Que fait la France au Mali ?, par Olivier Perceval.
« Encore une attaque contre les français au Mali : six blessés
dans la zone dite des « trois frontières » (Mali, Niger, Burkina Faso), « un véhicule inconnu s’est dirigé à vive allure » vers l’arrière d’un convoi en opération avec des militaires maliens, selon le communiqué. « Un véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) s’est alors interposé pour protéger les autres éléments de la force. Devant cette manœuvre, le conducteur (…) a fait déclencher sa charge explosive », a‑t-il été précisé. « Six militaires français ont été blessés mais leur pronostic vital n’est pas engagé (…) Ils ont été évacués par hélicoptère vers l’hôpital militaire de Gao. Trois d’entre eux feront l’objet d’un rapatriement vers la métropole samedi. »
Alors bien sûr que l’on soit de gauche ou de droite on s’interroge sur l’opportunité de la présence française au Sahel.
Éric Zemmour qui n’est spécialiste ni de l’armée ni de la stratégie militaire, explique en citant Bugeaud qui aurait déclaré en parlant des troupes françaises : « Nous sommes des nomades qui poursuivent d’autres nomades » que cette sentence de simple bon sens montrant la capacité de notre armée de s’adapter aux combats du désert, aurait induit une incapacité à s’adapter aux confrontations « classiques » et donc à se mesurer aux hordes germaniques. Cette remarque serait en fait une démonstration de l’inutilité de la présence française hier comme aujourd’hui au Mali. Précisons que les généraux qui ont combattu à l’époque de Bugeaud et Bugeaud lui-même étaient convaincus (à tort ou à raison) du bien fondé de leur présence en Afrique.
On peut toujours contester la politique coloniale de la troisième république se taillant un empire en Afrique, mais expliquer la défaite de soixante-dix, et les difficultés de l’armée française en 1914 comme en 1940, par l’usure ou la distraction des guerres coloniales est bien le témoignage d’une méconnaissance du fonctionnement des armées aussi bien aujourd’hui qu’aux périodes de l’histoire précitées.
Dans ses mémoires, le Général Gouraud se plaint du manque d’effectif, car la rumeur de la guerre en Europe gronde en 1900 et l’armée de la métropole se mobilise aux dépens de l’armée coloniale dont on rapatrie les effectifs, c’est ainsi que les officiers ont développé des corps d’armée indigène (tirailleurs sénégalais…) avec lesquels ils ont conquis la moitié du continent.
Quant aux défaites dans les guerres européennes elles sont davantage à mettre sur le compte des politiques antimilitaristes conduites par les dirigeants radicaux socialistes qui ont, non seulement essayé à plusieurs reprises d’épurer l’armée des cadres patriotes et catholiques et le plus souvent royalistes, et ont placés des chefs bureaucrates et arrivistes sur la base d’une connivence idéologique et non sur le critère déterminant de la compétence militaire tels Nivelle et même Joffre (les Français, des lions commandés par des ânes selon les Allemands) en 1914 – 1916, Gamelin en 1940, et même Bazaine en 1870. D’ailleurs à Paris, même sous Napoléon III on ne faisait pas entièrement confiance aux officiers coloniaux dont la grande compétence leur conférait un franc parler qui écorchait trop les oreilles délicates des fonctionnaires ministériels.
L’armée coloniale couverte de gloire s’est toujours comportée héroïquement dans chacune des guerres, en témoignent les inscriptions sur leurs drapeaux, mais nos armées ont toujours souffert d’impréparation stratégique et matérielle. On notera que les chefs coloniaux tenus à l’écart en 1914 sont réapparus peu à peu dès 1916 pour assurer la victoire, comme notamment Galliéni sur la Marne (ou Franchet d’Esperey dans les Balkans). Quoique l’on puisse penser des guerres coloniales qui visaient surtout à contenir l’expansion britannique et assurer le contrôle de la Méditerranée, On ne peut imputer à cet effort colonial la responsabilité des échecs militaires sur le continent européen.
Aujourd’hui, si l’armée française a dû intervenir au Mali , c’est d’abord pour éviter un carnage à Bamako et une déstabilisation dramatique de toute la région sahélienne, voire l’installation d’un califat devenant une base avancée du terrorisme islamique dont l’Europe ferait les frais. La difficulté relève, comme nous le rappelle Bernard Lugan, des conflits ethniques préexistants, entre tribus touareg, peules, arabes et populations africaines sédentaires. Chaque camps a épousé la cause islamiste, soit avec Al-Qaïda, soit avec l’Etat Islamique en concurrence de maîtrise du territoire, soit avec le gouvernement malien remplacé actuellement par une junte militaire soutenue par la France et soi-disant la communauté internationale qui laisse l’armée française agir avec les alliés locaux (Tchad, Niger Mali) qui refusent le Califat.
Zemmour a raison en revanche de rappeler que l’instabilité du Sahel est une conséquence de l’agression de la Lybie et la chute de Kadhafi qui contrôlait toute ces régions. Outre les armes et les combattants que cette chute a fournis aux différents belligérants, cela a réveillé les tensions ethno-territoriales et sous couvert d’islamisme a permis à de véritables petites armées de se constituer sous la houlette des chefs ethniques traditionnels.
Pourquoi la France ? Parce qu’en Europe c’est le seul pays qui possède une armée capable de faire « le job ». Que l’Afrique, selon l’état-major de l’OTAN est considérée un peu comme notre jardin (certes, c’est bien commode) et que nous avons des intérêts et une influence réelle dans ces pays (Cela n’empêche pas les services secrets des grandes puissances de nous mettre quelques peaux de bananes). Il n’est pas sûr en revanche que nos dirigeants politiques aient bien mesuré tous les enjeux de cette affaire, mais il est sûr en revanche que si nous n’y étions pas, nous allions à la catastrophe avec des conséquences jusque dans notre métro parisien.
La proximité de la tenue d’une conférence du G5 Sahel en février, pousse aussi les djihadistes à attenter à la vie des soldats français, afin d’obtenir une réaction de l’arrière comme disait Bernanos, et influencer les décisions vers un retrait de nos troupes, lesquelles ont décapité ACMI et par une stratégie de coups de poing successifs désorganisé durablement les groupes terroristes. Outre les mines qui explosent sous les VBL (véhicules blindé légers), ou les attentats suicides, des rezzous à l’ancienne se produisent contre des villages faisant des centaines de victimes, des règlements de compte ethniques le plus souvent teintés de djihad.
Dire que l’État français ferait mieux de s’occuper de régler les flux migratoires, plutôt que de guerroyer en Afrique, c’est mélanger le fromage et le dessert, les deux combats complémentaires doivent être au menu et si l’immigration et l’insécurité intérieure relèvent bien du ministère de l’intérieur, l’armée dépend de celui de la Défense. Il n’y a donc a priori aucun lien, si ce n’est une complémentarité, entre le combat contre le djihadisme en Afrique et la lutte contre l’immigration excessive en France.
Certains, et là Eric Zemmour n’est pas concerné, parlent d’enlisement de l’armée française, parce que nous avons des morts, très peu en réalité à côté des résultats obtenus et des objectifs atteints. Il faut observer au contraire que nos soldats montrent un professionnalisme et même parfois un héroïsme qui mériterait d’être un peu plus salué dans les médias.
Maintenant, le plus difficile sera de rétablir la présence et l’autorité de l’état malien sur l’ensemble du territoire, cela suppose un appareil militaire efficace et une administration compétente, ce qui n’est pas encore gagné… On verra en février ce qu’il adviendra de la présence française qui devrait être diminuée sensiblement. Gageons que l’avenir de la présence française au Mali ne soit pas trop lié aux options de politique intérieure du moment avec la perspective des élections présidentielles au dépend d’une lecture géostratégique…
Source : https://www.actionfrancaise.net/