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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Pie XII lève les sanctions contre L'A.F.

Pie XII lève les sanctions contre L'A.F.

Léon Daudet ne savait évidemment pas qu'il n'avait plus que trois ans à vivre - presque jour pour jour - lorsque, ce 10 Juillet 1939, il eut l'immense joie d'apprendre qu'à peine élu, le nouveau Pape Pie XII levait les sanctions contre L'Action française :

"L’interdiction de lire le journal "L’Action française" est levée, à partir du jour de la promulgation de ce décret.".

Le 29 décembre 1926, certains ouvrages de Charles Maurras, ainsi que le journal L'Action française, avaient été mis à l'index par Pie XI.
Sanction aggravée quelques mois plus tard : le 8 mars 1927 les adhérents du mouvements furent interdits de sacrements...
Il n'est pas exagéré de penser que la mise à l'index de 1926 fut l'un des plus rudes coups portés au mouvement royaliste, et l'un de ceux qui contraria le plus ses espoirs de réussite.
Il n'était cependant pas le pire et si l'on veut énumérer les facteurs principaux qui empêchèrent le succès de l'Action française, trois paraissent déterminants :

1. D'abord, la contestation royaliste du régime devait essentiellement et forcément lutter contre la résistance acharnée du Système, s'opposant de toutes ses forces et par tous els moyens possibles à cette contestation radicale de l'A.F. ("La république gouverne mal, mais se défend bien..."). Si Louis XVI, Charles X et Louis-Philippe eurent de "délicats scrupules" (!) à défendre leur trône, et si le Comte de Chambord mit - comme le dit Bainville - "quelque chose au-dessus de la France", la République, elle, n'eut jamais le moindre état d'âme ni la moindre hésitation à chaque fois qu'elle fut menacée, et sut toujours faire ce qu'il fallait pour ne surtout pas perdre le pouvoir...

2. Cette contestation radicale se heurtait, par ailleurs, à la vigueur très forte, à l'époque, des sentiments révolutionnaires. Epuisée, depuis, la foi dans les idéaux de 89 et dans la Nouvelle religion républicaine était en pleine force à l'époque... Ainsi, par exemple, après le 6 février 1934, si l'ensemble des "ligues" avaient mis des dizaines de milliers de patriotes dans la rue, l'ensemble des gauches (PS, PC, Radicaux etc...) en mit un nombre bien plus important trois jours après, le 9 février...

3. Enfin, il y eut aussi la Guerre de 14 : tout le monde savait, Maurras le premier, qu'il fallait "faire le Roi" avant la Guerre que l'on voyait venir car, après, ce serait beaucoup plus difficile : les évènements se chargèrent de le montrer...

En dépit de ces trois facteurs contraires, la contestation radicale du Système, l'idée royaliste, se développait malgré tout.
Il est clair que les sanctions romaines, sans la détruire, lui causèrent un tort considérable, et un affaiblissement certain, que leur levée par Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes... - ne suffit pas à compenser, car elle arriva bien tard, et le temps et les occasions perdues ne se rattrapent guère...
Les sanctions de Pie XI brisèrent en effet la "synergie de fait" entre de nombreux catholiques et de nombreux royalistes, les uns "travaillant" pour les autres et réciproquement, et chacun se renforçant mutuellement.
Mais aussi, ces sanctions livrèrent les Séminaires, et donc l'Eglise de France, à la démocratie chrétienne.
Déjà Léon XIII, avec son "Ralliement", avait porté un rude coup au royalisme français; Pie XI, en orientant l'Eglise de France vers la démocratie chrétienne, lui en porta un second...
La dynamique impulsée par Pie XI menant, ensuite, au "progressisme" dans l'Eglise, il est clair que ce Pape - qui transforma des séminaires formant majoritairement des "prêtres royalistes" en des séminaires formant presqu'exclusivement des "prêtres démocrates" - se trouve ainsi, volens nolens, à l'une des origines lointaines de l'actuelle crise de l'Eglise en France; même si elle n'est, bien sûr, pas la seule...