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  • Actualité & Religion • LES MARTYRS D’ALGÉRIE BÉATIFIÉS

    Par Annie LAURENT  

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    « Que Mgr Pierre Claverie et ses dix-huit compagnons, fidèles messagers de l’Évangile, humbles artisans de paix, soient dès maintenant appelés bienheureux ».

    En proclamant ce décret de béatification à l’ouverture de la messe solennelle présidée par lui le 8 décembre dernier dans le sanctuaire Notre-Dame de Santa-Cruz, situé sur les hauteurs d’Oran, le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation pour la Cause des saints, donnait à l’événement une dimension historique. En effet, pour la première fois, une telle célébration s’est déroulée dans un pays dont la population est majoritairement musulmane et dont l’Etat se réfère officiellement à l’islam.

    Puisqu’il est d’usage, dans l’Eglise catholique, de célébrer les béatifications sur les lieux où les nouveaux élus ont terminé leur vie terrestre, le choix de l’Algérie pour honorer les dix-neuf martyrs (quinze Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise), assassinés dans ce pays entre 1994 et 1996, se justifiait.

    La mission de ces bienheureux s’est déroulée dans l’Algérie indépendante, même si les congrégations religieuses auxquelles appartenaient la plupart d’entre eux y exerçaient leur apostolat depuis plus ou moins longtemps. Les Missionnaires d’Afrique (les Pères Blancs) y furent fondés en 1868 par le cardinal Charles Lavigerie, troisième évêque d’Alger. Quatre des leurs, Jean Chevillard, Alain Dieulangard, Christian Chessel et Charles Deckers, ont été tués ensemble le 27 décembre 1994 à Tizi-Ouzou (Kabylie) par un commando islamiste.

    cq5dam.thumbnail.cropped.750.422.jpgQuant à la présence de moines trappistes, elle remonte à 1843. D’abord érigé à Staouëli, près d’Alger, leur monastère se fixa en 1938 à Tibéhirine, dans le massif de l’Atlas. C’est là que le prieur, Christian de Chergé, et six de ses moines (les Pères Célestin Ringeard et Bruno Lemarchand ; les Frères Luc Dochier, Michel Fleury, Christophe Lebreton et Paul Favre-Miville) ont été enlevés dans la nuit du 26 mars 1996, leurs têtes ayant été retrouvées à quelques kilomètres le 30 mai suivant, neuf jours après l’annonce de leur meurtre par les Groupes islamiques armés (GIA).

    Pour leur part, les Frères maristes ont ouvert leurs trois premières écoles en 1891. Arrivé à Alger en 1969 pour y diriger le collège Saint-Bonaventure, le Frère Henri Vergès demeura sur place après la nationalisation des établissements catholiques, prenant alors en charge la bibliothèque étudiante de la Casbah, propriété de l’archevêché d’Alger, où il était secondé par Sœur Paul-Hélène Saint-Raymond, appartenant aux Assomptionnistes, présentes en Algérie depuis 1946. Ils moururent ensemble sous les balles de trois terroristes venus les tuer le 8 mai 1994.

    Les Augustines missionnaires, originaires d’Espagne, se sont établies à Constantine et à Blida en 1933, ouvrant ensuite une maison à Bab-El-Oued, quartier populaire d’Alger, où elles s’adonnaient à des œuvres de charité. Deux d’entre elles, les Sœurs Esther Paniagua Alonso et Caridad Alvarez Martin, ont été assassinées dans la rue le 23 octobre 1994 alors qu’elles partaient assister à la messe. La congrégation missionnaire Notre-Dame des Apôtres est en Algérie depuis 1937 pour divers services (paroisses, enseignements, santé). Deux de ses religieuses, les Sœurs Bibiane Leclercq et Angèle Marie-Littlejohn, ont été tuées à bout portant à Belcourt (Alger) en revenant de la messe, le 3 septembre 1995. Les Petites Sœurs du Sacré-Cœur, de spiritualité foucauldienne, sont, elles aussi, arrivées en Algérie avant l’indépendance. L’une d’elles, Odette Prévost, vint à Alger en 1968 pour fonder une communauté puis intégrer le Centre culturel diocésain des Glycines. Elle a été abattue dans la rue le 10 novembre 1995 alors qu’elle se rendait à la messe.

    Enfin, l’itinéraire de Mgr Pierre Claverie se distingue des autres bienheureux car, né en 1938 à Bab-El-Oued dans une famille de pieds-noirs, il était un enfant du pays. Devenu dominicain, il put s’établir dans la capitale algérienne en 1967. Avant d’être nommé évêque d’Oran en 1981, il dirigeait le Centre diocésain d’Alger. Victime d’une bombe qui l’attendait à la porte de son évêché, il est mort le 1er août 1996, devenant le dernier des dix-neuf martyrs dans l’ordre chronologique. Mais s’il est placé en tête de la liste c’est bien sûr en sa qualité d’évêque, ce qui explique aussi le choix d’Oran comme lieu de la cérémonie des béatifications.

    Un choix expressément demandé au Vatican par les quatre évêques d’Algérie, comme l’a indiqué le successeur de Mgr Claverie, Mgr Jean-Paul Vesco, lui aussi dominicain, car il s’agissait de mettre en lumière la fidélité des bienheureux à leur vocation, librement consentie malgré l’islamisation croissante de la société et les menaces que les djihadistes faisaient peser sur eux. Déjà en germe durant la guerre d’indépendance où djihad et socialisme s’entrecroisaient, cette évolution s’appuya ensuite sur l’arabisation promue par les dirigeants algériens avec l’aide de professeurs venus du Proche-Orient. Elle s’accompagna de l’extension de la charia dans des domaines tels que la famille ou la liberté de culte. L’Eglise peine aussi à obtenir des visas pour ses membres (1).

    « Dans la logique de l’islamisme, tout ce qui n’est pas musulman est impur. Pour nous, il est important de rester pour mettre en échec cette logique de haine », confiait, peu avant sa mort, Mgr Claverie (2). Il tenait à ce que le rôle des chrétiens fût bien compris en France. « Je n’aime pas l’on nous fasse passer pour des martyrs (…). C’est le moment pour nous de la gratuité et j’y insiste toujours, nous n’avons rien d’autre à proposer que d’être là et de garder avec ce peuple une relation d’amitié dans laquelle se traduit un peu de l’amour de Dieu, sans autre moyen que d’être avec eux, avec le risque d’y laisser sa vie (…). Nos interlocuteurs sentent bien dans quel esprit nous agissons » (3).

    La collaboration de l’Etat pour le bon déroulement de la cérémonie, la présence à Santa-Cruz du ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, ainsi que des principaux imams, semblent accréditer cette affirmation. L’Eglise a néanmoins pris soin de poser des gestes visant à empêcher toute incompréhension. Ainsi, dans un message lu avant la célébration, le pape François a souhaité que celle-ci soit aussi « une prière pour tous les fils et filles de l’Algérie qui ont été, comme eux [les bienheureux], victimes de la même violence », allusion aux 200 000 victimes de la guerre civile, dont 114 imams qui s’opposaient aux islamistes, sans oublier le jeune chauffeur musulman de Mgr Claverie, Mohamed Bouchikhi. A l’intention des représentants de l’Etat, le Saint-Père a ensuite émis le vœu « que cet événement inédit dans votre pays dessinera un grand signe de fraternité dans le ciel algérien à destination du monde entier ».

    Mais « faut-il encore une fois faire le deuil de nos morts et de la vérité ? », s’est interrogé l’écrivain algérien, Boualem Sansal, craignant que ces béatifications ne servent de prétexte à enterrer l’enquête relative aux circonstances et aux responsabilités du drame des moines de l’Atlas (4). Or, sur ces points le mystère demeure comme le montre la journaliste Mireille Duteil, au terme d’une recherche fouillée : outre les maladresses de la politique française envers le pouvoir algérien et la « guerre des services » de renseignements, nos juges s’opposent depuis le début à des manœuvres dilatoires du côté de l’Etat algérien et de sa justice. « Tellement de bruits invérifiables et d’intoxications plus ou moins volontaires ont couru sur ce septuple enlèvement (…). Chacun garde ses secrets », note l’auteur qui, tout en retenant l’hypothèse d’une opération montée par l’armée algérienne, conclut à « l’impossible vérité » (5).

    lesechosdalger-Monseigneur-Paul-Desfarges-église-protestante-660x330.jpgDans une Lettre pastorale intitulée La béatification de nos frères et sœurs, une grâce pour notre Eglise, Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, invite ses fidèles à ne pas faire de tri parmi les dix-neuf bienheureux, malgré l’attirance que chacun peut avoir pour « la figure de l’un ou l’autre », car « l’Eglise nous les donne ensemble ». Et de préciser : « Quoi de commun entre tous ? Ils ont donné leur vie dans l’amour et le service du peuple algérien » et partageaient la parole de Christian de Chergé dans son testament : « J’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent qe ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays ».

    L’archevêque évoque ensuite les possibles ambiguïtés du dialogue islamo-chrétien. « II n’y a qu’un seul médiateur, le Christ », écrit-il. Puis il rappelle comment Mgr Claverie « a bien su mettre en garde […] contre des ressemblances qui sont des ressemblances apparentes », mentionnant notamment Abraham et Jésus. Faut-il y voir une allusion aux positions doctrinales du prieur de Tibéhirine dont certains écrits peuvent légitimement troubler tant il semblait subjugué par l’islam ? Mgr Desfarges entend sans doute souligner avec raison que la reconnaissance d’un martyr, si beau que soit son sacrifice, n’en fait pas un docteur de l’Eglise. 

    Article paru dans La Nef, n° 310 – Janvier 2019.

    __________

    1. Mireille Duteil, Les martyrs de Tibhirine. L’histoire d’un drame politico-religieux, Salvator, 2018.
    2. Ibid., p. 35. 
    3. Pierre Claverie, Un amour plus fort que la mort, Cerf, 2018, p. 78-79. 
    4. Le Figaro, 7 décembre 2018. 
    5. Duteil, op. cit., p. 176, 220-225.

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

    Annie Laurent
    Spécialiste du Proche-Orient, des chrétiens d’Orient et de l’islam, Annie Laurent est à l’origine de l’association Clarifier et est l’auteur notamment de L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore) (Artège, 2017), L’islam peut-il rendre l’homme heureux (Artège, 2012), Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? (Salvator, 2017). 
  • La monarchie, c’est la démocratie plus un

    Par Frédéric Rouvillois

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    À en croire certains, ce que détesteraient avant tous les gilets jaunes ne serait autre que la « monarchie républicaine », incarnée par le président Macron.

    D’où ils déduisent, tout fiers de leur raisonnement, qu’il suffirait de dépouiller le régime de ses attributs monarchiques et de le « républicaniser » à nouveau dans le cadre d’une « VIe » parée de toutes les vertus, pour satisfaire les gilets jaunes, et parvenir enfin au meilleur des mondes…

    Pourtant, un amateur de paradoxes (ou un lecteur de Pascal qui constatait qu’en ce bas monde, ce sont ces derniers qui mènent le bal) pourrait leur démontrer qu’ils font fausse route, et que c’est au contraire la dimension « républicaine » du régime qui représente un obstacle infranchissable aux revendications des gilets jaunes. Bref, aussi saugrenu que cela puisse paraître, qu’une monarchie véritable serait, somme toute, mieux à même de satisfaire lesdites revendications.

    Quand Mélenchon était contre le référendum

    Reprenant celles-ci par le début, c’est-à-dire par le fameux « référendum d’initiative citoyenne » (RIC), notre amateur de paradoxes commencerait par noter que, dans une république où tous les gouvernants sont élus, et ce faisant supposés « représenter » le csm_Gilets-jaunes-Referendum-RIC-AFP-KarinePierre-HansLucas_4147874b85.jpgsouverain, le RIC, grâce auquel ce souverain pourrait s’exprimer sans leur aval, a du mal à passer. Permettant au peuple de récupérer son pouvoir, il équivaut pour eux au RIP des cimetières anglo-saxons : « Rest in peace ». Les observateurs constatent à ce propos l’hostilité instinctive des élus à l’égard de toute forme de référendum : d’où, le faible nombre d’utilisations, y compris en matière constitutionnelle, où il s’agit pourtant de la procédure normale. Une hostilité qui, chez les élus, tourne à la fureur lorsque l’« initiative » du référendum leur échappe. Entre 2005 et 2008, ce fut brièvement le cas du référendum automatique de l’article 88-5, qui obligeait à consulter les Français en cas de nouvelle entrée dans l’Union européenne : mais la bronca des parlementaires ne tarda pas à 5b45dbb809fac27e318b4567.jpgs’exprimer, notamment par la bouche de… Jean-Luc Mélenchon, qui se scandalisait alors d’un mécanisme impliquant que « les représentants du peuple auraient […] moins de légitimité que le peuple à s’exprimer » (sic). C’est pourquoi ce référendum obligatoire fut promptement neutralisé, sous l’égide de Sarkozy, lors de la révision constitutionnelle de 2008. Où l’on comprend que, même président, un élu reste un élu, qui estime que c’est à lui qu’appartient le pouvoir : à lui seul, et non à ceux qui l’ont désigné, en vertu de la vieille démonstration de Montesquieu selon laquelle le peuple sait admirablement se choisir des représentants, mais est bien trop stupide pour agir lui-même. Sur ce point, l’avantage paradoxal de la monarchie vient de ce que, si tous les autres représentants sont élus, le chef de l’État, lui, ne l’est pas : ce qui lui permet d’échapper à cette hostilité spontanée à l’encontre de la démocratie directe. Dans une monarchie, le référendum, quel qu’en soit l’initiateur, n’est pas perçu comme une atteinte, ni politique ni symbolique, au pouvoir du monarque. L’exemple du Maroc contemporain nous montre que c’est même le contraire.

    « Tant pis pour vous, vous n’aviez qu’à mieux choisir »

    Il en va également ainsi du « référendum révocatoire », c’est-à-dire, de la possibilité offerte aux électeurs de se débarrasser, avant le terme de leur mandat, d’élus qui ne font pas l’affaire. Lorsqu’une personne privée confie à un mandataire la gestion d’un studio qu’elle veut mettre en location, le Code civil lui donne la possibilité d’en changer à tout moment si elle s’aperçoit que celui-ci s’avère incapable ou malhonnête. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi  – alors que les enjeux sont infiniment plus importants – il en irait autrement dans l’ordre politique. Pourquoi le fait d’avoir choisi, un beau jour, un certain candidat pour des raisons souvent incertaines et sans toujours disposer des informations suffisantes, garantirait au candidat vainqueur, en toute hypothèse et quoi qu’il fasse, d’aller sieyes-emmanuel-joseph-351748-2061836-pretre-et-homme-politique-francais-portrait-lithographie-de-delpech-19e-siecle-additional-rights-jeux-na-x5jbac.jpgjusqu’au terme d’un mandat de plusieurs années… Bref, pourquoi le « tant pis pour vous, vous n’aviez qu’à mieux choisir », interdit par le code dans les rapports privés, serait-il donc intangible et sacré dans un domaine où ses effets pourraient s’avérer tragiques ? À le présenter ainsi, on comprend du reste que cette « représentation élective » n’a rien de spécifiquement « démocratique », comme l’avouait d’ailleurs son théoricien, l’abbé Sieyès (Photo), en septembre 1789. Et qu’elle l’est infiniment moins que le système inverse, où le souverain est en droit de révoquer à tout moment ceux qu’il a désignés.

    Le problème paraît essentiellement d’ordre pratique. Si tous les gouvernants sont élus et que tous les élus peuvent faire l’objet d’une telle révocation, alors l’ensemble du système semble menacé d’instabilité chronique : l’argument, estiment ses adversaires, serait d’ailleurs suffisant pour récuser une telle procédure et en revenir au mécanisme représentatif pur. Cependant, là encore, la situation change lorsqu’il y a au sommet de l’État un chef échappant par nature à l’élection, constituant par là même un pôle de stabilité incontestable au milieu d’une réalité mouvante. Un pôle qui, à l’inverse, permet d’accepter, en dessous, les risques d’une instabilité qui n’est pourtant que la manifestation de la volonté souveraine. Dans les années 1960, on disait de la monarchie qu’elle était l’anarchie plus un. Aujourd’hui, la question du référendum révocatoire pourrait suggérer une correction à la formule : la monarchie c’est la démocratie, plus un.

    C’est parce qu’il n’est l’élu de personne que le roi peut être l’homme de tous

    On reproche à Macron d’endosser les habits taillés par et pour le général de Gaulle, ceux du monarque républicain. Mais notre amateur de paradoxes pourrait objecter que c’est parce qu’il n’est pas pleinement monarque, autrement dit, parce qu’il est élu par une partie du corps électoral avec le soutien de certains groupes, qu’il ne saurait être le « président de tous les Français ». De même qu’il n’y a pas d’enfant sans mère (même avec la PMA), il n’existe pas de pouvoir élu indépendant de ceux qui l’ont fait élire – c’est-à-dire, des féodalités de tous ordres qui lui ont permis d’accéder à sa place, et d’espérer y rester. À l’inverse, c’est parce qu’il n’est l’élu de personne que le roi peut être l’homme de tous. C’est parce qu’au fond il n’est que l’enfant de son père, au même titre que chacun d’entre nous, ce qui le place par rapport aux autres dans une situation à la fois absolument singulière et totalement banale, que le monarque peut assumer cette fonction de père. Sans être dépendant d’une coterie, d’un parti, d’un groupe ou d’un lobby quelconque : et sans que l’on puisse soupçonner ce père de préférer outrageusement tel ou tel de ses enfants, et de défavoriser les autres à leur profit.

    Si l’on continue dans ce registre familial, on constate que le président de la République, lorsqu’il joue au père de la nation, se trouve sans cesse confronté à son propre mensonge : ce père-là, en effet, sait parfaitement qu’il abandonnera bientôt ses enfants, ce que ces derniers n’ignorent pas non plus. Il fait semblant d’être tout pour eux, mais regarde déjà sa montre, fébrilement. Car ce père adoptif est aussi, et surtout, un père temporaire, tout le contraire d’un père véritable. Comment alors lui faire confiance ? Comment imaginer que, chaque matin en se rasant, il ne songe pas à l’« après » ? À ce qu’il sera, à ce qu’il fera, et à tout ce que cela implique « dès maintenant » ? Notre Jupiter, par exemple, n’en a plus aujourd’hui, au mieux (pour lui…), que pour huit ans. En 2027, alors qu’il n’aura que 49 ans, la brève parenthèse que la vie politique aura représentée dans son existence se refermera à tout jamais, et celle-ci reprendra son cours normal. Quittant l’Élysée, le futur ex-président retrouvera son quotidien ordinaire, son milieu et son métier naturels, la haute banque, où il échangera les ors ternis du pouvoir politique contre le lustre inaltérable du pouvoir financier. Rien ni personne ne pourra changer quoi que ce soit à ce destin, ni l’empêcher de le préparer.

    Le temps du roi

    2660057926.jpgLe roi, en revanche, sait que sauf accident révolutionnaire, il sera sur le trône jusqu’à sa mort, et qu’après lui, viendront ses enfants, ou ses neveux. Dans son cas à lui, la parenthèse n’a jamais été ouverte, et elle ne se refermera pas. Par conséquent, il peut envisager les choses sur le long terme. Même à une époque comme la nôtre, le roi n’est pas l’« homme pressé ». Il a le temps, tout le temps qu’il veut, à un moment où celui-ci est un bien rare – et le plus précieux de tous pour qui veut réaliser des projets vraiment ambitieux, comme ceux de la transition écologique, de la réorganisation globale des territoires ou de la réaffirmation de l’identité face à la mondialisation… (Photo : le Comte de Paris, la Comtesse de Paris et leurs enfants). 

    Bref, le roi, lui, peut et doit penser sur le long terme. Ce qui veut dire, entre autres, qu’il n’est pas obligé de donner des gages à de futurs patrons, collègues ou clients, qui sont en outre d’anciens créanciers – comme un certain président qui semble prêt à lâcher sur tout, sauf sur les somptueux cadeaux fiscaux qu’il a faits naguère à ses enfants préférés…

    Frédéric Rouvillois
    Causeur, 18.02.2019     
    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).     
  • Le meilleur des mondes est pour demain, en vert, par Yves Morel.

    Le peuple écologique se réduit au petit troupeau de convaincus. Les autres sont exclus de la légitimité populaire. Ce comportement sectaire et satisfait est le résultat de la faillite des autres représentants politiques, qui n'ont pas voulu s'alarmer face aux dangers environnementaux de nos modes de vie. Un blanc-seing dangereux donné à une idéologie radicale…

    Nous n’aurons pas attendu longtemps les tentations terroristes de l’écologisme militant. Depuis leur percée lors des dernières municipales, les Verts semblent croire leur règne arrivé, et ne prennent pas de gants pour faire sentir leur férule. Il n’est que de considérer les initiatives provocantes prises par certains de leurs maires récemment élus pour en juger. À la fin de l’année dernière, Pierre Hurmic, nouveau maire EELV de Bordeaux, interdisait le traditionnel sapin de Noël municipal pour des raisons à la fois économiques (trop coûteux selon lui) et écologiques (il convient de respecter la nature, et donc de ne pas abattre et instrumentaliser de pauvres arbres innocents pour une fête archaïque). Sa décision suscita un véritable tollé, et maints élus et représentants d’associations, exigèrent une consultation de la population locale par référendum. Réponse d’Hurmic : « L’opinion des fachos, je m’assois dessus ! » Belle leçon de démocratie de la part d’un homme qui s’en réclame tant, comme tous nos politiciens ! Belle leçon, également, de tolérance et de respect des autres. Selon Hurmic, ses adversaires ne sont que des « fachos », donc infiniment méprisables, et dont l’avis ne saurait être pris en considération, dans l’intérêt même de la démocratie, et au nom des sacro-saintes « valeurs de la République ». Que cette décision de ne pas installer le traditionnel sapin de Noël, place Pey-Berlan, ait provoqué l’indignation de Bordelais de tous bords (et pas seulement de la droite nationale, loin de là) n’a aucune importance pour le premier magistrat de la cité girondine : tous ses opposants sont les tenants d’une France rétrograde, enkystée dans ses traditions surannées, et relèvent, par là même, de la mouvance réactionnaire, donc fasciste et vichyste. Merci, Monsieur le Maire, pour cette grande leçon de respect et de tolérance, qui augure assez de ce que pourra être un pouvoir écologiste, si jamais il advient un jour.

    À Lyon, le maire EELV, Grégory Doucet, a récemment imposé, pour une durée de trois semaines, un menu unique sans viande dans les cantines scolaires, au nom de la lutte contre la pandémie actuelle. On se demande en quoi une telle initiative freinera la propagation du coronavirus au sein de la population lyonnaise. Mais on a tort de se le demander. En fait, la question n’est pas là. Ce n’est pas la propagation de la Covid 19 qui motive la décision prise par le nouveau mai(t)re de Lyon. Ce dernier, comme beaucoup de ses camarades écolos, est un partisan convaincu du végétarisme, du végétalisme, voire du veganisme et de l’antispécisme. Pendant des années, et durant sa campagne électorale de 2020, il n’a cessé de prôner la diminution générale de la consommation de viande, la diminution de la proportion de viande dans les menus des cantines publiques, l’instauration obligatoire d’un menu optionnel végétarien, chaque jour, dans les cantines scolaires, et l’agriculture bio envisagée sous le seul angle de la production d’aliments végétaux.

    L’écologisme est la seule des idéologies politiques à avoir survécu

    La présente mesure vise à préparer l’instauration d’un régime végétarien obligatoire. Nous exagérons ? Que non, hélas ! Et combien nous souhaiterions avoir tort ! Mais tel n’est pas le cas. L’écologisme est, de nos jours, en Occident, la seule idéologie encore vivace et influente au sein de la population, et capable de séduire des électeurs. Les autres (socialisme, sous toutes ses formes, radicalisme, libéralisme conservateur, nationalisme, démocratie chrétienne) sont toutes mortes, ne comptent plus d’adeptes sérieux, n’inspirent plus les partis politiques d’aujourd’hui et indiffèrent les citoyens.

    Cette capacité de résistance de l’écologisme n’a rien d’étonnant. Pour la comprendre, il suffit de considérer le monde actuel et son histoire depuis quatre décennies. L’échec du socialisme marxiste, sous ses diverses formes, s’est révélé aussi patent qu’effroyable et sanglant. Le socialisme non communiste, « humaniste », social-démocrate, keynésien ou autre, est tout à fait révolu dans l’ordre économique mondial d’aujourd’hui, et n’est plus au pouvoir nulle part, ayant disparu avec la croissance effrénée des économies occidentales durant les années 1960 et 1970, quand les pays riches, sans concurrents, se partageaient le gâteau mondial sur le dos d’un tiers-monde sous-développé. La droite conservatrice modérée s’est convertie au libéralisme hédoniste et amoral, et a accepté le sacrifice de ses valeurs de civilisation à la loi du marché et à la société de consommation la plus débridée ; les catholiques sont devenus « droits-de-l’hommistes » et gauchisants. Les nationalistes ont été impitoyablement marginalisés et jetés aux oubliettes, quand ils ne se sont pas convertis tant bien que mal au système.

    Les désastres environnementaux et sanitaires engendrés par notre système néolibéral incontrôlé explique le succès actuel de l’écologisme

    Il y a peu, encore, on affirmait couramment que le nouvel ordre mondial planétaire, sans frontières ni régulation, néolibéral, régi par la seule loi de la Bourse, avait balayé toutes les idéologies d’autrefois, et s’était imposé comme la philosophie morale et politique immanente de l’humanité, depuis la fin des années 1980. Or, le problème écologique mondial, et la présente pandémie le remettent radicalement en cause.

    Et comment en irait-il autrement, puisqu’ils en sont les conséquences ? C’est, en effet, à notre modèle économique et social néo-libéral, étayé sur la loi du marché et les seules valeurs financières, à notre capitalisme sans frein, impliquant une industrialisation et une urbanisation démentielles, ainsi que des déplacements incessants d’individus et de populations, que nous devons les grands problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés : la pollution planétaire, le réchauffement climatique et la pandémie coronovirale. Délibérément ignorées pendant plus de cinquante ans par les détenteurs du pouvoir économique et financier, pour des raisons mercantiles évidentes, par les pouvoirs publics, soucieux de ne pas compromettre l’essor économique de leurs pays et l’efflorescence de la société de consommation qui en résultait – et d’ailleurs bien incapables de pouvoir réguler ou contraindre le système –, et par le gros de la population mondiale, alors insensible à des problèmes environnementaux qui ne l’affectaient que peu – et subjugué par le modèle individualiste et hédoniste de société en lequel il vivait –, ces questions sont devenues primordiales aujourd’hui, et appellent des réponses urgentes. D’où le succès politique des écologistes. Nous savons tous, aujourd’hui que, pour éviter la transformation de notre planète en un cloaque invivable et en un chaudron infernal, pour éviter également des pandémies mondiales comparables à celle de la Covid 19, il faudra adopter des mesures drastiques particulièrement pénibles et privatives de liberté, et qui modifieront très profondément, dans un sens contraignant et restrictif, le mode vie auquel nous sommes habitués depuis une soixantaine d’années en Occident. Encore ces mesures auront-elles pour effet, non d’éviter, mais de limiter les dégâts, d’ores et déjà nombreux et certains irréversibles. Mais, parce que leur nécessité est une évidence, parce que leur adoption ne peut plus attendre, elles seront « plutôt bien acceptées », comme disent nos journalistes de télévision des mesures destinées à lutter contre la propagation du coronavirus (port du masque, confinement, gestes barrières, distanciation). Nous savons tous que nous devons nous préparer à des lendemains qui déchantent. Et il est particulièrement rageant de penser qu’ils eussent pu être évités si, pendant cinq ou six décennies, nous ne nous étions pas complus dans un système libéral mondial que personne ne pouvait ni ne voulait réguler, et si nous n’avions pas délibérément sacrifié les questions environnementales et sanitaires au culte de la croissance et du profit, aux délices et aux poisons de la société de consommation.

    Des ballons d’essai destinés à préparer l’avènement d’un totalitarisme écologiste

    Mais, en dehors des nécessaires mesures environnementales auxquelles nous devrons bien nous résigner, il est une calamité à redouter : celle de l’idéologie de l’écologisme et du terrorisme moral et politique auquel il donne déjà lieu. Et ceci nous ramène aux mesures récemment prises par certains maires écologistes, que nous critiquions plus haut. Lorsque le maire de Bordeaux prive ses administrés de sapin de Noël, par souci d’économie (dit-il) et au nom d’un respect de la nature, il entend nous imposer une morale écologiste de type religieux soustraite à tout débat public et à l’agrément des citoyens. Lorsque le maire de Lyon impose un repas végétarien dans les cantines scolaires, il lance un ballon d’essai visant à tester les réactions de l’opinion à de futures mesures visant à imposer partout le régime végétarien. À l’évidence, les écologistes, les animalistes et les antispécistes mettent à profit la situation actuelle pour avancer leurs pions et tenter d’imposer une société ordonnée autour d’une religion de la nature, et végétarienne par obligation. Les véganistes et les antispécistes redoublent d’ailleurs d’audace, et les attaques contre les boucheries, les charcuteries et les poissonneries se sont multipliées depuis quelques années. À quand les repas de Noël et les fêtes de famille à base de galettes de soja arrosées d’une bonne bouteille de Cristalline ? Si les initiatives des maires de Bordeaux et de Lyon ont provoqué les critiques de MM. Denormandie et Darmanin (d’ailleurs sans effet), elles ont reçu la chaleureuse approbation de Barbara Pompili, ministre de l’Écologie (et ancienne élue EELV), cependant que le Premier ministre et le président de la République ont « calmé le jeu », faisant ainsi taire les critiques au plus haut niveau, ce qui rend service aux deux édiles mis en cause. La bien-pensance et le politiquement correct, relayés par le matraquage médiatique et le terrorisme de la pensée unique, feront le reste.

    Il est décidément à craindre que la recherche de solutions aux graves problèmes environnementaux et sanitaires devienne le vecteur d’un écologisme intégriste qui transformera le dur avenir qui nous attend en une forme inédite de totalitarisme. La bonne conscience universaliste s’appuiera sur une deep ecology faisant de la nature l’objet d’un véritable culte, et un antispécisme aboutissant à ériger l’animal en égal de l’homme.

     

    Illustration : Grégory Doucet, en élégante tenue de urban gentleman farmer, plante un verger en plein Lyon. Ça pourrait paraître grotesque si ce n’était inquiétant : la révolution verte multiplie les grands projets et les petits gestes, imposant son calendrier et ses méthodes.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Droite, gauche : la grande confusion, par Pierre de Lauzun.

    La droite peine, la gauche s'éparpille, le paysage politique est en fusion. Le système bi-partisan profite de lois électorales mais exaspère les divisions, on a le sentiment d'un système sur le point de se désagréger. Que choisir ?

    4.jpgJ’ai évoqué dans un précédent article l’information selon laquelle il y aurait une droitisation de l’opinion, ce qui laisse entendre qu’on aurait une idée claire de ce qu’est la droite. Or sur la base de la traditionnelle division tripartite de la droite dans ce qu’on appellera pour simplifier les conservateurs, les libéraux et les populistes, un examen plus détaillé montre que seuls ces derniers ont vu leur rôle et influence s’accroître, du moins pendant un temps, sur la base d’ailleurs d’un corps d’idées passablement flou.

    Mais, pour compléter l’analyse, il faut voir ce qui se passe à gauche. On sait que la gauche est intellectuellement hégémonique : elle domine la production intellectuelle et l’expression publique des idées et informations de façon croissante avec le temps. Dominer ne veut pas dire qu’elle est supérieure, encore moins qu’elle a raison ; mais elle contrôle la production et la dissémination des idées. Sur la scène politique, cela s’est traduit non pas par la domination de ce qu’à un moment donné, on appelle politiquement la gauche, ou pas automatiquement, mais par le glissement de l’arc politique : l’axe droite/gauche garde son rôle prépondérant dans la définition de la polarité politique, mais les idées de gauche anciennes dépassées par de nouvelles idées de gauche glissent sur la droite de l’arc politique. Après tout, même les bonapartistes (ancêtres des populistes) et les orléanistes (libéraux) viennent en partie appréciable de la gauche, ou en tirent une partie de leurs idées ; ils ne sont pas compréhensibles sans le rappel de cette origine – le glissement ayant été suivi d’une mutation, avec hybridation et fixation sur la droite. Et inversement, les seuls à toujours avoir été classés à droite, les anciens légitimistes, ou encore les héritiers de la pensée classique, sont refoulés plus sur la droite, et s’hybrident dans ce qu’on appelle les conservateurs.

    Les dilemmes croissants de la gauche

    Et à gauche ? Face à la division tripartite de la droite, on constate un phénomène différent, car la gauche, elle, est entièrement un lieu d’origine. On pouvait jusqu’à récemment y discerner trois grands courants, quoique de poids très différents. Il y a d’abord un courant libéral de gauche/républicain/radical, tourné vers la mise en place de la démocratie libérale comme régime politique, attaché à l’émancipation, très hostile à la religion, avec des nuances internes entre libéraux et républicains. Dominant sous la IIIe République, il a beaucoup perdu de sa pertinence politique et tend à se faire refouler à son tour sur la droite (où il contribue au syncrétisme : ce fut le cas du parti radical intégré dans l’UDF). Mais il reste important sur le plan des idées, en tant que tradition libérale de gauche, émancipatrice ; on le voit actuellement en matière de mœurs.

    Un deuxième courant est le socialisme au sens large, de plus en plus prépondérant depuis le siècle dernier, avec trois variantes nettement différenciées, sociale-démocrate, communiste et gauchiste. Mais comme on sait, il est à son tour touché par l’obsolescence. On peut même parler d’un effondrement historique du socialisme, successivement sous ses deux formes pertinentes au niveau gouvernemental : la communiste, évidemment, et plus récemment la sociale-démocrate, pour des raisons combinées : épuisement du ressort budgétaire, réduction de la classe ouvrière, et adhésion à la mondialisation, liée au refus du patriotisme ; or la nation est désormais la seule base de protection des travailleurs locaux. Le gauchisme subsiste mais reste périphérique.

    Un troisième courant est l’anarchisme, généralement négligeable politiquement mais distinct des précédents, sauf hybridation éventuelle avec le gauchisme.

    S’y ajoute bien sûr l’émergence plus récente d’un nouveau courant, l’écologisme. Mais à regarder de près, son positionnement à gauche ne devrait pas aller de soi, sur la base de ce seul souci écologique. Certes cela remet en question l’économie dominante, et donc conduit à prendre un positionnement contestataire, ce qui s’apparente à la gauche. Mais surtout il y a eu dans l’écologisme politique une greffe massive d’idées de gauche nullement liées en soi à l’écologie, et notamment libérales/libertaires (questions de mœurs). Cela dit, au total, dans aucun pays le courant écologique ne paraît en passe de jouer le rôle politico-idéologique central que jouait à gauche le socialisme. Il reste donc une tendance globale à l’affaiblissement relatif de la gauche politique.

    La situation se complique encore de façon déterminante par l’émergence d’une autre problématique, qui touche cette fois à la composition de la population elle-même. Problématique qui est double : celle des migrants, et celle de la critique woke/intersectionnelle. La problématique des migrants n’est pas facile pour les courants de gauche établis, et notamment les socialistes. Le migrant a une origine, des vues et des intérêts qui divergent sensiblement de ceux des milieux populaires traditionnels, notamment ouvriers. Mais le réflexe dominant de la gauche politique, son mode de pensée spontané, émancipateur et cherchant sa base dans ce qu’il pense être les victimes, le conduit à voir les migrants comme on voyait le prolétariat. Outre que cela accroît le divorce entre la gauche et sa base populaire d’origine, cela ne lui donne pas une base de rechange, car cela se fait en bonne partie sans les migrants eux-mêmes (même s’ils votent à gauche quand ils votent) ; et il n’y a rien ici d’équivalent à ce qu’étaient les syndicats. En outre la fascination des émancipateurs pour les évolutions sociétales est diamétralement contradictoire avec les préférences spontanées des migrants, musulmans notamment. Une nouvelle synthèse est rendue dès lors difficile et la problématique des migrations accélère l’évolution des socialismes et leur désagrégation.

    S’y ajoute, plus récemment en France, la problématique de l’intersectionnalité et de l’idéologie woke. Elle aussi séduit la gauche car elle se présente comme une nouvelle vague d’émancipation, combinant les préoccupations sur les mœurs et le souci des “minorités” raciales, ethnique, sexuelles ou autres. Mais de ce fait non seulement la gauche abandonne le terrain de l’universalisme, qu’elle revendiquait, mais surtout elle s’enferme dans des revendications contradictoires, ainsi entre le féminisme et la fascination étrange que l’islam, perçu comme religion des dominés, exerce sur elle.

    Il résulte de toute ceci une très grande confusion à gauche au niveau politique, même si son hégémonie idéologique reste intacte, voire est plus ambitieuse dans sa radicalité et son intolérance.

    Conséquences pour la scène politique

    On comprend dans un tel contexte les velléités de remise en cause du clivage droite-gauche ; mais il subsiste comme facteur majeur de polarisation de la vie politique. D’autant qu’il recouvre et exprime les nouvelles polarités, ainsi sur les questions de mœurs et de société, sur l’immigration et les thèmes « woke ». En revanche on a vu de plus en plus en plus et logiquement le glissement du vote populaire à droite, essentiellement au profit du populisme, au moins pendant un temps. Les dernières élections ne remettent pas en cause cette constatation : outre que la faible participation rend leur pertinence contestable, elles marquent surtout la stabilité de la politique locale et en aucun cas un renouveau des idées dites de droite. D’ailleurs la persistance de l’hégémonie des idées de gauche ne permet pas une affirmation d’idées plus véritablement de droite dans l’opinion. Le glissement s’est donc fait donc sans contenu nouveau, en tout cas sans élaboration de la pensée.

    De leur côté, les immigrés et leurs descendants ne jouent pas encore comme tels de rôle majeur. S’ils votent à gauche, de façon prévisible vu l’état de l’arc politique, leur identification réelle aux traditions de gauche n’est en rien acquise, notamment en contexte musulman. On sait que Houellebecq a imaginé une situation où ils prendraient position sur la droite, dans un cadre politique qui leur serait propre. C’est concevable intellectuellement, mais loin de la réalité actuelle. En dominante ils restent donc des supplétifs passifs de la gauche. Et si on peut penser qu’à terme ils devraient avoir leurs propres partis, ce serait sans doute au début plutôt à gauche, accroissant par-là la confusion de ce côté.

    En résumé donc, si la scène idéologique, médiatique ou éducative reste dominée par la gauche, cela ne donne pas à celle-ci les moyens de se reconstituer une base politique solide, tout au contraire. Mais à droite la situation n’est pas meilleure : elle reste intellectuellement divisée, dominée, et le courant qui montait, populiste, est le plus faible sur ce plan.

    Devant une telle situation, la scène politique est nécessairement confuse. Aucune formule ne permet de reconstituer un bloc dominant analogue à ce qu’ont établi, en leur temps, les radicaux ou les gaullistes en France, ou les sociaux-démocrates scandinaves. Ou la tranquille alternance conservateurs/sociaux-démocrates des Allemands ou des Britanniques. Mais, inversement, cela permet des combinatoires multiples, dont le point commun est la précarité relative de chaque formule. Ainsi le macronisme au profit du centre : exploitant à fond la faiblesse des gauches et droites historiques, et jouant sur l’anathémisation du populisme, il agrège libéraux de gauche et libéraux de droite avec des fragments d’autres courants pour obtenir une majorité relative, le tout saupoudré d’européisme, ce qui permet un temps de garder le pouvoir par défaut – avec l’aide des mécanismes électoraux.

    À partir de faits analogues, la combinatoire peut être différente dans d’autres pays. Le maintien du cadre formel bipartisan permet, en pays anglosaxon, que subsiste une alternance, même si de façon sous-jacente les deux camps sont désormais très hétérogènes,
    notamment aux États-Unis où, paradoxalement, cette hétérogénéité se combine avec une radicalisation et une polarisation bien plus grandes qu’autrefois. Le schéma Biden a quelques affinités avec le macronisme (la comparaison avec Roosevelt est très exagérée), même si la mécanique bipartisane le déporte quelque peu sur la gauche. Inversement, au Royaume-Uni Boris Johnson a réuni les droites sur un thème national (Brexit) avec des emprunts à gauche (questions de mœurs). Dans les deux cas, rien ne garantit que cela dure. Sans parler de l’Italie, où les technocrates ont provisoirement repris la main sur un arrière-plan politique et idéologique particulièrement confus et instable. Instabilité qu’on retrouve de façon atténuée en Espagne, et même en Allemagne.

    Une vraie clarification peut donc demander du temps, en attendant que des dominantes émergent. Dans une large mesure, la question n’est pas uniquement de savoir si la gauche, le centre ou la droite politiques l’emporte, mais laquelle. Dans l’état actuel des choses, les partisans d’une option claire ne peuvent être que déçus. Je plaide comme on sait, pour la pensée politique classique et conservatrice (ainsi dans mon dernier livre Le grand retournement). Mais le vent ne lui est apparemment pas favorable. Dans l’intervalle, il s’agit alors de faire au mieux, malgré le contexte. Ce sera une affaire de conjoncture, et de personnes ; c’est important car c’est l’affaire de tous, mais cela ne sera sans doute que des palliatifs. Sur le fond, il faut en revanche recourir à la vieille sagesse chinoise : dans les temps défavorables, il s’agit de survivre et de préserver ce qui importe, et donc de transmettre l’essentiel. Sans s’affoler : la roue de l’histoire tourne.

    Illustration : On se perd en conjectures sur le nouveau culte gauchiste francilien, qui témoigne d’une certaine confusion des esprits.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • El Azhar et la révolution égyptienne, par ANNIE Laurent.

    Annie_Laurent.jpgAnnie Laurent poursuit - dans la Petite Feuille Verte - son étude sur El-Azhar, dont nous avons relayé déjà les trois premiers numéros

    (El-Azhar, Vatican de l'islam ? puis El-Azhar, « phare de l’islam sunnite » puis el azhar politique et religion).

    Annie Laurent poursuit son étude en s'intéressant dans cette quatrième partie à l'attitude qu'a adopté El Azhar face à la révolution égyptienne...

    La place Tahrir lors des manifestations du 8 février 2011, au Caire

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

    El-Azhar, "phare de l’islam sunnite", par Annie Laurent

    Dans le sillage de la révolution tunisienne (18 décembre 2010-14 janvier 2011) ayant conduit à l’éviction du président Zine El-Abidine Ben Ali (1936-2019), l’Égypte a entamé, dès le 3 février 2011, un cycle révolutionnaire dont l’épicentre était la vaste place Tahrir (« Libération »), située au cœur du Caire. L’Université-Mosquée d’El-Azhar n’est pas restée étrangère à ces événements face auxquels sa direction a adopté des positions variant selon les circonstances tandis que des divisions se manifestaient en son sein. 

    LES FLUCTUATIONS D’EL-AZHAR

    Dès le début, des oulémas (savants) et de jeunes imams d’El-Azhar ont rejoint le mouvement, entraînant la désapprobation de son recteur, Ahmed El-Tayyeb (il porte aussi le titre de grand-imam), au motif que « la présence des croyants à une manifestation contre le pouvoir légal est un péché ». Ces manifestants ont cependant continué de réclamer la chute du président Hosni Moubarak, en fonction depuis 1981. Tout en reconnaissant à leurs chefs spirituels « une autorité dans l’ordre de la foi », ils « ne se sentaient pas concernés par leurs directives dans l’ordre du politique, où la décision de chacun ne relève que de sa conscience personnelle » (Mahmoud Hussein, Les Révoltés du Nil, Grasset, 2018, p. 346, 356 et 364).

    El-Azhar s’implique dans la révolution

    El-Tayyeb n’a soutenu la révolution qu’après la démission de Moubarak, le 11 février 2011, ce dernier confiant alors la gestion provisoire de l’État au Conseil suprême des forces armées (CSFA). À ce moment-là, les Frères musulmans (FM), principal mouvement islamiste, tentaient de récupérer le mécontentement populaire pour leur propre compte après s’en être méfiés car les revendications libérales des débuts ne correspondaient pas à leur conception de l’État, de la société et de la loi.

    Les cadres dirigeants d’El-Azhar ne s’alignèrent cependant pas sur les FM. À la surprise de nombreux Égyptiens, le grand-imam adopta une partie des aspirations démocratiques des contestataires.

    Une « Déclaration sur l’avenir de l’Égypte », publiée le 11 juin 2011, s’ouvrait sur le rappel du « rôle pionnier joué par El-Azhar dans la cristallisation de l’esprit islamique centriste » et l’affirmation de son « importance en tant que phare vers la bonne voie », autrement dit « l’islam du juste milieu » comme aime à le dire El-Tayyeb. Suivaient dix propositions, parmi lesquelles le soutien « à l’établissement d’un État national, constitutionnel, démocratique et moderne », ce qui revenait à délégitimer l’option pour un « État religieux », qui est celle des FM. Le texte se prononçait cependant pour le maintien dans la Constitution de la charia comme « source essentielle de la législation », tout en consentant aux adeptes des autres religions monothéistes le droit de recourir à leurs propres tribunaux pour les affaires de statut personnel ainsi que le libre exercice de leurs rites. L’accès de tous au « progrès civilisationnel » était également promis (El-Ahram Hebdo, 29 juin-5 juillet 2011).

    Sept mois plus tard, le 8 janvier 2012, un nouveau document d’El-Azhar sur « l’ordonnancement des libertés fondamentales » a consacré « la liberté de croyance, d’opinion et d’expression, de recherche scientifique et de créativité artistique et littéraire », le tout « relié au droit de citoyenneté totale pour tous ». Le jésuite égyptien, Samir-Khalil Samir, a cependant regretté l’ambiguïté du passage relatif à l’interdiction d’ « offenser les religions célestes », cette formule risquant selon lui de servir de prétexte pour proscrire les conversions de musulmans au christianisme (La Croix, 18 décembre 2013).

    El-Azhar et le gouvernement islamiste

    2.jpgL’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi, militant FM élu président le 30 juin 2012 sous l’étiquette du Parti de la Liberté et de la Justice, avec les voix d’une partie des enseignants et étudiants d’El-Azhar, a eu pour effet de placer l’institution sous l’emprise du nouveau gouvernement. Ce dernier multiplia les sanctions contre le personnel azharien, ne ménageant pas El-Tayyeb, présenté comme un feloul (« résidu ») parce qu’il avait été nommé par Moubarak en 2010 (cf. PFV n° 80). « Dénigrée, El-Azhar entra alors discrètement en résistance », notera plus tard la journaliste Delphine Minoui en rapportant ces faits (Le Figaro, 3 janvier 2014).                       Mohamed Morsi

    L’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi, militant FM élu président le 30 juin 2012 sous l’étiquette du Parti de la Liberté et de la Justice, avec les voix d’une partie des enseignants et étudiants d’El-Azhar, a eu pour effet de placer l’institution sous l’emprise du nouveau gouvernement. Ce dernier multiplia les sanctions contre le personnel azharien, ne ménageant pas El-Tayyeb, présenté comme un feloul (« résidu ») parce qu’il avait été nommé par Moubarak en 2010 (cf. PFV n° 80). « Dénigrée, El-Azhar entra alors discrètement en résistance », notera plus tard la journaliste Delphine Minoui en rapportant ces faits (Le Figaro, 3 janvier 2014).

    L’exercice calamiteux du pouvoir par le gouvernement Morsi a entraîné la reprise des contestations populaires. Le 3 juillet 2013, répondant au mouvement Tamarrod (Rébellion) et à l’appel de 34 millions d’Égyptiens (1/3 de la population), le général Abdel-Fattah El-Sissi, chef du CSFA, annonça la destitution du président ainsi que la suspension de la Constitution adoptée par référendum le 30 novembre 2012. Par sa présence aux côtés de Sissi en cette circonstance, El-Tayyeb approuvait la double décision, qualifiée de « coup d’État démocratique » par les dirigeants occidentaux.

    El-Azhar s’aligne sur le nouveau régime

    L’État prit alors en mains les affaires religieuses pour limiter l’influence islamiste : 55 000 prédicateurs, accusés de radicalisation, furent renvoyés par le ministère des Cultes et remplacés par d’autres, certifiés d’El-Azhar, laquelle se vit confier par le gouvernement la tâche de prôner un « islam modéré ». Quoique favorables à l’institution, ces mesures y furent mal reçues. En 2013 et 2014, le campus de son université, situé dans le quartier de Madinet Nasr, fut le théâtre de manifestations pro-Morsi organisées par des étudiants, garçons et filles, adeptes de l’idéologie des FM. La sévère répression policière, menée avec l’accord d’El-Tayyeb, fit des morts et des blessés.

    Selon Hassan Nafea, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire (étrangère à El-Azhar), la forte présence des FM en ce lieu y rendait la situation plus grave que dans les autres universités de la capitale égyptienne (El-Ahram hebdo, 18-24 décembre 2013). Les divisions touchèrent même le Conseil des grands oulémas, instance magistérielle d’El-Azhar. L’un de ses membres, Youssef El-Qaradaoui, ardent militant des FM, également président-fondateur de l’Union internationale des Oulémas, favorable au rétablissement du Califat, fut contraint de démissionner (cf. PFV n° 81).

    Ahmed El-Tayyeb se voyait désormais reprocher d’être un instrument politique entre les mains de l’armée. « El-Azhar critique l’islam politique, mais elle fait elle-même de la politique. On a toujours dit qu’El-Azhar avait un rôle mondial, or elle le perd en étant instrumentalisée par l’État », regretta un chercheur azharien (« Au cœur d’El-Azhar, phare du sunnisme », Le Point, n° 2284, 16 juin 2016, p. 62).

    Ce que le grand-imam a contredit en ces termes : « El-Azhar s’est toujours tenue éloignée de la politique. Tout au long de son histoire, sa neutralité, à la fois scientifique et intellectuelle, a assuré son rayonnement sur les différents pays musulmans. Pour autant, notre institution ne demeure pas étrangère aux préoccupations de la patrie et des musulmans. Elle soutient leurs causes de la meilleure façon qui soit dans le monde entier » (« L’homme qui détient les clés de l’islam », Le Point, ibid., p. 54).

    SISSI, EL-AZHAR ET LA RÉFORME DE L’ISLAM

    « Au-delà des questions politiques sur la gouvernance de l’Égypte et de la place qu’El-Azhar devait occuper dans la politique égyptienne, c’est la question de la modernisation du discours religieux qui anime les couloirs de l’institution », notera Oriane Huchon dans une analyse ultérieure (« El-Azhar, mosquée et université au cœur de la société égyptienne et du monde musulman sunnite », Les clés du Moyen-Orient, 24 avril 2017, p. 5).

    3.jpgDepuis sa prise du pouvoir, le maréchal Sissi était confronté à l’émergence de Daech (l’État islamique) qui, à partir de ses principales bases en Irak et en Syrie, multipliait les attentats dans le monde – y compris en Égypte où les coptes étaient souvent pris pour cibles – en se réclamant de la religion. Déjà avant son élection, survenue le 28 mai 2014, il avait évoqué la nécessité de réformer l’islam dans divers domaines, en vue notamment de rendre illicite la justification religieuse de la violence. 

     

       Abdel Fattah al-Sissi

    Combattre le terrorisme sans excommunier

    Devant l’urgence, El-Tayyeb convoqua un séminaire pour « combattre l’extrémisme et le terrorisme », tenu au Caire les 3 et 4 décembre 2014 avec la participation de représentants d’une vingtaine de pays. Les discussions ont notamment porté sur la qualification des auteurs de tels actes. Les musulmans coupables devaient-ils être considérés comme infidèles ou mécréants et encourir l’excommunication (takfir) ? Le texte adopté au terme des débats ne tranche pas la question. « Tous les religieux qui ont participé à cette conférence contre le terrorisme sont bien conscients du fait qu’ils ne peuvent émettre de sentences d’apostasie contre un croyant abstraction faite de ses péchés » (La Croix, 16 décembre 2014).

    Commentant ce texte, le Père Adrien Candiard, membre de l’Institut dominicain d’études orientales (Le Caire), a noté que « depuis le début de son mandat, en 2010, Ahmed El-Tayyeb s’est illustré par un refus particulièrement net d’user du takfir » (Ibid.).

    Khairy Shaarawy, responsable du département des études islamiques à El-Azhar, a justifié cette attitude : « Ce sont des criminels musulmans. On les taxe de criminels, mais on ne peut pas leur retirer leur foi, sinon on rentre dans le jeu des djihadistes » (Le Figaro, 25 mars 2018). Ces derniers considèrent en effet que le refus de pratiquer ou de cautionner le djihad équivaut à l’apostasie.

    Les exigences de Sissi envers El-Azhar

                Le 28 décembre 2014, Abdel-Fattah El-Sissi s’est exprimé solennellement devant le recteur et le Conseil des grands oulémas réunis dans l’enceinte d’El-Azhar. Son discours, retransmis à la télévision égyptienne, voulait engager ses interlocuteurs à « une révolution religieuse ».

                « Nous avons déjà parlé de l’importance du discours religieux, et je voudrais répéter que nous ne faisons pas assez en ce qui concerne le véritable discours religieux. Le problème, cela n’a jamais été notre foi, mais c’est sans doute la pensée (fikr), une pensée que nous sanctifions. Le

  • L'Hommage au ”Colonel Armand”...

    Comme chaque année, nos amis Bretons ont rendu hommage au Marquis Armand Tuffin de la Rouërie, dit "Colonel Armand". Et, comme chaque année, lafautearousseau est heureux et fier d'être aux côtés de ses amis Bretons et d'apporter sa modeste contribution à cet hommage à cet hommage.

    Voici - envoyés par nos amis - quelques photos accompagnant le compte-rendu de la cérémonie ainsi que les paroles qui ont été prononcées ce lundi 30 janvier à La Guyomarais, autour de la sépulture du Marquis...

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    Portrait d'Armand Tuffin de La Rouërie, huile sur toile de Charles Willson Peale, 1783, Philadelphia History Museum at the Atwater Kent

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    Hommage au "Colonel Armand", Armand Tuffin de La Rouërie

    Chaque année les Bretons se retrouvent à La Guyomarais, paroisse de Saint-Denoual, en ce lieu où le 30 janvier 1793 le Marquis de La Rouërie s’est éteint, terrassé par la maladie et la nouvelle de la mort de son Roi alors qu’il préparait par son Association Bretonne le juste combat qu’il avait résolu de mener pour le rétablissement de l’autorité royale préalable à celui des libertés de la Bretagne au travers de ses Etats et de son Parlement.

    Notre hommage a été ponctué par les hymnes traditionnels de notre Province, dont la Marche de Cadoudal, interprétés par deux bombardes, un biniou kozh et une cornemuse, au pied du drapeau blanc fleurdelisé de la Vieille France et blanc à croix noir de la Bretagne.

    Il a été donné lecture du beau texte gravé sur la stèle, offerte par le Gouvernement des USA en l’honneur du Colonel Armand, en français par Florence de l’association des Filles de la Révolution Américaine, en anglais par Childéric.

    L’hommage qui s’en suivit portait sur les rapports entre la France et la Bretagne dans les manifestes de l’Association Bretonne et les écrits et pouvoirs des Princes émigrés. Ils témoignent d’une Bretagne désireuse de rétablir ses droits historiques par la restauration de l’autorité royale. C’est dire qu’il n’y a nul antagonisme entre la Monarchie française et la Bretagne conçue comme une nation libre mais entièrement partie prenante de la France. La poursuite de cette conception des rapports entre la France et ses Provinces aux XIXème et XXème siècles a été évoquée  au travers de l’oeuvre de Charles Le Goffic pour la Bretagne et de Frédéric Mistral et Charles Maurras pour la Provence.

    Puis l’assistance s’est déployée autour de la sépulture du Marquis, dans la clairière où il repose. Un bouquet de roses blanches déposé contre les pierres et deux ou trois airs aux bombardes, biniou et cornemuse avant de nous séparer.

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    Texte de l'allocution :

    Nous sommes ici, jour anniversaire de la mort du Marquis de La Rouërie le 30 janvier 1793 pour lui rendre hommage.

    Nous y associons ses compagnons, dont certains vivaient paisiblement en ces lieux, qui furent condamnés à mort par le Tribunal criminel extraordinaire  (dit révolutionnaire) établi par la Loi du  10/03/1793.

    Par arrêt du 18/06/1793,   douze condamnations à mort furent prononcées :

    • Joseph de La Guyomarais

    • Mme Marie-Jeanne de La Guyomarais née Micault de Mainville

     • Alexandre de La Chauvinais, Précepteur des enfants

     • Jean Vincent, de l’Association Bretonne

     • Georges de Fontevieux, émissaire des Princes

    • Melle Thérèse de Moëlien, cousine du Marquis, de l’Association Bretonne

    • Mme Angélique de La Fonchais née Desilles, de l’Association Bretonne

     • Alain de Limoëlan, de l’Association Bretonne

     • Guillaume Morin de Launay, de l’Association Bretonne

     • Victor. Locqet de Granville, de l’Association Bretonne

     • Groult de La Motte, de l’Association Bretonne

     • Anne Louis du Pontavice , de l’Association Bretonne

    Et deux condamnations à la déportation en Guyane :

    • François PERRIN, jardinier ayant révélé à LALLIGANT-MORILLON la sépulture du Marquis dans le petit bois du Vieux Semis

    • Dr LEMASSON

    Mais transférés à la prison de Bicêtre pour attendre leur départ en déportation, ils furent guillotinés le 8 Messidor de l’an II des suites de la "conspiration des prisons" (26 juin 1794).

    230 ans se sont écoulés et cette année, l’Institut Franco-américain en partenariat avec l’Institut Culturel de Bretagne organisait un colloque, samedi dernier à Rennes, intitulé « Armand Tuffin de La Rouërie et l’histoire des relations entre la Bretagne et les Etats Unis, sous un angle historique puis contemporain.

    Nous avons déjà évoqué le rôle du Marquis de La Rouërie, sous le nom de Colonel Armand, dans la guerre d’indépendance des Etats Unis d’Amérique, l’amitié qui le liait au Général Washington, la correspondance qu’il entretint longtemps avec lui de retour en France, le soin qu’il consacra à ses compagnons d’arme afin qu’ils soient comblés des promesses qui leur avaient été faites notamment en ce qui concerne leur installation en Amérique. Nous avions été honoré alors, c’était en 2020, de la présence de Monsieur le Consul des Etats Unis d’Amérique pour la Bretagne, la Normandie et les Pays de Loire.

    Cette année, je vous propose une réflexion sur le Marquis sous l’angle de la Bretagne et de la France.

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    La vie, les écrits, la mémoire du Marquis de La Rouërie témoignent d’un homme d’action, de convictions, de réflexion portant un intérêt tout politique sur le monde, la Bretagne, la France.

    Son premier engagement fut au côté des insurgés américains en lutte pour leur liberté puis leur indépendance. Il fut alors un modèle de soldat tant dans le feu des combats qu’auprès de ses compagnons d’arme.

    Son deuxième engagement fut pour la Bretagne. De retour en France, les réformes judiciaires de Mai 1788 retirant aux Parlements l’enregistrement des Ordonnances et Edits au Profit d’une Cour plénière le place dans les premiers rangs d’une Bretagne en ébullition. Les Etats de Bretagne, le Parlement de Rennes protestent au nom du contrat d’union du Duché de Bretagne avec le Royaume de France dans le cadre du mariage du roi Louis XII et de la duchesse Anne.

    Le marquis est de la délégation des douze  gentilshommes porteurs au roi à Versailles des remontrances de la province et réclamant le maintien de la vielle Constitution bretonne.

    La préparation des Etats Généraux en 1789 le vit contester l’ordonnance de Necker qui réglait le mode d’élection des délégués sans prendre suffisamment en compte les lois et coutumes de la Bretagne. 

    Plus tard il s’oppose à la suppression des lois, statuts et coutumes propres à la Bretagne, considérés comme des privilèges, dans la nuit du 4 aout 1789 par une assemblée auto-proclamée constituante, reprochant aux députés bretons du tiers-état d’avoir approuvé cette abolition sans en avoir reçu mandat de la Bretagne.

    Son troisième engament fut pour la France au travers de l’Association Bretonne. En effet le développement du processus révolutionnaire avec son cortège de violences, pillages, meurtres, restriction des libertés le conduit à rentrer en résistance par la création d’une association pour la défense des lois particulières de la Bretagne. Défense dont la condition première devint le rétablissement de l’autorité royale.

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    Au service du rétablissement de cette autorité, le Marquis recherche l’approbation des frères du roi. Elle lui fut accordée en mai 1791 par le Comte d’Artois qui approuve son action tout en précisant dans son pouvoir : « Monsieur le Comte d’Artois informé qu’on a conçu en Bretagne quelques inquiétudes sur les suites de l’association déclare… qu’on peut compter qu’un des premiers effets de la contre révolution sera de réintégrer les provinces dans leurs droits et de leur rendre les états dont la convocation aura lieu à l’instant même que le retour au bon ordre le permettra ».

    Le 4 octobre 1791, le Comte de Provence approuvait cette « association …  pour le bien de la Province de Bretagne ».

    Le 5 décembre 1791, un manifeste secret pose les bases de l’Association Bretonne.

    Son préambule déclare : « Par ordre des Princes, avec l’accession des Bretons émigrés, pour l’honneur des associés et le bien de la province. »

    Son article 6 stipule :  « L’objet de l’association est de contribuer essentiellement et par les moyens les plus doux au retour de la monarchie, au salut des droits de la province, celui des propriétés et l’honneur breton. »

    Dans un dernier manifeste de la fin décembre 1791, les citoyens de la province de Bretagne donnent les motifs de leur association :

    Le vœu le plus cher à notre coeur est de vivre libre ou mourir, ainsi que l’exprimait par son organisation notre ancien gouvernement breton.

    Ce vœu n’exclut de notre part l’obéissance et la fidélité que nous devons au roi.

    L’acceptation de la constitution du 3 septembre 1791 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

    L’acceptation du principe qui en découle que la loi est l’expression de la volonté générale et que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement  à sa formation.

    L’affirmation que la Bretagne a perdu illégalement son antique Constitution et ses droits, franchises et libertés n’ayant été convoquée ni représentée régulièrement aux Etats généraux de 1789.

    Ainsi qu’en témoignent ces écrits, pour le Marquis son engagement dans la restauration  des droits historiques de la Monarchie est indissolublement lié au rétablissement des droits de la Bretagne. L’une ne va pas sans l’autre.

    C’est dire qu’il n’y a nul antagonisme entre la Monarchie française et la Bretagne conçue comme une nation libre mais entièrement partie prenante de la France dont elle attend d’être respectée dans sa singularité.

    La mort du Marquis, la répression qui en suivit mit un terme à ce projet politique.

    Les guerres tant intérieures qu’extérieures, qui ravagèrent Bretagne, Vendée, France, Europe pendant plus de vingt années, l’administration centralisatrice mise en place dans un souci de contrôle par la 1ère République et le 1er Empire, lié à une conception universaliste de l’homme s’opposèrent de plein fouet à la singularité de la Bretagne.

    Lorsque vint après deux invasions de la France la Restauration suivie de la Monarchie de Juillet il ne fut plus question  de l’engagement des Princes devenus Rois « de réintégrer les Provinces dans leurs droits et de leur rendre leurs Etats ».  La concentration à Paris des Pouvoirs leur parut un instrument bien utile pour tenter autant que faire se peut d’apaiser une France déchirée intérieurement et vaincue extérieurement. 

    Alors la Bretagne malgré la perte de ses lois et statuts constitutifs de sa Vieille Constitution  poursuivit son existence à l’extrémité du continent dans la survivance de ses coutumes et ce tout au long du XIXème siècle.

    Charles LE GOFFIC le grand érudit, témoin et acteur de la culture bretonne écrit au tout début du XXème siècle dans son recueil « L’âme bretonne » : « La Bretagne est la terre du passé. Nulle part les mœurs n’ont gardé un parfum d’archaïsme, une noblesse et un charme surannés aussi pénétrants. Sur ce cap avancé du monde, dans le crépuscule éternel du jour, la vie est toute embrumée de mystère ; les âmes sont graves et résignées et comme sous l’oppression du double infini de la mer et du ciel »

    Dans la deuxième série du même recueil, quelques années plus tard, il écrira :  « Nous avons vécu, en dix ans, plus que les générations antérieures en l’espace d’un siècle… mais d’autre part dans le tourbillon vertigineux qui emportait le reste de la France, n’y avait- il point naïveté à croire que la Bretagne demeurerait seule immobile et continuerait d’opposer à la bourrasque révolutionnaire le roc inentamable de sa Foi ? … Une Bretagne jacobine et libre-penseuse remplace sans transition la Bretagne de l’ancienne formule, conservatrice et catholique … Rien ne change en Bretagne. L’écrirais-je encore, cette phrase sentencieuse et péremptoire. Peut-être l’essentiel d’un peuple, c’est son

  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (49)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Les trente beautés de Martigues ( en français)

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    (Ce texte est paru en septembre 1888 dans la Revue félibréenne, puis dans l'Armana Prouvençau pour l'année 1890; il a enfin été repris en 1915 dans L'Étang de Berre et ses différentes rééditions, dont celle des Œuvres capitales)



    Aux félibres de Paris.

    Savez-vous ce que me rappellent vos causeries, savez-vous ce qu'elles me disent et me retracent ? Puisque nous sommes ici pour parler de nos pays d'origine, je puis bien vous le dire : c'est Martigues que je vois dans ces moments-là, quelques disques de terre entourés par la mer, trois petites îles qui font la chaîne au couchant de l'étang de Berre, avec un ruban de maisons qui flotte sur les deux rives ; on dirait qu'elles sont là pour amarrer au continent les trois perles que l'eau emporterait, ou qu'elle engloutirait.

    J'aime mon village mieux que ton village, nous chante Félix Gras. Je le crois bien, que je l'aime ! Et tous mes compatriotes sont comme moi. Nos hommes de mer en savent quelque chose. Autrefois, qu'un vaisseau sortît de Marseille et qu'un des nôtres y commandât, avec le meilleur vent, la mer juste assez émue pour le charrier tout doucement à Cette (1), à Barcelone ou à Majorque, croyez-vous que notre capitaine pût s'éloigner ainsi ? Ah ! mais non ! Là-bas, miroitaient les trois clochers de la patrie ; vite un coup de barre sur Bouc (2), vite, le canot à la mer pour le mener jusqu'à Martigues, et embrasser une dernière fois les places vives de son cœur !

    De là viennent, peut-être, les sornettes que l'on a racontées sur nous. Les Marseillais chansonnèrent nos capitaines, qui n'en furent que plus fiers. Sur cet article-là, vous serez avec nous, Félibres, puisque le Félibrige consiste à maintenir l'amour du pays.

    Et si je vous disais notre histoire, si ancienne, qu'elle a commencé près de deux mille ans avant que naquît notre vieux croisé Gérard Tenque (3), le fondateur des Moines hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Si je vous déployais notre bannière qui, du temps du roi de France Henri III, en quinze cent quatre-vingt-trois, arborait les trois couleurs de nos quartiers, qui sont le bleu, le blanc et l'écarlate, alors que le drapeau français n'avait pas encore usé ses grands plis liliaux, où seraient-ils, les insensés pour me soutenir que Martigues n'est pas dans le train du progrès !

    Ah ! toutes ses beautés, si j'en faisais le dénombrement et le compte, vous seriez ici jusqu'à demain. Pour vous faire plaisir, mettons que Martigues soit seulement doté de trente beautés. Le plus joli morceau de la création, qui est la femme, n'en a pas davantage.

    Je prouve tout ce que je dis.

    La première beauté de mon Martigues, c'est l'Étang de Berre, qui, le matin, blanchit et qui le soir s'azure, quand je regarde de ma maison ; l'Étang qui, de ses mille langues vertes, lèche amoureusement le sable des calanques et ronge les rochers où l'on pêche le rouget.

    La seconde, c'est l'étang de Caronte, qui le rejoint à la grand'mer. Les tartanes et les autres barques y font gonfler leurs larges voiles aux angelots joufflus.

    La troisième, ce sont nos collines nues, qui se gonflent comme mamelles et qu'embaume l'arôme chaud des thyms, des fenouils, des romarins et des sarriettes.

    La quatrième, ses champs de pierres plantés d'oliviers, où vient l'odeur du sel, dans la brise.

    La cinquième, cette petite chapelle de la Bonne Mère, si haut perchée, sur laquelle un boulet anglais est venu s'aplatir, qui sait quand ?, et que les ex-voto des pauvres gens étoilent comme des fleurs d'amour.

    La sixième, nous avons le mistral pour balayeur municipal.

    La septième, nous avons pour fosse d'égout la grande mer.

    La huitième, le Saint-Christ, qui est à l'entrée d'un canal et dont, le soir, une lanterne rouge ensanglante les jambes rompues.

    La neuvième, les grandes arrivées de caïques, en hiver, à coups de rame, pleins de grands diables aux cabans qui ruissellent de pluie et d'eau de mer.

    La dixième, les vastes corbeilles où remue le poisson comme du vif-argent ; qui peut dire combien il y a de bouillabaisses, là dedans !

    La onzième, les monceaux de sel, aux salines, qui attendent le chaland, et les douaniers, qui font un peu moins que d'attendre, les fainéants !

    La douzième, le coup d'aile des goélands qui raye le ciel.

    La treizième, la cabriole des mulets hors de l'eau, dès qu'ils sentent le grain.

    La quatorzième beauté, c'est le galbe parisien des vagons (4), de notre chemin de fer (5), ce qui fait voir une fois de plus que personne ne nous a jamais fait notre part.

    La quinzième, c'est, pour Noël, l'anguille qui se mange entre deux chandelles.

    La seizième, les pénitents qui, sous le grand soleil, vont à la Sainte-Terre (il y a deux lieues de mauvais chemin), les blancs devant, les bleus derrière, pour chanter messe à Sainte-Croix.

    La dix-septième, c'est, le jour de Pâques, la tartane de la Vierge, celle qui a le plus pêché de tout l'an, qui se fleurit comme une mariée.

    La dix-huitième, nos pêches de nuit, quand l'étang, couvert de flambeaux, est un ciel qui répond aux splendeurs de là-haut, limpide, doux et clair.

    La dix-neuvième, nos joutes colorées, le port comblé de bâtiments, de pavillons, et les beaux jeunes gens, au chant des tambourins et des flûtes, qui partent demi-nus, debout à l'arrière, et donnent et reçoivent des coups de lance comme des héros de Toloza (6).

    La vingtième beauté de Martigues, c'est bien sûr notre poutargue. Pour manger sa pareille, il faut aller jusque là-haut, chez les Russes pâles (7).

    La vingt et unième, nos prud'hommes si honorés, qu'on a fait ce proverbe : «  Que toute barbe d'homme s'incline, le prudhomme va parler.  » C'est le reste dernier de ces consuls puissants qui, par toutes les pêcheries du Midi, furent renommés, à preuve Calendal à Estérelle, vantant son aïeul :
    — Qui a été consul de Martigues.

    La vingt-deuxième beauté de Martigues, c'est la marmaille qui nage entre les quais, dans le costume d'Adam, montrant de petits culs bronzés au commissaire qui jure et qui sacre.

    La vingt-troisième, les quatre ponts jetés d'île en île, d'où les badauds regardent la tour de Bouc en aspirant leurs calumets.

    La vingt-quatrième, c'est le sang cramoisi de ces pêcheurs et de leurs brunes filles.

    La vingt-cinquième, c'est la fontaine de Ferrière, où les filles vont, le soir, puiser l'eau fraîche avec des brocs et bavardent tant qu'elles peuvent, et se font chatouiller par leurs amoureux.

    La vingt-sixième, c'est la grand'rue qui passe sur les ponts chargés d'hommes et qui charrie, au soir, comme un ruisseau d'amour, les centaines de couples enivrés.

    La vingt-septième, c'est cette folle de lune, qui jette dans nos lagunes tant de bijoux diamantins et fait courir sur l'eau ses blancs frémissements.

    La vingt-huitième, c'est la douzaine de moulins qui attendent Alphonse Daudet et où les lapins se rassemblent dans la solitude.

    Élégante et monstrueuse, la vingt-neuvième beauté, c'est la haute fleur qui éclate et s'ouvre au milieu des poignards (8), une fois, dit-on, tous les cent ans ; il ne lui faut pas cinq semaines pour élever son candélabre au ciel émerveillé.

    La trentième… Sainte bonne Mère, nous y sommes ! Et je ne vous ai rien dit de ses trois églises, non plus que de ses trois curés et de ses trois congrégations de filles !

    Il faut savoir qu'à Martigues nous allons volontiers par trois ; mais que nul ne s'en raille, parce que le nombre trois est sacré dans toutes les religions et les philosophies. Je n'ai rien dit, pauvre de moi, ni de nos salles vertes, ni des feux que l'on fait pour sainte Madeleine ! Mais si j'ai voulu abréger ce mauvais portrait des beautés de mon pays, messieurs les Félibres, c'est pour vous dire :

    — Allez le voir, car vous ne pourrez pas finir le compte que j'ai commencé.

    Notes :

    1. La graphie actuelle « Sète » ne sera adoptée qu'en 1927.

    2. Le port de Bouc, embouchure de l'étang de Caronte canalisé, qui sert de station sur la Méditerranée aux bâtiments de Martigues, situé à cinq kilomètres, sur la mer intérieure de Berre.

    3. « L'an du Saint-Christ 1040 », dit l'inscription provençale de l'hôtel de ville, en l'honneur de Gérard Tenque.

    4. Graphie en usage à l'époque. (n.d.é.)

    5. Ils avaient alors deux étages, comme dans les trains de la banlieue parisienne.

    6. Poème épique de Félix Gras, composé en 1882.

    7. Ils fabriquent leur caviar de manière très différente, mais comme nous avec des œufs de poisson.

    8. Nos paysans donnent ce nom aux belles plantes hérissées de piquants et recourbées en forme de glaives barbares que l'on appelle vulgairement aloès. En réalité c'est l'agave d'Amérique, qui depuis le XVIe siècle s'est répandue sur tous les rivages de la Méditerranée ; on la retrouve également sur les pentes du vieux Monaco et sur la montée de l'Acropole d'Athènes.

     

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  • Vers le krach boursier, la faillite et l’explosion de la zone euro ! par Marc Rousset

    Le CAC 40, l’ensemble des indices européens et Wall Street ont piqué du nez cette semaine. Le CAC 40 a reculé de 2,69 % à 6 187,23 ce vendredi et de – 4,60 % sur la semaine. Francfort, Londres et Milan ont perdu respectivement 3,08 %, 2,12 % et 5 %. Le Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, a plongé de 3,52 % et de 26,8 % depuis novembre 2021.

    La Réserve fédérale américaine a acheté jusqu’à ce jour pour plus de 4 500 milliards de dollars d’obligations publiques et la BCE pour plus de 4 000 milliards d’euros. Les banques centrales font face au dilemme suivant : soit elles augmentent les taux d’intérêt pour contrer l’inflation, ce qui déclenchera un krach boursier semblable à celui des « subprimes » et de Lehman Brothers en 2008, soit elles ne font rien et l’inflation s’emballe. La situation est explosive en zone euro, où l’on assiste de nouveau à une divergence inquiétante des taux entre la France, l’Italie et l’Allemagne.

    lfar rousset.jpgAux États-Unis, l’inflation galopante a atteint 8,6 % sur douze mois. C’est le plus haut niveau de hausse des prix depuis 1981, de quoi renforcer les inquiétudes sur la croissance. À Wall Street, l’augmentation des taux des bons du trésor à 2 ans a atteint 3,06 %, soit le plus haut niveau depuis fin 2007. De même les taux des bons du Trésor à 10 ans, soit 3,15 %, ont pratiquement atteint le sommet de 2018. Lorsque ces taux se rapprochent (inversion de la courbe des taux), c’est le plus souvent l’annonce d’une récession à venir aux États-Unis. Le moral des ménages américains s’écroule également tandis qu’’une augmentation, dès la semaine prochaine, des taux à court terme par la Fed de 0,75 % est de plus en plus probable, d’où la débandade des grands noms de la Tech à Wall Street, Tesla terminant vendredi à 696,69 dollars, après avoir coté plus de 1000 $ en 2021. Enfin, jusqu’en septembre, la Fed va réduire son bilan (« quantitative tightening »), fort de presque 9 000 milliards de dollars en bons du Trésor et autres titres obligataires, de 47,5 milliards de dollars par mois, pour passer ensuite à 90 milliards mensuels.

    La très pusillanime BCE est aussi obligée de sortir de sa politique laxiste, depuis 2014, de fuite en avant par la création monétaire inflationniste, suite à ses achats anti-conventionnels d’obligations. Les rachats d’actifs s’arrêteront au 1er juillet, mais le bilan de la BCE ne décroîtra pas, contrairement à celui de la Fed aux États-Unis, car des achats de titres seront effectués pour remplacer les titres venant à échéance. Le taux négatif scandaleux de dépôt pour les banques à la BCE, actuellement de – 0,5 %, devrait passer à 0 % ou 0,25 % en septembre, après deux relèvements successifs de taux. Alors que l’inflation atteint désormais 8,1 % dans la zone euro, avec quatorze pays sur dix-neuf au-dessus de cette moyenne, la girouette Lagarde s’est subitement décidée à retrouver l’objectif statutaire officiel de 2 % d’inflation par an. C’est pourquoi les marchés anticipent en fait entre cinq à six hausses de taux cette année, les augmentations de taux devant se poursuivre après septembre jusqu’à fin 2022 !

    Le hic dans la zone euro, c’est que les rendements des emprunts d’État à dix ans ont bondi à plus de 1,4 % pour l’Allemagne, près de 2 % pour la France, près de 2,50 % pour l’Espagne et le Portugal, près de 3,6 % pour l’Italie et plus de 4 % pour la Grèce. L’accroissement des écarts entre les taux de chaque pays peut conduire à un éclatement de la zone euro. Mais la manipulatrice Lagarde du Système qui, comme Macron, n’est pas à une contradiction près, s’est engagée à prévenir la fragmentation de la zone euro », en évoquant la possibilité de dégainer, si besoin, un instrument ad hoc pour soutenir les pays les plus vulnérables. Il ne pourrait donc s’agir que d’un programme de rachat d’actifs pour certains pays, en contradiction la plus totale avec les statuts et les règles d’intervention de la BCE !  Les marchés vont prendre Lagarde au mot et tester son sérieux ainsi que sa détermination ! Il semble en fait « que les marchés ont bel et bien déjà commencé à se positionner dans la perspective d’une nouvelle crise qui aurait comme point de départ le caractère insoutenable de la remontée des taux pour les pays les plus endettés de la zone euro » selon le cabinet Riches-Flores.

    Le risque italien est dans toutes les têtes car les partis patriotes europhobes italiens, tels que la Lega et Fratelli d’Italia, sont les favoris des sondages. Si l’Italie a enfin un gouvernement anti-UE, ce que l’on a raté en France à cause de l’incapable Marine le Pen, ce sera encore plus compliqué pour la BCE d’intervenir ! L’Italie, comme la France, est en proie à d’importants défis structurels (démographie, faible productivité, fortes disparités régionales, incapacité à se réformer). La dette publique italienne devrait atteindre 153 % du PIB fin 2022, contre 135 % avant la crise du Covid. Son taux de croissance ne devrait progresser que de 2,8 % en 2022, contre 4,7 % attendus avant la guerre en Ukraine et les sanctions suicidaires de l’UE.

    Quant à la France, rien ne va plus ! Pour être élu, il faut désormais prétendre raser gratis, savoir rêver debout ou savoir parler aux crétins d’électeurs comme les charlatans ! L’Hexagone est actuellement en apesanteur avec le traître technocrate Macron, la patriote démagogue Marine le Pen et l’islamo-gauchiste inconscient Mélenchon. Le pays va tout droit à la faillite, dans le mur, et se complaît à bouder le courageux Zemmour, le seul qui parle vrai, qui ne cache pas la Vérité aux Français et qui, comme de Gaulle, ne sombre pas dans la démagogie : invasion migratoire accélérée et perte de l’identité française, insécurité et assassinats de plus en plus fréquents, déficit des comptes publics de 6 %, déficit de la balance commerciale de 100 milliards d’euros, inflation de 5,2 %,récession au premier trimestre 2022, désintégration de la nation et perte du contrôle de l’ordre public au Stade de France, Éducation nationale et hôpitaux au bord de l’explosion… Le paquet démagogique des mesures de soutien du gouvernement Borne devrait porter l’enveloppe des aides supplémentaires aux Français à 46 milliards d’euros, soit plus que le budget de la défense et plus que la recette de l’impôt sur les sociétés, des mesures plus de deux fois supérieures à celles annoncées en Allemagne, Italie et Espagne où l’inflation est plus élevée qu’en France !

    La fin programmée et l’écroulement du bitcoin, des cryptomonnaies sans valeur intrinsèque, avec les innombrables arnaques et le blanchiment des capitaux est un signe prémonitoire de la catastrophe qui attend la France hédoniste, laxiste et insouciante. Binance, le géant des cryptomonnaies avec ses 90 millions de clients est en train de vaciller. Les cryptomonnaies laisseront la place à la monnaie numérique des banques centrales et disparaîtront un jour purement et simplement, pour devenir une nouvelle légende qui fera oublier aux Français les titres russes jamais remboursés de leurs grand-pères !

    L’envol des prix de l’énergie, des matières premières (nickel, palladium…), du blé et des engrais avec la guerre en Ukraine vient s’ajouter au chaos inflationniste mondial. La Russie est soi-disant un nain économique, mais un géant pour les matières premières et l’énergie. Le baril de pétrole à 70 dollars environ fin 2021 a presque doublé ; il pourrait bientôt atteindre 180 dollars. Dans la même période, les cours du gaz ont été multipliés par 6, ce qui réjouit Poutine ! La démondialisation en cours accélérée par l’embargo, les sanctions économiques et la guerre en Ukraine ne peut que contribuer à renchérir les coûts et augmenter l’inflation ! Il est suicidaire pour l’Europe de remplacer le gaz écologique du gazoduc Nordstream par le gaz de schiste américain plus cher, polluant à l’extraction, transporté par des méthaniers polluant l’océan Atlantique, avant d’être regazéifié d’une façon polluante et coûteuse dans des complexes chimiques à construire dans les ports européens. La Russie est un fournisseur européen fiable et sérieux bien préférable à la dépendance américaine d’outre- Atlantique.
    L’inflation actuelle n’est donc pas seulement monétaire, suite à la fuite en avant depuis 2008 des banques centrales. C’est aussi une inflation par les coûts, suite à la démondialisation et à la raréfaction des ressources. Les banques centrales sont aujourd’hui impuissantes, complètement dépassées par les évènements, au pied du mur ! Il est donc possible de parler d’une inflation hybride incontrôlable qui conduira au krach boursier du siècle et à l’explosion de la zone euro !

    Toutes les institutions internationales (OCDE, FMI, Banque mondiale) réajustent leurs prévisions et ne parlent plus que de croissance faible et d’inflation forte ! L’OCDE par exemple vient de doubler pour 2022 la prévision d’inflation pour ses pays membres à 8,5 % et abaisse la croissance mondiale à 3 %. Les taux vont continuer de monter et les dettes publiques ou privées seront de plus en plus difficiles à rembourser ! Au final, ce sera la crise monétaire, l’effondrement de l’euro et du dollar tandis que le rouble de Poutine, lui, tiendra le choc !
    Jamie Dimon, le patron de JP Morgan estime que « les investisseurs devraient se préparer à un ouragan qui est juste là venant vers nous » alors qu’il évoquait les effets combinés de l’inflation, des resserrements monétaires et de la guerre en Ukraine. Il ajoute que « nous sommes face à quelque chose qui pourrait faire l’objet de livres d’histoire pendant 50 ans ». Elon Musk, lui, veut subitement réduire de 10 % les effectifs de Tesla !

    L’or connaît actuellement un sentiment haussier record parmi les investisseurs particuliers européens. L’US Mint a vendu 147 000 onces d’or le mois dernier, ses meilleures ventes de mai en 10 ans. Quant aux ventes de lingots d’or américains, ils sont en hausse de plus de 400 °% par rapport à la moyenne quinquennale entre 2015 et 2019 ! La relique barbare aura le dernier mot face aux cryptomonnaies, face aux réalités géopolitiques, sociétales et économiques, face à la folie des hommes, face à la démagogie des pseudo-élites occidentales et à la naïveté, au manque de courage des peuples décérébrés par la pensée unique !

  • La France, après l’Italie, bientôt le second domino libéré de l’UE ?, par Marc Rousset

     

    La rentrée et l’hiver 2022 s’annoncent agités sur le plan social, économique et politique, suite aux sanctions stupides et suicidaires prises contre la Russie avec des conséquences catastrophiques sur l’inflation, les prix exponentiels de l’énergie et les coupures inacceptables à venir d’électricité.

    La première manifestation de protestation avec Florian Philippot aura lieu dès le samedi 3 septembre. En Allemagne, tout le monde parle déjà d’un hiver de colère (« Wutwinter ») ! Les élites françaises et européennes, bien-pensantes et incapables, ont raison de se faire du souci. Le magazine « The Economist » du 14 juillet se posait déjà la question de savoir si choc énergétique provoqué par les sanctions irresponsables de l’UE n’allait pas bientôt « sonner le glas de l’Union européenne ».

    MARC ROUSSET.jpgLa folle pantomime des sanctions de l’UE pourrait bien se terminer sur le scénario de l’arroseur arrosé. Il est probable que l’on va assister dans les mois qui viennent à un renversement total de la situation recherchée par l’Amérique et l’UE. Alors que les sanctions de l’UE, comme a pu le dire publiquement et imprudemment Bruno le Maire, avaient et ont toujours pour seul but de provoquer l’effondrement de l’économie russe, de susciter la révolte des consommateurs, la colère des populations et de faire tomber le régime de Poutine, il est probable que, bien au contraire, le schéma envisagé se déroulera dans les seuls pays européens de l’Ouest avec le départ possible à la clé et les démissions forcées, comme vient de le vivre Mario Draghi, ou les non-réélections de Macron, Scholz et Von der Leyen.

    Dans notre dernière chronique sur RL, nous rappelions déjà que, selon les dires du Wall Street Journal du 3 août 2022, les prix démentiels de l’énergie vont créer des troubles sociaux en France et dans la plupart des pays européens qui pourraient amener au pouvoir une coalition de Droite, ce qui sera le cas en Italie, comme le préconisait déjà Éric Zemmour pour les législatives en France. Il est probable que l’on assistera à une chute successive de dominos dans l’UE, le premier devant être l’Italie lors des élections en septembre. Au Royaume-Uni les grèves contre l’inflation à      10 % et l’augmentation drastique du prix des énergies prennent de plus en plus d’ampleur. À nous, Français, d’être le second domino de Droite, après l’Italie, pour nous débarrasser de Macron !
    Alors que, selon Viktor Orban, « l’économie européenne s’est tirée une balle dans le poumon » et que « les quatre pneus de la voiture UE sont à plat » , les dirigeants européens continuent leur fuite en avant en allant droit dans le mur. Le brave chancelier Scholz a fait le tour du monde pour tenter de trouver du gaz en passant par le Sénégal et le Canada, mais il n’en a point trouvé pour les cinq années qui viennent ! De plus nous apprenons que l’Allemagne va bel et bien arrêter ses centrales nucléaires fin 2022 car il est difficile de déprogrammer une stupide décision irréversible de long terme prise depuis des années.

    Macron a un toupet monstre et ne manque pas de culot lorsqu’il appelle les Français à accepter « le prix de la liberté et de nos valeurs » lors d’une cérémonie à Bormes-les-Mimosas, alors qu’il s’agit en fait de faire payer purement et simplement aux Français le prix de ses erreurs économiques, politiques et stratégiques avec ses collègues incompétents de l’UE ! L’Ukraine est russe depuis 882 et la Rus de Kiev et, de plus, la France n’a aucun intérêt particulier ou stratégique en Ukraine et dans la région de la mer Noire. La France, par contre, gagnerait à se rapprocher économiquement, politiquement, culturellement et militairement de la Russie, comme je l’ai longuement démontré dans mon ouvrage « Comment sauver la France/Pour une Europe des nations avec la Russie ».

    Il importe donc en fait de pratiquer la politique inverse de celle de Macron, qui n’est autre que celle du général de Gaulle depuis sa fameuse déclaration géniale, visionnaire et prémonitoire au Palais d’Orsay du 29 mars 1949 :
    « Moi je dis qu’il faut faire l’Europe avec un accord entre Français et Allemands ; une fois l’Europe faite sur ces bases, alors on pourra songer une bonne fois pour toutes de faire l’Europe toute entière avec la Russie, aussi, dût- elle changer de régime. Voilà le programme de vrais Européens, voilà le mien ».
    Conférence de presse au Palais d’Orsay du général de Gaulle, le 29 mars 1949

    Monsieur Macron, vous nous cachez en fait votre incapacité, vos fantasmes technocratiques utopiques et progressistes ainsi que votre propre turpitude. Les Français ne veulent pas payer pour vos seules et uniques graves erreurs qui s’ajoutent aux erreurs de vos prédécesseurs du même acabit depuis 40 ans ; ces derniers et vous-même ont mené la France au bord du gouffre financier, économique, social et sociétal. La liberté chérie pour vous, c’est de crever les yeux des Gilets jaunes pendant les manifestations sans rien faire pour autant dans les banlieues de non-droit, une invasion continue de 500 000 immigrés par an, la dictature médiatique, la censure des réseaux sociaux, le licenciement injuste et stupide, pour des raisons idéologiques, des pompiers ainsi que des agents hospitaliers non vaccinés, les immondes lois liberticides Pleven et mémorielles, etc.

    Monsieur le technocrate irréaliste Macron, les Français ne veulent plus payer le prix de vos erreurs qui n’ont que trop duré, de votre trahison de la France en matière de politique étrangère et européenne, de votre imprévoyance avec un effet boomerang dans la suicidaire politique des sanctions contre la Russie puisque nous avons besoin de son énergie irremplaçable à bas coût. Les Français ne veulent plus de votre soumission à l’idéologie bien-pensante de l’OTAN et de l’Amérique. Vous vous souciez seulement de l’UE et vous vous moquez de la France dont vous souhaitez la disparition pure et simple, comme le montre votre forfaiture en matière linguistique à Bruxelles. Alors que Clément Beaune avait pris des engagements écrits, vous n’avez pas bougé le petit doigt, comme vous l’aviez promis, pour défendre le français pendant votre présidence de l ’UE. Von der Leyen, que vous avez mise en place à la tête de l’UE, a établi de fait l’anglo-américain, malgré les traités, comme seule langue de travail à la Commission européenne. De Gaulle qui s’était battu pour le e à la fin de Concorde, aurait quitté l’UE face à un tel scandale. Vous, vous n’avez rien dit, rien fait, pas bougé le petit doigt et même accepté que von der Leyen continue son discours en anglais lors d’une réunion de l’UE à Versailles, après avoir fait une simple introduction en français, langue ringarde, dépassée, non pratiquée et devenue folklorique par vos soins, pour simplement amuser la Galerie des Glaces !

    Monsieur Macron, votre liberté, on n’en veut pas ! Vous vous la gardez pour votre seul usage exclusif. C’est en fait une camisole de force de la pensée unique, la mise en place de la dictature droit-de-l’hommiste, immigrationniste, bien-pensante de l’UE, ce dont ne veulent ni Viktor Orban, ni la Hongrie, ni la Pologne ! Vous avez fermé stupidement Fessenheim pour gagner les voix des Khmers verts et vous souhaitez maintenant que les Français achètent leur gaz, le diesel et l’électricité à des prix démentiels. Avec les États-Unis et l’Otan vous vous êtes attaqués à la Russie qui se bat pour sa survie et qui est le seul peuple à défendre, les armes à la main, les valeurs traditionnelles européennes (Patrie, famille, travail) !

    Les Français, comme les Hongrois de Viktor Orban, exigent du gaz bon marché en quantité illimitée pour couvrir leurs besoins, ce qui était le cas jusqu’à présent. La France n’a aucun véritable intérêt culturel, stratégique, politique ou économique en Ukraine et doit donc signer un nouvel accord de fourniture de gaz à long terme avec la Russie, à un très bas prix !
    Les Français sont provisoirement à l’abri de la hausse des prix du gaz et de l’électricité grâce au bouclier tarifaire qui coûtera la bagatelle de 20 milliards d’euros aux finances publiques en 2022. Mais en 2023 le gaz et l’électricité augmenteront d’une façon considérable puisque l’État, par exemple, rembourse aujourd’hui la différence entre les prix stratosphériques d’achat du prix du gaz par Engie sur le marché et le prix de vente au consommateur français !

    En Allemagne, face à la hausse du prix du gaz, les vendeurs de charbon sont pris d’assaut. Le prix outre-Rhin, de livraison de l’électricité pour livraison l’année prochaine a dépassé pour la première fois 500 euros le MWh contre un peu plus de 300 euros début juillet. « Ceci pourrait être la plus grande crise énergétique de l’Europe depuis au moins une génération » selon John Plassard, analyste chez MIrabank. Quant à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « la guerre en Ukraine a déclenché la première véritable crise énergétique mondiale de l’histoire » tandis que « l’Europe se situe à l’épicentre de la tourmente ». Du beau travail que vous voulez faire payer aux Français, Monsieur Macron !

    En cas de pénurie, les autorités couperont l’alimentation en priorité aux entreprises. En France, comme en Allemagne, les gouvernements sont en train de choisir lesquelles seront sacrifiées en premier. Selon l’association des consommateurs de Rhénanie du Nord/Westphalie, « il y aura de nombreux ménages qui ne pourront pas payer ! »
    Les Français doivent enfin aussi dire non à la « véritable déclaration de guerre »  par Macron , selon le Mouvement de la Ruralité, que représente le nouveau de projet de loi supprimant les voies de recours administratives et juridiques, afin d’accélérer l’implantation des scandaleuses, polluantes, hideuses, inefficaces, pas compétitives éoliennes. La girouette Macron du « en même temps », se parjure à nouveau, disant tout et le contraire de tout. Macron avait en effet avoué le 14 janvier 2020 à Pau que « le consensus sur l’éolien était en train de nettement s’affaiblir dans notre pays », avant d’ajouter que « de plus en plus de gens ne veulent plus voir d’éolien près de chez eux et considèrent que le paysage est dégradé ».

    Macron ment une fois de plus comme il respire et se moque du monde en prétendant doubler la production d’énergie renouvelable, afin de sauver la France qui manque seulement, en fait, présentement de gaz russe. L’éolien ne représente que 1,6 % de la consommation énergétique, et même en doublant la production à 3,2 %, ce serait insignifiant. Il est illusoire de croire que l’on peut remplacer le nucléaire et l’hydraulique avec l’éolien ou le solaire. De plus Macron, dans son projet de loi, tente de corrompre, d’acheter les habitants des environs, en diminuant leur prix d’achat de l’électricité. Et, scandaleuse cerise empoisonnée supplémentaire sur l’immangeable gâteau, il n’hésite pas à s’asseoir sur les lois déjà votées qui visent à protéger l’habitat des espèces protégées ! Monsieur Macron, les Français responsables, patriotes et intelligents veulent seulement du nucléaire et de l’hydraulique et éventuellement quelques très rares éoliennes « off shore », seulement après un long, honnête et fructueux débat avec les populations concernées, si elles ne portent effectivement pas atteinte à l’environnement côtier et marin.

    En résumé, les Français patriotes exigent du gaz russe et la fin des hostilités, de la coûteuse livraison sans fin à l’Ukraine par le contribuable français, déjà exsangue, d’armes modernes et de munitions jusqu’au dernier cadavre ukrainien ; ils exigent aussi la fin des sanctions avec la Russie, ce qui ne sert actuellement que les intérêts de l’Amérique impérialiste ! Ils demandent également la fin de la dictature écologique des Khmers verts, l’arrêt total de la construction de nouvelles éoliennes tout en développant un nouveau programme d’avenir du nucléaire français, la sortie immédiate de l’Otan, la création d’une Confédération européenne multilingue des États nations qui parlera français, en lieu et place de l’UE droit-de-l’hommiste anglo-américaine, le rapprochement tous azimuts avec la Russie déjà victorieuse en Ukraine, afin de construire, comme le souhaitait le général de Gaulle, une Europe européenne, libre, autonome, puissante des États-Nations !

    Marc Rousset

    Auteur de « Comment sauver la France/Pour une Europe des nations avec la Russie »

  • À la découverte du fonds lafautearousseau (32) : sur Proudhon...

    lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 21 Albums, 49 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...

    Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...

    Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...

    Aujourd'hui : Sur Proudhon...

    (tiré de notre Éphéméride du 19 janvier)

    (retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :

    Á la découverte du "Fonds lafautearousseau")

     

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    1865 : Mort de Proudhon

     

    Pierre-Joseph Proudhon ne cesse d’intéresser la réflexion contemporaine. Le mouvement socialiste français et européen eût sans-doute été très différent si les idées de ce penseur considérable y avaient prévalu sur celles de Marx. L'histoire du XXème siècle, probablement sauvée des totalitarismes, et la réalité du nôtre auraient été aussi tout autres.

    On sait qu'il y eut, autour des années 1910 et suivantes, un cercle Proudhon à l'Action française; et l’on va voir que Maurras ne niait pas qu'on pût le ranger, "au sens large", parmi "les maîtres de la contre-révolution". Le texte qu’on va lire ici est certes daté, motivé, comme souvent, par les circonstances. Maurras y exprime néanmoins, à grands traits, le fond de sa pensée sur Proudhon et y manifeste, après réserves et nuances, la considération tout à fait particulière qu’il a toujours eue pour ce grand penseur et patriote français... 

     

     

    De Charles Maurras (Paru dans les Cahiers du Cercle Proudhon, n° 1 de janvier 1912 - le texte date de 1910) :

    "...Au lendemain du jour où l'Italie fête le centenaire de Cavour, nous verrons une chose horrible : le monument Proudhon, à Besançon, sera inauguré par M. Fallières (ci dessous)*. Le fonctionnaire qui représente l'Étranger de l'intérieur, la créature des Reinach, Dreyfus et Rothschild officiera devant l'image du puissant écrivain révolutionnaire, mais français, à qui nous devons ce cri de douleur, qu'il jette à propos de Rousseau : "Notre patrie qui ne souffrit jamais que de l'influence des étrangers…"

    19 janvier,cezanne,aix en provence,sainte victoire,terre adelie,dumont d'urville,louis philippe,neon,georges claude,thibon,maupeou,parlementsLes idées de Proudhon ne sont pas nos idées, elles n'ont même pas toujours été les siennes propres. Elles se sont battues en lui et se sont si souvent entre-détruites que son esprit en est défini comme le rendez-vous des contradictoires. Ayant beaucoup compris, ce grand discuteur n'a pas tout su remettre en ordre. Il est difficile d'accorder avec cet esprit religieux, qu'il eut vif et profond, sa formule "Dieu, c'est le mal", et, dans une intéressante étude du Correspondant, M. Eugène Tavernier nous le montre fort en peine d'expliquer son fameux "La propriété, c'est le vol". Nous remercions Proudhon des lumières qu'il nous donna sur la démocratie et sur les démocrates, sur le libéralisme et sur les libéraux, mais c'est au sens large que notre ami Louis Dimier, dans un très beau livre, l'a pu nommer "Maître de la contre-révolution".

    Proudhon ne se rallie pas à la "réaction" avec la vigueur d'un Balzac ou d'un Veuillot. Il n'a point les goûts d'ordre qui dominent à son insu un Sainte-Beuve. Ses raisons ne se présentent pas dans le magnifique appareil militaire, sacerdotal ou doctoral qui distingue les exposés de Maistre, Bonald, Comte et Fustel de Coulanges. La netteté oblige à sacrifier. Or, il veut tout dire, tout garder, sans pouvoir tout distribuer; cette âpre volonté devait être vaincue, mais sa défaite inévitable est disputée d'un bras nerveux. On lit Proudhon comme on suit une tragédie; à chaque ligne, on se demande si ce rustre héroïque ne soumettra pas le dieu Pan.

    Son chaos ne saurait faire loi parmi nous, et nous nous bornerions à l'utiliser par lambeaux si ce vaillant Français des Marches de Bourgogne ne nous revenait tout entier dès que, au lieu de nous en tenir à ce qu'il enseigne, nous considérons ce qu'il est. De cœur, de chair, de sang, de goût, Proudhon est débordant de naturel français, et la qualité nationale de son être entier s'est parfaitement exprimée dans ce sentiment, qu'il a eu si fort, de notre intérêt national. Patriote, au sens où l'entendirent les hommes de 1840, 1850, 1860, je ne sais si Proudhon le fut. Mais il était nationaliste comme un Français de 1910. Abstraction faite de ses idées, Proudhon eut l'instinct de la politique française; l'information encyclopédique de cet autodidacte l'avait abondamment pourvu des moyens de défendre tout ce qu'il sentait là-dessus.

    19 janvier,cezanne,aix en provence,sainte victoire,terre adelie,dumont d'urville,louis philippe,neon,georges claude,thibon,maupeou,parlementsEt, là-dessus, Proudhon est si près de nous que, en tête de son écrasant réquisitoire contre les hommes de la Révolution et de l'Empire, à la première page de Bismarck et la France **, Jacques Bainville (ci contre) a pu inscrire cette dédicace : "À la mémoire de P.-J. Proudhon qui, dans sa pleine liberté d'esprit, retrouva la politique des rois de France et combattit le principe des nationalités; à la glorieuse mémoire des zouaves pontificaux qui sont tombés sur les champs de bataille en défendant la cause française contre l'unité italienne à Rome, contre l'Allemagne à Patay."

    — Quoi ? Proudhon avec les zouaves pontificaux ?

    — Oui, et rien ne va mieux ensemble ! Oui, Proudhon défendit le Pape; oui, il combattit le Piémont. Au nez des "quatre ou cinq cent mille badauds" qui lisaient les journaux libéraux, il s'écriait, le 7 septembre 1862 : "Si la France, la première puissance militaire de l'Europe, la plus favorisée par sa position, inquiète ses voisins par le progrès de ses armes et l'influence de sa politique, pourquoi leur ferais-je un crime de chercher à l'amoindrir et à l'entourer d'un cercle de fer ? Ce que je ne comprends pas, c'est l'attitude de la presse française dominée par ses sympathies italiennes. Il est manifeste que la constitution de l'Italie en puissance militaire, avec une armée de 300.000 hommes, amoindrit l'Empire de toutes façons." L'Empire, c'est ici l'Empire français, dont je vois le timbre quatre fois répété sur mon édition princeps de La Fédération et l'Unité en Italie.

    "L'Italie", poursuivait Proudhon, votre Italie unie, "va nous tirer aux jambes et nous pousser la baïonnette dans le ventre, le seul côté par lequel nous soyons à l'abri. La coalition contre la France a désormais un membre de plus…" Notre influence en sera diminuée d'autant ; elle diminuera encore "de tout l'avantage que nous assurait le titre de première puissance catholique, protectrice du Saint Siège".

    "Protestants et anglicans le comprennent et s'en réjouissent; ce n'est pas pour la gloire d'une thèse de théologie qu'ils combattent le pouvoir temporel et demandent l'évacuation de Rome par la France !" Conclusion : "Le résultat de l'unité italienne est clair pour nous, c'est que la France ayant perdu la prépondérance que lui assurait sa force militaire, sacrifiant encore l'autorité de sa foi sans la remplacer par celle des idées, la France est une nation qui abdique, elle est finie."

    Portrait_of_Pierre_Joseph_Proudhon_1865.jpgEt, comme ces observations de bon sens le faisaient traiter de catholique et de clérical, "oui", ripostait Proudhon, "oui, je suis, par position, catholique, clérical, si vous voulez, puisque la France, ma patrie, n'a pas encore cessé de l'être, que les Anglais sont anglicans, les Prussiens protestants, les Suisses calvinistes, les Américains unitaires, les Russes grecs; parce que, tandis que nos missionnaires se font martyriser en Cochinchine, ceux de l'Angleterre vendent des Bibles et autres articles de commerce." Des raisons plus hautes encore inspiraient Proudhon (ci contre), et il osait écrire : "La Papauté abolie, vingt pontificats pour un vont surgir, depuis celui du Père Enfantin, jusqu'à celui du Grand Maître des Francs-Maçons", et il répétait avec une insistance désespérée : "Je ne veux ni de l'unité allemande, ni de l'unité italienne; je ne veux d'aucun pontificat."

    Deux ans après avoir écrit ces lignes, Proudhon expirait; assez tôt pour ne pas assister à des vérifications qui devaient faire couler à flots notre sang, mutiler notre territoire, inaugurer le demi-siècle de l'abaissement national ! Cet "immense échec" qu'il avait prévu sans parvenir à comprendre, comme il le disait encore, "l'adhésion donnée par la presse libérale française à cette irréparable dégradation", confirma point par point ce regard d'une sublime lucidité. L'unité italienne et l'unité allemande nous ont fait perdre tout à tour la prépondérance qu'assurait notre force militaire et l'autorité qu'imposait notre foi.

    Le cléricalisme a été vaincu, le pape dépouillé, et l'on nous a imposé ce gouvernement dont la seule idée stable 19 janvier,cezanne,aix en provence,sainte victoire,terre adelie,dumont d'urville,louis philippe,neon,georges claude,thibon,maupeou,parlementsest l'abaissement du Saint-Siège, le règne de la franc-maçonnerie et de ses grands maîtres divers. Si l'Empereur a disparu, sa politique dure; la parti républicain en a été quarante ans légitime et fidèle héritier.

    Certes, et nous l'avons dit, avec Dumont, avec Georges Malet, avec le Junius de L'Écho de Paris, aux avocats de l'empereur : rien n'efface cette responsabilité napoléonienne que Napoléon III lui-même rattache à la tradition de Napoléon 1er; mais la vérité fondamentale établie, il faut en établir une autre et rappeler aux hommes de gauche, que leurs aînés, leurs pères, leurs maîtres et, pour les plus âgés, eux-mêmes, en 1860, ils étaient tout aussi Italiens et Prussiens que Napoléon III ! Sauf Thiers, en qui s'était réveillé l'ancien ministre de la monarchie, l'élève de Talleyrand, qui fut l'élève de Choiseul, tous les républicains et tous les libéraux du dix-neuvième siècle ont été contre le Pape et contre la France avec l'Empereur des Français.

    Il faut relire dans Bismarck et la France ces textes décisifs auxquels nous ramène Bainville; le ministre Ollivier développant à la tribune la thèse idéaliste des nationalités et M. Thiers, traditionnel pour la circonstance, s'écriant : "Nous sommes ici tantôt Italiens, tantôt Allemands, nous ne sommes jamais Français", toute la gauche applaudissait qui ? Émile Ollivier ! Guéroult défendait l'unité allemande, Jules Favre, un des futurs fondateurs de la République, déclarait le 4 juillet 1868 que nous n'avions "aucun intérêt à ce que les rivalités se continuent entre les deux parties de l'Allemagne" !

    19 janvier,cezanne,aix en provence,sainte victoire,terre adelie,dumont d'urville,louis philippe,neon,georges claude,thibon,maupeou,parlementsTelle était la tradition révolutionnaire impériale ou républicaine et Proudhon s'y étant opposé presque seul, la présence de M. Fallières au monument de Proudhon est plus qu'un scandale, c'est un contresens. Je partage sur la personne de M. Fallières le sentiment de Léon Daudet (ci contre) l'appelant le plus lâche et le plus méprisable des ruminants; et l'appréciation de Jacques Delebecque, telle qu'on la lira plus loin sur l'harmonie de cet animal et de la fonction constitutionnelle, me semble l'expression de la vérité pure. Mais le nom de Proudhon met en cause plus que la personne ou la magistrature de M. Fallières; le nom de Proudhon met en accusation le régime avec son revêtement de blagologie nuageuse, avec son fond de sale envie et de bas appétits. Ce grand nom de Proudhon frappe d'indignité et Fallières, et sa présidence et la démocratie parce qu'il évoque le grand nom de la France et l'étoile obscurcie de notre destin national. Ce régime ne signifie que le pontificat de la maçonnerie que Proudhon avait en horreur. Il ne figure rien que les hommes et les idées que Proudhon combattait en France, en Europe, partout.

    Proudhon était fédéraliste; que lui veut cette république centralisatrice ? Il était syndicaliste; que lui veut cette république étatiste ? Il était nationaliste et papalin; que lui veut cette république anticatholique, antifrançaise ?

    Je ne sais quelles bouffonneries l'on débitera à la louange de ce grand écrivain sorti, comme Veuillot et tant d'autres, des entrailles du peuple ; mais les lettrés devront répondre à la venue de M. Fallières par la dérision et le peuple par les huées.

     Charles Maurras   

     

    19 janvier,cezanne,aix en provence,sainte victoire,terre adelie,dumont d'urville,louis philippe,neon,georges claude,thibon,maupeou,parlements* Les 13, 14 et 15 août 1910, à Besançon, est inaugurée une statue en bronze de Pierre-Joseph Proudhon, réalisée par le sculpteur bisontin Georges Laethier.

    La décision d'ériger cette statue

  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (183), La France à Jérusalem...

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    Le monastère d'Abou Gosh, le tombeau des Rois, l'église Sainte-Anne et le monastère d'Eléona : avec ces quatre possessions, héritées du XIXème siècle, la France est la seule puissance étrangère à posséder des biens dans Jérusalem...

    Sous le titre "La France, gardienne des Lieux saints", Adrien Jaulmes a publié, dans Le Figaro du 13 septembre 2010, le très intéressant article que voici :

    Peu après son entrée en fonction, chaque nouveau consul général de France à Jérusalem revêt sa tenue d'apparat, uniforme blanc et casquette galonnée. Précédé de deux kawas, gardes traditionnels en costume ottoman, tarbouche et pantalon bouffant, qui martèlent le sol de leurs lourdes cannes ferrées au pommeau d'argent, il traverse les ruelles étroites de la Vieille Ville jusqu'au parvis de la basilique du Saint-Sépulcre.
    Les cloches de l'église construite au-dessus du tombeau du Christ carillonnant en son honneur, le représentant de la République française est accueilli à l'entrée par le custode, chargé des intérêts de l'Église catholique romaine en Terre sainte, et par les dignitaires des autres églises chrétiennes, grecs orthodoxes, arméniens, coptes et éthiopiens. Il est le seul diplomate étranger et surtout non religieux à jouir de ces privilèges. Après sa visite au Saint-Sépulcre, le consul général se rend, toujours précédé par ses deux gardes, à l'église Sainte-Anne, près de la porte des Lions. Sous les voûtes de pierre blanche de l'ancienne église croisée où flotte le drapeau tricolore, il prend place dans un fauteuil damassé devant les bancs des fidèles. On lui présente l'eau bénite et les évangiles, avant de l'encenser. La célébration s'achève par une prière en latin, le Domine salva fac republicam («Que Dieu sauve la République»).
    Une trentaine de ces «messes consulaires» se déroulent dans l'année, et notamment pour le 14 Juillet. La célébration religieuse d'une fête révolutionnaire et républicaine peut surprendre, mais l'on n'est pas à un paradoxe près à Jérusalem. Outre ces messes catholico-républicaines et les privilèges religieux du consul général, la France est aussi la seule puissance étrangère à posséder des biens fonciers dans et autour de la ville.

    Outre l'église Sainte-Anne, l'État français est aussi propriétaire du monastère d'Abou Gosh, sur la route de Jérusalem, de celui de l'Eléona, sur le mont des Oliviers, et de l'étrange tombeau des Rois, situé à Jérusalem-Est. Ces quatre domaines nationaux sont l'héritage d'une longue histoire, où, comme souvent dans cette partie du monde, politique et religion se mêlent étroitement.


    Imbroglio juridique et foncier


    L'aventure des Croisades achevée en 1291, la France est l'une des premières puissances européennes à se voir de nouveau accorder des privilèges au Levant, lorsque François Ier signe en 1536 avec Soliman le Magnifique le traité des Capitulations. Le traité, suivi par d'autres, confie à la France la protection des lieux saints et des chrétiens de l'Empire.
    Au XIXe siècle, le jeu des puissances consolide la prépondérance de la France, monarchique, impériale puis républicaine, comme protectrice des catholiques au Levant. Le traité de Mytilène, signé en 1901 avec la Porte, consacre les droits des congrégations catholiques en Terre sainte, alors même que fait rage en France la lutte entre la République et l'Église. Mais «la laïcité n'est pas un article d'exportation». La formule, attribuée tantôt à Léon Gambetta, tantôt à Aristide Briand, prononcée en plein vote de la loi de séparation de l'Église et de l'État, résume toujours l'étrange statut de la France dans la Ville sainte.
    «Tout se touche à Jérusalem, le politique n'est jamais bien loin du religieux», dit le père Jean-Luc Eckert, conseiller pour les affaires religieuses au consulat général de France. «Certains considèrent ces cérémonies et privilèges comme un folklore un peu anachronique, mais elles témoignent pourtant de l'influence que la France continue d'exercer, notamment dans les domaines humanitaires et éducatifs.»


    Outre les quatre domaines nationaux, la France subventionne aussi l'École biblique et archéologique française située à Jérusalem-Est.


    Le statut de ces possessions n'a jamais été remis en cause, ni sous les Ottomans ni pendant le mandat britannique. Mais depuis sa conquête par Israël en 1967, puis l'annexion unilatérale de sa partie orientale en 1980, Jérusalem est devenu un imbroglio juridique et foncier. Les titres de propriété sont régulièrement remis en question par Israël, alors que l'annexion de Jérusalem n'a jamais été reconnue par la communauté internationale, qui considère toujours la ville comme un corpus separatum, une entité séparée, et n'y entretient pas d'ambassades.


    «Les titres de propriété sont anciens, et décrivent des biens parfois disparus, ou de façon imprécise», dit le père Frans Bouwen, père blanc de Sainte-Anne. «Les Anglais ont introduit des éléments plus rationnels, mais les autorités israéliennes ont classé certains domaines comme des parcs publics, et remettent en question le droit d'usage.»
    C'est curieusement le tombeau des Rois, seul domaine français inhabité, qui pose le plus de problèmes. Des groupes religieux juifs contestent régulièrement la possession par un pays étranger d'une tombe qu'ils attribuent à des rois bibliques. Et crient à la profanation quand le consulat général de France y organise des festivals musicaux a destination d'un public essentiellement palestinien.


    1856 - L'église Saint-Anne


    Située dans la Vieille Ville de Jérusalem, à deux pas de la porte de Saint-Etienne, appelée aussi porte des Lions, Sainte-Anne est l'une des plus belles églises de Jérusalem. Le bâtiment original fut construit par les croisés dans un impeccable style roman sur le site présumé de la piscine de Bethesda, où, selon les Évangiles, le Christ guérit le paralytique. Transformée en école coranique après la chute du Royaume latin de Jérusalem, elle est offerte à la France en 1856 par le sultan ottoman, pour remercier Napoléon III de son intervention contre les Russes pendant la guerre de Crimée. Elle est ensuite confiée aux pères blancs du cardinal Lavigerie, dont la statue se dresse toujours dans les jardins de l'église.

    Restaurée après avoir subi des dégâts pendant les combats de la guerre des Six-Jours, elle abrite à présent une dizaine de prêtres et frères de la congrégation des pères blancs, qui se consacrent à la formation de missionnaires. Outre l'église, le domaine comprend une série de bâtiments, des jardins et les ruines de la piscine de Bethesda, profondes citernes creusées dans la pierre où des archéologues ont exhumé des vestiges de temples romains et d'églises byzantines. Deux consuls généraux de France sont enterrés dans l'église.


    1856 - L'Eléona


    Un drapeau français flotte aussi au sommet du mont des Oliviers, visible depuis toute la Vieille Ville de Jérusalem. Le monastère carmélite de l'Eléona a été bâti sur l'emplacement supposé de la grotte du Pater Noster, lieu où Jésus aurait enseigné la prière à ses disciples. Le terrain avait été acheté en 1856 par la princesse de la Tour d'Auvergne, aristocrate aussi pieuse qu'excentrique, qui s'y installe dans une petite maison. Elle fait élever un cloître au-dessus de la grotte de l'enseignement du Pater, dont les plans sont attribués à Viollet-le-Duc.
    En 1874, la princesse divise le terrain entre les pères blancs et les sœurs carmélites, et fait don du monastère de l'Eléona à la France.
    Comme avait commencé à le faire la princesse de la Tour d'Auvergne, des plaques reproduisant des traductions du Pater Noster dans toutes les langues connues sont apposées sur les murs de la propriété. Les carmélites ont assoupli les règles de leur ordre pour permettre à certaines d'entre elles de s'occuper de l'accueil des touristes et des pèlerins. Elles tiennent également un petit magasin de souvenirs.


    1871- Le tombeau des Rois


    Rue Saladin, à Jérusalem-Est, non loin du célèbre hôtel American Colony, un drapeau français flotte au-dessus d'un portail de fer. Il ouvre sur un site souterrain, invisible depuis la rue, fouillé par des archéologues français au XIXe siècle, et longtemps considéré comme la tombe des derniers rois de la Judée biblique. Il est aujourd'hui plutôt attribué à une princesse juive, Hélène d'Adiabene, qui aurait fait creuser le mausolée.
    On y accède par un escalier monumental taillé dans la pierre qui descend jusqu'à un vaste hypogée. Cette grotte artificielle creusée dans la roche abrite plusieurs sarcophages, dont certains se trouvent aujourd'hui au Louvre. Le Tombeau des rois fut acheté en 1871 par les frères Pereire, célèbres banquiers du Second Empire, qui en font don quelques années plus tard à la France «pour le conserver à la science et à la vénération des fidèles enfants d'Israël ».
    Le tombeau des Rois abrite régulièrement des concerts organisés par le consulat général de France à Jérusalem, suscitant presque aussi régulièrement des protestations de juifs orthodoxes qui contestent l'usage profane d'un site religieux.


    1873- Le monastère d'Abou Gosh


    «Voilà, vous l'avez votre tas de pierres !», aurait dit en 1873 le sultan ottoman au marquis de Vogüé. L'ambassadeur de France près la Sublime Porte vient d'obtenir pour son pays la petite église d'Abou Gosh, en contrepartie de la prise de l'église Saint-Georges de Lydda par les Grecs orthodoxes. Située à une dizaine de kilomètres de Jérusalem, cette ancienne commanderie croisée a été bâtie par l'Ordre des hospitaliers pour héberger les pèlerins qui y font étape sur la route qui monte vers la ville depuis la côte. Elle est avec Sainte-Anne l'un des plus beaux vestiges de l'architecture franque en Terre Sainte. Le monastère, avec sa chapelle de style roman, décorée de superbes fresques byzantines, est situé sur l'un des sites supposés d'Emmaüs. Les bénédictins s'y installent en 1903, et signent un contrat avec la République française. En échange de quoi, stipule le texte de l'époque, «ils célébreront les offices religieux, avec toute la solennité requise, pour la prospérité de la France et de l'Église ». Situé aujourd'hui en territoire israélien, au milieu d'un village musulman, Abou Gosh abrite 9 moines, olivétains du Bec-Hellouin, et douze moniales, qui se consacrent à la prière et à des travaux manuels, et produisent notamment un excellent limoncello.

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant : L'aventure France racontée par les Cartes...

     

    lafautearousseau

  • Éphéméride du 8 septembre

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

     

     

     

     

    1239 : Première représentation du Miracle de Théophile, de Ruteboeuf 

     

    8 septembre,mistral,lamartine,daudetSi l'on connait relativement bien la vie même de Ruteboeuf, et en tous cas ses moments les plus importants, on ne dispose, curieusement de presqu'aucune date en ce qui le concerne. C'est dans l'exposé suivant - très intéressant malgré son aspect un peu austère - que l'on trouve la date du 8 septembre pour la première représentation publique, à Paris,  sur le parvis de Notre-Dame, du Miracle de Théophile, oeuvre commandée au poète par l'évêque de la ville lui-même (ci contre, une partie du vitrail de la cathédrale de Beauvais, racontant le Miracle) : 

     http://books.openedition.org/pup/4481?lang=fr 

    On trouvera ce merveilleux vitrail, expliqué et commenté dans notre Ephémeride/Evocation du 28 mai : 

     

     Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile 

     

    Et, sur le lien suivant - très technique et sans intérêt pour le grand public et les non-spécialistes - un petit tableau, en haut à droite, qui donne accès à tous les textes de Ruteboeuf :  

     

    http://www.arlima.net/qt/rutebeuf.html 

     

    Bien sûr, pour le grand public, aujourd'hui, Ruteboeuf reste d'abord connu pour sa Griesche d'Hiver, ou Complainte Ruteboeuf (chantée ici par Léo Ferré) :  

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent me porte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta

    Avec le temps qu'arbre défeuille
    Quand il ne reste en branche feuille
    Qui n'aille à terre
    Avec pauvreté qui m'atterre
    Qui de partout me fait la guerre
    Au temps d'hiver
    Ne convient pas que vous raconte
    Comment je me suis mis à honte
    En quelle manière

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Le mal ne sait pas seul venir
    Tout ce qui m'était à venir
    M'est advenu

    Pauvre sens et pauvre mémoire
    M'a Dieu donné, le roi de gloire
    Et pauvre rente
    Et droit au cul quand bise vente
    Le vent me vient, le vent m'évente
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent emporte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta 

     

     

     8 septembre,mistral,lamartine,daudet

     

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

    Mistral reçut le Prix Nobel de Littérature 1904.

    Il consacra la totalité de la somme d'argent qui accompagne ce prix à la réalisation de ce qui lui tenait, alors, le plus à coeur : la création du Muséon arlaten tout entier dévoué à la Provence...

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    Le Mas du Juge, à Maillane, maison natale de Mistral

     

    C'est Lamartine qui l'a lancé, en le faisant connaître à la France entière par son Quarantième Entretien (extraits) :

    "...Je vais vous raconter aujourd'hui une bonne nouvelle ! Un grand poète épique est né. La nature occidentale n'en fait plus, mais la nature méridionale en fait toujours : il y a une vertu dans le soleil. Un vrai poète homérique en ce temps-ci; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d'un cailloux de la Crau; un poète primitif dans notre âge de décadence; un poète grec en Avignon; un poète qui crée une langue d'un idiome comme Pétrarque a créé l'italien; un poète qui, d'un patois vulgaire, fait un langage classique d'images ravissant l'imagination et d'harmonie l'imagination et l'oreille; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven; un poète de vingt-cinq ans qui, de son premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l'Odyssée d'Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l'aveugle de Chio, Est-ce là un miracle ? Eh bien ! ce miracle est dans ma main : que dis-je ? Il est déjà dans ma mémoire, il sera bientôt sur toutes les lèvres de toute la Provence...

    ...Sa physionomie, simple, modeste et douce, n'avait rien de cette tension orgueilleuse des traits ou de cette évaporation des yeux qui caractérise trop souvent ces hommes de vanité, plus que de génie, qu'on appelle les poètes populaires : ce que la nature a donné, on le possède sans prétention et sans jactance. Le jeune provençal était à l'aise dans son talent comme dans ses habits; rien ne le gênait, parce qu'il ne cherchait ni à s'enfler, ni à s'élever plus haut que nature.

    La parfaite convenance, cet instinct de justesse dans toutes les conditions, qui donne aux bergers, comme aux rois, la même dignité et la même grâce d'attitude ou d'accent, gouvernait toute sa personne. Il avait la bienséance de la vérité; il plaisait, il intéressait, il émouvait; on sentait dans sa mâle beauté le fils d'une de ces belles arlésiennes, statues vivantes de la Grèce, qui palpitent dans notre Midi."

    (Alphonse de Lamartine, Cours familier de littérature : un entretien par mois. Tome septième).

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    Léon Daudet en parle ainsi dans Souvenirs et polémiques ( Robert Laffont, collection Bouquins, 1993, p. 36-37) :


    "On l'a comparé souvent à Goethe. Il est lui-même. Ce qui frappe le plus, dans ses propos, c'est l'harmonie des plans, la perspective qu'il a dans l'esprit, comme un descendant d'aïeux qui ont longtemps contemplé le ciel étoilé et la plaine. Tel il était il y a trente ans, et plus loin encore dans mon souvenir, jugeant équitablement les hommes et les choses, célébrant son pays et poursuivant avec méthode son plan de reconstruction provinciale, dont ses amis eux-mêmes n'apercevaient peut-être pas toute l'ampleur. Il est clair, limpide comme la source, mais profond, et sa bonhomie n'exclut pas la méfiance.

    À Paris, on le discutait, on harcelait mon père : "Pourquoi n'écrit-il pas en français, votre Mistral ? Relever la langue d'oc, un patois, c'est une chimère, c'est un rêve... Daudet, votre amitié vous aveugle sur l'importance de ce mouvement." On a vu depuis qu'au contraire l’œuvre de Mistral était et est des moins chimériques, des plus utiles qui soient. Le maître de Maillane est pour la moitié dans la superbe résistance de l’Alsace-Lorraine. C'est aux armes forgées par lui, à ses méthodes, à ses principes qu'ont eu recours les mainteneurs malgré tout de l'âme héroïque de l'Alsace, de ses coutumes, de ses aspirations.

    Poète et le plus doué de tous, Hugo compris, sans comparaison possible, Mistral connaît en outre les secrets de la cité et ceux du verbe, les moyens d'étayer la cité par le verbe et réciproquement. C'est un sorcier, au sens étymologique du mot, un trouveur d'ondes jaillissantes. Il ne frappe pas en vain le roc stérile. Si vous voulez mon avis, Mistral est bien grand, mais l'avenir le fera plus grand encore. Dans les abris posés et chantés par lui, les nations opprimées iront, au cours des âges, chercher un refuge contre la force brutale. Dictionnaire, poèmes, drames, propagande, fêtes commémoratives, costumes, allocutions, exemple de la longue vie passée au même endroit, tombeau, tout cela se complète et défie le temps et l’oubli."

        "Sount mort li béu diséire, mai li vouès an clanti.

          Sount mort li bastisséire, mai lou temple es basti." 

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         Chez lui, à Maillane : "...longue vie passée au même endroit..."                 

        Voir notre album Maîtres et témoins (I) : Frédéric Mistral. (90 photos)       

     

     

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    Voici la suite - et la fin - de notre évocation de Frédéric Mistral, à travers sa poésie, que nous avons décliné en trois temps.

    Aujourd'hui, 8 septembre, date anniversaire de sa naissance, nous achevons la lecture commencée le 29 février (attribution du Prix Nobel de littérature), et poursuivie le 25 mars, jour anniversaire de sa mort.

    Et nous évoquons cette poésie au moyen de deux poèmes (ou extraits) à chaque fois, soit au total six textes majeurs, qui permettent de se faire une première idée du fond de ses inspirations

    1. Le 29 février, nous avons lu un poème que l'on qualifiera de chrétien, tant est forte et sous-jacente partout chez Mistral cette source d'inspiration : La coumunioun di sant (La communion des saints) de 1858. Puis l'enracinement dans l'Histoire provençale et dans cette Provence charnelle, à travers ses paysages et ses villes. L'amour profond pour sa terre transparaît évidemment lui aussi partout chez Mistral: "...Se quauque rèi, pèr escasènço..." (Si Clémence était reine..., Mireille, Chant II)

    2. Le 25 mars, nous avons lu un extrait d'un poème de combat, pourrait-on dire : I troubaire catalan (Aux troubadours catalans, partie I) de 1861. Puis, un poème peut-être un peu plus politique : A la raço latino (Ôde à la race latine) de 1878.

    3. Enfin, aujourd'hui - 8 septembre - nous allons voir le Mistral virgilien et homérique, paysan au sens fort et grand du terme, de l'Invocation de Miréio (Mireille). Et, pour finir - épique et historique - l'Invocation de Calendau (Calendal).

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     Illustration de Gustave Fayet, pour Mireille
     
     
     
     
        V : L'invocation de Mirèio. Le Mistral Virgilien et Homérique. 
     
     
     
    Cante uno chato de Prouvènço.                  Je chante une fille de Provence.
    Dins lis amour de sa jouvènço,                   Dans les amours de sa jeunesse,
    A travès de la Crau, vers la mar, dins li bla         À travers la Crau, vers la                                                                                   mer, dans les blés,
    Umble escoulan dòu grand Oumèro,         Humble écolier du grand Homère,
    Iéu la vole segui. Coumo èro                     Je veux la suivre. Comme c'était
    Rèn qu'uno chato de la terro,                    Seulement une fille de la glèbe,
    En foro de la Crau se n'es gaire parla.      En dehors de la Crau il s'en est                                                                          peu parlé.
     
     
    Emai soun front noun lusiguèsse            Bien que son front ne resplendît
  • D'Atatürk à Erdogan, par Annie Laurent

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    LA RÉALITÉ DE LA « LAÏCITÉ » TURQUE

    Si Atatürk a bien fondé une république « laïque » sur les ruines de l’Empire ottoman, il s’agit d’une « laïcité » en réalité bien différente de la conception que nous en avons en France.

    En 2005, au moment où s’ouvraient les négociations officielles en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), de nombreuses voix autorisées justifiaient ce projet par la « laïcité »de la République fondée par Moustafa Kemal, passé à l’histoire sous le nom d’Atatürk (« Père des Turcs »). Ainsi, disait-on, la nouvelle Turquie était prédisposée à adopter les valeurs démocratiques du Vieux Continent. Mais cela revenait à négliger la particularité de cette laïcité sui generis, qui ignore le principe de neutralité publique en matière religieuse. Loin de proclamer la séparation entre les domaines temporel et spirituel, le kémalisme a placé la religion sous la tutelle de l’État, avec les implications importantes qui en résultent dans de nombreux domaines tels que le droit et l’organisation des cultes. En outre, seul l’islam sunnite, religion de la majorité des Turcs, était concerné par ce programme (1).

    Annie_Laurent.jpgTout s’est décidé en un jour, le 3 mars 1924. Dans la foulée de l’abolition du Califat, le Parlement vota la création d’une Direction des Affaires religieuses, laDiyanet. Placé sous l’autorité directe du Premier ministre, structuré de façon hiérarchique, avec une administration centrale et des ramifications en province et à l’étranger où résident de nombreux émigrés, cet organisme assure la gestion des institutions cultuelles : mosquées et écoles religieuses, nomination et rétribution des imams. Elle emploie aujourd’hui plus de 120 000 fonctionnaires.

    Cette double réforme reposait sur une vision bien particulière d’Atatürk, acquise par sa proximité avec le Comité Union et Progrès, mouvement nationaliste fondé par lesJeunes-Turcs opposants au sultan et imprégnés des idées de la Révolution française qui avaient commencé à se propager dans l’Empire ottoman dès 1895. Lui-même agnostique, bien qu’élevé dans l’islam, Atatürk méprisait cette « théologie absurde d’un Bédouin [Mahomet] immoral, cadavre putréfié qui empoisonne nos vies » (2). Il rêvait donc d’ancrer la Turquie dans la civilisation occidentale dont il admirait le rationalisme. Mais, connaissant l’identification de la majorité des Turcs avec l’islam sunnite, il savait ne pas pouvoir les détacher d’un coup de leur religion. Lui-même reconnaissait en 1932 qu’« une nation sans religion est vouée à disparaître » (3).

    La solution consistait d’abord à entretenir une confusion entre identité turque et sunnisme, ce qui, outre les chrétiens (4), marginalise ou exclut deux groupes, les Kurdes et les alévis. Quoique majoritairement sunnites et pouvant siéger au Parlement, les Kurdes sont privés de certaines libertés en raison de leurs particularités ethniques et culturelles ainsi que de leurs revendications autonomistes. À plusieurs reprises, leurs intellectuels ont été visés par la répression. Ce n’est que depuis l’ouverture des négociations avec l’UE qu’ils ont le droit d’enseigner leur langue dans des écoles privées.

    La situation des alévis, moins médiatisée que celle des Kurdes, n’en est pas moins aussi injuste. Dissidence du chiisme et religieusement proche de l’alaouitisme en Syrie voisine, l’alévisme se caractérise par son syncrétisme (avec des emprunts à des traditions asiatiques telles que la réincarnation), son ésotérisme, ses rites initiatiques et sa liberté par rapport au Coran (5). A cause de leurs croyances déviantes de l’islam orthodoxe, les alévis, d’ethnie turque ou kurde, sont traités de manière péjorative dans les livres scolaires. Malgré leur importance numérique (environ 20 millions d’adeptes), ils ne jouissent d’aucune reconnaissance et n’ont aucun représentant à la Diyanet.

    Au fond, ce qui est reproché aux Kurdes et aux alévis c’est de ne pas être de sang et de culture turcs pour les premiers, de confession sunnite pour les seconds.

    L’autre volet du plan d’Atatürk consistait à asseoir le contrôle de l’État sur la religion. Les autorités religieuses n’étaient plus consultées sur la conformité des lois avec la charia (loi islamique), laquelle ne constituait d’ailleurs plus la source du droit. S’ensuivit une réforme de tout le système juridique avec la suppression des tribunaux religieux et l’adoption de nouveaux codes calqués sur le modèle suisse, les plus marquants concernant la disparition des normes islamiques en matière de droit matrimonial. 

    Parallèlement, d’autres lois favorisèrent la sécularisation: dissolution des confréries, celles-ci étant considérées comme superstitieuses ; suppression de tout vêtement ou insigne religieux en dehors des lieux de culte, y compris pour les chrétiens ; adoption du dimanche comme jour chômé ; transformation en muséesde Sainte-Sophie (ancienne basilique byzantine devenue mosquée en 1453) et de Saint-Sauveur in Chora ; interdiction de fonder des associations à caractère religieux ; remplacement obligatoire du salut musulman, le salam, par la poignée de main ; prohibition du fez, le couvre-chef masculin traditionnel ; suppression progressive du foulard islamique (türbanen turc). Atatürk attendit cependant 1928 pour faire abroger, par une révision constitutionnelle, la mention de l’islam comme « religion d’État », et 1937 pour ériger la laïcité en principe fondamental.

    En s’appuyant sur l’armée et malgré l’impopularité de ces mesures dans les provinces éloignées des métropoles, le Réis(Président) veilla à l’application stricte de son système jusqu’à sa mort en 1938. L’amorce d’une lente érosion de la laïcité est ensuite apparue et elle n’a cessé de gagner du terrain. Le multipartisme, autorisé en 1946 par le successeur d’Atatürk, Ismet Inönü, afin de satisfaire à une condition imposée à la Turquie pour prix de son adhésion à l’ONU, favorisa l’émergence de l’islam politique qui œuvre depuis lors à la réislamisation de l’État et de la société.

    Suite à diverses dissolutions des partis se réclamant de l’islamisme, cette idéologie s’est cristallisée à partir de 1969 autour du Milli Görüs (la « Vision nationale »). Dans sa jeunesse, Recep-Tayyip Erdogan avait milité dans ce mouvement qui lui servira de tremplin pour créer le Parti de la Justice et du Développement (AKP) en 2001. Il s’en est démarqué peu après, notamment à cause de l’opposition de Milli Görüs à l’adhésion à l’UE, option à laquelle lui-même se dit attaché.

    Ce qui n’empêche pas son gouvernement de promouvoir une forte méfiance envers toute influence occidentale. En témoigne la campagne contre les symboles de Noël et les festivités du Nouvel An menée en décembre 2016. Le sermon du dernier vendredi de ce mois-là, rédigé comme chaque semaine par la Dyanet et imposé à tous les imams du pays, a condamné avec virulence ces « fêtes païennes ». Pour le président turc, « on ne peut être à la fois laïque et musulman, parce qu’Allah, le créateur du musulman, dispose du pouvoir absolu » (6).

    Depuis son élection comme président de la République en 2014, débarrassé du contrôle de l’armée qu’il a évincée à la suite de la tentative de coup d’Etat qui le visait en 2016, Erdogan met tout en œuvre pour enterrer l’héritage d’Atatürk, dont les statues disparaissent peu à peu du paysage. Utiliser sa légitimité démocratique pour parvenir à ses fins, telle est sa stratégie. Ainsi, il a pris des mesures pour limiter les permis relatifs au commerce d’alcool, introduire des cours obligatoires de religion (sunnite) dans les programmes scolaires, autoriser le port du türban à l’école pour les filles à partir de 10 ans, et pour les femmes dans les institutions publiques, imposer la censure pour des motifs moraux, etc.

    Avec lui, l’islam s’impose visiblement. En témoignent la nouvelle mosquée – la plus haute du monde ! –édifiée place Taksim à Istamboul et la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée. Pour la spécialiste libanaise Jana Jabbour, cette décision « est perçue par une large majorité d’ultraconservateurs turcs comme le signe de la victoire de l’Islam sur la Chrétienté et le triomphe de l’identité islamique de la Turquie sur son identité occidentalisée, laïque et pluraliste » (7). Erdogan s’emploie aussi à accroître sa mainmise idéologique sur les Turcs établis en Europe. Il dispose pour cela des Unions turco-islamiques des affaires religieuses (Ditib) qui dépendent de la Dyanet. Sous la surveillance de « conseillers religieux » en poste dans les ambassades, les imams détachés veillent à maintenir la diaspora dans une identité turqueet traquent les opposants au régime (8).

    La laïcité à la turque présente donc une contradiction qu’analyse ainsi le professeur turc Emre Oktem : « Le politique a pénétré dans le religieux pour mieux le contrôler, mais le religieux en a profité pour s’introduire dans l’appareil étatique. La Dyanet avait été conçue comme un instrument de contrôle étatique. Elle assuma bien son rôle mais elle servit également, et avec beaucoup de succès, à propager la religion islamique, selon la confession sunnite, si bien que l’Anatolie a subi une vague d’islamisation orthodoxe qu’elle n’avait guère connue à l’époque ottomane, où les moyens de communication étaient si précaires et l’Etat si peu présent » (9).

     

                                                                           Annie Laurent

    ____

    • A. Laurent, L’Europe malade de la Turquie, éd. François-Xavier de Guibert, 2005.
    • Benoît-Méchin, Mustapha Kémal ou la mort d’un empire, Albin Michel, 1954, p. 323.
    • Thierry Zarcone, La Turquie moderne et l’islam, Flammarion, 2004, p. 136.
    • p.
    • Sur les alévis, cf. Zarcone, ibid., p. 297-303.
    • Cité par Ahmet Insel, La nouvelle Turquie d’Erdogan, du rêve démocratique à ladérive autoritaire, Ed. La Découverte, 2015, p. 84.
    • « Erdogan se prend-il pour Mehmet II ?», L’Orient-Le Jour, 25 juillet 2020.
    • « Comment Erdogan tisse sa toile », Valeurs actuelles, 10 août 2017 ; cf. aussi Jean-Frédéric Poisson, La macronie et l’islamisme, Éd. de Paris, 2022.
    • Cité par A. Laurent, cit., p. 91.
    •  

     Article paru dans La Nef n° 348 – Juin 2022

  • Réflexions, un peu de temps après le forum de Davos... : Argent, qui t'a fait Roi ?...

    argent roi.jpgUn peu de temps après les fastes et les pompes du Forum de Davos, parlons un peu, avec Charles Maurras, de l'argent. Un mot qui, comme le mot révolution, peut s'écrire avec une minuscule ou avec une majuscule, mais qui, selon le cas, change de sens... Ainsi, il est tout simplement sot de déclarer "Je n'aime pas les riches", ou "Mon ennemi, c'est la Finance" : l'argent, les riches, la finance et sa puissance ont existé dans tous les pays, toutes les cultures, et à toutes les époques. La puissance matérielle des Templiers, ou d'un Fouquet, était considérables : mais, à l'époque, il y avait un Philippe le Bel, il y avait un Louis XIV pour - c'est son expression - "faire rendre gorge à ces gens-là..." : mais, leur faire rendre gorge uniquement s'ils sortaient de leur rôle, et, sinon, leur faire jouer - fût-ce de manière autoritaire - le rôle utile et positif qui est le leur, celui de participer au Bien commun. Mais, aujourd'hui, où sont le Philippe le Bel, le Louis XIV ? On le voit, le rapport à l'argent, aux riches, à la finance n'est, finalement - et c'est ce que rappelle Maurras - qu'un problème d'Institutions, un problème politique et du politique...

    On peut employer les mots que l’on voudra, et les formules les plus diverses. On peut parler, comme Boutang, de "Reprendre" le Pouvoir ; ou de le "séquestrer", comme le disait Renan (on va voir ci-après de quoi il s’agit) ; ou encore de le "libérer", comme le disait Maurras.

    Mais peu importent les mots : quelles que soient les formules que l’on choisit, l’important est bien, au bout du compte, de remettre l’Argent à sa place, et de bien comprendre comment et pourquoi, à quelle occasion historique, il a pu ainsi s’affranchir de toute contrainte, jusqu’à remplir tout l’espace et acquérir une puissance inédite chez nous : c’est en abattant la Royauté que ceux qui ont fait la révolution, et dont certains étaient peut-être sincères, ont en réalité ouvert la route à l’Argent, le pouvoir royal traditionnel, qui le maintenait à sa place, ayant disparu.

    Tels des apprentis sorciers -et même si, bien sûr, on pourra toujours dire : Mais ils n'ont pas voulu cela !...- ils ont déclanché des forces immenses que leurs nuées abstraites ont été bien incapables de maîtriser, et devant lesquellles elles ont pesé d'un bien faible poids. 

    Ils raisonnaient dans l'une des sociétés les plus raffinées, les plus policées, les plus civilisées dont l'Histoire gardera la mémoire, et que l'on peut, à bien des égards, appeler un Âge d'Or. Mais ils ont obtenu le résultat inverse de celui qu'ils espéraient, et ils n'ont fait qu'initier le processus qui, implacablement et inexorablement, une fois qu'il s'est mis en route, a abouti au désastre actuel de notre Âge de Fer, barbare et asservi aux forces matérielles, où seul l'Argent est roi; où l'Argent est le seul roi... 

    MAURRAS 7.JPGVoici un court extrait de l'article quotidien de Charles Maurras, dans L'Action française du 1er août 1921 - auquel il donnait le titre général de La Politique - : on pourrait donner à cet extrait, isolé de l'ensemble, le titre Argent, qui t'a fait Roi ?... Il est bon de le relire, ce Maurras fulgurant et ses lignes prophétiques du temps de L’Avenir de l’Intelligence, qui avait – dès le début du siècle dernier - parfaitement  compris et analysé la société dans laquelle nous allions vivre; et dans laquelle, pour le coup, nous vivons maintenant : une société dans laquelle les puissances de l’Argent, après avoir éliminé le pouvoir politique traditionnel et fort incarné par la royauté, élimineraient toute autre forme de pouvoir, notamment celui des intellectuels et de la pensée, et finiraient par rester seuls maîtres d’une société à laquelle le nom d’ "âge de fer" conviendrait parfaitement. 

    Nous y sommes, hélas….  Mais Maurras commençait les dernieres pages de l’Avenir de l’Intelligence par "A moins que…"…

    Voici l'extrait :

    "...L’Argent, en tant qu’argent, celui qui remplit sa fonction, honnête ou neutre, de simple Argent, ne m’inspire aucun sentiment d’hostilité, non plus que d’amitié ni d’envie. Je le voudrais bien à sa place. Je sais que, en démocratie, forcément, il monte trop haut (1). Le vertige démocratique le condamne à l’usurpation, parce qu’il ne peut trouver de contrepoids en démocratie. Cela est réglé, cela est vécu.

    Ne croyez pas que les argentiers eux-mêmes aient lieu de s’en réjouir ! Ce qu’ils achètent indûment s’avilit et les avilit, voilà tout. Ils y perdent deux choses : ce qu’ils y croient gagner et eux-mêmes.

    Pour savoir quels étaient les rapports de l’Argent et de l’Etat quand notre organisation naturelle et historique fonctionnait, lisons cette page de Bonald :

    "Assurément, on ne pouvait se plaindre en France que de l’excessive facilité de l’anoblissement et, tandis qu’un meunier hollandais, ou un aubergiste suisse sans activité, comme sans désir, bornés à servir l’homme pour de l’argent, ne voyaient dans l’avenir, pour eux et leur postérité, que le moulin et l’enseigne de leurs aïeux, un négociant français, riche de deux cents mile écus, entrait au service de l’État, achetait une charge et une terre, plaçait son fils dans la robe et un autre dans l’épée, voyait déjà en perspective la place de président à mortier et celle de maréchal de France, et fondait une famille politique qui prenait l’esprit de l’ordre à la première génération, et les manières à la seconde. C’est, dit Montesquieu, une politique très sage en France, que les négociants n’y soient pas nobles, mais qu’ils puissent le devenir". (2)

    On voit à quoi servait l’Argent dans cette économie ; il servait à servir. Il servait à entrer dans les services de l’État, services où il était discipliné et traité suivant ses œuvres nouvelles. L’Argent devenait chose morale et sociale, il se chargeait de responsabilités définies qui l’introduisaient et le maintenaient sur un plan différent du sien. C’est que l’État était alors constitué en dehors et au dessus de l’Argent. L’État pouvait donner splendeurs, honneurs, influences, vastes espoirs dans toutes les directions de l’élévation politique et morale. En même temps, il imposait son esprit. Il gardait le gouvernement. C’est que, le Chef de l’État n’étant pas élu, la corruption essentielle n’était pas possible (3) : il n’était ni or ni argent qui pût faire de la souveraineté politique un objet de vente et d’achat.

    Le souverain héréditaire n’était pas engendré par l’argent comme peut l’être un souverain élu : il pouvait donc offrir un patronage sûr aux forces que l’Argent tentait d’opprimer. Par ce mécanisme qui, selon le mot de Renan, "séquestrait" le pouvoir suprême, au-dessus des brigues et des trocs, un certain ordre d’injustice criante et de basse immoralité se voyait interdire la vie sociale. Depuis que le séquestre royal est supprimé, et que tout est livré au choix précaire et vacillant des volontés humaines, leur fragilité, leur faiblesse leur assignent l’Argent pour maître absolu : nul obstacle ne retient plus l’État français de rouler sur la pente où l’empire est mis à l’encan."

     

    Ceux qui s'obstinent à ne voir en Maurras qu'un penseur conservateur trouveront tout au contraire dans ce texte une analyse qui conteste le fondement même de la société subvertie dans laquelle nous vivons, c'est-à-dire la toute puissance de l'Argent.

    Il faut en conclure que le printemps de l'Action Française a duré plus longtemps que ne le dit Paugham. Boutang l'a bien montré : Maurras est un grand contestataire, et il ne serait pas sérieux de prétendre aujourd'hui faire l'économie de son analyse.

    Tout simplement parce que nous sommes en plein dans la réalité de cet Âge de fer dont il avait prévu la survenue.   

             

    (1) Voyez, aujourd'hui, quelle édifiante leçon on peut tirer de l’élection de Barack Obama (comme nous l’avions signalé dans notre note « France, États-Unis : deux républiques, et pourtant si différentes !...» du 6 novembre 2008) : l’élection du Président, aux USA, s’achète, tout simplement; le pouvoir politique suprême s’achète : c’est aussi, et probablement surtout, parce qu’il avait réuni un trésor de guerre plus important que Mac Cain qu’Obama a pu lancer son rouleau-compresseur…  Maurras n’est-il pas justifié, là, lorsqu’il écrit cette phrase "Je sais que, en démocratie, forcément, il monte trop haut" ?...

    (2) On parle toujours du "rêve américain" ; n’y avait-il pas, de ce point de vue, un "rêve français" à cette époque évoquée ici par Bonald ? La possibilité que tout un chacun, quelle que soit son origine, puisse "monter" et "réussir"...

    (3) Notre proposition est précisément d’instaurer au sommet de l’Etat un espace a-démocratique, qui garantirait et pacifierait la vie politique; qui ordonnerait et rendrait féconde et utile la vie politique, au lieu du cirque lamentable et du champ clos d’ambitions effrénées à quoi elle se résume actuellement.

  • La faillite de la France et l’explosion de la zone euro sont inéluctables, par Marc Rousset

    Il n’ y a plus que l’inconscient technocrate Macron pour ne pas croire aux sombres prédictions économiques de 2023, alors que les raisons sont nombreuses :

    • sanctions économiques suicidaires et contre-productives avec la Russie,

    •poursuite de l’inflation, des prix délirants, variables et incompréhensibles de l’électricité pour les entreprises, les artisans, les boulangers, les restaurateurs, les PME qui ne peuvent être abaissés que par la fin du Système mis en place,

    une véritable usine à gaz inventée par Macron afin de brouiller les cartes ( établissement d’un prix clair, juste et compréhensible de l’électricité en sortant du marché européen comme en Espagne et au Portugal ou en pratiquant une politique claire du « quoi qu’il en coûte » comme en Allemagne ),

    • hausse des taux d’intérêt,

    • dégonflement des bulles boursières, obligataires et immobilières,

    • risques de croissance zéro et de récession en Europe,

    • hausse des faillites à venir,

    • double déficit du budget public et de la balance commerciale,

    • dégradation de la notation de la dette française,

    • crise latente de l’UE et explosion inéluctable à venir de la zone euro, tout cela dans un monde malsain avec un endettement public mondial de 96 % du PIB mondial , et même de 247 % si l’on ajoute la dette des ménages et des entreprises !

    MARC ROUSSET.jpgLa France de plus en plus désindustrialisée s’est éloignée de l’Allemagne et des pays de l’Europe du Nord pour devenir un pays de l’Europe du Sud surendetté et non compétitif qui n’attire plus les grands investisseurs industriels (Tesla, projets d’usines de puces, semi-conducteurs tous dirigés vers l’Allemagne). La dette publique française est passée de 20 % du PIB en 1980, à 58 % en 2000, 85 % en 2010 pour atteindre le ratio insoutenable de 114,5 % en 2022. La dette française (2956,8 milliards d’euros) approche les 3000 miliards d’euros et a progressé de 115,9 milliards d’euros en un an.

    La France s’enlise en matière de dette avec le cinquième rang dans le peloton de queue européen, après la Grèce (171,1%), l’Italie (144,6%), le Portugal (115,9 %) et l’Espagne (114 %) alors que le taux des obligations du Trésor français (OAT) à dix ans vient de dépasser les 3 %, soit le taux de début 2012, pour la première fois ; il y a un an le taux était de seulement 0,20 %. On assiste donc à une véritable envolée des taux d’intérêt. En un an, en 2022, les intérêts de la dette publique ont augmenté de 34 % pour atteindre 51 milliards d’euros. Mais selon le Président de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, chaque point d’augmentation sur les taux d’intérêt se traduira en effet pleinement, seulement au bout de 10 ans (emprunts nouveaux pour remplacer progressivement la totalité des anciens emprunts venant à échéance), par une augmentation annuelle de 40 miliards d’euros de la charge de la dette, soit le montant du budget des Armées.

    A terme, donc, au bout de 10 ans, la seule augmentation de taux d’intérêt à 3% correspondra d’ores et déjà à une charge irréversible et insupportable de 120 milliards d’euros ! Les 51 Milliards d’euros actuels d’intérêt au budget 2023 ne représentent donc que moins de 50% des 120 miliards d’euros d’intérêt à venir ! Si les taux d’intérêt devaient s’élever dans les années qui viennent de 3 % à 6 %, au bout de 10 ans, la France devrait payer 240 milliards d’intérêt, soit 80 % des recettes du budget de l’Etat qui est de l’ordre de 300 milliards d’euros ! Or l’Italie paie déjà 4,63 % de taux d’intérêt et l’Allemagne seulement 2,50 %. Pas besoin donc de sortir de Centrale ou de Polytechnique pour réaliser vers quelle catastrophe la France se dirige, même si les taux d’intérêt devaient rester à 3%, et a fortiori s’ils devaient passer par malheur à 6% !

    Le spectre d’une envolée des faillites (Camaïeu, Scopelec) glace d’effroi un grand nombre d’entreprises : inflation, pénuries, remboursements des prêts publics PGE, explosion du prix des matières premières, de l’énergie, tel est le cocktail explosif qui fragilise les entreprises. L’agence de notation Fitch estime à 7,6 milliards d’euros les créances françaises à risque qui pourraient partir en fumée !

    La France sera donc rattrapée en 2023 par un choc énergétique, alimentaire et financier. La croissance sera au mieux de 0,3 %, l’inflation d’environ 6 %, le chômage de 7,5 % minimum, avec 9 millions de pauvres, un déficit public de 6 % du PIB, et un déficit commercial supérieur à 160 miliards d’euros, soit un double déficit insoutenable !
    En matière boursière, le CAC 40 est parvenu à limiter la casse en 2022 (-9 %) car les valeurs du luxe, Total et Thalès se sont très bien comportées, mais la plupart des grandes valeurs industrielles ont plongé d’environ 20 %. Les fameuses valeurs vertes (ESG) pour les naïfs et les bien-pensants ont davantage baissé que le CAC 40 (-11 %). Quant aux marchés obligataires, ils ont été laminés par la hausse des taux. Depuis leur sommet de septembre 2021, les marchés obligataires ont déjà perdu 20 %. Lombard Odier constate que « sur les cent dernières années, seules trois, 1931, 1969, et désormais 2022 ont enregistré des performances négatives à la fois sur les marchés obligataires et sur les marchés d’actions ». De nombreux analystes jugent qu’une récession économique, et donc une baisse des bénéfices est inévitable en 2023, ce qui pourrait entrainer les indices boursiers à poursuivre leur repli, avec la prolongation d’un krach obligataire encore plus violent.

    Aux Etats-Unis, les actions à la Bourse de New York ont perdu en moyenne 20 % de leur valeur en 2022, ce qui est la quatrième perte boursière la plus importante depuis la deuxième guerre mondiale (-33% pour le Nasdaq des valeurs technologiques, -8,5 % pour le Dow Jones et -19,7 % pour le S&P500). Cette chute de 2022 à Wall Street se situe, pour l’instant seulement, derrière la crise financière et immobilière de 2008 quand le marché boursier avait perdu 38,5 %, puis le krach de 1974 avec une chute de 29,7 %, et enfin l’implosion de la bulle internet en 2002 lorsque le marché avait fondu de 23,4 %.

    L’économiste américain Peter Schiff prédit que le dollar américain, suite à sa chute de 10 % fin 2022, connaitra « l’une des pires années de son histoire » en 2023, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour l’euro qui, comme le dollar, suite au scandaleux hold-up des actifs de la Banque Centrale de Russie, a aussi définitivement perdu son statut de monnaie de réserve. La chute des prix des actifs boursiers ou immobiliers devrait continuer, selon Peter Schiff, car les valorisations aux Etats-Unis restent encore élevées, mais l’inflation, elle, va empirer, car les prix à la consommation vont continuer d’augmenter. Schiff a enfin exprimé, à juste titre, son dédain, pour le Bitcoin, objet spéculatif sans valeur intrinsèque qui, par sa technologie incompréhensible, attire les escrocs manipulateurs.

    Selon la directrice du FMI Kristalina Georgieva, « 2023 sera pire que 2022 et un tiers de l’économie mondiale sera en récession ». Le grand gagnant de la guerre en Ukraine, ce sont les Etats-Unis. Près de 50 % des Etats membres de l’UE devraient connaître la récession en 2023.
    En Italie, Giorgia Meloni se fait du souci et s’en prend à la BCE, suite à l’augmentation actuelle et future des taux, et suite à la décision de diminuer de moitié les rachats de bons du Trésor par la BCE à compter du 1er mars 2023. Rome considère que la hausse des taux provoquera une récession sans grand effet sur une inflation causée par les coûts de l’énergie, suite à la guerre en Ukraine. Rome s’inquiète de devoir solliciter directement les marchés en 2023, avec 330 miliards d’euros d’émissions brutes, sachant que la BCE, qui a acheté beaucoup de dette italienne, en reprendra moitié moins. Un emprunt national sollicitant l’épargne des ménages italiens est déjà envisagé.

    L’UE qui va basculer dans la récession voit renaître le risque systémique de la zone euro, suite au resserrement monétaire de la BCE. Les taux longs sont repartis à la hausse depuis la réunion de la BCE du 15 décembre 2022, au cours de laquelle Christine Lagarde a laissé entendre que deux ou trois nouvelles hausses des taux directeurs pourraient intervenir en 2023. La BCE donne désormais la priorité à la lutte contre l’inflation et va donc poursuivre la hausse des taux et la politique de réduction de son bilan. La France insouciante avec son endettement public et privé de 361 % du PIB, va donc se fracasser, comme la Grèce en 2009, l’Italie en 2011 ou le Royaume-Uni en 2022 contre le mur de la dette.

    La distorsion des risques et des taux d’intérêt (Allemagne 2,6 %, Italie 4,5 % avec un taux d’endettement de 150 % du PIB) entre les différents membres de la zone euro constitue un problème majeur insoluble, avec à terme une explosion à venir ! La BCE peut seulement retarder la date de l’explosion, en acceptant l’inflation, contrairement à la Fed américaine, et en renonçant donc à la lutte contre ce fléau destructeur.

    Quant à l’envol passager des bourses tout début janvier 2023, suite à la baisse du prix du gaz et à la baisse espérée de l’inflation à venir, elle n’est qu’une preuve de plus de l’instabilité des bourses : une hirondelle ne fait pas le Printemps ! La sortie définitive de la Chine de la politique zéro Covid, en mars 2023, en dopant la demande des consommateurs chinois et de l’industrie chinoise, remettra certainement en cause l’euphorie boursière passagère du gaz et du pétrole bon marché, de l’électricité moins chère et de la diminution prochaine de l’inflation des produits de consommation.

    La zone euro a toutes les chances d’éclater car la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce ne sont plus que des morts -vivants en attente de faillite. Il ne faut donc pas s’étonner, comme le journal Les Echos, de la remontée actuelle des cours de l’or, valeur refuge par excellence, à 1855 dollars l’once , au moment où la France de Macron, démocratie occidentale en décadence accélérée sous protectorat américain de l’OTAN, va bientôt très chèrement payer la note de son insouciance depuis 40 ans, de son laxisme, de sa non réduction des dépenses publiques avec 2 millions de fonctionnaires en trop, de ses charges sociales et fiscales trop élevées rendant le pays non compétitif, de sa stupide politique énergétique du non nucléaire et du réchauffement climatique non démontré scientifiquement par l’homme, du renoncement aux valeurs traditionnelles patrie-famille-travail qui ont fait sa grandeur, de son idéologie mortifère en matière sociétale, de l’absence de politique familiale pour payer les retraites, de sa stupide politique étrangère avec la Russie qui est exactement le contraire de celle du général De Gaulle, de la folie suicidaire des sanctions de l’UE, de sa lâcheté face à l’invasion migratoire extra-européenne avec un coût annuel insupportable de 83 milliards d’euros, soit deux fois le budget actuel de l’Armée française !