M. Tuot, à la tête d’une commission chargée de redéfinir les contours de notre politique. Un autre fut nommé à la tête du secrétariat général coiffant les deux directions de l’intégration et de l’immigration (alors dirigée par François Lucas, un proche de Jean-Pierre Chevènement). Logiquement, j’aurais dû quitter mon poste mais, sans doute protégé par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, je suis resté une année de plus pour assister au lent démantèlement de tout ce que j’avais mis en place. J’ai fait de la résistance, en vain. Un soir, Didier Lallement, alors secrétaire général du ministère, me signifiait mon exil dans la préfecture la plus éloignée de la métropole, celle de Wallis-et-Futuna. L’année suivante, une grande partie des structures d’enseignement du français disparaissaient. Les AEFTI, pourtant bien implantées en Seine-Saint-Denis, étaient prises dans la tourmente. La directrice qui me remplaçait mettait fin aux processus de certification FLI des entreprises. Le ministère, englué dans la question des « réfugiés », réorientait tous ses crédits.

    Cependant, le coup de grâce n’a été donné qu’en 2018, quand le Conseil d’État a validé la disparition du décret que je pensais pourtant inattaquable. Avec l’aide de Jean-Michel Blanquer, alors directeur général de l’enseignement scolaire, nous avions déployé un dispositif intitulé « École ouverte aux parents ». Les professeurs des collèges volontaires enseignaient le français aux parents, entre deux cours à leurs enfants. L’opération donnait de très bons résultats et produisait des effets bénéfiques pour les enfants des parents scolarisés. Mais l’Éducation nationale, qui adore les expérimentations en ignorant trop souvent la manière de les généraliser, n’a pas poursuivi. Dix ans plus tard, il ne reste de tout cela qu’un immense champ de ruines et la propagation des phénomènes de communautarisation.

    Quand les idéologues s’en prennent aux mesures de bon sens, le résultat est à la hauteur de leur ignorance. Nous étions les plus mauvais élèves de l’Europe. Il ne nous restera bientôt que nos yeux pour pleurer. À moins que l’Université ne nous sauve. Car le FLI est encore enseigné à Nanterre, Nancy, Pau ou Cergy-Pontoise. Les étudiants peuvent y obtenir un master dans cette spécialité. La recherche se poursuit. Le gouvernement l’ignore. L’intégration ne fait plus partie de ses priorités. Les crédits ont été réduits à la portion congrue. On s’inquiète de phénomènes sociologiques en œuvre depuis des décennies sans jamais comprendre que le facteur linguistique en constitue pourtant l’élément essentiel.

     

     

    Michel Aubouin

    Michel Aubouin est un haut fonctionnaire, essayiste français et ancien préfet. Il a publié une dizaine de livres, dont une Histoire de la police, signée avec Jean Tulard. Ses deux derniers ouvrages sont des biographies, consacrées l’une au révolutionnaire Brissot et l’autre à Madame de Staël.

    Source : https://www.causeur.fr/

  • Justice : un certain « sentiment de laxisme », par Aristide Renou.

    Les chiffres avancés par le garde des Sceaux sont exacts mais insignifiants. D'autres indicateurs donnent une tout autre vision du paysage judiciaire français : un océan de mansuétude, qui recouvre tous les malheurs des citoyens ordinaires.

    La justice française est-elle laxiste ? Les policiers en sont manifestement convaincus depuis longtemps et le font savoir de plus en plus bruyamment. Lors d’une manifestation organisée devant l’Assemblée Nationale, mercredi 19 mai, le secrétaire général du plus puissant syndicat policier a même déclaré : « Le problème de la police, c’est la justice. »

    Les Français en semblent aussi très largement convaincus. Selon un sondage réalisé par l’Institut CSA pour Cnews et publié une semaine après la manifestation des policiers, 81 % des Français partageraient cette opinion. Dans le détail, 37 % sont tout à fait d’accord pour dire que la justice est trop laxiste, et 44 % plutôt d’accord avec cette opinion, 18 % plutôt pas d’accord et 1 % pas du tout d’accord. En d’autres termes, seuls 1 % des sondés sont fortement en désaccord avec l’idée que notre justice est laxiste. Ce n’est pas tout à fait ce que l’on appelle l’unanimité, mais ça s’en rapproche bougrement.

    Bien évidemment, le garde des Sceaux défend comme un beau diable les magistrats contre ces accusations et déploie ses plus beaux effets de manche pour essayer de terrasser ces clichés-qui-font-le-jeu-de-l’extrême-droite. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y va à fond. Comme il avait l’habitude de le faire en cour d’assises. Plus c’est gros, plus ça passe, pourvu seulement qu’on fasse preuve d’assez d’assurance ; et de l’assurance, Éric Dupond-Moretti n’en manque certes pas. N’a-t-il pas déclaré récemment, avec le plus grand sérieux, que la France était « parmi les cinq pays les plus sévères du Conseil de l’Europe » en matière de justice pénale en appuyant ses dires sur un rapport où, même avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de trouver le plus petit début de commencement de preuve de cette affirmation ? Je vous en ai déjà longuement parlé et par conséquent je ne reviens pas là-dessus.

    Juste après la manifestation des policiers, le garde des Sceaux a mis en avant d’autres chiffres. « En 2019, 132.000 peines d’emprisonnement ferme ont été prononcées, contre 120.000 en 2015. Est-ce du laxisme ? » a-t-il grondé de sa voix de rogomme. « Dans l’affaire Nordahl Lelandais, l’avocate générale avait requis 30 ans de réclusion ; c’est un jury populaire qui l’a condamné à 20 ans. Est-ce du laxisme ? » a-t-il encore ajouté.

    Concernant ce dernier point, « Acquittator » n’a pas tort. En effet, contrairement à une opinion répandue, les jurys populaires sont loin d’être plus sévères que les magistrats professionnels, car les jurés, dans la naïveté de leur inexpérience, ont une fâcheuse tendance à se laisser prendre aux sophismes et aux roueries des avocats de la défense à la Éric Dupond-Moretti. C’est d’ailleurs pour cette raison que le système de l’échevinage (dans lequel des magistrats professionnels siègent avec les jurés) a été adopté depuis 1941, ce qui a eu pour effet de diviser par deux et demi les taux d’acquittement. Est-il permis de penser que ce caractère manipulable des jurés n’est pas pour rien dans le fait que l’actuel garde des Sceaux voudrait rétablir la « minorité de faveur » en cour d’assises (un accusé ne pourrait plus être condamné qu’à la majorité de sept voix au moins, au lieu de six, donc avec les voix d’au moins quatre des six jurés) ?

    Chiffres absolus, vérités relatives

    Mais, quoi qu’il en soit, en 2019 les décisions des cours d’assises n’ont représenté que 0,2 % des quelques 812 000 décisions rendues par les juridictions pénales : par conséquent leur activité ne contribue que fort peu au « sentiment de laxisme » qui accable les Français presque autant que le fameux « sentiment d’insécurité » (les deux étant d’ailleurs en partie identiques). Laissons-les donc de côté et examinons l’autre statistique dégainée par le garde des Sceaux.

    Commençons par remarquer qu’Éric Dupond-Moretti est un peu approximatif. En 2015, c’est 124 702 peines de prison, en tout ou partie ferme, qui ont été prononcées. Pour 2019, les chiffres des condamnations n’ont pas encore été publiés, mais en 2018 ce sont 130 290 peines de prison en tout ou partie ferme qui ont été prononcées. Admettons, pour les besoins de la discussion, que le chiffre de 2019 serait 132 000 et élargissons la focale pour aller jusqu’en 2009, où 121 647 peines de prison en tout ou partie ferme ont été prononcées. Il y aurait donc eu une augmentation de 9 % en dix ans des peines de prison ferme distribuées par les tribunaux. Ce n’est pas mirifique, mais c’est une augmentation, en effet.

    Sauf que le laxisme ou la sévérité des tribunaux ne se mesurent pas au nombre de condamnations distribuées. La sévérité est un rapport, le rapport entre la gravité des crimes commis et la lourdeur des châtiments prononcés. Des valeurs absolues, comme celles mises en avant par le garde des Sceaux, ne nous apprennent rien de ce point de vue-là.

    Existe-t-il un moyen d’estimer ce rapport ? À défaut de disposer d’un indice synthétique de la sévérité de la justice, nous pouvons faire plusieurs constatations intéressantes.

    Tout d’abord, en se basant sur les derniers chiffres connus, ceux de 2018, les peines de prison en tout ou partie ferme n’ont représenté que 23,7 % de toutes les condamnations prononcées cette année-là par la justice ; 9,95 % de toutes les affaires considérées comme poursuivables ; et 2,9 % des procès-verbaux transmis aux parquets. C’est donc moins d’une affaire sur trente portée à la connaissance de la justice qui aboutit au prononcé d’une peine de prison ferme. Présenté ainsi, ça fait tout de suite moins impressionnant, n’est-ce pas ? Et je suis sûr que vous sentez d’ores-et-déjà un certain « sentiment de laxisme » s’insinuer en vous. Mais poursuivons.

    Entre 2009 et 2019, les condamnations à de la prison ferme auraient donc augmenté de 9 %. Sauf que, entre 2010 et 2020, les coups et blessures volontaires enregistrés par la police et la gendarmerie ont augmenté de 27,26 %. Par ailleurs, nous sommes passés de 1767 homicides et tentatives d’homicides (y compris les coups et blessures volontaires suivis de mort) en 2009 à 3168 en 2018, soit une augmentation de plus de 79 %. Les violences et outrages contre les dépositaires de l’autorité publique ont, elles, augmenté de 40,08 % entre 2009 et 2019 et le nombre de policiers blessés en mission aurait augmenté de 92,58 % entre 2004 et 2019 (il convient toutefois d’ajouter, concernant ces deux dernières statistiques, que la fin de 2018 et le début de 2019 ont été marqués par les manifestations hebdomadaires des Gilets jaunes, ce qui a fortement fait grimper le nombre des violences et outrages). À ce stade, le « sentiment de laxisme » devient plus que lancinant, ne trouvez-vous pas ? Mais il y a mieux encore.

    Un bon moyen d’estimer la sévérité ou le laxisme des tribunaux serait de comparer, pour chaque catégorie d’infraction, la peine maximale prévue par le Code pénal et le quantum moyen ferme prononcé. Malheureusement, le ministère de la Justice ne fait pas figurer ces chiffres parmi ceux qu’il communique au grand public, on se demande bien pourquoi. Toutefois, ce qu’il n’est pas permis au citoyen ordinaire de connaitre, les parlementaires peuvent parfois l’obtenir. Et c’est ainsi que la commission des lois du Sénat a pu établir un tableau fort intéressant, qui figure à la page 149 du rapport concernant la loi dite « Sécurité globale » discutée ce printemps au Parlement. Je vous donne simplement quelques chiffres tirés de ce tableau.

    • Menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique : peine maximale prévue par le Code pénal : 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. 2019, taux d’emprisonnement ferme pour cette infraction : 45,8 % ; quantum moyen ferme : 4,9 mois.
    • Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours : peine maximale prévue par le Code pénal : 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. 2019, taux d’emprisonnement ferme pour cette infraction : 37,6 % ; quantum moyen ferme : 6 mois.
    • Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique suivie d’incapacité supérieure à huit jours : peine maximale prévue par le Code pénal : 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende. 2019, taux d’emprisonnement ferme pour cette infraction : 65,1 % ; quantum moyen ferme : 9 mois.

    Pour ces trois catégories d’infraction, le quantum moyen ferme prononcé par les tribunaux a donc représenté entre 1/6e et 1/7e des peines maximales prévues par le législateur et ces peines fermes n’ont été prononcé que dans 40 à 60 % des cas.

    Pour avoir une idée plus exacte de ce que cela signifie, prenez en compte le fait que ces délits concernent des dépositaires de l’autorité publique, c’est-à-dire des serviteurs de l’État, qui sont représentés par de puissants syndicats et que les gouvernements ont tout intérêt à ménager ; que par conséquent les pressions et instructions pour que la justice se montre sévère envers leurs agresseurs sont maximales et permanentes. Et maintenant, imaginez la manière dont nos tribunaux doivent traiter les victimes ordinaires, celles qui n’ont ni organisation pour les défendre, ni soutien politique, ni relais médiatiques…

    Le refus de punir

    Ce n’est plus un « sentiment de laxisme » que vous éprouvez, c’est une certitude écrasante, qui provoque en vous un mélange de colère et de désespoir. Et pourtant je ne vous ai pas parlé de tout le système d’érosion des peines mis en place depuis des décennies, qui a pour conséquence que le nombre d’années réellement passées en détention est presque toujours très inférieur au nombre d’années prononcé par le tribunal. Le rapport entre les peines prononcées et les peines exécutées n’est pas non plus communiqué par le ministère, ce qui n’étonnera personne ; sachez seulement qu’actuellement les réductions de peine peuvent aller jusqu’à cinq mois par an. Sans compter les possibilités de libération conditionnelle, de « libération sous contrainte », etc.

    Si je ne vous en ai pas parlé, c’est parce que vous seriez tentés d’en conclure que la justice française n’est pas laxiste, mais carrément démissionnaire, et je ne voudrais pas que vous perdiez confiance en la justice de votre pays.

    Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation ? À défaut de pouvoir l’expliquer de manière parfaitement satisfaisante, je ferai une observation. Nous allons « célébrer » cette année le quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort. Il devrait être évident aujourd’hui que la signification véritable de cette abolition, c’est le refus de punir ; le refus du châtiment comme rétribution proportionnée à la gravité du crime et le triomphe presque sans partage d’une conception thérapeutique du châtiment, selon laquelle la seule fonction légitime de la peine est de « réhabiliter » le criminel, c’est-à-dire de lui permettre de retrouver la liberté le plus rapidement possible. Et de fait, la peine de prison à perpétuité n’a pas tardé à suivre la peine de mort dans les poubelles de l’histoire pénale.

    Ainsi, par exemple, Jean-Claude Romand, qui avait été condamné à la perpétuité pour avoir assassiné sa femme, ses deux enfants, ses parents et pour avoir tenté d’assassiner sa maîtresse, a finalement été libéré après vingt-six ans de détention.

    Lorsque des crimes aussi abominables que ceux de Jean-Claude Romand ne valent à leur auteur que 26 ans de prison, il est inévitable que des meurtres plus « ordinaires » ne vaillent à ceux qui les commettent qu’une dizaine d’années de prison effectives ; et que le tarif moyen d’une agression physique ne soit que de quelques mois, y compris lorsque la victime est un dépositaire de l’autorité publique.

    Les magistrats sont loin, très loin d’être les seuls à être infectés par cette conception thérapeutique du châtiment, par ce refus de punir qui peut se constater à tous les échelons de la société et dans toutes les institutions, même si, bien sûr, en tant que détenteurs du pouvoir d’infliger les châtiments les plus sévères, le fait qu’ils soient ainsi infectés a des conséquences particulièrement graves.

    Mais avant de les accabler, posez-vous cette question : estimez-vous que certains crimes privent à tout jamais leur auteur du droit de vivre comme un homme libre, et ce quelle que soit son évolution personnelle ? Si vous répondez « non » à cette question, ne vous plaignez plus jamais de l’insécurité ou du laxisme de la justice. Vous êtes une partie du problème que vous dénoncez.

     

    Illustration : Six mois de prison avec sursis, réquisition maximum pour ceux qui promettaient à Mila, entre autres douceurs, de la traiter comme Samuel Paty…

    4.jpg

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • L'Afghanistan en otage, par Michel ONFRAY (Co-fondateur de Front Populaire).

    EDITO. Le 14 juin dernier, le président américain Joe Biden ordonnait le retrait définitif de ses troupes d'Afghanistan, au terme de 20 années d'enlisement. Après la récente prise de pouvoir des Talibans, le président Macron a cru bon de faire une allocution officielle. Quelles leçons pour les souverainistes ? Analyse de Michel Onfray.

    michel onfray.jpgDepuis que les États-Unis ont annoncé qu’ils se retireraient d’Afghanistan avant le vingtième anniversaire du 11 septembre, il n’était pas besoin d’être grand clerc pour savoir que le pays reviendrait aux talibans. Si, selon l’adage fameux, gouverner c’est prévoir, on s’étonne que le président de la République ait cru bon de jouer de la trompette médiatique en brisant son repos estival de Brégançon par une intervention solennelle qui ressemble à s’y méprendre à une prise de parole du sous-secrétaire d’État de service au quai d’Orsay !

    On ne déconsidère pas seulement la fonction présidentielle en se faisant photographier aux Antilles avec de jeunes garçons dénudés qui font un doigt d’honneur, en proférant un « putain » dans les jardins de l’Élysée en compagnie de YouTubers en petite tenue intellectuelle dont l’un s’avise de faire une galipette en présence du chef de l’État, ou en se faisant retenir gaillardement par sa sécurité afin que l’image désastreuse d’un président de la République s’apprêtant à répondre par un coup à la gifle d’un jeune égaré ne fasse le tour du monde, on peut aussi la déprécier en utilisant la pompe républicaine médiatique pour annoncer des banalités de base ! Ce qui fut le cas…

    Dans ces banalités de base se trouvent les éléments de langage du néocolonialisme postmoderne. Le souverainiste que je suis l’est pour tous les pays du monde, Afghanistan compris - sans oublier la France…

    Je ne suis pas de ceux qui estiment qu’il faut, au nom du droit d’ingérence, rentrer dans un pays pour tout y casser afin d’y imposer sa loi, son idéologie, ses us et coutumes, sa culture, la plupart du temps le matérialisme vulgaire du consumérisme occidental. Voilà pour quelles raisons depuis trente ans je suis contre ces guerres dites justes par des ruffians qui, vendeurs d’armes ou philosophes germanopratins, journalistes de la presse subventionnée par l’État ou missionnaires maastrichtiens vendant leur camelote sur les chaines d’infos continues, anciens gauchistes devenus compagnons de route de l’administration américaine, mafieux divers et industriels peu scrupuleux, viennent nous expliquer que les attentats du 11 septembre justifient ce néocolonialisme des États-Unis flanqués de la France en appui cosmétique.

    Car Ben-Laden, habituellement présenté comme le cerveau de cette opération des Tours Jumelles, était saoudien et les dix-neuf terroristes impliqués dans le détournement des quatre avions étaient pour l’un Égyptien, le principal organisateur était quant à lui Pakistanais, quinze étaient eux aussi Saoudiens, il y avait également un Libanais et deux Émiratis. Où étaient les Afghans ? (1) On sait qu’après les attentats du 11 septembre, le 13 pour être précis, alors que tous les avions étaient cloués au sol, il y eut une exception pour que vingt-cinq membres de la famille Ben Laden et quelques-uns de leurs amis rentrent… en Arabie saoudite, et ce avec l’accord du FBI (2). Michael Moore a, sur cette question, raconté tout ce qui pouvait être dit par un esprit libre, et ils sont rares, dans son film Fahrenheit 9/11.

    Quelles représailles ont été infligées par les États-Unis à l’Arabie saoudite, à l’Égypte, au Liban, au Pakistan, aux Émirats arabes ? Aucune. Il est vrai que le Pakistan, au contraire de l’Afghanistan, possède l’arme nucléaire ! Où l’on constate ici les effets du formidable pouvoir dissuasif d’un arsenal atomique…

    Lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a dit : « L’intervention américaine et internationale a commencé il y a exactement vingt ans, après les attentats du 11 septembre 2001, et le refus du régime taliban de l’époque en Afghanistan, de livrer Ben Laden, l’organisateur de ces attentats ».

    Mais pour pouvoir dire que Ben Laden était en Afghanistan, il fallait sinon savoir où il se trouvait, du moins en avoir les preuves, et les donner. Or, qui peut imaginer que les États-Unis disposaient de ces informations sans intervenir alors qu’ils ont mis dix années à le débusquer non pas en Afghanistan, mais… au Pakistan, pays doté de l’arme nucléaire je le précise à nouveau ?

    Si les Américains avaient eu la preuve que Ben Laden se trouvait dans un endroit précis d’Afghanistan connu par eux, peut-on imaginer une seule seconde qu’ils se seraient interdit d’intervenir simplement parce que les talibans leur en auraient refusé l’autorisation ? On rêve… Car, que s’est-il passé quand ils ont su qu’Oussama Ben Laden vivait à Abbottābād au Pakistan ? Ils n’ont pas demandé l’autorisation au gouvernement pakistanais avant de lancer leur opération commando sur une terre pourtant souveraine : ils sont intervenus, leurs commandos ont tué, ils sont repartis, ils ont jeté le corps de Ben Laden à la mer, ils sont rentrés, tout le monde connait cette histoire.

    Suite du discours présidentiel : « En Afghanistan, notre combat était juste et c’est l’honneur de la France de s’y être engagé. La France n’y a jamais eu qu’un ennemi : le terrorisme. Nos interventions militaires n’ont pas vocation en effet à se substituer à la souveraineté des peuples, ni à imposer la démocratie de l’extérieur, mais à défendre la stabilité internationale et notre sécurité. Partout, la mise en place de processus politiques crédibles est notre priorité. C’est ce principe fondamental de notre politique étrangère que nous avons appliqué en Afghanistan et que nous continuerons de mettre en œuvre ».

    Suite du discours, donc suite des éléments de langage du néo-colonialisme français ! Cette défense d’une prétendue guerre juste, un concept qui, de saint Augustin à BHL a, c’est le moins qu’on puisse dire, perdu en crédibilité, est le lieu commun du colonialisme : on fait la guerre pour le Bien car les autres sont le Mal !  Mais le Bien est-ce vraiment ce qui fait la loi à Saint-Germain-des-Prés, ou, l’été, à Saint-Paul-de-Vence sinon à Sanary-sur-Mer, un bien repeint aux couleurs woke qui devrait contaminer la planète entière, Afghanistan compris ? On peut douter du bien-fondé d’un pareil projet civilisationnel…

    Que ce soit l’honneur de la France d’astiquer les fusils de l’impérialisme américain reste à démontrer ! On a le sens de l’honneur que l’on peut. Pas sûr que le général de Gaulle eut celui-là. Qu’on se souvienne a minima du discours de Bayeux !

    Quant au terrorisme afghan qui représenterait une menace pour la France, il faut en appeler aux faits pour éviter de proférer pareilles sottises. Quels attentats ont jamais été commis par des talibans afghans sur le sol français ? Quand ? Où ? Par qui ? Qu’on donne des noms, des détails, des précisions !

    Parmi la cinquantaine d’attentats terroristes recensés en France de 2012 à 2020, au moins 29 ont été perpétrés par des Français pratiquement tous nés en France (3). C’est avec des Français musulmans que se pose le problème du terrorisme, pas avec des Afghans descendus de leurs montagnes pour, par exemple, tuer des enfants juifs à bout touchant à Toulouse ou égorger un prêtre célébrant la messe en Normandie…

    4.jpg

    5.jpg

    L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, autrement dit le Maghreb, fournissent le plus gros contingent de terroristes en France. C’est factuel. Si l’on ajoute le Mali et le Sénégal, on constate que le terrorisme en France a plus à voir avec la gestion calamiteuse de la question mémorielle, toute de componction, de contrition, de résipiscence, de repentir, de pénitence, d’excuses, que de bergers afghans quittant leurs petits villages de montagnes pour mener une guerre à la France en égorgeant dans les rues, les bars et les églises de notre pays !

    C’est donc diversion que de faire de ce changement de régime dans un pays redevenu souverain après le départ de ses derniers suzerains, dont nous fumes, rappelons-le, pendant treize années, un problème pour la France en matière de terrorisme.

    Diversion et mensonge pour justifier la suite d’aventures politiciennes : laisser les États-Unis jouer aux dés partout dans le monde, continuer pour la France à baiser la main du joueur de dé à chacun de ses coups, se servir des flux migratoires à venir comme d’inévitables nécessités humanitaires d’accueils massifs qui incombent à « la-France-pays-des-droits-de-l’homme » afin de saper plus et mieux l’identité française afin de travailler à un gouvernement planétaire qui, n’en doutons pas un seul instant, a peu de chance d’être piloté par des Afghans !

    Ceux qui, en Afghanistan, ont collaboré à la vassalisation de leurs pays pendant des années vivent en effet des heures pénibles… Ce sont eux ou leurs amis qui veulent absolument quitter le pays dont ils ont servi les maîtres américains pendant des années en y trouvant force avantages. On imagine bien les raisons de leur empressement à partir. On comprend aussi l'ardeur des médias français à nous expliquer que tous les Afghans se trouvent ici sur ce tarmac envahi dont les images sont montrées en bouche. Que nenni ! Les libérations qui suivent des occupations s’accompagnent toujours de sinistres épurations. C’est vieux comme la guerre, c’est vieux comme le monde, c’est vieux comme les hommes.

    Les Afghans n’ont pas massivement pris les armes contre les talibans : Joe Biden s’en étonne, je m’étonne de son étonnement ! Il semble mépriser ce peuple parce qu’il n’a pas mangé dans sa main ! Mais ce peuple-là qui sait ce qu’est l’honneur préfère manger dans son assiette, car, même modeste c’est la sienne. Et même avec un brouet, une pitance, il préfère ses brouets et ses pitances à la nourriture de ceux qui occupent son pays.  Le rutabaga ne leur fait pas peur…

    On s’étonne également de l’absence de Résistance : mais c’est tout simplement parce que résister aux talibans dans ce pays c’est le livrer aux occidentaux en général et aux Américains en particulier ! Le fils Massoud qui appelle à la résistance dans les colonnes de La règle du jeu, la revue de BHL, aura avec lui le vieux nouveau philosophe et quelques-uns de ses amis qui voudraient transformer Kaboul en Saint-Germain-des-Prés, mais de quel droit imposer la mort à une autre civilisation que la nôtre, plurimillénaire, sous prétexte que la nôtre, à savoir l’idéologie woke, lui serait supérieure ? Ne vouloir qu’une civilisation sur la planète s’avère un projet totalitaire et impérialiste. Les belles âmes citent volontiers Montaigne selon qui « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage », mais, en même temps, ces belles âmes qui sirotent leurs spritz aux terrasses des cafés appellent barbarie ce qui n’est pas de leur usage ! Quelle honte ces gens-là ne boivent pas d’Apérol ! Reprenez un peu de Les lettres persanes, c’est tournée générale …

    Si l’on veut, en France, pouvoir être maître chez soi, c’est-à-dire être souverain, il nous faut, pour tous les pays du monde, vouloir ce même souverainisme, Afghanistan compris.

    Peu importe ce qu’il fait de sa liberté recouvrée, c’est son affaire, même si, comme c’est mon cas, je déplore les inévitables effets à venir de cette théocratie musulmane. Si cette liberté recouvrée devait un jour réellement menacer la France, alors la France aurait à manifester sa puissance - du moins ce qu’il en reste tant sa décomposition est activée par l’hôte de Brégançon et les siens.

    Pour l’heure, la menace vient d’ailleurs. Mais de cette menace qui, elle, mériterait une véritable allocution présidentielle suivie d’effets, ce qui s’appelle gouverner souverainement le pays, il ne sera pas question. Car, comme toujours, bien sûr, le sage montre la lune, etc.

     

    (1) Voici la liste des terroristes avec leur nationalité respective : Leader : Ben Laden (saoudien). Cerveau : Khalid Cheikh Mohammed (Pakistanais). Vol 11 : Abdulaziz al-Omari (saoudien), Mohammed Atta (égyptien), Wail al-Shehri (saoudien), Waleed al-Shehri (saoudien), Satam al-Suqami (saoudien). Vol 175 : Ahmed Salah al-Ghamdi (saoudien), Fayez Banihammad (émirati), Hamza al-Ghamdi (saoudien), Marwan Yousef al-Shehhi (émirati), Mohand al-Shehri (saoudien). Vol 77 : Hani Saleh Hanjour (saoudien), Khalid al-Mihdhar (saoudien), Majed Moqed (saoudien), Nawaf al-Hazmi (saoudien), Salem al-Hazmi (saoudien). Vol 93 : Ahmed al-Haznawi (saoudien), Ahmed al-Nami (saoudien), Saeed al-Ghamdi (saoudien), Ziad Jarrah (libanais).

    (2) https://www.letemps.ch/suisse/fuite-famille-ben-laden-passait-geneve-recit-vol-embarrasse-bush

    (3) Recherches et tableaux de Jean-Baptiste Roques avec Maxime Le Nagard de Front Populaire. Note associée : « Au cours des dix dernières années, aucune attaque terroriste n'a en effet été commise en France par un Afghan ou un Sahélien, ni par une personne agissant au nom des Talibans ou d'un groupe salafiste sahélien (Ansar Dine, AQMI, Al Mourabitoune, État islamique dans le Grand Sahara, Ansarul Islam). Il y a en revanche de nombreux ressortissants de pays du Maghreb (une vingtaine) parmi les 45 auteurs d’attentats recensés dans notre pays depuis 2012, qui se sont souvent réclamés de "l'État islamique" ou "d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique", groupes terroriste engagés respectivement dans la guerre civile en Syrie et au Yémen donc sans lien direct avec la situation en Afghanistan ou au Sahel. Cela dit, il ne faut pas oublier qu'en 2012, Mohammed Merah se réclamait du Al Qaïda "historique", celui de ben-Laden (mort un an plus tôt), soutenu par les Talibans ».

    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • Eric Zemmour : « Je ne suis pas là pour jouer », par Charlotte d'Ornellas, Geoffroy Lejeune.

    Eric Zemmour. Photo © JOEL SAGET / AFP

    À la veille du lancement de la campagne présidentielle, Éric Zemmour analyse la situation de la France et se confie sur les rumeurs d'une possible candidature. Entretien. 

    Vous commentez chaque jour l’actualité sur CNews. Quels faits ont, selon vous, marqué les douze derniers mois ?
    Je retiens l’assassinat de Samuel Paty, la fabrication du vaccin, ainsi que le conflit au Sahel et l’annonce du départ de la France de ce théâtre d’opérations. Je pense tout d’abord, très sincèrement, qu’il y aura un avant et un après la décapitation de Samuel Paty. J’aurais évidemment pu dire cela après Charlie Hebdo ou le Bataclan, c’est la raison pour laquelle je reste prudent, mais cet événement me semble différent pour au moins deux raisons. D’abord, parce que la victime est un professeur : dans l’imaginaire collectif, et particulièrement dans celui des électeurs de gauche, le professeur est l’incarnation de la République.

    Ensuite, parce que cet assassinat n’était pas le fruit d’une expédition maîtrisée depuis l’étranger par des groupes professionnels. Le terroriste est, cette fois-ci, un Tchétchène qui a grandi en France et qui décide seul de faire appliquer la charia sur le sol français, sans besoin logistique particulier. Ces deux caractéristiques offrent une résonance particulière à cet acte de barbarie, qui succède par ailleurs à l’assassinat du père Hamel, sauvagement égorgé il y a cinq ans, et à celui de Stéphanie Monfermé, la policière de Rambouillet poignardée à la gorge, il y a quelques mois.

    Quant à l’assassinat du prêtre vendéen par ce criminel rwandais qui avait déjà incendié la cathédrale de Nantes, il nous montre à quel point notre humanisme et notre juridisme sont devenus les marques d’une faiblesse qui nous tue.

    Nous ne sommes plus en sécurité nulle part, les Français le ressentent et l’expriment. Un autre exemple terrible qui m’a beaucoup marqué : les médias et nos dirigeants sont restés pour la plupart silencieux à propos du meurtre ignoble du jeune Théo, assassiné par un Sénégalais multirécidiviste. On voit bien que cela ne les arrange pas, le deux poids deux mesures quand on compare au déplacement à l’hôpital de François Hollande pour dénoncer la prétendue violence policière envers cette fois un autre Théo.

    J’évoque ensuite le vaccin parce que, en tant que Français, nous regardons cela avec des sentiments mêlés. Nous pouvons d’abord être admiratifs de la capacité incroyable des scientifiques du monde entier à trouver un vaccin aussi rapidement : ils ont mis quelques mois à le trouver avant les phases de test, alors que nous étions habitués à attendre dix ans ! On peut d’ailleurs émettre certaines réserves, parce que nous l’avons produit sans recul ni expérimentation, mais cela ne retire rien à la prouesse médicale. Et nous sommes également humiliés, parce que la France reste, même si la formule est éculée, le pays de Pasteur et elle est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu à ne pas avoir produit son vaccin. Je l’ai vécu, je pèse le mot, comme une humiliation. C’est un fait qui marque notre déclassement, déjà signifié au début de l’épidémie par le manque de masques, de tests et de lits. J’avais alors parlé de tiers-mondisation de la France, je maintiens ce constat.

    Enfin, l’opération Barkhane. Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes et je pense qu’il a bien fait, parce que nous y étions enlisés, à la manière des Américains en Afghanistan. Ce genre d’expédition doit durer quelques jours ou quelques semaines, comme nous l’avions très bien fait dans les années 1970 à Kolwezi. Là, nous nous enlisons, nous nous faisons insulter, nos soldats se font traiter de néocolonialistes… C’est évidemment un scandale, mais c’est la conséquence de ce genre d’interventions militaires et nous ne pouvons accepter cela plus longtemps. Évidemment, nous n’en avons pas fini avec cette zone ni avec les conséquences néfastes de notre intervention en Libye, en 2011. Nous l’avions déjà payée très cher avec l’invasion migratoire de 2015 et continuons à en souffrir parce que la région est durablement déstabilisée.

     

    Que vous inspirent les débats actuels sur la liberté à propos de la vaccination obligatoire et de la mise en place du passe sanitaire ?
    Ce sujet de la liberté arrive bien tardivement dans le débat public. À mes yeux, la plus grande privation de liberté a été le confinement, ce que tous semblent avoir oublié. Je crois qu’on a alors imité un régime communiste totalitaire, la Chine, et que, si elle ne l’avait pas mis en place, personne ne l’aurait osé. Ce mimétisme montre d’ailleurs à quel point la Chine sera le grand pays du XXIe siècle : son influence ressemble en réalité à l’impact qu’ont eu les États-Unis sur l’Europe après la Première Guerre mondiale. Quelques esprits ont compris à l’époque – Paul Morand ou Robert Aron, par exemple – que les Américains seraient la grande puissance du siècle, parce qu’ils avaient la capacité de pénétrer les esprits et d’imposer leur vision du monde. J’espère me tromper, mais je crois que nous vivons la même chose avec la Chine. Les méthodes totalitaires qui nous sont imposées vont désormais être parées des atours du progrès. Je ne crois pas qu’être pisté en permanence par son téléphone, ou par un QR code soit un progrès pour les libertés.

     

    Vivons-nous un recul inédit de nos libertés ?
    Cette question dépasse de loin celle de la vaccination. Je ne veux pas tomber ici dans des discussions folles ni m’opposer catégoriquement à la vaccination, mais je trouve délirant qu’il soit impossible, aujourd’hui en France, de questionner calmement la stratégie de vaccination pour tous. Si les personnes à risque sont vaccinées, je ne comprends toujours pas pourquoi il faudrait vacciner des jeunes Français qui pourraient certes transmettre le virus, mais sans mettre en danger les gens vaccinés ! La question à poser est donc bien celle de la liberté. Mais on doit la mettre en balance avec la recherche de l’intérêt général. On a le droit et même le devoir de questionner cet équilibre instable. Je sais trop les ravages qu’a fait une conception absolutiste de la liberté individuelle depuis les années 1970 pour ne pas être très prudent sur cette question. D’autres n’ont pas cette prudence. On réalise ainsi que le Conseil d’État – comme le Conseil constitutionnel, qui s’est lui aussi proclamé défenseur des libertés individuelles – accepte, dans cette crise, toutes les restrictions possibles. En revanche, et cela m’a frappé, il casse la décision du gouvernement de suspendre le regroupement familial durant cette crise sanitaire. Les libertés individuelles des migrants sont mieux protégées par le juge que celles des Français.

     

    Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Eric Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes.

     

    Au-delà de l’hystérie des débats, c’est la question de la liberté au XXIe siècle qui est posée, et cela va bien au-delà de la crise sanitaire. Notre liberté de penser, d’écrire, de nous exprimer, de débattre est menacée, on l’a vu récemment avec la première tentative de la loi Avia. En l’occurrence, le Conseil constitutionnel avait fait son travail en la censurant, mais l’idée reviendra d’une manière ou d’une autre. Lorsque Twitter, Facebook ou YouTube se permettent de censurer les comptes de ceux dont les opinions ne leur plaisent pas, je pense que la liberté sera le sujet du siècle.

     

    Comment expliquez-vous la docilité des Français dans cette crise, malgré des décisions exceptionnelles ?
    Nous sous-estimons, je le dis souvent sur d’autres sujets, la capacité de la machine de propagande qui est en place aujourd’hui. Je sais que j’ai beaucoup choqué en le disant, mais je le maintiens parce que c’est exactement ce que je pense, Staline était un amateur en termes de propagande, parce qu’il avait besoin de la violence pour contraindre. Nous n’en avons plus besoin et c’est le signe de la supériorité de la machine de propagande actuelle, en termes d’efficacité. C’est vrai pour tous les sujets, et c’est absolument terrifiant.

     

    Votre vie est particulièrement contrainte par vos combats médiatiques : protection policière, paparazzis… Quel est le prix à payer pour être Éric Zemmour aujourd’hui ?
    Il est évident que le prix est de plus en plus cher à payer, mais je ne veux pas m’étendre dessus pour éviter que certains m’accusent de jouer les victimes ou de vouloir faire pleurer dans les chaumières. Ce n’est pas ma volonté du tout. J’observe simplement qu’il existe un point commun, un seul, entre Mila, Gilles Kepel et moi : nous vivons sous protection à cause de ce que nous avons dit sur l’islam. Je le répète sans cesse à mes enfants et à la jeune génération : nous n’aurions pas cru un seul instant une telle prédiction si elle avait été faite dans les années 1970. Ce que nous vivons est complètement fou et il faut remettre en perspective ce qui nous arrive. Le reste est dérisoire.

     

    Quand vous êtes poursuivi en justice , ce n’est pas par les musulmans, mais plutôt par des associations, des hommes politiques, des journalistes…
    Je me retrouve pris dans une alliance entre un islam qui profite de notre sacralisation de la liberté individuelle et un système qui ne veut pas entendre raison ni comprendre que tous nos principes sont remis en cause depuis trente ans. Les rares qui l’ont compris n’ont malheureusement pas le courage de leurs opinions. Les attaques sont d’autant plus agressives que je fais partie des très rares qui ont ciblé les deux “côtés”, c’est-à-dire ce système d’un côté et l’islam de l’autre.

     

    Avez-vous le sentiment de payer trop cher les convictions que vous défendez depuis des années ?
    Je n’y pense pas, c’est une question que je refuse de me poser. J’ai fait ce que je pensais devoir faire. Je n’aurais jamais pu me regarder dans une glace si je n’avais pas défendu ce que je pense être juste. Je pense vraiment ce que je dis, je ne suis pas là pour jouer, donc je ne vais pas me retourner sur ma vie pour me demander ce que j’aurais pu faire autrement.

     

    L’accusation de misogynie revient très régulièrement à votre sujet et les sondages montrent une moindre adhésion des femmes à votre candidature. Que répondez-vous à cette critique ?
    C’est toujours pareil, la puissance du système de propagande est inouïe. C’est la force de la répétition sur tous les réseaux, sur toutes les télévisions… Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes. Cela fait quinze ans que les critiques sont répétées de la même manière à mon sujet et ça finit par rentrer.

    Nous en avons assez que des minorités militantes imposent leur loi à la majorité. Ces minorités fonctionnent exactement comme des lobbies et sont parfaitement identifiées : le lobby féministe, le lobby LGBT, le lobby antiraciste et le lobby islamogauchiste. Ils me détestent parce que je les ai attaqués et parce que je continuerai à démonter leurs idéologies totalitaires. Ils prétendent donc que j’attaque les femmes, les homosexuels, les étrangers ou les musulmans. Mais ce sont en réalité ces minorités organisées que j’attaque, pas les individus.

    Je note par ailleurs qu’ils entretiennent la confusion pour faire croire qu’ils défendent encore les gens qu’ils sont censés représenter, alors qu’ils en deviennent souvent les pires ennemis. Pour reprendre l’exemple des femmes, c’est de plus en plus net. Les féministes ne défendent pas les femmes, la féminité, la particularité ou même l’égalité, elles militent pour l’indifférenciation. Elles interdisent qu’une femme soit une femme et un homme un homme. Je continuerai à combattre cette vision de la société, comme je l’ai toujours fait. D’autant que l’on constate une alliance des féministes militantes avec les pires ennemis des femmes, qui remettent en cause leurs libertés, leurs droits élémentaires et parfois même leur vie. Les a-t-on entendues défendre Mila face à la haine de ceux qui voulaient la faire taire. Et ces féministes islamogauchistes voudraient venir me faire la leçon au nom des femmes ? Laissez-moi rire…

     

    Cela ne vous empêche pas de dire que la société se féminise, que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes…
    Je suis pour la liberté individuelle. Je défends évidemment l’égalité et les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent. On peut discuter et même interroger certains points dans le débat public : je pensais que la France était encore un pays qui permettait le questionnement. Quand je disserte sur les qualités des hommes ou des femmes, je lutte aussi contre la tentative d’indifférenciation, très militante et qui fait souffrir beaucoup de femmes. Ce n’est absolument pas une analyse de cas particuliers, mais une tentative d’explication des différences existantes. Je pense et je défends l’idée qu’il existe deux sexes, il est certain que je ne crois pas à la théorie du genre. Tant pis si je me fais insulter par des militants.


    Je me méfie des optimistes par mesure d’hygiène intellectuelle. Dans l’histoire, les optimistes se trompent lamentablement, et cela peut très mal finir.

     

    Mais s’il faut répondre plus concrètement, je n’ai évidemment aucun problème à lire un écrivain féminin. Je viens de relire les Mémoires d’Hadrien écrits par Marguerite Yourcenar, que je trouve admirables, je relis souvent Hannah Arendt, qui m’a énormément fait évoluer sur la question du totalitarisme. J’apprécie même certains romans de Simone de Beauvoir ! J’aime Tous les hommes sont mortels, ainsi que son autobiographie… Il n’y a absolument aucun blocage ou sectarisme de ma part vis-à-vis des femmes et du métier qu’elles exercent et sans entrer dans des considérations personnelles, je le prouve au quotidien. Chacun peut très librement accomplir ses rêves ou son destin… Par ailleurs, aujourd’hui qui défend vraiment les femmes ? Je devrais me revendiquer “grand défenseur des femmes” ! L’insécurité qui pèse sur elles, dans la rue ou dans les transports, est un scandale. Et ce manque de sécurité nuit à leur liberté au quotidien. Nous sommes bien peu à en parler, les partisans de l’omerta préférant abandonner les victimes à leurs agresseurs pour ne pas froisser le politiquement correct.

     

    Les attaques s’intensifient aussi à mesure que grossit la rumeur de votre possible candidature à la présidentielle. Il y a eu une petite phrase dans votre émission sur Paris Première, des allusions sur la chaîne YouTube Livre noir, puis une chronique sur Jacques Bainville et ses regrets de ne pas être entré en politique… Quel message essayez-vous de faire passer ?
    Je ne calcule rien ! Je fais une chronique chaque semaine dans le Figaro et mon rédacteur en chef, Vincent Tremolet de Villers, me propose souvent des livres. C’est ce qu’il s’est passé avec ce livre de Christophe Dickès sur Bainville. Vincent, qui est un ami, sait que j’aime Bainville et m’a conseillé cette lecture. J’ai découvert dans cet ouvrage, parce que je l’ignorais totalement, que Bainville avait eu des regrets à la fin de sa vie et qu’il aurait voulu agir à la même table que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères de Louis XVI ! Évidemment, cela me fait réfléchir. Quand je lis cela, je ne peux pas ne pas penser à mes propres états d’âme et à mes propres réflexions sur les limites du combat culturel gramscien. J’ai pensé exactement la même chose, et j’ai également réfléchi, quand j’ai lu le portrait de Boris Johnson dans le Figaro , publié au mois de juillet… Tout le monde se jette dessus en imaginant que je lance une piste ou que j’envoie un message, mais je réfléchis tout simplement à haute voix. Je ne vais pas le taire, c’est la stricte réalité de mes réflexions.

     

  • Sur le blog ami du Courrier Royal : Historia : « Le drapeau blanc fait disparaître la monarchie ».

    Voici un magnifique article écrit en 1958 par le duc de La Force, pour le célèbre magazine Historia. Dans cet article l’historien et membre de l’Académie Française, nous fit revire cette tragique histoire du drapeau blanc, qui fit échouer en 1873, le projet de restauration de la monarchie…  

    Le drapeau blanc fait disparaître la monarchie

    Cet article répond à de nombreux lecteurs qui nous interrogent sur la question du drapeau blanc. On sait qu’après la libération du territoire, les luttes politiques reprirent de plus belle. Les monarchistes, dirigés par le duc de Broglie, étaient puissants. Ils firent élire président le maréchal de Mac-Mahon et préparèrent le retour du roi. L’obstacle était la division entre légitimistes et orléanistes. Il paraissait surmonté grâce à la fusion, c’est-à-dire la réconciliation des deux branches, quand la question du drapeau remit tout en cause.

     “La comtesse de Balbi a laissé une correspondance, – encore inédite, – qui forme une chronique vive, spirituelle et brillante du temps de la Restauration. Rien n’échappe à la plume légère, souvent mordante de cette Anne de Caumont La Force dont Louis XVIII avait si longtemps goûté l’esprit et la verve. Une de ses meilleures lettres est celle qu’elle écrivit à son frère le duc de La Force, le 29 septembre 1820, pour lui annoncer la naissance du duc de Bordeaux qui, après l’assassinat de son père, le duc de Berri, donnait un héritier à la couronne de France. On y trouve comme un écho de Mme de Sévigné :

    « J’ai été éveillée à deux heures et demie du matin par un valet de pied de M. de Mesnard qui nous donnait la nouvelle que nous possédions un gros garçon. Jugez, cher ami, de notre joie. Celle de Paris est à son comble. A cinq heures j’étais au château (des Tuileries) ; j’ai embrassé tout ce que j’ai rencontré, même, je crois, l’évêque Bombelles en grand camail. Mme la duchesse de Berri n’a souffert que dix minutes.

     L’accoucheur était en chemise, n’ayant pas eu le temps de mettre son habit. Les témoins étaient le duc de Coigny et celui d’Albufera ; le premier, quoique couché dans le château, n’a pu arriver à temps. La princesse n’a pas voulu qu’on coupe le cordon, avant que le duc d’Albufera soit arrivé. On a fait entrer les gardes nationaux dans la chambre, qui ont aussi vu l’enfant tenant à la mère.

     M. le duc d’Orléans est arrivé assez longtemps après. Quoiqu’il parle assez bas, on l’a entendu dire au maréchal : « Vous l’avez bien vu? Vous étiez là? ». Il a bien assuré que c’était de ses yeux. Le maréchal a été à merveille. »

     Louis-Philippe, duc d’Orléans, n’était pas plus heureux de cette naissance que Gaston, duc d’Orléans, ne l’avait été, le 5 septembre 1638, de celle du futur Louis XIV.

    « Les soldats de la garde nationale sont enchantés, continuait Mme de Balbi ; on les a fait passer par deux devant le duc de Bordeaux ; ils en ont assez vu pour assurer qu’il serait un fier luron, mais en termes plus énergiques. L’un d’eux a été un peu embarrassé de ce qu’il venait de dire, mais le prince l’a rassuré en lui disant : Va, on peut tout dire aujourd’hui ».

     Et Lamartine accordait sa lyre pour chanter, quelques mois après l’assassinat du duc de Berry, le nouveau-né, l’enfant posthume désigné par le Ciel pour succéder à Louis XVIII et Charles X sous le nom de Henri V :

    Il est né l’enfant du miracle,

      Héritier du sang d’un martyre.

      Il est né d’un tardif oracle,

      Il est né d’un dernier soupir!

      (…)

      Sourds aux leçons efféminées,

      Dont le siècle aime à les nourrir,

      Il saura que les destinées

      Font roi pour vaincre ou pour mourir ;

      Que des vieux héros de sa race

      Le premier titre fut l’audace

      Et le premier trône un pavois.

     Cinquante-trois ans plus tard, il saura tout cela. Mais voudra-t-il? Le duc de Bordeaux, devenu le comte de Chambord, voudra-t-il être Henri V?

     C’était en 1873. La révolution de 1830 avait emporté le trône de Charles X ; en 1848, Louis-Philippe avait perdu la couronne destinée à Henri V et, après l’intermède de la seconde République et du second Empire, la France, vaincue par la Prusse en 1871, se tournait vers la vieille Monarchie, qui durant tant de siècles, l’avait “bercée sur ses genoux”. L’Empire s’était abîmé dans la catastrophe de Sedan ; le nom de République était à peine toléré ; la monarchie de Louis-Philippe semblait s’incliner devant celle de Charles X ; le comte de Chambord, petit-fils du roi des Ordonnances, et le comte de Paris, petit-fils du roi-citoyen, n’avaient plus de haine ; 1873 allait effacer 1830.  L’oubli était d’autant plus facile que, le comte de Chambord n’ayant point d’enfant, le comte de Paris devenait son légitime successeur.

     Le comte de Maillé fut délégué par la droite de l’Assemblée nationale auprès de Henri V, avec deux de ses collègues, le vicomte de Gontaut et Sosthène de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia, pour conjurer le Prince d’accepter le drapeau tricolore, seule condition que mettait alors la France à la restauration monarchique souhaitée par tous les Français.  Les délégués se rendirent au château de Chambord le 5 juillet 1873.  Le comte de Maillé, qui était né en 1816, avait été un compagnon de jeux du duc de Bordeaux, dans le jardin privé du parc de Saint-Cloud. Il m’a conté que Charles X survenait parfois pendant leurs ébats. Tandis que les deux enfants luttaient et roulaient sur le gazon, le vieux roi, amusé, criait au jeune Maillé :

     – Allons, Armand, rosse-le!

     A présent, les gens qui voyaient le comte de Chambord pour la première fois étaient impressionnés par ses façons royales, un je ne sais quoi de majestueux et de cordial dont ils demeuraient charmés.  Ils admiraient l’élévation de son esprit, l’étendue de ses connaissances, la profondeur de ses convictions religieuses, sa foi en ce principe de la légitimité qui avait restauré Louis XVIII en 1814, sauvé la France du démembrement et qui aujourd’hui le plaçait sur le trône.  Cependant, à Chambord, les délégués étaient reçus par M. de Monti et le comte de Blacas, qui les introduisaient auprès du Prince. Celui-ci vient à eux, les invite à s’asseoir et les engage à lui « dire tout ce qu’ils ont sur le cœur, sans crainte de pouvoir l’offenser ». Ce fut le comte de Maillé qui prit la parole au nom de ses deux collègues, comme étant le plus âgé.

    Légitimiste ainsi que MM. de Gontaut et de Bisaccia, il venait de spécifier différents points relatifs à la fusion, c’est-à-dire la réconciliation des deux branches de la maison de Bourbon et le Prince venait de dire à propos de son dernier manifeste :

     – Je suis plus libéral que vous ne pensez et peut-être plus que vous.

     M. de Maillé répondit aussitôt :

     – Nous le croyons volontiers, mais le manifeste n’a pas été compris ainsi : il faut que Monseigneur sache que le principal caractère des dernières élections est anti-légitimiste. Quant aux points réservés et ne comprenant pas ce que cela voulait dire, nous avons été trouver M. de La Ferté pour obtenir de lui des renseignements à cet égard. M. de La Ferté nous a dit qu’il croyait que le point capital était la question du drapeau.

     – Monseigneur nous permettra-t-il de lui dire en toute sincérité que nous nous étions d’autant plus avancés sur cette question qu’elle ne paraissait pas faire de doute dans l’esprit de Monseigneur. Nous nous appuyions, en effet, sur ses instructions et particulièrement sur celles de 1856.

     – J’ai dit que je ne ferai rien loin de la France et sans la France.

     – Mais, reprit M. de Maillé, que signifie cette phrase, si elle ne veut pas dire que Monseigneur suivrait l’avis de la France? Or elle veut incontestablement et unanimement le drapeau tricolore.

     – Peut-être pas aussi unanimement que vous le croyez.

     S’animant alors, M. de Maillé répliqua :

     – Nos pères ont combattu auprès des vôtres sous le drapeau blanc, c’est donc un aussi grand sacrifice pour nous que pour vous de l’abandonner, cependant c’est une nécessité absolue. Le drapeau tricolore est le symbole du régime moderne ; quand on agite le drapeau blanc, le peuple croit voir le retour des privilèges, de la féodalité et la suppression de l’égalité. Le maintien du drapeau tricolore est une nécessité absolue et si Monseigneur renonce à lui, il faut qu’il renonce à la Couronne de France.

     – La France ne tient pas si exclusivement au drapeau tricolore, puisqu’on l’a mis de côté à Paris, pour prendre le drapeau rouge. Elle peut donc accepter le drapeau blanc qui a, en outre, le mérite de n’être pas suspendu dans les arsenaux de l’Allemagne.

     – La France aime le drapeau tricolore malgré ses infortunes. En opposition au drapeau rouge, il représente l’ordre et l’autorité. Il n’est plus le sanglant emblème des massacres de la Révolution, il est devenu l’emblème de l’ordre. Il a abrité et défendu les causes les plus saintes.

     Mais le prince s’obstinait :

     – Je ne puis revenir en France, déclara-t-il, qu’avec mon principe et mon drapeau. Je sais qu’avec le drapeau tricolore je ne suis plus moi-même et que je ne puis rendre au pays les services qu’il attend de moi en étant le représentant de l’ordre et de la liberté.

     M. de Maillé alors osa répondre :

     – Permettez-nous de vous dire, Monseigneur, que le drapeau blanc ne vous appartient pas à vous exclusivement. Il a été le drapeau de la France et non celui de votre maison ; dès qu’il n’est plus celui de la France, vous devez prendre celui qu’elle veut avoir. Il n’y a pas un légitimiste qui vous suivra dans cette voix.

     – Cela prouve, répliqua le comte de Chambord, que les idées révolutionnaires ont de plus profondes racines que je ne le croyais.

     – Pensez, Monseigneur, reprit M. de Maillé, que vous tuez le principe de la légitimité si nécessaire au repos du pays ; vous tuez la France, vous vous tuez vous-même. Ayez pitié de ce grand parti légitimiste qui vous a donné tant de preuves de dévouement qui, depuis quarante ans, vous a sacrifié carrières, honneurs et fortune. Nous vous supplions, Monseigneur, de suspendre tout manifeste. Qu’il paraisse en maintenant le drapeau blanc, le parti légitimiste n’existe plus.

     – Oui, si vous m’abandonnez.

    Désespéré, M. de Maillé revient à la charge :

     – Il est impossible à un député, s’écria-t-il, de défendre la légitimité avec le drapeau. Nous ne savons plus ce que nous pourrons être. Nous vous adjurons, Monseigneur, de vous laisser persuader ; pas un seul de vos amis ne vous approuve. Ayez pitié de nos enfants, de nous-même, de la patrie. Quelle cruelle destinée, quand nous avons travaillé heureusement pendant quatre mois à faire la fusion qui est notre rêve depuis vingt ans, que ce soit par vous qui l’avez toujours désirée, qu’elle vienne à manquer!

     Tout était inutile ; avec un calme entêtement, le Prince conclut :

     – J’ai beaucoup réfléchi, j’y ai beaucoup pensé, c’est une question d’honneur et de conscience politique pour moi. Je ne puis rien dire de plus. Séparons-nous, nous serons toujours amis.

     Le Prince alors prit la main aux trois délégués, qu’il congédia non sans les avoir « embrassés avec effusion ».

     Bientôt, dans un hôtel de Blois, puis sur la table du coupé de l’express qui le ramenait à Paris avec ses deux collègues, le comte de Maillé rédigea le procès-verbal de l’entrevue. Il le signa, le vicomte de Gontaut fit de même. Quant au duc de Bisaccia, trouvant les propos de M. de Maillé trop audacieux, il refusa de mettre son nom à côté des autres. Le manifeste du Prince parut le 6 juillet. S’il préconisait la décentralisation administrative, les franchises locales, le maintien du suffrage universel, un gouvernement contrôlé par deux Chambres, il ne cachait point qu’il ne “laisserait pas arracher de ses mains l’étendard de Henri IV, de François Ier et de Jeanne d’Arc”.  Il l’avait « reçu comme un dépôt sacré du vieux roi, son aïeul mourant en exil ». Cet étendard avait toujours été pour lui « inséparable du souvenir de la patrie absente ; il avait flotté sur son berceau » ; le Prince voulait qu’il ombrageât sa tombe… Henri V ne pouvait « abandonner le drapeau de Henri IV ».

     Ce refus, était-ce le dernier mot du comte de Chambord? La restauration va-t-elle échouer, alors que les monarchistes tiennent les avenues du pouvoir, alors que, selon l’heureuse formule du vicomte d’Haussonville, membre orléaniste de l’Assemblée nationale, « le palais de la Présidence est occupé par un maréchal de France qu ne demande qu’à en sortir »?

     Le 5 août 1873, un mois jour pour jour après l’entretien de Chambord, le comte de Paris se rend à Frohsdorf, résidence autrichienne de Henri V. Il est reçu avec joie, avec chaleur ; la fusion est accomplie. Nul doute que la monarchie ne se fasse. Le comte de Chambord qui, jusque-là, avait refusé d’accepter le drapeau tricolore, semble disposé à une transaction.

  • Alain Finkielkraut ou l’art de vivre selon la nuance…, par Bérénice Levet.

    Alain Finkielkraut en habit d’apparat le jour de son élection à l’Académie française, 28 janvier 2016. © JACQUES DEMARTHON / AFP

    Depuis Socrate, le devoir du penseur n’est pas de répéter la doxa du moment mais de la questionner. Sans cette liberté d’exprimer opinions et pensées, point de démocratie. C’est pourquoi le silence ou l’approbation des médias après le limogeage d’Alain Finkielkraut laisse présager un avenir bien sombre.

    3.jpgUn homme, en l’occurrence Alain Finkielkraut, se risque à remplir son office de penseur : plutôt que de ratifier les évidences et les certitudes du jour, plutôt que de communier avec les idées du moment, il les examine, les interroge, les inquiète, remonte la pente des sentiments, des jugements tout faits, et le voilà, à peine quelques heures après son intervention, « annulé », « effacé », « biffé » de l’émission de David Pujadas à laquelle il participait le lundi sur LCI depuis septembre. « Finkielkraut en liberté », telle était l’enseigne sous laquelle le philosophe intervenait et il avait la faiblesse de prendre au mot et au sérieux cette invitation. Il illustrait, en acte, ce que signifie penser librement. Mais c’était sans compter avec les esprits dits « éveillés », véritable tribunal des flagrants délits. Et ce soir-là, son intervention s’est muée en comparution et exécution immédiates – privé du droit minimum de la défense, le droit de répondre de ses propos, privé aussi de cette pièce à conviction qu’était l’émission elle-même, puisque, sans délai, elle fut rendue inaccessible par la chaîne.

     

    Comment un peuple réputé pour son art et sa passion de la conversation et de la dispute, peut-il subir sans broncher ce retour en force de la censure?

     

    Voici les mœurs sous lesquelles, à l’heure de la « cancel culture » et de la « woke culture », nous allons devoir nous accoutumer à vivre si nous ne réagissons pas. Or, même les médias amis du philosophe ont fait le choix de l’évitement, préférant renchérir sur le silence que la chaîne du groupe TF1 imposait à Alain Finkielkraut. « Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts », dit le comte de Bréville dans Boule de suif. Cette affirmation semble être la maxime commune de nombre de journalistes et intellectuels.

    Cette absence de réaction à l’éviction d’Alain Finkielkraut est préoccupante. On ne saurait s’y résoudre, et personnellement, je ne m’y résous pas. Je suis de ceux qui ont contracté une dette considérable à l’endroit d’Alain Finkielkraut et d’abord à l’endroit de La Défaite de la pensée(1). J’avais 17 ans et la lecture de ce réquisitoire contre le relativisme culturel, ce plaidoyer pour la pensée comme art de se quitter, de mettre entre parenthèses les évidences du moment, cette ode enfin aux grandes œuvres de l’esprit m’a à jamais réveillée et libérée. De ce jour, la découverte de la philosophie travaillant de concert en ce sens, j’ai mordu à la passion d’explorer, d’interroger, de comprendre. Allons-nous réellement priver les jeunes générations et celles à venir de cette vertu émancipatrice des paroles et des pensées discordantes et dissidentes ? Les incarcérer dans la prison du présent, sans levier pour soulever les dogmes qui les assaillent ? Nous contenterons-nous, en guise d’œuvres de culture et de pensée, de produits certifiés conformes à cette Table de la loi qu’est le « politiquement correct », tandis que les réfractaires trouveront refuge chez quelques vaillants éditeurs ou bien sur une seule chaîne de télévision, telle CNews aujourd’hui, sorte de réserve d’espèces en voie de disparition ? Il est encore temps de répliquer.

    Genou à terre

    Nous ne pouvons accepter de vivre dans une société terrorisée par quelques juges implacables sévissant au travers des réseaux sociaux, tartuffes victimaires, s’autorisant, pour prononcer leurs arrêts, de la cause des victimes – victimes de la civilisation occidentale dont le mâle blanc hétérosexuel catholique ou juif est la figure d’incarnation. Décoloniaux, féministes, militants LGBT, animalistes et autres activistes de la cause victimaire dessinent les cartes routières de la pensée, traçant les frontières du licite et de l’illicite, vouant quiconque se hasarde hors de ces lisières à la mort sociale et nous devrions plier ? Le genou à terre, au propre comme au figuré, s’impose comme la nouvelle posture morale : on bat sa coulpe, on présente des excuses, on sollicite le pardon. Les citadelles, notamment institutionnelles (musées, Opéra de Paris…), tombent les unes après les autres. L’intimidation marche à plein, la soumission s’étend. Quand on songe aux sarcasmes et au mépris dont on se plaisait, et dont on se plaît encore, à accabler le « bourgeois », gardien de l’ordre moral étatique et catholique !

    2.jpg

    Le dessinateur Xavier Gorce. © JOEL SAGET / AFP

    Certes, au temps de la « barbarie douce » (Jean-Pierre Le Goff), on ne fait plus boire la ciguë au philosophe, mais c’est malgré tout à une forme de mort qu’on le condamne s’il a la témérité d’être fidèle à sa mission, de se faire la mouche du coche de la Cité et de la société. L’éviction de Finkielkraut est la preuve confondante de ce que l’« éveil » exalté par les activistes de la woke culture n’est jamais que la prescription d’une grande cure de sommeil, et sans espoir d’en être extrait par quelque prince charmant puisqu’on les aura tous excommuniés et bannis.

    Et si le rire nous avait abandonnés, s’inquiétait Milan Kundera. Les indices en ce sens s’amoncellent : Xavier Gorce, l’un des dessinateurs du Monde, est lui aussi victime de l’inceste, si l’on peut dire, puisque, pour s’être aventuré sur ce terrain miné, il quitte une rédaction qui a choisi de se ranger du côté de ses procureurs. Et si la passion de penser, d’explorer, de soumettre au crible de la raison toutes les opinions reçues nous avait désertés ?

    Ce que nous nous laissons ravir, ce sont les fondements mêmes de notre civilisation, la civilisation occidentale, européenne née en Grèce, à Athènes, au Ve siècle avant Jésus-Christ. Nous sommes les héritiers de ce miracle grec, de cette ferveur, de cette ardeur qui a alors saisi les hommes et qui se retrouve à la Renaissance, puis avec les Lumières.

    Le devoir du penseur

    Penser, c’est renoncer à la tranquillité, c’est signer une sorte de pacte avec l’inquiétude, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire avec le non-repos. Que la pensée soit risque, et pour le philosophe et pour la Cité, nous le savons au moins depuis Socrate, mais c’est un risque que l’Occident et singulièrement la France ont longtemps pris, et avec délectation.

    « Que de questions je trouve à discuter dans celles que vous semblez résoudre », disait magnifiquement Rousseau à d’Alembert. Tel est le philosophe, et tel est tout penseur – l’étonnement et le questionnement sont à l’origine des œuvres, qu’elles soient picturales, musicales, littéraires ou philosophiques. Le penseur est ce taon auquel Socrate se compare, cette raie-torpille qui fait vaciller tous les repères de la certitude. « J’avais entendu dire, s’impatiente Ménon, comme nombre des interlocuteurs du philosophe, avant même de te rencontrer, que tu ne fais rien d’autre que de trouver partout des difficultés et d’en faire aux autres. » Telle est la fonction, tel est le devoir même du penseur.

    Telle est aussi sa légitimité. La prise de parole publique d’un intellectuel n’est légitime en effet – c’est ainsi qu’Alain Finkielkraut l’entend et nous avec lui – que si nous ne disons pas ce que tout le monde dit, et d’abord peut-être, si nous ne le disons pas dans les formes ou plutôt l’absence de formes aujourd’hui en usage. Et à cet égard, les interventions du philosophe dans l’émission de David Pujadas étaient exemplaires : les mots étaient choisis, précis, ciselés, l’argumentation, soigneusement articulée. L’exactitude ne renvoie pas qu’au titre d’un de ses livres(2), elle est pour Finkielkraut un impératif et une passion.

    Le philosophe réclame en outre, et sur ce point encore, nous avec lui, le droit de penser et de vivre « selon la nuance », expression de Roland Barthes dont il a fait sa devise.

    L’atmosphère est asphyxiante, et pour les penseurs et pour les lecteurs ou spectateurs traités avec condescendance, comme des enfants. Mais plus grave encore, sans doute : l’interdit dont les pensées dissidentes sont frappées ne peut conduire qu’à l’asservissement des esprits. Un seul discours diffusé et martelé à longueur d’ondes et de papiers, et c’est ainsi que, « tel l’arsenic » – l’analogie est judicieusement établie par Viktor Klemperer dans LTI, la langue du IIIe Reich, qui montre comment les idéologies s’emparent de nos esprits –, c’est ainsi, donc, que le discours pénètre peu à peu nos esprits, sans que nous y prenions garde et puis bientôt, « l’effet toxique se fait sentir », nous parlons tous la langue des victimes, des minorités, de la diversité et ne voyons plus d’autres réalités.

    Tyrannie de l’arrogance

    L’éviction d’Alain Finkielkraut est assurément un nouveau péril en la demeure de la liberté d’expression, cette liberté qui est un besoin pour la pensée, pour la vérité, pour le réel. La liberté d’expression est un droit de l’homme, mais non pas au sens tout narcissique que nous sommes venus à lui attacher, où seuls importent l’expression de soi, le droit de dire ce que l’on « pense », c’est-à-dire ce qui passe par la tête. Cette liberté ne nous intéresse guère, même si nous n’entendons ni la brider ni la réprimer. Lorsque nous n’avons rien à dire, lorsque nous ne pensons rien au sens fort du terme, nous ne souhaitons pas le faire savoir. Autrement dit, nous n’aspirons pas plus que Yasmina Reza à « libérer notre parole », qui n’est jamais qu’une invitation à délier l’expression du travail de mise en forme.

    Si l’on tient à parler le langage des droits de l’homme, disons que la liberté d’expression est un droit pour l’homme en tant qu’il aspire au Vrai, au Bien, au Juste et que, créature faillible, ne pouvant jamais prétendre les posséder de manière définitive et absolue, il a besoin de ce lieu où il pourra rendre publiques, exposer, soumettre à l’épreuve du jugement des autres hommes les pensées forgées dans le silence et la solitude. Là est le fondement de la revendication des hommes des Lumières de voir reconnu et établi le droit à « la libre circulation des pensées et des opinions », comme le disait, de manière autrement rigoureuse et incarnée que notre mantra de la liberté d’expression, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

    La première vertu de la conversation, civique comme amicale, avant même celle de conduire l’interlocuteur à réviser ses convictions, est d’obliger chacun à exposer ses raisons. Ce que, dans une lettre à Flaubert, George Sand énonce avec éclat : « ça ne fait pas qu’on se change l’un l’autre, au contraire, car en général on s’obstine davantage dans son moi. Mais, en s’obstinant dans son moi, on le complète, on l’explique mieux, on le développe tout à fait, et c’est pour cela que l’amitié est bonne, même en littérature. »

    Là se trouvent le fondement et la grandeur de la démocratie depuis Aristote : plutôt que de s’en remettre à un seul ou à un petit groupe, le régime démocratique convie au banquet le démos, le peuple – pour nous, au travers de ses représentants. Et, c’est ainsi que, de même qu’« un repas où les convives apportent leur écot est meilleur qu’un simple repas offert par une seule personne », la Cité sera d’autant plus équitablement réglée que les décisions y sont le fruit de la délibération en commun. Belle analogie que celle proposée par Aristote du repas pris en commun pour fonder la légitimité de la pluralité des opinions. Il est vrai que c’est un plat bien insipide que nous servent nos nouveaux « balayeurs » (Beaumarchais) en congédiant toute voix discordante. Bref, le démocrate est modeste, « il reconnaît qu’il a besoin de consulter les autres, de compléter ce qu’il sait par ce qu’ils savent », écrivait Albert Camus, dans un texte dont le titre nous semble destiné, « Réflexions pour une démocratie sans catéchisme ». Milton parlait, à propos des maîtres-censeurs, d’une tyrannie de l’arrogance. Nous y sommes.

    Nous, Français, avons à cet égard une sorte de devoir, nous qui, longtemps, avons incarné aux yeux du monde entier la liberté – « Il y avait cette pensée française, rappelle en 1946 Bernanos, partout confondue avec la liberté de pensée. » Comment un peuple réputé pour son art et sa passion de la conversation et de la dispute, peut-il subir sans broncher ce retour en force de la censure, aujourd’hui exercée par les tartuffes victimaires et accepter de voir l’homme rabougri, rétréci à la dimension de sa « race », de son « genre », de sa sexualité et peint en chétif animal dominé par « l’homme blanc » ? Comment le pays de Cyrano de Bergerac, capable de convertir une raillerie en un feu d’artifice d’images et de mots, peut-il flagorner ainsi une génération prétendument « offensée » ?

    L’Union soviétique avait contre elle le monde libre, un flambeau restait allumé rappelant la possibilité d’un autre monde et soutenant les dissidents de l’empire communiste. La France a les ressources pour être ce flambeau. Pour ne pas devenir tout à fait américains, comme dirait Régis Debray, nous avons notre histoire. Souvenons-nous de qui nous sommes ! Souvenons-nous de la fière réplique de Rabaut Saint-Étienne en 1789 : « Nation française, tu n’es pas faite pour recevoir l’exemple, mais pour le donner.»

     

  • Grandes ”Une” de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (3/4)...

    ...Après que les Camelots du Roi l'eurent délivré de la Prison de la Santé, Léon Daudet se réfugia en Belgique. Le Royaume lui accorda l'asile, contre la promesse de ne pas mener depuis ce pays une action politique, qui eut pu embarrasser diplomatiquement le gouvernement. Voila pourquoi, comme nous l'avons vu vendredi dernier, lorsque Daudet prononça une conférence à Spa, le samedi 20 août 1927, le journal du lendemain en rendit compte, évidemment, mais d'une façon très discrète et volontairement "diplomatique" (!).

    Mais l'exil dura... vingt-neuf mois !

    Et Léon Daudet, comme Jacques Bainville et Charles Maurras, écrivait chaque jour un article, en première page, pour le journal : comment l'article quotidien arrivait-il, donc ? : voici la réponse, pour commencer, et, ensuite et surtout l'article des "vingt ans du Journal", puisque le premier numéro de L'Action française quotidienne parut le jour du printemps, le 21 mars 1908. Pour le vingtième anniversaire, en 1928, Daudet était encore en exil...

    Les deux documents que nous vous présentons ici sont tous deux tirés de notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet (321 photos)

    Voici donc la "Une" du jeudi 22 mars 1928, dans laquelle l'article de Daudet, intitulé logiquement et sobrement "Les vingt ans de l'A.F. quotidienne", occupe l'intégralité de la première colonne de gauche, et la moitié de la deuxième... Il y avait plusieurs éditions du journal, avec  parfois des rajouts possibles, comme on pourra s'en rendre compte si l'on compare le texte que nous publions, plus long que celui que l'on voit ici...

    1AA.jpg

    Précédents :

    • Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (1/4)...

    • Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (2/4)...

    À suivre :

    ce vendredi 1er juillet : le retour triomphal de "Léon" à Paris...

     

     

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

     

    lfar espace.jpg

     

    1A.jpg

    lfar espace.jpg

     

    Première photo : Et, chaque jour, l'article de Daudet arrivait...

    1A.jpg

    De "L'action française racontée par elle-même", d'Albert Marty, pages 277/278 :

    "...Quatre-vingt mille hommes cherchaient partout Léon Daudet. Il était signalé dans tous les coins de France. On ne le trouvait jamais.
    Mais chaque jour, à la "grande colère des dindons", son article arrivait rue de Rome et paraissait dans "L'Action française".
    Le secrétaire de la rédaction, Bernard Denisane, pilote remarquable (il fut pendant la guerre de 1914-1918 un des grands as de l'aviation de bombardement) mais aussi spirituel chansonnier bien connu sous le pseudonyme de Jabon, indiquait, d'une façon humoristique, comment il l'avait reçu :
    "Par fil spécial, par pigeon voyageur, par téléphone (standard clandestin), par T.S.F. (transmission sans facteur), par télégraphe Chiappe, par le cabinet noir, par sphérique, par signalisation optique, par le vaguemestre des brigades centrales, par la voie ordinaire, par tous les moyens, par la valise diplomatique, par notre souterrain, "Pedibus cum jambis", par l'huissier du Parquet général, par cornet accoustique, par télépathie, via Malte et Singapour, par la tangeante, Namur via Larache, par sismographe, par catapulte, tombé dans notre cheminée, attaché aux basques d'un hambourgeois de planton devant l'A.F., par le courrier de Lyon, par la malle des Indes, aux bons soins de Z... notre ami bien connu, sur l'aile du zéphir, par la voie lactée, via London (Géo)..."

     

    Deuxième photo : l'article des "vingt ans du journal"...

    1AA.jpg

    "Cette année l’A.F. quotidienne a eu ses beaux vingt ans, ayant été fondée, le 21 mars 1908, avec de bien petits capitaux, mais de bien grandes bonnes volontés.
    Nous sommes partis, si j’ai bonne mémoire, avec quelque chose comme 287.000 francs, qu’administrait Bernard de Vesins.
    Notre local, que nous avions eu du mal à dénicher, était situé 3, rue de la Chaussée-d’Antin, tout en haut de l’immeuble attenant au Vaudeville.
    Arthur Meyer nous accordait généreusement six mois d’existence; son collaborateur Teste-au-tromblon - rien de commun avec celui de Valéry - trois mois; Ernest Judet, de la grande Eclair, quinze jours.
    Robert de Boisfleury assurait le secrétariat de la rédaction. Bainville faisait le compte rendu de la Chambre.
    Maurras, en dehors de ses articles, assurait une rubrique toute nouvelle, la Revue de la Presse, qu’il signait Criton. Vaugeois était directeur politique. J’occupais la fonction de rédacteur en chef.
    Jules Lemaître devait donner un entretien sur son adhésion au royalisme dans notre premier numéro, à l’imprimerie, rue du Croissant.
    C’est à peine si nos confrères parisiens signalèrent l’apparition de notre journal, considéré comme un phénomène, parce qu’il combattait la démocratie et affirmait la nécessité de restaurer la monarchie, et avec elle l’équilibre européen, que nous considérions comme gravement menacé.
    À peine, paraissions-nous depuis un mois que l’on racontait que de graves querelles avaient éclaté entre Maurras et moi; et je dois dire que ce bobard, du type "désir pris pour une réalité", fut renouvelé de six mois en six mois, pendant quinze ans, pour cesser brusquement en 1923.
    Il me manque beaucoup, ce bobard, ainsi que cet autre, d’après lequel, comme administrateur d’une société danubienne, j’aurais fait de fortes pertes en Bourse !
    Ce qui est précisément remarquable, c’est que les comités directeurs de l’A.F. aient vécu pendant vingt ans dans un contact journalier, au milieu de vicissitudes de toutes sortes, sans le moindre dissentiment sérieux. Cette union, que l’on peut dire indissoluble, est à l’origine de nos succès et est le signe de notre victoire certaine.
    Car, en vérité, ce qui nous reste à réaliser, PAR TOUS LES MOYENS LÉGAUX ET ILLÉGAUX, est peu de chose vis-à-vis des tours de force que l’A.F. a déjà réussis et dont le plus rare est cette unanimité dans la détermination et dans l’action. En effet, vingt ans c’est un laps; et quelles années, celles du cycle de la guerre, de ce qui l’a précédée et suivie !…
    Je ne sais s’il y a beaucoup d’exemples d’amitié aussi enracinée que la nôtre, que les nôtres, aussi ardentes et vigilantes dans une lutte, on peut le dire, de tous les instants.
    Pour qu’il y ait union à la périphérie, il faut qu’il y ait union au centre et c’est ce qui s’est produit.
    Notre groupe initial a subi deux pertes irréparables: Vaugeois et Montesquiou. Nous les avons pleurés ensemble et cela a créé un lien de plus entre les survivants.
    La guerre a fauché dans les rangs de nos jeunes amis; mais Maurras a écrit "Tombeaux" pour empêcher, autant que faire se peut, leur mémoire de s’affaiblir, puis de s’éteindre; et un homme d’Etat, un poète, un écrivain n’est vraiment fort et digne de commander aux autres que s’il se mesure avec le temps, avec l’oubli, la poussière et la Cendre.
    Elever des autels au patriotisme et à l’amitié, au sacrifice, au dévouement, au devoir, tel fut, pendant et après la guerre, le travail herculéen - au sens mythologique du mot - de Charles Maurras.
    Ce qu’il y a de plus curieux dans l’histoire de notre collaboration, c’est que nous sommes venus nous grouper autour de Maurras de points très différents de l’horizon.
    Nous nous sommes rassemblés, vers le milieu de la vie normale, dans cette certitude que, seule, la monarchie capétienne pouvait sauver notre pays des abîmes où l’entraînait la démocratie; nous avons eu - je le dis sans fausse modestie - le mérite de comprendre que nous devions mettre de côté toute mesquinerie, tout enfantillage, tout esprit de rivalité, ou même de simple personnalisme, pour courir, comme on dit, droit au but.
    Nous ne sommes pas tombés dans l’erreur des chefs chouans qui, sans leurs querelles, l’auraient emporté de haute lutte.
    Nous avons banni entre nous tout dissentiment, réfréné tout accès de mauvaise humeur.
    Les gens qui nous observent du dehors, avec les lunettes ordinaires de l’esprit de parti ne peuvent pas comprendre cela. Ainsi s’expliquent tant de méprises récentes, couronnées de découvertes exemplaires.
    On avait négligé de se documenter au préalable, autrement que dans des rapports de police.
    Mais comment se documenter sur le potentiel moral d’un groupement comme le nôtre et trempé, on peut le dire, par des épreuves aussi exceptionnelles.
    J’ai connu et fréquenté des milieux très divers, de lettres, de politique, de médecine, d’art.
    Je n’ai jamais rien vu qui ressemblât, de près ou de loin, à l’A.F., à cette essence mystérieuse qui fait que, même éloigné de mes amis, je les vois, je les entends, je sais ce qu’ils discutent, ce qu’ils décident, en étant sûr de ne pas me tromper.
    Quand je les retrouve, les uns et les autres, après quelques jours ou quelques semaines de séparation, je vérifie, nous vérifions en riant l’exactitude de mes conjectures.
    Mais notre plus grand sujet de divertissement, c’est l’idée baroque que se font, de nos relations et de notre intimité, d’importants ou d’augustes personnages, s’imaginant qu’on manœuvre des hommes de lettres et des hommes d’action, nés en France de parents français, il y a déjà un certain nombre d’années, comme des "bleus" dans la cour d’un quartier d’infanterie :
    "Eh ! là-bas, numérotez-vous, quatre !… Maurras, sortez !… Vesins, rentrez !.., Daudet, Pujo, Moreau, appuyez à gauche !… Bainville, un peu plus à droite, mon garçon… Larpent, vous aurez quatre jours… Pas de réplique, ou ça sera six !... etc."
    Nous ne sommes pas plus un patronage, ni un conseil de fabrique, ni une "bonne œuvre" que les Camelots du Roi ne sont des scouts, ni des groupements de bons jeunes gens.
    Nous sommes un vaste rassemblement, on peut bien dire UNE ARMÉE, de trois générations d’hommes résolus qui avons fait le serment de débarrasser le pays, à l’heure choisie, d’un régime imbécile et meurtrier.
    Cela, il est bon de le répéter de temps en temps, par tous les moyens, LÉGAUX ET ILLÉGAUX. Voilà. C’est ainsi.
    Donc personne, au début, ne nous a aidés, dans ce qu’on appelle la grande presse, et qui n’est, en fait, qu’une presse de faits divers et de communiqués gouvernementaux.
    Au contraire, on nous combattait sournoisement.
    Ceci nous mettait bien à l’aise pour parler librement de tout et de tous.
    En 1909 se groupent autour de Maxime del Sarte, de Plateau et de Lacour, et sous la direction de Pujo, les Camelots du Roi, agréablement plaisantés sous le nom de Camelots du "Roy" par les salonnards, ces imbéciles de tous les temps, et les républicains. Cette organisation modèle fait des progrès rapides. De grandes manifestations patriotiques, des journées de prison, des mois, des années de prison, le culte public de Jeanne d’Arc imposé au régime antifrançais, des procès incessants, nos avertissements répétés quant à une menace de guerre allemande, que nous disons et savons imminente et que le gouvernement déclare illusoire, mettent, en quatre ans, notre journal au premier plan de l’opinion.
    La multiplication des ligueurs par le quotidien rallume le royalisme là où il préexistait, le fait germer et fructifier là où il n’existait plus. On sait maintenant la profondeur des racines d’A.F., dont je parle avec d’autant plus d’objectivité que j’y ai été pour fort peu de chose.
    Chez nous, les fonctions, emplois, "honneurs" extérieurs ne comptent pas. Ce qui compte, c’est l’appoint de chacun à l’œuvre commune, c’est le dévouement à la cause.
    Avant la date du 31 juillet 1914, qui sonna le tocsin de la Patrie et le glas de tant des nôtres, la plus vive allégresse d’action, la meilleure humeur du monde, ne cessèrent de régner dans nos bureaux.
    Nous combattions la canaille républicaine et parlementaire en riant, en nous fichant de ces fantoches tant que nous pouvions. Un entourage de jeunesse conserve jeunes ceux qui en bénéficient.
    Ce qui nous divertissait le plus, c’était l’hésitation des ministres et gens en place, pris entre la crainte de nous faire de la publicité, en sévissant contre nous, et celle de nous laisser avancer, en ne sévissant pas.
    La loi sur la presse, œuvre des républicains, se retournait contre eux, en les empêchant de nous supprimer. Ils s’y prirent de toutes les façons pour essayer d’arrêter notre tir et d’enclouer nos canons. Ils ne réussirent à rien du tout.
    La guerre faucha, certes, beaucoup des nôtres, toute une génération où nous avions des prises très importantes.
    Mais, annoncée par nous dans les lignes mêmes où elle se produisit, elle vérifia et justifia tout ce que nous avions prédit, tout ce que nous avions dénoncé, toutes nos accusations de fond.
    Ainsi furent précipités dans nos rangs, à partir de 1919, toute la génération suivante, puis toute la génération post-suivante. Beaucoup de jeunes gens nous amenèrent leurs parents.
    A l’heure où j’écris, aucun mouvement politique ne saurait faire la pige au nôtre; tout ce que l’on a tenté contre nous a tourné à notre avantage.
    Sans doute la police politique, que nous devions rencontrer au dernier tournant de notre offensive, a-t-elle réussi, avec le concours de la trahison, le triple assassinat de Plateau, du petit Philippe et de Berger.
    Mais elle a attisé notre volonté de délivrer la Patrie par celle de venger nos martyrs.
    Il faut bien que chacun se dise, d’abord que nous avons conscience de notre force, qui est considérable et augmente sans cesse, ensuite que, sur le chapitre essentiel de la Patrie, nous n’avons jamais cédé et nous ne céderons pas, ni d’une ligne, ni à personne.
    Enfin, en ce qui me concerne, j’ai perdu un fils chéri dans la bagarre, un innocent enfant qui n’avait fait de mal à quiconque, et j’entends que cet enfant soit vengé.
    Je suis certain, nous sommes certains, que deux heures après la réussite de notre entreprise, nous recevrons les adhésions les plus touchantes et les plus consolantes de ceux qui nous auront le plus vilipendés et qui auront fait le plus de vains efforts pour nous entraver.
    La nature humaine est ainsi faite, et j’ai souvent cité le mot de ce pauvre Ignace, parlant des magistrats de la Cour de cassation :
    "C’est étonnant, ils n’ont plus d’avancement à attendre, et ils sont les plus serviles de tous".
    Cela s’explique par de mauvaises habitudes de rampement, prises le long du cursus honorum.
    Mon père disait aussi, avec beaucoup de sens, "les corps constitués sont lâches", et il avait mis ce mot dans la bouche d’un des personnages de l’Immortel.
    La doctrine politique de Maurras enseigne précisément à ne jamais plier l’échine devant le mensonge et l’injuste oppression."

     

  • Vers le krach du siècle, l’explosion du Système et l’hyper-inflation, par Marc Rousset

     

    L’arbre qui cache la forêt en matière de crise systémique, c’est ce que l’on peut lire, voir ou écouter tous les jours dans les médias lorsqu’ils traitent des problèmes de l’inflation, des taux des banques centrales, de la situation des banques, des taux de croissance. Nous ferons un bref rappel de ces questions avant de nous intéresser au problème fondamental de l’hyper-endettement et à différentes annonces de crise systémique à venir par plusieurs économistes de renommée internationale.

    Christine Lagarde, une pure juriste sans formation économique, très habile politicienne, d’origine normande au sens propre et figuré, ne se « mouille » pas trop en nous promettant une « instabilité » accrue avec des « chocs répétés » dans les années à venir. Afin de combattre l’inflation en Europe, la BCE va de nouveau augmenter très probablement les taux d’intérêt de 0,50 % en mai, après les avoir déjà augmentés de 3,50 % depuis juillet 2022. Selon Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, « il est clair que de nouvelles hausses de taux sont nécessaires, mais l’ampleur de ces hausses dépendra des données à venir ».

    MARC ROUSSET.jpgLes investisseurs gardent un œil inquiet concernant les perspectives économiques aux États-Unis et en Europe, suite aux incertitudes sur les banques, l’inflation et la croissance à venir. Aux États-Unis la croissance s’est effondrée au premier trimestre 2023 en passant de 2,6 % à seulement 1,1 %. En France, la croissance au premier trimestre n’a été que de 0,2 % tandis que l ‘Allemagne stagne, échappant de peu à la récession. Les pertes latentes dans les actifs des banques et des assureurs, essentiellement sous forme de baisse du prix des obligations car il y a très peu de cadavres boursiers jusqu’à ce jour, suite aux augmentations des taux d’intérêt, sont aussi très préoccupantes ; rien que pour les compagnies d’assurance en France, elles s’élèvent à 438 milliards d’euros.

    Aux États-Unis, les taux d’intérêt étant plus élevés qu’en Europe, il est probable que la Fed augmentera les taux de 0, 25 % seulement en mai, pour les porter à 5 – 5,25 %, tout en annonçant la fin de la hausse des taux, afin de rassurer les investisseurs et le Système. Les taux pourraient même ensuite rebaisser en cas de menace de trop grande dépréciation des obligations à l’actif des bilans, ce qui pose de graves problèmes aux banques régionales américaines, ou en cas de forte récession de l’économie américaine. Il faut entre 18 et 24 mois pour connaître les effets d’une hausse des taux sur l’économie.

    Les banques inquiètent davantage aux États-Unis qu’en Europe. La banque américaine First Republic, 14e banque du pays, est au bord du précipice, avec des retraits de plus de 100 milliards de dépôts pour ne laisser plus que 75 milliards dans les coffres, malgré une aide de 30 milliards d’un pool de grandes banques américaines menées par JP Morgan. L’action a encore plongé vendredi de 43 % pour finir à 3,51 dollars, soit une valorisation de la banque à 654 millions de dollars, alors qu’elle valait plus de 40 milliards en novembre 2021 ; la situation de cette banque est désespérée ; le problème de son sauvetage par la FDIC, l’agence américaine en charge de garantir les dépôts bancaires est posé, avec un dilemme : va-t-elle sauver tous les dépôts, y compris ceux au-delà de 250 000 dollars, comme cela été pratiqué pour SVB et Signature Bank, alors qu’elle n’en a pas le droit ! Mais si la FDIC ne rembourse pas finalement tous les dépôts sans exception aucune, cela pourrait très rapidement déclencher une panique bancaire aux États-Unis pour les banques moyennes et petites ! Sur le plan macro-économique, la hausse des taux d’intérêt ainsi que ces trois récentes faillites bancaires ont conduit à un durcissement des conditions des prêts bancaires, ce qui fragilise l’économie américaine.
    Selon Warren Buffet, « les faillites bancaires ne sont pas terminées ». La garantie des dépôts par le gouvernement américain au-delà de 250 000 dollars est très probable en cas de panique, mais elle n’est pas officielle et garantie. Le rétablissement souhaité par Biden d’une surveillance accrue pour les petites banques dont les actifs atteignent entre 100 milliards et 250 milliards de dollars, suite à l’erreur de Donald Trump qui les a exemptées des règles et ratios financiers de Bâle, contrairement aux banques importantes, va dans le bon sens.

    Le sentiment dominant sur les marchés est que les cygnes noirs en matière bancaire vont momentanément regagner leurs tanières, d’autant plus que les banques centrales sauront s’arrêter ou revenir en arrière pour les taux d’intérêts, malgré l’inflation, si cela devait engendrer de trop nombreuses faillites bancaires. Le secteur bancaire européen a connu cependant encore, ce vendredi 28 avril, des regains de tensions avec la banque britannique Natwest qui a fait état d’une baisse de 20 milliards de livres (22,7 milliards d’euros) de ses dépôts au premier trimestre. Le Système n’a pas les moyens aux États-Unis, comme en Europe, de couvrir l’ensemble des dépôts en cas de panique totale et de perte de confiance.
    Le danger de l’explosion du système bancaire est donc toujours là, mais en apparence sous contrôle car les banques centrales veillent comme le lait sur le feu, avec des réactions immédiates et très rapides, ce qui fut le cas pour Crédit Suisse. Mais le problème de l’hyper-endettement, lui, peut devenir très rapidement hors de contrôle, tel un tsunami qui ravagerait tout sur son passage, toutes les banques s’écroulant alors, les unes après les autres, comme un château de cartes !

    JP Morgan considère comme « cataclysmique » à juste titre la combinaison de la hausse des taux, de la crise des dettes publiques et de l’hyper-endettement tous agents confondus. Financer en 2023 un nouveau plafond de la dette publique américaine actuellement à 31 400 milliards de dollars qui représente 121 % du PIB, ce n’est pas la même chose à 5,1 % qu’à 1 %. En France, comme l’a souligné Villeroy de Galhau, le Président de la Banque de France, toute augmentation de taux d’intérêt de 1 % représente au bout de 10 ans, une charge supplémentaire d’intérêts de 39 milliards d’euros. Pour un taux normal historique à long terme de 6 %, cela représenterait donc environ 240 milliards d’euros de charges d’intérêt à terme, au bout de 10 ans, soit environ 80 % du des recettes du budget régalien de l’État (environ 300 milliards d’euros). Autant dire que la messe est déjà dite, que ce serait l’explosion et la faillite assurée pour la France ! À fin 2022, l’endettement de la France représentait 111,6 % du PIB.

    La dette de l’État italien est encore plus pharaonique (135 % du PIB) que la dette française. Le montant d’intérêts que l’Italie doit verser chaque année atteint 3,5 % du PIB. Le taux italien d’emprunt à 10 ans est déjà à 4,27 % ! Ce taux n’est donc déjà plus supportable pour les finances du pays, sauf si la BCE continue à acheter la dette italienne dont elle détient actuellement 31 % du stock.
    Bruno Le Maire et tous les gouvernements européens affichent sans vergogne une baisse en trompe-l’œil de la dette publique. L’endettement diminue en pourcentage du PIB grâce à l’inflation qui gonfle le PIB d’une façon artificielle, tandis que les déficits s’accroissent pour de bon en raison des boucliers énergétiques. Macron est resté ferme pour les retraites car sans cette réforme qui marque l’esprit des investisseurs, la note de la France aurait été encore plus dégradée, ce qui aurait signifié un taux d’emprunt encore plus élevé. Cela n’a pas empêché cependant l’agence Fitch, suite aux manifestations et au mécontentement social, de dégrader la note de la France à « AA – » avec « appréciation pessimiste ».

    La France avec un déficit de – 6,1 % du PIB au quatrième trimestre 2022, 53,5 % du PIB de dépenses publiques, 44,4 % du PIB de prélèvements obligatoires, n’est pas un pays sérieux depuis 40 ans ! Pour l’instant, le taux à 10 ans payé par la France est de 3,03 %, avec des projections à 3,4 % pour 2027, si les vents sont très favorables, ce qui n’est pas du tout certain ! De plus selon le FMI, la France est le seul pays incapable réduire régulièrement son déficit public pour le faire passer sous la barre des 3 %. La France devrait théoriquement atteindre en 2028, un taux d’endettement de 115 % du PIB. Dans le cadre d’une réforme de la zone euro, l’Allemagne exige des règles de désendettement strict (une réduction d’un point de PIB par an) que la France, structurellement insouciante et gaspilleuse, est incapable de mettre en œuvre, ne faisant rien pour combattre l’immigration ruineuse et suicidaire, ni pour diminuer le nombre de ses 2 millions de fonctionnaires en trop.

    Selon l’économiste américain Peter Schiff, la plus grande crise financière de mémoire d’homme se précipite vers nous ; sauve qui peut car un Méga-Krach avec une inflation à 2 chiffres se profile à l’horizon. Le choc sera d’une plus grande envergure qu’en 2008. Au moment de l’effondrement des « subprimes » en 2007, les décideurs affirmaient également qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. L’argent n’est plus en sécurité dans une banque car soit votre banque fera faillite et vous perdrez votre argent, soit votre banque ne fera pas faillite parce que votre gouvernement se portera garant pour elle. Dans ce cas, votre argent perdra son pouvoir d’achat. Quoi qu’il en soit, vous devriez mettre votre argent à l’abri dès maintenant. Mais ne le placez pas sous votre matelas, car il y perdra également son pouvoir d’achat. Vous devriez donc, toujours selon Peter Schiff, le convertir en actifs durables ou en or physique.

    L’analyste suisse internationalement reconnu Egon von Greyerz estime aussi qu’un méga krach est inévitable. Les banques centrales ont pris l’habitude de faire face à chaque crise en imprimant de l’argent. L’émission incontrôlée d’argent et l’accumulation de montagnes de dettes, à des niveaux jamais atteints auparavant, se terminera inévitablement par un énorme effondrement. Les actifs des marchés financiers perdront jusqu’à 70 % de leur valeur et certains deviendront même totalement sans valeur.
    Selon Jacques Attali, une immense crise financière menace. À moins d’agir vite, elle frappera probablement au cours d’un été, à partir de cette année 2023 incluse. Et si, par procrastination générale, elle est reportée, elle n’en sera, plus tard, que plus sévère. Nous avons tout pour la dominer vraiment, à condition de comprendre que c’est tout notre modèle de développement qui est en cause. La crise se déclenchera, comme beaucoup d’autres avant elle, dans la deuxième quinzaine d’un mois d’août : comme en 1857, en 1971, en 1982 et en 1993, sans pouvoir prédire l’année exacte.

    Dans une interview accordée à CNBC, Patrick Carroll, PDG de la société d’investissement immobilier Carroll, prédit que le marché immobilier se retournera d’une façon désastreuse dans les prochaines années, car d’énormes quantités de dettes hypothécaires commerciales arrivent à échéance. La Banque Morgan Stanley alerte aussi sur l’immobilier commercial aux États-Unis en disant que ce sera pire que lors de la grande crise financière de 2008. Les économistes de Morgan Stanley sonnent l’alarme à propos du risque que représente l’immobilier commercial, entrevoyant des difficultés à venir en matière de refinancement.

    Quant au journaliste financier américain John Rubino, il prévoit l’éclatement de la bulle des milliers de milliards de dollars des produits dérivés. On assistera soit à des faillites massives, soit à un gonflement mondial supplémentaire des monnaies ; c’est aussi simple que ça ! 2023 sera une année passionnante car il nous sera possible de savoir dans quel type de crise nous nous trouvons. Si nous continuons à augmenter les taux d’intérêt, nous aurons une dépression déflationniste, comme dans les années 1930. Sinon nous aurons une hyperinflation comme sous la République de Weimar, en cherchant à sortir de nos problèmes de dettes par l’inflation.

    L’économiste américain Michael T Snyder estime aussi qu’on ne peut pas ignorer les signes avant-coureurs de la tempête qui se prépare. Ces dernières années, les investisseurs ont été gâtés par les banques centrales. Les marchés ont été inondés d’argent liquide et c’est de cette façon que des indices comme le Dax, Nasdaq et le S&P 500 ont constamment atteint de nouveaux sommets, alors que les crises ne manquent pas. Un sondage CNBC a révélé que les Américains « n’ont jamais évalué les perspectives économiques de manière aussi négative ». Ceci est effrayant car même à l’époque de la crise financière de 2008/2009, les Américains étaient beaucoup plus optimistes quant à l’état de l’économie.
    Selon Ray Diallo, le fondateur de Bridgewater Associates, les niveaux d’endettement sont devenus insoutenables. Les dettes augmenteront tellement que les banques centrales devront les acheter. Les taux d’intérêt sont suffisamment élevés pour lutter contre l’inflation et fournir aux prêteurs des rendements réels adéquats, mais ils sont insupportablement élevés pour les emprunteurs-débiteurs. Le système devra donc subir de grandes restructurations sous le poids de la dette. Nous allons tout droit vers une contraction économique.

    L’économiste le plus pessimiste et alarmiste est Harry Dent, fondateur de HS Dent Investment Management et auteur de plusieurs livres à succès. Le plus grand krach de notre vie « va se produire entre aujourd’hui et la mi-juin 2023. Il ne s’agira pas en fait d’une correction importante, mais d’un krach majeur que vous n’avez jamais vu de votre vivant ». Le plus grand krach qui se prépare est celui qui aurait dû avoir lieu en 2008-2009, notant que le S&P 500 avait chuté de 57 % à l’époque. Environ un an et demi après le début de ce krach, les banques centrales sont intervenues et ont commencé à imprimer de l’argent à des rythmes sans précédent. Cette récession n’a donc pas vraiment réussi à éliminer la plus grande bulle d’endettement de l’histoire. Plus précisément Dent s’attend à un effondrement de 86 % pour le S&P 500 et de 92 % pour le Nasdaq. Il anticipe aussi une chute du Bitcoin à 95 % pour atteindre les 4000 $ par BTC.

    Ma vision défendue depuis plus de 5 ans sur Boulevard Voltaire et Riposte Laïque est très proche de ce que disent tous les économistes cités ci-dessus. Nous pensons pour notre part comme Jacques Attali que tout peut arriver à partir d’août 2023, sans pouvoir dire si ce sera 2023, 2024 ou 2025. Il ne faudra pas cependant attendre les calendes grecques ; il suffira d’un gros cygne noir quelconque, d’un événement politique, économique, financier, bancaire, géopolitique, social imprévisible pour mettre le feu aux poudres.

    Il semble que pour l’instant les cygnes noirs économiques et bancaires aient regagné leurs tanières, mais la crise à venir est latente et inéluctable. J’ai la certitude absolue que le quinquennat Macron se terminera dans le chaos économique, social, sociétal et économique, avec une révolution conservatrice possible à la clé, soit par les votes, soit par la rue. La France vit sur un baril de poudre et ne l’aura pas volé, suite à notre lâcheté qui consiste à nier le réel pour tous les problèmes, à ne pas réagir dans la rue par millions sur les Champs-Elysées et dans toutes les grandes villes françaises lorsque l’on assassine nos enfants au Bataclan, lorsque l’on voit notre pays se faire envahir tous les ans par 500 000 extra-européens de plus ! Pour les retraites à 62 ans et travailler moins longtemps que la plupart des autres pays européens, il y a par contre beaucoup de monde dans la rue ! Les réalités, comme le cours de l’or, finissent toujours par se venger un jour !

    Je crois, sur le plan économique et monétaire, à l’explosion inéluctable de la zone euro, aux très fortes dévaluations successives à venir après un retour forcé au franc, bref au schéma final République de Weimar pour la France, avec les billets que l’on utilisait en 1923 pour tapisser les murs en Allemagne ! Seuls l’or et les actifs réels détenus en dehors du Système bancaire apporteront une garantie efficace et certaine aux Français lors du méga-krach à venir. Il n’est pas étonnant que les économistes et conseillers de gestion recommandent de plus en plus l’or physique pour diversifier les investissements des particuliers. La banque suisse UBS prévoit que l’or, malgré les hausses d’intérêt et des replis techniques passagers, atteindra bientôt les 2100 $ l’once !

    Marc Rousset

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : aux origines des représentants actuels de notre Famille de France...

    1640 : Naissance de Philippe, second fils de Louis XIII, à l'origine des représentants actuels de la Famille de France... 

     

    Louis XIII et Anne d'Autriche n'auront que deux enfants - mâles - et encore, après 23 et 25 ans de mariage : Louis Dieudonné - le futur Louis XIV - en 1638, et son frère cadet, Philippe, né deux ans plus tard, en 1640.

    Ce dernier est à l'origine de l'actuelle Famille de France, couramment appelée "d'Orléans" mais, évidemment, aussi "Bourbon" que les descendants de Louis XIV, ce que certains ont tendance à oublier...

     1A.jpg1. C'est à partir de la fin du XVIème siècle que l'on prit l'habitude d'appeler "Monsieur" le frère du Roi, ou l'aîné de ses frères : aussi Philippe devint-il "Monsieur" en 1660, à la mort de son oncle Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Il épousa d'abord, en premières noces, Henriette d'Angleterre, la fille du roi Charles 1er (le roi décapité, dont le très beau portrait, acheté par Louis XVI - qui devait l'être quelques années plus tard... - fit ainsi son entrée dans les collections royales, donc, plus tard, au Louvre...).

    "...Elle devint catholique en 1661 (à 17 ans, ndlr) et épousa la même année Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV... Louis XIV la chargea en 1670 d'une mission secrète en Angleterre, auprès de son frère Charles II, qu'elle réussit à détacher de l'alliance hollandaise (traité de Douvres, 1670). Peu après son retour en France, elle mourut presque subitement, après avoir bu un verre d'eau de chicorée, et il est possible qu'elle ait été empoisonnée... (Michel Mourre).

    Elle n'avait que 26 ans : c'est pour elle que Bossuet prononça sa célébrissime oraison funèbre (extrait) : 

    "...Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s'il faut des coups de surprise à nos coeurs enchantés de l'amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d'un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le coeur de cette princesse. Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le Roi, la Reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l'accomplissement de cette parole du prophète : le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d'étonnement.
    Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain Monsieur, en vain le Roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements. Alors ils pouvaient dire l'un et l'autre, avec saint Ambroise : Stringebam brachia, sed jam amiseram quam tenebam : "je serrais les bras ; mais j'avais déjà perdu ce que je tenais"..."

     

    Un an après, en 1671, Philippe épousa Charlotte-Élisabeth de Bavière, dite la princesse Palatine :

    "...Au milieu de la cour de Versailles, elle se singularisa par son esprit incisif et sa rude franchise, qui la firent redouter de beaucoup..." (Michel Mourre). 

    Louis XIV l'aimait beaucoup, et appréciait justement, chez elle, sa spontanéité, son esprit et sa franchise. À la suite des Traités de Westphalie (1648), Charle-Louis de Simmern - dont Charlotte était la soeur - recouvra le Palatinat rhénan (en fait, la rive gauche du Rhin, de l'Alsace jusqu'aux portes de Bonn) et le titre d'Électeur du Saint-Empire. Lorsqu'il mourut, sans enfant, Louis XIV revendiqua le Palatinat pour le duc d'Orléans, son frère, mari de la princesse Palatine, soeur du défunt souverain. Le Dauphin conquit le Palatinat en moins de deux mois, mais la coalition de l'Europe, dans la Ligue d'Augsbourg, nous empêcha de le "réunir" au royaume : la Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689/1697), s'achevant par les Traités de Ryswick (1697), obligea Louis XIV à restituer le Palatinat et les autres "réunions", mais nous conservait cependant, et définitivement, l'Alsace. Louis XIV aurait-il réussi dans son entreprise, les villes de Trèves, Mayence, Coblence... seraient, aujourd'hui, des villes françaises...

    Comme Henriette d'Angleterre, première épouse de "Monsieur", la princesse Palatine eut trois enfants de lui : elle fut la mère du duc d'Orléans, le futur Régent, qui sera le deuxième de la lignée...

    Philippe avait de réels dons de stratège : "...Il se distingua en Flandre et aux Pays-Bas, dans les campagnes de 1667 et 1672, battit le prince d'Orange à Cassel (1677, voir l'Éphéméride du 10 avril, ndlr) et amena la prise de Saint-Omer; ses succès excitèrent la jalousie de son frère, qui ne lui donna plus de commandement. Il protesta en vain contre le testament du roi d'Espagne Charles II, qui, en appelant au trône Philippe, duc d'Anjou, le frustrait des droits qu'il tenait de sa mère Anne d'Autriche sur la couronne espagnole" (Michel Mourre). Faut-il voir dans cette double "déception" le début d'une faille entre les deux branches des Bourbons "de France", qui devait aller en s'élargissant, jusqu'aux conséquences épouvantables que l'on devait voir ?...

     

     1A.jpg2. Bon général, comme son père, Philippe - fils de "Monsieur" et de la princesse Palatine - "se distingua au siège de Mons (1691), à la prise de Namur (1692), fut blessé à Steinkerque et déploya tant de bravoure et d'habileté à Neerwinden (1693) qu'il fit ombrage à Louis XIV et fut quelque temps éloigné des armées. En 1706, on lui rendit cependant un commandement en Italie, puis en Espagne, où il soumit l'Aragon, la Catalogne et prit Lérida (1707/1708). Ayant vu au cours de cette campagne la faiblesse de Philippe V, il se mit à intriguer pour se placer lui-même sur le trône d'Espagne et fut rappelé par Louis XIV, qui l'exila de Versailles..." (Michel Mourre).

    François Bluche confirme la bravoure de Philippe : il écrit (dans son magistral Louis XIV, Fayard, page 632), à propos de la bataille de Neerwinden : "...La scène se passe à quelques lieues de Bruxelles. Ici encore, l'acharnement est de mise. Les charges succèdent aux charges, les contre-attaques aux assauts. Luxembourg, M. le Duc, le prince de Conti, le duc de Chartres (futur Régent) prennent des risques, chargeant en personne et à plusieurs reprises..."

    Nouvel accroc à la solidarité familiale, Louis XIV, à sa mort, ne donna pas la Régence à Philippe, mais simplement la présidence du Conseil de Régence. Philippe n'eut aucun mal à faire "casser" le testament de Louis XIV par le Parlement de Paris (le 2 septembre 1715, dès le lendemain de la mort du Grand roi). Le Parlement le reconnut comme Régent "pour exercer pleinement l'autorité royale".

    "...Il se rallia aux théories de Law, qui préconisait l'appel au crédit et le papier-monnaie : cette tentative permit une relance du commerce et l'allègement de la dette publique, mais s'acheva en banqueroute (1720)... Louis XV, devenu majeur en février 1723, laissa le duc d'Orléans à la tête des affaires, mais celui-ci mourut dès la fin de l'année..." (Michel Mourre). 

    Pour mémoire, c'est lui qui acheta... "le Régent", peut-être le plus beau diamant du monde (voir l'Éphéméride du 6 juin)...

     

    1A.jpg3. Avec son fils, Louis, duc d'Orléans, troisième de la lignée, il n'y eut aucune discorde entre les deux branches de la Famille des Bourbons de France : "...il donna au contraire l'exemple des vertus et de la piété. Gouverneur du Dauphiné depuis 1719, il se consacra surtout à l'étude, se fit une grande réputation d'hébraïsant et constitua de magnifiques cabinets d'histoire naturelle et de médailles. Il acheva sa vie à l'abbaye de Sainte-Geneviève" (Michel Mourre).

    Louis d'Orléans est d'ailleurs couramment surnommé "le pieux"...

     

    1A.jpg4. Son fils, Louis-Philippe, quatrième duc d'Orléans, inaugura la politique démagogique que devait suivre son propre fils, le futur Philippe-Égalité :

    "Louis-Philippe se distingua dans plusieurs campagnes et devint lieutenant-général (1744)... protégeant les savants et les gens de lettres... il affectait de la sympathie pour les idées et les découvertes nouvelles, fut un des premiers en France à faire inoculer ses enfants, et consacra d'importantes sommes à des oeuvres de bienfaisance" (Michel Mourre).

     

    1A.jpg5. C'est son fils Louis-Philippe Joseph qui se fit appeler Philippe-Égalité, et joua sous la Révolution le rôle ignominieux qui devait, du reste, le conduire à l'échafaud, la Révolution mangeant toujours les révolutionnaires... Bon gestionnaire de la fortune de sa famille, il devint le plus riche des princes français. Anglophile à l'extrême, au point d'en devenir anglomaniaque, il fut exilé par Louis XV, car, lors de la révolution royale de celui-ci, menée avec Maupeou, qui consista à renvoyer les Parlements, il s'opposa à la politique bienfaisante du roi. 

    Plus tard, il devint l'ennemi acharné de Marie-Antoinette : après sa participation au combat naval d'Ouessant (1778), il se vit refuser la charge de Grand amiral, et ce qu'il considéra comme un affront - qu'il attribua à Marie-Antoinette - fit de lui le chef de l'opposition. Il ouvrit à la foule - à laquelle il répandait ses largesses... - ses jardins du Palais-Royal, qui devint un centre d'agitation permanent. Il appuya, quand il ne les fomenta pas directement (comme les journées des 5 et 6 octobre 1789), tous les mouvements d'agitation révolutionnaires.

    Il devint clair pour tous qu'il voulait, sinon devenir roi, au moins être régent : même La Fayette fut obligé de le contraindre à s'exiler, un temps, en Angleterre, et Mirabeau se détacha de lui. À son retour, mais trop tard, Louis XVI tenta de se le concilier en le nommant Amiral... "...Il crut enfin tenir sa chance après la fuite de Varennes (malgré notre estime pour Michel Mourre, le terme de "fuite" est incorrect, et c'est le terme "évasion" qui convient, ndlr) : élu vingtième et dernier député de Paris à la Convention, il prit le nom de Philippe-Égalité (septembre 1792) et n'hésita pas à voter la mort de son cousin Louis XVI. Mais le complot de Dumouriez et la fuite  de son fils avec ce général le rendirent néanmoins suspect. Arrêté en avril 1793, il fut condamné en novembre à la guillotine et mourut avec le dédaigneux courage d'un grand seigneur de l'Ancien Régime..." (Michel Mourre).

    Recevant ainsi le prix et la récompense de ses forfaits, il fut conduit à l'échafaud le 6 novembre 1793, soit trois semaines exactement après Marie-Antoinette, Place Louis XV, devenue Place de la Révolution, sur le lieu même où avaient été assassinées le roi et la reine; et où le seront, un peu plus tard, ceux qui les y avaient envoyé : Brissot de Warville, Danton, Robespierre, Jacques-René Hébert, Saint-Just...

     

    1A.jpg6. Sixième représentant de la lignée, son fils aîné, Louis-Philippe devait devenir roi en 1830, après l'abdication de Charles X.

    Son règne de dix-huit années fut bénéfique, pour la France, car il s'opposa courageusement aux entreprises folles de tous ceux qui voulaient recommencer les aventures démentielles et tragiques de la funeste époque napoléonienne, et Jacques Bainville a justement montré comment la création de la Belgique fut bien "le dernier cadeau de la monarchie".

    Mais, Louis-Philippe et Charles X commirent l'erreur de ne pas s'entendre, et cette "scission de 1830" devait avoir les plus funestes effets, comme l'a montré également - toujours lui... - Jacques Bainville... Qui a bien montré, aussi, comment Charles X et Louis-Philippe eurent tort de ne pas instaurer le suffrage universel - comme le fera très peu de temps après Louis-Napoléon, futur Napoléon III - ce qui aurait donné au régime royal l'assise populaire et la légitimité qui lui auraient permis de résister aux mouvements d'humeur ultra-minoritaires de quelques extrémistes parisiens, qui ne représentaient en rien ni tout Paris, ni encore moins la France !...

     

    1A.jpg7. Le roi Louis-Philippe eut cinq fils. L'un d'eux, la prince de Joinville, Amiral, avait pour ami un certain Garnier, compagnon de navigation, qui devait être le grand-père - maternel - de Charles Maurras, et qu'il vint visiter dans sa maison du Chemin de Paradis, à Martigues. Un autre, le duc d'Aumale, qui vit mourir très jeune ses deux garçons, offrit à la France (très précisément, à l'Institut), son splendide patrimoine de Chantilly et les fabuleuses collections qu'il contient.

    Cependant, seul le prince Ferdinand (ci dessus), père de Philippe et de Robert, duc de Chartres, prolongera la dynastie (les quatre autres, soit n'eurent pas d'enfants, soit les virent mourir très jeunes). Ferdinand devait, lui aussi, mourir assez jeune, et d'une façon tragique (après un accident de fiacre). 

    Il s'illustra dans la conquête de ces terres barbaresques sans nom ni régime clairement définis, qui n'étaient qu'un immense espace soumis nominalement à l'Empire ottoman, mais où seuls régnaient, en fait, la loi du plus fort et l'arbitraire. C'est la France qui devait organiser cet immense espace, en inventant pour lui, et en lui donnant, ce beau nom d'Algérie...

     

    1A.jpg

  • Éphéméride du 21 septembre

    1792 : Pseudo élection de la Convention

     

     

     

     

     

    454 : L'Empereur Valentinien assassine Aetius 

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa

    À la mort d'Honorius, c'est Valentinien III qui devient le nouvel Empereur d'Occident. Avec l'aide du général Aetius, Valentinien lutte pour enrayer la progression des barbares. L'illustre général romain parvient à contenir successivement les assauts de chaque peuple. Il repousse les Wisigoths chez eux, refoule les Francs vers le nord et la rive droite du Rhin, puis écrase les Burgondes.  

    Enfin, à la tête d'une armée très largement composée de guerriers barbares alliés, il chasse les Huns de Gaule : c'est la victoire des Champs catalauniques (voir l'Éphéméride du 20 juin). 

     

    http://his.nicolas.free.fr/Personnes/PagePersonne.php?mnemo=Aetius

     

    http://germanie.wikidot.com/aetius

     

    25 septembre,chardin,rameau,préhistoire,soljénitsyne,vendée,camargue,révolution

     

    1640 : Naissance de Philippe, second fils de Louis XIII, à l'origine des représentants actuels de la Famille de France... 

     

    Louis XIII et Anne d'Autriche n'auront que deux enfants - mâles - et encore, après 23 et 25 ans de mariage : Louis Dieudonné - le futur Louis XIV - en 1638, et son frère cadet, Philippe, né deux ans plus tard, en 1640.

    Ce dernier est à l'origine de l'actuelle Famille de France, couramment appelée "d'Orléans" mais, évidemment, aussi "Bourbon" que les descendants de Louis XIV, ce que certains ont tendance à oublier...

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa1. C'est à partir de la fin du XVIème siècle que l'on prit l'habitude d'appeler "Monsieur" le frère du Roi, ou l'aîné de ses frères : aussi Philippe devint-il "Monsieur" en 1660, à la mort de son oncle Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Il épousa d'abord, en premières noces, Henriette d'Angleterre, la fille du roi Charles 1er (le roi décapité, dont le très beau portrait, acheté par Louis XVI - qui devait l'être quelques années plus tard... - fit ainsi son entrée dans les collections royales, donc, plus tard, au Louvre...).

    "...Elle devint catholique en 1661 (à 17 ans, ndlr) et épousa la même année Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV... Louis XIV la chargea en 1670 d'une mission secrète en Angleterre, auprès de son frère Charles II, qu'elle réussit à détacher de l'alliance hollandaise (traité de Douvres, 1670). Peu après son retour en France, elle mourut presque subitement, après avoir bu un verre d'eau de chicorée, et il est possible qu'elle ait été empoisonnée... (Michel Mourre).

    Elle n'avait que 26 ans : c'est pour elle que Bossuet prononça sa célébrissime oraison funèbre (extrait) : 

    "...Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s'il faut des coups de surprise à nos coeurs enchantés de l'amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d'un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le coeur de cette princesse. Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le Roi, la Reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l'accomplissement de cette parole du prophète : le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d'étonnement.
    Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain Monsieur, en vain le Roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements. Alors ils pouvaient dire l'un et l'autre, avec saint Ambroise : Stringebam brachia, sed jam amiseram quam tenebam : "je serrais les bras ; mais j'avais déjà perdu ce que je tenais"..."

     

    Un an après, en 1671, Philippe épousa Charlotte-Élisabeth de Bavière, dite la princesse Palatine :

    "...Au milieu de la cour de Versailles, elle se singularisa par son esprit incisif et sa rude franchise, qui la firent redouter de beaucoup..." (Michel Mourre). 

    Louis XIV l'aimait beaucoup, et appréciait justement, chez elle, sa spontanéité, son esprit et sa franchise. À la suite des Traités de Westphalie (1648), Charle-Louis de Simmern - dont Charlotte était la soeur - recouvra le Palatinat rhénan (en fait, la rive gauche du Rhin, de l'Alsace jusqu'aux portes de Bonn) et le titre d'Électeur du Saint-Empire. Lorsqu'il mourut, sans enfant, Louis XIV revendiqua le Palatinat pour le duc d'Orléans, son frère, mari de la princesse Palatine, soeur du défunt souverain. Le Dauphin conquit le Palatinat en moins de deux mois, mais la coalition de l'Europe, dans la Ligue d'Augsbourg, nous empêcha de le "réunir" au royaume : la Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1689/1697), s'achevant par les traités de Ryswick (1697), obligea Louis XIV à restituer le Palatinat et les autres "réunions", mais nous conservait cependant, et définitivement, l'Alsace. Louis XIV aurait-il réussi dans son entreprise, les villes de Trèves, Mayence, Coblence... seraient, aujourd'hui, des villes françaises...

    Comme Henriette d'Angleterre, première épouse de "Monsieur", la princesse Palatine eut trois enfants de lui : elle fut la mère du duc d'Orléans, le futur Régent, qui sera le deuxième de la lignée...

    Philippe avait de réels dons de stratège : "...Il se distingua en Flandre et aux Pays-Bas, dans les campagnes de 1667 et 1672, battit le prince d'Orange à Cassel (1677, voir l'Éphéméride du 10 avril, ndlr) et amena la prise de Saint-Omer; ses succès excitèrent la jalousie de son frère, qui ne lui donna plus de commandement. Il protesta en vain contre le testament du roi d'Espagne Charles II, qui, en appelant au trône Philippe, duc d'Anjou, le frustrait des droits qu'il tenait de sa mère Anne d'Autriche sur la couronne espagnole" (Michel Mourre). Faut-il voir dans cette double "déception" le début d'une faille entre les deux branches des Bourbons "de France", qui devait aller en s'élargissant, jusqu'aux conséquences épouvantables que l'on devait voir ?...

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa2. Bon général, comme son père, Philippe - fils de "Monsieur" et de la princesse Palatine - "se distingua au siège de Mons (1691), à la prise de Namur (1692), fut blessé à Steinkerque et déploya tant de bravoure et d'habileté à Neerwinden (1693) qu'il fit ombrage à Louis XIV et fut quelque temps éloigné des armées. En 1706, on lui rendit cependant un commandement en Italie, puis en Espagne, où il soumit l'Aragon, la Catalogne et prit Lérida (1707/1708). Ayant vu au cours de cette campagne la faiblesse de Philippe V, il se mit à intriguer pour se placer lui-même sur le trône d'Espagne et fut rappelé par Louis XIV, qui l'exila de Versailles..." (Michel Mourre). 

    François Bluche confirme la bravoure de Philippe : il écrit (dans son magistral Louis XIV, Fayard, page 632), à propos de la bataille de Neerwinden : "...La scène se passe à quelques lieues de Bruxelles. Ici encore, l'acharnement est de mise. Les charges succèdent aux charges, les contre-attaques aux assauts. Luxembourg, M. le Duc, le prince de Conti, le duc de Chartres (futur Régent) prennent des risques, chargeant en personne et à plusieurs reprises..."

    Nouvel accroc à la solidarité familiale, Louis XIV, à sa mort, ne donna pas la Régence à Philippe, mais simplement la présidence du Conseil de Régence. Philippe n'eut aucun mal à faire "casser" le testament de Louis XIV par le Parlement de Paris (le 2 septembre 1715, dès le lendemain de la mort du Grand roi). Le Parlement le reconnut comme Régent "pour exercer pleinement l'autorité royale".

    "...Il se rallia aux théories de Law, qui préconisait l'appel au crédit et le papier-monnaie : cette tentative permit une relance du commerce et l'allègement de la dette publique, mais s'acheva en banqueroute (1720)... Louis XV, devenu majeur en février 1723, laissa le duc d'Orléans à la tête des affaires, mais celui-ci mourut dès la fin de l'année..." (Michel Mourre). 

    Pour mémoire, c'est lui qui acheta... "le Régent", peut-être le plus beau diamant du monde (voir l'Éphéméride du 6 juin)...

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa3. Avec son fils, Louis, duc d'Orléans, troisième de la lignée, il n'y eut aucune discorde entre les deux branches de la Famille des Bourbons de France : "...il donna au contraire l'exemple des vertus et de la piété. Gouverneur du Dauphiné depuis 1719, il se consacra surtout à l'étude, se fit une grande réputation d'hébraïsant et constitua de magnifiques cabinets d'histoire naturelle et de médailles. Il acheva sa vie à l'abbaye de Sainte-Geneviève" (Michel Mourre).

    Louis d'Orléans est d'ailleurs couramment surnommé "le pieux"...

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa4. Son fils, Louis-Philippe, quatrième duc d'Orléans, inaugura la politique démagogique que devait suivre son propre fils, le futur Philippe-Égalité :

    "Louis-Philippe se distingua dans plusieurs campagnes et devint lieutenant-général (1744)... protégeant les savants et les gens de lettres... il affectait de la sympathie pour les idées et les découvertes nouvelles, fut un des premiers en France à faire inoculer ses enfants, et consacra d'importantes sommes à des oeuvres de bienfaisance" (Michel Mourre).

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa5. C'est son fils Louis-Philippe Joseph qui se fit appeler Philippe-Egalité, et joua? sous la Révolution? le rôle ignominieux qui devait, du reste, le conduire à l'échafaud, la Révolution mangeant toujours les révolutionnaires... Bon gestionnaire de la fortune de sa famille, il devint le plus riche des princes français. Anglophile à l'extrême, au point d'en devenir anglomaniaque, il fut exilé par Louis XV, car, lors de la révolution royale de celui-ci, menée avec Maupeou, qui consista à renvoyer les Parlements, il s'opposa à la politique bienfaisante du roi. 

    Plus tard, il devint l'ennemi acharné de Marie-Antoinette : après sa participation au combat naval d'Ouessant (1778), il se vit refuser la charge de Grand amiral, et ce qu'il considéra comme un affront - qu'il attribua à Marie-Antoinette - fit de lui le chef de l'opposition. Il ouvrit à la foule - à laquelle il répandait ses largesses... - ses jardins du Palais-Royal, qui devint un centre d'agitation permanent. Il appuya, quand il ne les fomenta pas directement (comme les journées des 5 et 6 octobre 1789), tous les mouvements d'agitation révolutionnaires.

    Il devint clair pour tous qu'il voulait, sinon devenir roi, au moins être régent : même La Fayette fut obligé de le contraindre à s'exiler, un temps, en Angleterre, et Mirabeau se détacha de lui. À son retour, mais trop tard, Louis XVI tenta de se le concilier en le nommant Amiral... "...Il crut enfin tenir sa chance après la fuite de Varennes (malgré notre estime pour Michel Mourre, le terme de "fuite" est incorrect, et c'est le terme "évasion" qui convient, ndlr) : élu vingtième et dernier député de Paris à la Convention, il prit le nom de Philippe-Égalité (septembre 1792) et n'hésita pas à voter la mort de son cousin Louis XVI. Mais le complot de Dumouriez et la fuite  de son fils avec ce général le rendirent néanmoins suspect. Arrêté en avril 1793, il fut condamné en novembre à la guillotine et mourut avec le dédaigneux courage d'un grand seigneur de l'Ancien Régime..." (Michel Mourre).

    Recevant ainsi le prix et la récompense de ses forfaits, il fut conduit à l'échafaud le 6 novembre 1793, soit trois semaines exactement après Marie-Antoinette, Place Louis XV, devenue Place de la Révolution, sur le lieu même où avaient été assassinées le roi et la reine; et où le seront, un peu plus tard, ceux qui les y avaient envoyé : Brissot de Warville, Danton, Robespierre, Jacques-René Hébert, Saint-Just...

     

    21 septembre,ryswick,louis xiv,montherlant,azf,nicolle,beaumont,strasbourg,alsace,gallia germanis clausa6. Sixième représentant de la lignée, son fils aîné, Louis-Philippe devait devenir roi en 1830, après l'abdication de Charles X.

    Son règne de dix-huit années fut bénéfique, pour la France, car il s'opposa courageusement aux entreprises folles de tous ceux qui voulaient recommencer les aventures démentielles et tragiques de la funeste époque napoléonienne, et Jacques Bainville a justement montré comment la création de la Belgique fut bien "le dernier cadeau de la monarchie".

    Mais, Louis-Philippe et Charles X commirent l'erreur de ne pas s'entendre, et cette "scission de 1830" devait avoir les plus funestes effets, comme l'a montré également - toujours lui... - Jacques Bainville... Qui a bien montré, aussi, comment Charles X et Louis-Philippe eurent tort de ne pas instaurer le suffrage universel - comme le fera très peu de temps ap

  • Le Pape François et El-Azhar, par Annie Laurent

    1A.jpg

    Voici la Petite Feuille Verte n°87. Après l’examen des relations entre le Saint-Siège et l’Université-Mosquée d’El-Azhar sous les pontificats de Paul VI à Benoît XVI (PFV n° 86), celle-ci présente les changements intervenus dans ces rapports depuis l’élection du pape François en 2013. Il y est notamment question de la Déclaration intitulée "La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune", que les deux responsables religieux ont signée conjointement à Abou Dhabi le 4 février 2019.

    Outre les circonstances de l’événement, Annie Laurent analyse le contenu du texte et ce qu’il faut en attendre dans le domaine du dialogue islamo-chrétien...

    Annie_Laurent.jpg

    Rompu à l’initiative d’El-Azhar en janvier 2011 (cf. PFV n° 86), le dialogue entre le Saint-Siège et l’institution sunnite a repris sous le pontificat de François (élu en 2013).

    Après en avoir rappelé les étapes marquantes, nous en tirerons quelques conclusions.

     

     

    LE GRAND IMAM À ROME

     

    La Basilique Saint-Pierre, Vatican, Rome

    Le 23 mai 2016, le cheikh Ahmed El-Tayyeb, grand imam d’El-Azhar, s’est rendu à Rome pour sa première rencontre avec le pape François. Au programme de leur échange figuraient « l’engagement commun des autorités et des fidèles des grandes religions pour la paix dans le monde, le refus de la violence et du terrorisme, la situation des chrétiens dans le contexte des conflits et des tensions au Moyen-Orient, ainsi que leur protection » (L’Osservatore Romano, 23 mai 2016).

    A l’issue de l’entretien, El-Tayyeb a déclaré à la presse : « Aujourd’hui, nous effectuons cette visite pour poursuivre notre mission sacrée qui est la mission des religions : rendre l’être humain heureux où qu’il soit […]. Je crois que le moment est venu pour les représentants des religions monothéistes de participer de manière forte et concrète à donner à l’humanité une nouvelle orientation vers la miséricorde et la paix, afin d’éviter la grande crise dont nous souffrons à présent » (Proche-Orient chrétien, n° 66-2016, p. 388-389). Le Souverain Pontife semble avoir été impressionné par son visiteur. Quelques jours après, il confiait à un jésuite oriental au cours d’un entretien privé : « J’ai longuement discuté avec El-Tayyeb. Les musulmans veulent la paix ».

    Cette rencontre avait été longuement préparée par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux (CPDI), alors dirigé par le cardinal Jean-Louis Tauran (+ 2018) dont la position peut se résumer ainsi : « Toutes les religions ne se valent pas, mais tous les chercheurs de Dieu ont la même dignité » (cité par Jean-Baptiste Noé, François le diplomate, Salvator, 2019, p. 99).

     

    LE PAPE EN ÉGYPTE

    Les 28 et 29 avril 2017, François a effectué un voyage officiel au Caire. Sa visite s’est déroulée dans un contexte tendu en raison de la multiplication d’attentats contre les coptes et de l’influence croissante des idéologies islamistes dans la société. Il a prononcé un discours à El-Azhar où se tenaitune Conférence internationale pour la paix organisée par cette institution, avec la participation de dignitaires musulmans et chrétiens. Les mots islam, islamisme et djihadisme ne figuraient pas dans son texte dont l’essentiel portait sur le rappel du passé biblique du pays du Nil et sur l’éducation des jeunes générations (J.-B. Noé, op. cit., p. 118-123). Le pape a aussi déclaré : « Nous sommes tenus de dénoncer les violations de la dignité humaine et des droits humains, de porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion, et de les condamner comme falsification idolâtre de Dieu : son nom est Saint, il est Dieu de paix, Dieu salam » (Proche-Orient chrétien, n° 67-2017, p. 359-401).

    Le Pape et El Tayyeb

    Dans une tribune publiée quelques jours avant, Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique de Paris, avait présenté l’enjeu de cette visite pontificale. Évoquant la position « ambiguë » d’El-Tayyeb, il y écrivait : « S’il témoigne, dans ses propos, d’un islam éclairé, ses décisions contredisent trop souvent ses prises de position. Il parle de paix et de liberté religieuse mais sanctionne durement l’apostasie et diffère toujours la réforme religieuse en faveur de laquelle il s’est pourtant engagé. L’ambivalence de son discours explique qu’il soit contesté, tant à l’intérieur par les islamistes radicaux qu’à l’extérieur par les tenants d’un islam modéré » (Le Figaro, 24 avril 2017).

     

    L’ÉVÉNEMENT D’ABOU-DHABI

    Le voyage que le pape François a effectué à Abou-Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis (EAU), du 3 au 5 février 2019, restera comme un événement marquant de son pontificat. La Constitution de cette fédération concède aux nombreux émigrés non-musulmans la liberté de culte (les chrétiens y disposent d’une quarantaine d’églises) en leur imposant cependant une totale discrétion. Les EAU sont aussi engagés activement contre l’islamisme. Abou-Dhabi abrite en outre le siège du Conseil des Sages musulmans, un cénacle de religieux et d’experts fondé en mars 2014 et présidé par Ahmed El-Tayyeb.

    Le Souverain Pontife y était invité par ce dernier dans le cadre d’une Conférence mondiale sur la fraternité humaine. Quelque 600 personnalités religieuses de différentes confessions, venues de divers horizons, y étaient également présentes.

    L’objectif principal de ce déplacement était la signature conjointe par le pape et le grand imam d’une déclaration intitulée La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence communeD’après les confidences de François aux journalistes, sa rédaction aurait été finalisée lors d’un entretien privé avec El-Tayyeb au Vatican le 16 octobre 2018. Le Père Yoannis Lahzi Gaïd, prêtre copte-catholique et secrétaire du pape (cf. PFV n° 86), associé à ce travail, avait alors assuré qu’il existe « une amitié profonde » entre les deux hommes (Agence I.Media, 16 octobre 2018).

    Présenté comme une étape majeure sur la voie de l’entente entre chrétiens et musulmans, ce texte soulève plusieurs remarques, à commencer par la forme. El-Azhar et l’Église catholique s’y présentent comme engageant respectivement « les musulmans d’Orient et d’Occident » et « les catholiques d’Orient et d’Occident ». Or, si le successeur de Pierre dispose de l’autorité et de la légitimité nécessaires pour parler au nom de toute l’Église, ce n’est pas le cas du grand imam d’El-Azhar, car l’islam sunnite ne confère à personne une telle prérogative magistérielle (cf. PFV n° 80). L’influence de cette institution au-delà des frontières de l’Égypte n’y change rien, même si à Abou-Dhabi le cérémonial autour de la rencontre avec le pape voulait promouvoir El-Tayyeb comme « le » représentant de l’islam. Cette limite a été soulignée par le Père Jean Druel, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales, situé au Caire. « Cette déclaration commune ne manifeste donc que les opinions d’Ahmed El-Tayyeb. […] Si demain son successeur a un avis différent, il n’est pas tenu de reprendre à son compte les déclarations de ses prédécesseurs. Et à l’extérieur, les fidèles musulmans ne sont évidemment pas soumis à son autorité » (La Croix, 6 février 2019).

    Sur le fond, les deux cosignataires énumèrent les nombreux maux dont souffre l’humanité actuelle, en particulier la « conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes transcendants ». Pour y remédier, ils préconisent d’importantes dispositions, telles que la promotion de la pleine citoyenneté et de la famille, la reconnaissance du droit et de la dignité des femmes, la préservation de la vie, l’éducation saine, l’adhésion aux valeurs morales ainsi que la justice pour tous, la protection des lieux de culte, et même la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action (mais la liberté de conscience en est absente), etc.

    Ils condamnent aussi la justification de toutes les formes de violence au nom de Dieu. « Nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémismeni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion ». Et ils promettent d’œuvrer en vue de « répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ».

    Ces paroles ne sont cependant pas dénuées d’ambiguïté. En effet, si les chrétiens et les musulmans utilisent le même vocabulaire, le contenu des mots tels que paix, justice, famille, morale, tolérance, n’est pas identique dans les deux religions. Sur tous ces aspects, on voit mal comment le fait de considérer « les religions » comme indistinctement porteuses de toutes les vertus ou comment l’attestation de « notre foi commune en Dieu »peuvent apporter de la clarté dans le dialogue (cf. A. Laurent, « François prêche la fraternité », La Nef, n° 312, mars 2019). En outre, le document comporte des engagements contraires aux exigences du Coran, ce qui peut les rendre inapplicables par de nombreux musulmans, comme l’ont fait valoir plusieurs experts catholiques (cf. Père François Jourdan, L’Église dans le monde, n° 193, avril-mai 2019, p. 8 et 9 ; Sami Aldeeb, Site Savoir ou se faire avoir, 11 février 2019).

    Parmi eux, certains ont été troublés par l’affirmation selon laquelle « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains ». Appliqué aux religions, cela « est contraire à la foi catholique », a indiqué le Père dominicain Wojciech Giertych, théologien de la Maison pontificale, niant que le texte lui aurait été soumis pour relecture (National Catholic Register, 6 février 2019).

    Lors d’une rencontre avec François à Rome, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Khazastan), l’a questionné sur ce sujet, puis il a livré l’explication du pape sur le site LifeSiteNews : « La diversité des religions est la volonté permissive de Dieu », à distinguer d’une « volonté positive » (7 mars 2019). Pendant l’audience générale du 3 avril 2019, accédant à la demande de Mgr Schneider, François a clarifié le sens de cette phrase. « Pourquoi Dieu permet-il qu’il y ait tant de religions ? Dieu a voulu permettre cela : les théologiens de la Scholastique faisaient référence à la voluntas permissiva de DieuIl a voulu permettre cette réalité : il y a beaucoup de religions ; certaines naissent de la culture, mais elles regardent toujours le ciel, elles regardent Dieu ». Par l’affirmation « certaines naissent de la culture », le pape « affirmait discrètement que la religion musulmane n’est pas une religion révélée », souligne Yves Chiron (Françoisphobie, éd. du Cerf, 2020, p. 317-318).

     

    QUEL AVENIR POUR LA DÉCLARATION D’ABOU-DHABI ?

    S’exprimant au nom de l’Église catholique et d’El-Azhar, les deux signataires de la Déclaration sur la fraternité humaine se sont engagés à promouvoir les principes énoncés « à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication ». Ils ont aussi demandé que le document « devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, les universités et les instituts de formation ». C’est dans ce but qu’en septembre 2019 a été créé un Haut Comité, co-présidé par le cardinal Miguel Ayuso Guixot, successeur du cardinal Tauran à la tête du CPDI, et par Mohamed Mahmoud Abdel Salam, juge du Conseil d’État égyptien et conseiller d’El-Tayyeb.

    Deux mois après, le grand imam s’est rendu au Vatican pour présenter au Souverain Pontife le projet d’un gigantesque complexe interreligieux. Construit sur l’île de Saadiyat, à Abou Dhabi, ce complexe, unique dans la péninsule Arabique, baptisé « Maison de la Famille d’Abraham », réunira une église, une mosquée et une synagogue. Il devrait être inauguré en 2022 et sera géré par un conseil permanent « de la fraternité humaine » (Aleteia, 16 novembre 2019 ; La Croix, 4 février 2021). Pour commémorer l’événement d’Abou Dhabi, le 4 février de chaque année, le pape et le grand imam échangent leurs vœux par vidéo ou téléphone. Par ailleurs, dans son encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020), François fait plusieurs fois mention de son entente avec El-Tayyeb.

    La déclaration D’Abou-Dhabi

    Les chrétiens d’Orient ont en général approuvé la Déclaration. Les évêques grecs-catholiques, réunis en assemblée synodale sous la présidence de leur patriarche, Youssef Absi, ont annoncé que le document « deviendra objet d’étude dans les écoles et les instituts théologiques du Patriarcat » et sera diffusé dans les paroisses. Au Liban, le patriarche de l’Église maronite, le cardinal Béchara Boutros Raï, a considéré qu’elle doit devenir une « 

  • Non aux coupures en hiver : il faut virer Macron et signer avec Poutine ! par Marc Rousset

     

    Le ministre Stanislas Guérini n’exclut pas des coupures de gaz et d’électricité en hiver tandis que le prix de gros de l’électricité en France atteint un niveau stratosphérique avec 1000 % d’augmentation en un an !

    Macron a le culot et le toupet de nous parler subitement de la « fin de l’abondance et de l’insouciance » alors qu’en réalité les Français vont bientôt connaître la faillite du pays, l’explosion de la zone euro et se geler dès cet hiver !

    Faudra-t-il aussi par la faute de Macron, suite à sa politique pro-américaine et pro-OTAN en Ukraine, fermer des usines dans une France en voie de désindustrialisation, par manque de gaz pour les faire tourner ! Après avoir pris la décision stupide avec ses acolytes de l’UE, de sanctionner la Russie, Macron demande maintenant aux Français de geler en hiver et de se serrer la ceinture en payant des prix exorbitants, afin de pallier ses seules erreurs de jugement !

    Le bouquet, c’est que, selon certains experts, tandis que l’Europe gèlerait, la Russie brûlerait de grandes quantités de gaz faute d’exportations et de capacités de stockage, à Portoyava, près de la frontière avec la Finlande…

    MARC ROUSSET.jpgCe qu’écrit l’écrivain d’origine roumaine Radu Portocala sur la situation actuelle vaut son pesant d’or et mérite d’être cité in extenso : « L’abondance est finie ! Nous devons sacrifier notre bien-être pour punir la Russie. L’Ukraine nous est si chère que nous devons avoir froid pour elle. Le nouveau petit père des peuples, Joe Biden, a dit : « Cut off Russian gas gonna hurt Europe but that’s the price I am willing to pay » (Couper le gaz russe fera du mal à l’Europe, mais c’est le prix que je veux payer). Organisons chaque jour l’heure de haine. Haïssons la Russie. Passons ensuite à l’heure d’amour. Aimons l’Amérique (et donc l’Ukraine). Grelotter, c’est moral puisque c’est l’Amérique qui nous le dit. Faisons donc notre devoir et grelottons ! Payons plus cher notre pain, puisque cela aidera à terrasser le monstre russe !

    Et Radu Portocola de continuer dans la même veine toujours aussi ironique, subtil, réaliste et parlant vrai : « L’insouciance est finie ! Remplissons nos poches de cartouches (il y en a pour deux semaines) et tenons-nous prêts. L’Amérique veut faire la guerre à la Russie et à la Chine. Soyons ses soldats, puisqu’on a mis son sang dans nos veines et ses idées dans nos têtes ! Soyons fidèles à ses idéaux ! Cessons de penser à nous ! Et par-dessus tout, soyons confiants : l’imbécillité est en passe de gagner ».
    La France va souffrir en matière énergétique car le problème n’est pas seulement français, mais aussi européen. Plusieurs crises se superposent  dans l’ UE va-t-en-guerre contre la Russie : le problème de l’approvisionnement en gaz russe suite à la politique suicidaire de caniche de l’Amérique et de l’OTAN, la sécheresse qui a réduit la capacité des barrages, les erreurs de Macron qui a freiné le développement du parc nucléaire français, tout en fermant Fessenheim d’une façon irresponsable pour plaire aux verts (s’ils se gèlent cet hiver, les Français pourront remercier les verts qui veulent la mort du nucléaire), et enfin les opérations de maintenance sur presque la moitié des réacteurs nucléaires français.

    La présidence tchèque de l’UE va convoquer une réunion d’urgence des ministres de l’Énergie sans pouvoir changer quoi que ce soit à la situation actuelle, la seule sortie de crise acceptable pour la France consistant à laisser l’Amérique et l’OTAN seuls face à la Russie, tout en négociant des contrats de gaz comme le fait Viktor Orban. L’UE est prise à son propre piège de la politique des sanctions et ne trouvera aucune parade, sauf celle des mots et des affirmations mensongères antirusses, avec à la clé le manque cruel et inacceptable de gaz en hiver pour les Européens ! Il n’y a pas d’alternative disponible au gaz russe dans le monde, même en payant actuellement dix fois les prix de 2021 ! De plus, l’envolée des prix du gaz et du pétrole va creuser le solde négatif commercial historique de la France, déjà à 71 milliards d’euros pour le seul premier semestre 2022 !

    Les réservoirs souterrains français de gaz sont pleins à 90 % et devraient l’être à 100 % d’ici novembre, mais ce chiffre n’est pas rassurant, au-delà des apparences, car il y aura rupture inévitable de stock à la fin de l’hiver 2023 selon Patrick Artus, et donc des ruptures inacceptables d’électricité. La Russie fournit 17 % des besoins français en gaz, soit 8 milliards de m3. De plus, le prix du gaz sur le marché européen a franchi la barre des 300 euros le mégawattheure, et 264 euros pour livraison novembre sur le marché de gros français, soit dix fois son prix d’avant-crise. Macron ne trouvera au grand maximum en Algérie que 2 milliards de m3 de gaz naturel liquéfié algérien, soit 50 % de plus que les 4,5 milliards actuels.

    Seuls 24 des 56 réacteurs nucléaires d’EDF fonctionnent en ce moment, en raison d’un problème de corrosion, ce qui réduit la production française à un niveau historiquement bas, et fait monter les prix. On apprend de plus qu’EDF va être obligé de prolonger l’arrêt des quatre réacteurs nucléaires de Cattenom qui devaient redémarrer en août, de novembre jusqu’à à janvier 2023. Merci encore Jupiter, pour ce coup de génie d’avoir fermé Fessenheim, en ne voyant pas plus loin, comme d’habitude, que le bout d’un nez électoraliste, technocratique, immigrationniste, progressiste, droit-de-l’hommiste, fossoyeur de la langue française, atlantiste et fédéraliste !

    Dans une semaine folle, à cause du tarissement du gaz russe, les prix de gros de l’électricité pour 2023 en Allemagne et en France ont donc battu de nouveaux records à respectivement 850 euros et plus de 1000 euros le mégawattheure (mWh). Il y a un an, le prix pour ces deux pays était de 85 euros/MWh, soit 11 fois moins. Pour livraison décembre 2022, le prix de l’électricité est encore plus hallucinant : 1600 euros le mégawattheure ! Les gouvernements européens se veulent rassurants, mais les marchés nous racontent une histoire différente…

    La question qui se pose pour le consommateur français, c’est le devenir des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité qui auront coûté en 2022, 20 milliards supplémentaires d’euros de « quoi qu’il en coûte » aux finances publiques, avec de l’argent emprunté ! L’abandon du blocage du prix du gaz entraînerait une multiplication par deux du tarif régulé ! Quant à l’électricité, laisser évoluer librement le tarif en février prochain lors de sa revalorisation annuelle, provoquerait une hausse de 40 % à 70 %, selon les hypothèses retenues.

    Il faut donc un bel aplomb au trio professionnel Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et Emmanuel Macron pour mentir comme des arracheurs de dents et nous promettre que la hausse des prix de gros de l’électricité ne touchera pas les consommateurs et contribuables français ! Le plafonnement des prix de l’électricité à 4 % sera maintenu jusqu’à fin décembre 2022, mais ensuite ? Que va-t-il se passer, sinon emprunter encore davantage ou faire payer comme d’habitude encore une fois les classes moyennes et supérieures ? Les prix de l’énergie ne seront encadrés que pour les plus fragiles, afin de ruiner encore davantage les derniers Français qui restent debout.

    Selon Élisabeth Borne, il n’y aura des chèques énergie que pour les plus modestes, les non-modestes étant aux abonnés absents. Les chèques énergie d’un montant compris entre 48 euros et 277 euros ont été envoyés aux seuls ménages à faibles revenus en 2022. De plus, des subventions de la politique du quoi qu’il en coûte, toujours financées par de l’argent emprunté, seront aussi versées aux entreprises en difficulté. Voilà qui va rapprocher encore davantage la France de l’inéluctable banqueroute à venir ! Non à l’idiotie, au suicide français pour les beaux yeux de la seule Amérique et à la décadence ! La seule politique valable passe par un rapprochement avec Poutine et à laisser l’Amérique, seule, aider l’Ukraine, puisqu’elle est à l’origine et la seule responsable, depuis la chute du mur de Berlin, de l’expansion de l’OTAN à l’Est, de cette sale guerre civile russe en Ukraine !

    En Allemagne, depuis le début de la guerre en Ukraine, le chancelier Olaf Scholz bat des records d’impopularité dans les sondages : seulement 25 % d’opinions positives et 62 % de mécontents. Le président bavarois de la CSU appelle à   « penser à notre propre peuple », tout comme les dirigeants de l’AFD qui veulent descendre dans la rue en Thuringe, avec comme mot d’ordre « Wutwinter » (Hiver de la colère). Le pays parmi les pays industrialisés est un des plus touchés par la folle politique des sanctions de l’UE. La moitié des Allemands sont équipés d’une chaudière à gaz. En vue de l’hiver, les Allemands se ruent chez les marchands de poêles, de bois et de charbon. L’inflation frôlera les 10 % cette année et certaines peurs oubliées dignes des années 1920-1930 remontent parfois à la surface. Selon la Bundesbank, une récession est de plus en plus probable. Les analystes prévoient une perte de PIB de 260 milliards d’euros d’ici 2030 et 300 000 emplois en moins cette année, à cause de l’explosion du prix du gaz.

    Les réserves de gaz outre-Rhin se situent actuellement à 82 % de leurs capacités, suite aux économies d’énergie et à l’achat massif, à des prix exorbitants, auprès d’autres fournisseurs que la Russie (États-Unis et Qatar). Pour chaque livraison par bateau de GNL en Europe, les entreprises américaines qui bénéficient de la stupidité des « Macron, Scholz, Von der Leyen et Cie » gagnent 200 millions de dollars ! L’Allemagne ne pourra pas compter sur des livraisons par le Canada. Cinq projets de terminaux GNL sont prévus, mais un seul sera opérationnel cet hiver à Wilhelmshaven. Quant à la réouverture des centrales à charbon, c’est soit impossible, soit toute une épopée (installations rouillées ou déjà partiellement démantelées, problèmes de main d’œuvre, capacité insuffisante de transport ferroviaire ou fluvial).

    Suite à la coupure de livraison de gaz par Gazprom entre le 31 août et le 2 septembre, pour des raisons de                        « maintenance », les prix du gaz ont battu de nouveaux records. Un fabricant majeur de flacons de parfum, Heinz-Glas, établi depuis 1622 en Bavière, fournisseur de L’Oréal, qui a vu passer treize générations, menace de mettre la clé sous la porte car le coût du gaz a été multiplié par 10, parfois même par 20, par rapport à 2019 !

    C’est pourquoi l’Allemagne a décidé de diminuer la TVA sur le gaz de 19 % à 7 %, ce qui représente un coût énorme pour les finances publiques, tout en autorisant les fournisseurs de gaz à augmenter leurs tarifs de 2,4 centimes par kilowattheure aux particuliers et aux entreprises, soit un coût annuel supplémentaire moyen de 600 euros par ménage. Outre l’agitation sociale à venir, c’est tout le modèle économique allemand – importations d’énergie à bas coût de Russie, exportations de produits à forte valeur ajoutée vers la Chine – qui menace d’exploser.

    En Angleterre, la situation est encore plus catastrophique pour les consommateurs anglais. Les tarifs réglementés de l’énergie vont augmenter de 80 % à partir d’octobre et pourraient augmenter encore davantage en 2023 ! Selon l’université d’York, près des deux tiers des ménages britanniques sont menacés de pauvreté énergétique dès l’an prochain. Le mouvement Don’t pay – « Ne payez pas » -affiche 115 657 membres qui se sont engagés à ne plus payer leurs factures d’électricité à partir d’octobre si elles ne sont pas ramenées à un « niveau abordable » et à condition d’avoir 1 million de signataires. Le mouvement a installé une banderole devant le bâtiment du régulateur sur laquelle on peut lire : « Que personne n’ait froid ou faim cet hiver. Engagez-vous à faire la grève des factures ».

    En Angleterre, il n’y a pas, comme en France, un « bouclier tarifaire », mais un « plafond maximal annuel à payer pour un ménage. Le prix maximum que les ménages vont payer pour leur gaz et leur électricité va bondir de 2324 euros à    4 186 euros, soit une nouvelle hausse de 80 % après une revalorisation de 54 % en avril. Et en 2023, le plafond pourrait être de nouveau augmenté à 7 000 euros, soit une facture mensuelle d’environ 600 euros. Quelques 9 millions de Britanniques pourraient donc basculer dans la « pauvreté énergétique selon l’ONG « National Energy Action ». Il s’agira donc des ménages qui doivent consacrer plus de 10 % de leurs revenus à l’énergie. Pour beaucoup, cela reviendra à devoir choisir entre « se chauffer ou manger », mais cela n’empêche pas le va-t-en-guerre anglo-saxon Boris Johnson de se pavaner une fois de plus à Kiev, en souhaitant la guerre à outrance de l’OTAN avec la Russie ! Son gouvernement n’a prévu à ce jour qu’une allocation annuelle unique de 471 euros pour aider ses compatriotes, soit environ 10 % du plafond annuel de 4186 euros en octobre 2022.

    Le Haut-Commissaire au plan François Bayrou craint la « crise la plus grave que la France ait connu depuis la guerre ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, le clown utopique, irréaliste, de la gauche unique, il dit parfois quelques vérités : « la vie politique française est un compte à rebours de la dissolution ». Le problème de l’envolée des prix de l’énergie en France, des coupures à venir en hiver est dû en grande partie, au-delà l’idéologie des Khmers verts souhaitant supprimer le nucléaire, à la stupidité de l’attitude de l’UE et de Macron vis-à-vis de la Russie, avec la suicidaire politique des sanctions !

    Les Français doivent donc descendre dans la rue et manifester leur mécontentement, dès le samedi 3 septembre, avec Florian Philippot ! Macron n’aurait pas dû aller à Alger, mais à Moscou ! Trop, c’est trop, avec en prime la banqueroute à venir du pays, l’endettement démentiel, l’insécurité et une invasion migratoire extra-européenne qui signifie à terme la disparition pure et simple de la France ! Il faut virer Macron et signer avec Poutine !

    Marc Rousset

    Auteur de « Comment sauver la France – Pour une Europe des nations avec la Russie »

    1A.jpg