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  • Archives • Quand Jean Raspail répondait aux questions de François Davin et Pierre Builly (1978)

    Jean Raspail aux Baux de Provence en 1983. À ses côtés, Pierre Chauvet, Pierre Pujo, Gérard de Gubernatis 

     

     

    Jean Raspail répond aux questions de François Davin et Pierre Builly 

    Nous l'avons connu d'abord par ses livres. Aux Baux 76, nous l'avons entendu nous dire sa confiance dans une certaine remise en cause des conformismes intellectuels régnants. Et son espérance rejoignait la nôtre sans qu'il fût besoin que Jean Raspail appartînt à l'Action Française : ce discours figure dans Boulevard Raspail, son dernier livre. 

    On appréciera le tour très libre, très peu formel, de l'entretien qu'il a accordé à François Davin et Pierre Builly. 

    Si Jean Raspail laisse des questions sans réponse c'est que notre famille d'esprit n'a que peu de goût pour les idéologies et les systèmes. Sur les réalités à défendre, l'accord ne va-t-il pas de soi ? 

     

    2271914902.jpg• Une de vos anciennes chroniques du Figaro m'a particulièrement marqué. Elle date d'environ deux ans, s'intitulait « les signes noirs » et me paraissait assez bien refléter ce que vous pensez, ce que vous dites, ce que vous avez mis dans le « Camp des Saints » ce que vous avez exprimé dans la « Hache des Steppes » et dans le « Jeu du Roi ». Au-delà de la péripétie électoraliste, au-delà du jeu des forces politiques proprement dites, ce que nous pourrions appeler le pays légal, il y a un danger, un risque de déliquescence pour la société française dans toutes ses composantes qui étaient jusque-là restées organisées : par exemple l'éducation, la justice, l'armée, etc. ... 

    Jean Raspail - Si ma mémoire est bonne, j'ai écrit à ce moment-là, et je le crois toujours, que peu à peu des hiérarchies parallèles se sont établies au sein de toutes les organisations sociales : l'armée, l'enseignement, la Justice, l'Eglise. Il me semblait que personne ne le disait à ce moment-là. J'ai eu un petit peu d'avance sur les autres. Pas tout seul d'ailleurs. 

    En effet, vos livres et vos chroniques ont fait irruption dans le marécage, pratiquement les seuls à l’époque. Aujourd'hui il y a beaucoup de monde qui évoque ces sujets. 

    Actuellement les signes dont j'ai parlé me semblent connus de l'opinion, qu'il s'agisse de l'opinion modérée ou majoritaire, comme vous voudrez, ou même, peut-être, d'une partie de la gauche. Ce qui est étonnant aujourd'hui, c'est qu'il n’y a pas de réaction réelle. Tout se passant au niveau politique, plus rien ne se passe au niveau - comment dirais-je ? - des âmes, comme si les pouvoirs en place ne prenaient pas en compte l'âme de la nation. Et cela c’est ce qu’il va falloir essayer de dire. Je prétends par exemple que la jeunesse est complètement abandonnée à elle-même. Il y a des tas de gens qui s'occupent d'elle, les sports, par exemple, ne sont pas mal gérés, l’Education nationale représente un budget énorme … Je me souviens qu'Herzog me disait, alors qu'il était Secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports, que l'argent ne lui manquait pas pour construire des piscines ou des stades, qu'il y en avait partout mais que c'était l'âme qui manquait pour y aller. Il en est ainsi dans tous les domaines. Or, à moins de ne plus être en démocratie libérale, est-ce qu'un gouvernement pourrait avoir un pouvoir sur les hommes ? 

    Est-ce que la nature de la démocratie libérale n'est pas de susciter autour d'elle des contre-pouvoirs ? 

    Certainement cela tient à la nature de la démocratie libérale. D'ailleurs, j'en parle dans les chroniques que j'écris actuellement. J'en ai déjà fait trois. Il en paraît une par mois. J'ai écrit « jeunesse et démocratie », « rites et démocratie », « patrie et démocratie ». Après je ferai « races et démocratie », « Famille et Démocratie », etc. ... toute une série pour savoir où la démocratie peut être bonne... Personnellement, je ne suis pas fasciste, je ne considère pas qu'une démocratie est forcément mauvaise. 

    Tout dépend de ce que vous entendez par démocratie. 

    C'est ce que j'essaie de définir. Pour clarifier ma pensée, disons simplement que je ne suis pas du tout un théoricien, que j'essaie d'être un écrivain qui réfléchit sur les problèmes de ce temps. 

    Vous ne résolvez encore rien. Vous dites : on connaît les signes mais il y aura une nouvelle étape à franchir. Connaîtrait-on les causes de ces signes, que l'on connaîtrait le remède. Mais le remède ne sera connu que lorsqu'on aura une version claire des causes. Que faire pour en sortir ? Jusqu'à présent vous ne voyez pas le comment. 

    Ce qui est embêtant. Il semblerait qu'en ce moment la fameuse distinction de Maurras entre le pays réel et le pays légal n'est plus vraie. Le pays profond ou réel n'est pas du tout traversé par les mêmes courants de sentiment, d'enracinement. On se trouve devant un pays, il n'est pas le seul d'ailleurs, qui était jusqu'à il y a, au fond, peu de temps, industrialisé à 5%. Aujourd'hui le pays réel ou profond, ça ne veut plus dire grand-chose quand on voit par exemple Sarcelles ou n'importe quoi d'autre, toutes ces immenses banlieues ou cette région parisienne où vivent quand même 25% des Français. Je connais bien mon village en Provence que j'habite six mois de l'année. Je suis certain que c'est le pays réel. J'entends mes socialistes au bistrot. Ils feraient rougir Rocard et Mitterrand. Quant au pays profond, il n'est plus tellement profond. Il est devenu d'une effroyable superficialité; on ne sait plus trop par quel bout le prendre. 

    Oui, mais vous dites que la solution ne paraît pas résider dans le libéralisme avancé. 

    Probablement pas. 

    Vous dites je vois les signes, j'étudie les signes ... 

    Je crois que c'est le privilège de l'écrivain. Comme il n'a pas d'œillères, il a plus de liberté pour juger les choses d'un peu haut. Il n'est pas obligé de rédiger un article de journal tous les jours. 

    Votre héros du « Jeu du Roi » en vient à sortir du monde et à se créer un royaume intérieur. Je crois percevoir en lui un fond de découragement ou de pessimisme. Est-ce un peu vous ou uniquement un personnage ? 

    Il y a une certaine : ambiguïté du personnage. Tous les romanciers vous le diront, il y a une part probablement de l'auteur, on ne sait pas très bien où elle est, elle peut se trouver un peu partout. Ce n'est pas explicable. D'autre part un romancier n'écrit pas une histoire que mène uniquement un désir démonstratif. Vous avez vu Dutourd dernièrement. Vous lui avez parlé de Mascareigne. Eh bien ! Il a répondu la même chose. 

    Je ne pense pas que mon héros soit pessimiste dans cette histoire. Je pense que l'univers qu'il trouve ne lui convient pas : il s'en est fabriqué un autre et comme en l'occurrence ce jeune garçon puis cet homme était comme une espèce de romantique d'épopée, habité par la notion, le souci dont sont animés ce que j'appelle, moi, tous hommes bien nés sans aucune référence, bien sûr, à l'aristocratie, il a en définitive une attitude de dépassement qui est la réalisation de la part du divin dans chacun d'entre nous. Or, ne trouvant pas cela dans la société où il vivait, il s'est bâti un univers à part. Ce n'est pas une idée fondamentale­ment originale. Il y a d'autres romanciers qui ont décrit des choses de ce genre. Je ne sais pas politiquement où en est Julien Gracq. Peu importe. Mais dans « Le Rivage des Syrtes », il y a un peu le même souci de dépassement qu'on ne peut plus trouver dans le monde où nous sommes. 

    L'important n'est-ce pas la transmission du flambeau ? 

    Une transmission c'est la flamme qui passe. A la fin du « Jeu du Roi », Jean-Marie parle aussi à l'adolescent : « le jeu s'emparera de ta vie ». Tant que la flamme brûle, l'idée n'est pas morte, l'espoir non plus. 

    Dans votre livre la révolution s'est installée. 

    On me l'a reproché. Certains critiques ont écrit : c'est dommage, il a démoli une partie de son livre en faisant redescendre le lecteur du rêve à la réalité. C'est un reproche qui est presque justifié mais je voyais le livre de cette façon.  

    Votre héros pense peut-être que la contre-révolution exige une réaction sur soi-même. 

    Il faut le comprendre:ce n'est pas un politique. C'est un homme qui réagit. Je crois pourtant qu'il a des justifications politiques; il est dans une situation telle qu'il doit bâtir l'arche et transmettre le flambeau. C'est un peu ce que fait cette droite qu'on appelle extrême. Qui disait qu'il y avait dans l'extrême-droite la fascination du flambeau à transmettre et ce sentiment de l'infime minorité qui détient la vérité ? Je suis certain qu'il y a beaucoup de Français non-engagés politiquement qui éprouvent la même impression. 

    La morosité. le marasme ? 

    Non, mais l'idée de celte pérennité de l'homme et de la part merveilleuse qu'i! doit assumer. Je suis certain que beaucoup le pensent. Seulement comme dans la société moderne c'est de plus en plus difficile à réaliser, il reste le repliement à l'intérieur de soi-même ; qui ne veut pas dire du tout renoncement. En fait, c'est un enrichissement personnel. 

    Cette attitude ne suppose-t-elle pas un minimum de lutte, de présence dans le monde ? 

    Cela veut-il dire quelque chose à ce moment-là ? On m'a posé la même question à propos du « Camp des Saints » qui se termine de façon catastrophique. Tous mes livres ont, c'est vrai, un certain fondement politique. Mais ce sont des romans, non pas des messages, ni des encouragements. Au fond c'est peut-être ce que les gens recherchent, surtout les jeunes gens. Je n'ai pas à le faire pourtant. 

    Votre vocation est plutôt d'attirer l'attention. A propos du « Camp des Saint » justement j'ai vu à la télévision votre tribune avec Max Gallo. Je crois qu'il vous a demandé : « Que préconisez-vous contre cette masse qui arrive ? Envoyer une bombe ou quelque chose d'approchant? Et vous vous êtes un peu réfugié dans : « Moi, je suis écrivain ». Au fond vous avez fait disparaître encore un peu votre responsabilité. 

    Je n'ai pas voulu me laisser entraîner sur ce terrain. Le « Camp des Saints » est une histoire. Ce n'est pas non plus une réponse. Quand on me dit : faut-il les tuer tous, les passer au napalm ou leur envoyer la bombe atomique ? Je ne peux pas répondre oui. C'est quand même plus subtil. Alors j'ai essayé de dire que le « Camp des Saints » est un livre symbolique. Dans l'introduction je dis : ça se passera mais ça ne se passera pas exactement comme ça. En tout cas c'est un problème qui est de plus en plus précis et présent. Qui doit assumer cette responsabilité ? Ils sont là. Ils sont de plus en plus nombreux. Nous le sommes de moins en moins. En ce moment c'est une idée qui commence à passer. 

    185747113.pngVous ne trouvez pas qu'il y a une sorte de réveil de cette « droite », terme assez difficile à définir et très ambigu ? 

    Sur le plan des idées, oui. A l'heure actuelle il y a un réveil exceptionnel de la pensée dite de « droite » à telle enseigne qu'on est en train de se demander, Dutourd l'a écrit d'une façon très amusante il y a quelques semaines : y aura-t-il encore des intellectuels de gauche dans deux ans ? C'est très étrange à voir. Nous parlions du pays profond tout à l'heure : peut-être les écrivains, grâce au seul privilège de leur détachement, anticipent-ils ? Et peut-être le pays dit profond, même dans ses H.L.M. ou ailleurs, comprend-il déjà confusément ces choses. 

    Ils sont allés trop loin: Le projet socialiste sur l'éducation en créant une éducation inégalitaire défavorise le fils de famille bourgeoise. Et quand on évoque le réveil de la droite intellectuelle, disons aussi qu'elle ne s'est jamais endormie. Jusqu'à présent, elle ne voulait pas s'assumer pleinement. C'est chez nous, dans notre famille de Français que la confiance vient car on s'aperçoit que nos écrivains, nos intellectuels reprennent du poil de la bête, ont du succès, qu'on les écoute, qu'on ne leur crache plus dessus et qu'au contraire on les rejoint de plus en plus. Mais ce progrès est significatif à l'intérieur de notre famille de pensée qui commence à être confortée comme on dit. Mais si elle reprend du poil de la bête cela ne veut pas dire du tout qu'elle ait la moindre influence dans le camp adverse. Je suis persuadé qu'elle n'en a aucune. 

    Nous en sommes aux premiers pas d'un renouveau. 

    Et l'on sera victime du phénomène de récupération des idées qui sont les nôtres et qui commencent à compter maintenant. 

    Récupération électoraliste ? 

    Non, pas électoraliste. La guerre se situe au plan des idées. Pour moi, Revel est une espèce de sous-marin qui vient rejoindre une famille de pensée pour jeter une sorte de pont. 

    Vous n'y croyez pas pour Revel, mais pour les nouveaux philosophes ? 

    Les nouveaux philosophes, à mon avis c'est terminé. On ne les a pas attendus pour savoir que penser du marxisme. Leur itinéraire, la publicité faite autour d'eux me paraissent tellement excessifs      et extraordinaires   ! On s'en est servi en fait pendant six mois. Maintenant il faut leur régler leur compte parce qu'il faut faire très atten

  • Grandes ”Une” de L'Action française : le premier article du premier numéro...

    Voici donc le premier numéro de L'Action française quotidienne, en date du samedi 21 mars 1908, jour du Printemps. Le dernier sera celui du jeudi 24 août 1944, que nous verrons prochainement : la série des quotidiens s'étale donc sur une période de trente sept années, pour 13.000 numéros...

    Dans ce premier de la longue série, l'intégralité des deux colonnes de gauche est consacrée non pas à un article proprement dit, mais plutôt à une sorte de "manifeste", signé collectivement par douze personnes, et intitulé "Le nationalisme intégral".

    Après avoir donné le texte intégral de ce Manifeste, nous évoquerons ici quelques aspects de la vie quotidienne du journal, et au journal, avec une série de photos tirées de notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet (321 photos)...

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

     

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    Le texte du Manifeste "Le nationalisme intégral"

     

    Obscurément, mais patiemment, avec la persévérance de la passion, voilà bien des années que l'Action française travaille : elle n'a jamais cessé de redire qu'elle s'adresse au Peuple français tout entier.

    Elle l'a dit dans sa Revue. Elle l'a enseigné dans son Institut. Elle l'a crié dans ses réunions et sur ses affiches. En tête du journal destiné à propager quotidiennement sa pensée, l'Action française a le devoir de répéter qu'elle n'a jamais fait appel à un parti. Vous sentez-vous Français ? Traitons des affaires de France au point de vue des seuls intérêts du pays. Voilà le seul langage que nous ayons tenu. Ce sera notre langage de tous les jours. Il ne s'agit pas de mettre en avant nos préférences personnelles, nos goûts ou nos dégoûts, nos penchants ou nos volontés. Nous prenons ce qu'il y a de commun entre nous — la patrie, la race historique — et nous demandons au lecteur de se placer au même point de vue fraternel.

    Ni les rangs sociaux, ni la nuance politique ne nous importent. La vérité se doit d'avancer dans tous les milieux. Nous savons qu'il y a partout du patriotisme et que la raison peut se faire entendre partout. Quelles que soient les différences des mœurs ou des idées, il existe des principes supérieurs et des communautés de sentiment plus profondes : là disparaît l'idée de la lutte des classes ou de la lutte des partis. Toutes nos conclusions politiques dérivent de ce principe fondamental : il faut que notre France vive, et de cette question posée non point par nous mais par les circonstances : comment la préserver de toutes ces forces de mort ?

    Assurément, comme nos camarades de la presse nationaliste et conser­vatrice, nous mènerons de notre mieux la guerre à l'anarchie. Si tout patriote français nous est ami, si toute idée sérieuse nous paraît digne d'examen et de discussion, nous ne ferons aucun quartier aux idées, aux hommes, aux partis qui conspirent contre l'intérêt du pays. Vive l'unité nationale ! Périssent donc tous les éléments diviseurs ! Nous n'épargnerons ni cette anarchie parlementaire qui annule le pouvoir en le divisant, ni l'anarchie économique dont l'ouvrier français est la plus cruelle victime, ni l'anarchie bourgeoise qui se dit libérale et qui cause plus de malheurs que les bombes des libertaires.

    Nous combattrons, comme nous le fîmes toujours, cette anarchie cosmopolite qui remet à des étrangers de naissance ou de cœur le gouvernement de la France, l'anarchie universitaire qui confie l'éducation des jeunes français à des maîtres barbares, les uns juifs, d'autres protestants, lesquels, avant d'enseigner parmi nous, devraient eux-mêmes se polir au contact de la civilisation, de l'esprit et du goût de la France. Nous montrerons dans la clarté qui suffit à leur faire honte, les plaies d'anarchie domestique, tuant l'autorité des pères ou l'union des époux, et, la pire de toutes, l'anarchie religieuse acharnée à dissoudre l'organisation catholique ou tentant de refaire contre l'Église une unité morale en la fondant sur des Nuées.

    Allons au fond du vrai : parce que, au fond, ce qui nous divise le plus est le régime républicain et parce que cet élément diviseur par excellence est aussi celui qui organise, qui règle et qui éternise l'exploitation du pays qu'il a divisé, l'Action française appelle tous les bons citoyens contre la République.

    Mais, dit-on, quelques-uns croient encore à la République. — Possible : ils se font rares. Ces derniers croyants perdront vite leur foi dès qu'ils nous auront accordé quelques minutes de l'attention et de la réflexion qu'un électeur doit accorder à la chose publique. Sans y passer huit heures par jour, comme Louis XIV, tout Français intelligent comprendra bien que ce qu'il y a de mieux à faire est de donner sa démission de souverain et de se décharger des besognes d'État sur quelqu'un de plus apte et de plus compétent. L'évidence lui fera dire, comme à l'un des plus grands amis de l'Action française : « quand je songe que j'ai été républicain, je me battrais. »

    Ce regret si noble est d'un ancien radical qui lutta contre le second Empire et la politique du maréchal (1). Et nous pourrons citer des regrets du même ordre émanant d'anciens libéraux, ou d'anciens collectivistes, ou d'anciens démocrates plébiscitaires. Ne les appelez pas convertis de l'Action française : ils sont des convertis du bon sens français. Nos vérités politiques ne sont tirées d'aucun fonds d'imagination qui nous soit personnel. Elles vivent dans l'âme de nos auditeurs et de nos lecteurs. La seule chose dont on puisse se prévaloir ici, c'est d'avoir obligé le lecteur patriote à découvrir au fond de ses propres pensées et de ses propres sentiments élevés au maximum de la conscience lucide… — Quoi donc ? — La nécessité d'un recours au Roi.

    Qui veut bien quelque chose en veut la condition. La condition de ce qu'on veut quand on réclame le respect de la religion, ou la paix sociale, ou la restitution de la France aux Français, cette condition préalable, c'est le Roi. Pas de Roi, pas de puissance nationale, pas de garantie pour l'indépendance de la nation. Pas de Roi, pas d'anti-maçonnisme efficace, pas de résistance à l'étranger de l'intérieur, pas de réformes bien conduites ni sérieusement appliquées.

    C'est en cela précisément que réside le nationalisme intégral. Il met en ordre les problèmes français, il permet de les comprendre, et ce qu'ils peuvent offrir de contradictoire sans lui s'accorde en lui parfaitement ; par exemple, un Pouvoir central très fort et des Villes, des Provinces, des Corporations entièrement libres, au lieu de se détruire comme en République, se prêtent un appui réciproque et se consolident par l'opération de la monarchie.

    C'est un fait ; nous le ferons voir. Mais c'est un autre fait que beaucoup de gens en sont frappés. C'est un troisième fait que, en tout temps, nos Princes, du fond de leur exil, ont senti cet accord et l'ont inscrit dans leur programme, qui n'a pas été fait pour les besoins de nos polémiques de 1908. Nos querelles du mois courant seraient réglées par l'application d'un principe posé, posé voici dix, vingt ou quarante ans, dans une lettre du comte de Chambord, du comte de Paris ou de Monseigneur le duc d'Orléans.

    Les Français à qui cette évidence deviendra claire feront honneur à la vivacité d'esprit de leur race. Ensemble, diront-ils, nous avons fait une sottise noire en nous séparant de nos Rois : puisque rien de sérieux ne saurait se faire sans eux, le plus simple est de nous dépêcher de les rappeler, et avec eux, de nous remettre le plus tôt possible au travail.

    À ce langage de bon sens, on n'objecte que la prudence des timides, ceux qui tremblent que la monarchie ne signifie « pour le public » le gouvernement des nobles et des curés (simple sottise de primaires), ou ceux qui (moins ignorants et plus imprudents) savent combien ce préjugé est faux, mais qui en craignent la puissance. Nous ne craignons, pour notre part, aucune puissance d'erreur. Notre devoir est de les réduire l'une après l'autre en leur opposant l'évidence. Mais une évidence militera, dès l'abord, en notre faveur : c'est le recrutement du personnel de l'Action française.

    Ceux que le nationalisme intégral rallia nous sont venus de toutes les classes et de tous les mondes. Ces hommes qui, depuis des années, travaillent, sans un désaccord, à la même œuvre de reconstitution nationale, sont le produits d'éducations et de milieux aussi différents que les Jésuites et la Sorbonne, le barreau et l'armée, l'Union pour l'Action morale et la Gazette de France. On pourrait dire qu'ils ne s'accordent sur rien, hors de la politique, et que, en politique, ils s'accordent sur tout. Car non seulement leur politique économique ou militaire, mais leur politique morale, leur politique religieuse est une. On a remarqué, dans leurs rangs, des hommes étrangers à la foi du catholicisme. On n'en signale pas un seul qui n'ait mille fois déclaré que la politique religieuse de notre France est nécessairement catholique et que le catholicisme français ne peut être soumis à un régime d'égalité banale, mais y doit être hautement et respectueusement privilégié. De sorte que l'accord intellectuel et moral déterminé par le nationalisme intégral de l'Action française peut être envisagé tout à la fois comme le dernier mot de la tolérance et comme le triomphe du Syllabus.

    Et ces deux aspects ne sont pas contradictoires. Nous apportons à la France la Monarchie. La Monarchie est la condition de la paix publique. La Monarchie est la condition de toute renaissance de la tradition et de l'unité dans notre pays. C'est pour l'amour de cette unité, de cet ordre, que commence aujourd'hui notre guerre quotidienne au principe de la division et du mal, au principe du trouble et du déchirement, au principe républicain.

    À bas la République ! et, pour que vive la France, vive le Roi !

    Henri Vaugeois,
    Léon Daudet,
    Charles Maurras,
    Léon de Montesquiou,
    Lucien Moreau,
    Jacques Bainville,
    Louis Dimier,
    Bernard de Vesins,
    Robert de Boisfleury,
    Paul Robain,
    Frédéric Delebecque,
    Maurice Pujo.

    (1) Patrice de Mac Mahon. 

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    Quelques photos de notre Album Daudet pour illustrer les premiers moments de l'aventure...

     

    1. Samedi 21 mars 1908 : premier numéro du journal

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    De "Vers le Roi", pages 37/38 (premières lignes du Chapitre II) :

    "Le 21 mars 1908 parut le premier numéro de l'Action française quotidienne, organe du nationalisme intégral, portant, comme devise, la fière parole de Monseigneur le duc d'Orléans : "Tout ce qui est national est nôtre".
    Nos bureaux étaient donc Chaussée d'Antin. Notre imprimerie se trouvait 19, rue du Croissant, dans la rue Montmartre.
    La déclaration, qui ouvrait le journal, était signée des douze noms suivants : Henri Vaugeois, Léon Daudet, Charles Maurras, Léon de Montesquiou, Lucien Moreau, Jacques Bainville, Louis Dimier, Bernard de Vesins, Robert de Boisfleury, Paul Robain, Frédéric Delebecque, Maurice Pujo.
    Nous avions campé la "Dernière Heure" au milieu de la première page, ce qui, par la suite, parut moins intéressant quant à l'aspect extérieur, ou "oeil", de notre feuille, que nous ne l'avions espéré.
    Je signais du pseudonyme de "Rivarol" des échos, censés divertissants, mêlés de prose et de vers.
    Criton-Maurras inaugurait une Revue de la Presse, avec exposé et discussion des confrères, qui a été souvent reprise ailleurs et imitée depuis, jamais égalée.
    Nous annoncions, pompeusement, deux feuilletons, l'un, "Marianne", de Marivaux, recommandé par Jules Lemaître, lequel excita peu d'intérêt, comme trop long et digressif, l'autre, "Mes Pontons", de Louis Garneroy, qui plut davantage.
    Il y avait aussi une déclaration de Jules Lemaître, adhérant à la monarchie, et qui scandalisa pas mal de "républicains" ou prétendus tels, dont Judet, directeur de "L'Eclair", considéré alors comme un patriote éprouvé, reconnu depuis comme une variante de Judas..."



    Illustration : "cela ne durera pas six mois...", disaient certains. Malgré la résistance acharnée du Système - et l'infinité de ses "coups bas.." - qui finit tout de même par "avoir sa peau" en 44; malgré l'hécatombe de 14; malgré les injustes sanctions vaticanes; malgré les brouilles et les départs inhérents à toute formation politique... l'extraordinaire aventure de l'Action française dura presque 36 ans; et 13.000 numéros : c'est le 24 août 44 que parut, en plein climat de Terreur dûe à la sinistre "Epuration", le 13.000ème et dernier numéro.
    Mais les choses qui devaient être dites avaient été dites; les démonstrations qui devaient être faites avaient été faites; les preuves qui devaient être apportées avaient été apportées : "Les bâtisseurs sont morts, mais le Temple est bâti..."

     

    2. Maurras à l'imprimerie...

    Dans son "Maurras et notre temps", Henri Massis dit, à un moment, de Bainville et de Daudet, qu'ils "étaient de vie régulière".
    C'est-à-dire que, leur après-midi de travail terminé, ils rentraient, tout simplement, chez eux, en famille...
    Rien de tel pour Maurras, célibataire : son rythme de travail était radicalement différent, et s'apparentait d'avantage à celui d'un "oiseau de nuit", comme le montre Daudet, dans cette fin du chapitre VI de son "Vers le Roi", pages 201/202/203 :

    "...Maurras en use aussi, à sa façon (de la répétition, ndlr), qui est de varier les sujets, au cours d'un même article, et de servir chaque matin, en plusieurs paragraphes, un menu politique presque complet...
    Maurras travaillant toute la nuit et passant presque toute la nuit à l'imprimerie (ce qui est phénoménal et unique dans les annales de la presse !), l'Action française est le seul journal dont les nouvelles soient contrôlées.
    Chez la plupart de nos confrères, ces nouvelles, transmises par les agences, sont insérées en vrac, par le secrétaire de rédaction, sous la rubrique "Dernière heure", et c'est au lecteur à se débrouiller dans leur énoncé blafard, absurde, contradictoire ou confus.
    Rien de tel chez nous : l'oeil de Maurras, servi par une mémoire effarante, a vite fait de relever l'erreur de fait et de la corriger, l'interprétation tendancieurse et de la barrer.
    On n'imagine pas l'utilité de cette surveillance, surtout dans les moments graves ou critiques.
    L'Action française n'est pas seulement un quotidien. Elle est aussi une ligue et un organisme d'action. Elle a des ramifications innombrables dans tous les milieux et dans toutes les provinces. D'où la nécessité, pour elle, d'insérer les communiqués de ses amis et les comptes rendus de

  • Islam et féminisme (suite et fin, 4/4), par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgLe jeudi 16 juin dernier, nous donnions ici-même le premier texte de cette série de trois que consacre Annie Laurent au thème Islam et féminisme.

    Voici aujourd'hui la deuxième partie (et la fin) du troisième de ces textes, que vous pouvez retrouver ici :

    • Islam et féminisme (1/3), par Annie Laurent

    • Islam et féminisme (2/3), par Annie Laurent

    • Islam et féminisme (3/3), première partie, par Annie Laurent

    Un grand merci et un grand bravo à Annie Laurent, qui nous éclaire aussi parfaitement et aussi régulèrement...

    François Davin, Blogmestre

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    Tout en déniant à la doctrine islamique la moindre responsabilité dans le statut inégalitaire de la femme (cf. PFV n° 91), Zeina El-Tibi, Nayla Tabbara et Asma Lamrabet admettent l’existence de traitements injustes envers elle et la nécessité d’y remédier. Leur combat s’inscrit dans une démarche féministe qu’elles affirment compatible avec l’islam.

    LES CAUSES DU DÉCLIN

    Les trois auteurs attribuent à des causes humaines (coutumes ancestrales, déviations, interprétations erronées, calculs politiques) l’origine de cette situation.

    Z. El-Tibi consacre un chapitre de son ouvrage aux deux principales « causes de la stagnation ».

    1 – Le tâqlid (imitation aveugle) consiste à adopter des coutumes extérieures ou archaïques (p. ex. celles des Mongols, des Perses puis des Turcs ottomans dont le pouvoir s’est imposé à l’espace arabe à partir du XVIème). « Le tâqlid est le choix de la facilité, de la paresse et du refus d’exercer son intelligence […]. Il privilégie la routine, il favorise donc l’obscurantisme ». Or, aujourd’hui, déplore l’auteur, on constate « un retour de ce tâqlid dans de nombreuses communautés musulmanes ».  

    2 – La bid’a (innovation blâmable), émanation du tâqlid, consiste à s’éloigner du Coran et de la Sunna (Tradition mahométane). Elle est le fait « de rajouter à la religion des éléments qui n’existent pas dans les textes fondamentaux », d’innover et de déformer ces derniers. « Et la condition de la femme, plus que toute autre question, a donné lieu à d’innombrables innovations blâmables (…), toutes plus fantaisistes les unes que les autres ». L’auteur y ajoute « la progression des superstitions », « les pesanteurs sociologiques » et « l’engourdissement », accumulés « durant le déclin ottoman et la période coloniale » (La condition de la femme musulmane, Cerf, 2021, p. 124-133).

    Après avoir rappelé les promesses du mouvement réformiste du début du XXème siècle et les progrès accomplis par certains régimes musulmans installés lors des indépendances (ibid., p. 134-162), Z. El-Tibi relate l’apparition récente d’« idéologies extrémistes » (régime des ayatollahs en Iran, Talibans afghans, pakistanais et africains, salafistes arabes, etc.) qui ruinent ces évolutions en prenant la religion en otage, raison pour laquelle elle conteste l’usage du mot « islamisme », à ses yeux réduction de l’islam à un système politique (ibid., p. 163-175).

    Quant à A. Lamrabet, elle regrette, en ce qui concerne le mariage, l’importance accordée par le fiqh (droit jurisprudentiel) à des concepts empruntés aux coutumes patriarcales (obéissance absolue de la femme, tutelle despotique du mari, chosification des femmes) et le verrouillage des « latitudes offertes par le message spirituel de l’islam lors de la codification des sciences du Hadith » (les paroles et les actions de Mahomet) (Islam et femmes. Les questions qui fâchent, Gallimard, 2017, p. 70). Or, souligne-t-elle, « les hadiths ne peuvent en aucun cas abroger le Coran, fait admis par les fondateurs des principales écoles juridiques » (ibid., 108-109).

    LE FÉMINISME ISLAMIQUE

    Afin de remédier à la situation actuelle, l’urgence est « de retrouver l’islam, la force de son message, et de reprendre l’effort d’adaptation auquel il convie », assure Z. El-Tibi (op. cit., p. 200). Pour elle, la solution consiste à renouer avec la pratique de l’ijtihad, méthode consistant en un « effort d’interprétation » fondé sur le libre-arbitre. Selon la tradition de l’islam, elle fut pratiquée par Mahomet lui-même, puis par les quatre premiers califes, appelés « les bien guidés », et par les juristes des quatre écoles qui ont posé les règles générales du droit musulman ; elle est donc « dans les gènes de l’islam » et « synonyme de son dynamisme » (ibid., p. 202).

    L’auteur estime que ce rôle incombe au « pouvoir politique en symbiose avec les oulémas (savants) des grands centres de la pensée islamique », en particulier El-Azhar en Égypte (ibid., p. 208). Mais elle ne souligne pas les limites de cette institution, considérée à tort comme dotée de prérogatives magistérielles et ouverte à la modernité (cf. PFV n° 80 : El-Azhar, « phare de l’islam sunnite » ; PFV n° 81 : El-Azhar, entre politique et religion). Et surtout, elle omet de préciser que la « porte de l’ijtihad » a été fermée au XIème siècle par le calife El-Qadir (992-1031) car contraire au dogme du Coran « incréé » proclamé par l’un de ses prédécesseurs, Moutawakkil (847-861). Cf. A. Laurent, L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), Artège, 2007, p. 24 ; Dominique et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l’islam, PUF, 1996, p. 682.

    Z. El-Tibi s’oppose en outre aux « nouveaux penseurs » musulmans contemporains, tels que Rachid Benzine et Abdelwahhab Meddeb, coupables à ses yeux de vouloir « déconstruire » l’islam pour en créer un nouveau.  « Il est remarquable qu’on ne trouve pratiquement aucune analyse solide et convaincante de la part de ces écrivains qui prétendent soigner l’islam de ses “maladies” sans avoir su porter le bon diagnostic ni recourir aux bons remèdes ». Pour elle, cette démarche est contraire à celle des « réformistes » (ibid., p. 201).  

    Le mouvement réformiste, apparu au Proche-Orient au tournant des XIXème et XXème siècles, est à ses yeux une référence puisque son projet consistait à « repenser l’islam », non en le réformant ou le déconstruisant mais en le débarrassant « des gangues accumulées pendant des siècles de décadence ». Elle relève les écrits de certains de ses membres favorables à l’amélioration de la condition de la femme, surtout en matière d’éducation (ibid., p. 134-147).

    Il convient cependant de souligner l’ambiguïté du réformisme : certains de ses militants, surtout des hommes, se sont largement inspirés de « l’imitation des pieux ancêtres », contribuant ainsi à l’émergence des idées salafistes qui combattent toute modernisation du statut de la femme (cf. PFV n° 65 Un réformisme ambigu).

    N. Tabbara, elle aussi favorable à l’ijtihad, approuve l’exégèse « holistique » adoptée par des féministes musulmanes pour justifier la réinterprétation des versets problématiques relatifs aux rapports hommes-femmes. Il s’agit de placer telle ou telle prescription dans une perspective générale, la croyance en un Dieu juste, pour éviter la sacralisation des textes dits « seconds », c’est-à-dire « des interprétations faites par des hommes au Moyen Âge mais ayant été sacralisées avec le temps ». Elle s’appuie sur la remarque de l’une de ces féministes selon laquelle « Dieu a créé l’époux – et non pas l’épouse – à partir d’une seule âme ». « Grammaticalement, le féminin précède ainsi le masculin », en conclut N. Tabbara (L’islam pensé par une femme, Bayard, 2018, p. 102-125).

    Quant à A. Lamrabet, présidente du Groupe international d’étude et de réflexion sur la femme en islam, dont le siège est au Maroc, son pays natal, qualifiée de « référence du féminisme islamique », elle soutient les revendications des femmes qui veulent être reconnues comme juristes pour interpréter le Coran, la tradition et la charia, mais aussi pour exercer des fonctions religieuses : imams, voire muftis (La Croix, 2 août 2013).

    C’est cependant en 1990, dans la foulée de la révolution iranienne, que le féminisme islamique contemporain s’est structuré. Présent sur tous les continents, le mouvement organise des congrès internationaux. Réunies à Barcelone (Espagne) en 2006, 400 militantes ont émis cette revendication : « s’approprier le Coran et imposer une lecture non sexiste des textes » (Le Monde, 8 novembre 2006). Dans un autre congrès, Abdelnour Prado, président du Conseil islamique catalan, a justifié cette démarche : « Nous voulons valider le “féminisme islamique” comme un discours émergent et le renforcer dans les pays musulmans et dans les minorités musulmanes des pays occidentaux » (La Croix, 26 octobre 2010).

    UNE IMPOSTURE INTELLECTUELLE

    Sous ce titre, Razika Adnani, philosophe franco-algérienne, tout en militant pour la réforme de l’islam (cf. son livre Pour ne pas céder, éd. Publisher, 2021), montre l’erreur qui consiste à vouloir inscrire le combat pour l’émancipation féminine « à l’intérieur du cadre religieux musulman », les incohérences et l’inefficacité qu’implique cette conception et l’inefficacité qui en résultent inexorablement.

    « Le féminisme islamique prend l’islam comme source de légitimité de son combat et pour cadre délimitant son champ et une femme musulmane ne peut, dans ce cas, revendiquer un droit que s’il est validé par l’islam ». Il en résulte que « pour les féministes islamiques, les discriminations dont sont victimes les femmes dans les sociétés musulmanes ne sont pas dues à l’islam, mais au contraire à une sortie de ses enseignements et du chemin tracé par le prophète. Quant à la cause, elles l’attribuent à l’interprétation masculine erronée des textes coraniques […]. Les féministes islamiques font certes de la rhétorique mais n’arrivent pas à prouver que les inégalités existant dans les textes coraniques ne sont pas des inégalités ». Et « pourquoi une interprétation féminine serait-elle plus valable et plus juste qu’une interprétation masculine ? ».

    Tout en soulignant le problème « d’honnêteté morale et intellectuelle » que soulève une telle conception, la philosophe en déduit cette évidence : « Il est pourtant plus efficace de reconnaître les inégalités qui existent dans les textes et de les déclarer caduques tout comme cela a été fait pour d’autres recommandations du Coran ». Elle fait ainsi allusion à la possibilité, reconnue par le Coran (2, 106 ; 13, 39), d’abroger certaines de ses dispositions relatives à diverses modalités de la vie, dont les relations hommes-femmes (A. Laurent, L’islam…op. cit., p. 35). 

    En outre, poursuit R. Adnani, en inscrivant leur combat dans le cadre islamique, ces militantes veulent « démontrer que leur féminisme n’est pas importé de l’Occident ». C’est pourquoi « elles ont besoin de prouver qu’elles sont musulmanes et surtout qu’elles ne revendiquent pas les mêmes droits que ceux que les femmes revendiquent en Occident », ce qui est exprimé par le port du voile de certaines d’entre elles. Mais, ce faisant, « elles se contredisent avec elles-mêmes car le voile est une pratique discriminatoire à l’égard de la femme » (Marianne, 8 juin 2021).

    DANGER D’OCCIDENTALISATION

    Il faut rappeler qu’à ses débuts, il y a un siècle, le combat des musulmanes avides de liberté et de dignité n’était pas teinté d’idéologie revancharde : elles ne reniaient pas leur féminité et n’aspiraient pas à être « comme » des hommes. Ce qui comptait pour elles c’était d’abord d’en finir avec le mépris enseigné par les textes sacrés de l’islam. Peu à peu cependant, le féminisme à l’occidentale, avec ses outrances, s’est frayé un chemin dans les sociétés musulmanes, comme l’ont montré les Femen défilant les seins nus dans les rues de Tunis en 2013, avec le soutien de féministes européennes.

    Cette évolution a suscité la réaction des militants islamistes, tel l’Égyptien Youssef El-Qaradawi, fondateur à Dublin du Conseil européen de la Fatoua et de la Recherche : « Quand l’homme se féminise et que la femme se virilise, c’est le signe du chaos et de la dégradation des mœurs » (Le licite et l’illicite en islam, éd. Alqalam, Paris, 1992).

    La méfiance envers le féminisme s’exprime aussi chez certaines musulmanes, comme le montre l’enquête effectuée dans la péninsule Arabique par Arnaud Lacheret, docteur en sciences politiques. Bien qu’engagées dans la vie professionnelle et ouvertes à des réformes, les femmes interrogées disent ignorer le concept de féminisme ou ne pas en comprendre le sens, une partie d’entre elles allant jusqu’à l’identifier à une tentative d’occidentaliser leur culture ou de donner des leçons à l’islam. Cf. La femme est l’avenir du Golfe, éd. Le bord de l’eau, 2020, p. 150-152.

    Riffat Hassan, Pakistanaise, professeur à l’Université de Louisville (États-Unis), auteur de plusieurs livres sur la défense des droits des femmes, constate également, dans une conférence donnée en 2007, cette méfi

  • POUR CHARLES MAURRAS, IN MEMORIAM Par Yves Morel 

    POUR CHARLES MAURRAS, IN MEMORIAM

     

    Il y a 70 ans de cela, le 16 novembre 1952, Charles Maurras s’éteignait à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours, dans le département d’Indre-et-Loire, âgé de 84 ans.

    Une grâce arrachée de haute lutte, tardive et conditionnelle

    Il avait été admis dans cet établissement hospitalier à la suite d’une grâce médicale que le président de la République, Vincent Auriol, lui avait enfin accordée le 21 mars de la même année. Enfin accordée, oui, car, depuis cinq ans, de nombreux intellectuels éminents avaient fait le siège de l’Élysée, individuellement ou à plusieurs, pour tenter d’obtenir une telle grâce. Le chef de l’État, socialiste de toujours, ministre de Léon Blum (éreinté à coups d’articles par le maître de L’Action française), « résistant » (de Londres), s’était jusqu ‘alors montré inflexible : Maurras devait expier sa « trahison » et mourir en prison. Il fallut que l’état de santé du condamné se dégradât au point d’exiger son transfert à l’Hôtel-Dieu de Troyes (tout près de la prison de Clairvaux, où il était détenu) pour que Vincent Auriol consentît enfin à lui accorder sa grâce. Encore s’agît-il d’une grâce médicale, et non plénière. Maurras ne recouvrait pas la liberté ; il se voyait placé en résidence surveillée à la clinique de Saint-Symphorien-lès-Tours pour y être soigné, et ne pouvait pas en sortir ; son état l’en aurait empêché de toute façon. Il mourut d’ailleurs dix mois après son transfert.

    Charles Maurras avait été condamné à la réclusion perpétuelle pour intelligence avec l’ennemi par la cour de justice (défense de rire) de Lyon le 27 janvier 1945. Il est dit généralement que le maître de l’Action française fut condamné pour « intelligence avec l’ennemi ». Lorsqu’on songe à la foncière, implacable et définitive germanophobie de Maurras, un tel chef d’accusation donne à sourire, voire, carrément, à rire, et aux éclats.

    Plus exactement, l’auteur de l’Enquête sur la monarchie fut inculpé au titre de deux articles du Code pénal : l’article 75 alinéa 5, et l’article 76 alinéa 3. Le premier vise les personnes (ou les groupes) susceptibles d’avoir, en temps de guerre, entretenu avec une puissance étrangère, des « intelligences » en vue de favoriser les entreprises de celle-ci contre la France. Or, répétons-le, Maurras se montra, toute sa vie durant, un ennemi absolu de l’Allemagne, et n’entretint jamais quelque commerce intellectuel ou politique avec ses écrivains et/ou ses dirigeants, quels qu’ils fussent ; et, il observa la même attitude sous l’Occupation (à la différence d’un Sartre ou d’un Malraux), même s’il dut alors, pour ne pas s’exposer à la répression de l’Occupant, éviter d’exprimer ouvertement sa haine du Reich. Rappelons, en outre, que Maurras et son équipe choisirent, après la conclusion de l’armistice de juin  1940, de se replier à Lyon, donc en zone libre, pour éviter de se trouver sous la férule des Allemands, et qu’en août de la même année, ces derniers saccagèrent les locaux parisiens de L’Action française. Rappelons également que Maurice Pujo, en 1944, fut arrêté par la Gestapo et passa plusieurs semaines en prison.

    L’article 76, alinéa 3, lui, vise les personnes (ou les groupes) accusé(e)s d’avoir participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale. Là encore, l’accusation se révèle plus que discutable : on ne trouve rien, dans les articles, les déclarations verbales et les démarches de Maurras qui soit de nature à démoraliser l’armée ou la population et nuise à l’effort de guerre et à la défense de la France en 1940. Mais les faits ne prouvant rien,  les accusateurs les interprètent. Ainsi, ils présentent, de manière partisane, les articles de Maurras parus au moment de la défaite de 1940 comme des actes de démoralisation et de trahison au motif que leur auteur ne manifeste aucune compassion évidente pour sa patrie vaincue et insiste sur la fatalité du désastre, conséquence naturelle d’un régime républicain gangrené par son incurie foncière. D’autres, comme l’historien américain Eugen Weber cherchent à pallier l’impuissance de la Justice et du Droit à établir la culpabilité juridique de Maurras en chargeant celui-ci d’une culpabilité morale supérieure à cette dernière.

    « Objectivement, sinon intentionnellement, Maurras avait trahi son pays, il avait travaillé du côté de ce qui devait devenir celui de l’ennemi ; il était coupable dans un sens plus élevé que celui de la Loi », écrit notre historien. Belle conception de la justice et de la morale que celle qui les subordonne à un parti pris politique ! À l’évidence, le procès de Maurras est un exemple éclatant d’iniquité, et cela, de nos jours, ne fait pas de doute.

    Les enseignements fondamentaux et pérennes de Charles Maurras

    Cela étant rappelé, il convient  de résumer ce que nous pouvons retenir de la pensée et de l’œuvre de l’illustre martégal. On pourrait dire que la raison essentielle de l’acharnement dont a été victime Maurras, jusqu’à nos jours, est que, plus qu’aucun autre « pestiféré », il est inassimilable par le système__  entendons par là la République et son substrat idéologique et pseudo-éthique, à savoir son aspiration  à une démocratie universelle égalitaire et indifférenciée sous toutes les latitudes, annihilant toutes les identités nationales, née dans les loges et les société de pensée du XVIIIe siècle, et annoncée par notre grande Révolution. A la différence de Barrès, Rochefort, Déroulède, ou même Drumont, pour ne citer que quelques noms, Maurras n’a jamais reconnu la moindre légitimité ni la moindre grandeur à la France contemporaine, issue des « Lumières » et de la Révolution. Il n’a jamais célébré l’héroïsme des soldats de l’An II, entonné le péan en l’honneur de Napoléon, admiré l’essor économique de la grande industrie et de la haute banque sous le Second Empire, loué l’œuvre coloniale de la IIIe République, et n’a jamais succombé à l’envoûtement romantique, baudelairien ou symboliste, à l’ivresse germanique, au culte débridé, déliquescent et mortifère du moi, n’a jamais dit que Zola, Proust, Romain Rolland, Gide, étaient des romanciers de génie nonobstant leur orientation morale et politique. Maurras, c’est l’opposition sans concession à la France contemporaine, sa négation, sa condamnation ; voilà ce qui explique le formidable retour de bâton que celle-ci lui inflige.

    Maurras, c’est le refus de l’abdication de la raison, devant le Sturm un Drang, le cyclone, le maëlstrom, le chaos des sentiments, des passions, des états d’âme, des pulsions préconscientes et inconscientes, des folies de l’âme individuelle ou collective, au motif que toutes ces réalités existent, et que formant le fond de la nature humaine, il convient de leur accorder la prééminence, dans la vie individuelle, la société, les institutions, l’art, la littérature, ou, à tout le moins, de leur accorder une place de choix.

    Le courage puisé dans la raison

    On le sait, Maurras connut les tourments d’une âme blessée, les déchirements et les revendications du moi, la déréliction, la révolte, la tentation nihiliste ou suicidaire, les tendances égocentriques, égoïstes et égotistes, les séductions libertaires, anarchistes, non-conformistes, décadentes et avant-gardistes. Et sa condition physique et psychologique personnelle ne pouvait que l’inciter à y donner libre cours. Il n’en fit rien. Jamais il ne cessa de penser que si les émotions, les sentiments, les pulsions sont l’humus de la création, seule le sens rationnel et supérieur de l’ordre et de l’harmonie opérée par la raison, peut produire de la beauté et élever ainsi l’âme de l’artiste lui-même et de son public, et que l’œuvre d’art, l’œuvre littéraire, s’avilit et avilit celui qui la contemple ou la lit lorsqu’elle est seulement l’expression crue d’un moi chaotique, laid et torturé. Sans doute eût-il pu penser, comme Musset, que « rien ne nous rend grand comme une grande douleur », mais, de là, il ne conclut jamais que l’œuvre d’art dût être le cri strident d’une âme tourmentée.

    Et il eut le même type d’exigence en politique. Constatant, étudiant, analysant, critiquant la décadence de la France contemporaine, il refusa toujours de s’y résigner comme à une fatalité, et, plus encore, de s’y complaire, de la célébrer, de s’en délecter avec cynisme ou masochisme. Et il ne cessa de vouloir la conjurer.

    La première condition, pour cela, fondamentale, était le courage, la force de ne pas céder au pessimisme. « Le désespoir, en politique, est une sottise absolue », écrit-il, dès 1905, dans L’Avenir de l’Intelligence. Et la raison, là encore, est l’attribut le plus précieux de l’homme, celui qui lui permet d’élever une digue salvatrice contre la crue mortelle de l’affectivité, de penser, d’analyser, de comprendre les causes du marasme, et de les abolir, et, par suite, de construire (ou de reconstruire) un ordre politique et social sain et bienfaisant pour l’individu comme pour la communauté.

    La vérité de la Monarchie et le mensonge de la République

    Tout ordre politique et social sain est une construction rationnelle, point sur lequel Maurras s’accorde avec Comte. Mais, à la différence de Comte, il ne récuse pas la notion de cause, et juge même indispensable de découvrir les causes de la situation présente pour édifier un ordre durable. Il prend donc appui sur l’histoire, dont, contrairement à Sieyès, il estime les leçons utiles. Si l’ordre politique est une construction de l’esprit, la communauté qu’il régit ne l’est pas et procède d’une évolution multiséculaire opérée par la mémoire collective, le sentiment  d’un destin commun et la succession des nombreux événements et états qui l’ont marquée. Une nation est une réalité historique qui excède la raison, même si cette dernière est indispensable à l’édification (ou au maintien) de l’ordre politique, de la société. Et tout l’art de la politique consiste à ordonner cette réalité historique afin de faire d’elle une totalité harmonieuse, grâce à l’œuvre civilisatrice de la raison. C’est ce qu’avaient compris nos rois, qui, au fil des siècles avaient graduellement rassemblé le royaume de France et l’avaient gouverné avec fermeté sans le mutiler ou l’étioler en l’étouffant sous une administration centralisatrice, et en laissant vivre les communautés naturelles et historiques, et les corps de métiers, issus du très haut Moyen Age. Ces rois avaient judicieusement, et comme par instinct, autant que par raison, combiné l’autorité de l’Etat pour les questions engageant le destin de la nation, et les libertés fondamentales naturelles pour la vie de leurs sujets, évoluant dans leurs communautés d’appartenance. Et ainsi, la France, riche de ses différences, mais unie pour un destin commun, avançait sans que sa diversité devînt une source de contradictions paralysantes, au contraire.

    Voilà pourquoi Maurras opta de bonne heure pour la restauration de la monarchie. Et voilà pourquoi il devînt l’adversaire irréconciliable de la République. Cette dernière laissa les individus isolés et désarmés face à un Etat jacobin centralisateur, animé par une idéologie égalitaire et matérialiste, et osa se présenter – par, notamment, le vecteur de son école ferryste et de son Université rationaliste et libre-penseuse – comme la continuatrice de l’œuvre d’une monarchie dont le rôle historique aurait consisté, à l’en croire, à préparer – certes inconsciemment – son propre avènement.

    Maurras refusa constamment  cette fallacieuse reconstruction téléologique de notre passé, imposée depuis la fin du XIXe siècle par nos institutions d’enseignement, nos élites et nos médias. A ses yeux, il n’existe, il ne peut exister, de bonne République, dans la mesure même où ce régime est, in essentia, destructeur de tout ce constitue l’être même d’une nation : la foi, le sentiment de son identité, la culture, la famille, l’ancrage dans son contexte géographique, son ère de civilisation, sa langue, ses communautés organiques naturelles. En conséquence, il n’a cessé de combattre pour la restauration d’une monarchie héréditaire et décentralisée forte, vouée à ses tâches régaliennes desquelles dépendent la vie et la prospérité de la nation (administration de l’intérieur, économie générale et finances publiques, diplomatie, défense), cependant que les administrations de proximité et  le social incomberaient, les premières à des institutions régionales, le second à des organismes partenariaux  et professionnels forts, certes encadrés et contrôlés par le législateur, mais autonomes. Au lieu que la République nous condamne in aeternum à dépendre d’un Etat aussi impuissant qu’omnipotent, omniprésent, et constamment sollicité et contesté.

    Il convient de souligner sans relâche l’actualité brûlante de la pensée du maître de l’Action française,  de défendre sa pensée contre toutes les mésinterprétations qu’en ont donné non seulement des adversaires ou des « spécialistes », mais également nombre d’intellectuels de  droite qui prétendent faire l’inventaire de l’œuvre de Maurras – critiquant, notamment ses prétendues tendances antichrétiennes, païennes et nietzschéennes – et procéder à un aggiornamento du mouvement monarchiste.

    (Article paru dans Politique magazine)

  • Vers l’explosion de l’économie française : douze preuves que Macron a tout faux ! par Marc Rousset

     

     

    Les 700 milliards d’euros minimum que les pays de l’UE, dont la France, vont mettre sur la table pour faire face à la crise énergétique en 2023

    La somme minimale en 2023, au-delà d’autres dépenses probables à venir, serait de 264,2 milliards d’euros pour l’Allemagne et 71,6 milliards d’euros pour la France. Fin octobre 2022, les gouvernements des pays de l’UE ont déjà dépensé 576 milliards d’euros pour la protection des ménages et des entreprises.

    En Allemagne, l’énergéticien ancien importateur de gaz russe Uniper a déjà perdu 40 milliards d’euros sur les neuf premiers mois de l’année 2022, ce qui constitue le record historique des pertes d’entreprise détenu jusqu’à présent par Deutsche Telekom en 2002 (25 milliards d’euros)

    MARC ROUSSET.jpgLes stocks de gaz de la France et de l’Europe vont s’effondrer pour l’hiver prochain 2022-2023, selon l’AIE

    L’hiver 2023-2024, selon l’agence internationale de l’énergie, s’annonce encore plus dangereux que l’hiver 2022-2023. L’UE sera confrontée à un déficit de 30 milliards de m3 à l’été 2023 car cette année l’UE a pu encore bénéficier, début 2022, de 60 milliards de m3 de gaz russe. L’UE a pu importer beaucoup de GNL en 2022 en raison de la baisse de la demande chinoise, suite à la politique « zéro covid » ; mais si la Chine retrouve son activité normale, il n’y aura plus assez de gaz GNL pour tout le monde. Pour l’instant, les prévisions de remplissage à l’automne 2023 sont au maximum de 65 %. Les prix du gaz vont remonter à la verticale lors de l’été 2023.

    La crise de l’énergie ne fait que commencer

    L’UE, avec sa folle et prétentieuse politique de sanctions, qui nous reviennent à la figure telles un boomerang, a décidé aussi qu’il n’y aurait plus d’achat de pétrole brut russe dans l’UE après le 5 décembre 2022. Mais elle souhaiterait que le pétrole russe soit vendu à un prix maximum sur d’autres marchés, avec des armateurs européens (souvent grecs), pour éviter que les prix s’envolent ! De la folie technocratique pure et simple à la Macron ! Il faut pour tous ces imbéciles à Bruxelles que le pétrole russe coule vers des marchés non européens, mais à un prix très bas non inflationniste pour ne pas alimenter les caisses du Kremlin !

    Bien évidemment Poutine n’est pas d’accord et il va trouver des « tankers » dans le monde entier pour vendre son pétrole hors Europe où il veut et au prix maximum souhaité. Il peut aussi décider de fermer partiellement le robinet du pétrole d’un million de barils en accordant que de très faibles rabais sur les marchés non européens ! Bref, une autre bombe du prix du pétrole va exploser en 2023 à la face des Occidentaux, suite à une politique stupide et suicidaire !

    Et cerise sur le gâteau, l’UE a aussi décidé d’une façon aussi folle et irréfléchie de ne plus acheter de produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023 ! Il est possible que ce jour-là des Français frigorifiés, déjà excédés par le scandale de l’invasion migratoire, de la violence et de l’insécurité croissante dans nos villes et banlieues, descendent dans la rue pour prendre l’Élysée d’assaut ! L’impact inflationniste, tout comme la pénurie de gazole et d’essence, risquent d’être immédiats avec en plus, pour tous les Français, comme horizon indépassable pour l’été 2023, la pénurie de gaz décrite ci-dessus au paragraphe 2.

    L’UE et Macron sont donc dans l’œil du cyclone de la crise énergétique qui ne fait que commencer.  Une motion de censure votée par LR, le RN et la Nupes peut même conduire à la chute du gouvernement Borne, voire de Macron !

    L’épée de Damoclès sur la France de l’éclatement de la zone euro avec l’hyper-inflation et dévaluations en chaîne
    Certains parlent de Gerxit (Allemagne), d’Italexit, de Grexit. L’Allemagne et la France ne sont plus au diapason et l’Allemagne est tombée pour la première fois dans une crise sans précédent. Ce qui menace le plus, c’est l’Italexit, mais la France suivra dans la tourmente. Giorgia Meloni, afin d’aider les ménages et les entreprises face à la flambée des prix de l’énergie, vient de porter le déficit du pays à 4,5 % du PIB (au lieu de 3,4 % avec Mario Draghi) avec un endettement supérieur à 150 % du PIB.

    La crise industrielle s’accentue dans la zone euro et dans le peu d’industrie qui reste en France

    La baisse d’activité de plus en plus importante dans le secteur manufacturier de la zone euro indique en fait le début d’une récession. Les fédérations patronales en France alertent contre le risque d’un tsunami de faillites et d’un effondrement systémique de l’industrie ; elles réclament un plafonnement des prix de l’énergie.

    ArcelorMittal a annoncé l’arrêt temporaire d’un de ses deux hauts-fourneaux à Fos-sur-Mer. ÀDunkerque, le plus important site du groupe en Europe, un des trois hauts-fourneaux est aussi à l’arrêt. La liste des industriels étranglés par les prix stratosphériques de l’énergie s’allonge semaine après semaine. Le verrier Duralex a arrêté sa production pour 5 mois minimum au 1er novembre, car le prix de l’énergie qui représente habituellement 5 % à 7 % du chiffre d’affaires est aujourd’hui de l’ordre de 40 %, ce qui n’est plus tenable.

    Aluminium Dunkerque, dont la production est très énergivore, a réduit sa production de 22 %. Quant au groupe allemand BASF, il a même prévenu que des prix du gaz et de l’électricité aussi élevés le poussaient à réduire sur le long terme ses implantations industrielles en Europe. Sur le marché français, les prix du gaz ont été multipliés par cinq depuis le début de la crise, atteignant 118 euros le mégawattheure en 2023 ; ceux de l’électricité ont été multipliés par dix, soit 481 euros le mégawattheure.

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    Macron n’a toujours pas compris que Washington veut la mort économique du concurrent Europe et que seule une alliance avec la Russie peut nous sauver

    L’Amérique veut non seulement établir un protectorat militaire, mais aussi favoriser la mort de nos industries technologiques et de défense, créer une dépendance énergétique envers les États-Unis, bref la mort du « peer competitor ». Seule l’alliance avec la Russie et le protectionnisme européen peuvent nous permettre de trouver une place dans le monde.
    Alors qu’une entreprise spécialisée dans le véhicule électrique veut investir et créer 5 000 emplois en France avec une subvention d’un milliard d’euros, les États-Unis sont prêts par exemple à donner 4 fois cette somme et à financer l’intégralité de l’investissement,

    L’immobilier pourrait bien finir aussi par craquer

    Macron taxe l’immobilier tous azimuts directement ou indirectement (impôt foncier des mairies suite à la suppression de la taxe d’habitation), impose des normes énergétiques excessives, trop chères, stupides ; il veut faire de l’immobilier une vache à lait car il n’en dispose pas à titre personnel.
    Les taux d’intérêt étant toujours en hausse, l’indice 100 de l’immobilier en 2000 qui est aujourd’hui à 320 aux États-Unis pourrait bien s’écrouler puisque le retournement de la courbe a déjà commencé. La France pourrait suivre d’autant plus qu’en raison du taux d’usure décalé, on assiste à un blocage des financements pour les acquéreurs.

    Les bobards du réchauffement climatique par l’homme : coût pour la France, plus de 10 milliards d’euros par an

    Le changement climatique existe depuis le début de la création de la planète Terre, il y a 4 milliards d’années. Il y a 10 000 ans, les glaciers du Pôle Nord s’étendaient jusqu’à l’Allemagne ! Le réchauffement a été une chance pour les Européens et une catastrophe pour le Sahara qui était verdoyant ! Le Spitzberg, île norvégienne, a connu un climat tropical plus chaud que celui de l’Afrique de nos jours ! Sous Louis XIV, la Seine et la Tamise gelaient en hiver !
    Le réchauffement ou refroidissement climatique est donc cyclique (soleil, lune, volcans, oscillations océaniques, cycles astronomiques de Miilankovic) au fil des siècles, des millénaires et des millions d’années ; il n’a que faire des agitations humaines sur la planète. Les Français doivent mettre fin aux mensonges de la nouvelle religion des bien-pensants, des écologistes, des médias et des Khmers verts !

    La folie des voitures électriques pour les beaux yeux des Chinois !

    Les technocrates idéologues Macron, von der Leyen et Cie veulent imposer les voitures électriques qui coûtent au minimum 10 000 euros de plus que les voitures thermiques. Ces véhicules sont peu autonomes et terriblement polluants en raison de la fabrication des batteries (extraction par des enfants dans des conditions abominables au Congo ou déplorables écologiquement en Amérique latine, Chine, lors de l’extraction de métaux rares tels que le cobalt, lithium, nickel dont les prix vont de plus s’envoler). Les batteries sont impossibles à recycler, sans oublier l’équipement insuffisant en bornes de rechargement (300 000 théoriquement pour la France en 2025). Il va falloir également produire des milliers de mégawatts nucléaires pour faire le plein des voitures électriques, alors que Macron et Cie depuis 20 ans, avec les écolos gauchistes, a tout fait pour casser les reins du nucléaire (Fessenheim aurait pu produire pendant encore 20 ans, l’ASN ayant donné son approbation).

    Économiser chaque année au moins 200 milliards d’euros du gaspillage actuel de 400 milliards d’euros d’argent public

    On peut estimer que la France gaspille chaque année allègrement d’une façon scandaleuse environ 400 milliards d’euros de la façon suivante : 83 milliards d’euros pour l’invasion migratoire souhaitée par Macron en vue de la disparition programmée des Français de souche européenne, 84 milliards d’euros pour le coût de la suradministration par rapport à la moyenne de l’OCDE (2 millions de fonctionnaires en trop), 50 milliards d’euros pour les retraites par rapport à un départ à 65 ans et en supprimant les régimes spéciaux, soit pour ces 3 premiers postes prioritaires, plus de 200 milliards d’euros d’économies potentielles .

    Viennent ensuite s’ajouter 200 milliards d’euros d’économies supplémentaires explicitées dans mon ouvrage : « Comment sauver la France/ Pour une Europe des nations avec la Russie » : la fraude sociale  d’environ 44 milliards d’euros pour les cotisations et les prestations, les subventions aux associations (42 milliards d’euros), le coût des subventions à la SNCF (17 milliards d’euros), les aides aux médias bien-pensants (5,6 milliards d’euros), les subventions aux syndicats idéologues et irresponsables (4 milliards d’euros), etc., ce qui représente en tout avec les dépenses mentionnées au paragraphe ci-dessus un total gaspillé tous les ans de 400 milliards d’euros.

    Si nous avions un bon gestionnaire patriote au lieu de Macron comme Président, il pourrait prétendre pendant un quinquennat redresser la France en économisant la moitié de ces 400 milliards d’euros d’argent public gaspillé, soit 200 milliards d’euros, c’est-à-dire 13,3 % de la totalité des dépenses publiques qui s’élèvent à environ 1500 milliards d’euros (dépenses sociales en plus du budget régalien de 300 milliards d’euros). Si la France, au lieu d’être gérée par des incapables avait été bien administrée avec ces 200 milliards d’euros d’économies tous les ans, comme sous de Gaulle et Pompidou, elle n’aurait que quelques immigrés extra-européens parfaitement intégrés sur son sol, pas de banlieues de non-droit, pas de dettes, des familles nombreuses européennes, moins d’impôts et de charges sociales, serait aussi riche et industrialisée que l’Allemagne car ayant pu investir dans des activités d’avenir, pas endettée, la nation la plus puissante d’Europe avec un budget militaire annuel de 3 % minimum du PIB !

    Un endettement public démentiel de 7 000 milliards d’euros, soit 100 000 euros par Français

    La dette publique française va bientôt atteindre avec la crise énergétique causée par l’imprévoyance nucléaire et la politique suicidaire des sanctions envers la Russie les 3 000 milliards d’euros (soit 40 000 euros par Français), mais si l’on ajoute les engagements hors bilan (retraites des fonctionnaires, garanties données par l’État français, etc.), la dette publique française s’élève effectivement à 7 000 milliards d’euros (soit 100 000 euros par Français).
    L’Agence de notation Fitch vient de confirmer la perspective « négative » de la note AA de la France et d’alerter sur la dette souveraine.

    Signes croissants de tensions sur les marchés et dans le système financier

    Selon Jamie Dimon, le président américain de JP Morgan, les craintes que les marchés soient proches de la rupture s’intensifient. Quant à Nouriel Roubini, « le Docteur réaliste » qui avait anticipé la crise de 2008, il prédit une crise de stagflation « pire » que celle des années 1970.

    Conclusion : Alors que le très courageux et très sain d’esprit Poutine est en train de restaurer victorieusement la puissance russe historique en Ukraine, nous sommes dirigés en France depuis de Gaulle et Pompidou par des incapables, des idéologues, des lâches, des irréalistes, des inconscients, des fous, des droit-de-l’hommistes, des progressistes qui se sont trompés de direction, des traîtres, dont le plus beau spécimen est Macron, ce technocrate inspecteur des Finances de l’ENA qui rêve seulement d’Europe fédérale et de mondialisme, s’exprime chaque fois que possible en anglo-américain, n’aime pas la France, n’a pas d’enfants. Macron a tout faux sur le plan sociétal, démographique, migratoire, sécuritaire, économique, géopolitique, après avoir tué délibérément la langue française à Bruxelles, où, malgré les traités, tout le monde parle maintenant l’anglo-américain, suite au coup d’État de madame von der Leyen, une Allemande francophone élevée à Bruxelles, nommée par ses soins à la tête de l’UE !

    Marc Rousset

    Auteur de « Comment sauver la France/ Pour une Europe des nations avec la Russie »  

  • Représailles au sabotage des gazoducs par l’Amérique : les câbles sous-marins internet ! par Marc Rousset

     

    Vladimir Poutine, lors de son discours au Kremlin, qui fera date, d’unification à la Fédération de Russie, du vendredi 30 septembre, a accusé l’Amérique d’avoir provoqué l’explosion des gazoducs : « La dictature des États-Unis repose sur la force brute, c’est la loi du plus fort ». Poutine a imputé ce sabotage aux États-Unis qui « font pression » sur les pays européens pour qu’ils coupent complètement leur approvisionnement en gaz russe « afin de s’emparer (eux-mêmes) du marché européen ».

    Et Poutine accusateur encore plus direct et formel contre les États-Unis d’ajouter dans son discours afin d’ouvrir les yeux aux Européens lobotomisés, des traîtres que sont Macron, Scholz, von der Leyen :

    MARC ROUSSET.jpg« Les sanctions ne suffisent pas aux Anglo-Saxons ; ils sont passés au sabotage incroyable, mais vrai : après avoir organisé des explosions sur les gazoducs internationaux Nord Stream, qui longent le fond de la mer Baltique, ils ont commencé à détruire les infrastructures énergétiques paneuropéennes. C’est clair pour tous ceux qui en bénéficient. C’est celui qui en profite qui l’a fait, bien sûr ». Le saboteur, c’est donc bien les États-Unis et personne d’autre ! À qui profite le crime ? Aux seuls États-Unis !

    Le sabotage est énorme et n’a pu être réalisé que par une puissance étatique puisqu’il y a eu deux explosions de 500 kg et 700 kg de TNT (magnitudes 2,1 et 2,3 sur l’échelle de Richter) dans les eaux internationales à l’est de l’île danoise de Bornholm, selon l’institut norvégien de sismologie « Norsar ». Les fuites de gaz sont énormes avec des bouillonnements allant de 200 à 900 mètres de diamètre, jusqu’à ce que les deux gazoducs Nord Stream 1 et 2 se vident complètement en plusieurs jours. Il semble que les deux gazoducs soient inutilisables car l’eau est rentrée dans les gazoducs pour les remplir complètement avec des dommages irréparables.

    L’Allemagne, caniche de l’OTAN, capitule honteusement face à la destruction de sa puissance économique par l’Amérique, reste totalement passive face à la catastrophe que représente pour son industrie la perte de compétitivité en matière d’approvisionnement énergétique, ne dit rien et se jette par lâcheté encore davantage dans les bras et les filets de l’Amérique. Déjà le 7 février 2022, l’incapable Olaf Scholz, un duplicata de Macron, n’avait pas bronché ni fait la moindre remarque lorsque, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, Joe Biden avait dit publiquement, en sa présence puisqu’il était debout derrière le pupitre d’à côté, « que les États-Unis ne se priveraient pas d’arrêter Nord Stream 2, en cas de guerre avec la Russie ». L’Allemagne dirigée par les incapables SPD, style Renaissance en France, ne proteste pas et capitule donc une seconde fois dans son histoire depuis 1945. L’ennemi de la France, de l’Union européenne et de l’Allemagne, ce n’est pas la Russie, mais bel et bien les États-Unis qui nous saoulent de belles paroles utopiques, moralistes, kantiennes, démocratiques, droit-de-l’hommistes, mais sont en fait de vrais gangsters égoïstes ne croyant, comme le philosophe Hervé Gusdorf, qu’au seul rapport de forces (« Tout n’est que force et rapport de forces »). Il est clair, comme le démontre ce sabotage machiavélique, que les États-Unis veulent supprimer tous les liens entre l’Allemagne, l’Europe et la Russie ! « Divide ut regnes ! » disaient les Romains.

    Pourquoi n’y a-t-il aucun doute possible que c’est l’Amérique, notre pseudo-alliée depuis Lafayette, qui a bel et bien fait exploser les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, ce que confirme l’expert genevois Jacques Baud, ancien haut responsable de l’OTAN ? D’une façon non exhaustive, les principales raisons nous semblent être les suivantes :
    – Les gazoducs appartiennent à la Russie. Si Poutine voulait supprimer le gaz aux Allemands, il lui suffisait de fermer le robinet. Pourquoi donc se serait-il embarrassé à faire exploser ses propres gazoducs, d’autant plus que c’était une opportunité pour lui de les rouvrir, après des négociations avec l’Allemagne, ce qui n’est plus possible aujourd’hui !
    – En fait c’est parce que le bon sens, qui manque aux Macron, Scholz et Cie vendus à l’Amérique, commençait à s’emparer des Allemands avec des manifestations de masse dans la rue, en demandant purement et simplement sur leurs pancartes de protestation la réouverture des gazoducs Nord Stream 1 et 2. L’Amérique a alors pris peur que le vent tourne prochainement en Allemagne et a voulu commettre un acte irréversible en détruisant pratiquement les deux gazoducs ;
    – De nombreux hommes politiques allemands commençaient aussi à demander la réouverture des gazoducs Nord Stream, et plus particulièrement les dirigeants de l’AfD, à l’origine de nombreuses déclarations et manifestations de foules ;
    – L’île danoise de Bornholm, où ont eu lieu les explosions, est géographiquement très stratégique car elle est située en plein milieu d’un rétrécissement de la mer Baltique et donc très surveillée par l’OTAN. Il était donc très difficile aux navires russes de passer inaperçus ;
    – Et c’est justement vers cette île de Bornholm qu’ont eu lieu tout récemment des soi-disant exercices de la marine américaine avec de nombreux vols d’hélicoptères de l’US Navy, ce qui a été confirmé officiellement par le magazine spécialisé américain « Sea Power » ;
    – Biden, comme déjà mentionné ci-dessus, a déclaré explicitement devant Scholz, début février, que le gazoduc Nord Stream 2 devait être détruit en cas de guerre avec la Russie ;
    – Biden, l’inconscient « Sleepy Joe », a décidé cette mesure préventive et punitive de sabotage, craignant aussi que cet hiver, les Européens finissent par craquer et recommencent à importer massivement du gaz russe écologique bon marché, en se passant de l’abominable gaz de schiste américain ;
    – L’Amérique, comme le remarque également l’expert genevois Jacques Baud, a déjà saboté et détruit en 1982, pendant la guerre froide, un gazoduc soviétique qui devait passer par l’Ukraine pour alimenter l’Europe ;
    – N’oublions pas que si des gens meurent aujourd’hui en Ukraine, c’est à cause de la seule Amérique qui a empêché Zelensky de négocier, en mars 2022, avec la Russie, contrairement ce qu’il souhaitait spontanément ! L’Amérique va-t-en-guerre a convaincu Zelensky qu’elle allait détruire la Russie avec des sanctions économiques très dures, jamais vues et jamais pratiquées jusqu’à ce jour, tout en lui fournissant des armes modernes, ce qu’elle fait effectivement, tout comme le valet Macron avec les canons Caesar prélevés sur les stocks peu garnis de l’armée française. L’Amérique emploie l’arme des sanctions économiques et « fournit le matériel de guerre tandis que les Ukrainiens fournissent les cadavres », comme l’a très bien explicité le président du Mexique !
    – C’est une trop belle occasion pour l’Amérique de détruire l’industrie lourde européenne et allemande qui disparaîtra par manque de compétitivité (disparition d’un « peer competitor ») ou qui cherchera à délocaliser dans le sud des États-Unis pour survivre, en augmentant le PIB américain et le nombre des chômeurs en Europe !
    – L’Amérique pourra aussi prendre une partie du marché européen avec un gaz de schiste non écologique et deux fois plus cher, nécessitant le transport par des méthaniers polluants sur l’Atlantique et la création d’usines de liquéfaction dans les ports européens, autre source de pollution. Il faudra 700 méthaniers pour traverser l’Atlantique et remplacer les 55 milliards de m3 de gaz qui arrivaient par Nord Stream 1 ! Bravo Madame von der Leyen, déjà vendue à l’Amérique en raison des nombreux contrats de l’UE signés avec Pfizer, afin de faciliter l’embauche de votre mari dans une filiale du Groupe, pour nous conduire tout droit à une Europe désindustrialisée, ruinée, non écologique et asservie à l’Amérique !
    – L’obsession de l’Amérique, comme l’a très bien formulé Brzezinski dans « le Grand Échiquier », c’est de mettre fin à toute idée gaullienne de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, de couper les relations naturelles et complémentaires entre la Russie et l’Europe !

    Biden, par cet acte odieux et stupide vis-à-vis de ses alliés européens, vient de commettre une faute cardinale, susceptible de donner la victoire finale à la Russie ! Trop, c’est trop ! Et les médias politiquement corrects ne pourront pas cacher indéfiniment les vérités énoncées ci-dessus. L’Occident, l’Amérique , l’OTAN et l’UE ont décidé et cru mettre à genoux la Russie, à coups de sanctions économiques astronomiques, d’aide financière démesurée et de matériel militaire à l’Ukraine qui a déjà perdu tout son matériel de guerre d’origine détruit par les Russes, en lui gelant les réserves en euros et dollars de sa banque centrale avec des méthodes de gangsters, pour la déclarer très vite en cessation de paiement, en l’excluant du système de transfert Swift très répandu dans le monde, en n’hésitant pas à assassiner la fille de Douguine, et même, comme nous le vivons actuellement, à faire exploser des gazoducs vitaux !

    C’est cette même Amérique odieuse qui a cru devoir bombarder Hiroshima et Nagasaki avec l’arme nucléaire, qui a détruit Caen et Le Havre en France, qui a, comme le remarque Poutine dans son discours, détruit aussi Dresde, Hambourg, Cologne et de nombreuses autres villes allemandes, sans aucune nécessité militaire, qui a déclenché la guerre du Vietnam avec le prétexte de fausses attaques de navires américains par la marine vietnamienne, qui a déclenché une guerre horrible en Irak avec les soi-disant armes de destruction massive de Saddam Hussein et les petites fioles « bidon » en guise de preuves déposées sur sa table aux Nations unies par le général Powell, qui a fait stupidement bombarder la Libye du colonel Kadhafi par les caniches Sarkozy et Blair, avec la bénédiction d’Obama.
    C’est aussi cette même sainte nitouche Amérique qui, malgré la chute du Mur de Berlin, a déclenché les hostilités envers la Russie avec l’extension sans fin de l’OTAN à l’Est, qui a organisé le coup d’État de Maïdan à Kiev en 2014, afin de renverser le Premier ministre ukrainien pro-russe, démocratiquement élu, avec l’aide des mouvements nazis ukrainiens et des services secrets polonais.

    La grande frousse de l’Amérique, c’est l’Europe de Brest à Vladivostok, l’axe Paris-Berlin-Rome-Moscou, le projet de Confédération européenne présenté par François Mitterrand qui incluait la Russie et excluait l’Amérique, en 1991, comme réponse politique française à la demande par Gorbatchev de la paix, de la coopération pacifique avec la Russie, de la mise en place d’une « Maison commune européenne ».

    Les médias français et occidentaux mentent donc comme des arracheurs de dents en niant l’évidence, que c’est donc bel et bien l’Amérique qui a bombardé les gazoducs Nord Stream 1 et 2 ! Trump, qui sait parfaitement que Biden est l’auteur de la « bourde », est d’ailleurs sorti pour la première fois de de son silence ; il a insisté sur la gravité du sabotage qui peut conduire « à des événements graves à terme, à une escalade majeure et à la guerre ». Son cri du cœur « N’aggravez pas les choses avec l’explosion du gazoduc » est un appel direct à Biden !

    La Russie a donc le droit légitime de rendre la monnaie de la pièce à l’Amérique en s’en prenant aux câbles internet sous-marins stratégiques d’importance vitale pour Wall Street, contrairement à l’économie russe. Les autoroutes de fibre optique reposant au fond des mers sont des artères vitales. On en compte plus de 420 dans le monde, totalisant 1,3 million de kilomètres, soit 32 fois le tour de la Terre, soit 3 fois la distance de la Terre à la lune. N’en déplaise aux satellites, 99,7 % des échanges de données entre les continents passent par des câbles sous-marins constitués de fibres optiques. Ce sont tous les jours 10 000 milliards de dollars de transactions financières qui passent par ces câbles ! Wall Street et les Bourses européennes pourraient s’effondrer du jour au lendemain si ces câbles étaient coupés ! Swift, le fameux réseau de messagerie bancaire pour les virements internationaux, d’un montant de 77 000 milliards de dollars en 2019, dont a été exclu la Russie par les Occidentaux, afin de mieux la détruire, passe par ces câbles sous-marins !

    Ce plus d’un million de kilomètres de câbles internet reliant les continents est très vulnérable ! Les câbles sont enterrés entre 1 et 3 mètres lorsqu’ils sont proches des côtes et simplement posés sur le fond lorsque la profondeur de l’eau augmente, donc très faciles à sectionner si un État dispose du matériel adéquat. Il se trouve que la Russie et les États-Unis entraînent leurs sous-mariniers à poser des mouchards pour espionner ou pour détruire discrètement les câbles ! Leurs armées disposent toutes deux de submersibles spécialement adaptés, des sous-marins nucléaires d’attaque équipés de sas et de sous-marins de poche, pour intervenir en profondeur et en toute discrétion. Au début des années 2000, l’US Navy avait consenti une rallonge de 1 milliard de dollars pour transformer un SNA tout juste entré en service, l’USS Jimmy Carter, en spécialiste des opérations sous-marines spéciales (ce qui a été le cas pour le sabotage de Nord Stream par l’Amérique à Bornholm).

    En 2021, un navire océanographique russe a été repéré au large de l’Irlande ! Il aurait suivi les câbles Celtic Norse et AEConnect-1 qui relient l’île aux États-Unis. À son bord se trouvait un mini sous-marin capable de plonger à 6 000 mètres de profondeur ! L’Europe pourrait donc se retrouver totalement coupée d’internet contrôlée par les géants américains, sans réseaux sociaux et sans moyen de communiquer. La prochaine cible prioritaire pour la Russie, afin de calmer Biden, Macron, Scholz et von der Leyen, dans le contexte actuel, pourrait donc être les câbles de communication sous-marins qui relient l’Europe aux États-Unis, plutôt qu’une bombe tactique nucléaire en Ukraine, comme le réclame le guerrier tchétchène Kadyrov !

    Dans l’un de ses rares jours de sincérité, à la veille de sa mort, l’ordure socialiste, décadente, hypocrite, mais très intelligente François Mitterrand a pu confier à Georges-Marc Benamou, auteur du livre « Le dernier Mitterrand » :     « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ».

    Marc Rousset
    Auteur de « Comment sauver la France/Pour une Europe des nations avec la Russie »

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  • Alignez-vous !, par Régis Debray.

    Source : https://www.marianne.net/

    Dans un texte fleuve d'une grande richesse, Régis Debray, auteur de "Civilisation. Comment nous sommes devenus américains", dresse le portrait de notre société qui, de l'importation des luttes antiracistes en "épidémie de mea-culpa", se métamorphose à la vitesse grand v en "régime d’américanité".

    Tournant en 1943, peu avant de mourir, ses yeux vers l’après-guerre, Simone Weil a dit sa crainte qu’une fois le danger hitlérien écarté, ne survienne « une américanisation de l’Europe qui préparerait sans doute une américanisation du globe terrestre ». Elle ajoutait que dans ce cas « l’humanité perdrait son passé ».

    2.jpgOn peut se demander si ce n’est pas la sujétion du globe à la loi du Capital, via le dollar, la world music et le Web, qui a rendu possible la mutation de l’ethos européen, mais peu importe la cause et l’effet, l’admirable Simone avait vu juste. Il n’y a plus lieu de craindre mais simplement de prendre acte que notre présent est désormais au standard, et notre passé (bien au-delà de quelques statues, mortelles comme nous tous) fort mal en point. Le processus séculaire d’absorption entamé en 1919 (avec l’arrivée à Paris du charleston et la version du Traité de Versailles en anglais exigée par le président Wilson, première entaille à la tradition séculaire du français comme langue officielle de la diplomatie) semble être parvenu non à ses fins, car n’ayant rien d’un complot, il n’en avait probablement pas, mais à sa conclusion historique.

    Marée montante

    La séquence américanisation achevée, nous sommes en mesure de jouir d’une américanité heureuse, devenue force tranquille et seconde nature. La romanisation de l’œkoumène entre le premier et le troisième siècle de notre ère – de la Tamise à l’Euphrate en passant par l’Afrique numide – n’a nullement pâti d’un Caligula ou d’un Héliogabale foldingue au Capitole. L’américanisation du monde occidental se moque d’un éphémère Père Ubu à la Maison-Blanche. L’écume politique est une chose, l’attraction de la lune et du soleil sur les us et coutumes en est une autre. Nous parlons ici non d’une loufoquerie passagère, mais des façons de vivre et de penser, de parler et de rêver, de protester et d’acquiescer. D’une marée montante et non d’une vaguelette au bassin des enfants.

    Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel.

    Un phénomène d’ordre et d’envergure anthropologique n’appelle pas plus de jugement de moralité, louange ou condamnation, qu’un solstice d’été ou d’hiver. Il a suscité, dès ses prodromes, chez quelques « nez » prémonitoires, l’intérêt d’un Valéry pour la fin d’un monde en 1945, ou encore l’étonnement d’un Jean Zay (le ministre du Front populaire assassiné par la milice en 1944) débarquant du Normandie à New York en 1939 et notant dans son Journal : « quand on quittait la vieille Europe aux nerfs malades, rongée de folie fratricide, pour aborder cette Amérique éclatante de jeunesse et de puissance créatrice, toute entière tournée vers l’avenir, on comprenait que l’axe de la civilisation se déplaçait peu à peu, pour finir par passer l’Atlantique avec les prochains clippers. » La translatio imperii et studiorum est un passage obligé du devenir historique, depuis Sumer et Babylone jusqu’à l’Angleterre de la reine Victoria et les États-Unis du président Wilson, la Chine attend son tour.

    formater les autres

    Chaque époque a son caput mundi, sa culture rectrice et directrice, sa civilisation la mieux dotée en capacité d’absorption et d’émission (l’une parce que l’autre), la plus apte, de ce fait, à irradier, informer, formater les autres, soit qu’elles aient vieilli, soit qu’elles peinent à naître. Les captations d’hégémonie, y compris picturale et musicale, épousent les rapports de force monétaires et militaires. Derrière Périclès, il y a l’hoplite, derrière Virgile, le légionnaire, derrière Saint-Thomas, le Chevalier, derrière Kipling, la Royal Navy et derrière Hollywood, la Silicon Valley et Marilyn Monroe, le billet vert et dix porte-avions. Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste. Rien de nouveau dans la ritournelle. Jérémiades inutiles. C’est la loi immémoriale du Devenir. Et nous avons assez d’orgueil, ou de pudeur, pour nous voiler la marque du remorqueur qui nous a pris dans son sillage en parlant de « mondialisation ». Dans le vague, l’honneur est sauf.

    Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste.

    Le succès d’une domination par le centre nerveux de la planète à tel ou tel moment se reconnaît à ceci qu’elle est intériorisée non comme une obligation mais comme une libération par les innervés et les énervés de la périphérie ; quand un nous exogène devient le on de l’indigène, sans marque de fabrique, sorti de nulle part et libre d’emploi. Quand M. Macron écoute La Marseillaise en mettant la main sur le cœur, quand M. Mélenchon met un genou à terre, quand Mme Hidalgo donne le plus bel emplacement parisien aux tulipes en bronze de Jeff Koons ou quand un dealer honore ses juges d’un « Votre honneur », ils n’ont pas tous conscience d’imiter qui que ce soit. Ils veulent être dans le ton.

    Quand le lycée Colbert de Thionville, région Grand-Est, se rebaptise, à l’initiative du président « républicain » de la région, Rosa Parks (ou tel autre, Angela Davis), c’est sans doute pour être smart, pour faire comme tout le monde mais c’est d’abord pour vivre avec son temps, parce qu’un monde est devenu le monde. Se rebaptiser, pour ce lycée, Toussaint Louverture, Pierre Vidal-Naquet (qui mériterait le Panthéon) ou bien Sonthonax, le jacobin qui fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage en 1793 (ou pour un autre, Che Guevara), eut été contre-nature. Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel. Quand les journaux de notre start-up nation cessent de mettre en italiques running, cluster, prime time, ou mille autres scies de notre globish quotidien.

    métamorphose

    Au terme de trois siècles de romanisation, les « Barbares » ont envahi la botte italienne par amour, pour devenir enfin de vrais romains. Le souci des Pères conscrits du Mont Palatin était de freiner ce désir unanime d’assimilation, comme celui de Washington, à présent, d’empêcher les « Barbares » immigrés de devenir Américains, avec un mur au Texas et des rafles ailleurs. Ils ont peut-être tort de regarder seulement vers le Sud, en négligeant leur Occident. Après seulement cinquante ans de séries US à la télé, de Débarquement chaque soir en Normandie et de Young Leaders aux postes de commande, nos traders, nos managers, nos spin-doctors rêvent eux aussi de pouvoir s’installer à Manhattan, tout comme les membres du groupe « Sexion d’assaut » (la France est le pays où le rap, la musique la plus vendue au monde, est le plus écouté), tout comme les fans de Heavy Metal de Clisson, notre Rock City.

    Avec « l’accélération de l’histoire », les délais de la translation d’axe ont raccourci. Il a fallu quatre ou cinq siècles à la Grèce pour devenir romaine (de la mort d’Alexandre à la mort de Philpœmen, « le dernier des Grecs »). Trois siècles pour transformer la romanité en chrétienté. Un siècle à la grand-mère des arts, des armes et des lois pour assimiler les normes et réflexes de l’hyperpuissance, mais comparaison est à demi-raison. Le Grec vaincu a donné pour une très longue durée sa langue aux élites victorieuses. On ne sache pas que les Marc-Aurèle de la Maison Blanche méditent dans la langue de Molière, mais la French theory, les Foucault et Baudrillard, ont trouvé bon accueil dans les universités de pointe du XXe siècle (moyennant de sérieux contresens), tout comme la physique épicurienne et la morale stoïcienne, Zénon de Cittium et Chrysippe sous les portiques romains les plus huppés du IIIe siècle.

    classer les individus d’après leur « race » ?

    Il y a une originalité dans la présente phagocytose. On procédait jusqu’ici, dans tous les cas de figure (y compris, quoi qu’on ait dit du rôle des femmes et des esclaves dans la métamorphose du Romain en chrétien), du fort au faible, des centres vers les marges. La règle du jeu, pour nous, les contemporains, c’eut été qu’Homo œconimicus pour nous convertir à ses vues et ses valeurs, nous délègue ses meilleurs éléments, le haut du panier (disons, pardon pour le prosaïsme, ses Alain Minc, BHL ou Moscovici). Généralement, il y a de la résistance au nouveau, chez les retardataires. Ici, en France, c’est l’enthousiasme qui frappe. Homo academicus, réputé jadis anticonformiste, en rajoute dans le mimétisme avec nos gender et cultural studies, et fait de nos campus des annexes de Harvard ou Stanford.

    Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal.

    La protestation antisystème s’exprime, chez les plus radicaux, dans les termes du système central, où le fin du fin consiste à classer les individus d’après leur « race », leur sexe, leur handicap physique ou leur provenance, une manie jusqu’ici réservée, dans nos provinces reculées, à l’extrême-droite. Maurras a remplacé Jaurès. Montaigne avait raison : l’histoire est une branloire pérenne. Et peu importe aux esprits avancés si la « diversité » peut servir d’alibi au maintien des inégalités économiques, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal. Et peu importe si au jeu des minorités, tournant le dos à l’idée d’une même citoyenneté pour tous, le petit Blanc majoritaire, misogyne, homophobe et raciste, ne tardera pas à se poser en minorité victimisée, et à sortir, pour nous culpabiliser, une Tea Party de sa poche.

    mise aux normes

    « L’Europe, disait Valéry dès 1930, aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine, tant sa politique s’y dirige ». Il ne pouvait prévoir que cette Commission serait en fait, cinquante ans plus tard, installée à Bruxelles, siège du quartier général de l’Otan, pour faire respecter les règles de la concurrence libre et non faussée entre les pays et les individus aussi, les desiderata des lobbies et la privatisation des services publics. Ce que nous, nous n’avions pas prévu, c’est que la mise aux normes s’avère aussi irrésistible dans les marges et chez les opprimés que dans le centre-ville et chez les grands patrons. Que la langue du maître – Black lives matter – devienne, sans traduction, celle de l’esclave, et son drapeau aussi. Aux États-Unis, beaucoup de manifestants, Noirs et Blancs réunis, brandissent le drapeau étoilé parce qu’ils sont fiers de leur pays auquel ils demandent d’être fidèle à ses valeurs proclamées. Ils ont encore en tête et dans leur cœur l’Amérique de Roosevelt, si chère à mon ami Stéphane Hessel auquel elle donnait toujours espoir, mais qui m’eût sans doute fait remarquer, s’il était vivant, qu’au moment où George Floyd était ignoblement asphyxié, un handicapé palestinien sur sa chaise roulante seul dans une rue de Jérusalem, était tué par balle, ce qui n’a ému personne en France. Il s’en serait, lui, ému mais sans illusion, car il est dans l’ordre des choses que ce qui se passe à New York fasse un gros titre à Paris, mais que ce qui se passe à Paris, à peine un entrefilet à New York.

    On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile.

    Il y a une géopolitique à la verticale des événements, des mots et des images ; le haut déverse les siens vers le bas, ceux des contrebas ne remontent pas. On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile. Martin Luther King a mené son combat en tant que Noir et en tant que patriote, indissolublement. Là est la différence entre un centre qui aspire et des pourtours qui s’inspirent. C’est comme si, chez nous, Spartacus se dressait contre son ennemi Cassius, le consul romain, avec les codes, les images et les enseignes de Cassius (qui fera crucifier 6000 révoltés le long de la route). Les voies de la suprématie – en l’occurrence de la Manifest Destiny – sont décidément impénétrables, encore que l’Ambassade US à Paris sait donner des coups de pouce à la divine Providence en allant recruter dans les banlieues, pour des camps d’été décoloniaux et des séminaires de formation à l’antiracisme en métropole, tous frais payés. Le Nord ne perd pas le nord. Il veille à son image et à l’avenir en draguant côté Sud. Le contrôle préventif des éléments possiblement contestataires témoigne d’un remarquable sens stratégique.

    Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page.

    Le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel. Préventif et non répressif. Surveillance en amont des communications et formatage des mentalités (les GAFA). L’imprégnation visuelle, en vidéosphère, est décisive. Aucun médiologue ne peut s’étonner de voir Minneapolis à Paris, et le Bronx dans le quartier des Grésilles, à Dijon. L’Est européen fut jadis kidnappé par l’Empire des Soviets ; l’Ouest européen est médusé par l’empire des images. Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page. Elle le fait sur l’instant, en live, ce qui est irrésistible, et réduit encore plus les frais de transport et de traduction. Là où il a fallu trois décennies pour importer le identity politics (expression forgée en 1977 par des Afro-Américains), encore une dizaine d’années pour déployer à Paris la Gay Pride (inaugurée à New York en 1979), mais seulement un mois pour traduire le #metoo en #balancetonporc, c’est à présent en 24 heures que nous sont fournis le slogan et le geste qui s’imposent. Nos maîtres et magistères locaux sont ainsi pris à revers par les outils de leur maîtrise, le clip, le spot, les flashes et les news en direct. Inversion du jour et de la nuit.

    Les people confisquaient la visibilité sociale à leur profit – à eux le buzz et les caméras –, et voilà que les paumés jusqu’ici invisibles, ont trouvé, en surdoués du visuel, les moyens de la voyance, et l’art de passer au journal de 20 h, avec le show-biz en garant. Les gilets jaunes et les peaux noires, les femmes à la maison et les aides-soignants, les livreurs de pizza et les derniers de cordée, les réfugiés et les sans-papiers avec leur smartphone en poche, retournent l’impolitesse aux premiers de cordée. Vous gouvernez en mode image ? Nous nous soulevons en mode image. Un prêté pour un rendu. Chapeau.

    Épidémie de mea-culpa

    C’est l’intelligence des exclus. Quand une nation a été construite par un État et que l’État démissionne, la nation se disloque. Plus de peuple mais des populations, c’est-à-dire des communautés, c’est-à-dire des clientèles. Les ex-colonisés, victimes de violences policières, sont alors fondés à se mettre sur les rangs, et à réclamer le respect dû autant à leurs épreuves actuelles qu’aux souffrances ancestrales, blessures inscrites au fond de l’âme des descendants d’esclaves. L’Élysée et Matignon vont avoir un agenda chargé, ironiserait un chroniqueur un peu cynique. Déjà requis par le CRIF pour s’asseoir sur la sellette et rendre des comptes aux représentants officiels de la communauté, nos gouvernants doivent désormais prévoir, outre l’assistance déjà obligatoire au Nouvel an chinois et à la rupture du jeûne, le dîner du CRAN (conseil représentatif des associations noires), celui du CFCM (conseil français du culte musulman), celui du CCOAF (conseil de coordination des organisations arméniennes de France), celui du CNEF (conseil national des évangéliques de France), en attendant les Manouches et les Tchétchènes en voie d’organisation. Épidémie de mea-culpa. Les communautés vont-elles faire la chaîne ? Du online shaming en perspective (en patois, du pain sur la planche).

    C’est le

  • GRANDS TEXTES (21) : Amis ou Ennemis ?, de Charles Maurras.

    (Texte paru pour la première fois le 23 septembre 1901 dans la Gazette de France, puis repris en 1931 dans le recueil Principes, en 1937 dans Mes idées politiques, et enfin dans les Œuvres capitales).

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    Les philosophes traditionnels refusent constamment de parler des hommes autrement que réunis en société. Il n'y a pas de solitaire. Un Robinson lui-même était poursuivi et soutenu dans son île par les résultats innombrables du travail immémorial de l'humanité. L'ermite en son désert, le stylite sur sa colonne ont beau s'isoler et se retrancher, ils bénéficient l'un et l'autre des richesses spirituelles accumulées par leurs prédécesseurs ; si réduit que soit leur aliment ou leur vêtement, c'est encore à l'activité des hommes qu'ils le doivent. Absolument seuls, ils mourraient sans laisser de trace. Ainsi l'exige une loi profonde, qui, si elle est encore assez mal connue et formulée, s'impose à notre espèce d'une façon aussi rigoureuse que la chute aux corps pesants quand ils perdent leur point d'appui, ou que l'ébullition à l'eau quand on l'échauffe de cent degrés.

     

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    Saint Siméon le stylite

               

     

    L'homme est un animal politique (c'est-à-dire, dans le mauvais langage moderne, un animal social), observait Aristote au quatrième siècle d'avant notre ère. L'homme est un animal qui forme des sociétés ou, comme il disait, des cités, et les cités qu'il forme sont établies sur l'amitié. Aristote croyait en effet que l'homme, d'une façon générale et quand toutes choses sont égales d'ailleurs, a toujours retiré un plaisir naturel de la vue et du commerce de son semblable. Tous les instincts de sympathie et de fréquentation, le goût du foyer et de la place publique, le langage, les raffinements séculaires de la conversation devaient sembler inexplicables si l'on n'admettait au point de départ l'amitié naturelle de l'homme pour l'homme.

     

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    Aristote: L'Homme est un animal social...

               

     

    — Voilà, devait se dire ce grand observateur de la nature entière, voilà des hommes qui mangent et qui boivent ensemble. Ils se sont recherchés, invités pour manger et boire, et il est manifeste que le plaisir de la compagnie décuple la joie de chacun. Cet enfant-ci s'amuse, mais il ne joue vraiment que si on lui permet des compagnons de jeux. Il faut une grande passion comme l'avarice ou l'amour pour arracher de l'homme le goût de la société. Encore son visage porte-t-il la trace des privations et des combats qu'il s'est infligés de la sorte. Les routes sont devenues sûres ; cependant les charretiers s'attendent les uns les autres pour cheminer de concert, et ce plaisir de tromper ensemble l'ennui est si vif que l'un en néglige le souci de son attelage, l'autre l'heure de son marché. La dernière activité des vieillards dont l'âge est révolu est d'aller s'asseoir en troupe au soleil pour se redire chaque jour les mêmes paroles oiseuses. Tels sont les hommes dans toutes les conditions. Mais que dire des femmes ? Leur exemple est cependant le plus merveilleux car toutes se détestent et passent leur vie entière à se rechercher. Ainsi le goût de vivre ensemble est chez elles plus fort que cet esprit de rivalité qui naît de l'amour.

    Les pessimistes de tous les temps ont souvent contesté à Aristote son principe. Mais tout ce qu'ils ont dit et pensé a été résumé, vingt siècles après Aristote, par l'ami et le maître de Charles II Stuart, l'auteur de Léviathan, le théoricien de la Monarchie absolue, cet illustre Hobbes auquel M. Jules Lemaître aime trop à faire remonter les idées de M. Paul Bourget et les miennes sur le caractère et l'essence de la royauté.

     

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    Thomas Hobbes

               

     

    Hobbes a devancé les modernes théoriciens de la concurrence vitale et de la prédominance du plus fort. Il a posé en principe que l'homme naît ennemi de l'homme, et cette inimitié est résumée par lui dans l'inoubliable formule : l'homme est à l'homme comme un loup. L'histoire universelle, l'observation contemporaine fournissent un si grand nombre de vérifications apparentes de ce principe qu'il est presque inutile de les montrer.

    — Mais, dit quelqu'un, Hobbes est un pessimiste bien modéré ! Il n'a point l'air de se douter qu'il charge d'une calomnie affreuse l'espèce des loups lorsqu'il ose la comparer à l'espèce des hommes. Ignore-t-il donc que les loups, comme dit le proverbe, ne se mangent jamais entre eux ? Et l'homme ne fait que cela. 

    L'homme mange l'homme sans cesse. Il ne mange que de l'homme. L'anthropophagie apparaît aux esprits superficiels un caractère particulier à quelques peuplades, aussi lointaines que sauvages, et qui décroît de jour en jour. Quel aveuglement ! L'anthropophagie ne décroît ni ne disparaît, mais se transforme.

    Nous ne mangeons plus de la chair humaine, nous mangeons du travail humain. À la réserve de l'air que nous respirons, y a-t-il un seul élément que nous empruntions à la nature et qui n'ait été arrosé au préalable de sueur humaine et de pleurs humains ? C'est seulement à la campagne que l'on peut s'approcher d'un ruisseau naturel ou d'une source naturelle et boire l'eau du ciel telle que notre terre l'a distillée dans ses antres et ses rochers. Le plus sobre des citadins, celui qui ne boit que de l'eau, commence à exiger d'une eau particulière, mise en bouteille, cachetée, transportée et ainsi témoignant du même effort humain que le plus précieux élixir. L'eau potable des villes y est d'ailleurs conduite à grands frais de captation et de canalisation. Retournez aux champs, cueillez-y une grappe ou un fruit ; non seulement l'arbre ou la souche a exigé de longues cultures, mais sa tige n'est point à l'état naturel, elle a été greffée, une longue suite de greffages indéfinis ont encore transformé, souvent amélioré, le bourgeon greffeur. La semence elle-même, par les sélections dont elle fut l'objet, porte dans son mystère un capital d'effort humain. En mordant la pulpe du fruit, vous mordez une fois encore au travail de l'homme.

     

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    "Existe-t-il une poésie des paysages lunaires ? - demande, ingénument, Jacques Bainville -. Si elle existe, elle est bien pauvre...".
    C'est, en effet, en grande partie, l'Homme qui fait et qui a fait la beauté de la Nature, de la Création qui lui fut confiée...

               

     

    Je n'ai pas à énumérer toutes les races d'animaux qui ont été apprivoisées, domestiquées, humanisées, pour fournir à la nourriture ou au vêtement des humains. Observez cependant que ces ressources qui ne sont pas naturelles doivent recevoir un second genre d'apprêt, un nouveau degré d'humanisation (pardon du barbarisme) pour obtenir l'honneur de nous être ingérées. Il ne suffit pas de tondre la laine des brebis, il faut que cette laine soit tissée de la main diligente de la ménagère ou de la servante. Il ne suffit pas d'abattre la viande, ou de la découper ; c'est une nécessité universelle de la soumettre au feu avant de la dévorer : travail humain, travail humain. On retrouve partout cet intermédiaire entre la nature et nos corps.

    Non, les loups ne se mangent pas de cette manière ! Et c'est parce que le loup ne mange pas le travail du loup qu'il est si rarement conduit à faire au loup cette guerre qui est de nécessité chez les hommes. Le loup trouve dans la nature environnante ce que l'homme est forcé de demander à l'homme. La nature est immense, ses ressources sont infinies ; le loup peut l'appeler sa mère et sa bonne nourrice. Mais les produits manufacturés, les produits humanisés, ceux que l'homme appelle ses biens, sont en nombre relativement très petit ; de là, entre hommes, une rivalité, une concurrence fatales. Le festin est étroit ; tout convive nouveau sera regardé de travers, comme il verra d'un mauvais œil les personnes déjà assises.

    Mais l'homme qui survient n'apparaît pas à l'homme qui possède déjà comme un simple consommateur dont l'appétit est redoutable ; c'est aussi un être de proie, un conquérant éventuel. Produire, fabriquer soi-même est sans doute un moyen de vivre, mais il est un autre moyen, c'est ravir les produits de la fabrication, soit par ruse, soit par violence. L'homme y a souvent intérêt, en voici un grand témoignage : la plupart de ceux qui ne sont ni voleurs ni brigands passent leur vie à craindre d'être brigandés ou volés. Preuve assurée que leur réflexion personnelle, leur expérience, la tradition et la mémoire héréditaire s'accordent à marquer l'énergie toujours subsistante des instincts de rapine et de fraude. Nous avons le génie de la conquête dans le sang.

     

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    Homo homini lupus 
    Proverbe latin populaire rapporté par Plaute (184 après JC) dans son Asinaria, et repris par Hobbes ("Man is a wolf to man")
     dans son "De cive, Epistola dedicatoria".
     
     
     
     
               
    L'homme ne peut voir l'homme sans l'imaginer aussitôt comme conquérant ou conquis, comme exploiteur ou exploité, comme victorieux ou vaincu, et, enfin, pour tout dire d'un mot, comme ennemi. Aristote a beau dire que l'homme est social ; il ne serait pas social s'il n'était industrieux, et les fruits de son industrie lui sont si nécessaires ou si beaux qu'il ne peut les montrer sans être maintes fois obligé de courir aux armes. La défense de ces biens ou leur pillerie, c'est toute l'histoire du monde.

    Il y a une grande part de vérité dans le discours des pessimistes qui enchérissent de la sorte sur Hobbes et sur les siens. Je voudrais qu'on se résignât à admettre comme certain tout ce qu'ils disent et qu'on ne craignît point d'enseigner qu'en effet l'homme pour l'homme est plus qu'un loup ; mais à la condition de corriger l'aphorisme en y ajoutant cet aphorisme nouveau, et de vérité tout aussi rigoureuse, que pour l'homme, l'homme est un dieu.

    Oui, l'industrie explique la concurrence et la rivalité féroces développées entre les hommes. Mais l'industrie explique également leurs concordances et leurs amitiés. Lorsque Robinson découvrit, pour la première fois, la trace d'un pied nu, imprimée sur le sable, il eut un sentiment d'effroi, en se disant selon la manière de Hobbes : « Voilà celui qui mangera tout mon bien, et qui me mangera… » Quand il eut découvert le faible Vendredi, pauvre sauvage inoffensif, il se dit : « Voilà mon collaborateur, mon client et mon protégé. Je n'ai rien à craindre de lui. Il peut tout attendre de moi. Je l'utiliserai.… »

    Et Vendredi devient utile à Robinson, qui le plie aux emplois et aux travaux les plus variés. En peu de temps, le nouvel habitant de l'île rend des services infiniment supérieurs à tous les frais matériels de son entretien. La richesse de l'ancien solitaire se multiplie par la coopération, et lui-même est sauvé des deux suggestions du désert, la frénésie mystique ou l'abrutissement. L'un par l'autre, ils s'élèvent donc et, si l'on peut ainsi dire, se civilisent.

     

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    Le cas de Robinson est trop particulier, trop privilégié, pour qu'on en fasse jamais le point de départ d'une théorie de la société. La grande faute des systèmes parus au dix-huitième siècle a été de raisonner sur des cas pareils. Nous savons que, pour nous rendre compte du mécanisme social, il le faut observer dans son élément primitif et qui a toujours été la famille. Mais c'est l'industrie, la nécessité de l'industrie qui a fixé la famille et qui l'a rendue permanente. En recevant les fils et les filles que lui donnait sa femme, l'homme sentait jouer en lui les mêmes instincts observés tout à l'heure dans le cœur de Robinson: « Voilà des collaborateurs, des clients et des protégés. Je n'ai rien à craindre d'eux. Ils peuvent tout attendre de moi. Et le bienfait me fera du bien à moi-même. » Au fur et à mesure que croissait sa famille, le père observait que sa puissance augmentait aussi, et sa force, et tous ses moyens de transformer autour de lui la riche, sauvage et redoutable Nature ou de défendre ses produits contre d'autres hommes.

    Observez, je vous prie, que c'est entre des êtres de condition inégale que paraît toujours se constituer la société primitive. Rousseau croyait que cette inégalité résultait des civilisations. C'est tout le contraire ! La société, la civilisation est née de l'inégalité. Aucune civilisation, aucune société ne serait sortie d'êtres égaux entre eux. Des égaux véritables placés dans des conditions égales ou même simplement analogues se seraient presque fatalement entre-tués. Mais qu'un homme donne la vie, ou la sécurité, ou la santé à un autre homme, voilà des relations sociales possibles, le premier utilisant et, pourquoi ne pas dire « exploitant » un capital qu'il a créé, sauvé ou reconstitué, le second entraîné par l'intérêt bien entendu, par l'amour filial, par la reconnaissance à trouver cette exploitation agréable, ou utile, ou tolérable.

     

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    La Civilisation créerait l'inégalité ? C'est tout le contraire:
  • GRANDS TEXTES (28) : Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand, par Charles Maurras

    Devant l'Histoire....

    Le 8 mai 2011, le site Maurras.net - sous le titre Comment Maurras dénonçait Hitler en 1937 - a envoyé ce texte de Maurras (alors en prison) en l'accompagnant du commentaire suivant (extrait) :

    "...En avril 1937, la librairie d’Action française publie une brochure de propagande destinée à montrer au public, et à rappeler en bons arguments aux militants, en quoi le nationalisme français se distingue en tout du fascisme mussolinien et du national-socialisme hitlérien. C’est Marie de Roux qui en rédige l’essentiel ; Maurras y ajoute une postface, Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand, que nous publions aujourd’hui, en lui adjoignant en note l’essentiel d’un billet écrit par Jacques Bainville en 1933, peu après l’accession d’Hitler au pouvoir.

    L’argumentation est solide et carrée.

    D’une part le racisme aryaniste est une ineptie, issue d’ailleurs d’auteurs français (Gobineau, de Leusse, Vacher de Lapouge) que Maurras et l’Action française avaient vertement condamnés bien avant qu’Hitler ne s’empare de leurs thèses; d’autre part cet Hitler n’est que le dernier avatar du danger pangermaniste dont l’Action française a toujours été le plus résolu des adversaires. Il n’y a donc rien de commun entre le nationalisme français, défensif et civilisateur, et le nationalisme allemand, barbare et expansionniste.

    Cette argumentation a-t-elle été entendue ? Des militants qui la connaissaient déjà par cœur, sans doute. Mais vis-à-vis de l’histoire, elle n’a pas pesé lourd, et lorsqu’après 1945 un Ernst Nolte cherche à disculper son pays de la responsabilité des horreurs nazies, il n’a qu’à reprendre à son compte et au pied de la lettre les vociférations de la gauche française : l’Action française était nationaliste ? Parbleu, alors c’est clair, elle était la préfiguration du fascisme et de l’hitlérisme.

    Il reste qu’aujourd’hui, le lecture du texte de Maurras en 1937 a quelque chose d’éclairant !"

    Dans un précédent envoi, le site rappelait :

    "...En juillet 1936, il (Maurras, ndlr) écrit dans l’Action française à propos du nazisme : « l’entreprise raciste est certainement une folie pure et sans issue ». En mars 1937, applaudissant à la condamnation du nazisme par le Pape, il précise ainsi sa propre position : « Tous les esprits impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle 'la théorie du sol et du sang', théorie métaphysique, bien entendu, qui substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une distribution toute subjective fondée sur les races et sur les climats, dérivée du principe que l'Homme allemand ('all-mann') est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des religions[». Il traite de « basses sottises » les idées de Gobineau et de Vacher de Lapouge et rappelle qu'il écrivait, déjà trente ans auparavant : « J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique. » Il demande une traduction non expurgée de Mein Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions hitlériennes avaient été censurés dans la version française..." 

     

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    Le Nationalisme français et le Nationalisme allemand

     

    I
    Les Encycliques

           

    On ne saurait trop le dire, les deux dernières encycliques (1) sont des événements.

    La condamnation du communisme va contribuer puissamment à rétablir une unité profonde entre les défenseurs de l'ordre, et dans l'état présent du monde il n'y a rien de plus désirable.  

     

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    Texte complet (en français) : http://www.vatican.va/holy_father/pius_xi/encyclicals/documents/hf_p-xi_enc_19031937_divini-redemptoris_fr.html

     

           

    La condamnation, formelle et directe, de l'hitlérisme apporte enfin le trait de lumière souhaité aux esprits qui hésitaient sur les terrains vagues du nationalisme modéré ou du nationalisme exagéré, ces adjectifs qualificatifs n'ayant dit rien de net à personne, sinon que le premier était licite et le second interdit. Comment, jusqu'ici, se débrouiller là-dedans ?

     

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    Texte complet (en français) : http://lesbonstextes.awardspace.com/pximitbrennendersorge.htm

     

     

    On sait maintenant ce qui est interdit, c'est l'hitlérisme, c'est le germanisme d'Hitler, c'est la métaphysique religieuse du sol et du sang.

    Il ne s'agit pas de renier sa race ni sa patrie. Il s'agit de distinguer entre des notions morales, des sentiments naturels, des idées humaines et ce qui fait l'objet d'une sorte de monothéisme historique, temporel et terrestre tout à fait aberrant.

     

    II
    Trente ans avant Hitler

           

    Les Français qui, par comparaison à l'hitlérisme, voudront s'informer de la véritable nature du nationalisme de leur pays ont à leur disposition des textes décisifs.

    Qu'ils ouvrent, tout d'abord, l'avant-dernier livre de Jacques Bainville, si précieux, Lectures (2), à la page 220. Ils liront :

    Le ministre hitlérien de l'instruction publique a cité l'autre jour comme une Bible le livre d'un professeur d'anthropologie à la Faculté de Rennes, Vacher de Lapouge. Je me rappelle très bien que ce livre, L'Aryen, son rôle social, avait paru dans les environs de l'année 1900, et que Charles Maurras avait mis le très jeune lecteur que j'étais en garde contre ces rêveries de race pure.

    Bainville écrit dans la même page :

    Gobineau est à la source du racisme.

    Si, donc, les fondateurs du Nationalisme français avaient eu le moindre penchant pour ces basses sottises, Bainville l'observe avec raison, les livres français y auraient abondamment pourvu. On avait la bible, la source. Et l'on était à l'origine du mouvement ; la liberté de direction, la liberté de choix étaient absolues pour nos amis.

    Écoutez-les parler de M. de Gobineau, dès les premières années du XXe siècle :

    Analysant un livre ingénieux et pénétrant que M. Seillière (3) a consacré au comte de Gobineau, M. Paul-Boncour a remarqué à différentes reprises que je ne me référais point à la doctrine de l'Essai sur l'inégalité des races humaines.

    M. Paul-Boncour m'en a demandé la raison.

    Elle est très simple. Je n'admets pas cette doctrine.  

     

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    Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines (1853-1855)

     

     

           

    Plus loin, étudiant un livre fort intéressant d'un disciple très original de Gobineau, et, selon nous, bien supérieur au maître, le comte de Leusse (4), j'écrivais, et ce compte rendu de cette « lecture orageuse » est vieux de plus de trente ans :

    … J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec ces généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique.

    Une aristocratie peut être formée de sangs assez divers et, ce nonobstant, accomplir toutes ses fonctions les plus hautes, si d'autres conditions s'y prêtent favorablement. Il y a aux débuts de l'histoire de France une aristocratie franque, une aristocratie scandinave, une aristocratie gallo-romaine (5). Toutes trois, surtout la première et la dernière, ont concouru à l'admirable système féodal. Ont-elles été inférieures dans ce rôle à l'aristocratie teutonique ou mieux à l'aristocratie danoise, qui, pour M. de Leusse, représentent une veine plus pure du sang des « Aryans » ?…

    … Nous savons qu'un État ne peut être prospère sans un pouvoir héréditaire, ou simple ou collectif, résidant dans une dynastie ou dans une aristocratie ; nous le savons, parce que nous savons pourquoi cela est. Mais nous ne pouvons pas dire que nous sachions que ces races régnantes ou gouvernantes régneront et gouverneront d'autant mieux qu'elles seront plus pures. S'il n'y avait qu'une race supérieure, on comprendrait que tout mélange l'abâtardit ; mais, aux époques historiques, quand les races sont en présence, c'est une question de savoir s'il y a des premiers et quels sont les premiers !…

    Un critique malin et qui aurait le temps de contenter sa malignité aurait à détacher des Études d'histoire ethnique plus d'une ligne assez plaisante, toutes les fois que M. de Leusse est forcé d'enlever quelque vertu à ses chers Germains ou de faire sur leur dos quelque concession. En un endroit où le conflit se montre entre l'humilité chrétienne et l'impertinence germaine, ce chrétien fervent ose parler d'un ton presque piqué du christianisme. Arrivé à l'époque de la Réforme, ce catholique résolu écrit qu'il n'en parlera point.

    « C'est par parti-pris, déclare-t-il, et pour des raisons dont je n'ai à rendre compte à personne que je ne traite pas dans mon travail la question de la Réforme de Luther. » Si les Aryas sont la fleur du monde et si les Germains sont eux-mêmes la fleur de l'Arya, il semble, en effet, difficile d'expliquer que ces êtres supérieurs aient mis toute leur âme à se couper d'avec la chrétienté entière et à détruire l'admirable unité catholique.

    Car c'est un autre caractère distinctif du Nationalisme français ; il est fort éloigné de présenter la nécessité pratique et moderne du cadre national rigide comme un progrès dans l'histoire du monde ou comme un postulat philosophique et juridique absolu. Il voit au contraire dans la nation une très fâcheuse dégradation de l'unité médiévale. Il ne cesse pas d'exprimer un regret profond de l'unité humaine représentée par la République chrétienne.  

     

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    Johann Gottlieb Fichte (1762-1814), concepteur de la théorie de la Nation allemande, fondée sur le droit du sang. Il prononça ses Discours à la Nation allemande lors de l'invasion de la Prusse par les Français .

     

           

    On en trouvait une formule, parfaitement nette, dans la déclaration de novembre 1899 qui servit de départ au mouvement des idées de l'Action Française ; ce dont Fichte et ses successeurs ont fait gloire aux siècles nouveaux, nos amis ont déclaré en porter le deuil. En d'autres termes, ce qui, dans le Nationalisme français, a été une mise en garde indispensable contre la rigueur des temps, était au contraire, dans le Nationalisme allemand, présenté, constitué et systématisé comme un bien en soi.

    Au nationalisme officiel des Allemands nous avons opposé une doctrine de défense, comme il le fallait bien, à moins de tout livrer, de tout sacrifier, au pire, foyers, autels, tombeaux, la haute humanité.

    En défendant la France, en préservant de nos mains étendues « le flambeau de l'esprit » de notre nation, ce sont des biens traditionnels, éternels, universels que nous avons travaillé à défendre. Plusieurs de nos compatriotes ont pu s'y tromper ; leur erreur (il faut le noter) n'a pas été commise par un Allemand intelligent et cultivé, M. Ernst Curtius, qui a vu clairement quel « schisme » nous reprochions à l'Allemagne et comment la cause de l'intérêt français coïncide, point par point, ligne à ligne, avec le génie d'une civilisation pure et libre des conditions de temps et de lieux.

     

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    (1) : Encyclique Divini Redemptoris sur le communisme (19 mars 1937) et encyclique Mit Brennender Sorge sur la situation de l'Église catholique dans l'empire allemand (14 mars 1937), de Sa Sainteté le Pape Pie XI.

    (2) : L'article repris dans Lectures est une note publiée par Jacques Bainville en 1933, peu après la prise de pouvoir par Hitler, sous le titre Prestige de la pensée allemande. En voici les principaux extraits :

            "Le numéro de la Nouvelle Revue française consacré aux doctrines nationales-socialistes est hautement significatif, par lui-même et par son seul contenu. D'emblée, l'idéologie hitlérienne trouve une audience, est accueillie avec un désir d'étude, avec un sérieux que l'idéologie mussolinienne n'a pas eus. Pourquoi ? C'est vous qui l'avez dit. Parce que Hitler est allemand. Il n'y a pas de doute. L'ironie française s'en est donné à cœur joie des faisceaux, des chemises noires, du salut à la romaine et du déguisement de César. Le bel Adolphe, le peintre en bâtiment beau parleur a été raillé tant qu'il n'a été qu'un chef de bande, un énergumène de réunion publique. D'ailleurs, les Français refusaient de croire que trois hommes réunis un jour autour d'une table de brasserie et jurant de sauver leur pays pussent réussir (…)

            En dépit des haussements d'épaules, Hitler est devenu le maître. Tout change. La légèreté fait place à une gravité émue, déjà parente de la sympathie. Le national-socialisme n'est plus une mascarade de chemises brunes. C'est une philosophie. Et puisqu'elle est allemande, elle ne peut être superficielle. Il faut qu'elle aille aux racines de l'être.

            Nous n'en sommes que là encore. C'est pourtant très différent déjà de la vogue du bolchévisme (…) Le national-socialisme est examiné dans un autre esprit qui permet de déceler chez lui une attraction naissante. On lui trouve des profondeurs de pensée. Pourquoi ? Répétons-le : parce qu'il est germanique et qu'il faut que tout ce qui est germanique soit pensé.

     

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    Le comte Georges Vacher de Lapouge (1854-1936), anthropologue et théoricien de l'eugénisme. Athée, anticlérical et socialiste militant, il est l'un des fondateurs du Parti ouvrier français de Jules Guesde avant de rejoindre la SFIO.

     

     

            Les éléments de la doctrine hitlérienne, à l'analyse, sont pourtant pauvres. Il n'y a rien chez elle qui ne soit connu et même que de

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (231)

     

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

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    Quatorzième partie : Léon Daudet vu par...

    Aujourd'hui : Base de données de l'Assemblée nationale...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Il y a, évidemment, du bon et du moins bon, dans cette biographie "officielle" tenue à jour par le Système. Le lecteur jugera, et, sur des points précis tel l'antisémitimse, cet Album lui apportera, nous l'espérons - et c'est son but... - de quoi se forger sa propre opinion, sans s'en remettre à la "vérité officielle"...

     

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    Base de données des députés français depuis 1789 :

    M. Léon DAUDET
    Né le 16/11/1867 à PARIS (SEINE -FRANCE)
    Décédé le 02/07/1942 à SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE - FRANCE)

    Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés :
    16/11/1919 - 31/05/1924 : Seine - Indépendants

    Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (J.Joly)

    Né à Paris le 16 novembre 1867, mort à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), le 2 juillet 1942.

    Député de Paris de 1919 à 1924.

    Léon Daudet était d'origine provençale par son père, l'illustre auteur de Tartarin de Tarascon et des Lettres de mon moulin, bretonne et tourangelle par sa mère.

    Il fit des études secondaires brillantes, d'abord au Lycée Charlemagne, puis à Louis-le-Grand, où il fut condisciple de Joseph Bédier, de Paul Claudel, de Marcel Schwob. En rhétorique, il emporta le premier accessit de composition française au Concours général. En philosophie, sous l'influence de son professeur, Burdeau, il s'enthousiasma pour la doctrine de Kant qu'il vitupérera plus tard en la qualifiant d'école de la paralysie mentale et en affirmant qu'il n'est mitrailleuse ou mortier qui porte aussi loin et fasse autant de ravages.

    Chez son père, alors au faîte d'une gloire dont on ne mesure peut-être plus exactement aujourd'hui l'éclat, il eut l'occasion de rencontrer tout ce qui comptait dans le Paris littéraire et artistique de l'époque : Flaubert, Tourgueniev, les frères Goncourt, Jules Lemaître, Anatole France, Paul Bourget, François Coppée, José-Maria de Heredia, Pierre Loti, Rodin, Mallarmé, Reynaldo Hahn, d'Annunzio, Whistler..

    En 1885, il entreprend des études de médecine qui lui permettent d'accomplis son « volontariat » comme aide-major en 1887. Mais il renoncera à les poursuivre, après avoir échoué à l'internat dans des conditions qu'il estime injustes. Il réglera sans ménagements ses comptes avec le monde médical et ses « patrons » dans Les Morticoles, livre à clefs qui connaîtra, en 1894, un vif succès de scandale.

    Ce fils bien doué d'un père illustre avait de surcroît épousé en 1891 la jeune fille la plus célèbre de France : Jeanne Hugo, petite-fille du poète, celle-là même dont tout Français apprend dès qu'il sait lire qu'elle fut un jour mise au pain sec. Le mariage, uniquement civil, avait fait scandale. Sa femme l'introduisit dans la bonne société républicaine où sa famille évoluait, la mère de celle-ci ayant épousé en secondes noces Lockroy, député et ancien ministre radical, grand ami de Maquet et de Clemenceau. Malgré la naissance d'un fils, Charles, en 1892, le ménage se brise et le divorce est prononcé en 1895. Du même coup, Léon Daudet rompt avec le milieu républicain.

    Pendant plusieurs années, il mène une vie fort agitée, marquée notamment par une liaison notoire et tapageuse avec une chanteuse de l'Opéra, Lucienne Breval.

    En 1903, il se remarie avec sa cousine germaine, Marthe Allard, dont il aura trois enfants, Philippe, François et Claire. Sa seconde femme exercera sur lui une influence très profonde. Elle le ramène au catholicisme et contribue pour beaucoup à sa conversion aux doctrines royalistes et nationalistes de Charles Maurras.

    A cette époque, Léon Daudet est déjà fort connu. Il a publié une douzaine de volumes, romans et essais, et collabore plus ou moins régulièrement à La libre parole, au Germinal de Pascal Grousset, au Soleil, au Figaro. Il appartient depuis 1896 à l'Académie Goncourt. Fort érudit, curieux de tout, causeur brillant, il est passionné de littérature et de musique : de Wagner d'abord, dont il se déprendra, pour revenir à Beethoven, puis devenir un des premiers admirateurs de Debussy. C'est aussi un bon vivant. Gastronome attentif, il est doué d'un formidable appétit, qui, joint au mépris qu'il professait pour les exercices physiques - « le sport ne m'a jamais intéressé » - lui valut, assez vite, une corpulence excessive.

    Ses opinions politiques ne paraissent pas, d'abord, très fermement assurées. En 1889, au moment de la crise boulangiste, il avait pris parti pour la République avec autant de fougue qu'il en mettra plus tard à la combattre. Cependant, il s'était inscrit à la Ligue antisémite de Drumont dès sa fondation. Le 4 janvier 1895, il assiste, avec Barrès, à la dégradation de Dreyfus et il soutiendra plus tard que l'impression fâcheuse produite sur lui par le condamné (« il paraissait plus spectateur qu'acteur de cette effroyable cérémonie dont le sens semblait lui échapper ») a déterminé son attitude ultérieure. Quoi qu'il en soit, son antisémitisme ne se démentira jamais ; il connaîtra même,. notamment sous le gouvernement de Léon Blum, en 1936, des périodes paroxystiques. Cependant, il se différenciera toujours de la frénésie hystérique de Drumont et de tant d'autres. Outre que Daudet avait, comme il est de règle, ses « bons juifs » (Georges Mandel par exemple ou son ancien condisciple, Marcel Schwob) il tentait, au moins, de raisonner sa passion, de l'intégrer dans une doctrine politique : « la démocratie est le milieu qui rend pathogène et toxique le microbe juif qui, sans elle, serait demeuré inoffensif ou à peu près. » C'est vers 1904 qu'il commence à s'intéresser à l'Action Française, dont l'organe est alors une modeste revue bimensuelle. En 1908, grâce à des capitaux fournis pour une bonne part par sa femme et par lui-même, l'Action Française devient un quotidien. Il en sera le rédacteur en chef, jusqu'en 1917, puis le codirecteur, avec Charles Maurras. Pendant trente ans, il y publiera presque chaque jour des articles qui sont autant de pamphlets et de réquisitoires souvent pleins de verve, toujours violents, parfois outranciers (ils lui vaudront, d'ailleurs, une douzaine de duels). Leur succès sera d'emblée considérable auprès des lecteurs. Sans doute, quelques romans fort audacieux, comme l'Astre noir (1893) ou Suzanne (1897) étaient-ils peu faits pour lui attirer l'estime et l'audience d'une clientèle traditionaliste et catholique. Mais, comme le disait la marquise de Mac-Mahon, « nous faisons crédit au polémiste ; quant au romancier, nous l'ignorons, c'est un autre homme. »

    En 1913, Daudet publie un livre « d'études et documents sur l'espionnage juif-allemand en France depuis l'affaire Dreyfus ». Cet ouvrage contient bon nombre d'affirmations aventurées, d'accusations gratuites, ce qui ne saurait surprendre quand on sait que l'auteur posait en principe que « tout Allemand naturalisé est suspect, et que tout Allemand vivant en France est nécessairement un espion ». Mais il valut à Daudet une grande réputation d'intransigeance patriotique et de clairvoyance. D'abord parce que certains des renseignements qu'il fournissait devaient se révéler exacts ; à cause aussi, sans doute, du caractère prophétique que l'événement devait bientôt donner à son titre même : l'Avant Guerre.

    Au moment où le conflit qu'il avait annoncé éclate, Daudet n'est pas à Paris. Il a quitté la ville, craignant qu'on ne cherche à l'abattre en représailles de l'assassinat de Jean Jaurès que beaucoup imputaient, à tort, à l'Action Française. Au cours de ce voyage, il reçoit dans un accident d'automobile une blessure à la tête qui le dissuade de s'engager. Il demeurera donc à sa table de rédacteur en chef de l'Action Française, et se servira de la tribune que lui offre son journal pour dénoncer et pourchasser sans trêve ni répit les traîtres, les défaitistes et tous ceux qu'il baptise les « embochés ». On l'appelait le « procureur du Roy », le « préfet de police in partibus ». Il se flattera plus tard d'avoir fait condamner 43 espions ou agents de l'Allemagne au prix de procès dont, en 1926, il estimait le nombre entre 350 et 400. Là encore, il accuse souvent à tort et à travers, reproduisant sans les contrôler les dénonciations que lui adressaient des « informateurs » trop bien intentionnés, et à plusieurs reprises, il est contraint de se rétracter. Il n'en a pas moins joué un rôle déterminant dans la fameuse affaire du Bonnet rouge. Il mena à cette occasion contre le Ministre de l'Intérieur radical Malvy une virulente campagne de presse qui finit par le contraindre à démissionner, le 31 août 1917.

    Daudet ne cesse pas pour autant ses attaques, et à la fin de septembre il adresse au Président de la République une lettre dont le président du Conseil Painlevé devait, quelques jours plus tard, donner lecture devant une Chambre houleuse. Daudet y accusait formellement Malvy d'avoir fait renseigner le commandement allemand sur le projet d'attaque du Chemin des Dames et d'avoir fomenté les mutineries de juin 1917. L'enquête devait révéler par la suite que ces accusations étaient sans fondement, Malvy ayant certes péché par légèreté et incurie, mais sans jamais commettre aucun acte de trahison caractérisée. L'affaire n'en donna pas moins lieu à des débats passionnés, qui marquèrent la fin de l'Union sacrée et la désagrégation de la majorité qui soutenait le Cabinet Painlevé. Celui-ci fut mis en minorité le 13 novembre 1917 à propos d'une interpellation relative d'ailleurs aux « persécutions » qu'il avait fait subir à l'Action Française. Il devait être remplacé par le Ministère Clemenceau, auquel les socialistes ne participaient pas.

    Daudet s'en prit également à Joseph Caillaux, et fut pour beaucoup dans son arrestation, opérée en janvier 1918.

    Cependant, il soutenait fermement Clemenceau, oubliant qu'il avait naguère encore tiré sur lui à boulets rouges le traitant de « ganache » (1915), de « démolisseur » (1916), de « sinistre vieux » (1917). Quant à Malvy, renvoyé devant le Sénat constitué en Haute Cour, il fut condamné à cinq ans de bannissement. Ce fut un triomphe pour Daudet, qui avait été longuement entendu comme témoin. Les élections générales législatives du 16 novembre 1919 se soldèrent par un demi-échec pour les royalistes. Tenus. à l'écart du Bloc National, ils présentèrent leurs propres candidats avec l'espoir d'en faire entrer une centaine au Palais-Bourbon. Trente à peine furent élus. A Paris, il n'y en eut qu'un seul : Léon Daudet lui-même, tête de la liste « d'Action française et d'Union nationale » du 3e secteur (16e arrondissement). Encore fût-ce de justesse puisque, des quatorze candidats proclamés élus c'est lui qui obtint, et de loin, le plus petit nombre de voix : 19.691 (sur 186.015 suffrages exprimés) alors que le moins favorisé, après lui, Ferdinand Buisson, en a 37.790, et qu'Emmanuel Evain, tête de la liste d'Entente républicaine, de tendance conservatrice et catholique, en compte 77.772.

    A la Chambre, il siège à l'extrême-droite, parmi les quelque trente députés proches de l'Action française, qui prirent le nom d'Indépendants. Malgré cet isolement relatif, il allait se faire entendre, en se montrant, comme le dit l'historien américain Eugen Weber dans son ouvrage sur l'Action française « le plus puissant porte-parole du nationalisme extrémiste, en un temps où le nationalisme extrémiste était fort à la mode ». Là encore, son talent de polémiste le servit. Son à propos, sa verve caustique, sa violence même le rendaient redoutable. Surtout, il est vrai, dans l'interruption et l'apostrophe, car, de l'aveu même de l'un de ses biographes, pourtant fort bien disposé à son égard, M. Paul Dresse, il était « moins attachant dans les grands développements ».

    Quoi qu'il en soit, il se posa vite en chef de file de l'opposition de droite. Dès la formation du cabinet Millerand, le premier de la législature, il attaque. Il interpelle le Gouvernement pour critiquer l'attribution du portefeuille de l'Intérieur au radical Théodore Steeg, qu'il accuse d'une part d'être d'origine allemande, d'autre part d'être le tuteur d'un enfant naturel que Malvy aurait eu d'une « espionne » allemande. L'opération était habile, car les catholiques du groupe de l'Entente conservaient une méfiance profonde pour quiconque se réclamait du radicalisme, et ils furent nombreux à s'abstenir dans le vote de confiance. Daudet avait marqué un premier point. Il ne devait pas s'en tenir là, et son action de harcèlement se poursuivit sans relâche.

    Ses interventions sont innombrables. C'est, notamment, un interpellateur infatigable. Au cours de la seule année 1920, par exemple, il interpelle le Gouvernement à cinq reprises. D'abord, comme nous l'avons déjà rappelé, sur l'attribution du portefeuille de l'Intérieur à Steeg ; puis « sur les mesures à prendre pour empêcher le retour de grèves politiques et révolutionnaires nuisibles au redressement du pays » ; puis « sur les moyens à employer pour mettre fin aux attentats révolutionnaires contre la Nation » ; « sur la démission du Ministre de la Guerre, André Lefèvre » ; et enfin « sur les facilités accordées aux agents allemands et bolcheviks pour pénétrer en France ». Ceci sans compter de très nombreuses interventions sur le budget, et dans des discussions relatives aux réparations, au rétablissement d'une ambassade auprès du Saint Siège, etc.

    Mais il faudra attendre 1922 pour que Daudet et ses amis puissent inscrire à leur actif un succès parlementaire important.

    On sait qu'en janvier de cette année là, à Cannes, Aristide Briand, alors Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères, cédant aux instances de Lloyd George, hostile au principe même des réparations mises à la charge de l'Allemagne par le traité de Versailles, avait consenti à la convocation d'une Conférence internationale, qui devait se tenir à Gênes en mars, en réunissant sur un pied d'égalité complète les représentants des Alliés, ceux de l'Allemagne et ceux de la Russie soviétique. C'était, semblait-il, le premier pas vers une amputation de la dette allemande. L'émotion fut très vive dans les milieux politiques français. Le Président de la République, Millerand, télégraphia à Briand pour lui demander des explications. Ce qui, d'ailleurs, lui sera par la suite âprement reproché. Mais c'est Daudet qui porta l'estocade, en développant, à propos de la fixation de l'ordre du jour de la Chambre, une véritable interpellation.

    L'Action Française put ainsi se targuer d'avoir provoqué la démission de Briand, et son remplacement par Poincaré, qui devait se refuser à toute concession sur les réparations et, le 11 janvier 1923, occuper la Ruhr. C'est au cours de son mandat de député que s'est abattue sur Léon Daudet l'épreuve atroce qui devait le marquer profondément et assombrir toute la fin de sa vie : la mort de son fils Philippe. Sans entrer dans les arcanes de cette affaire dont certains détails demeurent aujourd'hui encore fort mystérieux, rappelons-en brièvement les grandes lignes. Philippe Daudet avait quatorze ans. Fugueur récidiviste, il avait disparu depuis plusieurs jours quand, le 24 novembre 1923, un taxi l'amena à l'hôpital Lariboisiére. Selon les dires du chauffeur, Bajot, il venait dans la voiture, de se tirer une balle dans la tête. L'enfant mourut sans avoir repris connaissance. On apprit bientôt, à la stupeur générale, qu'il avait passé les dernières heures de sa vie en compagnie d'anarchistes, qu'il s'était- notamment rendu au journal le Libertaire, et dans la boutique d'un certain Le Flaouter, qui cumulait les « qualités » de libraire spécialisé dans la pornographie, d'anarchiste notoire et... d'indicateur de police. Ne pouvant croire au suicide de son fils, Léon Daudet fut toute de suite convaincu qu'il s'agissait d'un « crime policier » . Selon lui, la police « aux ordres des francs-maçons » aurait abattu le petit Philippe chez Le Flaouter, afin de se venger de son père et de tenter de le compromettre dans une affaire scandaleuse. Puis, elle l'aurait mis dans un taxi conduit par un homme à sa solde, pour tenter de camoufler l'assassinat en suicide. Pendant des mois, l'enquête

  • La Hongrie, le dernier Etat chrétien d’Europe ? par Antoine de Lacoste

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    La Hongrie est, à l’origine, le pays des Magyars. Ce peuple, venu des steppes d’Asie centrale, n’était pas turcoman comme tant d’autres, mais finno-ougrien. Cela donne une grande originalité à sa langue, à nulle autre pareille. Seul le finnois peut s’y apparenter.

    Il se fixa en Europe centrale et fut à l’origine de la création de la Hongrie. Les Hongrois ne sont donc pas, faut-il le rappeler, des descendants d’Attila et de ses guerriers comme le prétendent parfois certains, y compris en Hongrie. La rue Attila (Attila ut) que l’on emprunte à Budapest, à l’étonnement du voyageur occidental, ne doit pas faire illusion.

    CONVERSION ET COURONNEMENT DE SAINT ETIENNE

    La Hongrie est, à l’origine, le pays des Magyars. Ce peuple, venu des steppes d’Asie centrale, n’était pas turcoman comme tant d’autres, mais finno-ougrien. Cela donne une grande originalité à sa langue, à nulle autre pareille. Seul le finnois peut s’y apparenter.

    Il se fixa en Europe centrale et fut à l’origine de la création de la Hongrie. Les Hongrois ne sont donc pas, faut-il le rappeler, des descendants d’Attila et de ses guerriers comme le prétendent parfois certains, y compris en Hongrie. La rue Attila (Attila ut) que l’on emprunte à Budapest, à l’étonnement du voyageur occidental, ne doit pas faire illusion.

    Conversion et couronnement de Saint Étienne

    1A.jpgC’est un certain Árpád qui devint chef des tribus magyars vers l’an 900. Un siècle plus tard, son descendant Etienne se fit baptiser. Le pape Sylvestre II le couronna roi de Hongrie en l’an mille. Etienne fut ensuite canonisé et est aujourd’hui le saint patron de la Hongrie.

    Le pays connut alors une grande période chrétienne. Plusieurs souverains furent canonisés et beaucoup se signalèrent par leur zèle chrétien. André II fut par exemple un des chefs de la Cinquième croisade. C’est d’ailleurs lui qui concéda en 1222 la Bulle d’or à la noblesse hongroise, afin de pérenniser une alliance nécessaire à la stabilité du royaume.

    La sainte la plus emblématique de toute cette période fut Sainte Elizabeth de Hongrie. Fille d’André II, elle vécut en Allemagne après son mariage avec Louis IV de Thuringe et eut trois enfants (dont une fille sera bienheureuse). Veuve à 20 ans, elle se dévoua pour les pauvres et s’inspira de la règle franciscaine pour sa vie personnelle. Sa tombe à Marbourg est l’objet d’importants pèlerinages.

    Notons, pour être complet que notre apôtre des Gaules, Saint Martin, était d’origine hongroise. Il y a encore des pèlerins qui partent de sa ville natale, Szombathely, et marchent jusqu’à Poitiers ou Tours. Le pèlerinage s’étale généralement sur plusieurs années.

    Les invasions mongoles du XIIIe siècle mirent hélas un terme à cet âge d’or chrétien de la Hongrie. La « Horde d’or » de Gengis Khan fut finalement chassée et des souverains entreprirent de reconstruire le pays, comme Charles Ier Robert d’Anjou (1308-1342).

    Mais la poussée de l’Empire ottoman commença à peser sur les marches du sud du royaume. Une première défaite inquiétante frappa l’armée hongroise en 1396 à Nicopolis et le roi Sigismond Ier s’enfuit au soir de la bataille. Les Ottomans s’étaient dangereusement rapprochés.

    Le XVe siècle fut à nouveau une période heureuse. Deux grands souverains, qui sont encore au Panthéon des héros hongrois, exercèrent de beaux règnes : János Hunyadi (1407-1456) et Mathias Corvin (1458-1490). Ils bâtirent et firent venir de grands artistes de toute l’Europe, notamment des peintres italiens. C’est après la mort de Corvin que La Hongrie chrétienne sombra dans le malheur.

    La nuit ottomane

    En 1526, la grande armée hongroise fut lourdement défaite à la bataille de Mohács.  Le roi Louis II y trouva la mort et la nuit ottomane s’abattit sur le vieux royaume chrétien. La Hongrie fut dépecée et vassalisée. Au centre, au sud et à l’est se trouvaient les Ottomans ou leurs alliés. Mais à l’ouest les Habsbourg se rapprochaient et devinrent à la fois les libérateurs de la Hongrie mais aussi leur autoritaire suzerain.

    La libération prit du temps, la puissance militaire de l’Empire ottoman étant alors considérable. Son échec devant Vienne (un de ses deux objectifs majeurs avec Rome) en 1683, déclencha le début du déclin.

    En 1686, Charles V de Lorraine, libéra Buda après de rudes combats. Rappelons à ce propos que Budapest, capitale de la Hongrie, est l’adjonction de Buda et de Pest, deux villes distinctes à l’origine. Une lente reconquête autrichienne s’ensuivit et en 1697 un autre prince au service des Habsbourg, Eugène de Savoie, battit les Turcs à Zenta. Cette fois, c’était une victoire décisive et pour l’Empire ottoman, le début d’une longue agonie.

    Libéré du joug musulman, le nationalisme hongrois se porta alors contre les Habsbourg. Le prince François Rákóczi en fut le chef emblématique au début du XVIIIe siècle. Vaincu en 1711, les Habsbourg l’épargnèrent et il fut condamné à l’exil.

    République et franc-maçonnerie

    Les Hongrois se résignèrent un certain temps à cette dépendance autrichienne jusqu’à ce qu’éclate la révolution de 1848.

    Il faut noter que, dans les trois siècles précédents, deux influences néfastes se développèrent en Hongrie : le protestantisme tout d’abord puis, plus tard la franc-maçonnerie. Le protestantisme se répandit à la faveur de la Guerre de trente ans (1618-1648), à cause des princes allemands géographiquement très proches. Le calvinisme en fut son fer de lance et il reste vivace aujourd’hui.

    Quant à la franc-maçonnerie, elle se développa sous l’influence de quelques aristocrates, souvent protestants d’ailleurs, qui répandirent leurs idées néfastes dans la haute société hongroise.

    Les révolutions de 1848 qui submergèrent l’Europe n’épargnèrent pas la Hongrie. Une révolte se produisit et les députés hongrois, jusqu’alors dépendants de Vienne, proclamèrent à la fois l’indépendance et l’avènement de la république. Le personnage emblématique de cette révolution fut le franc-maçon Lajos Kossuth dont la statue trône devant le parlement de Budapest.

    Les Habsbourg réagirent et envoyèrent une armée combattre les insurgés. Mais la valeur militaire des Hongrois est proverbiale et, devant les difficultés rencontrées, Vienne appela la Russie à son secours. Le Tsar Nicolas Ier accepta de fournir son aide au nom de la lutte contre les idées révolutionnaires. Pris entre deux feux, les Hongrois furent finalement vaincus à la bataille d’Arad. Les Habsbourg commirent alors une grave faute politique en faisant fusiller les 13 généraux hongrois qui s’étaient rendus. Ce n’était guère glorieux et cela ne contribua pas à améliorer les relations entre l’Empire et les Hongrois.

    Le compromis de 1867

    L’arrivée au pouvoir d’un nouvel empereur, le jeune François-Joseph, provoqua un changement radical et bénéfique dans les relations entre les deux peuples. Après de longues négociations avec une partie de la classe politique hongroise, la plus encline à une réconciliation avec l’Autriche, un accord fut finalement signé en 1867. On l’appela « le compromis de 1867 ».

    Il donna une large autonomie à la Hongrie, en dehors des finances et des affaires étrangères. Et, symbole très fort, l’empereur d’Autriche devint en même temps roi de Hongrie et devait se faire couronner à Budapest après l’avoir été à Vienne. L’Empire devint l’Empire austro-hongrois et le patriotisme du peuple hongrois était ainsi honoré. De toutes les minorités du vaste empire, la Hongrie fut la seule ainsi mise en avant et sa fidélité à Vienne fut alors sans faille.

    Sur cette période, on peut lire la remarquable trilogie romanesque ( si bien écrite) de Miklós Banffy, Vos jours sont comptés, Vous étiez trop légers, Que le vent vous emporte. Beaux titres inspirés du célèbre Mane, Tecel, Fares raconté dans l’Ancien Testament, au Livre de Daniel.

    La si funeste guerre de 14 sonna le glas de cet ensemble harmonieux. Malgré les efforts désespérés de Charles Ier, dernier empereur d’Autriche et dernier roi de Hongrie, ses propositions de paix séparée furent rejetées avec mépris par la France figée par la voix de Clemenceau dans son sectarisme anti-chrétien.

    En 1918, la défaite de l’Empire fut actée. Charles et Zita, ce couple impérial et royal si attachant, fut condamné à l’exil. Charles mourut de chagrin peu de temps après et Zita éduqua courageusement et chrétiennement ses nombreux enfants. Ainsi mourut ce bel empire.

    Les francs-maçons relevèrent la tête et Mihály Károlyi fut porté à la tête de la nouvelle république proclamée. Encouragés par la révolution bolchévique triomphante, les communistes hongrois réussirent un coup de force et prirent le pouvoir à Budapest. Leur chef était Béla Kun et, comme il se doit, il ordonna de nombreux actes sanguinaires. Heureusement, les communistes ne parvinrent jamais à étendre leur pouvoir au-delà de la capitale. Finalement, une alliance militaire improbable composée de militaires hongrois, tchèques, serbes et français chassèrent les communistes. Il ne resta d’eux qu’une triste et sanglante parenthèse.

    LA spoliation du TRAITÉ DU TRIANON

    Pendant ce temps, les puissances alliées travaillèrent activement au démantèlement de l’Empire austro-hongrois. En 1920 le Traité du trianon fut signé à Versailles. Le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » si invoqué en de multiples circonstances, fut dénié aux Hongrois. Plusieurs millions d’entre eux furent rattachés de force à la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie (la Hongrie perdit ainsi son accès à la mer), l’Autriche (qui n’avait rien demandé) et surtout la Roumanie qui récupéra plus de 100 000 km2 de territoires. L’Autriche fut ensuite le seul pays à accepter un referendum pour la ville de Sopron qui choisit massivement de revenir à la mère patrie hongroise. Au total, la Hongrie perdit les deux tiers de son territoire, passant de 325 000 km2 à 93 000 km2.

    Ce traité du Trianon fut un traumatisme terrible pour la Hongrie qui y perdit les deux-tiers de son territoire. Depuis la chute du communisme, la Hongrie ne cesse de réclamer la révision de ce traité, en vain bien sûr. Des manifestations périodiques ont lieu à Budapest réclamant le retour des provinces perdues. Les hasards de l’histoire firent qu’une forte minorité hongroise habite aujourd’hui dans l’ouest de l’Ukraine. Elle est systématiquement brimée et l’enseignement de la langue hongroise y est régulièrement remis en cause par le sectarisme du pouvoir de Kiev.

    Les errements de l’après-guerre appelaient une remise en ordre. Ce fut l’amiral Miklós Horthy qui s’en chargea. Chrétien convaincu, monarchiste, il remporta les élections de 1920. Il refusa d’en devenir le président et exigea d’en être le régent afin de permettre un éventuel retour de la monarchie. Son gouvernement autoritaire ramena le calme dans un pays ruiné par la guerre et assommé par le traité du Trianon.

    Allié des Allemands pendant la seconde guerre mondiale, Horthy mécontenta Hitler dans son peu d’empressement à appliquer les principes raciaux du IIIe Reich. Déposé puis arrêté par les Allemands, il sera finalement libéré par les Américains et finira sa vie en exil au Portugal, accueilli par Salazar.

    Malheureusement pour la Hongrie, Budapest se trouva sur le chemin de l’Armée rouge en route vers l’Allemagne. Le siège de la capitale dura plusieurs semaines et, à l’issue de terribles combats, les Soviétiques entrèrent dans la ville dévastée et installèrent, comme dans toute l’Europe de l’Est, un gouvernement communiste. La faucille et le marteau ornèrent désormais le drapeau tricolore hongrois.

    La tragédie de 1956

    Mais la Hongrie ne se laisse pas facilement réduire en servitude comme l’a prouvé toute son histoire. En 1956, à la faveur d’un premier ministre moins totalitaire, Imre Nagy, les habitants de Budapest se ruèrent dans la brèche et réclamèrent plus de liberté. L’insurrection prit de l’ampleur, des membres de l’AVO, la police secrète, furent lynchés et la rue prit le pouvoir. Nagy commit alors une faute politique majeure : il annonça la sortie de la Hongrie du Pacte de Varsovie. Jusque-là, les Soviétiques étaient restés discrets. Mais la sortie de l’alliance militaire communiste, architecture de sécurité essentielle face à l’OTAN, était le chiffon rouge qu’il ne fallait pas agiter.

    Le 4 novembre, les chars soviétiques envahirent la Hongrie et, malgré une résistance héroïque, Budapest tomba en quelques jours. Les combats firent 2500 morts côté hongrois, 13 000 suspects furent arrêtés et au moins 200 000 choisirent le chemin de l’exil. Le malheureux Nagy fut pendu à la sauvette. Contrairement à une idée reçue, il ne semble pas que ce soient les Soviétiques qui aient procédé à cette sordide exécution mais plutôt János Kádár, le chef du parti communiste hongrois, désireux de se débarrasser d’un rival très populaire.

    Le communisme goulash

    C’est ce même Kádár qui dirigea ensuite la Hongrie jusqu’en 1988, l’ordre communiste étant restauré. Contrairement aux craintes de la population, sa gestion fut assez tempérée. Il accepta l’émergence d’un secteur privé, usa d’une répression mesurée et mis fin aux persécutions religieuses. Le clergé hongrois se divisa à cette occasion : une partie s’accommoda du régime affirmant que l’essentiel était de pouvoir donner les sacrements aux fidèles tandis que d’autres refusèrent tout compromis. Le célèbre et héroïque cardinal Mindszenty qui fut affreusement torturé après la guerre, réfugié à l’ambassade américaine depuis 1956, fut de ceux-là.

    Le communisme de Kádár fut donc un mélange de principes communistes et de pragmatisme à tel point qu’on l’appela le « communisme goulash », du nom d’une recette de cuisine qui mélange beaucoup d’ingrédients. La Hongrie fut une oasis au sein de ce monde communiste si triste et si gris. Beaucoup d’Allemands de l’Est par exemple, qui ne pouvaient quitter leur pays qu’en allant dans un « pays frère », prirent ainsi l’habitude de passer leurs vacances en Hongrie.

    Peu avant la chute du Mur en 1989, la Hongrie fut le premier pays à laisser entendre que ses gardes-frontières ne tireraient pas sur ceux qui souhaiteraient franchir illégalement la frontière vers l’Autriche. Au printemps, la ligne budgétaire d’entretien de la frontière avec l’Autriche, au coût exorbitant, fut rayée d’un trait de plume. Puis, le 27 juin, les deux ministres des affaires étrangères autrichien et hongrois découpèrent à la cisaille quelques barbelés obsolètes devant les caméras du monde entier. Le 19 août 1989 enfin, plusieurs centaines d’Allemands de l’Est organisèrent un pique-nique géant le long de la frontière autrichienne. Un mouvement de foule se produisit, les gardes-frontières hongrois regardèrent ailleurs et ce fut le début d’une ruée vers l’Autriche qui ne fit que s’amplifier au fil des semaines. Cette journée mémorable fut appelée « le pique-nique des Allemands de l’Est ». Le Mur tomba le 9 novembre suivant comme un fruit mur. La Hongrie avait ouvert la voie.

    Tout le système, vermoulu, s’effondra et les premières élections libres se déroulèrent en 1990 et portèrent au pouvoir une coalition centriste.

    C’est alors qu’un jeune étudiant fit ses premiers pas en politique à Budapest. Il s’appelait Viktor Orbán et avec quelques amis, créa un parti, le Fidesz. La doctrine de ce petit parti n’avait qu’un lointain rapport avec celle d’aujourd’hui. Protestant non pratiquant, plutôt libertaire, rien ne laissait prévoir que Viktor Orbán évoluerait vers un nationalisme chrétien qui séduirait le peuple hongrois, à l’exception de celui de Budapest, très occidentalisé.

  • Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (46, 2/2)...

    (Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP : contribution, commentaires, informations, renseignements, prêt de photos etc... bienvenus; retrouvez l'ensemble de ces documents dans notre Catégorie : Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP)

     

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    47 (2/2) : Engagements et fidélités au Royalisme dans l'URP et dans l'Action française, et même bien avant, en remontant le temps... (suite et fin de l'hommage entamé le 20 avril dernier) :

    "Ici, chez moi, la République s'arrête à la porte !..."

    Le 20 avril dernier - jour anniversaire de la naissance de Maurras - j'ai voulu rappeler un "Témoignage d'estime et d'affection réciproques d'un martégal royaliste, "blanc du midi" à un autre martégal royaliste et "blanc du midi"..."

    Je l'ai fait en partant de la copie d'un portrait de Maurras, réalisé à la plume et à l'encre de Chine, sur un papier velin, présenté à Maurras - qui le lui a dédicacé - par mon père, le jeune Camelot du Roi Pierre Davin, fils du Camelot Émile Davin, l'un des neuf fondateurs de la section d'Action française de Martigues (la section de Charles Maurras...), dans les années 1910...

    Détail de la dédicace :

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    Voici aujourd'hui - jour anniversaire de l'entrée de Maurras dans la Vie - la seconde partie (et la fin) de ce témoignage et de cet hommage; simplement élargi, de mon père seul,  à mes deux familles, paternelle et maternelle, et aux ancêtres de celles-ci, où l'on ne comptait que des "blancs du Midi" : tous fidèles à la Cause, d'abord, puis à Maurras (et à l'Action française) lorsque celui-ci parut...

    C'est donc d'un hommage familial et inter-générationnel - pardon si le ton est un peu pompeux... - qu'il s'agit aujourd'hui, pour bien montrer les engagements et fidélités de royalistes à travers le temps : dans mes deux familles, en effet, mes deux grands-parents parlaient de leurs propres parents et grands-parents, ultra royalistes et catholiques : ce qui nous ramène aux temps heureux de Louis-Philippe et Charles X, lorsque notre Royauté traditionnelle 6 et non cet actuel Système qui la tue dirigeait la France, pour son plus grand bien...

    C'est cette fidélité que je veux dédier aujourd'hui - en ce jour où l'on fait mémoire de son départ - à celui qui, "comme Socrate, connut la colère de la Cité", tout simplement à cause du "combat qu'il soutint... pour une Patrie, pour un Roi, les plus beaux qu'on ait vus sous le ciel : la France des Bourbons, de Mesdames Marie, Jeanne d'Arc et Thérèse, et Monsieur Saint-Michel..."

     

    François Davin (suite et fin)

    1. Dans ma famille paternelle, à Martigues, "du côté de chez Maurras" (pour paraphraser Proust) dont nous étions voisins à tous les sens du terme : géographique, amical mais, surtout, et bien entendu, politique...

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    À trois cent mètres, à peine, de la Bastide du Chemin de Paradis, mais dans l'Île, notre maison à Martigues (mon père est né dans la pièce du premier, fenêtre de gauche...); vue imprenable sur Ferrières et "le Chemin de Paradis", sa Bastide de Maurras...

    D'une famille de pêcheurs, mon grand-père Émile s'essaya à la "carrosserie" (on était aux débuts de l'automobile...) mais revint vite à son premier métier. Il était du genre "costaud/armoire à glace". Mon père m'a souvent raconté comment, lors des manifs d'AF, dans une ville, hélas, déjà très à gauche, il se mettait, avec le boucher et le boulanger, eux deux très "costauds" aussi, et d'AF, en tête du cortège, "bras dessus bras dessous" tous les trois, le reste derrière : et, finalement, malgré les coups et les cris, les insultes et quolibets, le cortège finissait toujours par "passer"...

    Est-ce lui ou mon père qui est à l'origine de la phrase que j'ai choisi comme titre de cet hommage ? Toujours est-il qu'elle est dans notre tradition familiale, et c'est bien, sinon le plus ancien, du moins l'un des plus anciens et des tous premiers souvenirs que j'ai, tout enfant, aussi loin que je remonte le temps et que je recherche dans ma mémoire : je prolonge cet engagement et, chez moi aussi, aujourd'hui et toujours, cela n'a pas changé : chez moi, chez nous, la République s'arrête à la porte !

    Mon grand-père fonda, avec neuf autres, la section d'Action française de Martigues, celle de Charles Maurras...

    Ma grand-mère s'appelait Thérèse Mégy : très ancien patronyme provençal, que Mistral cite dans Le Trésor du Félibrige, le rattachant à la racine "médecin" et écrivant, d'une façon plaisante, en parlant de ses multiples variantes : "noms de familles méridionaux"...

    Je conserve aussi précieusement que pieusement le Livret de famille d'époque (une sorte de document historique) ainsi que le Titre de propriété de la concession perpétuelle de la famille Mégy/Davin, dans le cimetière Saint Joseph, Quartier de Ferrières, à un jet de pierre de "chez Maurras", où reposent mes parents et ancêtres : les Anthelme, Meiji, Davin, Delanglade et autres alliés ou apparentés... On sait que Maurras est enterré à Roquevaire, avec son père et sa mère ainsi que son frère; mais son coeur est à Martigues, dans "son" jardin; on aperçoit ici le "petit monument de marbre", dans l'espace laissé libre, en-dessous des deux balustrades :

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    Voilà pourquoi il écrit, dans son magnifique poème "Où suis-je" :

    "...Ô, jardin de Ferrières, qui fleurira sur mon sommeil... !"

    En étendant un peu ses branches, le "jardin de Ferrières" fleurit aussi sur le sommeil de ces familles amies, ainsi toujours voisines, et restées proches de Maurras; "proches", à tous les sens du terme...

    Mon père quitta Martigues très tôt, d'abord pour travailler à l'Arsenal de Toulon (puisqu'il avait de réels talents de dessinateur) puis se fixa à Marseille, où il devint voyageur de commerce (c'était le terme de l'époque; on dira, après, "représentant"...) pour la marque Germidor. Camelot à Marseille, il était très souvent "dans le train", et donc à Paris, le réseau centralisé autour de la Capitale l'étant encore plus à l'époque : il se fit affecter à l'équipe des vendeurs volontaires d'AF de La Trinité.

    Je garde également sa fleur de lys personnelle, que l'on peut trouver relativement facilement sur divers sites... :

    1AAAAAA.jpg...mais surtout cet autre "insigne", plus curieux, qui fut utilisé à Marseille et dans l'URP (en tout cas par mon père, même je ne sais pas s'il le fut ailleurs) et qui est plus difficile à trouver aujourd'hui : quelque chose qui évoque la pièce de dix sous :

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    Après la scandaleuse machination de Blum, qui aboutit à la dissolution de la Ligue d'Action française et des Camelots, en 36, ceux-ci ne perdirent pas leur bonne humeur ni leur sens de l'humour pour autant : ils arborèrent donc fièrement la pièce de dix sous, pour "dissous" !

    À partir de février 36, mon père a porté l'épinglette ci-dessous pendant quelques années - notamment lors des ventes du journal, de La Canebière à... La Trinité ! :

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    P.S. : Cependant, si ma famille paternelle est bien "de Martigues", et depuis des générations, une branche quitta la ville pour s'installer à Toulon, au début du siècle dernier : c'est grâce à elle que mon père obtint son premier emploi, à l'Arsenal (il avait - comme on le voit avec le portrait de Maurras - un réel don pour le dessin); son adresse était, alors, "Villa Les Olivettes - Chemin Foulcon, Petit-Bois, Cap brun".

    Il y eut trois enfants dans ma famille martégale : deux garçons (Raoul et mon père) et une fille, Noëllie. Raoul quitta très vite la Provence, attiré par l'Hôtellerie-Restauration; mon père vint se fixer à Marseille, après avoir rencontré et épousé ma mère; et ma tante Noëllie, à force d'aller à Toulon, visiter notre "branche exilée", y rencontra Tòni Rufo, un artisan boulanger-patissier, qu'elle épousa, se fixant elle aussi, à son tour, à Toulon. Du coup, restés seuls à Martigues, mes grands-parents vinrent aussi s'installer à Toulon, où ils aidèrent à la boulangerie familiale, quartier des Routes. Mais, malheureusement, nous perdîmes, à cette occasion, notre belle maison du 2 Quai Kléber, à Martigues, idéalement située, dans l'Île, juste en face de "chez Maurras", notre voisin de trois cent mètres; une maison que nous tenions de la famille de ma grand-mère, Thérèse Mégy...

    Ma famille toulonnaise était évidemment restée ardemment royaliste, comme en témoigne cette annonce, parue dans L'Action française (dans la chronique quotidienne "Ligue d'Action française") :

    • À Toulon, dans le numéro du Dimanche 20 Février (page deux), l'Union Fraternelle de Prévoyance de l'Action française a renouvelé son bureau... :

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    Mais, malgré cette "escapade toulonnaise", notre lieu de mémoire familial, à savoir notre concession perpétuelle de la famille "Mégy/Davin" reste bien à Martigues, au Cimetière Saint Joseph, lui aussi à un jet de pierre de "chez Maurras" : on sait que le coeur de Maurras est dans son jardin, et donc, "voisins de trois cent mètres" au sud, lorsque nous étions au 2 Quai Kléber, nous restons "voisins de trois cent mètres" de Maurras, au nord cette fois... et le "jardin de Ferrières / qui fleurira sur mon sommeil...", en étendant un peu ses branches, fleurit aussi sur le sommeil des ces familles amies de Maurras, qui ne l'ont jamais abandonné...

     

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    2. Dans ma famille maternelle, même fidélité au royalisme, puis à Maurras et à l'AF : la Grande Guerre, une amitié solide avec Boutang, une ruse astucieuse pour contourner les iniques sanctions vaticanes de 26...

    On n'était pas de Martigues, mais de Marseille et La Ciotat chez mes grands-parents maternels.

    Abonnée à l'AF, ma famille connut, comme tout le mouvement, le grave dilemme de la Guerre : se battre, évidemment, mais en sachant pertinemment que la Victoire renforcerait la jeune République... Le débat fit rage chez nous, comme chez tous les autres, d'autant plus que mon oncle Georges, qui était dans ses vingt ans, allait partir (du côté paternel, mon père était né en 1906...). Il ne devait pas en revenir, comme la moitié des Camelots qui s'en allèrent au combat. Marcel Pagnol, dans son magnifique roman L'eau des collines (dont on a tiré les deux films non moins magnifiques Jean de Florette et Manon des sources) a peint le personnage de Lili des Bellons, né dans la colline, au milieu des senteurs du thym et des romarins : comme lui, mon oncle Georges est parti mourir, à vingt ans, là-haut, du côté des Ardennes, et, né dans l'odeur de la sariette et des lavandes, il est tombé "au milieu de plantes dont il ne connaissait pas le nom...".

    Un autre de mes oncles, Jean Delanglade, fut le condisciple de Boutang à la rue d'Ulm : ils nouèrent entre eux une amitié qui dura jusqu'à la mort, bizarre et suspecte, de mon oncle, en Algérie, et cette amitié ne se démentit pas le moins du monde lorsque mon oncle, changeant radicalement de cap, devint... Jésuite ! Il termina en 1952 son ouvrage, intitulé De l'homme à Dieu, ce qui était un titre évidemment bien meilleur, bien plus "dynamique", que celui choisi finalement; mais la Compagnie, pour des raisons que mon oncle ne m'a jamais dites, ne lui a donné l'autorisation de le faire paraître qu'en... 1962 ! Durant ces dix années d'attente, ce qu'il craignait arriva, et le titre premier fut "pris" par quelqu'un d'autre...

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    Après avoir obtenu mon Capes d'Espagnol/Provençal, je fus nommé dans l'Académie d'Amiens, à Beauvais : autant dire que j'étais quasiment aussi souvent à Paris que là-bas, et la mort inopinée, et suspecte, de mon oncle - que la Compagnie avait, donc, envoyé dans l'Algérie indépendante - fut l'occasion de ma première rencontre avec Boutang. Celui-ci donnait une conférence, un samedi après-midi, rue Saint Jacques. Retenu à Beauvais en début d'après-midi, j'arrivai à Paris à la fin de la réunion; beaucoup de monde se pressait à la table de Boutang, et j'attendis un bon moment, puis, voyant qu'il allait partir et qu'il y avait toujours du monde devant moi, je lançai, sans crier malgré tout : "Monsieur Boutang, je suis le neveu de Jean Delanglade". "Qui a parlé" s'écria-t-il, et, là, ceux qui étaient devant moi furent bien obligés de me laisser un petit passage; Boutang vint vers moi, m'embrassa et me demanda "Comment va-t-il ?" Je lui appris la nouvelle : "Ils l'ont tué !" Et, en effet, c'est ce que nous pensions tous, car mon oncle (exactement du même âge que Boutang) était en parfaite santé; les autorités algériennes prétendirent qu'un poêle mal réglé aurait laissé échapper des vapeurs : ben, voyons !.... Je profitai de l'instant pour demander à Boutang s'il accepterait de nous recevoir (avec un autre) pour un entretien, au sujet de son Reprendre le pouvoir, qui était sorti peu de temps auparavant, ce qu'il accepta, et ce fut ma deuxième rencontre avec lui; à partir de là, il se mit à me tutoyer, ce qui me toucha beaucoup (1)...

    Il ne me reste plus à évoquer, pour clore ce trop rapide rappel de la fidélité à la planète Maurras, dans mes deux familles, que la ruse astucieuse dont usèrent mes grands-parents maternels pour contourner les iniques sanctions vaticanes, en 26. Impossible, pour eux, ultra-catholiques, de désobéir au Pape, même si son "ordre" (!) était manifestement injuste. Pas question cependant de priver Maurras et l'AF d'un abonnement. La décision fut rapidement trouvée : maintenir l'abonnement et recevoir, donc, quotidiennement le journal, mais sans l'ouvrir, en le déposant dans le tiroir d'une armoire, en attendant la levée des sanctions, que l'on espérait simplement temporaires... Hélas, le temps passa et Pie XI resta inflexible. Il porte une lourde responsabilité dans l'avènement d'Hitler, par ce coup de couteau dans le dos porté à l'AF qui menait la croisade contre lui... Le tiroir devint rapidement plein, et il fallut en ouvrir un autre, puis encore un autre... Ce fut finalement toute l'armoire qui fut remplie, mais mes grands-parents ne lâchèrent pas. Et, pour paraphraser Malherbe, enfin, Pie XII vint !

     

    Voilà, comme une sorte de bouquet, en guise d'hommage au Maître, un peu de vie redonnée à quelques unes de ces familles ("l'AF c'était dix mille familles", disait Boutang...) pour qui la fidélité à Maurras et à la Cause fut et resta sans faille...

    Avec lui, elles ont mené les bons combats : aujourd'hui, jour anniversaire, il ne m'a pas paru inutile de les rappeler, un instant...

     

     

    Culture & Action Française • Quand Boutang dialoguait avec François Davin et Pierre Builly...

  • Vient de paraître : Michel Mohrt - Portrait, par Yves Loisel

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    Editions Coop Breizh, 160 pages, 15 euros

     

    Yves Loisel vient de publier un livre sur l'académicien Michel Mohrt, aux éditions Coop Breizh (basées à Spézet dans le Finistère) : "Michel Mohrt - Portrait". Beaucoup, parmi nos lecteurs, se souviendront que, du temps du mensuel Je suis Français, Pierre Builly et François Davin avaient intérrogé Michel Mohrt, ainsi qu'une bonne trentaine d'autres inetllectuels et écrivains, et que l'ensemble de ces entretiens avait constitué une sorte de collection de grand intérêt... 

    Yves Loisel a rencontré Michel Mohrt une dizaine de fois lorsqu'il était journaliste au Télégramme, et l'a longuement interviewé. Son livre retrace les grandes lignes de sa vie et constitue surtout un portrait intellectuel et psychologique.

    Voici l'entretien qu'il a accordé, lors de la sortie de l'ouvrage, au blog des éditions Coop Breizh :

    Originaire de Morlaix, Michel Mohrt (1914-2011) était un écrivain discret. Académicien français, romancier de premier ordre, fin connaisseur de la littérature américaine, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont une quinzaine de romans où s’entremêlent, pour l’essentiel, des épisodes liés à la Seconde Guerre mondiale et les amours, souvent tourmentées, que vivent ses personnages.

    Pour autant, bien que se réclamant de la France conservatrice et même traditionnelle, Michel Mohrt n’a pas écrit des romans à thèse, un genre qu’il désapprouvait : il entendait être, avant tout, un témoin de son temps et un raconteur d’histoires. Qui était donc cet homme élégant à l’allure si britannique ? Un réactionnaire inflexible ? Un anticonformiste ? Un anarchiste désabusé ? Au lecteur de se forger une opinion à travers ce portrait où se révèlent une personnalité riche et un caractère bien trempé.

    L’auteur : ancien journaliste au Télégramme, Yves Loisel est l’auteur de trois ouvrages : * Xavier Grall – Biographie (éditions Jean Picollec, 1989 ; réédition Le Télégramme, 2000);

    *  Louis Guilloux – Biographie (éditions Coop Breizh, 1999);

    * Voix et Visages – Rencontres avec 32 écrivains de Bretagne (Coop Breizh, 2000).

     

    Coop Breizh. Comment vous est venue l’idée d’écrire sur Michel Mohrt ?

    Yves Loisel.  Quand il est mort au mois d’août 2011, j’ai tout de suite pensé qu’il y avait un livre à écrire sur sa vie et son œuvre, tant l’une et l’autre avaient été riches et, par certains côtés, très originales. J’ajouterai que l’homme lui-même était passionnant. Il y avait chez lui des convictions fortement ancrées et, dans le même temps, on le sentait traversé par de nombreux doutes et interrogations.
    Tout en relisant ses romans et ses essais – une trentaine d’ouvrages au total -, je me suis donc replongé dans mes dossiers et me suis aperçu que je disposais d’une abondante documentation. J’avais notamment de nombreux articles de presse le concernant : les premiers remontent à 1989. Pourquoi les avais-je conservés dès cette époque-là, alors que je ne connaissais pas encore Michel Mohrt et que j’ignorais, bien entendu, que j’écrirai un jour un livre sur lui ? Mystère… J’avais aussi de très nombreuses notes personnelles : au total, en effet, je l’ai rencontré – et longuement – à dix reprises, en Bretagne et à Paris. J’avais donc là une mine d’informations, souvent inédites, qu’il me paraissait intéressant de faire connaître au public.

    C.B. N’est-il pas un peu oublié aujourd’hui ?

    Y.L. Michel Mohrt était assurément un homme discret, réservé, qui ne recherchait pas les micros et les caméras ! Il avait été très marqué par la Seconde Guerre mondiale, en particulier par la défaite de 1940 quand l’armée allemande a enfoncé, en quelques semaines, les lignes françaises avant d’occuper le pays. Je crois qu’à ce moment-là, quelque chose s’est brisé en lui. Il n’avait pourtant que vingt-six ans à cette époque mais cette défaite a été le drame de sa vie : il  ne s’en est jamais remis. En outre, elle a influé de façon radicale non seulement sur ses idées mais aussi sur sa personnalité, sa façon de regarder son pays, et même d’envisager la vie. D’où, sans doute, un certain repli sur lui-même et sur des valeurs appartenant à la France d’avant-guerre, ce qui explique sa discrétion et son absence sur le devant de la scène littéraire.

    C.B. Comment définir son œuvre ?

    Y.L. C’est un écrivain talentueux, un excellent romancier. Lui-même se définissait comme « un raconteur d’histoires », et il est vrai que lire Michel Mohrt est un régal ! Son style est léger – dans le bon sens du terme -, ses romans sont vifs, enlevés, bien menés. Ils contiennent beaucoup de dialogues, se lisent très facilement et ses personnages sont finement dessinés. Il n’y pas de longueurs : on y trouve peu de descriptions et encore moins d’analyses psychologiques. Il a cherché à placer ses personnages dans certaines situations et à les faire vivre, évoluer, en fonction des événements, sans jamais les juger ni commenter leur attitude. Mais c’est là une simplicité apparente : d’un roman à l’autre, apparaissent en filigrane des questions récurrentes qui sont autant d’allusions autobiographiques : comment se comporter face aux événements de son temps ? Faut-il s’engager ? Bref, comment vivre ? Surtout, comment être heureux ? A cet égard, les femmes occupent une grande place dans son œuvre car ses héros vivent des amours souvent compliquées !

    C.B. Michel Mohrt était un grand connaisseur de la littérature américaine contemporaine. Pourquoi ?

    Y.L. Aussitôt après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il s’est volontairement exilé aux Etats-Unis. Il était écœuré par les événements auxquels il assistait à Paris à cette époque : l’épuration, les règlements de comptes personnels, les retournements de vestes… Michel Mohrt  se rendait compte aussi que se mettait en place ce qu’il a appelé « une vérité officielle » à laquelle il ne pouvait adhérer : le mythe d’une France qui aurait été résistante dès le début du conflit, unie contre l’occupant, une France qui se serait libérée seule… Tout cela était contraire à ce qu’il avait vu et vécu, et il a donc préféré partir aux Etats-Unis, où il a enseigné et donné des conférences dans plusieurs universités. D’où le thème de l’émigration et du départ, que l’on trouve partout dans ses livres. C’est au cours de ce séjour de sept ans outre-Atlantique qu’il s’est familiarisé avec la littérature américaine, un domaine qu’il a considérablement développé aux éditions Gallimard pour qui il a travaillé pendant près de cinquante ans après son retour en France en 1952. Il a d’ailleurs écrit deux essais, remarquables de finesse, sur les écrivains américains.

    C.B. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur son rapport à la Bretagne.

    Y.L. « La Bretagne ne m’a jamais quitté » : je crois que c’est une des premières phrases qu’il a prononcées devant moi quand je l’ai rencontré pour la première fois à Paris en 1997. Michel Mohrt éprouvait un attachement très fort et sincère pour la Bretagne. Chez lui, ce n’était pas une pose. Du reste, quand on lit ses œuvres, qu’il s’agisse de ses romans ou de ses essais, on s’aperçoit qu’elle est partout présente – par ses paysages, à commencer par la mer, les ports, la navigation à la voile, etc. ; et aussi bien sûr par ses célébrités littéraires, en premier lieu Chateaubriand.
    Dans le même temps, Michel Mohrt était gêné par rapport à la Bretagne : académicien français, lecteur chez Gallimard, il habitait à Paris depuis de longues années, et cette situation ne lui laissait pas la conscience tranquille. Bien sûr, il revenait chaque été dans la maison de famille qu’il possédait à Locquirec, non loin de Morlaix, la ville où il était né. Mais malgré cela, il avait le sentiment d’avoir trahi sa région d’origine en la quittant à l’âge de vingt ans pour aller faire son service militaire dans le Midi. Il était jeune alors et il avait envie de voir du pays…

    C.B. Après vos deux ouvrages sur Xavier Grall et Louis Guilloux, c’est votre troisième biographie d’écrivain. Qu’est-ce qui vous pousse à écrire ce genre d’ouvrages ?

    Y.L. Les écrivains sont des êtres complexes, fragiles, d’une sensibilité à fleur de peau. Leur personnalité est souvent une mosaïque composée de tours et de détours, de contradictions. De vrais labyrinthes, souvent ! Ce qui m’intéresse, c’est de retracer leur parcours, de suivre le cheminement de leurs pensées, d’observer l’enchaînement des événements dans leur vie, de cerner au plus près leur caractère et leur façon d’être, sans porter de jugement sur tel ou tel aspect de leur existence ou de leur caractère.
    S’agissant de mon livre sur Michel Mohrt, on ne peut pas à proprement parler dire qu’il s’agit d’une « biographie ». C’est un portrait – mot qui est du reste le sous-titre qu’on trouve sur la couverture. Rédiger une biographie de Michel Mohrt aurait demandé à rencontrer des témoins (famille, amis, confrères écrivains, collègues de l’Académie française, critiques littéraires, etc.). Ce n’est pas le projet que j’avais en tête. Je pensais plutôt à un livre assez bref où apparaitraient certaines lignes de force, un ouvrage  mettant en lumière les principaux événements de la vie de Michel Mohrt, ses idées sur la société ainsi que les traits marquants de sa personnalité.

  • (Communiqué) Courrier reçu du Carrefour des Acteurs Sociaux (CAS)...

    2014 COMMEMORATION 1914.jpgMadame, Monsieur, 

    Sans doute êtes-vous au courant de l’affaire évoquée dans le document que vous trouverez ci-dessous. Il m’est l’occasion d’une réflexion en lien avec les commémorations prévues en 2014. Je signale au passage que nous venons de prêter la main aux actions ayant visé à reclasser en France (logement, emploi, formation)  les Afghans qui ont été au service de l’Armée français pendant les opérations en Afghanistan. 

    Chez les militaires c’est la première fois depuis les années 60 que la grogne prend un tour politique et je m’en suis aperçu en prenant contact avec les organisateurs des commémorations qui auront lieu en 2014 (commémoration de la guerre 14/18).

    J’ai notamment pris contact au nom de certaines associations franco-africaines qui gravitent dans l’orbite du Partenariat Eurafricain et qui commémorent annuellement les Tirailleurs Sénégalais.

    Les manifestations commémoratives de 2014 verront le budget dégagé par l’Etat au quasi seul service du 14 juillet 2014. Mais le plus important est ailleurs ; ces commémorations n’échapperont pas au maelstrom « sociétal » qui va s’y engouffrer. Déjà, les informations qui nous viennent des « allées du pouvoir médiatique » permettent de discerner  quelques points forts qui seront montés en épingle :

    - Evidemment l’apologie du pacifisme;

    - La réhabilitations des condamnés par les tribunaux militaires;

    - Une campagne baptisant les combattants d’Afrique « les engagés involontaires »;

    - Le reformulation du débat sur l’identité nationale;

    Les points d’applications seront multiples et notamment dans les écoles et les collectivités locales.

    Il n’est pas dans la vocation du CAS d’aller sur ces terrains où du moins de s’y déployer. En revanche il ne lui est pas interdit de sensibiliser son réseau aux enjeux historique et culturel qui se joueront en 2014. J’ai déjà des demandes émanant d’associations africaines gravitant dans l’orbite du Partenariat Eurafricain, de sociétés savantes et d’associations civiques agissant dans les zones difficiles. 

    Je recherche donc quelqu’un disposé à piloter les initiatives que prendront nos membres et d’autres  (choix de conférenciers dans les écoles et les associations ; recension des colloques vers lesquels orienter nos amis ; mise en relation localement avec des autorités militaires ou des associations d’Anciens Combattants, par exemple le Service Historique de l’Armée.

    Bien cordialement, 

    Joël Broquet

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    COMITE VALMY.jpgQuestion au Premier Ministre sur la Syrie :

    Le gouvernement a-t-il présenté un faux à la représentation nationale ?  

    samedi 28 septembre 2013, par Comité Valmy 

    Le comité Valmy recherche un député susceptible de briser l’omerta en posant cette question au 1er Ministre. Quand le gouvernement viole la loi en tentant d’obtenir un consensus du Parlement au moyen d’un faux document dans le seul but d’entraîner la France dans un conflit au bénéfice des auteurs du crime qu’on prétend combattre, les députés sont face à une responsabilité historique : doivent-ils se coucher et accepter honteusement cette manipulation, ou, au contraire, demander des comptes, laver l’honneur de la République, et mettre sous la tutelle des élus de la Nation ce gouvernement qui a fait la démonstration de son irresponsabilité ?

     

    Question au Premier Ministre sur la Syrie :
     Le gouvernement a-t-il présenté un faux à la représentation nationale ?

     

    Monsieur le Premier Ministre,

    Le 2 septembre dernier, avant le débat à l’Assemblée nationale visant à obtenir un consensus sur une intervention militaire en Syrie, vous rendiez public un document déclassifié des services DRM et DGSE, document censé établir la preuve que l’armée régulière syrienne serait l’utilisatrice des armes chimiques contre le peuple syrien, le 21 août 2013.

    Les lecteurs de ce document ne pouvaient qu’être frappés par l’absence de fait précis et la médiocrité de son contenu : après une présentation scolaire laborieuse de l’histoire de l’armement syrien, l’auteur pense pouvoir deviner l’identité des criminels de la seule nature des armes... Comme si toutes les utilisateurs de six coups étaient américains et russes les utilisateurs de Kalachnikov !

    De l’affirmation non étayée que seule l’armée régulière serait en capacité technique de manipuler de telles armes, la représentation nationale devait conclure comme un seul homme à la responsabilité du gouvernement syrien. Pourtant, seuls les "rebelles" avaient intérêt à fournir le prétexte requis par le président Obama pour intervenir militairement. Par ailleurs, ce document occultait la présence d’éléments non syriens parmi les "rebelles", dont certains étaient armés, formés et épaulés par de nombreux services étrangers capables de leur fournir la capacité d’utiliser des armes chimiques, ce qui ruinait le raisonnement précité.

    Depuis le renoncement des États-Unis à l’attaque contre la Syrie, aucun service occidental et anti-syrien n’a été capable d’apporter la moindre preuve tangible de la responsabilité du gouvernement syrien dans les drames du 21 août. A l’inverse, nombre de documents, de témoignages et de faits incontestables tendent à établir la culpabilité d’éléments de la rébellion.

    Sans un salvateur vote à la Chambre des Communes britannique, suivi d’un accord russo-américain, la France aurait été entraînée dans une agression militaire aux risques incalculables, très certainement pour soutenir les utilisateurs des armes chimiques, sur la seule foi de ce document.

    Nous découvrons maintenant que ce document [1] présenté comme émanant des services secrets français porte la signature électronique de M. Sacha MANDEL [2] (« smandel »)et semble bien, en réalité, avoir été concocté par ce conseiller en Communication du Ministre de la Défense.

    L ’introduction précise que « Ce document est constitué de renseignements déclassifiés issus des sources propres françaises. Il repose également sur l’analyse technique approfondie des sources ouvertes réalisée par nos services. » Force est de constater qu’aucun avis de Commission Consultative du secret de la défense nationale n’a été publié au Journal Officiel, seule preuve de déclassification légale de renseignements. [3] La Commission n’a donc pas été saisie, la procédure [4] n’a donc pas été respectée.

    ( "le ministre ne peut déclassifier sans avoir préalablement demandé cet avis, même s’il est favorable à la demande." [5]) L’introduction du document étant mensongère, la question se pose : ces « renseignements déclassifiés » n’existent t-il que dans l’imagination d’un communicant du ministère de la Défense ?

    De quel droit le gouvernement prétent-il présenter aux parlementaires des renseignements déclassifiés sans qu’aucune procédure de dé-classification n’ait existé ? Quelle est la véritable origine de ces pseudo « renseignements déclassifiés » sur la base desquels il fallait déclencher de toute urgence un conflit au conséquences planétaires ?

    Pouvez-vous, monsieur le Premier Ministre, désigner le véritable auteur de ce document ?

    S’agit-il de M. Sacha MANDEL, responsable en communication de M. le Drian ou des services de renseignement, dont la DGSE qui a vu la prise de fonction d’un nouveau directeur [6] la veille de la parution de ce document ?

    S’il s’agit de M. Mandel, les services précités ont-ils accepté d’en porter malgré tout la responsabilité ?

    S’il s’agit des services officiels, pourquoi M. Mandel n’a t-il pas démenti ? Et dans ce cas, des sanctions ont-elles été prises ? Les services ont-ils été appelé à fournir des renseignements de meilleure qualité, au minimum pour que la France ne se trouve pas entraînée dans un conflit en se trompant d’adversaire, sur la base de renseignements erronés ?

    Enfin, en prétendant que ce document essentiel émanait des services DRM et DGSE, qu’il contenait des « renseignements déclassifiés », le gouvernement a t-il présenté un faux à la représentation nationale ?

     

    Notes

     

    [1] -Document sur le site du Premier Ministre

    [2] -Organisation du cabinet du ministre de la Défense

    [3] -CODE DE LA DÉFENSE : Commission consultative du secret de la défense nationale

    [4] -Rapport de la CCSDN, procédure page 73

    [5] -"Secret Défense" sur le site du Secrétariat Général pour l’Administration

    [6] -Décret du 22 août 2013 portant nomination d’un directeur à la direction générale de la sécurité extérieure - M. BIGOT (Christophe)

    Appel du Comité Valmy :
    > Construire un front républicain, patriotique, anti-impérialiste et de progrès social !

  • A lire dans L’Express : Des Hommes et des dieux: ”C'est autant un film sur la foi que sur le doute”

                 Michel Eltchaninoff (1), philosophe et rédacteur en chef adjoint de Philosophie magazine a décrypté le succès du film de Xavier Beauvois ( 2.114.868 entrées au 14 octobre !...).

                 Morceaux choisis....

    TIBEHIRINE FIGARO MAG.jpg

    La Une du Figaro Magazine du samedi 16 octobre 

    Gillou : Des Hommes et des dieux semble ne rien imposer et se contenter de proposer à réfléchir... La recette du succès ?

    Vous avez mille fois raison. C'est autant un film sur la foi que sur le doute. On assiste, au plus près des différents moines de ce monastère, au cheminement personnel de chacun. Il y a les convaincus, comme Christian, qui veut seulement recevoir le plein assentiment de ses "frères". Mais il y a ce vieux médecin merveilleusement joué par Michael Lonsdales, qui veut continuer à faire son devoir. Il y a celui qui doute dans la douleur, le frère Christophe incarné par Rabourdin... Il y a ceux qui se cachent au moment où ils devraient être courageux... Ceci répond, il faut bien le dire, au message religieux du christianisme. On sait que l'apôtre Pierre a renié le Christ. Et que Jésus lui-même, sur la croix, a demandé à son père pourquoi celui-ci l'avait "abandonné". Bref, ce film montre que dans tout acte "héroïque", il y a une part de doute, d'incertitude. C'est, je pense, cet équilibre très subtil entre courage et doute, où l'un et l'autre ne s'excluent pas, qui a plu aux spectateurs fatigués des messages simplistes.  

    Mami : Les catholiques ont-ils contribué au succès du film de Xavier Beauvois ?

    D'après ce que je sais, le film a été montré, en amont, aux autorités religieuses catholiques. Les chrétiens, plus largement, ne peuvent qu'être intéressés par le film. Mais son succès dépasse considérablement une communauté de croyance. Ce qui fait sa force, c'est qu'il peut être vu avec un oeil croyant comme avec un oeil agnostique, ou même athée. Des Hommes et des dieux est un film sur la religion, ses rituels, sa pratique, la croyance qui la soutient. Mais ce n'est pas à proprement parler un film religieux. On n'y voit pas de miracle - comme dans Ordet de Dreyer ou Stromboli de Rossellini. On y voit des hommes faire ce qu'ils peuvent avec leur engagement et leur foi. Ils font beaucoup. C'est pourquoi ce film intéresse à mon avis, et touche, tous ceux qui ne peuvent se satisfaire d'une vision matérialiste ou intéressée de l'homme et des rapports humaines.  

    On y voit des hommes faire ce qu'ils peuvent avec leur engagement et leur foi

    Lilou : Est-ce, selon vous, un film "providentiel" ?

    On peut prendre le terme de "providentiel" dans plusieurs sens. C'est sans doute un film providentiel dans le paysage de la culture d'aujourd'hui. Qu'un film "d'art et d'essai", parfois austère, parfois difficile, en tout cas pas racoleur, soit vu par deux millions de personnes en France et apprécié, on peut dire que c'est providentiel. Cela signifie que nous ne nous contentons pas de programmes télévisuels débilitants ou de films à grand spectacle. Dans un autre sens, ce n'est pas un film sur la Providence avec un grand P car le divin n'intervient guère. Ce sont les hommes, leurs croyances, leurs doutes et leur courage qui sont mis en avant.  

    Gui2om : Au sujet du film, vous parlez d'un "courage de proximité". C'est-à-dire ?

    Le courage était une grande vertu dans l'Antiquité. Elle était réservée aux "beaux et aux bons", aux guerriers, aux aristocrates, aux "âmes bien nées". C'est le courage d'Achille combattant les Troyens. Bref, c'était très beau, mais un peu, disons, "excluant" pour les gens comme tout le monde. C'était un courage réservé aux héros. Or, à partir du XVIIIe siècle, des âges démocratiques, des âges de masse, l'héroïsme à l'ancienne paraît bien nobiliaire, bien inégalitaire, bien masculin aussi. Dans une société démocratique, on préfère ceux qui aident et participent à ceux qui se parent avec orgueil de la vertu du courage. Mais une société sans courage risque de devenir une société sans idéal, sans force, sans saveur. C'est pourquoi il est si vital de concilier la vieille vertu du courage et la vie ordinaire. C'est ce que font ces moines. Ils ne se prennent pas pour Lancelot du Lac ou De Gaulle. Ils ne sont pas des guerriers. Mais ils savent, au moment où il faut, dire qu'ils ont le choix de refuser ce qui leur paraît inacceptable. Sans effets de manche, ils savent se montrer fermes dans les situations les plus quotidiennes : soigner ou protéger quelqu'un, ne pas baisser la tête. Bref, ils n'incarnent ni un courage de la supériorité et de la distance, ni une indifférence molle à l'autre, mais un courage de proximité. C'est aussi la redécouverte de cette vertu qui explique peut-être le succès du film. Entre le cerveau et le sexe, il existe une faculté qui consiste ni à réfléchir ni à désirer, mais à s'indigner de ce qui est scandaleux ou médiocre. Les Grecs appelaient cette faculté le thumos, un souffle qui vient du coeur. Le mot courage vient du mot "coeur". Des Hommes et des dieux est à mon avis un film sur ce courage du coeur.  

    Des Hommes et des dieux est un film sur ce courage du coeur.

     

    tibbhirine.jpg

     

    Les chrétiens, plus largement, ne peuvent qu'être intéressés par le film. Mais son succès dépasse considérablement une communauté de croyance.  

     

    Hortensia : S'agit-il, en allant voir ce fim, d'une recherche de spiritualité? D'une manière de s'extraire de notre quotidien ?

    Il s'agit à coup sûr d'une recherche de spiritualité, du refus d'une vision purement matérialiste et intéressée du monde. Mais cette spiritualité n'a rien de dogmatique ni d'intolérant. Ces frères sont fermement ancrés dans leur foi. Cela ne les empêche pas d'exprimer leur spiritualité par la pratique - le travail, le service, des exercices quotidiens. Cela ne les empêche pas de discuter, de rechercher un consensus. C'est une spiritualité authentiquement démocratique. Du coup, ils ne refusent pas le quotidien - et c'est là où je suis en désaccord avec votre seconde formulation. Ils réorganisent un quotidien cohérent, empli de sens, à partir de priorités bien définies, notamment le service à autrui. Ils donnent sens au quotidien à partir de valeurs.  

    Karolina : Pourquoi à votre avis, les Français ont préféré Des hommes et des dieux à Hors-la-loi ? Cela ne marque-t-il pas le fait que la France n'a pas envie de s'intéresser aux travers de son histoire coloniale ?

    Il est probable que le rôle de la France dans son histoire coloniale est encore très douloureuse, et que nous avons parfois du mal à la regarder en face. Surtout lorsque les politiques s'en mêlent et veulent confisquer aux historiens et à la société le regard sur les méfaits de la colonisation. Mais Des Hommes et des dieux n'est pas non plus un film complaisant. Ces moines sont des exceptions. Les autorités leur conseillent, au nom de la raison, de partir. Ils décident de rester. Et leur acte de courage révèle, en creux, l'attitude raisonnable mais moins admirable de tous les autres. Enfin, c'est un film qui permet plusieurs lectures quant à la vérité sur le massacre des moines de Tibéhirine. S'agit-il d'une manipulation? d'une bavure? D'un acte terroriste de la part des GIA? On sait que cette affaire empoisonne encore les relations entre la France et l'Algérie. Bref, je ne pense pas du tout qu'il s'agisse d'un film réconfortant. C'est plutôt une oeuvre qui nous invite à nous poser cette difficile question: et moi? Qu'aurais-je fait à leur place. Le courage de ce film est moral, donc universel.  

    Laurence : Pourquoi cherche-t-on absolument à faire décrypter le succès du film Des hommes et des dieux par des sociologues, philosophes et autres intellectuels. N'est ce pas tout simplement d'abord et avant tout un bon film ?

    C'est un excellent film. Mais il y a malheureusement beaucoup de très bons films, de très bons livres, qui ne rencontrent aucun succès. J'adore personnellement les films de Sokhourov ou de Iosseliani, mais il faut bien dire qu'on ne trouve guère 2 millions de personnes pour aller les voir. A l'inverse, il y a énormément de navets qui marchent du tonnerre. Ce qui est l'exception davantage que la règle, c'est lorsqu'un "excellent film", avec une mise en scène rigoureuse qui ne joue pas mécaniquement sur les émotions, avec des acteurs qui n'en font pas des tonnes, rencontre un large succès public. Du coup, cela m'intéresse aussi comme philosophe de comprendre, même un tout petit peu, le sens de cette belle rencontre entre un film exigeant et un large public. Et ce que je crois voir, c'est non seulement une vague "quête de sens" dans un monde déboussolé par la mondialisation, mais l'aspiration à un spirituel renouvelé et à une vertu antique, souvent oubliée dans les âges démocratiques: le courage.  

    Le courage de ce film est moral, donc universel

    Petit malin : Je n'ai pas encore vu Des Hommes et des dieux. Trois bonnes raison d'aller le voir ?

    1. C'est un film qui va au fond de ce qui fait que nous sommes des hommes: à quoi croyons-nous? Qu'est-ce qui pourrait nous pousser à nous sacrifier, à risquer la mort ? Quelle est la force qui nous anime et qui fait que nous sommes, peut-être, capables de faire de grandes choses ? C'est film qui fouille ce qu'il y a de plus vital, de plus précieux dans l'homme.  

    2. C'est un grand film d'amour : amour de cette nature qui entoure les moines, amour de leur humble vie quotidienne, amour des populations musulmanes qui entoure les moines et qu'ils ne cherchent pas à convertir, mais à comprendre et aider, amour de ce dieu qui leur a tout fait quitter. A noter que cet amour n'exclut pas a priori l'amour "ordinaire", notamment charnel. Avant d'avoir été des moines, ils ont été des hommes : eux aussi sont tombés amoureux et ont connu le plaisir sensible. C'est ce que rappelle très subtilement la séquence du dernier repas des moines ; eux aussi peuvent aimer le plaisir.  

    3. Michael Lonsdale est à mourir de rire (et très très émouvant).  

    Je ne sais pas si je vous ai convaincu, mais vraiment je vous conseille d'y aller.  

    (1) : Michel Eltchaninoff est philosophe et rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine. Il a notamment publié L'Expérience extrême (2010, éditions Don Quichotte).