UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

La tragédie des lucides...

La tragédie des lucides...

On peut bien dire, en effet, que c'est à la fois la grandeur et la tragédie de "L'Action française"' que d'avoir annoncé deux guerres a un Système qui n'a pas voulu entendre, et à un pays, à une opinion qui n'ont pas assez écouté, pas assez suivi...
Par ailleurs, Bainville, dans ses "Cahiers pour moi", en réponse à Barrès, a bien noté la cause principale de "la faiblesse de l'AF" :
"Principalement, la faiblesse de l’AF n’est pas, comme le croyait Barrès, de ne s’adresser qu’à la raison et de ne pas tenir compte des puissances des sentiments. C’est de ne s’adresser qu’aux sentiments nobles, désintéressés, à l’amour du bien public, à la vertu."

1. De "La pluie de sang", page 147 :
"...L'horizon, à l'heure où j'écris ceci (1932, ndlr) est redevenu plus que menaçant.
Si la démocratie dure en France, étant données l'amnésie d'assemblée et la limitation des naissances, jointes à celles, progressives, des crédits militaires, il faut craindre que cette agression, dite "de revanche", ne puisse être prévenue ni empêchée..."

Ainsi, ayant "vu venir" la guerre de 14, sans réussir à l'empêcher, Daudet et toute l'Action française virent aussi venir la guerre de 39; mais, "inutile Cassandre" - pour paraphraser Chateaubriand - les avertissements ne furent pas plus entendus avant 39 qu'avant 14...
Et, comme en 14, "L'Action française" se trouva prise dans une tenaille qui, au bout du compte, devait se révèler encore plus dangereuse, puisqu'elle devait aboutir cette fois-ci, non à l'affermissement de la République et à l'affaiblissement consécutif du royalisme - comme cela se passa après la Victoire de 1918... - mais à la disparition pure et simple du mouvement et du quotidien royaliste : comme en 14, en effet, "L'Action française" choisit de reprendre la stratégie d'union nationale (voir le document plus haut "Nous unir et nous armer") et d'appuyer Pétain, comme en 14 elle avait appuyé Clemenceau. Pourquoi Pétain, qui se qualifiait lui-même de "général républicain", et qui n'avait jamais donné le moindre gage de proximité ou de sympathie intellectuelle au mouvement royaliste ?
Parce qu'il venait d'être investi par les autorités légales :
"...les parlementaires, réunis en Assemblé nationale à Vichy le 10 juillet 1940, votèrent par 569 voix, contre 80 et 17 abstentions une délégation de "tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle Constitution de l'Etat français" (Michel Mourre, Dictionnaie Encyclopédique d'Histoire, page 3833).
L'Action française "prit" donc l'homme qui se présentait, en 40, comme elle avait "pris" Clemenceau (aux antipodes politiques du royalisme) en 1917, au moment le plus tragique de la guerre : par réalisme.
Mais les temps avaient changé, depuis 1914 : il n'y avait pas de Parti communiste, alors, et, malgré un fort courant pacifiste et favorable à une entente avec l'Allemagne, la majorité de la gauche avait accepté l'Union sacrée.
En 1939, avec un puissant Parti communiste, totalement acquis à l'idéologie de l'internationalisme prolétarien, et tout aussi totalement inféodé à Moscou, les choses ne pouvaient pas se passer de la même manière qu'en 14...
Impossibilité augmentée, bien sûr, du fait de la victoire allemande, de l'occupation du territoire (alors que seuls les département du Nord-est furent occupés pendant la Première Guerre) et de la main-mise de fait des Nazis sur les gouvernements et les autorités françaises ("le joug" comme disait Maurras)...
Curieusement (mais est-ce si curieux, en fait ?...) on a fait un tas de procès à un tas de gens : mais on attend toujours "le" procès : celui des "responsables et coupables" de ce qui reste comme la plus grande catstrophe de toute l'Histoire de France; le procès de ceux qui ont dilapidé la victoire et "perdu la paix", alors que, victorieuse et toute puissante, la France avait toutes les cartes en mains en 1918, l'Allemagne n'en ayant plus aucune et se trouvant à notre merci; le procès de ceux qui, alors qu'ils étaient quotidiennement avisés et conseillés par un Bainville, ont laissé s'opérer un prodigieux retournement de situation, replaçant en vingt ans l'Allemagne en position de supériorité écrasante envers une France d'abord victorieuse, puis devenue - par la faute du Système, de ses "nuées", de ses abandons - un abîme de faiblesses...