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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Maurras : censure républicaine

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Maurras est censuré ! Comme du temps des Boches ! Le livre des commémorations nationales de l’année 2018 a été expédié au pilon pour avoir comporté l’annonce du 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain et poète martégal : 20 avril 1868.

    Mme Nyssen, ministre de la Culture, a obtempéré sur le champ à l’ordre venu de politiciens en mal de célébrité et d’officines stipendiées qui sont, comme on ne le sait que trop, les hauts lieux magistériels de la République. Question de foi et de morale : un citoyen n’a pas le droit de penser en dehors du dogme défini et encore moins d’oser regarder au-delà de la règle que lui assigne ledit Magistère.

    L’index est là qui maintient en Enfer ceux qui ne doivent pas en sortir. Non, même pas le purgatoire dont ils risqueraient de se libérer ! Là, c’est définitif. Maurras, c’est le Mal absolu. Comment et pourquoi a-t-il été possible de seulement envisager une telle célébration ? Voilà donc que le Comité des célébrations avec ses sommités a été convoqué à comparaître devant la haute autorité ministérielle pour répondre d’une telle négligence ou, pire, de l’audace d’un tel crime. Nous sommes en 2018 ! Il faut le faire.

    Rappelons, pour les sots qui jouent à l’autorité religieuse et qui prétendent nous régenter, que François Mitterrand plaçait Charles Maurras parmi ses auteurs préférés. Il l’écrit à Anne Pingeot, lettre intéressante que personne n’a jamais citée et où il exprime ses préférences littéraires : de Barrès à Montherlant, en passant par Chardonne et en n’oubliant pas Maurras dont il avait fréquenté l’œuvre, et plus que fréquenté ! Evidemment ! Mitterrand était tout, sauf un cuistre.

    Pompidou, l’un de nos présidents cultivés, non seulement citait Maurras, mais, à la grande fureur des butors de la Gauche salonnarde, lui rendait hommage : dans Le nœud gordien, dans son dernier discours à Sciences-Po. Il considérait le Kiel et Tanger de Maurras comme un livre majeur pour la compréhension de la politique extérieure française. Lequel de nos censeurs ignares en connaît même le titre ? Charles de Gaulle avait dans sa bibliothèque les œuvres de Maurras et n’a pas manqué avant guerre de lui dédicacer ses livres. André Malraux, jeune homme, donnait une préface chaleureuse à Mademoiselle Monk de Charles Maurras.

    Avant-guerre, pas un écrivain, pas un homme d’esprit, à l’exception de quelques envieux, qui ne se flattât d’avoir une relation avec l’écrivain de style puissant et le penseur de haute volée : de Barrès à Anatole France, de Proust à Apollinaire. Il avait pour compagnon Léon Daudet et Jacques Bainville.

    Presque toute la jeune génération littéraire de l’entre-deux guerres a reconnu devoir son initiation intellectuelle à l’homme qui avait offert son génie à la postérité : de Maulnier à Boutang, de Bernanos à Brasillach. Combien d’académiciens lui sont restés fidèles : de Massis à Lévis-Mirepoix, de Bordeaux à Déon, de Gaxotte à Michel Mohrt ! L’Académie française s’est honorée en refusant de le remplacer de son vivant. Et les Français se laisseraient dicter leur goût, leur choix par une petite bande de corniauds incultes. C’est donc ça, la République ? Celle qui envoie Chénier et Lavoisier à l’échafaud !

    Pourquoi tant de haine ? C’est la vraie question. Question bien connue des honnêtes gens et il en reste en France malgré tout. La bêtise et la méchanceté n’ont qu’un seul talent : déceler, sentir leur adversaire, sorte d’hommage que le vice rend à la vertu.

    Charles Maurras est trop haut pour eux, trop profond aussi, trop vrai surtout. Le mensonge ne peut supporter la lumière. « C’est un abri et un bouclier que la lumière ; elle est impénétrable aux curiosités du commun. Les mystères qu’elle recouvre ne seront jamais divulgués. Je lui ai confié les miens » écrivait Charles Maurras en 1894 dans la préface à son Chemin de Paradis.

    Puisse cette lumière jaillir quelque jour pour nous sortir de l’Enfer où la satanique imbécillité à l’intention de nous enfermer pour toujours, et pour nous entraîner sur son chemin de gloire jusqu’aux portes du Royaume.  ■ 

    Hilaire de Crémiers

  • Maurras et le Fascisme [4]

    « La conception fasciste de l’État rejoint étrangement la pratique stalinienne »

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Pourtant, c’était Mussolini et non point Maurras qui avait affirmé : « Nous qui détestons intimement tous les christianismes, aussi bien celui de Jésus que celui de Marx, nous gardons une extraordinaire sympathie pour cette reprise, dans la vie moderne, du culte païen de la force et de l’audace. » M. Gaston Rabeau n’ignorait certes pas cette déclaration de principe, puisqu’elle date du 1er décembre 1919. Pas davantage, il ne lui était possible d’ignorer que Mussolini, alors qu’il affichait des velléités littéraires, avait composé un roman pornographique, tout rempli d’injures pour la religion. Il est vrai que la démocratie-chrétienne devait éprouver plus de mansuétude pour le fascisme que pour l’Action française, pour cette bonne raison que l’Action française se voulait contre-révolutionnaire, tandis que le fascisme s’inscrivait dans le grand mouvement de l’action subversive. 

    Dans un essai beaucoup plus récent, puisque publié trente ans plus tard, un autre démocrate-chrétien, M. Henri Lemaître, distingue également fascisme et nationalisme. L’honnêteté commande de reconnaître qu’il le fait dans un esprit tout différent de celui de. Rabeau. Il remarque que le nationalisme « se présente comme un traditionalisme, comme un effort pour perpétuer un héritage historique, cet héritage étant le plus souvent légitimé par des références à des valeurs transcendantes, politiques, morales, religieuses... Le fascisme, au contraire, conçoit la nation non pas essentiellement comme un héritage de valeurs mais plutôt comme un devenir de puissance ... L’histoire n’est plus alors comme dans le nationalisme considérée comme une fidélité, mais comme une création continue, qui mérite de tout renverser sur son passage de ce qui peut lui résister, et comme une action délibérée du devenir humain. » 

    Le problème est posé dans ses justes termes. M. Henri Lemaître définit du reste le fascisme comme « un socialisme pur dans la mesure où il se charge de l’immédiate réalisation historique du dynamisme social...» M. Lemaître témoigne, en l’occurrence, d’une probité intellectuelle assez rare. Il est devenu en effet habituel de masquer la réalité idéologique du fascisme depuis que la gauche internationale, pour des raisons d’opportunité politique, est devenue résolument antifasciste, ce qu’elle n’était pas primitivement, du moins sans son ensemble, ainsi que le prouve l’exemple de M. Rabeau, qui d’ailleurs n’est pas isolé, car dans les premiers écrits du fondateur d’Esprit, Emmanuel Mounier, on trouverait de même une admiration mal dissimulée pour l’éthique mussolinienne. 

    mussolini.jpgQue le fascisme soit un socialisme pur, on en trouve la preuve dans le texte fondamental publié par Mussolini, après la prise de pouvoir, sous le titre Doctrine du fascisme. Mussolini affirme que « le fascisme ne fut pas le fruit d’une doctrine déjà élaborée ensemble : il naquit d’un besoin d’action et fut action ». (photo) Ce qui revient à transposer la célèbre maxime marxiste sur la priorité de la praxis. Mussolini ajoute aussitôt que toute « doctrine tend à diriger l’activité des hommes vers un objectif déterminé, mais l’activité des hommes réagit sur la doctrine, la transforme, l’adapte aux nécessités nouvelles ou la dépasse. La doctrine elle-même doit donc être non un exercice verbal, mais un acte de vie... » L’empirisme total dont M. Rabeau faisait gloire au dictateur italien ne constitue en fait que l’expression de la dialectique marxiste de la praxis (c’est-à-dire de l’activité des hommes) et de la theoria (c’est-à-dire de la doctrine). Ainsi, Mussolini, alors même qu’il rompait de la façon la plus spectaculaire avec le socialisme, continuait de penser au moyen des catégories intellectuelles forgées par Marx. 

    Il n’est donc pas surprenant que les deux valeurs auxquelles le fascisme accorde la primauté, le travail et la guerre, soient empruntées au marxisme.Marx, lui aussi, soutient que le progrès se fonde à la fois sur l’activité de l’homme en tant que producteur (c’est l’aspect matérialiste de la doctrine) et sur la lutte des contraires (ce qui est son aspect dialectique). Sans doute pourrait-on objecter que Mussolini se proclame « spiritualiste ». Il s’agit d’une simple habileté tactique, destinée à rassurer les masses catholiques. Le fascisme exalte non pas l’esprit, mais la vie qui n’est qu’une forme de la matière ou, en termes marxistes, que la matière devenue action. 

    Pas davantage, nous ne devons-nous laisser abuser par le fait que Mussolini répudie la lutte des classes. Il se contente de la situer à un autre plan, par l’opposition des « nations bourgeoises » et des « nations prolétariennes » Bien loin de se séparer du marxisme, il se borne à le « réviser », et sur ce point, il apparaît comme un précurseur. En effet, le léninisme, plus lentement sans doute, a évolué dans le même sens. Actuellement, c’est moins sur la lutte des classes que sur les luttes nationales entre États capitalistes et Pays sous-développés que le communisme compte afin d’assurer la domination mondiale de la Révolution. 

    800px-Italian_Empire.pngLa conception fasciste de l’État, « en tant que volonté éthique universelle » rejoint étrangement la pratique stalinienne, qui lui est contemporaine. Mussolini, à l’inverse de Maurras, soutient que l’État n’est pas au service de la nation, mais qu’au contraire, la nation représente un simple instrument de l’État car elle est créée par lui. C’est lui qui « donne au peuple conscience de sa propre unité morale, une volonté et par conséquent une existence effective ». L’État fasciste s’affirme impérialiste (carte), et Mussolini se plaît à exalter l’exemple de Rome. En réalité, c’est d’un impérialisme de type nouveau, d’un impérialisme beaucoup plus idéologique que territorial qu’il s’agit. « On peut concevoir, écrit-il, un empire, c’est-à-dire une nation qui, directement ou indirectement, guide d’autres nations, sans que la conquête d’un kilomètre carré de territoire soit nécessaire... » Il est donc en droit d’affirmer le 27 octobre 1930 dans le « Message pour l’An IX » que le fascisme italien dans ses institutions particulières est universel dans son esprit. Tout comme la nation russe pour Staline, la nation italienne constitue, pour Mussolini, le moyen d’imposer au reste du monde sa conception de la Révolution.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]

  • Maurras toujours vivant

     

    Par Hilaire de Crémiers

    2293089609.14.jpgCet article et le suivant sont préparatoires à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin].   LFAR

     

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    Maurras ? Encore ? On croyait avoir oublié ce nom. Il n’était cité que comme exemple de ce qu’il est interdit de penser. Une fois que son nom était prononcé, il n’y avait plus qu’à mettre la main sur la bouche. Les autres auteurs réprouvés, journalistes ou écrivains, ça pouvait passer… mais lui, non ! 

    Et voilà qu’on s’aperçoit que ce nom voué officiellement à toutes les malédictions continue d’exercer, encore et toujours, dans une société en désarroi, sur une jeunesse curieuse et avide de compréhensions politiques, un attrait pour le moins étonnant et qui ne cesse de surprendre les maîtres – ou prétendus tels – de la pensée contemporaine qui l’ignorent superbement dans leur certitude d’en avoir fini avec un tel fantôme. Viendra-t-il encore hanter les nuits de la République ?

    Eh bien, oui, le revoilà ! Il a suffi que son nom fût cité dans le Livre des commémorations nationales de l’année 2018 à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance pour que ce livre fût envoyé au pilon et que l’ostracisme qui frappe le nom exécré fût renouvelé. Rien ne saurait mieux prouver une réelle et prégnante présence qu’un tel rejet ! Et, précisément, le Haut Comité des commémorations avait estimé que le rejeter n’apportait rien et qu’il valait mieux lui reconnaître toute sa place et rien que sa place. Le ministère de la Culture – qui n’a de culture que le nom – sous la pression des aboyeurs de la crétinerie du fanatisme gauchard qui tient lieu d’inquisition officielle, a décidé de le rayer de l’histoire, de lui dénier jusqu’à l’existence. Plus de commémoration donc ! Mais aussi plus de Haut Comité. Il n’y en aura plus. Tel est l’effet « Maurras » ! C’est l’honneur des membres dudit Haut Comité – dix sur douze – d’avoir compris – sans donner aucunement leur approbation à quoi que ce soit – qu’il était vain et ridicule de supprimer de l’histoire de France un tel personnage qui l’avait suffisamment marquée pour en être inséparable, et ils ont donc démissionné. Ils ont manifesté leur indépendance intellectuelle et confirmé leur sens de la dignité morale en ne ratifiant pas les oukases d’une Culture officielle qui se réfugie pour préserver sa domination dans l’orgueil du déni culturel. Félicitations singulières à Messieurs Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory et leurs collègues pour leur geste qui garantit encore en France la liberté de pensée.  ■   

    Hilaire de Crémiers

  • Maurras et le Fascisme [3]

    « Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco ...»

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Maurras se gardait bien d’hypothéquer l’avenir. Il préférait conseiller la mesure, alors qu’il en était temps encore. « La solution, donnée par Mussolini, à la question scolaire a limité l’action de l’État aux groupes d’éducation civique et militaire. La liberté de l’école paraît devoir rester intacte tant au point de vue religieux qu’au point de vue moral. L’envoyé du Temps à Rome, M. Gentizon, semble croire que cette solution mesurée sera intenable et que le dictateur sera conduit à usurper de plus en plus l’autonomie des consciences et la liberté des âmes. Nous en sommes moins sûrs que lui. La logique formelle est une chose, la politique réaliste en est une autre. Un homme énergique sait marquer le point au-delà duquel il ne se laissera pas entraîner et sa volonté peut parfaitement suffire à le maintenir dans les confins qu’il s’est donnés. » 

    En fait, Mussolini ne s’abandonnera à la pente logique de son système intellectuel que sur le tard, quand les « démocraties », l’y contraindront, en liant son destin à celui d’Hitler. Le Führer saura profiter de leurs fautes. Se présentant modestement comme son disciple, il le conduira à l’imiter. Au départ cependant, le totalitarisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres du fascisme italien. Une possibilité cependant, Maurras là-dessus ne cessera de dénoncer l’erreur mortelle que portait, en germe, le fascisme. 

    Charles_Maurras_4.jpgC’est ainsi que le 12 juin 1932, il s’élevait contre une déclaration de Mussolini selon laquelle « en dehors de l’État, rien de ce qui est humain ou spirituel n’a une valeur quelconque ». Maurras appelait cela un délire. « Même en confondant État et Nation, État et Société, il y a dans la vie des personnes humaines quelque chose qui y échappe en soi. Quelque grande part que l’État ainsi compris puisse prendre à l’engendrer, à la défendre ou à la soutenir, cette valeur existe en fait, il est aussi vain de prétendre qu’elle n’est rien que d’y sacrifier tout le reste. » 

    Ce qui conduisait Maurras à définir très exactement par quoi le fascisme se rapprochait du nationalisme intégral et par quoi il s’en séparait. « Il est très important de fortifier l’État. On ne le fortifie bien qu’en le concentrant et en laissant les groupes sociaux intermédiaires faire des besognes qu’il ferait trop mal, quant à lui. C’est pourquoi nous ne sommes pas “ étatistes ” quelques imputations calomnieuses que l’on se soit permises à notre égard. Tels Français réfléchis qui admirent le plus l’effort et l’ordre fascistes font comme nous des réserves sur ce qu’il présente d’exagérément étatiste. Ils en font même un peu plus que nous. Nous avons dû expliquer parfois qu’un pays aussi récemment unifié que l’Italie est tenue de limiter certaines libertés locales et professionnelles. Mais cette condition ne joue pas dans le domaine religieux, puisque l’unité morale, l’unité mentale existent en Italie : le pays a été sauvé de la Réforme au XVIe siècle, et la prompte élimination des “ popolani  ” montre que ni le libéralisme, ni la démocratie n’y avaient poussé de fortes racines. » Ces pages sont d’autant plus fortes qu’elles furent écrites à un moment où l’Action française subissait les rigueurs d’une censure pontificale, depuis lors heureusement levée. 

    Maurras donc reconnaissait, comme un fait, que Mussolini, en abaissant le régime démocratique et en reconstruisant l’État, restituait à l’Italie sa force. 

    Il en tirait la conséquence que si la France persévérait dans ses mauvaises institutions, la force italienne se retournerait contre notre pays. Néanmoins, fidèle au vieux principe thomiste, qui veut que tout bien humain, lorsqu’il se prend pour l’unique nécessaire, se transforme en son contraire, Maurras avertissait Mussolini que la restauration de l’État, si elle n’était pas compensée au minimum par la liberté de l’Église, aboutirait à l’étatisme totalitaire. Ce qui conduirait l’Italie à l’aventure militaire, à la sclérose économique, au désordre spirituel. À terme, les bienfaits très réels apportés par le fascisme dans ses débuts, seraient gâchés, et l’Italie, un instant arrachée par Mussolini au chaos, serait jetée par lui dans un chaos pire. Ce qui est arrivé. 

    1447697259389.jpg--resistenza__morto_il_partigiano_lonati__sparo_lui_a_benito_mussolini_e_claretta_petacci.jpgLe nationaliste français qu’était Maurras savait trop qu’il y a autant de nationalismes que de nations pour porter d’emblée un jugement dogmatique sur les aspects de la doctrine fasciste qui lui répugnaient le plus. Le primat, par exemple, qu’elle donnait à l’action sur la pensée. Pour une part, le pragmatisme de Mussolini le rassurait plutôt. Il nourrissait l’espérance, nullement déraisonnable, qu’une France qui referait à temps sa force, équilibrerait l’Italie fasciste, l’empêchant de verser du côté de ses démons. Ce ne fut pas. Nous n’avons pas lieu de nous en réjouir. Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco. La menace communiste, qu’un moment le Duce avait su écarter de nos frontières, serait moins pressante aujourd’hui et l’avenir de l’Europe mieux assuré. 

    Mussolini a subi d’innombrables influences, mais pas celle de Maurras. Dans La Vie intellectuelle de mai 1929, M. Gaston Rabeau étudiant « La Philosophie du fascisme », le reconnaît avec une louable franchise. « Les Français, écrit-il, s’imaginent aisément que la politique mussolinienne ressemble à celle de M. Maurras. Question d’origine mise à part (elle ne vient sûrement pas d’Auguste Comte ou de Joseph de Maistre), elle nous paraît en différer absolument. » C’est qu’en effet il s’agit d’une « politique avant tout empiriste, d’un empirisme total, non pas de cet empirisme qui généralise des lois ». Le plus beau de l’histoire c’est que M. Rabeau, lumière de la démocratie-chrétienne, faisait un mérite à Mussolini de s’opposer ainsi à Maurras. Toute son étude est du reste imprégnée d’une surprenante sympathie à l’endroit du fascisme. Sur les points où celui-ci s’écartait trop manifestement de la doctrine sociale du catholicisme, le pieux exégète, pris de scrupule, affirmait son souci de ne pas « élargir un fossé qui est déjà trop profond ». À la même époque, La Vie catholique travaillait, rappelons-le, à élargir artificiellement le fossé qui séparait, ou paraissait séparer, l’Action française de l’Église !    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1] - [2]

  • Maurras et le Fascisme [5]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Certes Mussolini laisse subsister le capitalisme. C’est uniquement pour des raisons d’opportunité. Le premier ministre de la justice de l’État fasciste, M. Rocco, constate qu’une certaine liberté économique n’est préservée que parce que « l’aiguillon de l’intérêt individuel est le plus efficace des moyens, pour obtenir le maximum de résultat, avec le minimum d’effort ». En réalité, l’initiative privée ne subsiste qu’autant qu’elle accepte la direction de l’État. Quand Mussolini écrit que « c’est l’État qui doit résoudre les contradictions dramatiques du capitalisme », il ne tient pas un autre langage que Lénine. Il s’autorise, d’ailleurs, de l’exemple du grand doctrinaire marxiste, qui lui aussi a rétabli, momentanément, une liberté économique relative. Qu’importe puisque le capitalisme subit une métamorphose radicale, en devenant, lenine_journal-600x445.jpgselon l’expression de Lénine (photo), « capitalisme d’État ». Dans le discours de Trieste du 20 septembre 1920, Mussolini reconnaît que la mise en place d’un État prolétarien serait prématurée. « Le prolétariat, explique-t-il, est capable de remplacer d’autres valeurs sociales ; mais nous lui disons : avant de t’étendre au gouvernement d’une nation, commence par te gouverner toi-même, commence par t’en rendre digne techniquement et auparavant moralement parce que gouverner est une chose terriblement complexe, difficile et compliquée » ... Ainsi tout comme Staline, Mussolini rejette l’État prolétarien à l’horizon de l’histoire, mais avec beaucoup plus de franchise. On pourrait dire du fascisme qu’il est, par quelques côtés, un stalinisme honnête, ou, selon l’optique, un stalinisme honteux.

    En attendant que le prolétariat soit en mesure d’assumer, en tant que classe, la direction des affaires publiques, il n’est d’autre recours pour le socialisme, qu’il soit de type stalinien ou de type fasciste, que dans le jacobinisme. M. Alfredo Rocco a montré, peut-être à son insu, que la conception fasciste de l’État se modèle sur celle de Jean-Jacques Rousseau, de Robespierre et de Saint-Just. « Le gouvernement », selon lui, « doit être entre les mains d’hommes capables de s’élever au-dessus de la considération de leurs propres intérêts et de réaliser les intérêts historiques et immanents de la collectivité sociale considérée comme unité qui résume l’ensemble des générations ». De même, selon Rousseau et les Jacobins, la volonté générale ne s’identifie pas à la majorité, mais aux citoyens vertueux, ne fussent-ils que quelques-uns, qui ont abdiqué toute volonté particulière ou si l’on préfère tout amour-propre, au sens qu’ont donné à ce mot les moralistes du siècle classique. 

    M. Rocco va jusqu’au bout de la dure logique jacobine lorsqu’il affirme que « tous les droits individuels sont des concessions de l’État faites dans l’intérêt de la société ». Le droit de propriété, l’initiative privée dans la production ne sont respectés que parce qu’ils apparaissent conformes à l’intérêt de la société. Du moment que les citoyens vertueux, en l’occurrence les membres du parti, estimeront que l’intérêt de la société a changé, ils nationaliseront l’ensemble de l’économie. M. Rocco est au demeurant parfaitement conscient de la filiation Marcel_Déat-1936.jpgjacobine de sa pensée car il célèbre le relèvement de l’État « dans la seconde phase de la Révolution (française) et pendant la période de l’empire napoléonien ». Néanmoins, les fascistes n’afficheront que du mépris pour Rousseau. C’est, de leur part, simple inconséquence. Pour l’avoir mal lu, ils le tiennent pour un individualiste. Sous l’Occupation, M. Marcel Déat (photo) leur en fera le reproche mérité. 

    Ainsi Mussolini était parfaitement justifié de proclamer, dans son discours de Milan du 5 février 1920 : « Le seul, l’unique socialiste peut-être qu’il y ait eu en Italie depuis cinq ans, c’est moi ». Drieu la 893403.jpgRochelle (photo) aura tout aussi raison d’intituler l’un de ses ouvrages Socialisme fasciste. D’ailleurs puisque le fascisme est action avant d’être doctrine, il est aisé de prouver que l’évolution qui transformera l’agitateur romagnol en dictateur s’est opérée sans solution de continuité. Sans doute l’histoire est-elle écrite par les vainqueurs, et ceux-ci, soucieux de déshonorer politiquement Mussolini, se sont-ils efforcés de le présenter comme un ambitieux qui, pour satisfaire ses appétits, a trahi la cause de sa jeunesse. Rien n’est plus contraire aux faits. 

    Le 7 juin 1914 fut sans doute la date décisive de l’existence politique de Mussolini. Ce jour-là, une bagarre éclata à Ancône. Trois ouvriers furent tués, ce qui provoqua une grève générale dans l’Italie tout entière. Elle se développa avec une brutalité extraordinaire. Des églises brûlèrent. À Ravenne, un général fut arrêté par les manifestants. Partout, des conseils ouvriers se constituèrent. Mussolini, alors rédacteur en chef de l’Avanti, le quotidien du parti socialiste, estimait qu’il fallait organiser révolutionnairement les masses en lutte. La majorité du parti décida contre lui d’empêcher la « démonstration » de se transformer en insurrection. 

    Faisceau_italien.jpgPersuadé qu’il n’y avait rien à espérer du Parti, Mussolini s’en sépara en octobre parce qu’il avait décidé de faire campagne en faveur de l’intervention de son pays aux côtés de la France. Le 15 novembre, il fondait le Popolo d’ltalia, « quotidien socialiste » et groupait ses partisans dans « les faisceaux d’action révolutionnaire » qui devaient être, selon leurs statuts, « les libres groupements des révolutionnaires de toutes les écoles, de toutes les croyances et doctrines politiques. » On a reproché à Mussolini d’avoir reçu des subsides de la France, ce qui est certain. On devait reprocher de même à Lénine d’avoir rejoint son pays en traversant l’Allemagne dans un wagon plombé. En fait, Mussolini n’était pas plus l’agent de Poincaré, que Lénine ne le sera de Guillaume II. S’il avait choisi de militer en faveur de l’intervention militaire de son pays, c’était exactement pour les mêmes raisons que Lénine lorsqu’il prêchait « le défaitisme révolutionnaire ». Les deux hommes adoptaient certes des attitudes opposées, mais contre un ennemi commun : la social-démocratie réformiste et opportuniste, qui défendait, en Italie comme en Russie, la politique « bourgeoise », ici l’égoïsme sacré, là la guerre.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]

  • Maurras et le Fascisme [6]

    Mussolini, 1923 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Mussolini a justifié son attitude par un article prophétique, quand on songe qu’il date de 1915 : « Notre intervention a un double but : national et international... Elle signifie : contribution à la désagrégation de l’empire austro-hongrois, peut-être révolution en Allemagne et par un contrecoup inévitable, révolution en Russie. Elle signifie, en somme, un pas en avant pour la cause de la liberté et de la révolution...» Et le 12 juin 1914 déjà : « Nous comprenons les craintes du réformiste et de la démocratie devant une telle situation. » 

    Après la victoire, il pourra affirmer : « Nous, les partisans de l’intervention, nous sommes les seuls à avoir le droit de parler de révolution en Italie. » Et il explique Prima-Guerra-Mondiale1-800x400-800x400.jpgque « la guerre a appelé les masses prolétariennes au premier plan. Elle a brisé leurs chaînes. Elle les a extrêmement valorisées. Une guerre de masse se conclut par le triomphe des masses. Si la révolution de 1789 - qui fut en même temps révolution et guerre - ouvrit les portes et les voies du monde à la bourgeoisie, la révolution actuelle qui est aussi une guerre, paraît devoir ouvrir les portes de l’avenir aux masses qui ont fait leur dur noviciat du sang et de la mort dans les tranchées. » 

    Le Mussolini de 1919 qui reconstitue ses faisceaux se donne un programme anarcho-syndicaliste. À la fin de l’année de 1919, il envoie d’ailleurs son « salut cordial » au chef anarchiste Malatesta. Que réclament les faisceaux ? Le suffrage universel avec vote des femmes, la suppression du sénat, vieille revendication de la gauche ; la journée de huit heures avec retraite à 65 ans ; la création de conseils ouvriers pour « perfectionner les démocraties politiques » et permettre la participation du travail à la gestion de l’économie ; le remplacement de l’armée permanente par une milice nationale « purement défensive » avec de courtes périodes d’instruction. Il est remarquable que lors du congrès de Vérone, du 17 novembre 1943, Mussolini, libéré par les Allemands de sa prison, reprendra son programme originel. 

    320px-Fasces_lictoriae.jpgLe mot de faisceau n’a du reste pas été forgé par lui. Il est apparu pour la première fois en Sicile aux alentours de 1890, où il désignait des groupes d’anarcho-syndicalistes, qui s’attaquaient aux féodaux. Ainsi que l’écrit M. Prelot, les premiers fascistes « sortis du socialisme par la porte de gauche, celle du syndicalisme révolutionnaire, ces soréliens, ces blanquistes reprochent surtout aux “ officiels ” d’être des révolutionnaires pour rire qui dissertent et palabrent toujours sur le grand soir, sans se décider jamais à agir... » 

    Certes, l’événement justifiait Mussolini. « Mai 1915 a été, affirmait-il, le premier épisode de la révolution, son commencement. » Effectivement, l’entrée en guerre de l’Italie avait provoqué un rapide développement de l’industrie lourde et la constitution de masses prolétariennes. La fin du conflit trouvera l’Italie dans un état d’épuisement financier qui rendra impossible la reconversion de l’économie de guerre. D’où le chômage, générateur de convulsions sociales. Mussolini n’en aura cependant pas le profit. Les sociaux-démocrates joueront contre lui du pacifisme populaire. En 1919, il essuiera à Milan un terrible échec électoral, n’obtenant que 4 657 voix contre 70 000 aux socialistes orthodoxes. Il écrira dans un mouvement de découragement : « À nous qui sommes les morituri de l’individualisme, il ne reste pour le présent obscur et le lendemain ténébreux que la religion désormais absurde, mais toujours consolante de l’anarchie. » 

    Le 3 décembre 1919, c’est la grève générale. Les mouvements populaires se continueront tout au long de l’année 1920 par des occupations d’usine et des révoltes agraires. L’historien fasciste Valsecchi écrira plus tard que « le parti socialiste n’avait qu’à tendre la main vers le pouvoir d’État pour s’en emparer, mais il eut peur de le faire et montra son impuissance ». En réalité, la social-démocratie était partagée en trois tendances : réformiste qui craignait l’action violente, maximaliste, qui au contraire y poussait sans savoir l’organiser, communiste repliée sur un sectarisme que Lénine leur reprochera durement. Sa défaite ne s’explique cependant pas uniquement par sa division. Il manquait aux travailleurs en lutte un appui militaire. L’armée régulière maintenue dans une stricte discipline et les anciens combattants voyaient avec mépris et colère le désordre s’installer sans que le gouvernement semblât désireux de lutter.

    Mussolini comprit que le socialisme n’aboutirait pas sans l’union des producteurs et des soldats. Là-dessus il était d’accord avec Lénine. Les soviets de 1917 ne s’intitulent-ils pas soviets d’ouvriers et de soldats ? Les fascistes avaient commencé par encourager les occupations d’usine et même ils avaient tenté de les transformer en expropriations. Le 17 mars, la maison Franchi Grigorini de Dalminé ayant refusé un relèvement de salaire, ils s’étaient emparés de l’usine et l’avaient fait fonctionner sans le patron. Cependant les cinq premiers fascistes, pour la plupart socialistes interventionnistes et intellectuels d’avant-garde, étaient rejoints par de nombreux « arditi », anciens membres des corps francs, l’équivalent de nos parachutistes, qui ne voulaient plus du vieil ordre bourgeois, tout en se montrant écœurés par le pacifisme des socialistes officiels. L’interventionnisme de Mussolini qui l’avait isolé dans le premier temps, commençait à le servir. Il en tira les conséquences. Il lui fallait fondre les deux clientèles. Il y parvint sans rompre avec la tradition du socialisme révolutionnaire. Il engagea, en effet, la bataille contre les socialistes officiels, non pas dans les grandes villes, mais en Émilie. Cette région paysanne était l’une des plus rouges d’Italie. Les ouvriers agricoles étaient organisés en ligues qui avaient acquis un véritable monopole de l’emploi. Nul ne pouvait travailler la terre sans leur permission.     (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : trois ”temps forts” pour l'Action française...

    1.
     
    1899 : Parution du premier numéro du Bulletin de l'Action française
     
     
    Début de l'Âge d'or du maurrassisme...
     
    Fondé par Henri Vaugeois et Maurice Pujo, tous deux à l'époque hommes du centre-gauche (le grand-père de Vaugeois était Conventionnel régicide !), le Bulletin sera rapidement transformé en Revue de l'Action française (dite Revue grise, à cause de la couleur de sa couverture), à parution bi-mensuelle. Devenue Revue bleue, avec un format un peu plus grand, celle-ci deviendra en 1908 le quotidien royaliste L'Action française, sous l'impulsion de Charles Maurras, qui en devient directeur (le jour du printemps, le samedi 21 mars : voir l'Éphéméride du 21 mars).
             
    Dans son étude L'Âge d'or du Maurrassisme, Jacques Paugham situe précisément cet Âge d'or dans les neuf années qui séparent ces deux créations : elles furent celles "d'une création doctrinale authentique, où l'on vit présenter les théories "les plus dynamiques, les plus anticonformistes et de nature souvent très modernes", où le haut niveau intellectuel de la Revue ne s'est jamais démenti. Si bien que c'est une exégèse aussi complète que possible des textes parus dans cette revue qui peut le mieux permettre une analyse valable du maurrassisme, "c'est là, dans le dédale des réactions spontanées, que l'on découvre l'essentiel du legs de Maurras et de ceux qui étaient alors ses jeunes compagnons, les Moreau, les Rivain, les Dimier ou les Valois"..." (Préface, Jean-Jacques Chevallier, de l'Institut) 
     

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    2.

    1920 : Loi instituant le Fête nationale de Jeanne d'Arc

     

    Depuis plusieurs années, l'Action française et les Camelots du roi, avec d'autres, exerçaient une fort pression pour l'adoption de cette mesure : les Camelots du roi récoltèrent "10.000 jours de prison" cumulés....

    C'est finalement la Chambre Bleue horizon, au sortir de l'effroyable Guerre de 14, qui vota la loi, ainsi rédigée :

    "Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

    - Art. 1er - La République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d'Arc fête du patriotisme.

    - Art. 2 - Cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire  de la délivrance d'Orléans.

     - Art. 3 - Il sera élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc sur la place de Rouen, où elle a été  brûlée vive, un monument avec cette inscription : "A Jeanne d'Arc, le peuple français reconnaissant".

    La présent loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.

    Fait à Rambouillet, le 19 juillet 1920, par le président de la République Paul Deschanel, le ministre de l'Intérieur, T. Steeg, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, président du Conseil par intérim, G. Lhopiteau." 

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    http://www.nd-chretiente.com/dotclear/public/documents/2011_documents/2010.05.09_Jeann_d__Arc_Loi.pdf

      

    La Geste héroïque de Jeanne est un moment fondamental de notre Histoire nationale : ses moments essentiels en sont relatés dans ces Éphémérides aux 25 février (rencontre de Jeanne et du Dauphin, à Chinon), 8 mai (libération d'Orléans), 18 juin (victoire de Patay), 17 juillet (sacre de Reims), 23 mai et 21 novembre (capture, et livraison aux Anglais), 30 mai (martyre), 16 mai (canonisation), 10 juillet (instauration de la Fête nationale).

     

    Dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet voir les deux photos "10 mai 1920 : Barrès et le Cortège de Jeanne d'Arc" et "La Fête de Jeanne d'Arc".

     

     

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    3.

    1939 : Pie XII lève les sanctions contre L'Action française

     

    Dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française", voir la première de la série : Grandes "Une" de L'Action française : Pie XII lève les sanctions pontificales...

     

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    "L’interdiction de lire le journal " L’Action française " est levée, à partir du jour de la promulgation de ce décret." :

    http://www.clerus.org/clerus/dati/2001-01/22-6/AF.html

     

    Le 29 décembre 1926, certains ouvrages de Charles Maurras ainsi que le journal L'Action française avaient été mis à l'index par Pie XI. Sanction aggravée quelques mois plus tard : le 8 mars 1927 les adhérents du mouvements furent interdits de sacrements...

    Il n'est pas exagéré de penser que la mise à l'index de 1926 fut l'un des plus rudes coups portés au mouvement royaliste, et l'un de ceux qui contraria le plus ses espoirs de réussite.

    Certes, celui-ci devait essentiellement lutter contre la résistance acharnée du Système, s'opposant de toutes ses forces à la contestation radicale de l'AF (La république gouverne mal, mais se défend bien...); cette contestation radicale se heurtait, par ailleurs, à la vigueur très forte, à l'époque, des sentiments révolutionnaires. Épuisée, depuis, la foi dans les idéaux de 89 et dans la Nouvelle religion républicaine était en pleine force à l'époque. Comme le sera, dès 1920, la foi dans le "communisme" puis l'adhésion/soumission à l'URSS...

    Il y eut aussi la Guerre de 14 : tout le monde savait, Maurras le premier, qu'il fallait "faire le Roi" avant la Guerre que l'on voyait venir car, après, ce serait beaucoup plus difficile : les événements se chargèrent de le montrer (la moitié des Camelots partis à la guerre ne revinrent pas, et c'étaient, forcément, les plus jeunes)...

    En dépit de ces trois facteurs contraires, la contestation radicale du Système se développait malgré tout. Il est clair que les sanctions romaines, sans la détruire, lui causèrent un tort considérable, et un affaiblissement certain, que leur levée par Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes... - ne suffit pas à compenser...

    L'Action française, après avoir tenté de "faire le Roi" avant que n'éclate la guerre de 14  - et, justement, pour que cette guerre n'éclate pas... - L'Action française, donc, alertait sans relâche sur la montée du nazisme, et tentait de fédérer toutes les forces, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, qui pouvaient s'opposer à lui. Dans cette croisade pour la paix, les sanctions vaticanes de Pie XI apparaissent clairement pour ce qu'elles furent : un coup de couteau dans le dos  du pays, une trahison des intérêts supérieurs de la France, de l'Europe et du monde, de la Paix...

    De ce point de vue, l'acte de justice de Pie XII - qui est évidemment une bonne décision - arrive trop tard...

     

            (Éléments d'information sur le sujet, tirés de Maurras.net :

    La mort de Pie XI.pdf )

     

     Et, dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet voir les deux photos "A la Chambre : sur Gambetta et Benoit XV (II)" et "Pie XII lève les sanctions contre l'A.F.".

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    Quatre de nos Éphémérides traitent des rapports entre l'Église et la République idéologique française, en général, et des rapports entre l'Eglise

  • Maurras et le Fascisme [10]

    Mussolini - Marche sur Rome 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgCette étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions depuis quelques jours, s'achève ici. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'est étalée sur une dizaine de jours. Ceux qui en auront fait ou en feront la lecture - car elle reste disponible - en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Le fascisme français (suite et fin)  

    Sans doute, le fascisme se donne-t-il pour un nationalisme, mais le stalinisme, quand il sera menacé, n’utilisera-t-il pas, lui aussi, la passion patriotique du peuple russe ? C’est qu’en effet, pour l’un et l’autre, le nationalisme spontané, quasi viscéral ne représente qu’un instrument au service d’une révolution. Là-dessus, Drieu, toujours lui, s’est exprimé avec le plus de franchise ou si l’on veut de cynisme. « Le nationalisme, écrit-il, est l’axe de l’activité fasciste. Un axe, ce n’est pas un but. Ce qui importe pour le fascisme, c’est la révolution sociale, la marche lente, effacée, détournée, selon les possibilités européennes, au socialisme. S’il y avait encore des défenseurs conscients et systématiques du capitalisme, ils dénonceraient le fascisme comme usant du chantage nationaliste pour imposer le regard de l’État sur les grandes affaires. Ses défenseurs les moins inconscients et hasardeux ne sont pas loin maintenant de le faire, mais la négation furieuse des socialistes et communistes masque cette vérité. Non seulement le nationalisme n’est qu’un prétexte, mais ce n’est aussi qu’un moment dans l’évolution sociale du fascisme. » 

    Sans doute, Drieu demeurait-il un intellectuel isolé. Pourtant, certaines de ses vues les plus originales et, sur le moment les moins bien comprises, connaîtront une singulière fortune. C’est ainsi qu’il considérait le parti radical comme « un vieux 15036_543_Doc-7_26_J-Rougeron_L-Emancipation-nationale-aout-1943.jpgfascisme sclérosé ». Le 17 septembre 1937, il remarquait, dans L’Émancipation nationale de Doriot (photo 1) qu’en 1792, « il y avait dans toute la France des soviets ou des faisceaux de combat, c’est-à-dire que dans chaque village, dans chaque quartier, il y avait un groupe de militants autour d’un meneur », et que ce meneur obéissait aux mots d’ordre décidés « dans les conseils étroits du parti unique », club des Cordeliers ou Club des Jacobins. 

    La tradition jacobine, ajoutait-il, s’est sans doute maintenue dans le parti radical, mais celui-ci, faute d’avoir pu « se constituer en parti solide, viril », n’a conservé que les inconvénients du système et pas ses avantages. Déjà, dans Socialisme fasciste, Drieu rêvait de ce grand parti du centre, rassemblant les classes moyennes, qui aurait remplacé le syndicalisme ou l’aurait rénové. Ce n’était pas une billevesée de l’imagination puisqu’il se retrouvera 800px-20.01.1962._Mendes_France_et_Raymond_Badiou._(1962)_-_53Fi3369.jpgquelqu’un pour tenter de l’accomplir. Ce quelqu’un, ce sera Mendès (photo). Ne nous y trompons pas, en effet, l’idéologie mendésiste des années 1955 exhalait des relents fascistes dont les narines des parlementaires furent désagréablement chatouillées. Ce qui, bien plutôt que sa politique coloniale, provoqua la chute de « superman ». Par beaucoup de points, Mendès s’apparente du reste à un autre Israélite qui, celui-là, opérait en Allemagne, Rathenau, qui fut assassiné par les « réprouvés » qui devaient fournir plus tard ses cadres militaires à l’hitlérisme, mais qui n’en avait pas moins été l’un des premiers à proposer aux Allemands la formule d’un socialisme national. 

    Quoiqu’il en soit, en France comme ailleurs, le fascisme a constitué un phénomène idéologique de « gauche ». Qu’il ait su rallier un certain nombre de militants d’extrême droite qui lui fournirent d’ordinaire ses troupes d’assaut, c’est à la suite d’une double mystification qui porte sur la notion d’ordre d’une part, sur la conception de l’antiparlementarisme d’autre part. L’ordre fasciste n’est pas fondé sur l’harmonie naturelle des groupes humains, mais sur un encadrement totalitaire qui impose à la nation la discipline toute extérieure de « l’organisation industrielle » telle que la conçoit le système Taylor. Quant à son antiparlementarisme, il dissimule un attachement à d’autres formes de démocratisme, car le chef ne tient certes pas son pouvoir du suffrage, mais sa légitimité n’en repose pas moins sur la seule acclamation populaire. 

    Cependant, le fascisme latent d’un Drieu la Rochelle, d’un Marcel Déat et des innombrables faiseurs de plans moins talentueux qui s’agitèrent aux alentours des années 30, n’a finalement débouché sur rien de concret. On peut trouver à cette solution un certain nombre d’explications. 

    1. Économiquement, le fascisme suppose, pour réussir, une industrie soumise à des rythmes tempétueux d’expansion et de récession. Ce qui était le cas dans l’Italie du lendemain de la première guerre mondiale, comme dans l’Allemagne pré-hitlérienne. Par contre, la France, à la même époque, subissait les effets anesthésiants de la politique malthusienne des dirigeants républicains. 

    2. Politiquement, le fascisme exige un climat d’humiliation nationale, un sentiment généralisé de dégoût et de lassitude, qui porte l’opinion à préférer n’importe quelle aventure à la chute sans fin dans l’abîme. À l’époque, la France conservait encore ses illusions de grande puissance victorieuse.  

    ob_c16131_maurras-charles06.jpg3. Idéologiquement, le fascisme a besoin de rallier autour du noyau originel de doctrinaires venus de la gauche, une masse de manœuvre que seule la droite est capable de lui fournir. L’influence de Maurras (photo) a sans aucun doute empêché la fraction la plus courageuse de la jeunesse française de se lancer à corps perdu dans une désastreuse équipée, en lui révélant les conditions réelles de l’ordre, en lui montrant qu’un antiparlementarisme purement sentimental n’était qu’un attrape-nigauds, s’il ne s’accompagnait pas de la volonté de détruire le système démocratique sous toutes ses formes. Il n’est besoin que de relire les pages lumineuses consacrées par Maurras à Napoléon pour se convaincre qu’il a élevé entre cette magnifique jeunesse qui le suivait et la tentation fasciste le plus solide des remparts. Rebatet, dans sa haine furieuse, a eu du moins le mérite involontaire de mettre en pleine lumière ce magnifique service rendu par notre maître. 

    Nous en mesurons mieux aujourd’hui l’étendue, puisque nous vivons sous un régime techno-bureaucratique, qui, sans doute, a renoncé aux liturgies extérieures du fascisme comme à la construction, après l’échec du R.P.F., d’un parti unique, mais qui n’en demeure pas moins le véritable équivalent français d’un fascisme, c’est-à-dire un jacobinisme adapté à la révolution industrielle. Le caractère thaumaturgique de l’autorité de Charles De Gaulle, sa prétention d’être l’expression immédiate de la volonté nationale, son antiparlementarisme doublé d’un respect obséquieux des dogmes démocratiques, sa démagogie nationalitaire et son mépris des intérêts réels du pays, l’inscrivent dans la lignée des Césars modernes. 

    InaEdu00070.jpgSi De Gaulle (photo) est parvenu à mystifier la révolution du 13 mai, c’est sans doute que les conditions économiques et politiques d’un fascisme se trouvaient cette fois-ci réunies, mais surtout, parce que la République, en jetant Maurras en prison, en faisant de lui le grand maudit, en démantelant pour une part le barrage qu’il dressait contre l’idée folle et fausse du césarisme, a permis que l’imposture gaullienne puisse, pour un temps, triompher. 

    Il n’est que trop certain que si De Gaulle était remplacé par un autre avatar du fascisme, celui-ci conduirait la France à d’autres désastres ou au même. C’est pourquoi il importe plus que jamais que l’intelligence politique, dont Maurras nous a laissé l’héritage, soit assez bien enracinée, en particulier dans cette jeunesse qui lutte pour l’Algérie française, afin qu’elle ne soit pas trompée une nouvelle fois. Nous n’avons pas d’autre choix qu’entre Maurras et le démocratisme – démocratisme parlementaire, fasciste ou communiste.    (FIN)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]  [6]  [7]  [8]   [9]

  • Série : Le legs d’Action française ; rubrique 8 : Boutang : la « légitimité » revisitée et l’antisémitisme abandonné, pa

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

    Une erreur de publication a fait que cette rubrique numéro huit a été «  omise  » au profit de la rubrique numéro neuf concernant l’influence de Pierre Debray sur la pensée d’Action française. Que l’on n’aille pas croire que nous avons voulu censurer Gérard Leclerc et effacer des mémoires, le rôle qu’a joué Pierre Boutang dans l’histoire de notre mouvement. Nous sommes fiers que les plus grands intellectuels du vingtième siècle aient marqué de leur emprunte la vie de l’A F. A présent l’ordre est restauré.

    gerard leclerc.jpgVoici donc la huitième rubrique de Gérard Leclerc sur «  Le legs de l’Action française  ». On y découvre cet héritier majeur que fut Pierre Boutang qui se sépara de la «  vieille maison  » pour finalement se réconcilier avec elle au moment du grand renouveau militant des années 1990.

    Gérard Leclerc insiste sur l’apport doctrinal de Boutang concernant le concept de «  légitimité  » ainsi que sur son abandon de l’antisémitisme, comme avant lui Henri Lagrange sur le Front en 1915 ou Léon Daudet à la fin des années 1930. Boutang ira même jusqu’au sionisme.

    Ceux qui voudront approfondir la personnalité et l’œuvre de Pierre Boutang devront se procurer l’indispensable ouvrage d’Axel Tisserand Pierre Boutang (Éditions Pardès, coll. Qui suis-je ? 2018). Ceux qui souhaiteront approfondir la passage au sionisme de Pierre Boutang devront lire La Guerre de six jours, présenté par Michaël Bar-Zvi et Olivier Véron, (Les provinciales, collection « Israël et la France », 2011). (ndlr)

    .

    Même s’il y a lieu de mettre des nuances, Pierre Boutang, après la Libération, va apporter quelque chose de nouveau. Tout en demeurant responsable politique, il va être un philosophe à plein temps, un philosophe de métier, au sens fort du terme, même si son œuvre ne s’est pas élaborée dans un environnement militant mais dans un cadre enseignant (en lycée ou à la Sorbonne) et dans son bureau de Saint-Germain-en-Laye, que certains d’entre nous connaissent bien).

    L’œuvre philosophique de Boutang n’est cependant pas sans lien avec son combat politique. En quel sens ? C’est l’évolution des questions de société qui nous rendent à même de le comprendre. Le débat politique a acquis, à notre époque, une dimension philosophique et anthropologique qu’il n’avait pas auparavant. Pensez au “mariage pour tous”, pensez à la PMA, à la GPA, pensez à la fin de vie, au transhumanisme et à toutes ces lois nouvelles qui ont une portée anthropologique considérable. Le politique se voit désormais défié sur le terrain philosophique et anthropologique, il nous faut recourir à des œuvres de maîtres capables de nous éclairer dans ce domaine.

    J’ajoute que Boutang n’est quand même pas seulement un philosophe et un métaphysicien, c’est aussi un philosophe politique qui renouvelle et, d’une certaine façon, reproblématise la pensée politique d’Action française. Notamment dans un de ses ouvrages, le premier que Maurras avait lu d’ailleurs, La politique comme souci, et surtout dans Reprendre le pouvoir, un ouvrage absolument fondamental. Boutang y repense la question de la légitimité, en associant l’autorité et le consentement – aspect que Maurras avait peu traité de son côté. Ce livre nous donne une doctrine de la légitimité qui fait sa place au consentement populaire, mais dans une perspective très éloignée du libéralisme politique.

    Les choses doivent cependant être dans l’ordre  : il n’y a pas de consentement s’il n’y a pas d’autorité. L’autorité est donc première. Ce qui a des conséquences pratiques, qui donnèrent lieu à de rudes débats et même à des querelles à l’intérieur de l’Action française. Par exemple, je parlais tout à l’heure du général de Gaulle. C’est quand même un énorme problème pour l’Action française, le général de Gaulle ! Pourquoi ? Parce que l’on sait aujourd’hui, de mieux en mieux, et Eric Zemmour ne se fait pas faute de le dire et le répéter, que de Gaulle a, de toute évidence, dès l’adolescence, été marqué par la pensée maurrassiennes. En atteste sa sœur aînée Marie-Agnès qui en faisait confidence à Paul Reynaud et quelques autres, dans leur prison au Tyrol en 1945  : au moment de la condamnation de l’Action française par Pie XI, en famille, le jeune Charles, les larmes aux yeux, défendait Maurras  ! J’ai aussi reçu le témoignage du comte de Paris – le grand-père de l’actuel comte de Paris – qui connaissait bien de Gaulle et avait multiplié les rencontres avec lui  : il le définissait comme un officier maurrassien tout à fait classique… Or il se trouve que de Gaulle a quand même très sérieusement envisagé un projet de rétablissement de la monarchie dans le cadre des institutions de la Ve République. J’en veux pour preuve son dialogue avec le comte de Paris et la correspondance échangée entre les deux hommes. Avec l’extraordinaire lettre d’adieu du général dont vous connaissez sans doute la phrase finale : «  Monseigneur, en ce qui me concerne, le terme est venu, vous seul restez permanent et légitime, comme doit l’être ce que vous représentez de suprême dans l’histoire.  » C’était son testament politique. En quelque sorte, il transmettait au détenteur de la légitimité historique celle qu’il estimait tenir de son appel du 18 juin et du combat de la France libre. Cela posait quand même un certain nombre de problèmes à l’Action française qui s’était violemment opposée au gaullisme pendant la guerre et à la Libération, puis au moment du drame algérien. Les années passant, et de nouvelles menaces pesant sur le pays, quelle attitude le mouvement pouvait-il prendre à l’égard de de Gaulle ? Pierre Boutang, qui avait fondé son propre journal, La Nation française, en a choisi une très différente et même parfois à l’opposé de celle d’Aspects de la France.

    Autre caractéristique de Boutang, son réexamen de la question juive. L’antisémitisme, qui a marqué l’histoire de l’Action française à partir de l’Affaire Dreyfus, sera encore présent pendant la période de la guerre, ce qui aura des conséquences tragiques sur l’image de Maurras. Mais Boutang, sans rien altérer de l’essentiel des acquis maurrassiens, va en revanche complètement remettre en cause cet antisémitisme. Il va le faire à partir des sources religieuses du judaïsme, et aussi de la pensée juive la plus contemporaine. Il a été très marqué par le grand penseur juif contemporain Martin Buber. A ses élèves, il fait découvrir son personnalisme et son grand livre Gog et Magog (qui évoque les controverses au sein du hassidisme, le mysticisme juif, en Pologne). Boutang a anticipé Vatican II en prônant une sorte de réconciliation judéo-chrétienne, non par opportunité politique mais pour des raisons de fond, à partir d’une connaissance profonde de la pensée juive. Quand Alain Peyrefitte, alors ministre de l’Education nationale, le réintègre dans l’Université en 1967, les petits malins de l’administration de la rue de Grenelle imaginent de le nommer au lycée Turgot, le lycée le plus juif de Paris, dans le quartier du Marais, sûrs qu’il ne tiendrait pas quinze jours avant de se faire expulser. Surprise, il consacre sa première heure de cours à l’analyse d’un grand texte biblique, le Livre de Jonas  ! Les élèves sont sortis en se demandant  : «  Mais qui est ce type  ?  » Et cette classe composée à 90 % de jeunes juifs va avoir une sorte de coup de foudre pour cet extraordinaire professeur. Boutang m’a expliqué plus tard : «  Vous comprenez, ils m’avaient mis dans une classe de jeunes juifs complètement déjudaïsés ! Mon travail a consisté à les re-judaïser, en leur redonnant une véritable culture biblique qu’ils n’avaient pas.  » C’est de manière apparemment paradoxale que Boutang a constitué une nouvelle étape dans l’histoire de l’Action française.

    Gérard Leclerc ( à suivre)

    Chaque jour, retrouvez les rubriques de l’été militant 2020, sur le site de l’Action française  :

    Par Christian Franchet d’Esperey

    1 – Est-il opportun de s’accrocher à un homme aussi décrié ?

    2 – Les positions les plus contestées de Maurras ne doivent plus faire écran à ses découvertes majeures

    3 – maurrassisme intra-muros et maurrassisme hors les murs

    4 – Une demarche d’aggiornamento cest-a-dire de mise au jour

    Par Philippe Lallement

    Le maurrassisme est-il devenu un simple objet d etude historique

    Par Gérard Leclerc

    1. Le legs d’Action française
    2. Maurras humaniste et poete
    3. L homme de la cite le republicain
    4. Un mouvement dote dune singuliere force d attraction
    5. La crise de 1926 un nouveau Port-royal
    6. Les traces de guerre civile les quatre etats confederes – l antisemitisme
  • L’Action française et la Grande guerre

     

    20181111-grande-guerre.jpgAprès avoir dénoncé les faiblesses de la politique étrangère de la IIIème République (notamment à travers ce chef-d’œuvre qu’est le Kiel et Tanger de Maurras, qui faisait l’admiration du président Pompidou), après avoir contribué puissamment par ses campagnes au vote de la loi des trois ans, qui allongeait la durée du service militaire, l’Action française participa sans réserve en 1914 à l’Union sacrée et jeta toutes ses forces dans la guerre.

    Toutes les forces du talent de Bainville, Daudet et Maurras d’abord, qui ne cessèrent de soutenir l’effort de guerre. Le procureur Thomas au procès de Maurras à Lyon en 1945 le reconnut lui-même en ces termes : « Je suis le premier à reconnaître qu’en 1914-1918, Maurras a été un très grand patriote, qu’il a rendu des services signalés à la France, qu’il a été un grand Français, qui, à ce moment, chassa la trahison, qu’il a expurgé certains membres du gouvernement qui n’avaient pas fait leur devoir, qu’il a donc été un grand citoyen, un grand Français. » Toutes les forces de ses cadres et de ses militants ensuite, qui périrent hélas par milliers sur l’autel de la patrie. Parmi ces innombrables héros, dont plusieurs monuments aux morts de section conservent la mémoire, citons notamment Henri Vaugeois, le co-fondateur de l’AF avec Maurice Pujo, Léon de Montesquiou, Octave de Barral, l’admirable poète Jean-Marc Bernard, le jeune prodige Henri Lagrange, qui écrivit ses premiers articles dans l’AF quotidienne à 16 ans, Pierre David, ce jeune patriote juif qui écrivit à Maurras une lettre magnifique devenue un référence…

    Il faudrait des volumes entiers pour les évoquer tous. Pensons aussi à ceux qui revinrent mutilés comme le sculpteur Maxime Real del Sarte, chef des camelots du roi. Leur sacrifice, comme celui de tous les autres Français de 14, ne doit pas être dilué dans le discours contemporain qui occulte la Victoire au profit de la seule compassion pour les souffrances (certes immenses !) des soldats ou d’un pacifisme européiste qui nie les raisons mêmes pour lesquelles ils se sont battus avec tant de courage : la patrie, la nation, la sauvegarde de nos frontières et la reconquête des provinces perdues.  

    ACTION FRANÇAISE
    11 novembre 2018
  • Maurras et le Fascisme [9]

    Drieu la Rochelle - Mussolini 

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici depuis quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'est étalée sur une dizaine de jours. Ceux qui en auront fait ou en feront la lecture - car elle restera disponible - en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

    2235704335.jpg

    Le fascisme français (suite)  

    Déat et ses amis s’inspiraient du « plan de travail » élaboré, vers le même moment, par Henri de Man, qui venait de s’emparer de la direction du parti ouvrier belge. Henri de Man préconisait la nationalisation du crédit et des monopoles de fait, la rationalisation et l’élargissement des marchés intérieurs. 

    Néanmoins, la petite et la moyenne industrie, l’artisanat et, bien entendu, l’agriculture demeureraient sous le contrôle de l’initiative privée. 

    Lui aussi soutenait que ces réformes exigeaient un État fort. Dès 1929, Paul Henri Spaak et lui-même parlaient déjà de la nécessité d’une « démocratie autoritaire ». L’Assemblée nationale, en particulier, devrait être assistée de « conseils consultatifs dont les membres seraient choisis en partie en dehors du parlement, en raison de leur compétence reconnue ». Ce qui revenait à légaliser les brain-trusts d’inspiration technocratique, qui, toujours à la même époque faisaient leur apparition dans l’Amérique de Roosevelt. 

    Par la suite, Henri de Man, dans Après coup, donnera une assez bonne définition des objectifs qu’il poursuivait. Il s’agissait de substituer à la lutte des classes de style marxiste, qu’il estimait périmée, « le front commun des couches sociales productrices contre les puissances d’argent parasitaire ». Ce qui n’était rien d’autre que le programme même de Mussolini.

    1329043862_Mounier.jpgLe Duce, à l’époque, était d’ailleurs fort loin de faire figure, dans les milieux de gauche, de réprouvé. C’est ainsi que, dans la revue Esprit qu’il venait de fonder afin de renouveler, de l’intérieur, la démocratie chrétienne, Emmanuel Mounier (photo) traitait de l’expérience italienne avec une sympathie qu’il ne songeait pas à déguiser. Il en condamnait certes l’aspect totalitaire, mais il n’hésitait pas à se montrer dans les congrès aux côtés des jeunes dirigeants du syndicalisme fasciste. 

    La grande crise de 1929 faisait plutôt apparaître Mussolini comme une manière de précurseur. En effet, nous mesurons mal à distance l’ébranlement prodigieux provoqué par le grand krach boursier et la vague de chômage qui déferla à sa suite comme un mascaret et faillit bien emporter le capitalisme. 

    Les remèdes classiques empruntés à la pharmacopée du libéralisme se révélèrent non seulement inefficaces, mais nocifs. C’est que les économistes libéraux continuaient de raisonner comme si l’ouvrier continuait d’être uniquement un producteur. Effectivement, au XIXe siècle, il ne consommait qu’une fraction négligeable des produits de l’industrie, l’essentiel de son salaire étant absorbé par l’alimentation. Depuis, cependant, il s’était organisé, et, grâce à la lutte syndicale, il était parvenu à élever son niveau de vie, si bien qu’il n’était plus exclusivement, pour la grande industrie, un producteur, mais aussi un consommateur, dont elle ne pouvait plus se passer. Le premier, l’Américain Ford, avait pris conscience de ce phénomène nouveau. Il en avait déduit la nécessité, pour le patronat, de pratiquer désormais une politique de haut salaire. 

    On se rendit compte qu’on ne sortirait de la crise qu’à l’unique condition de fournir aux chômeurs, fût-ce artificiellement, le pouvoir d’achat qui leur manquait. Il est remarquable que l’Allemagne d’Hitler et l’Amérique de Roosevelt s’engagèrent simultanément dans la même voie. Les chômeurs furent employés par l’État à des grands travaux « improductifs » (ainsi les autoroutes allemandes). Ce qui supposait l’abandon de l’étalon or et de la conception traditionnelle de la monnaie. Dans sa célèbre « théorie générale », l’Anglais Keynes s’efforça de fonder en doctrine ce renversement de l’économie classique. L’Italie fasciste, où le chômage sévissait à l’état endémique, depuis la fin de la guerre mondiale, avait la première montré l’exemple, en utilisant son surcroît de main-d’œuvre à l’assèchement des marais pontins. 

    Si bien qu’elle fut, avec la Russie stalinienne, le seul pays que la grande crise de 1929 ne bouleversa pas. On comprend, dans ces conditions, l’incontestable prestige qu’en retira le Duce.

    Ceux des contemporains qui étaient imprégnés d’idéologie socialiste et démocratique, en tirèrent deux conséquences. D’une part, que la révolution économique qui s’opérait s’accomplissait dans le cadre national. D’autre part, qu’elle n’avait pas été réalisée par le bas, grâce à une pression des masses, mais par le haut, grâce à l’initiative gouvernementale. Ce n’étaient ni les lois universelles de l’économie, ni l’insurrection généralisée du prolétariat mondial qui avaient contraint le capitalisme à s’organiser en dehors du libéralisme, mais les décisions de l’État, et, qui plus est, d’un État national, utilisant des méthodes de police économique. 

    AVT_Pierre-Drieu-La-Rochelle_1276.jpgEn France, il n’y eut sans doute que Drieu la Rochelle (photo) pour aller jusqu’au bout de l’analyse. Cherchant à fonder la doctrine d’un « socialisme fasciste », il expliquait qu’il s’agissait d’une « adaptation à la révolution industrielle ». 

    Selon lui, le régime parlementaire correspondait à la libre concurrence du premier âge capitaliste. Au XIXe siècle, il y avait une libre concurrence des idées, comme une libre concurrence des produits. Désormais cependant, l’économie se trouvait contrainte de s’organiser, de se discipliner. Elle n’y pourrait parvenir qu’à condition d’être soumise à une « police de la production » et donc indirectement de la répartition des biens. Cette police, remarquait Drieu, n’était susceptible de s’exercer que par les moyens éternels de la police. 

    Incapables de s’organiser et de se discipliner eux-mêmes, les capitalistes se voyaient obligés de confier ce soin à l’État, même si la fiction de la propriété privée était conservée. Ainsi le parti unique de style fasciste représentait l’agent de police de l’économie. 

    Selon Drieu, « une nouvelle élite de gouvernement apparaît et alentour se forme une nouvelle classe d’appui et de profit » qui est formée « d’éléments empruntés à toutes les classes ». Elle comprend en effet la bureaucratie politique des militants du parti unique, qui constitue l’appareil d’État, la bureaucratie syndicale chargée de ob_e701dc_six-fevrier-4.jpgl’encadrement des masses et aussi bien les bureaucrates de l’économie, car « les propriétaires se transforment en de gros fonctionnaires, non pas tant héréditaires que se recrutant par cooptation – et partageant le prestige et l’influence avec leurs surveillants étatistes ». On remarquera que le livre de Drieu date de 1932 – c’est-à-dire de ce moment crucial qui précède le 6 février (photo). 

    Drieu disait du fascisme mussolinien qu’il était un demi socialisme et du communisme stalinien qu’il était un demi fascisme. Sur ce point, il était bon prophète. Il s’agit effectivement de deux régimes qui vont à la rencontre l’un de l’autre, parce qu’ils recouvrent, en définitive, une réalisation sociale assez semblable. Le régime que préconise Drieu en 1932 ne recouvre-t-il pas exactement celui que décrit l’ancien compagnon de Tito, Djilas, dans son livre La Nouvelle Classe, publié à New-York, il y a quelques années ?    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]  [5]  [6]  [7]  [8]

  • L’Action française face à l’élection présidentielle

     

    Par Stéphane Blanchonnet

    L’élection présidentielle est, que cela nous plaise ou non, le moment le plus décisif de notre vie politique.

     

    c89bc48ce21711fbd0205d594d9a6140.jpeg.jpgL’élection du Président au suffrage universel dans la Ve République et la forte personnalisation du pouvoir qui en résulte sont un paradoxe pour les royalistes.

    Elles nous apparaissent d’abord comme un hommage du vice républicain à la vertu monarchique. Elles confirment que la monarchie, qui a fait la France, est la constitution naturelle du pays. Elles valident le combat de Maurras et de son école contre le régime parlementaire de la IIIe République, faible là où il devait être fort (en haut, dans l’exercice des fonctions régaliennes de l’État) et fort là où il devait être faible (en bas, dans le contrôle et l’administration de la société).

    Mais elles nous apparaissent aussi comme un condensé des défauts de la démocratie, dans la mesure où le chef élu reste un homme de parti, incapable d’incarner l’unité de la nation, et plus préoccupé par sa réélection que par les réformes à mener dans l’intérêt du pays.

    Ce dernier défaut a d’ailleurs été accentué par le passage au quinquennat. 

    Mais l’élection présidentielle est, que cela nous plaise ou non, le moment le plus décisif de notre vie politique, celui où vont se décider les grandes orientations des cinq années suivantes. Les royalistes, ceux de l’Action française du moins, ont coutume de dire qu’ils entendent « préserver l’héritage en attendant l’héritier ». Ils ne se retirent donc pas dans leur tour d’ivoire ! Ils sont présents sur le champ de bataille, même s’ils veulent conserver une certaine hauteur de vue. 

    Ils se désintéressent d’autant moins de l’élection présidentielle de 2017 qu’elle se déroule à un moment crucial pour la survie du pays. L’indépendance, la sécurité et l’identité de la France sont menacées comme jamais par la conjonction de la mondialisation, du terrorisme et de l’immigration de masse.

    Comme tous les adversaires des processus de destruction en cours, nous regardons avec bienveillance le populisme (le rejet des élites politiques ou médiatiques, responsables de la situation), le souverainisme (la volonté de reprendre en main notre destin national) et le renouveau identitaire (la réponse à la mondialisation culturelle comme au communautarisme induit par l’immigration).

    Mais sur chacun de ces points, nous portons un regard original qu’il nous appartient de faire connaître : nous savons que le populisme conduit au césarisme et à ses périls là où le recours à la légitimité traditionnelle concilie autorité, service du bien commun et modération ; nous savons aussi que le souverainisme, s’il se réclame seulement de la démocratie, n’est pas suffisant pour garantir l’indépendance de la France car une majorité du peuple peut renoncer à sa liberté aussi bien qu’une assemblée ; nous savons, enfin, que l’identité française n’étant ni la race ni le contrat social républicain, ne peut se penser sans référence à notre longue histoire royale et catholique.  

    Professeur agrégé de lettres modernes

    Président du Comité directeur de l'Action française
  • Le cinquantenaire de la Nouvelle Action Française, par Jean-Philippe Chauvin.

    C’était un dimanche du printemps 1974 : nous étions dans un autocar qui nous amenait, mes camarades escrimeurs et moi, à Vannes ou à Lorient pour une compétition de fleuret. Quelques semaines auparavant, le président Pompidou était mort ;

    jean philippe chauvin.jpgdésormais, les affiches électorales vantaient les noms de ses potentiels remplaçants, débordant largement des panneaux officiels dédiés aux joutes présidentielles et s’étalant sur les murs, les placards d’affichage publicitaire ou les portes des universités. Une affiche, à la sortie de Rennes, nous intrigua : il était question d’un candidat royaliste, et nous pensâmes alors que c’était un héritier des rois, ou quelque chose comme cela, et je crois que, amusés, nous avons alors crié « vive le roi ! », sans penser ni à mal ni à la République… J’avais 11 ans et la politique, alors, se confondait avec l’histoire et le monde des adultes, et je fréquentais assidûment la première sans m’intéresser vraiment au second.

     

    Bien des années plus tard, je repensais à ce souvenir dominical sans vraiment savoir s’il était inaugural de mon royalisme. Et c’est dans l’été 1980 que je faisais connaissance avec l’Action Française dont j’allais ensuite devenir un militant passionné et, parfois, irraisonné malgré toute l’importance attribuée, dans ce « mouvement-école de pensée », à la raison raisonnante. Mais le candidat royaliste avait bien existé et j’appris alors qu’il s’appelait Bertrand Renouvin : tout en étant à l’AF dès l’automne 1980, je suivais avec sympathie les tentatives d’icelui pour se représenter à l’élection présidentielle du printemps 1981 et je repérais, dans le même temps, les nombreuses peintures de son mouvement, la NAF ou Nouvelle Action Française (devenue NAR, Nouvelle Action Royaliste, en 1978), qui parsemaient toute la Bretagne, de Quimper à Dinard, en passant par Rennes et les campagnes des environs de Dinan (entre autres). C’était une époque où la bombe à peinture appartenait à l’équipement de tout militant politique « des périphéries », et j’en devins moi aussi un adepte non moins fervent que l’était mon royalisme, l’une devenant serviteur de l’autre…

     

    Je n’ai jamais adhéré à la Nouvelle Action Royaliste, même si j’ai eu l’honneur d’être le rédacteur en chef d’une de ses publications, Lys Rouge, et que je suis fidèle lecteur et abonné de Royaliste depuis la fin de l’année 1980 ; j’avoue même avoir été, un temps, brouillé avec les militants rennais de la NAR. Comme le temps passe, puis-je murmurer en me remémorant ces souvenirs qui s’étalent sur presque la moitié d’un siècle… Et justement, voilà que c’est, déjà, le cinquantenaire de ce mouvement royaliste issu de l’Action Française et émancipé de cette dernière : le 31 mars, la NAR a 50 ans… et cela même si son nom de baptême n’est plus celui de sa maturité. Alors, bon anniversaire !! Un cinquantenaire, même sous couvre-feu, cela se fête !

     

    Cet anniversaire est aussi l’occasion d’une brève réflexion sur ce qu’est et ce que peut être le mouvement royaliste en général. En sortant de la Restauration Nationale qui représentait une Action Française historique, traditionnelle et fidèle, d’ailleurs autant à Maurras qu’au comte de Paris, les fondateurs de la NAF pensaient la « refonder » et, très vite, c’est l’identité royaliste qui va l’emporter sur d’autres parts de l’identité de l’AF : le nationalisme ou, du moins, son vocabulaire, va peu à peu laisser la place à un attachement à la nation française que l’on pourrait qualifier, à la suite de Pierre Boutang, de « nationisme ». Mais la NAF, y compris après sa transformation en Nouvelle Action Royaliste (un changement de nom qui montre clairement la mutation du mouvement né en 1971 vers un royalisme détaché des polémiques et d’une grande part de l’héritage maurrassien qui, pourtant, n’est pas totalement absent de l’actuelle NAR…), perpétue la méfiance à l’égard de la construction européenne telle qu’elle se déroule dans les années 1970-80, avant que de se rallier, très temporairement, à la vision européenne de François Mitterrand et d’appeler à voter « oui » au référendum sur le traité de Maëstricht. En révisant ensuite son jugement de l’époque ou en le nuançant par une opposition vive à la politique monétaire de l’Union européenne, la NAR montre là un bon usage de l’empirisme organisateur que n’aurait pas désavoué Maurras.

     

    Il y a, au-delà de l’actuelle NAR dont le bimensuel Royaliste est le principal moyen d’expression, un héritage de la Nouvelle Action Française que se partagent nombre de militants royalistes, y compris de groupes qui se rattachent plutôt à la « vieille maison » de l’AF : l’idée d’une « Monarchie populaire », que le Groupe d’Action Royaliste, par exemple, traduit en « Monarchie sociale », reste forte et trouve même nombre d’adeptes nouveaux dans une mouvance qui lui accordait une place jusqu’alors plutôt réduite malgré les efforts de Firmin Bacconnier ou de Georges Valois au début du XXe siècle ; la volonté de rompre avec les seules commémorations de souvenirs glorieux et parfois factieux, mais trop souvent mal compris du grand public, au profit d’une histoire plus vivante, plus active même, renouant avec l’impertinence des Camelots du Roi d’Henri Lagrange et de Georges Bernanos ; un style militant qui manie aussi bien le tract argumenté que la peinture combative ou la banderole revendicative ; etc. La lecture des anciens numéros du journal de la Nouvelle Action Française, homonyme avant que de s’appeler simplement « NAF » puis Royaliste, est parfois fort instructive et motivante, avec sa « nouvelle enquête sur la monarchie » ou ses entretiens avec Pierre Boutang et Maurice Clavel, entre autres.

     

    Bien sûr, il n’y aurait aucun intérêt à copier exactement ce qui a été fait en un temps désormais lointain : mais la NAF peut servir, sinon de modèle, du moins d’inspiratrice, pour dépasser les préjugés, y compris ceux qui traînent parfois dans les milieux royalistes eux-mêmes, et pour nous rappeler que le combat pour la Monarchie n’est pas un dîner de gala, mais bien une recherche intellectuelle permanente et une action politique raisonnée sans être toujours trop raisonnable. La passion qui anima les « nafistes » et qui poursuivait celle des Camelots du Roi est, elle, toujours d’actualité et, plus encore, nécessaire. « Pour ne pas mourir royalistes, mais pour faire la Monarchie »…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Sur Riposte laïque : Mon hommage au ”Grand Charles”... Maurras, par Eric de Verdelhan

    Entre les mois de septembre 2019 (Journées du Patrimoine) et mars 2020 (Elections municipales) nous menons campagne pour la réouverture au public de la maison et du jardin de Maurras au Chemin de Paradis; pour leur transformation en Centre culturel de haut niveau, sereinement dédié aux recherches et aux études sur Maurras et son influence immense, en France et à l'étranger; et pour l'inscription de cette maison et de son jardin au réseau des Maisons des Illustres...

    Un mois après l'article du canadien Pinkoski, voici un article d'Eric de Verdelhan : c'est exactement le genre de textes que nous aimerions "entendre", lors de débats, rencontres, colloques... organisés dans ce Centre culturel dont nous demandons la création à Martigues, dans la Maison de l'un de ses plus illustres enfants (avec Gérard Tenque et le peintre de Louis XVI, Joseph Boze).

    Comme pour l'article de Pinkoski, on n'est pas obligé d'en approuver la totalité des propos, d'être d'accord en tout avec l'auteur : au moins s'agit-il d'une saine "disputatio", d'une bouffée d'air pur dans le désolant conformisme et la non moins désolante auto censure d'aujourd'hui, imposées l'une et l'autre par une vérité officielle et un politiquement correct étouffants et insupportables...

    Nous ne faisons pas de Maurras une icone (mot que l'on emploie à tout propos et surtout à tort et à travers aujourd'hui); nous ne disons pas et n'avons jamais dit que nous "sacralisions" l'intégralité de ses propos ou écrits; que nous faisons nôtres la totalité de tout ce qu'il a fait... Et nous acceptons tout à fait une saine "critique", au sens originel du terme, de Maurras et de son oeuvre.

    Ce serait justement - ce sera ?... - le rôle du Centre que nous appelons de nos voeux que de promouvoir ces études maurrassiennes dépassionnées et positives..

    MAURRAS hommage.jpg

    (publié le 22 novembre 2019)

    « Quand un régime tombe en pourriture, il devient pourrisseur : sa décomposition perd tout ce qui l’approche. »
    « Ni aujourd’hui ni jamais, la richesse ne suffit à classer un homme, mais aujourd’hui plus que jamais la pauvreté le déclasse. » (Citations de Charles Maurras)

    Cette année, la manifestation – honteuse – contre l’islamophobie du 10 novembre, puis, aussitôt après, celles du 11 novembre, auront occulté la date anniversaire de la mort du général de Gaulle, le 9 novembre 1970.
    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au fil des années, l’anniversaire de sa disparition ne mobilise plus les foules : les pleurnichailleries et salamalecs incantatoires autour de son caveau ne font plus recette. J’ai envie de dire : tant mieux ! Ouf ! Enfin ! Pas trop tôt !

    Cette année, à Colombey, ils étaient une petite poignée, tous venus là par opportunisme (ou clientélisme électoral) car se déclarer gaulliste, c’est encore « tendance », surtout quand on n’a rien d’autre à dire : ça n’engage à rien, c’est du vent ! Un vent qui a des odeurs de flatulence : un pet.
    Du vivant du Général, déjà, on pouvait être « gaulliste de la première heure », « gaulliste de gauche », « gaulliste social », « gaulliste de progrès », « gaulliste du centre » etc… etc. Il est vrai que ces différents courants de larbins étaient qualifiés par leurs opposants de « Godillots ».

    Le gaullisme n’a jamais été un programme politique, un courant de pensée ou une idéologie, c’était une idolâtrie : un peuple de veaux (selon de Gaulle lui-même) vénérait son veau d’or, Charles le Dérisoire, « Saigneur » de Colombey, bradeur de notre bel Empire colonial.

    Arrivé une première fois au pouvoir sur une imposture, qui déboucha sur une épuration féroce, il y reviendra au lendemain du 13 mai 1958 pour « sauver l’Algérie française ». On connaît la suite : le massacre de 120 à 150 000 harkis et leurs familles, 1 million 1/2 de « Pieds-noirs » qui n’eurent d’alternative qu’entre « la valise ou le cercueil », 3 ou 4 000 disparus… etc.
    La fin, aussi, de notre autosuffisance énergétique et le début de notre déclin. Le tapis rouge déroulé aux égorgeurs du FLN. Sans parler de la politique catastrophique de la « Francafrique » (ou « France à Fric » ?) dans nos anciennes colonies.

    Pourtant, l’antigaulliste que je suis est choqué que les médias fassent la part belle à une manifestation de musulmans sur notre sol, même si elle est l’une des conséquences directes de la politique gaullienne à l’égard de nos anciennes possessions d’Afrique du Nord et d’Afrique noire.
    Mais, puisque nous sommes en novembre, je m’autorise à honorer la mémoire du « Grand Charles ». Pas le traître de Colombey, non, mais Charles Maurras qui aura été l’un des plus grands intellectuels de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe.

    Charles Maurras est né le 20 avril 1868 à Martigues. Écrivain et poète provençal appartenant au « Félibrige », agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des milieux catholiques. Autour de Léon Daudet, Jacques Bainville, et Maurice Pujo, il dirige le journal « L’Action française », fer de lance de la formation du même nom : royaliste, nationaliste et contre-révolutionnaire.

    « L’Action française » a été le principal mouvement politique d’extrême-droite sous la IIIe République. Outre Léon Daudet et Jacques Bainville, Maurras compte parmi ses soutiens des gens comme Georges Bernanos, Jacques Maritain, Thierry Maulnier, Philippe Ariès, Raoul Girardet (et, plus tard, le mouvement littéraire des « Hussards »).
    Avec plus de 10 000 articles publiés entre 1886 et 1952, Maurras demeure le journaliste politique et littéraire le plus prolifique de son siècle. Il aura une grande influence dans les milieux conservateurs. En 1905 Maurras publiait « L’Avenir de l’intelligence », livre (prémonitoire) qui mettait en garde contre le règne de l’argent et son emprise sur les intellectuels.

    Au lendemain de la Grande Guerre, la popularité de « L’Action française » se traduit par l’élection de Léon Daudet comme député de Paris. Mais un grand nombre de ses dirigeants sont tombés au champ d’honneur. Maurras leur rendra hommage dans « Tombeaux » en 1921 (1).

    Dès 1918, Maurras réclamait une paix qui serve les intérêts de la nation : la division de l’Allemagne, l’annexion du Landau et de la Sarre, un protectorat français sur la Rhénanie. Là où les politiques parlent de droit, de morale, de générosité, « l’Action française » affirme la nécessité du réalisme pour préserver les équilibres internationaux.
    Dès 1922, Maurras a des informations précises sur Adolf Hitler. Dès lors, il dénonce le pangermanisme de la République de Weimar.

    En 1930, il dénonce l’abandon de Mayence par l’armée française et titre « Le crime contre la Patrie ». La même année, « L’Action française » publie une série d’articles sur le national-socialisme allemand, présenté comme « un des plus grands dangers pour la France ». L’obsession de la menace hitlérienne se traduit par l’ouverture du journal à des officiers signant sous pseudonyme.

    En 1932, le général Maxime Weygand dénonce la politique de désarmement menée par la gauche : « L’armée est descendue au plus bas niveau que permette la sécurité de la France ».
    En 1933, Maurras écrivait : « Quoi que fassent ces barbares, il suffit d’appartenir au monde de la gauche française, pour incliner à leur offrir de l’encens, le pain, le sel et la génuflexion ».
    Maurras voit dans l’arrivée d’Hitler au pouvoir la confirmation de ses pronostics.
    En 1934, après la « nuit des Longs Couteaux », il fustige l’« abattoir hitlérien ». La menace allemande constitue le fil rouge de ses préoccupations. En 1936, Maurras préface l’ouvrage antinazi de la comtesse de Dreux-Brézé. Il y déplore l’assassinat de Dollfuss par les nationaux-socialistes.

    Il essaiera aussi de détourner Mussolini d’une alliance avec Hitler, puis, inquiet, il prendra diverses initiatives pour renforcer les chances de la France en cas de guerre :
    – Il lance une campagne de souscription en faveur de l’aviation militaire : 20 quotidiens parisiens, 50 journaux de province le rejoignent. Mais Daladier s’y oppose ;
    – Il écrit à Franco pour le convaincre de détourner l’Italie de l’alliance avec l’Allemagne ;
    – Il soutient le gouvernement Daladier dans sa volonté d’interdire le Parti communiste, dont quelques militants ont participé à des opérations de sabotage de l’effort de guerre.

    Entre-temps, récompense suprême de son œuvre monumentale, le 9 juin 1938, il est élu à l’Académie française. Mais le président Albert Lebrun refuse de le recevoir comme le voulait l’usage.
    Albert Lebrun, pour ceux qui connaissent mal notre histoire, a été le président du Front populaire, celui qui, en juillet 1940, refila, la pétoche au ventre, les clefs du pouvoir au maréchal Pétain et qui eut l’impudeur, à la Libération, de venir demander à de Gaulle de le laisser terminer son second mandat. Le chansonnier Martini le surnommait « Le sot pleureur » et la presse d’opposition « Larmes aux pieds » en raison de sa propension à pleurnicher en inaugurant les chrysanthèmes.

    De Gaulle, à qui je reconnais un vrai talent pour la formule vacharde, dira de lui :
    « Comme chef d’État, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État. ».
    Depuis cette époque, Lebrun, qui n’avait de grand que les pieds (2), a fait des émules : nos courageux « ripoux-blicains » se défoulent sur Zemmour ou Finkielkraut…

    En 1940, « L’Action française » titre en gros caractères : « Le chien enragé de l’Europe, les hordes allemandes envahissent la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. » Et Maurras écrit :
    « Nous avons devant nous une horde bestiale et, menant cette horde, l’individu qui en est la plus complète expression ». Dès le 3 septembre 1939, il reprend les accents bellicistes de l’Union sacrée. Jusqu’aux derniers combats de juin 1940, il apporte un soutien sans faille à l’effort de guerre, mais il approuve l’armistice comme… l’immense majorité des Français.
    Et il qualifie de « divine surprise » l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain. La « divine surprise » ce n’est pas la victoire de l’Allemagne, comme certains ont cherché à le faire croire à la Libération, mais l’accession au pouvoir du maréchal Pétain et le sabordage de la République par les parlementaires républicains eux-mêmes. D’ailleurs Maurras soutient le régime de Vichy, pas la politique de collaboration, car il est nationaliste, et profondément germanophobe.

    Il s’oppose à toute orientation germanophile ; il voit dans les partisans de la collaboration les continuateurs de Jaurès et Briand et écrit que « la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française : Déat, Doriot, Pucheu, Marion, Laval, une grande partie de l’ancien personnel briandiste. »
    Maurras est d’ailleurs regardé comme un adversaire par les Allemands qui font piller par la Gestapo les bureaux de « l’Action française ». En 1943, les Allemands placent Maurras parmi les personnes à arrêter en cas de débarquement. Et, en mai de la même année, en dépit de sa franche hostilité à Pierre Laval, il reçoit des mains du maréchal Pétain la Francisque Gallique (n° 2068).

    Rappelons que le « résistant Morland » – un certain François Mitterrand – a été décoré de la Francisque un peu avant Maurras (N° 2022) et que ça ne choque personne.
    Sous l’Occupation, les membres de « l’Action française » se divisent en trois groupes : celui des maurrassiens orthodoxes, anti-allemands mais fidèles au Maréchal, celui des collaborationnistes ouvertement pronazis (Robert Brasillach, Charles Lesca, Louis Darquier de Pellepoix ou Joseph Darnand), et celui des résistants : Honoré d’Estienne d’Orves, Michel de Camaret, Henri d’Astier de La Vigerie, Gilbert Renault, Pierre de Bénouville, Daniel Cordier ou Jacques Renouvin.

    Le colonel Rémy dira que sa décision de résister résulta de son imprégnation de la pensée de Maurras.  En revanche, ceux qui ont rejoint la collaboration déclarent avoir rompu avec l’essence de sa pensée : Rebatet qui se déchaînera contre Maurras, ou Brasillach que Maurras refusera de revoir.

    À la Libération, les épurateurs se souviendront que Charles Maurras était anti-gaulliste. Il est emprisonné et, le 28 janvier 1945, la cour de justice de Lyon le déclare coupable de haute trahison et d’ « intelligence avec l’ennemi ». Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale. Il commenta sa condamnation par une exclamation restée célèbre :
    « C’est la revanche de Dreyfus ! » Selon l’historien Eugen Weber, le procès, bâclé en trois jours, fut un procès politique : les jurés ont été choisis sur une liste d’ennemis politiques de Maurras, les vices de forme et les trucages ont été nombreux, le motif choisi est le plus infamant et le plus contradictoire avec le sens de sa vie : Maurras était viscéralement anti-allemand.

    De sa condamnation (art. 21, ordonnance du 26 décembre 1944), découle son exclusion de l’Académie française (qui attendra cependant sa mort pour procéder à son remplacement).
    Entre 1945 et 1952, Maurras publia quelques-uns de ses textes les plus importants. Bien qu’affaibli, il collabore (sous un pseudonyme) à « Aspects de la France », journal fondé par des maurrassiens en 1947, à la suite de l’interdiction de l’Action française.

    Le 21 mars 1952, il bénéficie d’une grâce médicale accordée par le président Vincent Auriol. Il est transféré à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours.
    Il meurt le 16 novembre 1952, après avoir reçu les derniers sacrements.
    Tous les témoignages attestent que les derniers mois de Maurras ont été marqués par le désir de croire et le 13 novembre 1952, il demande l’extrême-onction.

    Certains démocrates-CRÉTINS ont cherché à accréditer la thèse de la conversion inventée rétrospectivement, mais le témoignage de Gustave Thibon atteste du contraire ; il écrit :
    « Je n’en finirais pas d’évoquer ce que fut pour moi le contact avec Maurras : … je l’entends encore me parler de Dieu et de la vie éternelle avec cette plénitude irréfutable qui jaillit de l’expérience intérieure. J’ai rencontré beaucoup de théologiens dans ma vie : aucun d’eux ne m’a donné, en fait de nourriture spirituelle, le quart de ce que j’ai reçu de cet « athée » !  ».
    Les dernières paroles de Charles Maurras furent un alexandrin :
    « Pour la première fois, j’entends quelqu’un venir. » Il meurt le matin du 16 novembre 1952.

    Charles Maurras a laissé une œuvre immense : une centaine de livres, des milliers d’articles.
    De lui, pour être franc, je n’ai pas lu grand-chose sinon trois ou quatre livres et quelques articles : son « Enquête sur la Monarchie » (publié en 1903) et « Mes idées politiques » (publié en 1937). Un livre de vulgarisation de sa pensée qui devrait faire partie des programmes scolaires si… la pluralité de pensées politiques avait encore un sens dans notre pays décadent.

    Alors, tant pis ! Je prends le risque de choquer les ayatollahs des « acquis des Lumières », les défenseurs des « valeurs républicaines » (3) mais je pense que le père du « nationalisme intégral », le chantre de l’« empirisme organisateur » – dont nos énarques feraient bien de s’inspirer – avait compris pourquoi notre pays va de mal en pis depuis qu’il a tué « Le Trône et l’Autel ».
    Ernest Renan qui n’est pas, tant s’en faut, un de mes maîtres à penser, a écrit :
    « Le jour où la France a coupé la tête de son roi, elle a commis un suicide ».
    Qu’on me permette d’être, pour une fois, du même avis !

  • Notre feuilleton : Une visite chez Charles Maurras (85)

     

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

     

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    Aujourd'hui : Maurras, Daudet, Bainville, une amitié que seule la mort interrompit...

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    Que trois hommes aussi différents et, chacun, d'une personnalité aussi affirmée, aient pu durant toute leur vie - à partir du moment où ils se sont rencontrés - être et rester amis au quotidien, dans le même mouvement et les mêmes locaux, sans la moindre "dispute" notable, voilà qui constitue une exception remarquable dans l'histoire politique.

    À partir des années 1900 - dès qu'ils se rencontrèrent - les trois hommes ne se quittèrent plus : oui, c'est un fait unique dans les annales et dans l'histoire de la Presse politique, de la Presse tout court, française et même internationale, qui mérite d'être relevé...

    Tous les trois furent membres de l'Institut mais, s'ils se voyaient tous les jours dans les locaux du quotidien L'Action française (lorsqu'il n'y avait, évidemment, pas de réunion publique en province...) ils n'y siégèrent jamais ensemble :

    d'abord parce que Léon Daudet ne fut pas membre de l'Académie française, mais de l'Académie Goncourt, dont le style plus "décontracté" (comme on dirait aujourd'hui...) convenait beaucoup plus à son tempérament bouillant et volcanique que l'Académie française, nettement plus solennel...

    ensuite parce que, si Maurras et Bainville furent tous deux élus à l'Académie française, là non plus ils ne purent sièger ensemble : Bainville fut élu le 28 mars 1935, alors qu'il ne lui restait plus que dix mois à vivre (il mourut le 9 février de l'année suivante...) mais Maurras ne fut élu que trois ans plus tard, le 9 juin 1938...

    À noter également (car beaucoup l'ignorent) : Charles Maurras aurait même pu, peut-être, être présenté comme candidat au Prix Nobel de la Paix (lorsqu'il  s'agissait de ne pas laisser Mussolini tomber entre les mains d'Hitler, afin d'isoler celui-ci, dans la guerre que tout le monde voyait arriver...). Le 7 mai 1936, en effet, fut effectivement lancé un "Comité Inter-universitaire pour le Prix Nobel de la Paix à Charles Maurras", sous la présidence de Fernand Desonay, Professeur à l’Université de Liège. Parmi les autres fondateurs, des universitaires de Londres, Montréal, Anvers et Wilno (alors en Pologne, aujourd’hui Vilnius). La demande officielle parviendra en bonne et due forme au comité de Stockholm, signée de "professeurs belges, canadiens, suédois, polonais, français et suisses". Rapidement ce Comité reçut de nombreuses adhésions et, en 1937, la liste en était publiée par L’Action française : on y dénombrait quarante universités de seize pays différents. À titre individuel, derrière la France comptant 33 adhésions, venait la Roumanie avec 23.

    Mais peu après ce fut Munich, et l’attribution du Prix Nobel de la Paix fut suspendue pendant un certain temps (source Maurras.net).

     

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