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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    Notre Ephéméride de ce jour évoque la naissance de Charles Maurras, le 20 avril 1868, et propose, à cette occasion, un résumé de L'Avenir de l'Intelligence. C'est une bonne occasion pour présenter à la lecture un article intéressant, publié en 2013, et qui est, lui aussi, une sorte de résumé de cet "immense petit livre" (Pierre Boutang), sauf pour la fin, qui ne rend compte que trop légèrement de la conclusion de Maurras : "A moins que..."

    Voici donc Charles Maurras : l’Intelligence, l’Or et le Sang ,par Matthieu Giroux, publié sur le site Philitt, le 27 octobre 2013...

    Pour Maurras, le monde est régi par un certain nombre de forces. Ces forces sont de natures différentes : matérielle et spirituelle. "Il faut être stupide comme un conservateur ou naïf comme un démocrate pour ne pas sentir quelles forces tendent à dominer la Terre. Les yeux créés pour voir ont déjà reconnu les deux antiques forces matérielles : l’Or, le Sang."

    Le destin de l’unique force spirituelle, l’Intelligence, est de s’allier à l’une de ces forces matérielles. Elle doit décider, trancher "entre l’Usurier et le Prince, entre la Finance et l’Épée." 

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    Aux yeux de Maurras, le déclin de l’Intelligence est dû à un renversement d’alliance. Autrefois, l’Intelligence était souveraine car liée au Sang, c’est-à-dire aux rois. Aujourd’hui, l’Intelligence est soumise au règne de l’argent. La cause de ce retournement est la Révolution française. "De l’autorité des princes de notre race, nous avons passé sous la verge des marchands d’or, qui sont d’une autre chair que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’une autre pensée. "

    Avant la Révolution française, le déclin de la monarchie a coïncidé avec l’essor des hommes de lettres. L’Intelligence a pris les traits de la noblesse. La voix des philosophes compte alors plus que celle des seigneurs. Jean-Jacques Rousseau rédige la constitution polonaise et l’on parle désormais du « roi Voltaire ». Pour Maurras, « le successeur des Bourbons, c’est l’homme de lettres. » 

    La révolution marque donc, selon le mot du martégal, l’avènement « d’une dictature littéraire ». L’Intelligence, ayant mis à mal le Sang, ménage de la place pour le retour de la force matérielle concurrente : l’Or.

    Pour Maurras, le paradoxe est le suivant : la victoire de l’Intelligence pendant la période révolutionnaire, parce qu’elle s’est faite contre la force du Sang, favorise le règne de l’Or. L’Intelligence révolutionnaire, détachée de sa référence au Sang, aboutit au règne illégitime de l’Écrit. "L’Écrit régna non comme vertueux ni comme juste, mais précisément comme Écrit. Il se fit nommer la Raison." 

    Le philosophe maurrassien Pierre Boutang parle ici d’une « absurde victoire » et explique que celle-ci s’est plus faite contre l’Église que contre la royauté déjà moribonde. Les hommes de lettres deviennent selon Boutang les nouveaux clercs : « le nouveau pouvoir du littérateur s’est modelé sur le pouvoir ecclésial ». Mais cette autorité va vite s’émousser car la rupture d’avec le Sang est insoutenable pour l’Intelligence. Au « roi Voltaire » va succéder le « père » Hugo, un symbole qui montre dès la moitié du XIXe siècle la déliquescence de cette Intelligence séparée.

     

    le «père» Hugo
    le «père» Hugo

     

    Avec le progressisme révolutionnaire et la complication du monde va naître l’abondance matérielle. Cette abondance va favoriser l’émergence d’un nouveau type d’homme : le bourgeois. Les rapports de force vont donc changer radicalement. L’Or va définitivement prendre le pas sur le Sang pour plus tard asservir l’Intelligence. « Cet Or est sans doute une représentation de la Force, mais dépourvue de la signature du fort. » Ce qui afflige Maurras, c’est que « les quelques familles devenues maîtresses de la planète » sont les tenants de l’Or et non du Sang. C’est donc une nouvelle forme de pouvoir, sans noblesse, sans vertu, toute soumise et conditionnée par les lois ignobles de l’argent, qui dirige le monde.

    Quel avenir pour l’Intelligence dans un contexte où les forces matérielles de l’Or ont triomphé de celles du Sang ? « Au temps où la vie est simple, la distinction de l’Intelligence affranchit et élève même dans l’ordre matériel ; mais, quand la vie s’est compliquée, le jeu naturel des complications ôte à ce genre de mérite sa liberté, sa force. » Aux yeux de Maurras, le danger ultime pour l’Intelligence est l’industrie littéraire, c’est-à-dire le conditionnement de la pensée par des impératifs d’argent. Si Maurras n’a pas développé, comme le montre Boutang, de méfiance particulière vis à vis du progrès matériel – progrès technique « qu’il attribue à Pallas-Athéna et à l’industrieux Ulysse dans leur véritable origine » – « l’ordre mauvais » et les « lois défectueuses » le corrompent fatalement jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un moyen pour l’argent d’étendre sa domination.

    L’Intelligence ne peut reconquérir sa noblesse perdue avec cette nouvelle allégeance. « La vraie gloire étant évaluée en argent, les succès d’argent en reçurent, par une espèce de reflet, les fausses couleurs de la gloire. » Pour Maurras, le prestige lié à l’Or est un faux prestige. L’Intelligence en s’alliant à l’Or ne peut plus être prestigieuse. Elle n’est plus que la victime du mépris des industrieux. Car si tout succès est aujourd’hui évalué en argent, l’écrivain, le représentant de l’Intelligence, parce qu’il ne pourra jamais dégager autant d’argent que le grand industriel, est condamné à la relégation. « Non contentes, en effet, de vaincre l’Intelligence par la masse supérieure des richesses qu’elles procréent, les autres Forces industrielles ont dû songer à l’employer. » Dans ce monde dominé par l’Or, l’Intelligence n’est plus une fin, seulement un moyen. L’Intelligence est soumise, elle défend des intérêts qui ne sont pas les siens, elle prend partie pour le plus offrant. Avec le règne de l’Or, la liberté de penser devient monnayable, négociable. On échange « un peu de son franc-parler contre de l’argent. » La presse en particulier n’est plus qu’un instrument entre les mains des possédants. L’Intelligence est humiliée, étriquée. Elle sert.

    L’argent est aussi un moyen pour l’Étranger d’œuvrer à travers et par lui. Maurras s’appuie sur deux exemples historiques : les distributions d’or anglais en France pour les campagnes de presse, de 1852 à 1859, en faveur de l’Unité italienne et les arrosages de la presse française par Bismarck après la bataille de Sadowa en 1866. Pour autant, Maurras, face aux intrusions de l’Étranger via l’argent, ne cède pas à la fatalité. « C’est à la Patrie de se faire une presse, nullement à la presse, simple entreprise industrielle, de se vouer au service de la Patrie. » Cette phrase contient en elle-même une légitimation de L’Action Française.

     

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                                             L’Action Française

    Néanmoins, aux yeux de Maurras, la liberté absolue de l’Intelligence est de tout temps dure à conquérir. « L’indépendance littéraire n’est bien réalisée, si l’on y réfléchit que dans le type extrême du grand seigneur placé par la naissance ou par un coup de la fortune au-dessus des influences et du besoin (La Rochefoucauld) et dans le type correspondant du gueux soutenu de pain noir, désaltéré d’eau pure, couchant sur un grabat, chien comme Diogène ou ange comme Saint François. » La logarchie (de logos et archè) absolue qui est l’horizon de Maurras semble donc inatteignable. Par ailleurs, beaucoup lui ont reproché la liberté de ton de L’Action Française conjuguée à une conception autoritaire du pouvoir politique. Une dévotion à l’État qui l’amènera en septembre 1939 à demander des mesures pour limiter la liberté de la presse. Cependant, pour Boutang, il n’y a pas de contradiction « mais la reconnaissance de deux pouvoirs contraires ».

    L’avenir de l’Intelligence n’est donc pas radieux. Maurras a cette phrase terrible : « Le Sang et l’Or seront recombinés dans une proportion inconnue. Mais l’Intelligence, elle, sera avilie pour longtemps ; notre monde lettré, qui paraît si haut aujourd’hui, aura fait la chute complète, et, devant la puissante oligarchie qui syndiquera les énergies de l’ordre matériel, un immense prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés comme en a vu le moyen âge, traînera sur les routes de malheureux lambeaux de ce qu’auront été notre pensée, nos littératures, nos arts. » 

    Cependant, il n’est pas dans la nature du maurrasisme que de céder à la tentation pessimiste. L’Or peut être vaincu et l’alliance de L’Intelligence avec le Sang restaurée. Ce salut pour l’écrivain, « le plus déclassé des êtres », est possible sous deux conditions : le renforcement en France du catholicisme en tant que « croyance autonome de l’esprit pur » et la reconstitution progressive de l’ancienne alliance à travers une contre-révolution.

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 23 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présenterons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Ensuite, après les élections, nous verrons quelles orientations donner à notre campagne  pour la réhabilitation/réouverture au public de la maison/jardin de Maurras...

    : Nous passerons cette semaine (du lundi au vendredi) en bonne compagnie, avec Axel Tisserand, qui nous parlera de... Maurras, naturellement ! (1/5)...

    Entretien avec Axel Tisserand : pour Maurras, naturellement

    Propos recueillis par Gabrielle Monthélie, Le Bien Commun, n° 7, mai 2019.

    Axel Tisserand continue son travail d’exploration de la pensée de Charles Maurras et publie ces jours-ci, aux éditions Téqui, un livre qui fera date : Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps.

     

    1. Maurras ne va pas de soi. Interdit de commémoration, voué aux gémonies, il impressionne par la persistance de l’influence qu’on lui prête tout en bannissant son nom. Vouliez-vous rétablir un ordre juste sur son œuvre en écrivant ce livre ?

    Il est vrai que Maurras n’est aussi souvent cité qu’à proportion qu’il est honni. Déjà, en 2012, ouvrant un colloque pour les 60 ans de sa mort, je remarquais : « L’aversion à l’égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement historique. Plus il devient une figure de l’histoire, plus il est honni. Nous sommes passés d’une condamnation de sa doctrine à une damnation de tout ce qu’il représente… ou plutôt de tout ce qu’on lui fait endosser, de ce à quoi on le réduit. »

    J’ai pu reprendre ce propos, mot à mot, dans l’introduction de mon livre, puisque, en 2018, le 150e anniversaire de la naissance du Martégal l’a montré, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire : cet anniversaire a donné lieu à des anathèmes médiatiques et des palinodies officielles, qui n’ont honoré ni le politique ni l’intelligence. Le fantôme de Maurras continue de hanter la mémoire nationale. Comme un remords ? On sait que Maurras, de l’aveu même de ses adversaires les plus intelligents (Mauriac ou Étiemble, et ne parlons pas de l’admiration que lui vouait le résistant Jean Paulhan) a été condamné pour des raisons strictement politiques. Allez sur le site de l’INA visionner le court reportage de janvier 1945 sur le procès de Lyon : le commentaire est édifiant. Quand on sait, en plus, que le dossier d’accusation fut confié à un faussaire…

    Ce que j’ai voulu, c’est non seulement en finir, sur des points cruciaux, avec le « mannequin Maurras », mais, plus encore, mettre en valeur la dimension anthropologique de sa philosophie politique, une dimension d’une actualité criante à l’heure du transhumanisme et de l’homme augmenté, c’est-à-dire… privé de son humanité.

    En quelque sorte, poursuivre dans la même veine que le Un autre Maurras de Gérard Leclerc, même si la comparaison peut paraître présomptueuse. C’est la raison pour laquelle j’ai également décidé de confronter la pensée de Maurras à plusieurs intellectuels contemporains importants, pour mieux montrer toute l’actualité de sa pensée...

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    lafautearousseau

  • Décès du Docteur Pierre Navarranne, royaliste, d'Action française, et simplement un grand monsieur

    Au centre, Pierre Navarranne récite la Prière de la fin, sur la tombe de Maurras, à Roquevaire. A droite et à gauche, il préside la conférence du Prince Jean de France du 22 janvier 2010 à Toulon 

     

    Nous avons appris avec une vraie et grande tristesse le décès de Pierre Navarranne à qui tant de liens anciens nous rattachaient, tant de souvenirs, de goûts partagés, et surtout notre commun attachement à Charles Maurras et à l'Action française. Pourtant, nous nous effacerons comme il se doit devant ses amis toulonnais pour évoquer et saluer sa mémoire, en publiant les lignes qui suivent - qui nous sont parvenues de leur part ... Lafautearousseau

       

    Notre fidèle ami toulonnais Pierre Navarranne s'est éteint paisiblement le 24 mars 2017.

    Il était né le 7 décembre 1920 à Pau (Béarn) de filiation « d'Henry IV par les bergères » comme l'on dit là-bas. Orphelin très jeune, il vivra chez son oncle, pharmacien dans cette ville où Charles Maurras en 1890, devant le château d'Henry IV, eut la « révélation » de la nécessité de la soumission pour l'ordre et la beauté du monde.

    Dans le sillage des émeutes du 6 février 1934 et grâce à son tuteur le docteur Vidouze, très jeune il lit l'Action Française. Il participe aux activités de la fédération régionale des Etudiants, Collégiens et Lycéens d'Action française des Basses-Pyrénées, à la permanence de la rue du Maréchal Foch de Pau. Il entre à Santé Navale Bordeaux au début de la seconde Guerre Mondiale. Lors de ses visites au travers de la zone libre, Maurras aime rencontrer les jeunes talents et Pierre Navarranne a la joie de pouvoir dîner avec lui. De Santé Navale, Pierre Navarranne sort médecin dans un régiment de fusiliers-marins avec lequel il partira pour la libération sur la route de l'Allemagne et sera décoré de la croix de guerre en Alsace. Il revient à Bordeaux soutenir sa thèse de neuropsychiatrie puis rejoint un groupe aéronaval en Indochine.

    Son arrivée à Toulon en 1949 le voit embarquer sur l'Emile Bertin, la Gloire puis la Lorraine et le Montcalm. A terre, il intègre l’hôpital militaire Saint-Anne au service de neuropsychiatrie. Il devient professeur agrégé de médecine générale, puis titulaire de la chaire de médecine navale de l'Ecole d'application du service de santé de la Marine et médecin-chef des services médicaux de Saint-Anne. Il s'installera ensuite un quart de siècle dans la médecine civile à Toulon toujours, pour un cabinet de neuropsychiatrie. Maurrassien, fidèle de l'Action Française, il partageait sa passion pour LA politique avec un engagement militant constant. Il participa activement, dans les années 80, à l'organisation des rendez-vous des Baux-de-Provence ou d'autres journées d'amitiés françaises. Sur la demande de Pierre Chauvet, président de l'Union Royaliste Provençale, Pierre Navaranne fut pendant plus de deux décennies président de la Fédération Royaliste du Var. Ses visites à la maison de Maurras à Martigues ou au cimetière de Roquevaire étaient des rendez-vous qu'il aimait tant honorer, comme celui de la Messe du 21 janvier pour le Bon Roi Louis XVI. Deux citations le touchaient particulièrement. La conclusion de la lettre de rupture de Bernanos à Maurras : « Adieu Maurras, à la douce pitié de Dieu » et les premiers vers de la Prière de la fin du maitre de Martigues :

    « Seigneur endormez moi dans votre paix certaine

    Entre les bras de l'espérance et de l'amour. 

    Ce vieux cœur de soldat n'a pas connu la haine

    Et pour vos seuls vrais biens à battu sans retour "

    A sa retraite il intégra l'Académie du Var dont il fut le président de 1995 à 1999. Il fut l'orateur de nombreuses conférences comme sur l'écrivain Jacques Perret, ou son intouchable héroïne Marie-Caroline de Naples, la duchesse de Berry. On se souvient de sa thèse sur l'assassinat du roi Henry IV qui fut publiée dans la Nouvelle Revue Universelle. Passionné de rugby, tirant un fil rouge du Béarn à Toulon, il n'avait que deux amours disait de lui le Sénateur-Maire de Toulon, François Trucy, « le lys et le muguet ». Pilier et mémoire du royalisme varois, il présida la belle conférence du Prince Jean de France, lors de sa visite à Toulon en 2010.

    Catholique pratiquant, très attaché aux exercices de St Ignace des pères de Chabeuil, il a rejoint son épouse et ses trois fils partis avant lui. Pour ses amis royalistes provençaux, ce fidèle maurrassien aux yeux bleus purs, puits de science toujours souriant, dont l'érudition ne le cédait qu'à son grand respect des traditions et des bonnes manières, conteur inégalable de la mémoire monarchiste, laisse l'image d'un grand « blanc du Midi ».

    A Dieu Docteur, à la douce pitié de Dieu... 

    Les obsèques seront célébrées mardi 28 mars à 9h30 en l'église Saint-Georges à Toulon.

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 23 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présenterons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Ensuite, après les élections, nous verrons quelles orientations donner à notre campagne  pour la réhabilitation/réouverture au public de la maison/jardin de Maurras...

    : Nous passerons cette semaine (du lundi au vendredi) en bonne compagnie, avec Axel Tisserand, qui nous parlera de... Maurras, naturellement ! (2/5)...

    Entretien avec Axel Tisserand : pour Maurras, naturellement

    Propos recueillis par Gabrielle Monthélie, Le Bien Commun, n° 7, mai 2019.

    Axel Tisserand continue son travail d’exploration de la pensée de Charles Maurras et publie ces jours-ci, aux éditions Téqui, un livre qui fera date : Actualité de Charles Maurras, Introduction à une philosophie politique pour notre temps.

     

     

    2. Yves Floucat, dans sa préface, précise qu’on aurait pu s’étonner du choix d’un disciple de Maritain pour cette tâche. Notre dossier thématique du mois est d’ailleurs consacré au dialogue entre Maritain et Maurras. Vous évoquez les critiques adressées aujourd’hui par certains catholiques aux idées inspirées par le Martégal : pensez-vous que l’absence de dépassement de la confrontation entre les deux auteurs soit un frein à la réflexion politique pour les catholiques ?

    Yves Floucat, dans la préface généreuse dont il a bien voulu m’honorer, note ce paradoxe apparent, puisque, grand thomiste, il a été également, comme il l’écrit lui-même, « profondément marqué par la pensée de Jacques Maritain ».

    C’est qu’on ne retient des relations intellectuelles entre Maritain et Maurras que le divorce, à l’initiative du premier, en raison des sanctions pontificales de décembre 1926 – parler de condamnation est un abus de langage, puisqu’il n’y a eu, comme l’observe Yves Floucat, « aucun texte magistériel […] de la main de Pie XI ».

    D’ailleurs, les sanctions furent levées en 1939 sans que l’Action française renonce à aucun point de sa doctrine. En 1927, Maritain fut même chargé de justifier ces sanctions sur le plan doctrinal, lui qui, quelques mois plus tôt, avait publié un livre, Une Opinion sur Charles Maurras, montrant en quoi être d’Action française n’était pas incompatible avec la foi catholique.

    Ne revenons pas sur cet épisode douloureux ni sur les raisons pour lesquelles Maritain a choisi alors, contrairement à Bernanos, l’obéissance jusqu’à brûler ce qu’il avait jusque-là, sinon adoré, du moins justifié. Comme l’écrit fort justement Yves Floucat, « peu nombreux sont ceux qui ont relevé que son rejet de la démocratie rousseauiste, commandant selon lui l’idéologie démocratiste moderne, était resté intact » dans la pensée de Jacques Maritain.

    C’est une évidence : la rencontre entre Maurras et Maritain, au début du XXe siècle, loin d’être un malentendu, reposait sur un fond commun : Aristote et Thomas d’Aquin. C’est sur ces deux penseurs que, dans une perspective différente, l’une politique, l’autre théologique, Maurras et Maritain se sont rencontrés. Le dialogue a été interrompu mais rien n’interdit de le reprendre.

    Comme l’écrivait déjà en 2011 Yves Floucat, dans le numéro 55 de Liberté politique : « Il est légitime (audacieux, hasardeux ou utopique diront peut-être certains) de se demander si le moment n’est pas venu, pour les disciples du “Paysan de la Garonne” comme pour ceux de l’auteur de l’Enquête sur la monarchie, de renoncer à tous les apriorismes réciproques et de revisiter avec discernement et un juste esprit critique l’œuvre de leur maître. […] Face à la dérive subjectiviste et relativiste programmée des démocraties selon un horizon idéologique « droit-de-l’hommiste », ils pourraient trouver, dans le seul souci de la justice sociale et du bien commun, quelques points d’entente essentiels.


    Ils s’accorderaient sur un antilibéralisme et un antidémocratisme qui, tout en revalorisant les principes d’autorité, de légitimité, de souveraineté, de représentation de la nation dans ses diverses composantes, et d’incarnation du pouvoir, les conjugueraient harmonieusement aux libertés concrètes, et attribueraient ainsi – comme un Pierre Boutang, authentique disciple fidèle et inventif de Maurras, avait su le faire – sa véritable place au consentement populaire ».

    Rien à ajouter...

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  • Grandes ”Une” de L'Action française : mort de Philippe VIII, le grand roi qui a manqué à la France...

    À cause de l'inique Loi d'exil, alors en vigueur, c'est à l'étranger que s'est éteint le Roi, le dimanche 28 mars 1926. Voici donc la "Une" du lendemain, lundi 29 mars :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k762633f

    En France, le Roi ne meurt pas; et donc, sitôt la triste nouvelle annoncée, retentit le cri joyeux, que reprend ici la manchette du quotidien :

    LE ROI EST MORT, VIVE LE ROI !

    C'est Charles Maurras qui rédige le long article d'hommage - "Monseigneur le duc d'Orléans" -  qui annonce le "passage" du flambeau au Duc de Guise, Jean III, dont la photo orne la "Une", comme celle de son prédécesseur. Son règne, s'il eût régné ? Lisons Maurras :

    "...Quelle révélation pour le pays si le sort l'eût voulu ! Je ne donnais pas à la France quinze jours pour en délirer... Pour nous qui conservons du moins le riche et puissant écrin de nos souvenirs, ce que nous perdons est encore peu de choses en comparaison de ce que la France perd : un chef-né, un chef de droit et de raison qui eût été le chef aimé. Il y a peu d'exemple d'une méconnaissance plus complète et plus douloureuse, ni de plus lamentable dilapidation d'un si beau trésor..."

    Léon Daudet (voir plus bas) a relaté "le service funèbre pour l'âme de Monseigneur le duc d'Orléans, enlevé brusquement à nos espérances, loin de cette terre de France d'où la barbarie républicaine, depuis 1886, le tenait exilé."

    Les articles sur le défunt occupent également une partie des pages deux et trois :

    • "La vie d'exil de Monseigneur le duc d'Orléans", en page deux, où se trouve également le court mais excellent article de "JB" : "Les progrès du rattachement de l'Autriche à l'Allemagne"; lucide, prémonitoire... comme d'habitude...

    • "Le duc d'Orléans pendant la guerre", en page trois;

     

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

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    1. Le long article de Maurras (sur les trois colonnes de gauche et le tiers supérieur de la quatrième) :

    (intégralité de la première colonne)

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    (Colonnes deux et trois; cliquez sur les images pour les agrandir...)

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    (fin de l'article, tiers supérieur de la quatrième colonne)

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    2. Juste en-dessous de l'article de Maurras, une courte note, "La mort du Prince", et le bref récapitulatif suivant :

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    3. Et enfin, sur plus des deux tiers de la cinquième et dernière colonne de cette "Une", présentation rapide du nouveau Roi : Jean de France, Duc de Guise (cliquez sur les images pour les agrandir un peu...) :

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    4. En page deux, l'article de Jacques Bainville :

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    (cliquez pour agrandir...)

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    (tiré de notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet (321 photos), photo "la Reine de France" aux obsèques de Philippe VIII")

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    Nous sommes en 1926. Le duc d'Orléans, Philippe VIII, vient de mourir, en terre étrangère, "interdit de France" par l'inique loi d'exil.
    Celle-ci datait du 26 juin 1886, et ne fut abolie que le 24 juin 1950, sur proposition du député MRP du Morbihan, Paul Hutin-Desgrées.
    Cette loi interdisait l’accès et le séjour sur le sol français aux chefs des familles royale (et impériale) ayant régné sur la France, ainsi qu’à leur fils aîné. Elle interdisait également à tous les hommes de ces familles de servir dans l’armée française.
    Mais, à la différence des précédentes, cette loi ne concernait que les "prétendants" (Orléans et Bonaparte) ainsi que leurs fils aînés, et pas les autres membres de la famille.
    A Notre-Dame de Paris a lieu un service funèbre : Léon Daudet, qui y assiste avec Maurras, raconte...

    De "Paris vécu", pages 271 à 273 (fin de l'ouvrage) :

    "...Voici maintenant, à Notre-Dame de Paris, le service funèbre pour l'âme de Monseigneur le duc d'Orléans, enlevé brusquement à nos espérances, loin de cette terre de France d'où la barbarie républicaine, depuis 1886, le tenait exilé.
    A ce grand Prince qui, s'il eût régné, eût écarté le fléau sanglant de 1914, fils de l'incurie effroyable du régime autant et plus que de la mégalomanie allemande, à ce souverain de Shakespeare, fait pour le pouvoir suprême et dont la vie ne fut qu'un long supplice, succédait, dans le Droit et dans l'Exil, un autre magnanime Héritier : Monseigneur le duc de Guise. Rien de plus beau qu'une telle acceptation, et si simple, d'un si haut devoir.
    Mêlées au sentiment d'admiration, de regret, de douleur, de deuil, la ferveur royaliste et la certitude animaient cette foule compacte, serrée, silencieuse, mais brûlante, d'hommes, de femmes, de tout âge et de toute condition, de jeunes gens aux regards fiers, de belles jeunes filles, toutes et tous marqués du signe du dévouement.
    Cette foule, cette armée, je la connais bien. Depuis vingt ans, elle s'est rassemblée autour de notre Action Française, rassemblée elle-même autour de Maurras. Nombreux sont les absents morts à la guerre, au premier rang, ou tombés ici dans les luttes politiques sans merci, pour avoir voulu arracher la Patrie à son bourreau, au régime infâme. Mais absents de corps, ils sont présents par l'âme. Marius Plateau, Ernest Berger, mon fils Philippe sont auprès de nous, parmi nous, au-dessus de nous. Je distingue le délicieux sourire de mon petit garçon, son doux visage attentif, un peu penché.
    La portail s'ouvre à deux battants... c'est le jour limpide et franc, le jour léger, à peine bleuté de Paris, qui délivre et délie l'angoisse de la grande ville.
    Avec lui une forme est entrée, une forme féminine, vêtue de noir; aussi belle et sûre que sculptée par Phidias, glissant avec lenteur plus qu'elle ne marche.
    Droite sans rigidité, elle s'avance à travers le respect sans un souffle de ces milliers de figures passionnées, tournées vers Elle.
    On distingue maintenant un regard pur et grave, étonnamment jeune, irradiant, évoquant la plus haute poésie et les plus gracieuses héroïnes de notre histoire, suave et comme dessiné par le grand Florentin.
    C'est Elle.
    C'est la reine de France.
    Un frisson d'orgueil et de confiance
    impossible à réprimer, rédempteur, a passé à travers la multitude attentive. Cet unanime silence crie et acclame sous les voûtes solennelles, dans l'espace muet et blanc.
    Cependant, Madame n'a cessé de progresser, impalpablement, telle une fée, comme si ses pas déliés frôlaient l'eau et la brume, dans la campagne matinale de chez nous.
    La nef est parcourue.
    La voici au niveau de Maurras. Elle s'arrête un instant, un dixième d'instant, et fixe son regard, diamant irrisé de vert, sur ses yeux et son front de lion.
    Déjà, Elle a a franchi notre chef aimé, celui que nous mettons, sachant pourquoi, à quelques centaines de lieues en avant de tous nos meilleurs contemporains.
    Je me suis penché vers Maurras et je lui ai dit : "Vous êtes payé."
    Cependant que cet évènement, chargé de promesses et de latences incommensurables, s'accomplissait, un Prince auguste et son fils, quintessence de notre race, dans un manoir de la banlieue de Bruxelles, de l'accueillante et douce Bruxelles, sortie des tortures de l'occupation allemande, étaient en communion de pensée avec Celle qu'acclamaient nos coeurs, les coeurs de milliers de Parisiennes et de Parisiens.
    Le dur exil un instant se fendait, leur laissant voir, deviner comme un mirage, ce spectacle unique et qui imprimait à tous les assistants ce que les Bretons appellent l'intersigne heureux : une transe, accompagnée d'un présage d'or."



    Illustration : ouvrage offert au Prince en 1895. Reliure signée de PETIT, à son chiffre "P" couronné.

     

     

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    Pour lire les articles...

    Cliquez sur le lien qui suit ces quelques explications; vous tomberez sur la Une du lundi 29 mars 1926. En bas de page, une courte "barre de tâches" vous permet d'utiliser le zoom (tout à gauche de la barre) et de changer de page (flèche tout à droite); une fois appuyé sur "zoom", vous aurez, cette fois tout en haut de la page, une autre "barre de tâches" : en cliquant sur le "+", il ne vous restera plus, avec votre souris, qu'à vous promener sur la page, puis passer à la deuxième pour lire la suite... :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k762633f#

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  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français : réponse à quatre reproches (IV/V)

    3. L'antisémitisme

    L'antisémitisme est un autre des grands griefs faits à Maurras.

    Il n'est pas un thème central dans son œuvre et dans sa pensée - comme il le fut pour Edouard Drumont dont l'influence avait été considérable à la fin du XIXème siècle et au début du XXème.

    C'est pourtant à l'antisémitisme que l'on réduit souvent Maurras dans les débats d'aujourd'hui. 

    Une évidence s'impose ici : on ne comprendra rien à l'antisémitisme de Maurras, celui de son temps, très répandu en tous milieux, si, par paresse d'esprit ou inculture, l'on se contente de le considérer et de le juger avec des yeux qui ont vu, des mémoires qui savent, ce que vécurent les Juifs d'Europe entre 1930 et 1945, ce qu'était devenu l'antisémitisme en une époque barbare. 

    Dans la jeunesse de Charles Maurras et encore longtemps après, l'antisémitisme fut une opposition politique, culturelle et si l'on veut philosophique à l'influence excessive que leur communautarisme natif - singulièrement apte à "coloniser" - conférait aux Juifs de France.

    À propos de cet antisémitisme politique de Maurras, Éric Zemmour propose une comparaison tirée de l'Histoire : "Son antisémitisme était un antisémitisme d'État, qui reprochait aux Juifs un pouvoir excessif en tant que groupe constitué, à la manière de Richelieu luttant contre "l'État dans l'État" huguenot." (Eric Zemmour, dans Le Figaro magazine du 2/02/2018).

    Avant la seconde guerre mondiale, il n'y avait pas là motif à rupture personnelle ou sociale, ni même un motif d'inimitié. Le jeune Maurras est lié à Anatole France. Il fréquente le salon de l'égérie de France, Madame Arman de Cavaillet, née Lippmann; il est l'ami de Marcel Proust, plus qu'à demi Juif (sa mère est née Weil). Ils resteront amis, quoique Proust ait été dreyfusard, jusqu'à la mort de l'auteur de la Recherche. Proust l'a écrit, aussi bien que son admiration pour Maurras, Bainville et Daudet.  

    On se souvient que Léon Daudet, disciple de Drumont bien davantage que Maurras ne le sera jamais, fit obtenir à Proust le prix Goncourt pour A l'ombre des jeunes-filles en fleur, en 1919...

    L'un des plus vifs admirateurs de Charles Maurras et son ami jusqu'à sa mort après la Seconde Guerre mondiale (1962, dix ans après Maurras), sera l'un des Juifs les plus éminents du XXème siècle, Daniel Halévy, dont, pour la petite histoire, mais pas tout à fait, la fille épousera Louis Joxe, résistant, ministre du général De Gaulle, et père de Pierre Joxe. De Daniel Halévy, l’auteur d’Essai sur l'accélération de l'Histoire, Jean Guitton écrira : "Il avait un culte pour Charles Maurras qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence." (Jean Guitton, dans Un siècle, une vie, Robert Laffont, 1988)

    L'antisémitisme politique de Maurras, au temps de sa pleine gloire, ne le sépara pas des grandes amitiés que nous avons citées et de l'admiration que lui portèrent, de Malraux à Bernanos, les plus illustres personnalités de son temps.

    Maurras eut-il le tort de ne pas comprendre que la persécution des Juifs au temps du nazisme rendait toute manifestation d'antisémitisme contestable ou même fautive ? Impardonnable ? On peut le penser, comme Éric Zemmour. C'est ignorer toutefois deux points essentiels :

    1. ce que souffrirent les Juifs lors du conflit mondial ne fut vraiment connu dans toute son ampleur qu'après-guerre...

    2. Peut-être est-il triste ou cruel de le rappeler mais le sort des Juifs ne fut pas le souci principal ni même accessoire, des alliés pendant la guerre.  Ni Staline, lui-même antisémite, ni Roosevelt, ni Churchill, ni De Gaulle, ne s'en préoccupèrent vraiment et n'engagèrent d'action pour leur venir en aide, nonobstant leurs appels au secours.  Le souci premier de Charles Maurras était la survie de la France et son avenir. S’il s’en prit nommément à des personnalités juives bien déterminées pendant l’Occupation (comme à nombre d'autres), c’est qu’elles lui semblaient conduire des actions selon lui dangereuses et contraires aux intérêts de la France en guerre. 

    L'antisémitisme moderne, sans remonter à ses sources chrétiennes, pourtant réelles, trouve de fait son origine et son fondement dans les Lumières et l'Encyclopédie. L'on aurait bien du mal à exclure de la mémoire nationale toutes les personnalités illustres, françaises et autres, qui l'ont professé. Dont, en effet, Charles Maurras qui louait Voltaire de participer du "génie antisémitique de l’Occident".

    Ce génie était de résistance intellectuelle et politique. Il n'était pas exterminateur.

    L'évidence est que les événements du XXème siècle ont jeté une tache sans-doute indélébile sur toute forme - même fort différente - d'antisémitisme. Cela est-il une raison pour reconnaître aux communautés juives de France ou d'ailleurs plus de droits d’influence qu’au commun des mortels ? Deux des présidents de la Vème république ne l'ont pas cru et ont parfois été taxés d'antisémitisme : le général De Gaulle, après sa conférence de presse de 1965 et ses considérations à propos d'Israël; mais aussi François Mitterrand refusant obstinément – et en quels termes ! - de céder aux pressions des organisations juives de France, qu’il trouvait tout à fait excessives, pour qu’il présente les excuses de la France à propos de la déportation des Juifs sous l'Occupation (Jean-Pierre Elkabbach, François Mitterand, conversation avec un Président, 1994).

    Ce que feront ses successeurs…

    (à suivre demain)

  • Très réussi : sur la page facebook de l'Action française Restauration nationale...

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    Action Française
     
    Nouvelle bannière avec Charles Maurras et Jacques Bainville à l'honneur, deux grandes figures historiques de l'Action française !
     

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  • La section angevine de l'Action française renaît après plusieurs années de silence.

    Nous sommes bien déterminés à faire rayonner les lys sur la capitale de l'Anjou.
    Qui que vous soyez, patriotes, nationalistes ou royalistes : n'hésitez pas et rejoignez nous pour défendre notre héritage !
  • Grandes ”Une” de L'Action française : du 4 au 11 septembre 1934, la croisière du Campana... (1/11)

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

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    • Dans le numéro du Lundi 23 Juillet 34 (page deux)... :

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    • ...Et Dans le numéro du 31 août 34 (cliquez sur l'image pour l'agrandir) :

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    • Dès le premier juillet 1934 - à peine cinq mois après le "6 février" !... - L'Action française annonçait :

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    • Ensuite, après la Croisière, à partir du numéro du 18, l'A.F. publiera plusieurs fois ce pavé :

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    (Là aussi, cliquez sur la photo pour l'agrandir et pouvoir lire les lignes de Georges Gaudy...)

    L'Action française rendra compte du voyage, d'abord, à partir du 9, puis fournira maints commentaires, jusqu'au 25 septembre (notamment du 20 au 25, sous la plume enthousiaste et lyrique de Georges Gaudy).

    À noter : Maurras ne resta qu'un jour à bord, le premier, et débarqua le lendemain, le cinq, jour où le Prince embarqua; et Daudet ne fit pas partie du voyage, pas plus que Bainville, déjà touché par le mal qui devait l'emporter un peu plus d'un an après...

    C'est donc Maurice Pujo qui fut comme le "chef de file" des quatre cents Camelots et responsables du Mouvement qui eurent la chance de participer à ce beau moment, au nombre desquels figurait le Commandant Dromard, premier Président de l'Union Royaliste Provençale, qui était "en force", comme entouré de son état-major ! : Duneau, secrétaire général de la Fédération provençale; Jules Servent, Président des Camelots du Roi des Bouches-du-Rhône; le comte Léon de Montgrand, vice-président du Comité royaliste de Marseille (1)...

    • Avant le premier compte-rendu d'importance, le 9 (photo de titre), L'Action française du 4 annoncera sobrement, dans sa "Une" :

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    • La "Une" du 5 septembre donne quelques détails, signés "P. Grimardias", notamment sur les principaux dirigeants participant à la Croisière (cliquez sur les images pour les agrandir) :

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    • C'est donc dans la "Une" du 9 septembre (photo en tête de note) que l'on trouvera le premier véritable compte-rendu de la Croisière, et voici le lien qui y conduit:

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k765721g

    L'article, intitulé "Avec le "Campana" sur la mer d'Italie", est signé de Gorges Gaudy, et occupe presque une colonne et demi : commencé en bas de la quatrième colonne (sous la rubrique "La Politique", "par intérim" puisque Maurras est en Provence, il occupe l'intégralité de la cinquième colonne... :

    au bas de la colonne quatre... :

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    ...et la suite et fin (intégralité de la colonne cinq) :

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    • Enfin, en page deux, L'A.F. signale que le journal "Le Jour" publie un petit texte d'Antoine de Courson : dans un court mais joli article, celui-ci évoque "La croisière de l'Action française", dans la moitié supérieure de la troisième colonne; il parle de la première étape de ce voyage... :

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    (1) Comme on le voit, cette Croisière du Campana avait pour trajet "De Marseille à Marseille". Il était donc naturel que l'Union royaliste provençale jouât un grand rôle dans la préparation de tous les aspects pratiques et techniques de son organisation, et la résolution des "problèmes" qui apparaissaient, au fur et à mesure.

    L'URP fut représentée, durant cette croisière, par ses responsables les plus importants.

    Par ailleurs, on le verra, Maurras passa presque tout son mois de septembre chez lui, en Provence : parti de Paris le 3, pour embarquer le 4, et ne rentrant à Paris que le 25 (il reprend sa "Politique" le 26), il animera pendant son séjour deux "Réunions/repas" : à Martigues et à Manosque (on verra plus loin pourquoi, Manosque...).

    On peut donc légitimement considérer qu'en partie, au moins, cette Croisière du Campana fit partie des activités de l'URP et, donc, peut et doit figurer dans  notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...

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  • L'Action Française dans la Grande Guerre [2] Un prescripteur d’opinion de plus en plus important

    Un prescripteur d’opinion de plus en plus important 

    Auréolé de ce prestige, l’Action Française exerce une forte influence idéologique sur le pays, comme l’atteste le succès d’une idée lancée par le journal, en vue de défendre les intérêts des soldats. Cette idée, qui date d’octobre 1916, est l’instauration d’une prime que Maurras appelle la part du combattant. Chaque « Poilu » recevrait une somme d’argent versée par une banque de gratifications militaires, dont le fonds serait constitué au moyen d’un emprunt public. Car, d’après le chef de l’Action Française, « le combattant produit la Victoire, le combattant a donc droit à une partie du produit de celle-ci, et cette part devrait être, non pas une pension, mais une somme d’argent comptant, avec une prime spéciale pour les troupes d’élite. »[1] 

    46205031.jpgLe projet de part du combattant connaît un franc succès. De nombreux titres de presse soutiennent sa mise en place, notamment L’Intransigeant, L’Écho de Paris, Le Journal, L’Heure et La Petite République. Et l’Action Française n’en reste pas à la théorie. Elle lance une souscription : le 15 avril 1917 le journal communique à ses lecteurs que 43 000 francs ont été réunis, dont la moitié de la part du duc de Vendôme. En juin 1918, 160 000 francs sont versés à trois régiments qui se sont particulièrement distingués au combat. 

    À cette influence intellectuelle et programmatique sur l’opinion acquise pendant la guerre, s’ajoute une influence carrément politique. Quand, le 13 novembre 1917, le président du Conseil Paul Painlevé est renversé au profit de Georges Clemenceau, ce dernier peut remercier l’organisation « politico-médiatique » de Charles Maurras, qui a de façon décisive contribué à cette promotion. L’Action Française, en soutenant le « Tigre », « naguère son pire ennemi »[2], montre qu’elle sait faire, une nouvelle fois, usage de son pragmatisme légendaire. 

    Clemenceau et Maurras, c’est le mariage de la carpe et du lapin. Les deux hommes s’étaient particulièrement affrontés durant l’affaire Dreyfus. L’ancien président du Conseil radical de 1903 à 1906 avait publié le fameux pamphlet dreyfusard « J’accuse » d’Emile Zola dans son journal L’Aurore. Quant au second, il avait formé la ligue d’Action Française avec un aréopage d’anti-dreyfusards. Son ami Daudet aimait depuis traiter Clemenceau de « ganache qualifiée de César ». Or Eugen Weber note : « Sans Daudet [...] le terrain n’eut pas été préparé pour Clemenceau. » 

    clemenceau-au-front.jpgDeux jours après la mise en minorité de Painlevé, le « Tigre » forme son gouvernement, soutenu par la droite. Ce même jour, le 15, celui que lʼAction Française voyait jadis comme « le plus malfaisant des Français »[3], s’enquiert auprès de Jules Delahaye, député royaliste du Maine-et-Loire, des souhaits du mouvement. Il accepte de poursuivre vigoureusement espions et traîtres, refuse en revanche catégoriquement de rouvrir l’ambassade auprès du Saint-Siège et promet qu’il va étudier très sérieusement la part du combattant.           

    Ainsi jusqu’à l’armistice Clemenceau et Maurras travaillent ensemble à la victoire contre l’ennemi commun, malgré leur positionnement politique diamétralement opposé.

    sans-titre.pngCette victoire apporte à Léon Daudet la consécration suprême. Le patriote intransigeant du temps de la guerre qui s’était autoproclamé « Procureur du Roi » dans le cadre de la lutte acharnée qu’il menait contre les traîtres et les espions voit apparaître sur les murs de Paris les inscriptions « Vive Léon Daudet ! » En 1919, signe de sa popularité, il est élu député de la Seine. La même année, en janvier, les libéraux du Figaro ouvrent leurs colonnes à leurs confrères royalistes qui signent un « Manifeste pour un parti de l’intelligence ».           

    DB22vIvV0AAv_HR.jpgQuant, à Maurras, toutefois, l’entrée à l’Académie française lui est refusée en 1923. Il lui faudra attendre 1938 pour intégrer la prestigieuse institution. La nation le récompense de sa fidélité envers elle durant l’épreuve terrible de 14-18 à l’orée d’une autre épreuve, sans doute encore bien plus terrible...  (A suivre)

    [1]  Ibid., p. 121.
    [2]  Ibid., p. 114.
    [3]  Ibid., p. 130. 
     
    Article précédent ...
    L'Action Française dans la Grande Guerre [1] La guerre sans l'aimer

     

    lafauteraousseau

  • Le legs d'Action française (V/X) : La crise de 1926, un « nouveau Port Royal » ?

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    (Conférence de Gérard Leclerc, donnée au Camp Maxime Réal Del Sarte - 2019)

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    Se place maintenant ici ce que fut l’histoire de l’Action française entre les deux guerres mondiales. Là encore, faute de temps, je vais me limiter à quelques remarques critiques mais très significatives de cette période.

    L’Action française a réussi dans les deux domaines dont je viens de parler, la lucidité politique et la séduction culturelle. Elle n’a malheureusement pas encore atteint son objectif final essentiel, le rétablissement de la monarchie. Par ailleurs, elle a été entraînée dans un certain nombre de crises graves qui ont affecté son essor. La principale a été celle de 1926 – 1927, la condamnation religieuse du mouvement par le pape Pie XI, dont je veux maintenant dire un mot.

    J’ai choisi de rebondir sur une formule de Philippe Ariès, grand historien et ami proche de Pierre Boutang. Il parlait de l’Action française condamnée par le pape comme d’un autre Port-Royal. Vous avez peut-être en mémoire la formidable crise politico-religieuse de Port-Royal, qui a terriblement marqué l’histoire religieuse, politique et littéraire de la France au XVIIe siècle, avec Pascal, Racine, et bien d’autres. Philippe Ariès rapprochait donc ces deux crises. Vous avez des milliers de militants d’Action française, par ailleurs excellents catholiques, qui ont été à ce moment-là durement brimés, et même moralement martyrisés, interdits de sacrements, ne pouvant pas se confesser ni recevoir l’Eucharistie, ne pouvant se marier qu’en catimini, comme Maurice Pujo, paroissien de l’église Saint-Augustin, qui dut se marier à la sacristie ! Il a fallu attendre treize ans pour que le pape Pie XII, en 1939, lève les sanctions.

    Je ne reprendrai pas le procès – pourtant, Dieu sait s’il m’a occupé dans mon existence, avec toutes ses pièces, les ouvrages de Maritain, etc. – pour ne me centrer que sur la remarque de Philippe Ariès. Oui, ce fut un nouveau Port Royal, en ce sens que l’Action française, mouvement fondé loin de toute appartenance religieuse, dirigée par un maître agnostique rejoint par des agnostiques, des athées et des positivistes – comme l’étaient presque tous les rédacteurs de la Revue grise des origines –, va tenir une place inattendue dans l’histoire religieuse de la France du XXe siècle : elle va se trouver au cœur même de la grande querelle théologique du siècle. Si on l’attaque, ce n’est pas pour son positivisme très relatif ou son prétendu paganisme, mais parce qu’elle a pris position dans cette vaste querelle dont nous vivons encore les suites. Une querelle directement en rapport avec le Ralliement dont je parlais tout à l’heure.

    Maurras, un curieux agnostique, tout de même, qui, de son adolescence à sa mort, a porté sur lui le scapulaire de N.D. du Mont-Carmel ! De cet agnosticisme, j’ai une interprétation (qui m’est tout à fait personnelle) : je pense que, pour lui, c’est une arme lui permettant de parler en toute indépendance des questions religieuses, sans engager le religieux lui-même. Laissant intégralement à l’Église, au clergé et aux laïcs catholiques le domaine théologique, il traite des questions religieuses, certes, mais uniquement en ce qui concerne leurs conséquences dans le domaine de la civilisation, de la culture et, bien sûr, de la politique.

    Mais, ce faisant, Maurras n’est pas extérieur à la question religieuse. Il est même, sur un point, un des rares esprits rigoureusement orthodoxes : sa doctrine est conforme à celle du concile Vatican I, qui a officiellement affirmé qu’il fallait tenir pour une cause de la crédibilité de l’Église les bienfaits qu’elle a rendus à l’humanité dans l’ordre civilisationnel et temporel. Maurras défend en effet l’idée d’un catholicisme qui n’est pas seulement à l’origine de la civilisation et de la culture françaises, mais à qui l’humanité entière est redevable d’immenses bienfaits. Dans ce qu’il appelle l’Église de l’ordre, il loue moins l’Église qui a façonné la France que l’Église qui a apporté à l’homme sa définition suprême.

    L’agnostique Maurras a donc trouvé, d’une manière surprenante, il est vrai, une place bien à lui au cœur même du débat religieux. Je n’irai pas plus loin là-dessus aujourd’hui. Mais si j’insiste sur ce rapprochement avec Port-Royal, ce n’est pas, bien évidemment, pour faire le moindre rapprochement entre la doctrine janséniste et le nationalisme intégral qui n’ont rien de commun. C’est uniquement pour souligner que l’importance prise par l’Action française dépasse de loin le plan étroitement politique auquel on tend souvent à la cantonner. Loin d’être un mouvement politique parmi d’autres, l’Action française se situe au cœur même de la défense de la civilisation. Dans la crise majeure que nous vivons, dans les grands débats actuels, elle a quelque chose d’essentiel à dire, et elle a une expertise qui lui est propre.

  • Patrimoine • À Martigues, par Charles Maurras

     

    Il faut être reconnaissants au site Maurras.net d'avoir remis à jour cet écrit de Charles Maurras, un petit article touristico-sociologique intitulé À Martigues et publié en 1926 par le magazine L’Illustration (numéro 4361 du 12 octobre.). Version agrémentée de six aquarelles de l’artiste avignonnais Louis Montagné.

    S’il refuse le pessimisme automatique des anciens, Maurras ne peut cacher ici une certaine inquiétude : l’âme de Martigues est liée depuis des siècles à l’activité des pêcheries, et, si celles-ci en viennent à péricliter, que restera-t-il de cette âme ?

    Amis lecteurs, imprimez-donc ce texte et prenez-le avec vous pour aller visiter Martigues ! Vos avis seront sans doute divers, mais vous ne pourrez contester que les vues dépeintes par les six aquarelles se retrouvent peu ou prou dans la réalité d’aujourd’hui, et sans doute penserez-vous comme nous que, moyennant l’achèvement de la restauration de la maison du Chemin de Paradis qui fut la propriété de Charles Maurras, et l’éradication de quelques horreurs datant des décennies de l’après-guerre, la « Venise provençale » possède tous les atouts pour charmer le visiteur et poursuivre sa longue histoire, quel que soit le nombre de ses pêcheurs, de grand comme de petit Art.

     

    2736404638.jpgLe clair pinceau et les couleurs brillantes de M. Louis Montagné 1 se rient de l'encre grise et du langage abstrait dont il faut bien qu'un simple écrivain se contente. N'essayant pas de rivaliser avec l'aquarelle, je lui laisse le soin de louer les beautés visibles de ma petite ville natale. L'invisible me reste. Je tenterai de l'indiquer.

    Cette église, cathédrale ou plutôt primatiale, vous plaît ? Vous êtes sensible aux lueurs changeantes de ce petit port ? Vous riez de plaisir devant ce quai oblique où les barques légères attendent tristement ? Le rythme de la lumière et de la vie vous a obscurément intéressé et même conquis ? Les plus minutieuses descriptions littéraires ne pourraient rien ajouter à ce sentiment. Mais peut-être la curiosité qui est née vous fait-elle songer à vous demander quel est le peuple qui travaille dans cet air doré et sous ce ciel en fleur, ce qu'il a dans le cœur, ce qu'il a dans la tête, d'où il vient, ce qu'il fait, en un mot comment ce petit monde a vécu depuis qu'il est là.

    Il est là depuis très longtemps. C'est un peuple pauvre de gloire, mais non d'ancienneté. Son origine a donné lieu à quelques disputes entre amateurs de chartes et producteurs de diplômes. Il paraît que les plus anciens certificats de vie de la ville de Martigues ne remontent guère au-delà du treizième siècle et d'un certain papier qui a été signé et scellé par un archevêque d'Arles entre 1200 et 1300. C'est possible. Ce n'est pas sûr. Et qu'est ce que cela prouve ? Tout ce qui est écrit a été, du moins grosso modo. Mais tout ce qui a été n'a pas été écrit.

    Par exemple, l'Ordre religieux et militaire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem fait remonter son origine à Gérard de Martigues 2, qui a été béatifié, s'il vous plaît. Ce bienheureux Gérard Tenque, né vers 1040 et que la première croisade a trouvé établi à Jérusalem, a-t-il eu l'originale fantaisie de placer son berceau dans une localité qui lui serait postérieure de deux bons siècles ? Naturellement la critique peut dire que Gérard, simple mythe solaire, n'a jamais existé ou qu'il ne s'appelait point Tenque, un chroniqueur disant Gerardus tunc, « Gérard alors » qui aura été traduit Gérard Tunc, ou Thunc, ou Tonc, ou Tenque, ce qui est bien dans l'ordre des choses mortelles 3.

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    Mais, si le nom de son Gérard fut sujet de telles transformations, le nom de Martigues et de son étang, Marticum stagnum, reste tout de même l'un des plus vieux de notre Provence. Il se réfère au cycle de Marius. Quand ce général démagogue passa en Gaule pour y barrer la route à la première grande invasion germanique, cent quatre ans avant Jésus-Christ, il menait dans ses camps, au dire de Plutarque, une prophétesse syrienne du nom de Marthe, revêtue d'un manteau de pourpre et mitrée à l'orientale, qui inspira une confiance invincible à ses soldats et à leur chef. Le nom de Marius remplit la contrée. La montagne de sa Victoire, que les pêcheurs appellent Dalubre (delubrum, le Temple), est la reine de l'étang de Marthe (ou de Berre). Les collines qui bordent l'étang de Caronte (stagnum currens, l'étang qui court) abritent des vallons où les débris gréco-romains affleurent sans cesse. 4

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    En août 1925, un jeune artiste voyageur, errant par l'île de Martigues, qui est notre quartier central, aperçut, au fond d'une remise où jouait le soleil, un chapiteau de marbre d'une rare beauté. Il supposa d'abord que cela provenait de quelque chapelle bâtie au dix-septième ou au dix-huitième siècle. En regardant mieux, il dut se rendre à l'évidence. Le chapiteau corinthien était un pur antique. On a eu la bonté de m'en faire présent. Peut-être, en le voyant de près, les critiques aboutiront-ils avec moi à cette conclusion, provisoirement énorme, qu'après tout c'est peut-être dans ces parages qu'abordèrent les premiers fugitifs phocéens.

    Évidemment, la première Marseille que nous imaginons riveraine du Coenus 5 et de l'étang de Marthe aura vite et souvent changé de place. Mais tout a changé de place ici, et il faut comprendre pourquoi.

    Le rivage méditerranéen est un territoire essentiellement envahi. Les premiers colonisateurs s'en doutèrent. Furent-ils Ligures ou Ibères, avant d'être Grecs ? En ce cas, ils craignaient les Phéniciens, qui craignirent les Grecs, qui craignirent les Carthaginois, qui craignirent les Romains, qui finirent par craindre les Goths, qui craignirent eux-mêmes les Normands, qui craignirent les Maures, que l'on n'a pas cessé de craindre jusque vers notre année 1830, date de la prise d'Alger par la flotte de Charles X. Mais l'Islam se réveille, et il n'est pas dit que ces craintes millénaires ne recommencent pas d'ici peu, sans avoir à changer d'objet. Dès lors, tout aussitôt, ce qui a été recommence. L'éternel exode reprend dans toutes les agglomérations où l'on ne se sent pas en nombre suffisant pour résister et pour tenir. Les habitants des petits bourgs quittent leurs maisons, ils se réfugient sur les collines où ils se fortifient et s'arrangent pour vivre tant que subsiste le péril. Dès qu'il s'éloigne, le pêcheur accourt repeupler les cabanes ou les bâtiments du rivage jugés les plus propices aux travaux de son industrie. Bref, les chartes du treizième ou quatorzième siècle, dont nos archivistes font si grand état, ne les induisent pas absolument en erreur, mais leur font appeler naissance une renaissance. Ils prennent pour la ville fondée ce qui n'est que la ville rebâtie et restituée.

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    Où ? Au même endroit ? Peut-être bien, à cinq ou six cents mètres près. Il n'y avait d'ailleurs pas une ville, mais trois. Elles fusionnèrent par un acte d'union que dicta le roi Charles IX et que symbolisa une bannière tricolore, où le blanc de l'Île, le rouge de Jonquières et le bleu de Ferrières se retrouvaient par parties égales. Les quartiers réunis eurent du mal à vivre en paix, l'antagonisme antique ne s'est pas éteint : « Monsieur, disait au dix-neuvième siècle un marguillier 6 de l'Île, comme un étranger le félicitait de l'érection du clocher de Jonquières, j'aimerais mieux voir mon clocher de l'Île par terre que le clocher de Jonquières debout. »

    Telle est la stabilité de ces fureurs locales, dans le plus instable pays du monde et dont les aspects familiers n'ont cessé de changer à vue d'œil, bien avant que les « travaux » dont on se plaint tant aujourd'hui puissent être accusés de le déshonorer.

    Chacune de nos générations aime à dire que Martigues n'est plus Martigues, pour l'avoir ouï dire à ses anciens qui l'ont toujours dit, et leurs pères, et les pères de leurs pères, dans tous les siècles. La cité provençale, que l'on baptisait un peu ridiculeusement de Petite Venise, n'aura bientôt plus que deux îlots et trois ponts. J'ai connu trois îlots, quatre ponts. Ceux qui m'ont précédé parlaient de quatre ou cinq îlots et de je ne sais plus combien de ponts fixes et de ponts-levis. Ce qu'on appelle le pittoresque a donc perdu, mais l'essentiel a-t-il bougé ? Un certain jeu de l'eau et de la lumière, une certaine dégradation du soleil dans une atmosphère de subtiles vapeurs, la courbe des rivages, le profil des hauteurs, les mouvements du sol, son harmonieuse composition ne dépendent en rien de ce que le pic et la pelle de l'homme, sa drague même si l'on veut, peuvent déplacer de sable ou de boue, et les rapports qui règlent la beauté de la terre ne sont guère liés à ce que change la vertu de notre effort.

    Rassuré quant au paysage, faut-il l'être un peu moins sur la population ? Elle est sans doute composée d'alluvions très variés. Le territoire de Provence est ouvert du côté des montagnes, béant vers l'Italie et l'Espagne, l'Afrique et l'Orient. Il me souvient bien que, dans mon enfance, vers 1875, certaine famille dite des Mansourah, venue d'Égypte, paraît-il avec Bonaparte, n'était pas tout à fait assimilée. On n'en parle plus aujourd'hui. L'œuvre est faite ; les sangs sont réunis.

    Voici plus singulier : vers la même époque, dans une maison qui n'avait pas changé de propriétaire depuis 1550, mon quai natal portait certains débris très nets des bandes scandinaves de Robert Guiscard, que l'on eût beaucoup étonné en leur disant leurs origines, car ils parlaient provençal, sentaient français, jugeaient à la romaine ; néanmoins, les fortes carrures, le teint blond transparent, les yeux vert glauque en disaient long sur l'antécédent séculaire. Sur le quai voisin, l'apport punique et Tyrien se manifestait par d'autres silhouettes géantes de brachycéphales très bruns. À la génération suivante, ces derniers ont perdu de leur taille et leur teint s'est éclairci, tandis que les premiers ont bruni à fond. Dans tous ces cas et beaucoup d'autres, on voit les survivances d'invasions lointaines résorbées, pour un temps, par les forces unies d'un noyau plus ancien encore, dont les caractères changent très peu. Il semblait fait pour résister en proportion du nombre des assauts endurés. 7

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    L'élément principal de ce fonds primitif, celui qui tient solidement au pays, est formé des pêcheurs. Ils sont là deux mille environ, actifs et paresseux, rieurs et graves, anarchistes et traditionnels, dépensiers et âpres gagneurs. Autrefois, leur corporation comprenait un grand Art et un petit Art. Le premier montait des tartanes pontées et allait travailler en Méditerranée. On raconte qu'il y a un quart de siècle environ, les pêcheurs du grand Art gagnèrent beaucoup d'argent. La mer avait été propice, le thon, le mulet et le loup avaient bien donné. Ils crurent que cela continuerait toujours. La confiance orgueilleuse les égara. Se pliant à la vieille passion séculaire qui leur fit inventer la martingale, les patrons de tartanes se mirent à jouer comme on n'avait jamais joué jusque là. En un hiver, ils eurent tout perdu et, comme on dit là-bas, ils furent « rôtis » (les Italiens, en pareil cas, ne sont que « frits »). Bateaux, agrès, tout fut perdu, vendu, bientôt dilapidé. Cet hiver vit la fin du grand Art de la pêche, qui n'est plus représenté à Martigues que par quelques couples de chalutiers appartenant à des Compagnies.

    Le petit Art subsiste. Ceux qui l'exercent sur des barques non pontées, appelées en général des bettes, ne laissent pas de constituer encore la plus importante de nos pêcheries sur ce front maritime, soit que l'on considère le produit du travail, le nombre des marins que la flotte enrôle annuellement, la connaissance du métier, les coutumes anciennes. Il serait difficile de sous-estimer ce trésor.

    Quelles belles prières étaient récitées avant de jeter les filets : Notre Père, donnez-nous du poisson, assez pour en donner, en manger, en vendre et nous en laisser dérober ! Le matin, lorsque le soleil se levait, le mousse enlevait son bonnet et disait gravement sur un rythme de psaume : Saint Soleil, bon lever ! Et nous autres bon jour, santé, liberté, longue vie ! Lorsque le soleil se couchait, le même mousse officiait : Bonsoir, patron et mariniers, toute la compagnie ! Que le bon Dieu conserve la barque et les gens ! Et celui qui ne dit pas « Ainsi soit-il », le cul de la bouteille lui échappe ! Dure malédiction ! Chacun, se hâtant de la détourner, criait : Amen ! Cette vieille population était donc religieuse, tous les témoignages concordent, et c'est ce qui explique son reliquat d'extrême bonhomie et tout ce qu'il comporte de loyauté, de générosité, d'amitié sociale profonde.

    L'ancien régime du mariage peut le faire comprendre. S'il a un peu évolué, il n'a pas disparu. Les fiançailles se célèbrent habituellement à l'époque dite de la seconde communion. Le fiancé a treize ans et la fiancée douze ; les accords ont lieu dans les familles avec une solennité qui rappelle un peu le distique d'Aubanel 8 :

    Alor, fier e sage, li paire,
    An pacheja coume de rei.

    Alors, fiers et sages, les pères
    Ont pactisé comme des rois.

    Le pacte dûment conclu, les enfants peuvent se parler. Ils se parlent longtemps. Cela tenait bien une douzaine d'années, car, vers dix-huit ans, le garçon partait pour le service, qui durait quelque quarante-quatre mois ; il avait donc vingt-deux ou vingt-trois ans à l'heure des justes noces !

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    La ville pose sur les eaux, elle est née du produit des eaux, mais l'ancienne marine de commerce, disparue, ne renaîtra pas. Le canal de Marseille au Rhône ne peut pas la faire renaître. Ce point du trajet est trop proche de Marseille et de Saint-Louis du Rhône pour qu'un arrêt utile y soit indiqué.

  • GRANDS TEXTES (47) : Préface du ”Charles Maurras” (de Michel Mourre), par Pierre Dominique (extraits)

     

    C'est en 1953 - un an après la mort de Maurras - que Michel Mourre fit paraître son excellent ouvrage, sobrement intitulé : Charles Maurras. 144 pages, au format 11/18 : il s'agit d'un "grand petit livre", pour reprendre la façon de parler de Pierre Boutang, présentant comme "un immense petit livre" L'Avenir de l'Intelligence de Maurras (ouvrage lui aussi très court).

    Treize ans plus tard, Jean de Fabrègues fit à son tour paraître son excellent Charles Maurras et son Action française. Dans un article paru dans Le Monde, le 26 novembre 1971, et intitulé La doctrine de Maurras, Gilbert Comte ne s'y était pas trompé :

    "Excepté deux biographies assez dissemblables, mais excellentes, écrites par Michel Mourre en 1953 et Jean de Fabrègues treize ans plus tard, les études approfondies consacrées depuis la guerre à Charles Maurras nous sont généralement venues de l'étranger, grâce aux travaux du critique américain Léon S. Roudiez, de son compatriote l'historien Eugen Weber, ou du philosophe allemand Ernst Nolte. Trop de rancunes laissées par les controverses de la IIIe République, les blessures plus graves encore de Vichy, décourageaient des recherches aussi sereines dans notre pays."

    Lutte de titans, Héros... : voilà bien des mots familiers aux connaisseurs de la mythologie gréco-romaine. La Préface de Pierre Dominique est bien l'hommage qu'il méritait rendu à l'homme-Héros Maurras et une "restitution", au sens étymologique du terme, de la vérité du Martégal, de la vérité sur ce que fut l'homme et son action titanesque, entreprise à partir, en gros, de sa trentième année.

    En prenant deux siècles de recul - et de hauteur - Pierre Dominique remonte aux sources lointaines du Mal contre lequel se dressa Maurras : aux années 1750  (il écrit, lui, en 1953) époque où la secte des Encyclopédistes a semé en plein Paris, dans cette France de la douceur de vivre dont parlait Talleyrand les germes et semences de cette affreuse idéologie qui allait ensanglanter non seulement la France (avec le Génocide vendéen, le premier des Temps modernes) mais toute l'Europe et se propager jusqu'aux extrémités de la terre : l'Extrême-Orient, avec les fleuves de sang des tyrannies sanglantes de Mao, Ho Chi Minh, Pol Pot...; l'Afrique, et ses féroces dictatures marxistes-léninistes...; l'Amérique, avec les horreurs d'un Castro, d'un Che Guevara, d'un prétendu "Sentier lumineux"...

    Oui c'est bien une lutte titanesque contre une idéologie qui ne l'était pas moins que Maurras a livré, à partir du jour où, comme il l'a dit lui-même, il est "entré en politique comme on entre en religion"

    Il annonçait, dans L'Avenir de l'Intelligence, "l'âge de fer" dans lequel nous nous trouvons. Son disciple fidèle, et commentateur zélé, Pierre Boutang, parlait, lui, de "l'âge héroïque" qui était celui qui attendait tous les Français qui lutteraient pour rétablir "l'ordre légitime et profond"...

    Place au texte...

    "...Voici, je crois, ce que dira l'Histoire. Au XVIIIème siècle, née pour une part de la Réforme, nourrie de nourritures anglaises et allemandes - et genevoises - une philosophie conquit la France. Cette philosophie, vivement soutenue par une Maçonnerie d'origine britannique, respectée par des rois que pénétrait dans leur Versailles un virus jusque là inconnu et qui trahirent ainsi leur mission, aboutit à la Révolution dite française et qui, de fait, avait un caractère universel.

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    Ce fut alors que commença le grand bouleversement. Car la Révolution ne se termina pas en 1799, elle se poursuivit, visible ou souterraine, jusqu'au premier bruit des grandes guerres planétaires qui marquent notre âge. Durant tout ce temps, les Restaurations ne furent qu'apparentes. Par deux courants, le courant proprement républicain que traduisent les trois Républiques, et le courant consulaire, figuré par les deux Napoléon, la Démocratie, parlementaire ou dictatoriale, recouvrit le siècle. La France y trouva sa juste agonie, car elle était la principale porteuse de germes, l'institutrice d'erreurs. D'où ses mille malheurs, le sang versé, les troubles, les déchirements, les invasions, jusqu'au suprême désastre et au recul décisif dans l'ordre des Nations.

    Rien n'y fit d'abord, et il semblait que la décadence fût fatale parce que personne ne voyait clair. Jusqu'au jour où un Provençal que sa surdité semblait séparer des hommes et qui, peut-être, trouva dans son infirmité le silence nécessaire à la concentration d'esprit que demandait une grande oeuvre, dénonça et nomma le Mal. Sa récompense fut la persécution, l'insulte et la prison. Il s'en fallut de peu qu'on ne lui donnât la mort.

    Sans doute, il n'était point seul, mais il fut le Maître et le Chef; les plus puissants de son école après lui, Bainville le reconnurent. Il se plaça en travers du courant. Il se refusa à reconnaître la pseudo-fatalité dont se gargarisaient les lâches et les sots. Il crut que la France, qui avait déterminé la tendance du monde moderne à la mort, pouvait renverser le mouvement, déterminer sa tendance à la vie. Reconquérir la France, tel fut son but...

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    Maurras nia donc les bases philosophiques de la Révolution : l'homme est naturellement bon, le progrès est indéfini; le paradis est sur terre. Il combattit l'individualisme romantique, romantisme et révolution étant tout un. Il s'acharna, dans tous les ordres de connaissance, à dissiper les nuées, surtout germaniques. Il opposa à l'anarchie qui qui s'étalait sur le beau corps de la Patrie la tradition française et l'ordre gréco-romain. Il s'affirma de tendance catholique, universelle si l'on préfère, et chanta la République chrétienne, ce qui lui permit de révérer et de faire révérer la Nation, habitat naturel de l'homme, et de combattre l'internationalisme créateur de ces troupeaux aveugles qui sont promis à l'abattoir. Il posa que ce qui comptait c'était l'ordre, l'arrangement, la qualité et non la quantité. Contre la volonté de puissance allemande, russe, américaine, il défendit le souci de la perfection.

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    Cependant, la Révolution, apaisée en France, débordait notre Patrie, renaissait toute neuve en Russie et, là-bas, comme chez nous, s'appuya sur la philosophie qui détermina 89. Maurras constata le lien étroit qui unissait les deux révolutions, l'illogisme qui amenait à se dresser contre les Soviets, les démocrates bourgeois apeurés, ces serviteurs de l'argent pour qui les oripeaux parlementaires étaient un commode paravent. Il suivit d'un oeil aigu le déroulement, en présence d'une France exsangue, désarmée, abattue, des batailles de la dernière guerre et souligna que ce conflit revenait revenait à celui de deux erreurs fondamentales, l'erreur démocratique, parlementaire ou non, représentée par les démocraties anglo-saxonnes et par la Russie des Soviets, et l'erreur hitlérienne ou totalitaire, renouvelée des deux Napoléon, et qui n'est ni plus ni moins mortelle que l'autre. Aussi l'entendit-on crier sur les toits : "La France ! La France seule !".

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    La mesure française ! L'ordre français ! La tradition française ! La France revenant à ses sources ! Tout l'essentiel de Maurras tient en ces formules simples et claires. Et ici, je crois retrouver le thème fondamental de Michel Mourre. Quelles sources ? Les sources chrétiennes. Car, que veut dire le christianisme quand il parle du péché originel, sinon qu'il est faux que l'homme soit naturellement bon ? Et ne sommes-nous pas obligés de souligner son refus de tenir le progrès pour indéfini, son refus d'admettre la grossière formule du Paradis sur la terre (et cet idéalisme est à définir, et suppose plusieurs définitions, mais, en tout cas, il s'oppose au matérialisme révolutionnaire et soviétique).

    En ce temps-là, au bout de cinquante ans de luttes, Maurras fut vaincu (temporellement vaincu). Comment ne l'aurait-il pas été ? Il avait contre lui, au moment de son procès, les totalitaires de Moscou, les puritains anglo-saxons, les Allemands de tout poil, les "collaborateurs" de Paris pour l'heure réduits à tien et les dissidents de Londres, pour l'heure au pinacle. Toutes les anciennes valeurs étaient à bas, et partout. Toutes, sauf les valeurs chrétiennes et particulièrement catholiques, elles-mêmes cependant menacées, ébranlées, l'Église dans ce désordre, les lèvres encore scellées, attendant l'heure de parler. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que Maurras le Sourd ait, sur ses derniers moments, entendu, comme il l'a dit, "Quelqu'un" venir. Là-dessus, sans doute, le mieux est de se taire, mais il ne me déplaît pas, qu'au dernier moment, ce gréco-romain, ce catholique de la porte ait eu un mouvement d'amour pour une Rome, la seconde, si proche de la première, et qu'il avait toujours respectée.

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    Je ne parle ici - on m'entend - que de l'Église dans son ampleur impériale. Je sais les méfiances que Maurras avait pour l'Orient, mais je sais aussi que la démarche qui poussa quelques juifs baptisés, mais encore marqués dans leur chair par les vieux rites d'Israël et à peine dégagé des synagogues, depuis Jérusalem jusqu'à Rome en passant par Antioche, suit bien, à travers la Grèce et l'Italie, les bornes militaires romaines. Je n'oublie pas que le Christ, pour parler enfin de Lui, fut, dès le règne d'Auguste, par un concours de circonstances qu'il est permis de trouver heureux, marqué du sceau romain...

    ...il convenait que ce grand combat d'un héros contre un torrent d'idées, d'oeuvres et de têtes pensantes, fût rappelé par un homme appartenant à une génération dont beaucoup de membres sont morts à la tâche, parfois tout ensanglantés, ou bien ont été refoulés dans l'ombre par l'injustice de leurs contemporains et la violence des évènements. 

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    "GRANDS TEXTES"...

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  • L’Action Française aujourd’hui, un entretien avec Stéphane Blanchonnet

     

    Par Stéphane Blanchonnet 
     
    Propos recueillis par Maximilien Friche
    pour Mauvaise nouvelle, le 26.02.2017
     

    659173882.jpgStéphane, vous êtes président du Comité directeur de l'Action française, vous êtes également reconnu au sein du mouvement comme une référence doctrinale. Ma première question vient de mon propre étonnement. L'Action française existe encore ? Plus de cent après, le mouvement qui fut la première force politique française, est encore très actif. Qu’est-ce qui fait la vitalité de ce mouvement, qu’est-ce qui fait qu’il ne meurt pas ? Comment se réactualise ses combats politiques ?

    Votre question révèle un double malentendu. D'une part, l'AF si elle a été une école de pensée influente, ayant compté dans ses rangs des figures intellectuelles majeures (Bernanos, Brasillach ou Dumezil ont appartenu à l'AF, Proust, Gide ou Malraux en furent proches un moment), dotée de moyens relativement importants (comme son journal quotidien, entre 1908 et 1944), elle n'a jamais été numériquement « la première force politique » (si on la compare au Parti communiste par exemple) et, d'autre part, elle n'a jamais cessé d'exister, notamment après 1945. Elle a même été une force militante notable au moment des combats de l'Algérie française dans les années 60, ou de la résistance au gauchisme à l'université, dans les années 70. Aujourd'hui par le nombre de ses sections (plusieurs dizaines, dans la plupart des grandes villes du pays), le dynamisme de ses jeunes militants et le rayonnement de ses idées (une figure politique comme Marion Maréchal-Le Pen l'a reconnu l'an passé en répondant à notre invitation pour un colloque ; plus récemment Steve Bannon, un des proches conseillers de Donald Trump citait Maurras et sa distinction « pays réel, pays légal »), elle reste une force qui compte.

    Nos combats sont les mêmes depuis l'origine : nous sommes nationalistes, c'est-à-dire que nous défendons la nation française avant tout (son identité, sa souveraineté, son rayonnement) et monarchistes (« nationalistes intégraux » dans notre vocabulaire) car nous pensons que l'ADN politique de la France est la monarchie : les constitutions depuis 1789 tirent leur force ou leur faiblesse de leur plus ou moins grande correspondance avec cette identité politique fondamentale de la France. Aujourd'hui les combats pour la civilisation et même pour la nature humaine (menacée par la théorie du genre ou le transhumanisme) viennent s'ajouter à nos combats politiques traditionnels.

    L’Action française est un mouvement royaliste, vous sentez-vous néanmoins légitime d’agir dans une campagne pour la présidence de la république ? Comment cherchez-vous à agir ? En nourrissant le débat d’idées, en faisant campagne pour un candidat ? Quel serait le candidat le plus proche de l’AF ?

    SB : L'AF est royaliste parce que nationaliste. Elle a d'abord été républicaine, à sa fondation. Puis Maurras a convaincu les autres membres du groupe de la nécessité de restaurer l'outil capétien pour servir l'intérêt général. Mais il est évident pour nous qu'en attendant cette restauration (à laquelle nous travaillons), nous ne sommes pas indifférents à la situation du pays, encore moins quand les périls sont extrêmes. Aujourd'hui la France doit retrouver sa souveraineté, sortir de l'UE, sortir de l'OTAN ; elle doit ressaisir et assumer son identité, notamment son identité catholique ; elle doit enfin chercher les moyens d'inverser les flux migratoires par la suppression des « pompes aspirantes » et un partenariat de développement ambitieux avec les pays sources de l'immigration. Les candidats qui ont conscience de ces nécessités et les affirment comme nous sont ceux que nous pouvons soutenir. Nous allons dans les jours qui viennent faire connaître plus précisément notre position.

    Un monarque peut-il sortir de l’élection présidentielle ?

    Pourquoi pas ! Nous aimons dire à la suite de Maurras : « par tous les moyens, même légaux ! » D'ailleurs, Maurras propose parmi les modèles du coup censé restaurer la monarchie, celui du 2 décembre 1851, qui vit le prince-président, Louis-Napoléon Bonaparte, renverser la Seconde République depuis son bureau de l’Élysée où il avait été porté par les urnes trois ans plus tôt !

    Votre mouvement est nationaliste. La référence à cette notion républicaine de nation fait d’ailleurs sourire. N’auriez-vous pas troqué l’esprit contre-révolutionnaire, l’amour de la patrie, contre le service d’une France qui n’est plus qu’un avatar idéologique, un instrument de la Révolution (je pense, vous l’aurez compris à la critique que fit jean de Viguerie de votre mouvement dans son excellent livre Les deux patries*) ?

    Le mot « natio, nationis » peut déjà signifier « peuple » en latin classique. Par ailleurs, comme le montrent tous les historiens le sentiment national en France est très ancien. Nous avons l'un des plus vieux États du monde et cet État monarchique a produit le sentiment national. Certains le font remonter à Bouvines (XIIIe siècle), d'autres à la Guerre de Cent ans (XIVe-XVe siècles). La nation n'a rien de spécifiquement républicain même s'il était très à la mode de se gargariser de ce mot entre 1789 et 1799 ! Je serais plus réservé que vous sur les thèses de Jean de Viguerie, par ailleurs estimable spécialiste du XVIIIe siècle, et plus encore sur l'utilisation qui en est faite dans certains milieux. Sur la nation, je lui préfère Marie-Madeleine Martin.

    Aujourd’hui les mouvements identitaires fleurissent sur le territoire, comme symbole d’une civilisation qui refuse de mourir, d’être réduite à un sanctuaire, vous sentez-vous proches de ces mouvements ? L’AF n’a-t-elle pas un rôle fédérateur à jouer ?

    Il faut distinguer le thème identitaire et la mouvance identitaire. La conjonction du déracinement (causé par la République jacobine puis par la société du spectacle et la globalisation) et de l'immigration de masse font du thème identitaire un sujet incontournable pour le nationalisme contemporain. En revanche, il n'est pas nécessaire d'appartenir à la mouvance identitaire pour le comprendre. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas entretenir avec elle de bons rapports, mais que nous connaissons aussi nos différences. L'AF défend le « politique d'abord » et n'adhère pas à l'idée d'un communautarisme blanc (c'est cela d'ailleurs « réduire la civilisation à un sanctuaire »). La nationalité française ne peut se définir seulement par la race ou, à l'inverse, par le contrat social républicain (ou l'adhésion aux Lumières). Elle est essentiellement liée à la langue, à l’État, à la civilisation catholique et à la monarchie. 

    * Les deux patries

    Mauvaise nouvelle

  • Sur le blog de l'Action française, l’empirisme organisateur (1).

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

     

    La com­plexi­té appa­rente de la notion d’empirisme orga­ni­sa­teur est dérou­tante.

    Cette méthode de construc­tion doc­tri­nale fait cepen­dant l’originalité et la force de l’Action fran­çaise comme école de pen­sée.

    Genèse d’une méthode

    Consta­tant la pro­fonde divi­sion de l’esprit fran­çais au tour­nant des XIXe et XXe siècles, et pos­tu­lant l’impossible retour de la chose publique sans doc­trine, Maur­ras cher­cha une méthode pour jeter les bases de sa réflexion poli­tique. Il emprun­ta l’expression d’ « empi­risme orga­ni­sa­teur » au cri­tique lit­té­raire Sainte-Beuve (mort en 1869) ; connu pour son absence d’esprit par­ti­san, sa pro­mo­tion du pri­mat de l’expérience et son sou­ci de recher­cher les contra­dic­tions de tous les cou­rants lit­té­raires, poli­tiques, ou phi­lo­so­phiques. L’empirisme orga­ni­sa­teur se veut donc une démarche intel­lec­tuelle sus­cep­tible d’être accep­tée par tous les Fran­çais, quel que soit leur par­ti, quelles que soient leurs croyances, ou quels que soient leurs pré­ju­gés, ain­si qu’un ins­tru­ment d’une réforme intel­lec­tuelle et morale. Cette méthode se nour­rit éga­le­ment de la pen­sée tra­di­tion­nelle (antique et médié­vale), contre-révo­lu­tion­naire et du posi­ti­visme d’Auguste Comte.

    La rai­son et l’expérience

    L’empirisme orga­ni­sa­teur consiste à ana­ly­ser le pas­sé de manière cri­tique, tant pour com­prendre le pré­sent que pour déga­ger de grandes lois de l’histoire. Comme le résume Maur­ras : « Notre maî­tresse en poli­tique, c’est l’ex­pé­rience ». Aus­si, les ins­ti­tu­tions sociales doivent être le fruit d’une sélec­tion opé­rée par les siècles. L’empirisme orga­ni­sa­teur peut donc se défi­nir sim­ple­ment comme « la mise à pro­fit des bon­heurs du pas­sé en vue de l’a­ve­nir que tout esprit bien né sou­haite à son pays ». Cette logique conduit Maur­ras à conclure à la monar­chie.

    L’empirisme orga­ni­sa­teur implique éga­le­ment un prin­cipe d’ouverture consis­tant à accep­ter les obser­va­tions valables d’où qu’elles pro­viennent, en exa­mi­nant seule­ment leur rap­port avec la réa­li­té des faits. Enfin, d’une façon géné­rale, il impose de ne jamais quit­ter la mesure ration­nelle des pos­sibles.

    Consé­quences et appli­ca­tions

    L’empirisme orga­ni­sa­teur donne au roya­lisme d’Action fran­çaise son effi­ca­ci­té. Contrai­re­ment au roya­lisme du XIXe siècle, celui-ci ne se contente pas de la tra­di­tion (remise en cause a prio­ri par cer­tains cou­rants intel­lec­tuels) non plus qu’il ne s’appuie sur la Pro­vi­dence ou le droit divin : il allie la tra­di­tion à la volon­té. C’est ain­si que Maur­ras affirme que « toute tra­di­tion est cri­tique ».

    Le pri­mat de l’expérience conduit à la cri­tique de la démo­cra­tie par­le­men­taire, dans laquelle le pou­voir dépend des suf­frages, donc de l’opinion et de ses varia­tions, condam­nant le régime au pré­sen­tisme. Maur­ras y dénonce d’ailleurs un « régime d’amnésie ». La monar­chie au contraire, pré­sente l’avantage de rendre l’exécutif indé­pen­dant de l’opinion et de ses pas­sions. Enfin, du fait qu’elle pousse le sou­ve­rain à ins­crire son action dans la conti­nui­té de celle de ses pré­dé­ces­seurs (qu’il la pour­suive, l’amende ou l’interrompt), elle se trouve être elle-même un pro­duit de l’empirisme orga­ni­sa­teur.