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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Grandes ”Une” de L'Action française : Maurras est en Espagne, ”chez Franco”... (1/5)

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

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    Retraçons d'abord très rapidement le contexte dans lequel se déroule ce voyage :

    1. Maurras (né en 1868) a 70 ans. Un an auparavant, il a fait un peu plus de huit mois de prison à "la Santé" (du  au . Il y écrivit chaque jour son article pour L'Action française et, entre autres ouvrages, "Mes idées politiques". Le , près de soixante mille personnes vinrent lui rendre hommage à l’occasion de sa libération au Vélodrome d'Hiver en présence de la maréchale Joffre. Son crime : avoir tout fait pour que le Pays légal français ne pousse pas Mussolini dans les bras d'Hitler - ce qui se passa, en  fait...

    2. En France, c'est le Front populaire qui a gagné les élections et qui gouverne, lamentablement. Le Pays légal ayant refusé de démembrer l'Allemagne en 1918, tout se passe exactement comme Bainville (mort deux ans plus tôt) l'avait prédit : "la guerre pour dans vingt ans". Le "Front popu" gaspille les dernières années pendant lesquelles il serait encore possible, au moins, de s'armer pour faire face à un Hitler ayant transformé l'Allemagne en forges de Vulcain, et prête à fondre sur la France. Il préfère, ce "Front popu", aider de fait la répugnante et terroriste République espagnole et ce que les Franquistes appellent "Frente popular/Frente crapular". "Aider de fait", car il est empêché par les patriotes de tous bords d'intervenir militairement. "Nous sortirons les religieuses des couvents pour en faire des mères !" criaient les anarchistes républicains espagnols. Belle apologie du viol et de la violence de masse ! La République espagnole n'eut rien à envier, en guise de Terreur et d'extermination, aux terroristes révolutionnaires de 1789/1793 : cornaquée par Staline et le très puissant Komintern, elle n'avait pour rôle, selon le monstrueux Joseph, fils de Robespierre et de la Convention, que de prendre la France et l'Europe occidentale à revers, pour y instaurer cette "société sans classe" et cette "dictature du prolétariat", qui règneront sans partage, pour son plus grand malheur, sur la moitié de l'Europe pendant quarante ans, après 45 !

    Heureusement Franco était là, et sauva l'Espagne... Quelques années après sa victoire en 39, refusant à Hitler le passage de son armée par l'Espagne pour prendre à revers notre Armée d'Algérie et d'Afrique, il sauva aussi les forces de la France libre, permit leur victoire et hâta le retour de la paix...

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    Voici la "Une" de L'Action française du mercredi 4 mai 1938 :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k767053n/f1.item.zoom

    Le même jour qui vit Hitler entrer en Italie et être reçu triomphalement à Rome - hélas ! - vit Maurras franchir la frontière française, à Hendaye, en route "Vers l'Espagne de Franco" (titre de l'un de ses ouvrages, dans lequel il explique les buts de son voyage, et ses péripéties...).

    1A.jpg

    L'Action française racontera, évidemment, chaque jour cette "semaine espagnole" de Maurras (du 3 au 10 mai) : pourtant, ce premier jour, comme on le voit d'un simple coup d'oeil, c'est Hitler qui "prend" le plus de place, dans cette "Une", ce qui parasite complètement le compte-rendu des premiers moments de la visite de Maurras à Franco :

    • toute la colonne de gauche et les treize premières lignes de la deuxième sont consacrées à l'article de Daudet : "L'entrée triomphale du chancelier Hitler à Rome";

    • un "pavé" occupe le bas des deux colonnes centrales (la suite est à lire en page trois) : "Dans Rome pavoisée et illuminée, Hitler a reçu un accueil triomphal";

    • enfin, la quasi totalité de la sixième colonne revient à J. Delebecque, pour son article intitulé "Entre les dictateurs"...

    Maurras absent, sa "Politique" - qui occupe toujours le haut des colonnes centrales (trois, quatre et cinq) - est signée "Par intérim - A.F."

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    DAUDET.jpg• Daudet va tout de suite à l'essentiel et remonte aux sources : "...L'origine de la nouvelle alliance italo-allemande - car celle de Bismarck et de Crispi n'est pas si loin de nous, apparaît dans les fameuses sanctions de 1936. Mussolini déclara alors que, devant la volonté, affirmée par M. Eden, d' "asphixier" son pays, aux applaudissements de la clique de Genève - celle-là même qui voudrait actuellement nous jeter dans la guerre pour M. Bénès et la Tcéhcoslovaquie - il saurait, lui, Duce, garder la mémoire de ceux qui auraient refusé d'adhérer à cette ignominie imbécile..."

    L Action Française, Revue De La Politique Et De La Propagande - 1re Année, N°11 Nov. 1933 - La Politique Du Mois - Le Plebiscite Allemand - Jacques Delebecque - L Action Française Avait Raison...   de Collectif

    • Delebecque commence son article par "Le chancelier Hitler est à Rome. Tout a été mis en oeuvre pour donner à sa visite un éclat extraordinaire et qu'il emporte de son séjour dans la ville éternelle un souvenir ineffaçable..." puis écrit : "l'axe est à son zénith (j'emprunte l'expression à M. Gentizon, trop pénétrant observateur pour ne pas faire, immédiatemment après cette consatation, une allusion rapide aux "lois astronomiques des courbes") et l'achève par ce paragraphe, qui va à l'essentiel : "Bref, jusqu'où M. Mussolini est-il disposé à accompagner l'Allemagne ? Tout est là. Le sort de la Tchécoslovaquie, celui de l'Europe entière et de la paix dépendent probablement de sa réponse. Dans une grande mesure, il est l'arbitre du sort de millions d'êtres humains. Et il y a là de quoi donner aux tête-à-tête de Rome un intérêt qu'il n'est pas exagéré de dire capital."

    Carte

    Quel gâchis et quelle amertume ! Quand on sait que Mussolini avait arrêté une première fois Hitler, en mobilisant sur le Brenner en 34 ! Lorsque celui-ci voulait - déjà - annexer l'Autriche ("l'Anschluss") et fit assassiner le chancelier Dolfuss, les deux divisions italiennes envoyées par Mussolini suffirent à l'arrêter. L'Action française souhaitait intégrer Mussolini à une vaste coaliton anti hitlérienne, non, bien sûr, par connivence idéologique, mais par pur intérêt stratégique : priver Hitler de toute alliance possible, unir contre lui le maximum de pays... 

    • Après avoir, donc, replacé le voyage de Maurras dans son contexte européenmaurras.jpg angoissant, on a les premières informations (asssez restreintes) données au lecteur depuis Hendaye par "notre envoyé spécial" dans une courte note (même pas l'intégralité de la deuxième colonne) : "Hier à midi, Charles Maurras a traversé le pont international d'Hendaye pour se rendre en Espagne nationale. Accompagné de Maxime Réal del Sarte et de Georges Massot, il a été conduit par notre ami J. Dourec à Irún, où l'attendait Pierre Héricourt..." Accueil par des personnalités, présence des amis d'AF du lieu... : "Charles Maurras a remercié les autorités qui venaient de l'accueillir, en faisant ressortir tout ce que le monde civilisé devait à Franco, à ses soldats et à ses groupements nationalistes qui avaient su à temps réagir énergiquement pour ne pas succomber sous la barbarie soviétique... À quatorze heures les autorités espagnoles ont offert à Charles Maurras un déjeuner officiel à l'Hôtel María Cristina... le déjeuner s'est terminé par un court "brindis" de M. Pradera, faisant acclamer le roi de France, la France réelle et l'Espagne nationale? Notre maître, très ému par l'accueil qui lui était fait, a répondu par "Vivent les Patries ! Vive tout ce qui peut rendre au genre humain le sentiment de sa dignité ! Vive toute l'Espagne nationale ! Vive Franco !". Pendant ce temps Burgos se préparait à réserver un accueil aussi enthousiaste à Charles Maurras. On annonçait dans cette ville son arrivée prochaine." (fin du très court compte-rendu)

     

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    Pour lire les articles...

    En bas de page, une courte "barre de tâches" vous permet d'utiliser le zoom (tout à gauche de la barre) et de changer de page (flèche tout à droite); une fois appuyé sur "zoom", vous aurez, cette fois tout en haut de la page, une autre "barre de tâches" : en cliquant sur le "+", il ne vous restera plus, avec votre souris, qu'à vous promener sur la page, puis passer à la deuxième pour lire la suite...

     

    LFAR FLEURS.jpg

  • Grandes ”Une” de L'Action française : La courte ”entente” entre Maurras et André Gide...

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

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    Voici la "Une" du dimanche 5 novembre 1916, annonçant "Une lettre d'André Gide : la mémoire du lieutenant de vaisseau Dupouey, tombé au champ d'honneur : "le temps est venu de se connaître et de se compter" ", dans les deux dernières colonnes de droite, tout en bas, article intitulé "Les réponses à notre appel"...

    La-dite lettre est publiée en page 2, comme on le verra ci-après...

    1A.jpg

     

    Durant la Grande Guerre, Gide se rapprocha de Maurras, dans le contexte particulier de l’Union sacrée.

    En juillet 1914, il déclare lire "avec le contentement le plus vif la lettre de Barrès invitant au ralliement". Il se réjouit alors de "voir, devant cette menace affreuse, les intérêts particuliers s’effacer, et les dissensions, les discordes."

    Chez Gide comme chez d’autres, le patriotisme se conjugue avec une volonté diffuse de réagir contre le déclin national. En septembre 1916, il évoque par exemple "la lente décomposition de la France", ou encore "l’abominable déchéance où reculait peu à peu notre pays" , à laquelle la guerre lui semble pouvoir remédier.

    Avec de telles dispositions, il se réjouit logiquement que les lettres du lieutenant Dupouey, mort au champ d’honneur, lui donnent "enfin l’occasion d’écrire à Maurras". Le 2 novembre 1916, il écrit à ce dernier : "Le temps est venu peut-être de se connaître et de se compter, vivants ou morts", en lui envoyant par la même occasion un mandat destiné à payer son abonnement à L’Action française. Maurras lui répond chaleureusement, le 5, jour où la lettre de Gide est publiée dans L’Action française.

    1AA.jpg


    Durant la guerre, dans son journal ou sa correspondance, Gide ne cessa de saluer l’excellence des articles de Maurras et plus généralement de L’Action française. Gide déclare ainsi lire "chaque jour" L’Action française "avec une approbation presque constante".

    Par delà le patriotisme, il y a bien adhésion idéologique, Gide pouvant célébrer, à l’usage de Lucien Maury inquiet de la, "l’organisation de résistance que travaille à former l’Action française", qu’il présente non comme le meilleur, mais comme le seul rempart possible contre ce danger : "L’Action française est, somme toute, le seul journal en France qui se soit bien tenu pendant la guerre.", écrira Gide...
    Ce sera dans les deux années qui suivent la fin de la guerre, que la position de Gide à l’égard de Maurras et de l’Action française évoluera rapidement, jusqu'à la rupture définitive, mais ce court moment d'entente entre les deux hommes méritait d'être rappelé...

    1A.jpg

    C'est en page 2 du numéro du Dimanche 5 novembre 1916 que Maurras donne le contenu de la lettre d'André Gide commençant par "Mon cher  Maurras" et que le Maître annonce ainsi :

    "...Les troisième et quatrième textes arrivés ensemble nous viennent de plus loin. L'un d'outre-tombe. L'autre d'une région philosophique et littéraire où nous n'espérions nullement conquérir cette rare amitié. Un nom propre la définit pour tous les lettrés, il suffit de nommer notre confrère le poète, romancier et moraliste A. Gide. Des cahiers d'André Walter aux Caves du Vatican, la carrière littéraire d'André Gide dessine une courbe brillante mais dont les contacts avec l'Action française ont été jusqu'ici rares ou fugitifs, et  nos relations personnelles, datant de notre plus ancienne jeunesse à l'un et à l'autre, furent aussi clairsemées qu'il était possible. Cependant, à traveres les contradictions, ni l'estime ni la sympathie n'ont manquées, et voici la lettre datée du jour des Morts par laquelle l'auteur de La Porte étroite me communique ce témoignage d'un héros de la guerre arrivé du pays de l'ombre :..."

    Vous pouvez lire le court texte de cette lettre dans la première colonne de gauche de la page 2, dont elle occuppe le deuxième tiers, central; elle s'achève par un P.S. : "...Ci-joint un billet pour le meilleur usage, sur lequel vous voudrez bien prélever le montant d'un abonnement à l'AF..."

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7592450/f2.item.zoom

     

    À connaître également, cette très courte lettre de Gide à Maurras, publiée de façon anonyme dans L’Action française du 21 décembre 1917, en page quatre : elle se trouve en haut de la première colonne (de gauche), à la 39ème ligne, après le sous-titre "les timides"

    Maurras la présente ainsi :

    "Immédiatemment à la suite de cette lettre, nous sommes heureux de pouvoir publier les lignes que nous adresse un de nos écrivains les plus subtils et les plus raffinés, que tout, avant la guerre, séparait et même éloignait de l'Action française, mais qui y est venu en toute loyauté et qui, vrai conducteur d'âmes, s'efforce d'y incliner les Français qui suivent ses directions..."

    le texte de cette courte lettre ici :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7596381/f4.item.zoom

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    Pour lire les articles...

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  • Action française & Histoire • Jean-Pierre Fabre-Bernadac : « L'affaire Daudet, un crime politique »

     

    Publié le 30 avril 2016 - Réactualisé le 10 juin 2017

     

    IMG.jpgENTRETIEN. En novembre 1923 éclate « l'affaire Philippe Daudet ». Le fils du célèbre homme de lettres et figure de proue de l'Action française Léon Daudet est retrouvé mort dans un taxi. Un prétendu suicide aux allures de crime politique. Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier de gendarmerie, diplômé de criminologie et de criminalistique, a rouvert le dossier à la lueur de sources nouvelles.

    ROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËL DE GISLAIN

    LE 24 NOVEMBRE 1923, BOULEVARD MAGENTA, PHILIPPE DAUDET EST RETROUVÉ AGONISANT DANS UN TAXI. QUE S'EST-IL PASSÉ EXACTEMENT CE JOUR-LÀ ?

    Il y a deux choses importantes à rappeler à propos de Philippe Daudet pour comprendre ce qui s'est effectivement passé. Le jeune homme avait une grande admiration pour son père et il avait tendance à faire des fugues. Agé de 15 ans lors des faits, il avait l'âme excessivement romanesque, exaltée. Juste avant sa mort, il essaie de partir pour le Canada. Mais une fois au Havre, il s'aperçoit qu'il n'ira pas plus loin...Dès lors, comment revenir chez lui sans subir les foudres de ses parents ? Comment faire pour que cette nouvelle fugue ne déçoive pas trop son père ? Dans son esprit, il s'agit d'être à la hauteur ; son grand-père Alphonse est un immense écrivain et son père Léon une figure royaliste brillante et redoutée. Comme il sait que les anarchistes ont déjà essayé de tuer son père un an plus tôt, il se dit qu'un acte de bravoure, qui consisterait à révéler la préparation d'un nouveau complot pourrait faire oublier cette fugue... De retour à Saint-Lazare, il se rend donc au Libertaire, journal qui hait Léon Daudet, pour infiltrer les cercles anarchistes. Il tombe dans un panier de crabes parce que le milieu est complètement infiltré par la police politique. Avec son air de bourgeois et son projet fumeux d'assassinat de haute personnalité, Philippe Daudet n'a pas dû faire illusion très longtemps. Son identité certainement devinée, on l'envoie vers un libraire, un certain Le Flaoutter, indic notoire, et son sort bascule. La Sûreté générale, l'organe de la police politique, est prévenue, onze hommes débarquent pour arrêter le jeune homme... qui est retrouvé mort dans un taxi.

    LA THÈSE OFFICIELLE CONCLUT À UN SUICIDE. VOUS MONTREZ QU'ELLE EST COUSUE DE FIL BLANC...

    En effet, les incohérences se succèdent. Philippe Daudet a récupéré chez les anarchistes un « 6.35 ». Il tenait-là la preuve de son courage vis-à-vis de son père. Pourquoi ne rentre-t-il pas chez lui à ce moment-là ? Par ailleurs, il était extrêmement croyant et on ne comprend pas ce geste de suicide - un péché absolu -, d'autant qu'il était heureux chez lui même s'il aimait l'aventure. En reprenant le dossier - j'ai pu accéder aux archives nationales de la Police et à l'ensemble des documents de la famille Daudet -, les partis pris de l'enquête m'ont sauté aux yeux. Des témoignages fondamentaux sont écartés, des pistes ne sont pas exploitées et les conclusions sont pour la plupart approximatives. Le « 6.35 » qui a donné la mort au jeune homme n'est manifestement pas celui retrouvé, vu qu'aucune balle ne s'est chargée dans le canon après le coup de feu comme elle aurait dû le faire automatiquement ; la douille réapparaît dans le taxi dix jours après le drame au moment de la reconstitution, alors qu'il avait été soigneusement nettoyé ; aucun des onze policiers postés spécialement ne voit Philippe Daudet entrer ou sortir de la librairie, les horaires ne concordent pas, etc.

    DANS QUEL CONTEXTE IDÉOLOGIQUE S'INSCRIT ETTE DISPARITION ?

    Marius Plateau, le secrétaire général de l'Action française, a été tué de 5 balles un an auparavant par Germaine Berton, une anarchiste. À l'issue d'un procès absolument inique, la meurtrière est acquittée... Le contexte est donc extrêmement tendu. Des élections approchent, qui vont être gagnées par la gauche. Poincaré, qui a eu un lien amical avec l'Action française pendant la guerre - il sait le nombre de soldats et d'officiers qui ont été tués dans ses rangs - change son fusil d'épaule lorsqu'il voit que sa carrière est en jeu. Une tension sous-jacente vient du fait que l'Action française essaie de se rapprocher par le cercle Proudhon du mouvement ouvrier. Cela fait peur au pouvoir. On craint qu'une forme de national populisme ou monarchisme ne s'installe, d'autant que les scandales comme Panama ou le trafic des légions d'honneurs n'ont fait que discréditer la classe politique. Il faut bien voir que les tranchées ont donné naissance à une fraternité nouvelle considérable entre des français d'horizon divers. Le bourgeois et l'ouvrier ont maintenant un point commun : ils ont risqué leur peau de la même manière. Le fascisme, et d'une certaine façon, le national-socialisme sont nés de ce même élan à l'époque. Cette union qui bouleverse les classes effraie et on veut y mettre un terme à tout prix.

    tumblr_nfg1vfr2r11u298jgo1_500.jpgDANS CE CLIMAT, POURQUOI ABATTRE LE FILS DE DAUDET ?

    Disons que, parmi les personnalités de l'Action française, mouvement qui suscitait une inquiétude grandissante, Léon Daudet avait des enfants et que Maurras n'en avait pas... Philippe, avec ce caractère éloigné des réalités, était quelqu'un de facilement manipulable. Voir cet enfant se jeter dans la gueule du loup était une aubaine pour des adversaires politiques. Je ne pense pas qu'il y ait eu de préméditation. Je ne crois pas qu'on ait voulu le tuer au départ mais que les circonstances ont conduit la Sûreté générale à le supprimer, lorsqu'elle a su qui elle tenait... Les Daudet étaient des sanguins ; il est possible que, se sentant démasqué, Philippe se soit rebellé, qu'un coup de feu soit parti et que l'on ait voulu maquiller les choses en suicide... On y a vu le moyen d'ouvrir une brèche et d'affaiblir l'Action française, qui bien sûr était visée in fine.

    IL Y A AUSSI CET INCROYABLE PROCÈS POLITIQUE CONTRE LÉON DAUDET...

    C'est la cerise sur le gâteau. Le père vient de retrouver son fils mort dans un taxi. Il fait un procès au chauffeur et voilà qu'il se retrouve condamné à cinq mois de prisons ! Il faut bien saisir la perfidie de ce jugement, à travers lequel on a opposé de façon fictive un père et un fils, salissant la réputation de l'un et la mémoire de l'autre. Les anarchistes n'ont cessé de répéter au cours du procès que Philippe était des leurs, ce qu'il n'a bien sûr jamais été. Lorsque l'on sait que les anarchistes étaient à l'époque le bras armé de la République, la manoeuvre est particulièrement écoeurante. Léon Daudet va finir par se rendre, mais l'histoire ne s'arrête pas là. Grâce au détournement des lignes téléphoniques du ministère de l'intérieur par une militante de l'Action française, il parvient à s'évader d'une façon rocambolesque. Après quoi il est contraint de se réfugier plusieurs années en Belgique...

    UNE TELLE AFFAIRE POURRAIT-ELLE SE REPRODUIRE AUJOURD'HUI ?

    Le pouvoir donne tous les moyens pour agir en cas de menace. Je crois qu'évidemment de tels évènements pourraient se reproduire aujourd'hui et qu'ils ne sont pas l'apanage d'une époque. Depuis 1945, les disparitions troubles d'hommes proches du pouvoir n'ont pas cessé - on en compte au moins trois. La police politique n'a pas disparu, elle est inhérente à la République. 


    À LIRE : ON A TUÉ LE FILS DAUDET, de Jean-Pierre Fabre-Bemardac, éditions Godefroy de Bouillon, 265 p., 26 euros.

  • Action française & Histoire • Jean-Pierre Fabre-Bernadac : « L'affaire Daudet, un crime politique »

     

    IMG.jpgENTRETIEN. En novembre 1923 éclate « l'affaire Philippe Daudet ». Le fils du célèbre homme de lettres et figure de proue de l'Action française Léon Daudet est retrouvé mort dans un taxi. Un prétendu suicide aux allures de crime politique. Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier de gendarmerie, diplômé de criminologie et de criminalistique, a rouvert le dossier à la lueur de sources nouvelles.

    ROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËL DE GISLAIN

    LE 24 NOVEMBRE 1923, BOULEVARD MAGENTA, PHILIPPE DAUDET EST RETROUVÉ AGONISANT DANS UN TAXI. QUE S'EST-IL PASSÉ EXACTEMENT CE JOUR-LÀ ?

    Il y a deux choses importantes à rappeler à propos de Philippe Daudet pour comprendre ce qui s'est effectivement passé. Le jeune homme avait une grande admiration pour son père et il avait tendance à faire des fugues. Agé de 15 ans lors des faits, il avait l'âme excessivement romanesque, exaltée. Juste avant sa mort, il essaie de partir pour le Canada. Mais une fois au Havre, il s'aperçoit qu'il n'ira pas plus loin...Dès lors, comment revenir chez lui sans subir les foudres de ses parents ? Comment faire pour que cette nouvelle fugue ne déçoive pas trop son père ? Dans son esprit, il s'agit d'être à la hauteur ; son grand-père Alphonse est un immense écrivain et son père Léon une figure royaliste brillante et redoutée. Comme il sait que les anarchistes ont déjà essayé de tuer son père un an plus tôt, il se dit qu'un acte de bravoure, qui consisterait à révéler la préparation d'un nouveau complot pourrait faire oublier cette fugue... De retour à Saint-Lazare, il se rend donc au Libertaire, journal qui hait Léon Daudet, pour infiltrer les cercles anarchistes. Il tombe dans un panier de crabes parce que le milieu est complètement infiltré par la police politique. Avec son air de bourgeois et son projet fumeux d'assassinat de haute personnalité, Philippe Daudet n'a pas dû faire illusion très longtemps. Son identité certainement devinée, on l'envoie vers un libraire, un certain Le Flaoutter, indic notoire, et son sort bascule. La Sûreté générale, l'organe de la police politique, est prévenue, onze hommes débarquent pour arrêter le jeune homme... qui est retrouvé mort dans un taxi.

    LA THÈSE OFFICIELLE CONCLUT À UN SUICIDE. VOUS MONTREZ QU'ELLE EST COUSUE DE FIL BLANC...

    En effet, les incohérences se succèdent. Philippe Daudet a récupéré chez les anarchistes un « 6.35 ». Il tenait-là la preuve de son courage vis-à-vis de son père. Pourquoi ne rentre-t-il pas chez lui à ce moment-là ? Par ailleurs, il était extrêmement croyant et on ne comprend pas ce geste de suicide - un péché absolu -, d'autant qu'il était heureux chez lui même s'il aimait l'aventure. En reprenant le dossier - j'ai pu accéder aux archives nationales de la Police et à l'ensemble des documents de la famille Daudet -, les partis pris de l'enquête m'ont sauté aux yeux. Des témoignages fondamentaux sont écartés, des pistes ne sont pas exploitées et les conclusions sont pour la plupart approximatives. Le « 6.35 » qui a donné la mort au jeune homme n'est manifestement pas celui retrouvé, vu qu'aucune balle ne s'est chargée dans le canon après le coup de feu comme elle aurait dû le faire automatiquement ; la douille réapparaît dans le taxi dix jours après le drame au moment de la reconstitution, alors qu'il avait été soigneusement nettoyé ; aucun des onze policiers postés spécialement ne voit Philippe Daudet entrer ou sortir de la librairie, les horaires ne concordent pas, etc.

    DANS QUEL CONTEXTE IDÉOLOGIQUE S'INSCRIT ETTE DISPARITION ?

    Marius Plateau, le secrétaire général de l'Action française, a été tué de 5 balles un an auparavant par Germaine Berton, une anarchiste. À l'issue d'un procès absolument inique, la meurtrière est acquittée... Le contexte est donc extrêmement tendu. Des élections approchent, qui vont être gagnées par la gauche. Poincaré, qui a eu un lien amical avec l'Action française pendant la guerre - il sait le nombre de soldats et d'officiers qui ont été tués dans ses rangs - change son fusil d'épaule lorsqu'il voit que sa carrière est en jeu. Une tension sous-jacente vient du fait que l'Action française essaie de se rapprocher par le cercle Proudhon du mouvement ouvrier. Cela fait peur au pouvoir. On craint qu'une forme de national populisme ou monarchisme ne s'installe, d'autant que les scandales comme Panama ou le trafic des légions d'honneurs n'ont fait que discréditer la classe politique. Il faut bien voir que les tranchées ont donné naissance à une fraternité nouvelle considérable entre des français d'horizon divers. Le bourgeois et l'ouvrier ont maintenant un point commun : ils ont risqué leur peau de la même manière. Le fascisme, et d'une certaine façon, le national-socialisme sont nés de ce même élan à l'époque. Cette union qui bouleverse les classes effraie et on veut y mettre un terme à tout prix.

    DANS CE CLIMAT, POURQUOI ABATTRE LE FILS DE DAUDET ?

    Disons que, parmi les personnalités de l'Action française, mouvement qui suscitait une inquiétude grandissante, Léon Daudet avait des enfants et que Maurras n'en avait pas... Philippe, avec ce caractère éloigné des réalités, était quelqu'un de facilement manipulable. Voir cet enfant se jeter dans la gueule du loup était une aubaine pour des adversaires politiques. Je ne pense pas qu'il y ait eu de préméditation. Je ne crois pas qu'on ait voulu le tuer au départ mais que les circonstances ont conduit la Sûreté générale à le supprimer, lorsqu'elle a su qui elle tenait... Les Daudet étaient des sanguins ; il est possible que, se sentant démasqué, Philippe se soit rebellé, qu'un coup de feu soit parti et que l'on ait voulu maquiller les choses en suicide... On y a vu le moyen d'ouvrir une brèche et d'affaiblir l'Action française, qui bien sûr était visée in fine.

    IL Y A AUSSI CET INCROYABLE PROCÈS POLITIQUE CONTRE LÉON DAUDET...

    C'est la cerise sur le gâteau. Le père vient de retrouver son fils mort dans un taxi. Il fait un procès au chauffeur et voilà qu'il se retrouve condamné à cinq mois de prisons ! Il faut bien saisir la perfidie de ce jugement, à travers lequel on a opposé de façon fictive un père et un fils, salissant la réputation de l'un et la mémoire de l'autre. Les anarchistes n'ont cessé de répéter au cours du procès que Philippe était des leurs, ce qu'il n'a bien sûr jamais été. Lorsque l'on sait que les anarchistes étaient à l'époque le bras armé de la République, la manoeuvre est particulièrement écoeurante. Léon Daudet va finir par se rendre, mais l'histoire ne s'arrête pas là. Grâce au détournement des lignes téléphoniques du ministère de l'intérieur par une militante de l'Action française, il parvient à s'évader d'une façon rocambolesque. Après quoi il est contraint de se réfugier plusieurs années en Belgique...

    UNE TELLE AFFAIRE POURRAIT-ELLE SE REPRODUIRE AUJOURD'HUI ?

    Le pouvoir donne tous les moyens pour agir en cas de menace. Je crois qu'évidemment de tels évènements pourraient se reproduire aujourd'hui et qu'ils ne sont pas l'apanage d'une époque. Depuis 1945, les disparitions troubles d'hommes proches du pouvoir n'ont pas cessé - on en compte au moins trois. La police politique n'a pas disparu, elle est inhérente à la République. 


    À LIRE : ON A TUÉ LE FILS DAUDET, de Jean-Pierre Fabre-Bemardac, éditions Godefroy de Bouillon, 265 p., 26 euros.

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...: THE REVENGE OF MAURRAS

    https://www.firstthings.com/article/2019/11/the-revenge-of-maurras?fbclid=IwAR2eceOltXByMARti6OuczjxNjAz4F6glovPJrmvbYp2SNjK4G1aOtx9YRQ

     

     "Il faut lire Maurras." : telle est la conclusion et la dernière ligne de cet article de Nathan Pinkoski, chercheur postdoctoral au St. Michael's College de l'Université de Toronto.

    L'article est en anglais, mais un menu déroulant propose sa traduction en français (assez - voire franchement - mauvaise par moment).

    S'il faut lire Maurras - et nous sommes bien d'accord avec Pinkoski là-dessus - il faut lire également cet article, et le faire lire : on pourra, certes, émettre quelques réserves, voire quelques critiques; apporter telle ou telle précision, atténuer ou souligner telle ou telle affirmation.

    Mais, tel qu'il se présente, cet article est le symbole même de ce que nous aimerions voir et entendre dans une Maison de Maurras, à Martigues, intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et qui serait devenue un centre national et international d'études et de recherches sur la pensée et l'oeuvre du Maître de Martigues...

    ----

    Au cas où, pour une raison ou pour une autre, le lien viendrait à disparaître, voici d'abord le texte intégral, en anglais; puis sa traduction (imparfaite, nous l'avons dit) proposée par un logiciel de traduction de textes : ils ont encore des progrès à faire !...)

     

    I. Le texte original

    L’avenir de l’intelligence et autres textes
    by charles maurras
    edited by martin motte
    bouquins, 1,280 pages, €32,00

    Every year, France’s Ministry of Culture publishes an official volume to commemorate major anniversaries in French history, covering past events as well as the lives of prominent personalities. Assembled by a team of historians and approved by the Ministry, the list mixes victories and failures, the honored and the notorious—judging events and personalities strictly on the basis of their historical significance. In 2018, the judges placed Charles Maurras on the list, noting the 150th anniversary of his birth. Protests ensued. The judges insisted that commemoration is not the same as celebration, to no avail. Bowing to pressure, the Minister of Culture recalled and reedited the volume. Maurras’s name was effaced from the official history.

    The same year saw the release of a new anthology of Maurras, the first edition of his works to be arranged and published since 2002. It, too, caused a scandal. Reviewers deplored “the return of a fascist icon.”

    Publishing an anthology of ­Maurras is an offense against the postwar consensus and the “official history” of the twentieth century. Yet the case for studying Maurras is hard to deny. He was historically significant. As a political journalist, essayist, and poet, writing for more than six decades, he reached a wide audience and maintained enormous influence. Charles Péguy, Marcel Proust, and André Malraux all praised his talent. Those who acknowledged their intellectual debt to Maurras include philosophers Louis Althusser, Pierre Boutang, Jacques Lacan, Jacques Maritain, and Gustave Thibon, and novelists Georges Bernanos, Michel Déon, Jacques Laurent, and Roger Nimier. French president Georges Pompidou, the pragmatic conservative of the 1970s, praised Maurras as a prophet of the modern world. T. S. Eliot, who read Maurras for years, said that Maurras had helped him toward Christianity. Maurras was, for Eliot, “a sort of Virgil who led us to the gates of the temple.”

    The “official history” of the twentieth century is highly selective in its designations of the thinkers who count as scandalous. It does not hesitate to highlight Marx’s insights or to praise the political movements he spawned, and it quietly ignores the unsavory aspects of the thinker and his followers. The resulting distortion of our understanding of the twentieth century is a serious problem because—as the preface of the new anthology ­contends—readers today are likely to find “a troubling familiarity” in the situation Maurras addressed.

    The editor of L’avenir de l’intelligence et autres textes, military historian Martin Motte, demonstrates that Maurras was not a fascist. Like many interwar intellectuals, Maurras had a fondness for Mussolini. Yet he rejected the fascist theory that Mussolini advocated, of the state’s controlling the totality of the social realm. In the 1930s, Maurras denounced Hitler’s “bizarre philosophy of Blood and Race.” Opposing Nazism, Maurras taught that racial conflict was “neither the nerve nor the key of history.” He repeatedly advocated French rearmament in the face of the German threat. Fascists opposed him. They mocked Action française, the movement Maurras led, for its refusal of revolutionary violence—calling it “l’Inaction française.” Maurras was an icon and influence for many political movements, but fascism was not one of them.

    Deaf from an early age and cut off from most social life, Maurras turned his energies to reading and writing. He reached adulthood when France seemed to have reached the “end of history”; republicanism had triumphed over all its opponents. The Third Republic, which had consolidated in the 1870s following the Prussian invasion and the collapse of the Second Empire, claimed to obviate all the ideological battles of the past and to unite the French in a common consensus. It dominated the political, juridical, and cultural institutions of France. ­Maurras devoted his life to showing that this “end of history” mentality was a false republican conceit. The republican victory was extensive, making it “legal France.” But it was not “real France.” On behalf of “real France,” Maurras argued that the republican ideology and regime were weakening the nation and dividing the French against one another. Moreover, the Republic was steadily surrendering national independence to the control of foreign powers. Maurras argued that there was an alternative to republicanism, which would guarantee France’s independence: integral nationalism. Articulating its postulates would become the project of Action française.

    The volume’s selections, the detailed preface by Jean-­Christophe Buisson, and ­Martin Motte’s superb editorial essays make no attempt to ­idealize the political thought of Maurras. His most egregious failures are openly discussed. Anti-Semitism became a formidable political force in the nineteenth century, appearing in the writings of many prominent ­intellectuals. “We discern in Judaism . . . a universal anti-social element. . . . What is the worldly cult of the Jew? Huckstering. What is his worldly god? Money. . . . As soon as society succeeds in abolishing the empirical essence of Judaism—huckstering and its conditions—the Jew becomes impossible.” These quotations are from Marx, not Maurras, but Maurras wrote in a similar vein. Like nationalism, political anti-Semitism was born on the left but became bipartisan in time. Whereas left-wing anti-­Semitism imagined the Jew as the truest capitalist, right-wing anti-­Semitism imagined the Jew as unpatriotic, exercising undue ­political influence at the service of foreign powers.

    The right saw the Dreyfus affair as the realization of its worst fear. Here was a Jewish officer of the French army, convicted of spying for the Germans. The left used Dreyfus’s case not to clear his name but to humiliate the army. It was on that basis that Maurras wrote: “If Dreyfus is innocent, he should be made a Marshal of France, and his top ten defenders should be shot.” Of course, as later events showed, Dreyfus was innocent. The question of his innocence or guilt was the only question that should have mattered. Yet instead of prioritizing that question, Maurras used Dreyfus’s case to launch opportunistic attacks against the Republic and its Jewish supporters. Maurras’s anti-Semitic aim was to limit Jewish political influence. This was the typical French anti-Semitism of the nineteenth century. It was very far from the anti-Semitism of racial warfare and purification that Hitler embodied. Yet after the Shoah, these demarcations are of little consequence. Maurras cannot be excused.

    Nor should Maurras be excused for his support of Vichy. Maurras never wavered from arguing that the Third Republic was a flawed regime, doomed to collapse in the face of German menace. His prophecy came true in 1940, when he was an elderly man. After France’s surrender, he and most of the French people, including the political class of the left and right, trusted the hero of Verdun, Marshal Pétain, to lead a new regime. ­Maurras was one of many to imagine that Pétain would rebuild the country and avenge the defeat of 1940. But Maurras, deafer than ever, was living in his imagination. In supporting Vichy, he condemned himself by his own standard: He supported a regime that surrendered national independence to a foreign power. In rejecting Vichy, General de Gaulle was more Maurrassian than Maurras.

    Maurras was an agnostic for most of his life. This fact had ­consequences. He was fascinated by Auguste Comte’s positivist political project, which envisioned a central place for le culte, albeit in the form of a new religion of humanity. Maurras saw no reason for a new cult; the old, properly guided, would do. Thus, he did not adopt the anti-Christian prejudices common to secularist movements. He was not directly anti-clerical or anti-religious in the manner of the left. Yet his movement lacked, as Bernanos observed, an “interior life.” At his worst he did something more insidious, instrumentalizing Catholicism to political ends. This trend in Maurras’s thought, combined with the influence he exerted over French youth, prompted Pope Pius XI to denounce him and Action française in 1926. In an extraordinary and controversial use of papal disciplinary powers, Maurras’s major writings and the journal Action française were forbidden to Catholics under pain of excommunication. As an agnostic, Maurras appeared ­untroubled by excomm­unication. Yet his Catholic supporters could not be indifferent. Prominent Catholics drifted away, Bernanos and ­Maritain among them. By the time the ban was lifted in July 1939, Catholics had moved on.

    Maurras’s thought revolved around a series of binaries. The first was for counter-revolution, and against revolution. Maurras was sympathetic enough to the Orléaniste tradition to appreciate civic equality and the end of special privileges for the aristocracy. Yet the real essence of the French Revolution was the sacralization of social and political change, based on the ideal of individualism. Individualism had produced the great nineteenth-­century ideologies that emerged from the Revolution: socialism and liberalism. Both were individualist, in that they challenged the organic conception of society favored by the right of the nineteenth century. In its socialist form, Maurras argued, individualism attacks all social hierarchies. In its liberal form, it excuses the elite from acknowledging their social obligations toward the people. Both ideologies look to transform social relations and institutions in order to achieve freedom; but in seeking to free the individual from social roles, individualism mutilates freedom.

    For Maurras, genuine counterrevolution did not require violent social and political change. It required a way of thinking that would dissipate revolutionary passion. Thus, Maurras arrived at another binary: for classicism, and against romanticism. In his time, the right admired the romantics of the nineteenth century, who were often conservatives yearning for the lost unity of the old regime. But Maurras thought that the right had set up the wrong ­champions. Romanticism was a movement of individualism and historical determinism, which believed that the post-revolutionary present doomed France to mediocrity. Only a few noble souls could look beyond the present catastrophe. By regarding the past nostalgically, romanticism could not assess what from the past was transmissible, fertile, and eternal. It delighted in despair. To counter romanticism, Maurras proposed a rediscovery of classicism. Classicism sought to discover the rational order existing in nature and reality, including in politics. As a way of thinking, classicism disciplined the mind; classicism in politics disciplined the statesman to achieve right order and abandon hubristic, unrealizable dreams. As its name suggests, classicism sought to apply the best of Greece and Rome into the modern context. Classicism’s greatest achievement was the Grand Siècle of the seventeenth century, because the Grand Siècle synthesized the best of Greece and Rome into modern France. That achievement could be repeated in the twentieth century; it remained possible to grasp and achieve the right order for France. Maurras concluded that “in politics, all despair is absolute silliness.”

    France needed to be put into order, Maurras reasoned, with a system of thought that countered the ideas of “cosmopolitan anarchy.” The socialist idea of perpetual class struggle turned class against class. The republican idea of parliamentary politics turned political party against political party, intensifying the partisanship that had fractured national unity since the Revolution. The liberal idea turned the economic interests of the bourgeois against everything else, causing “more woes than the bombs of the libertines.” These ideas handed over to others the government of France, surrendering national independence. Against cosmopolitan anarchy, Maurras offered its opposite: integral nationalism.

    For Maurras, the nationalism-cosmopolitanism binary, and the choice for nationalism, followed as a deductive, almost mathematical argument. Individualism was false. Man has no more pressing need than to live in society. There are a variety of social forms, but the nation is the most complete, most solid, and most extended. Without nations, “We must fear the retreat of civilization.” Nationalism is, therefore, a rational obligation. Maurras understood nationalism as applying the highest moments of a nation’s past to its present, in order to secure the nation’s survival. Maurras held that the Church supports nations and encourages charity among nations, rather than seeking to destroy nations, as socialism does. He quipped that the Church was the only real “International.”

    In the French case, Maurras argued that the nation was formed out of its history. “Ten centuries of gradual collaboration” had drawn the French closer together, forming a bond of friendship. This friendship, in turn, created an inheritance that was passed down from generation to generation. Emphasizing a shared inheritance that looked to past successes for guidance, Maurras denied that the nation was “a phenomenon of race.” The French nation, he argued, was a federation of many races and peoples, each with a cultural and linguistic heritage that had to be preserved and respected (the young Maurras wrote in Provençal). In a sense, Maurras held that diversity was France’s strength.

    In realizing the vast nation-­building exercise dreamt up by the Jacobins during the Revolution, the Third Republic sought to destroy France’s diversity. Republicans feared the provinces as sources of reactionary political temperament and sought to transform them in order to promote ideological conformity. Through national education, the Republic waged war on local traditions and religious schools. Through bureaucratic indoctrination, it purged local governments of figures skeptical of republicanism. Through centralization, it crippled the capacity of the provinces to govern themselves.

    Despite these domineering tactics, the republican state was feeble. Its parliamentary politics produced temporary coalitions and a revolving door of ministers that made it impossible to maintain a consistent grand strategy. Weak government turned France’s diversity into a source of division, unloosing the centrifugal forces within France and threatening civic strife.

    Maurras offered a fundamental challenge to republicanism’s account of the power of the state and its purpose. The Republic’s institutions failed to accomplish what they purported to do. Because the Republic is the regime that divides the most, and because it organizes the exploitation of the country it has divided, ­Maurras wrote, “Action française calls all good citizens against the Republic.”

    Maurras opposed republicanism with an audaciously different ideal: monarchy. “Without a King, no national strength and no guarantee for national independence.” This was not a vision of absolute monarchy. (Absolute monarchy was, to a large extent, a republican fiction; the last of the Bourbon monarchs flailed against the powers of the local parliaments.) Instead, Maurras’s theory of the state was federalist. The national government would be the strong executive of a hereditary monarchy. Yet the state’s powers would be limited in kind and reach, not touching upon the rights and liberties of the regions. Unlike in the Republic, the towns, provinces, and corporate bodies would be “completely free.” This regime would show regard for France’s diversity while holding its centrifugal forces in check.

    Maurras’s most important argument for resolving the republic-­monarchy binary in favor of monarchy was his contention that the monarchy would solve France’s geopolitical problem. Maurras’s reading of French political history saw a close connection between foreign policy and domestic stability. Foreign policy was the crucible in which the French either rose to greatness or fell into confusion. A strong foreign policy united the nation’s people and increased their self-respect. A weak foreign policy pulled the nation apart, threatening national survival and hastening civil war. Here, another of Maurras’s binaries played out: for nationalist particularism, and against imperialist universalism. Maurras saw modern geopolitics as inherently unstable, fluctuating between the imperialism of the superpowers and the increasingly nationalist tendencies of smaller peoples. France was vulnerable to foreign domination, whether through invasion or through foreign powers capturing factions in the French government. It was misguided to imagine that France could be an imperial power; it had to understand itself as a nation.

    In Kiel et Tanger, the text that ­Pompidou praised as prophetic, Maurras detailed the history of the Third Republic’s failures in foreign affairs. The Third Republic had got the binary

  • Le legs d'Action française (I/X)

    MAURRAS BAINVILLE DAUDET.jpg

    (Conférence de Gérard Leclerc, donnée au Camp Maxime Réal Del Sarte - 2019)

    1A.jpgCe n’est pas sans une certaine émotion, voire une certaine crainte, que je prends la parole ce matin devant vous, parce que le sujet que j’ai choisi est un peu redoutable.

    Comment traiter en environ une heure, cette question considérable qu’est le legs de l’Action française ? Ce que l’Action française a apporté sur le plan intellectuel et politique, ce dont nous sommes les héritiers aujourd’hui, il s’agit de le faire fructifier en tirant toutes les leçons de cette longue histoire. Elle n’a pas été un long fleuve tranquille, c’est le moins que l’on en puisse dire. Si je me permets d’aborder ce sujet moi-même, c’est d’abord parce que je suis, effectivement, un héritier.

    Quel héritier  ? J’avais dix ans au moment de la mort de Charles Maurras, et je me suis trouvé associé à un certain nombre de séquences. Amené assez jeune à prendre des responsabilités à l’Action française, j’ai été l’adjoint de Pierre Pujo pendant plusieurs années, très tôt éditorialiste à Aspects de la France, etc. …

    J’ai participé à la rupture, douloureuse pour moi, de 1971, puis j’ai connu un certain nombre des grands témoins, des grands acteurs de cette histoire, qui s’appellent Pierre Pujo, déjà nommé, Pierre Juhel, Louis-Olivier de Roux et aussi deux personnages dont je vais parler ce matin  : Pierre Debray dont j’étais assez proche, et Pierre Boutang, dont je peux dire que j’ai été l’intime pendant de nombreuses années.

    C’est donc en tant que témoin de cette histoire que je vais essayer de la retracer, et de vous la transmettre. En y ajoutant un certain nombre de réflexions, de critiques que vous serez libres d’approuver ou non, car, comme le disait Charles Maurras, “la tradition est critique”. Si la tradition n’est pas critique, elle ne sert à rien… car cela signifierait que les échecs ne nous ont pas servi de leçon. Pourquoi faire une histoire lisse, purement positive et optimiste, de l’Action française, alors qu’elle nous pose de vrais problèmes  ? Si nous voulons nous comporter en véritables héritiers, il faut nous attacher à tirer de l’héritage le maximum de leçons.

    L’Action française est un mouvement qui a déjà cent vingt ans d’histoire derrière elle. Elle est née en 1899 et Charles Maurras est mort en 1952. L’histoire de l’Action française après Maurras, après le décès du maître, est déjà plus longue que la période de présence active de Maurras. Quand il s’agit d’envisager le legs historique de l’Action française, il nous faut donc en faire l’histoire complète. Aujourd’hui, je n’ai pas cette ambition, je ne pourrai que choisir un certain nombre de séquences, mais il faut que nous ayons bien en tête que l’histoire de l’Action française ne se termine pas en 1952, qu’elle s’est ensuite poursuivie, et qu’elle est intéressante et importante à étudier, surtout pour nous qui en sommes les héritiers immédiats.

  • Le legs d'Action française, par Gérard Leclerc (I/III)

    LECLERC.jpg(Conférence de Gérard Leclerc, donnée au Camp Maxime Réal Del Sarte de 2019)

    Ce n’est pas sans une certaine émotion, voire une certaine crainte, que je prends la parole ce matin devant vous, parce que le sujet que j’ai choisi est un peu redoutable.

    Comment traiter en environ une heure, cette question considérable qu’est le legs de l’Action française ? Ce que l’Action française a apporté sur le plan intellectuel et politique, ce dont nous sommes les héritiers aujourd’hui, il s’agit de le faire fructifier en tirant toutes les leçons de cette longue histoire. Elle n’a pas été un long fleuve tranquille, c’est le moins que l’on en puisse dire. Si je me permets d’aborder ce sujet moi-même, c’est d’abord parce que je suis, effectivement, un héritier.

    Quel héritier  ? J’avais dix ans au moment de la mort de Charles Maurras, et je me suis trouvé associé à un certain nombre de séquences. Amené assez jeune à prendre des responsabilités à l’Action française, j’ai été l’adjoint de Pierre Pujo pendant plusieurs années, très tôt éditorialiste à Aspects de la France, etc. …

    J’ai participé à la rupture, douloureuse pour moi, de 1971, puis j’ai connu un certain nombre des grands témoins, des grands acteurs de cette histoire, qui s’appellent Pierre Pujo, déjà nommé, Pierre Juhel, Louis-Olivier de Roux et aussi deux personnages dont je vais parler ce matin  : Pierre Debray dont j’étais assez proche, et Pierre Boutang, dont je peux dire que j’ai été l’intime pendant de nombreuses années.

    C’est donc en tant que témoin de cette histoire que je vais essayer de la retracer, et de vous la transmettre. En y ajoutant un certain nombre de réflexions, de critiques que vous serez libres d’approuver ou non, car, comme le disait Charles Maurras, “la tradition est critique”. Si la tradition n’est pas critique, elle ne sert à rien… car cela signifierait que les échecs ne nous ont pas servi de leçon. Pourquoi faire une histoire lisse, purement positive et optimiste, de l’Action française, alors qu’elle nous pose de vrais problèmes  ? Si nous voulons nous comporter en véritables héritiers, il faut nous attacher à tirer de l’héritage le maximum de leçons.

    L’Action française est un mouvement qui a déjà cent vingt ans d’histoire derrière elle. Elle est née en 1899 et Charles Maurras est mort en 1952. L’histoire de l’Action française après Maurras, après le décès du maître, est déjà plus longue que la période de présence active de Maurras. Quand il s’agit d’envisager le legs historique de l’Action française, il nous faut donc en faire l’histoire complète. Aujourd’hui, je n’ai pas cette ambition, je ne pourrai que choisir un certain nombre de séquences, mais il faut que nous ayons bien en tête que l’histoire de l’Action française ne se termine pas en 1952, qu’elle s’est ensuite poursuivie, et qu’elle est intéressante et importante à étudier, surtout pour nous qui en sommes les héritiers immédiats.

    (à suivre)

  • Action française • Images du Rassemblement Royaliste de Roquemartine en 1934 !

     

    823330531.jpgEst-il permis de mettre en ligne d'aussi piètres images ? La réponse est naturellement oui. Tous les grands mouvements politiques, tous les grands courants de pensée gardent - fût-ce avec un regard critique, à condition qu'il soit autorisé - la mémoire de leur histoire, histoire des idées, histoire de leurs actions. L'Action Française est éminemment de ceux-là.

    Les rassemblements royalistes sont une tradition très établie de l'Action Française, du Mont des Alouettes, jusqu'aux Baux de Provence, en passant par Barbentane, Roquemartine, Saint-Martin de Crau, Montmajour et autres lieux.

    Ce sont des images du rassemblement royaliste de Roquemartine [1934] que nous donnons ici. On sera indulgent : elles ont bientôt un siècle ; et l'on sera ému car elles nous montrent nos maîtres et nos grands prédécesseurs en fidélité nationale et royaliste.  LFAR

     

    Rassemblement royaliste de Roquemartine 1934 par franfil

     

    Rassemblement royaliste de Roquemartine 1934

     
    par Michel FRANCESCHETTI

    Le rassemblement royaliste de Roquemartine eut lieu le samedi 4 août 1934 sur les terres du marquis de Bonnecorse, dans la commune de Mollégès, entre Cavaillon et St Rémy de Provence. Il réunit plus de 10.000 personnes.

    Les premières images montrent Charles MAURRAS en train de dédicacer un livre.

    La caméra fait un panoramique sur la foule dans laquelle on peut reconnaître des Arlésiennes en costume traditionnel.

    Le premier orateur que l'on voit dans ce film, qui est muet, est Gaston CLAVEL, agriculteur, président de la section de Mollégès.

    Sur la tribune surmontée de l'inscription « Vive le roi », vient ensuite André VINCENT, avocat de Montpellier qui fut le premier à faire connaître l'AF dans la Vendée provençale.

    Puis, c'est le tour de Henri LAVALADE, cheminot, secrétaire général de la fédération provençale des sections d'AF fondée en 1925, qui est devenu président de la fédération du Vaucluse en 1933.

    Il est suivi par Joseph DELEST, gérant du journal quotidien L'Action Française.

    Le film se termine par Charles MAURRAS à la tribune.

     

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    Symboles & Traditions • Les tee-shirt du service d'accueil des rassemblements royalistes en Provence

    Les rassemblements royalistes de Provence ... 35 ans d'action politique

    304221273.jpg

     

    Le rassemblement royaliste de Montmajour en 1969

  • À suivre – Stéphane Blanchonnet : Commémorons Maurras avec Mme Nyssen ou sans elle !

     

    Par Stéphane Blanchonnet

    En donnant cette tribune à Boulevard Voltaire - où elle a été publiée hier dimanche - Stéphane Blanchonnet dit fort bien ce qu'il faut penser du tollé que soulève dans une frange d'ailleurs déclinante de l'opinion intellectuelle, l’inscription du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Maurras [1868], au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018. Voilà bien confirmation du double statut de Maurras : l'officiel, parfois exprimé dans la formule M. le Maudit, que tente d'imposer la pensée encore dominante, l'officieux ou pour mieux dire le réel qui est celui de contemporain capital, selon la formule du professeur Olivier Dard. Les deux statuts se combinent d'ailleurs ici significativement car, retirée ou non, la commémoration des 150 ans de la naissance de Maurras, nonobstant toutes rétractations et polémiques ultérieures, a bien été inscrite au programme du ministère de la culture pour l'année en cours.  A suivre, certainement.  LFAR

     

    648211564.jpgL’annonce récente de l’inscription de Maurras, - qui aurait eu 150 ans cette année -, au programme des Commémorations du ministère de la culture pour 2018, provoque une de ces polémiques quasi quotidiennes qui agitent les réseaux sociaux… Tous les censeurs professionnels sont à la manœuvre  : Corbière, la LICRA, Valls etc, et le ministre de la culture lui-même, Mme Nyssen, se voit contrainte, face à ce déchaînement de raccourcis et de caricatures, de rappeler cette évidence que commémorer un personnage important de l’histoire et des lettres françaises ne signifie pas adhésion totale à sa personne et à ses écrits !

    La vérité est que cette polémique est emblématique de la situation paradoxale de Maurras. Tout le monde, même parmi les demi-habiles et les demi-cultivés qui font la pluie et le beau temps dans le peu qu’il reste de vie intellectuelle française, connaît le nom du maître de l’Action française (plus, éventuellement, quelques citations polémiques et sorties de leur contexte) mais personne ou presque n’a lu une seule œuvre de ce géant de notre littérature, auteur de centaines d’ouvrages et de milliers de pages, qui firent les délices et l’admiration de Proust, Apollinaire, Cocteau, Kessel, Malraux, De Gaulle ou même Lacan. 

    Au fond, que Maurras soit ou non maintenu (il a semble-t-il été retiré depuis la rédaction de cet article) à la place qui est légitimement la sienne dans cette liste d’événements ou d’auteurs à commémorer dans le cadre officiel importe peu. Les censeurs pressés et incultes qui se sont manifestés lui ont finalement rendu le meilleur des services en attirant l’attention sur lui au moment ou la réédition d’une partie de son œuvre littéraire, politique et critique, est annoncée pour avril prochain chez un grand éditeur. 

    Le vrai public cultivé ira aux œuvres et jugera sur pièces !  

    Professeur agrégé de lettres modernes
    Président du Comité directeur de l'Action française
  • Vive le Roi : interview avec l'Action française, par Ciaran Brennan.

    Un aliment de base de la droite française depuis sa genèse en 1899 Action française est (AF) un groupe nationaliste largement dirigé par des étudiants, connu pour son activisme de jeunesse bruyant et ses amarres philosophiques. Souvent décrit comme un taon par le Rassemblement National (RN) de Le Pen, il a gagné une place respectée au sein de la société française inhabituelle pour les groupes de droite ailleurs. À l'occasion de l'anniversaire du martyre du roi Louis XVI, nous nous sommes entretenus avec Francis Venciton, sous-secrétaire général du groupe, pour discuter de l'activisme, des leçons apprises, ainsi que des perspectives du nationalisme français à l'aube d'une nouvelle décennie.

    19.jpgPour certains lisant cette interview, AF peut sembler être un nom un peu archaïque des livres d'histoire, et qui a connu son apogée à l'époque de Maurras et du régime de Vichy, comment répondriez-vous à ces critiques?

    En politique, les aspects du fauteuil ne doivent pas être vilipendés. Jusqu'à l'année dernière, beaucoup de gens expliquaient que les frontières étaient un archaïsme inutile, avec la pandémie, ils se rendaient compte que les frontières étaient comme des peaux. Une protection très importante contre les dangers étrangers. Et si vous suivez ce genre de logique, nous ne sommes autorisés à parler du Congo à son apogée qu'au XVe siècle, ce qui est un peu court. 

    Non, il y a plein de bonnes raisons de parler de AF et pas seulement de parler du passé. Fondamentalement, l'Action française est toujours en place et fonctionne, nous sommes toujours le mouvement royaliste le plus important en France, et une école intellectuelle respectée pour le domaine conservateur. 

    Un trotskyste radical de gauche, Edwyn Plenel, directeur de Mediapart, a déclaré que l'AF est le «talentueux laboratoire de la réaction». L'actuel ministre de la Sécurité {Gérald Darmanin} est un ancien journaliste d'un magazine AF. 

    Donc, parler d'AF n'est pas une sorte de sottise, et je saute l'héritage intellectuel du mouvement, de nombreux présidents étant conscients des pensées de Maurras ou étant eux-mêmes d'anciens Maurrassiens. Même chose pour beaucoup à l'Académie française ou pour les écrivains, philosophes et historiens.

    Au centre de AF se trouvent la figure et la philosophie de Charles Maurras, un penseur malheureusement presque inconnu dans le monde anglophone en raison du manque de traduction, brièvement quels sont les principes fondamentaux du maurrassisme et en quoi cela différerait de l'exemple des écoles plus familières. de la pensée catholique comme le distributisme?

    Contrairement à ce que disent des journalistes anglais ignorants, Maurras n'est pas le fondateur d'AF. Mais c'est lui qui a créé une doctrine nationaliste cohérente et qui a converti le fondateur original d'AF au royalisme. 

    Les deux fondateurs du mouvement, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, étaient tous deux à l'origine républicains patriotes. Maurras leur a donné la clé de l'alternative politique: le nationalisme intégral (intégralisme national)

    Comme attendu d'un mouvement appelé Action française, Maurras n'a montré aucun intérêt à traduire son propre travail en anglais. Un fait amusant est que durant sa vie, sa poésie a été plus souvent traduite que ses œuvres politiques ou journalistiques (qui représentaient la plupart de ses écrits). Et c'était bien dommage, car TS Eliot dans une revue pour Criterion était proche d'être un Maurrassien comme Hilaire de Belloc, TE Hulme et Chesterton étaient également tous deux lecteurs de la publication Action française.

    Lorsque Chesterton a lancé sa Ligue des distributeurs, il a tenté d'imiter l'Action française. En Irlande, Denys Gwyn a participé aux travaux de Maurras. Nous avons donc de brillantes racines Maurrassiennes dans le monde anglophone et sommes plutôt proches des catholiques anglais, des Canadiens et des Irlandais plutôt que des types John Bull.

    Cependant, nous travaillons actuellement sur une version anglaise du texte le plus célèbre de Maurras intitulé Mes idées politiques. Nous pensons modestement que la question du nationalisme dans le monde intellectuel anglais, par exemple avec la polémique autour du livre de Hazony «Les vertus du nationalisme», pourrait être élargie par les travaux de Maurras. On peut concevoir le nationalisme sans suivre l'alt-right ou le vieux livre de jeu libéral conservateur.

    Répondre au cœur de la pensée de Maurras est une question très difficile, car vous avez de nombreuses façons d'entrer dans Maurras. Mais je pense que la meilleure façon de comprendre la recherche Maurras est de commencer par la décentralisation. Maurras aimait le système politique d'une nation pleine de liberté débridée, qui en France est du royalisme mais pourrait être une république pour la Suisse ou l'Irlande. 

    Il est important de trouver un système politique adapté à l'histoire du pays et à ses institutions sociales. Nous pouvons voir le résultat de la poussée du système démocratique libéral au Moyen-Orient. Nous perdons des milliers de millions d'euros et de nombreuses vies pour de faux régimes, qui ne servent pas le bien-être commun et n'accordent qu'un crédit et une illusion aux libéraux. Les nations de l'Occident ont répandu la guerre pour l'intérêt économique et pour l'éblouissement politique. Nous devrions plus souvent être sidérés par cela. 

    Mais ce genre de nation pleine de liberté débridée pourrait travailler en France avec «l'autorité au sommet et la liberté du bas». La nation française a besoin de «Anarchie + 1» au lieu de «Anarchie au Royaume-Uni». Le royalisme français en France est un régime politique de liberté et d'unité. 

    Il est évident pour de nombreux analystes que Maurras partage beaucoup avec le distributisme. Dans les années vingt, Maurras rencontre Hilaire Belloc par l'intermédiaire de leur ami commun Yvon Eccles. Et au fond, ils ont beaucoup en commun: ils ont reconnu la majesté de l'Église catholique, ils se sont opposés à l'opposition entre l'État et les individus et pour suivre la voie d'une troisième voie, ils sont très intéressés par le corporatisme, ils sont des critiques de la sainte démocratie et ils sont anti-modernistes. 

    Mais, ils ont quelques points de divergence: Belloc, un catholique était un vrai croyant et Maurras est resté toute sa vie sous le porche de la foi en attendant d'entendre l'Être. (Maurras était sourd et ses derniers mots étaient "Je crois avoir entendu quelqu'un venir"

    Belloc a plus de sympathie pour la Révolution française que Maurras en raison du contexte différent. Et pour être honnête, Belloc a un doute sur la monarchie. Mais ce sont de petites différences. Ils s'accordent tous les deux sur l'importance de critiquer la modernité, pour montrer comment l'homme du XXe siècle est une sorte de barbare. 

    Comme beaucoup d'étudiants français, la droite AF s'est fait un nom par son agitprop ainsi que par son activisme comme l'occupation des immeubles du Groupe Latécoère suite à leur rachat américain. Quels types d'activisme les sections de votre organisation mèneraient-elles?

    Je ne suis pas d'accord avec vous. La plupart de la droite étudiante française est beaucoup plus impliquée dans les élections, les syndicats, la politique française, etc. que l'agitprop. Pour la plupart des étudiants de droite français, l'agitprop est pour les gauchistes.

    Agitprop est un élément essentiel de la AF. A partir de sa genèse, les étudiants de l'AF ont mené des agitpropres concernant l' affaire Thalamas . En 1904, Amédée Thalamas était un professeur d'histoire qui déclara sainte Jeanne d'Arc une fraude avec une brutalité inutile. 

    Après le scandale, il a été protégé et nommé professeur d'université. L'Action française a perturbé toutes ses classes pendant trois mois. Amédée Thalamas a fini par se faire gifler par Maurice Pujo puis même fesser. L'auteur Georges Bernanos et d'autres futurs sommités ont également participé à cette agitation.

    Fondamentalement, nous considérons qu'il n'y a pas d'action sans instruction et pas d'instruction sans action. Maurras a dit que nous devrions être à la fois intellectuels et actifs. Nous voulons former un homme d'action élevé d'esprit. Henri Lagrande, l'un des premiers jeunes militants de l'AF, a déclaré que nous avons «un bâton dans une main et un livre de Maurras dans la poche». 

    Maintenant, nous avons encore l'habitude de faire de l'agitprop comme l'action contre la prise de contrôle américaine de Latécoère ou le 20 novembre, lors du lock-out, nous brandissons une banderole contre les terroristes islamiques et le laxisme républicain. 

    En 2019, nous avons détourné une marche pro-UE avec une bannière Frexit et des pièces pyrotechniques. La section toulousaine d'AF a été mise en vedette dans les médias pour avoir accroché une marionnette Marianne (une icône de la République française) au-dessus d'un pont. 

    Sur le plan politique, nous sommes une partie importante des Gilets jaunes, un mouvement populaire pour la justice économique et une vraie démocratie (démocratie locale et directe) pour une partie de la population qui a été trop longtemps laissée de côté et qui a l'impression de ne pas l'être. entendu par leur gouvernement en exemple, en 2005 le référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe a eu lieu, malgré le vote d'une majorité de Français contre, la constitution a été adoptée.

    Sur le plan sociétal, nous étions en 2013 en première ligne lors des manifestations de La Manif Pour Tous contre les lois sociétales qui changeraient profondément l'anthropologie classique (mariage homosexuel, adoption d'enfants pour les couples homosexuels, MAP, maternité de substitution, etc.). 

    Nous sommes évidemment très actifs dans les universités et souhaitons lutter contre l'idéologie progressiste qui subvertit les universités depuis près de cinquante ans.

    Ces actions sont complétées à l'aide de flyers, d'articles, de communiqués de presse et de conférences. L'activisme est pour nous une extension de la réflexion.

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    Au-delà des cascades, quelles sont les activités organisées par AF à la fois sur les campus et socialement entre les membres?

    Action française est désignée comme un complot à ciel ouvert contre le gouvernement. L'action clé est d'expliquer au peuple français pourquoi la République est si mauvaise et la politique derrière elle si stupide. 

    Vous avez donc deux niveaux : grande explication théorique ou parler directement avec les gens ou colportage de notre propagande (nous avons un magazine nommé «Le Bien Commun») car Action française est interdite comme titre de presse et un journal «L «insurgé» (The Rebel) pour les étudiants avec un ton plus effronté). 

    Autour de ce noyau, nous avons l'agitprop comme expliqué précédemment et 4 événements majeurs en un an : le 21 janvier pour commémorer la mort de Louis XVI. Le deuxième dimanche de mai, nous avons un rassemblement pour la Sainte Jeanne d'Arc. Fondamentalement, Jeanne d'Arc est devenue sainte grâce au travail d'Action française. Les militants de l'AF ont passé plus de 1000 jours en prison pour forcer la République à la reconnaître comme une figure française majeure. 

    Elle est toujours le symbole que la France est un pays en particulier et que nous devrions refuser d'être vendus à l'étranger. Et aussi que les fichus Anglais devraient rester sur leur île sanglante et oublier leurs rêves d'impérialisme. La veille, nous avons des conférences et un grand banquet avec toutes les générations d'AF. 

    Comme le disait Jeanne d'Arc à propos des Anglais: «De l'amour ou de la haine de Dieu pour les Anglais, je ne sais rien, mais je sais qu'ils seront tous expulsés de France, sauf ceux qui y meurent». J'espère qu'il pourra faire de même pour les Anglais en Irlande.

    Le troisième événement important est le camp d'été. Pendant une semaine, les gens assistent à des conférences, des séminaires (comment être graphiste, journaliste ou un bon leader…) et ont un grand dîner avec beaucoup de vin et des chansons folkloriques traditionnelles. 

    Le concept est de créer un esprit d'équipe, d'organiser l'année prochaine et d'enseigner les bases du maurrassisme aux nouveaux. Le dernier grand événement est la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale.C'est un moment très important car lorsque la France a capitulé face à l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Action française a organisé de grands événements pour célébrer la défaite du régime prussien même si les nazis ont désapprouvé . 

    Mais entre ces moments, on peut réagir au jour le jour par exemple, s'opposer à la destruction d'une ancienne église à Lille ou Bordeaux ou célébrer d'autres événements comme le 6 janvier 1934   ou simplement prendre une bière pour un match de rugby. Surtout quand la France écrase les trèfles irlandais. 

    En ce qui concerne la structure d'AF, pourriez-vous entrer dans les détails sur l'organisation, ses différents moyens de propagande et son fonctionnement, en particulier les cercles étudiants pour lesquels elle est célèbre? 

    Une section est essentiellement construite autour de deux piliers: l'action et l'éducation. Notre action hebdomadaire régulière comprend le colportage de rue, la distribution de dépliants, l'organisation d'événements et l'agitprop. Notre formation se construit avec la lecture d'écrivains maurrassiens (Maurras, Bainville, Léon Daudet, Marcel Proust, Georges Ber

  • Oui, l'Action Française a toujours été anti-nazi !

     

    par  

    Juriste, fonctionnaire au ministère des finances

    C'est seulement par antiphrase, ou par modestie, que Laure Fouré dit s'être proposée de rappeler aux lecteurs de Boulevard Voltaire, quelques vérités historiques un peu oubliées. Ce sont des vérités d'importance qu'elle rétablit avec pertinence. Des vérités toujours occultées ou contrefaites par une pensée officielle avant tout soucieuse de jeter l'opprobre sur tout un courant intellectuel et politique qui lui était hostile. Ce que fut réellement la politique allemande de l'Action Française avant et pendant la deuxième guerre mondiale, notamment à l'égard d'Adolf Hitler et du nazisme, nous l'avons maintes fois rappelé ici. Laure Fouré y ajoute une contribution argumentée, accompagnée d'une vidéo où Eric Zemmour qui, décidément, connaît bien l'Action Française, son histoire et ses idées, rétablit la vérité, preuves à l'appui, sur ce que fut vraiment l'engagement des royalistes à cette époque.   Lafautearousseau 

     

    laure fouré.jpgAlors qu’une nouvelle polémique, lancée notamment par Jean-Luc Mélenchon comparant Le Pen à Hitler, se développe au sujet de la réédition de Mein Kampf, qui tombera dans le domaine public le 1er janvier 2016 – son auteur étant décédé depuis 70 ans -, il convient de rappeler quelques vérités historiques un peu oubliées.

    En février 1934, la maison d’édition proche de l’Action française, Les Nouvelles Éditions Latines, décide, à la demande de Charles Maurras souhaitant disposer d’une traduction fidèle de Mein Kampf pour comprendre l’idéologie hitlérienne, de le faire traduire et de le publier : l’ouvrage sera édité quelques mois plus tard et tiré à 8.000 exemplaires, avec en exergue la phrase du maréchal Lyautey :« Tout Français doit lire ce livre. »

    Furieux de cette initiative prise sans son consentement, Hitler, qui envisageait de diffuser une traduction de son texte adaptée à chacun des pays destinataires, c’est-à-dire expurgée de tout ce qui pouvait attirer l’attention des États voisins de l’Allemagne sur ses intentions belliqueuses, engagea une procédure contre le patron des Nouvelles Éditions latines, Fernand Sorlot, à l’issue de laquelle la justice accorda au plaignant un franc symbolique de dommages-intérêts, considérant qu’il n’y avait pas lieu à la destruction d’un ouvrage que tous les Français ont intérêt à connaître.

    Rejoignant l’inquiétude manifestée par Mgr Pacelli, futur Pie XII, alors nonce apostolique en Allemagne, qui qualifiait Mein Kampf de « livre à faire dresser les cheveux sur la tête », M. Sorlot soulignait, dans un avertissement introductif à l’édition incriminée, que « ce livre, répandu en Allemagne à plus d’un million d’exemplaires, a eu sur l’orientation soudaine de tout un peuple une influence telle qu’il faut, pour en trouver l’analogue, remonter au Coran ».

    31_Lisez_A_F.jpgGermanophobe impénitent, Maurras ne collaborera jamais avec l’Allemagne (il sera condamné en 1945, non sur ce chef d’accusation, mais pour intelligence avec l’ennemi, crime inventé pour la circonstance), et s’il accueillit comme une « divine surprise » l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, c’est qu’il pensait que le vainqueur de Verdun parviendrait à redresser la France, affaiblie par une République impuissante et corrompue qui avait conduit le pays à la défaite.

    Si quelques brebis égarées, à l’instar de Robert Brasillach séduit par la liturgie virile des défilés de Nuremberg, furent compromises dans la collaboration, la majorité des royalistes et des nationalistes de toutes obédiences rejoignirent les troupes de la France libre, tels Honoré d’Estienne d’Orves ou le Colonel Rémy, comme Alain Griotteray l’a justement démontré dans son ouvrage 1940 : la droite était au rendez-vous. Qui furent les premiers résistants ?

    En revanche, non seulement la gauche républicaine et pacifiste demeura longtemps attentiste, mais d’anciens hauts responsables communistes ou syndicalistes comme Jacques Doriot et Marcel Déat s’engagèrent sans état d’âme du côté de l’Allemagne en vue de la construction d’une Europe unie.

    Avant de se livrer à des amalgames douteux, le représentant du Front de gauche devrait balayer devant sa porte…

     

     

  • Maurras : censure républicaine

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Maurras est censuré ! Comme du temps des Boches ! Le livre des commémorations nationales de l’année 2018 a été expédié au pilon pour avoir comporté l’annonce du 150e anniversaire de la naissance de l’écrivain et poète martégal : 20 avril 1868.

    Mme Nyssen, ministre de la Culture, a obtempéré sur le champ à l’ordre venu de politiciens en mal de célébrité et d’officines stipendiées qui sont, comme on ne le sait que trop, les hauts lieux magistériels de la République. Question de foi et de morale : un citoyen n’a pas le droit de penser en dehors du dogme défini et encore moins d’oser regarder au-delà de la règle que lui assigne ledit Magistère.

    L’index est là qui maintient en Enfer ceux qui ne doivent pas en sortir. Non, même pas le purgatoire dont ils risqueraient de se libérer ! Là, c’est définitif. Maurras, c’est le Mal absolu. Comment et pourquoi a-t-il été possible de seulement envisager une telle célébration ? Voilà donc que le Comité des célébrations avec ses sommités a été convoqué à comparaître devant la haute autorité ministérielle pour répondre d’une telle négligence ou, pire, de l’audace d’un tel crime. Nous sommes en 2018 ! Il faut le faire.

    Rappelons, pour les sots qui jouent à l’autorité religieuse et qui prétendent nous régenter, que François Mitterrand plaçait Charles Maurras parmi ses auteurs préférés. Il l’écrit à Anne Pingeot, lettre intéressante que personne n’a jamais citée et où il exprime ses préférences littéraires : de Barrès à Montherlant, en passant par Chardonne et en n’oubliant pas Maurras dont il avait fréquenté l’œuvre, et plus que fréquenté ! Evidemment ! Mitterrand était tout, sauf un cuistre.

    Pompidou, l’un de nos présidents cultivés, non seulement citait Maurras, mais, à la grande fureur des butors de la Gauche salonnarde, lui rendait hommage : dans Le nœud gordien, dans son dernier discours à Sciences-Po. Il considérait le Kiel et Tanger de Maurras comme un livre majeur pour la compréhension de la politique extérieure française. Lequel de nos censeurs ignares en connaît même le titre ? Charles de Gaulle avait dans sa bibliothèque les œuvres de Maurras et n’a pas manqué avant guerre de lui dédicacer ses livres. André Malraux, jeune homme, donnait une préface chaleureuse à Mademoiselle Monk de Charles Maurras.

    Avant-guerre, pas un écrivain, pas un homme d’esprit, à l’exception de quelques envieux, qui ne se flattât d’avoir une relation avec l’écrivain de style puissant et le penseur de haute volée : de Barrès à Anatole France, de Proust à Apollinaire. Il avait pour compagnon Léon Daudet et Jacques Bainville.

    Presque toute la jeune génération littéraire de l’entre-deux guerres a reconnu devoir son initiation intellectuelle à l’homme qui avait offert son génie à la postérité : de Maulnier à Boutang, de Bernanos à Brasillach. Combien d’académiciens lui sont restés fidèles : de Massis à Lévis-Mirepoix, de Bordeaux à Déon, de Gaxotte à Michel Mohrt ! L’Académie française s’est honorée en refusant de le remplacer de son vivant. Et les Français se laisseraient dicter leur goût, leur choix par une petite bande de corniauds incultes. C’est donc ça, la République ? Celle qui envoie Chénier et Lavoisier à l’échafaud !

    Pourquoi tant de haine ? C’est la vraie question. Question bien connue des honnêtes gens et il en reste en France malgré tout. La bêtise et la méchanceté n’ont qu’un seul talent : déceler, sentir leur adversaire, sorte d’hommage que le vice rend à la vertu.

    Charles Maurras est trop haut pour eux, trop profond aussi, trop vrai surtout. Le mensonge ne peut supporter la lumière. « C’est un abri et un bouclier que la lumière ; elle est impénétrable aux curiosités du commun. Les mystères qu’elle recouvre ne seront jamais divulgués. Je lui ai confié les miens » écrivait Charles Maurras en 1894 dans la préface à son Chemin de Paradis.

    Puisse cette lumière jaillir quelque jour pour nous sortir de l’Enfer où la satanique imbécillité à l’intention de nous enfermer pour toujours, et pour nous entraîner sur son chemin de gloire jusqu’aux portes du Royaume.  ■ 

    Hilaire de Crémiers

  • Maurras et le Fascisme [4]

    « La conception fasciste de l’État rejoint étrangement la pratique stalinienne »

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Pourtant, c’était Mussolini et non point Maurras qui avait affirmé : « Nous qui détestons intimement tous les christianismes, aussi bien celui de Jésus que celui de Marx, nous gardons une extraordinaire sympathie pour cette reprise, dans la vie moderne, du culte païen de la force et de l’audace. » M. Gaston Rabeau n’ignorait certes pas cette déclaration de principe, puisqu’elle date du 1er décembre 1919. Pas davantage, il ne lui était possible d’ignorer que Mussolini, alors qu’il affichait des velléités littéraires, avait composé un roman pornographique, tout rempli d’injures pour la religion. Il est vrai que la démocratie-chrétienne devait éprouver plus de mansuétude pour le fascisme que pour l’Action française, pour cette bonne raison que l’Action française se voulait contre-révolutionnaire, tandis que le fascisme s’inscrivait dans le grand mouvement de l’action subversive. 

    Dans un essai beaucoup plus récent, puisque publié trente ans plus tard, un autre démocrate-chrétien, M. Henri Lemaître, distingue également fascisme et nationalisme. L’honnêteté commande de reconnaître qu’il le fait dans un esprit tout différent de celui de. Rabeau. Il remarque que le nationalisme « se présente comme un traditionalisme, comme un effort pour perpétuer un héritage historique, cet héritage étant le plus souvent légitimé par des références à des valeurs transcendantes, politiques, morales, religieuses... Le fascisme, au contraire, conçoit la nation non pas essentiellement comme un héritage de valeurs mais plutôt comme un devenir de puissance ... L’histoire n’est plus alors comme dans le nationalisme considérée comme une fidélité, mais comme une création continue, qui mérite de tout renverser sur son passage de ce qui peut lui résister, et comme une action délibérée du devenir humain. » 

    Le problème est posé dans ses justes termes. M. Henri Lemaître définit du reste le fascisme comme « un socialisme pur dans la mesure où il se charge de l’immédiate réalisation historique du dynamisme social...» M. Lemaître témoigne, en l’occurrence, d’une probité intellectuelle assez rare. Il est devenu en effet habituel de masquer la réalité idéologique du fascisme depuis que la gauche internationale, pour des raisons d’opportunité politique, est devenue résolument antifasciste, ce qu’elle n’était pas primitivement, du moins sans son ensemble, ainsi que le prouve l’exemple de M. Rabeau, qui d’ailleurs n’est pas isolé, car dans les premiers écrits du fondateur d’Esprit, Emmanuel Mounier, on trouverait de même une admiration mal dissimulée pour l’éthique mussolinienne. 

    mussolini.jpgQue le fascisme soit un socialisme pur, on en trouve la preuve dans le texte fondamental publié par Mussolini, après la prise de pouvoir, sous le titre Doctrine du fascisme. Mussolini affirme que « le fascisme ne fut pas le fruit d’une doctrine déjà élaborée ensemble : il naquit d’un besoin d’action et fut action ». (photo) Ce qui revient à transposer la célèbre maxime marxiste sur la priorité de la praxis. Mussolini ajoute aussitôt que toute « doctrine tend à diriger l’activité des hommes vers un objectif déterminé, mais l’activité des hommes réagit sur la doctrine, la transforme, l’adapte aux nécessités nouvelles ou la dépasse. La doctrine elle-même doit donc être non un exercice verbal, mais un acte de vie... » L’empirisme total dont M. Rabeau faisait gloire au dictateur italien ne constitue en fait que l’expression de la dialectique marxiste de la praxis (c’est-à-dire de l’activité des hommes) et de la theoria (c’est-à-dire de la doctrine). Ainsi, Mussolini, alors même qu’il rompait de la façon la plus spectaculaire avec le socialisme, continuait de penser au moyen des catégories intellectuelles forgées par Marx. 

    Il n’est donc pas surprenant que les deux valeurs auxquelles le fascisme accorde la primauté, le travail et la guerre, soient empruntées au marxisme.Marx, lui aussi, soutient que le progrès se fonde à la fois sur l’activité de l’homme en tant que producteur (c’est l’aspect matérialiste de la doctrine) et sur la lutte des contraires (ce qui est son aspect dialectique). Sans doute pourrait-on objecter que Mussolini se proclame « spiritualiste ». Il s’agit d’une simple habileté tactique, destinée à rassurer les masses catholiques. Le fascisme exalte non pas l’esprit, mais la vie qui n’est qu’une forme de la matière ou, en termes marxistes, que la matière devenue action. 

    Pas davantage, nous ne devons-nous laisser abuser par le fait que Mussolini répudie la lutte des classes. Il se contente de la situer à un autre plan, par l’opposition des « nations bourgeoises » et des « nations prolétariennes » Bien loin de se séparer du marxisme, il se borne à le « réviser », et sur ce point, il apparaît comme un précurseur. En effet, le léninisme, plus lentement sans doute, a évolué dans le même sens. Actuellement, c’est moins sur la lutte des classes que sur les luttes nationales entre États capitalistes et Pays sous-développés que le communisme compte afin d’assurer la domination mondiale de la Révolution. 

    800px-Italian_Empire.pngLa conception fasciste de l’État, « en tant que volonté éthique universelle » rejoint étrangement la pratique stalinienne, qui lui est contemporaine. Mussolini, à l’inverse de Maurras, soutient que l’État n’est pas au service de la nation, mais qu’au contraire, la nation représente un simple instrument de l’État car elle est créée par lui. C’est lui qui « donne au peuple conscience de sa propre unité morale, une volonté et par conséquent une existence effective ». L’État fasciste s’affirme impérialiste (carte), et Mussolini se plaît à exalter l’exemple de Rome. En réalité, c’est d’un impérialisme de type nouveau, d’un impérialisme beaucoup plus idéologique que territorial qu’il s’agit. « On peut concevoir, écrit-il, un empire, c’est-à-dire une nation qui, directement ou indirectement, guide d’autres nations, sans que la conquête d’un kilomètre carré de territoire soit nécessaire... » Il est donc en droit d’affirmer le 27 octobre 1930 dans le « Message pour l’An IX » que le fascisme italien dans ses institutions particulières est universel dans son esprit. Tout comme la nation russe pour Staline, la nation italienne constitue, pour Mussolini, le moyen d’imposer au reste du monde sa conception de la Révolution.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]

  • Maurras toujours vivant

     

    Par Hilaire de Crémiers

    2293089609.14.jpgCet article et le suivant sont préparatoires à notre colloque Charles Maurras, l'homme de la politique, qui se tiendra à Marseille samedi 21 avril [voir plus loin].   LFAR

     

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    Maurras ? Encore ? On croyait avoir oublié ce nom. Il n’était cité que comme exemple de ce qu’il est interdit de penser. Une fois que son nom était prononcé, il n’y avait plus qu’à mettre la main sur la bouche. Les autres auteurs réprouvés, journalistes ou écrivains, ça pouvait passer… mais lui, non ! 

    Et voilà qu’on s’aperçoit que ce nom voué officiellement à toutes les malédictions continue d’exercer, encore et toujours, dans une société en désarroi, sur une jeunesse curieuse et avide de compréhensions politiques, un attrait pour le moins étonnant et qui ne cesse de surprendre les maîtres – ou prétendus tels – de la pensée contemporaine qui l’ignorent superbement dans leur certitude d’en avoir fini avec un tel fantôme. Viendra-t-il encore hanter les nuits de la République ?

    Eh bien, oui, le revoilà ! Il a suffi que son nom fût cité dans le Livre des commémorations nationales de l’année 2018 à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance pour que ce livre fût envoyé au pilon et que l’ostracisme qui frappe le nom exécré fût renouvelé. Rien ne saurait mieux prouver une réelle et prégnante présence qu’un tel rejet ! Et, précisément, le Haut Comité des commémorations avait estimé que le rejeter n’apportait rien et qu’il valait mieux lui reconnaître toute sa place et rien que sa place. Le ministère de la Culture – qui n’a de culture que le nom – sous la pression des aboyeurs de la crétinerie du fanatisme gauchard qui tient lieu d’inquisition officielle, a décidé de le rayer de l’histoire, de lui dénier jusqu’à l’existence. Plus de commémoration donc ! Mais aussi plus de Haut Comité. Il n’y en aura plus. Tel est l’effet « Maurras » ! C’est l’honneur des membres dudit Haut Comité – dix sur douze – d’avoir compris – sans donner aucunement leur approbation à quoi que ce soit – qu’il était vain et ridicule de supprimer de l’histoire de France un tel personnage qui l’avait suffisamment marquée pour en être inséparable, et ils ont donc démissionné. Ils ont manifesté leur indépendance intellectuelle et confirmé leur sens de la dignité morale en ne ratifiant pas les oukases d’une Culture officielle qui se réfugie pour préserver sa domination dans l’orgueil du déni culturel. Félicitations singulières à Messieurs Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory et leurs collègues pour leur geste qui garantit encore en France la liberté de pensée.  ■   

    Hilaire de Crémiers

  • Maurras et le Fascisme [3]

    « Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco ...»

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Maurras se gardait bien d’hypothéquer l’avenir. Il préférait conseiller la mesure, alors qu’il en était temps encore. « La solution, donnée par Mussolini, à la question scolaire a limité l’action de l’État aux groupes d’éducation civique et militaire. La liberté de l’école paraît devoir rester intacte tant au point de vue religieux qu’au point de vue moral. L’envoyé du Temps à Rome, M. Gentizon, semble croire que cette solution mesurée sera intenable et que le dictateur sera conduit à usurper de plus en plus l’autonomie des consciences et la liberté des âmes. Nous en sommes moins sûrs que lui. La logique formelle est une chose, la politique réaliste en est une autre. Un homme énergique sait marquer le point au-delà duquel il ne se laissera pas entraîner et sa volonté peut parfaitement suffire à le maintenir dans les confins qu’il s’est donnés. » 

    En fait, Mussolini ne s’abandonnera à la pente logique de son système intellectuel que sur le tard, quand les « démocraties », l’y contraindront, en liant son destin à celui d’Hitler. Le Führer saura profiter de leurs fautes. Se présentant modestement comme son disciple, il le conduira à l’imiter. Au départ cependant, le totalitarisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres du fascisme italien. Une possibilité cependant, Maurras là-dessus ne cessera de dénoncer l’erreur mortelle que portait, en germe, le fascisme. 

    Charles_Maurras_4.jpgC’est ainsi que le 12 juin 1932, il s’élevait contre une déclaration de Mussolini selon laquelle « en dehors de l’État, rien de ce qui est humain ou spirituel n’a une valeur quelconque ». Maurras appelait cela un délire. « Même en confondant État et Nation, État et Société, il y a dans la vie des personnes humaines quelque chose qui y échappe en soi. Quelque grande part que l’État ainsi compris puisse prendre à l’engendrer, à la défendre ou à la soutenir, cette valeur existe en fait, il est aussi vain de prétendre qu’elle n’est rien que d’y sacrifier tout le reste. » 

    Ce qui conduisait Maurras à définir très exactement par quoi le fascisme se rapprochait du nationalisme intégral et par quoi il s’en séparait. « Il est très important de fortifier l’État. On ne le fortifie bien qu’en le concentrant et en laissant les groupes sociaux intermédiaires faire des besognes qu’il ferait trop mal, quant à lui. C’est pourquoi nous ne sommes pas “ étatistes ” quelques imputations calomnieuses que l’on se soit permises à notre égard. Tels Français réfléchis qui admirent le plus l’effort et l’ordre fascistes font comme nous des réserves sur ce qu’il présente d’exagérément étatiste. Ils en font même un peu plus que nous. Nous avons dû expliquer parfois qu’un pays aussi récemment unifié que l’Italie est tenue de limiter certaines libertés locales et professionnelles. Mais cette condition ne joue pas dans le domaine religieux, puisque l’unité morale, l’unité mentale existent en Italie : le pays a été sauvé de la Réforme au XVIe siècle, et la prompte élimination des “ popolani  ” montre que ni le libéralisme, ni la démocratie n’y avaient poussé de fortes racines. » Ces pages sont d’autant plus fortes qu’elles furent écrites à un moment où l’Action française subissait les rigueurs d’une censure pontificale, depuis lors heureusement levée. 

    Maurras donc reconnaissait, comme un fait, que Mussolini, en abaissant le régime démocratique et en reconstruisant l’État, restituait à l’Italie sa force. 

    Il en tirait la conséquence que si la France persévérait dans ses mauvaises institutions, la force italienne se retournerait contre notre pays. Néanmoins, fidèle au vieux principe thomiste, qui veut que tout bien humain, lorsqu’il se prend pour l’unique nécessaire, se transforme en son contraire, Maurras avertissait Mussolini que la restauration de l’État, si elle n’était pas compensée au minimum par la liberté de l’Église, aboutirait à l’étatisme totalitaire. Ce qui conduirait l’Italie à l’aventure militaire, à la sclérose économique, au désordre spirituel. À terme, les bienfaits très réels apportés par le fascisme dans ses débuts, seraient gâchés, et l’Italie, un instant arrachée par Mussolini au chaos, serait jetée par lui dans un chaos pire. Ce qui est arrivé. 

    1447697259389.jpg--resistenza__morto_il_partigiano_lonati__sparo_lui_a_benito_mussolini_e_claretta_petacci.jpgLe nationaliste français qu’était Maurras savait trop qu’il y a autant de nationalismes que de nations pour porter d’emblée un jugement dogmatique sur les aspects de la doctrine fasciste qui lui répugnaient le plus. Le primat, par exemple, qu’elle donnait à l’action sur la pensée. Pour une part, le pragmatisme de Mussolini le rassurait plutôt. Il nourrissait l’espérance, nullement déraisonnable, qu’une France qui referait à temps sa force, équilibrerait l’Italie fasciste, l’empêchant de verser du côté de ses démons. Ce ne fut pas. Nous n’avons pas lieu de nous en réjouir. Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco. La menace communiste, qu’un moment le Duce avait su écarter de nos frontières, serait moins pressante aujourd’hui et l’avenir de l’Europe mieux assuré. 

    Mussolini a subi d’innombrables influences, mais pas celle de Maurras. Dans La Vie intellectuelle de mai 1929, M. Gaston Rabeau étudiant « La Philosophie du fascisme », le reconnaît avec une louable franchise. « Les Français, écrit-il, s’imaginent aisément que la politique mussolinienne ressemble à celle de M. Maurras. Question d’origine mise à part (elle ne vient sûrement pas d’Auguste Comte ou de Joseph de Maistre), elle nous paraît en différer absolument. » C’est qu’en effet il s’agit d’une « politique avant tout empiriste, d’un empirisme total, non pas de cet empirisme qui généralise des lois ». Le plus beau de l’histoire c’est que M. Rabeau, lumière de la démocratie-chrétienne, faisait un mérite à Mussolini de s’opposer ainsi à Maurras. Toute son étude est du reste imprégnée d’une surprenante sympathie à l’endroit du fascisme. Sur les points où celui-ci s’écartait trop manifestement de la doctrine sociale du catholicisme, le pieux exégète, pris de scrupule, affirmait son souci de ne pas « élargir un fossé qui est déjà trop profond ». À la même époque, La Vie catholique travaillait, rappelons-le, à élargir artificiellement le fossé qui séparait, ou paraissait séparer, l’Action française de l’Église !    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1] - [2]