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République ou Royauté ? - Page 67

  • François le mal-aimé

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Dans un an, en principe, nouvelle élection présidentielle. On ne sait s’il faut se réjouir ou se lamenter au vu des piteux résultats obtenus par M. Hollande à ce jour et au peu de crédit que l’on peut raisonnablement accorder à ses concurrents. La responsabilité de M. Hollande reste entière d’avoir tout donc trop promis : on se rappelle la fameuse anaphore (« c’est maintenant ») de son discours du Bourget le 22 janvier 2012. En promettant le paradis socialiste hic et nunc, il s’inscrivait comme il se doit dans la pure tradition de la démocratie élective par nature démagogique. Rien d’étonnant donc si son quinquennat est, pour l’essentiel, une succession d’échecs - d’une diplomatie guidée par une imbécile hostilité à M. Poutine à une incapacité évidente à inverser la courbe du chômage. Même sa tentative de récupération politicienne des attentats de 2015 a vite fait long feu et, la semaine dernière encore, on a eu droit à sa renonciation à la déchéance de nationalité tandis que la rue manifestait son hostilité au projet de loi de Mme El Khomri.  

    Reconnaissons deux exceptions, mais de taille et d’une certaine façon exemplaires - pour des raisons opposées. La première concerne l’intervention française au Mali : M. Hollande, transfiguré par son aura de chef des Armées, fit un temps illusion et consensus; mais, s’il put adopter une telle attitude, cela tient à des institutions qui lui confèrent un pouvoir quasi monarchique en matière de Défense nationale. La seconde concerne la loi sur le « mariage pour tous » : elle restera son « grand oeuvre », imprégnée qu’elle est de toutes les dérives idéologiques et sociétales de l’intelligentsia gaucharde. 

    En 2012, M. Hollande a donné à tous une leçon d’opportunisme : le petit Premier secrétaire du P.S. est venu à bout du président sortant en sachant profiter au mieux d’un certain rejet vis-à-vis de M. Sarkozy. Mais, remporter une élection est une chose, être chef de l’Etat en est une autre. Dans cette fonction, M. Hollande aura déçu jusqu’à ses plus chauds partisans : le dernier sondage Odoxa fait ainsi état d’une cote de popularité au plus bas en France (moins de 20%). Son problème est au fond d’être ce qu’il est : un chef de parti d’abord soucieux de l’échéance de 2017 et, pis sans doute, un chef d’Etat sans charisme, manifestement incapable d’être au niveau de sa fonction.  

    Il est vrai qu’avant lui M. Sarkozy n’a pas davantage réussi. Mais, au fond, le pouvaient-ils, politiquement parlant, l’un et l’autre ? La Ve République, taillée sur mesure pour un De Gaulle, est affaiblie de fait par le quinquennat et en proie à la résurgence de velléités parlementaristes (certains rêvent même d’une VIe République qu’ils parent de toutes les vertus « démocratiques »). Dans le même temps, l’Etat voit ses fonctions régaliennes plus ou moins remises en cause par les concessions faites à l’européisme (dont la conséquence ultime sera de le réduire à un état croupion). Si rien n’interdit, bien sûr, d’espérer en l’homme (la femme) providentiel(le), il est évident que la solution politique, c’est-à-dire s’inscrivant dans la durée, reste d’ordre institutionnel. 

     

  • Livres • Le secret de Pierre Boutang : retour sur l'ouvrage de Stéphane Giocanti

     

    Pierre Boutang a été et reste l'un de nos maîtres, comme on eût dit plus volontiers en d'autres temps. Mais un maître au sens de George Steiner, un maître duquel on apprend, mais avec qui l'on dialogue, dans une relation vivante, où parfois s'affirment divergences ou développements. Et à la différence des Maurras, Daudet, Bainville, nombre d'entre nous ont approché, connu, écouté, interrogé un Pierre Boutang de chair et d'os, qualités et défauts confondus. L'excellente recension qui suit du dernier ouvrage de Stéphane Giocanti nous le fait redécouvrir tel qu'en lui-même. Nous la devons à Philitt, un site de réflexion philosophique et culturelle qu'il faut, selon nous, connaître et faire connaître. LFAR   

    Après une biographie consacrée à Charles Maurras (Flammarion, 2006), Stéphane Giocanti s’attaque à l’un des plus talentueux disciples du maître de l’Action française : Pierre Boutang (Flammarion, 2016). Ce livre nous permet de découvrir un personnage complexe et souvent sous-estimé, de l’étudiant facétieux au philosophe virtuose en passant par le talentueux polémiste.

    Une des choses qui ravit lorsqu’on évoque le nom de Pierre Boutang, c’est qu’on sait d’emblée – à la différence des intellectuels d’aujourd’hui – qu’on peut le nommer écrivain ou philosophe. Car Boutang, bien qu’il ne soit pas si loin de nous – il meurt le 27 juin 1998 – était incontestablement les deux. Il avait à la fois l’âme d’un poète et celle d’un métaphysicien. Dans sa biographie consacrée à l’auteur d’Ontologie du secret, Stéphane Giocanti dresse le portrait d’un homme dont la complexité déroutera plus d’un lecteur, trop habitué que nous sommes au monolithisme de nos contemporains. D’abord normalien et militant de l’Action française, maréchaliste puis giraudiste pendant la Seconde Guerre mondiale, soutien de De Gaulle dans l’espoir de voir le comte de Paris succéder à ce dernier, disciple de Maurras renonçant petit à petit à son antisémitisme pour finir fervent défenseur d’Israël… Boutang est insaisissable bien que toujours mû par l’idéal monarchique et par son catholicisme.

    Jeune, Boutang se distingue par sa beauté, par sa force physique et par sa verve. Ce Rimbaud aux mains de paysan est aussi espiègle que charmeur. Il envoûte ses professeurs autant que ses camarades. Giocanti nous dépeint avec talent cette période de la vie du philosophe. On ressent nettement la tension inhérente chez Boutang entre sa curiosité intellectuelle inépuisable et son tempérament dionysiaque – qui va de ses nombreuses conquêtes à son besoin de faire le coup de poing. Ainsi, il manque d’être exclu de l’école Normale pour avoir réservé un accueil très spécial à Jean Zay qui venait donner une conférence en Sorbonne « Pour répondre à cette personnalité politique, qui en 1924 a comparé le drapeau français à un « torchecul » dans un poème antimilitariste, l’étudiant répand de haut en bas des murs de l’École quantité de papier hygiénique », raconte Giocanti. Mais dans le même temps, Boutang est un élève brillant, lecteur compulsif qui impressionne ses professeurs que sont, entre autres, Vladimir Jankélévitch, Gabriel Marcel et Jean Wahl. « […] il recopie ou commente Nietzsche, Kierkegaard, Hegel, Platon, Pascal, Bergson, rédige toute une dissertation sur le langage, commente l’article que Jean Wahl vient de consacrer à Karl Jaspers dans la Revue de métaphysique et de morale », souligne le biographe.

    La vie d’étudiant fut également pour Boutang l’occasion de rencontres décisives : Philippe Ariès, Raoul Girardet – tous deux futurs historiens de renom – Maurice Clavel, qui sera un écrivain et journaliste célèbre, puis celle qui deviendra sa femme, Marie-Claire Canque. Giocanti tient à montrer que, si Boutang est très fidèle en amitié, il l’est moins en amour. Le couple était déjà un petit miracle en soi : lui militant Action française, elle imprégnée d’un humanisme de gauche. Mais Boutang ne peut s’empêcher d’user de son charme sur les femmes. Il multipliera les conquêtes, les trahisons qui seront, en partie, à l’origine d’un de ses ouvrages les plus importants Le Purgatoire, son chemin de croix philosophique. « De son mariage, Boutang dira rétrospectivement qu’il a été heureux autant qu’il était possible », note Giocanti qui veut témoigner de ce pessimisme amoureux propre à Boutang.

    Maurras et Boutang_Giocanti.jpg

      Stéphane Giocanti                 Boutang parlant à Maurras

     

    S’il faut trouver un défaut au travail remarquable de Giocanti, il concerne le récit de la Seconde Guerre mondiale. L’auteur perd Boutang de vue pour parler en détail de la rivalité entre le général de Gaulle et le général Giraud. Si cette contextualisation a un sens puisque le « maréchaliste » Boutang a choisi le camp de Giraud pendant la guerre avant de célébrer De Gaulle dans les années 60, Giocanti s’éloigne un peu trop de son entreprise biographique pour aller sur le terrain de l’analyse historique. Pendant un chapitre entier, Boutang est un peu délaissé et on ne le retrouve véritablement que quand l’auteur se décide à aborder l’après 1945. On retiendra néanmoins la position complexe de Boutang dans ce conflit. Boutang reste fidèle à Maurras et soutient le maréchal Pétain. Pourtant, il ne se sent pas du tout proche de l’administration de Vichy et abhorre l’esprit de collaboration. Boutang se mobilisera pour faire sortir du camp de Drancy son ancien professeur Jean Wahl qui lui en sera reconnaissant toute sa vie. L’historien Simon Epstein dira de l’auteur d’Ontologie du secret qu’il fut « résistant à sa manière ». En lisant Giocanti, on comprend d’ailleurs que ce n’est pas le « maréchalisme » de Boutang qui lui a posé problème après la guerre mais bien plutôt son giraudisme. Sans doute aurait-il été ministre, comme Malraux, s’il avait rejoint Londres en 1940, dira de lui un ami.

    L’avènement d’un philosophe

    Boutang a 29 ans quand la guerre se termine. Philosophe royaliste et catholique, il doit ferrailler avec les existentialistes, les structuralistes et les marxistes qui dominent la scène intellectuelle française. Il mènera son combat depuis deux revues qu’il dirigera successivement, Aspects de la France puis La Nation française. Avec ce deuxième titre, Boutang veut donner un nouveau souffle à la pensée monarchique affaiblie depuis la mort de Maurras en 1952. « Le projet est de dépasser ce qui a été tenté à Aspects de la France et de tracer une voie intellectuelle et politique nouvelle. Il s’agit de créer un laboratoire d’idées et un espace de débat, de relever le royalisme politique et doctrinal », précise Giocanti avant d’ajouter que Boutang entendait résumer la ligne éditoriale du journal par une boutade : « Ne pas être trop bête. » Longtemps, cette carrière de polémiste va retarder le destin philosophique de Boutang qui éprouve beaucoup de difficultés à se retirer du monde. Il faudra attendre 1973 – il a alors 57 ans – pour que soit publiée sa thèse Ontologie du secret dans laquelle il a mis toutes ses forces. Ferdinand Alquié salue une « prouesse » tandis que Gabriel Marcel, son vieux maître, évoque un « monument ». De son côté, George Steiner parle d’un « rendez-vous décisif ». « Avec Ontologie du secret, Pierre Boutang s’impose comme un penseur à la fois considérable et singulier. Ce traité, qui est aussi le journal de bord d’une pensée qui se construit, aborde les fondements mêmes de l’ontologie et de la métaphysique, en examinant les articulations entre l’être et le secret », explique Giocanti.

    Dès lors, ce Boutang consacré peut envisager de rejoindre la Sorbonne. Il est élu professeur de métaphysique le 12 mars 1976. Mais son passé de militant politique le rattrape et une campagne est lancée pour l’empêcher d’enseigner dans cette prestigieuse université. Jacques Derrida, Pierre Vidal-Naquet, Pierre Bourdieu ou encore Luc Ferry font partie des signataires. Ils mettent en doute le sérieux philosophique de Boutang et lui reprochent d’avoir ressuscité « la presse d’extrême droite ». L’alliance des libéraux, des marxistes et des structuralistes contre le philosophe royaliste et catholique est un échec. Les défenseurs de Boutang sont nombreux, d’Emmanuel Levinas à André Froisard en passant par René Schérer. Avant que François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, ne rappelle : « […] la liberté de nos adversaires n’est-elle pas un peu la nôtre ? » En dernière instance, c’est le talent de professeur de Boutang, sa générosité aussi, qui légitimeront sa place à la Sorbonne. « Pédagogue de la liberté intérieure, Boutang donne aux étudiants l’occasion de rompre avec le conformisme marxiste et freudien ambiants, mais il leur offre surtout la possibilité d’interroger les textes comme ils ne l’ont pu auparavant, avec des recours à l’étymologie, aux comparaisons entre les langues, et des parallèles inattendus qui surgissent pour éclairer une notion, ouvrir un problème… », souligne Giocanti.

    Universitaire controversé mais respecté, Boutang pourra enfin se consacrer à l’essentiel : la philosophie. Après Ontologie du secret (1973), c’est Le Purgatoire (1976), Apocalypse du désir (1979) ou encore Maurras, la destinée et l’œuvre (1981) qui contribueront à forger sa réputation de penseur de premier plan. Cent ans après sa naissance, la biographie de Giocanti apparaît comme un hommage nécessaire à cet homme hors du commun qui aura traversé le XXe siècle comme une comète. 

    Crédits photo : Rue des Archives/mention obligatoire©Louis Monier

    Philitt

  • Jean Pierre Le Goff : « Malaise dans la démocratie » ?

     

    « L'impuissance politique est enrobée dans les bons sentiments »

    Une analyse éminemment politique mais aussi éthique, anthropologique, sociétale de notre situation française et européenne. Une analyse complète, profonde sans aucune complaisance et d'une grande pertinence. Seule l'idée que la prochaine échéance présidentielle pourrait être, pour les politiques, l'occasion de mettre fin à leurs luttes intestines et à leurs querelles d'égo « pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde » nous paraît ressortir davantage d'un vœu pieux mais illusoire que d'un espoir réaliste. Nous ne sommes pas sûrs que pour Jean Pierre Le Goff ce soit là autre chose qu'une clause de style.  LFAR

     

    Terrorisme, révolte dans la jeunesse, campagne antiraciste absurde, Europe impuissante, le titre du dernier livre de Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie, est plus que jamais approprié à la situation actuelle. Le sociologue et philosophe a fait le point pour FigaroVox [29.03].

    Remaniement ministériel digne d'une farce, débat sur la loi travail qui contredit totalement le programme du candidat Hollande en 2012, négociations avec la Turquie sur la crise des migrants: le titre de votre livre, Malaise dans la démocratie, n'a jamais semblé aussi approprié ….

    De quelque côté que l'on se tourne, c'est l'impression de confusion et de délitement qui domine avec le sentiment d'impuissance des États à s'attaquer aux causes des maux dont ils déplorent les effets. On réagit au plus vite pour essayer tant bien que mal de gérer des problèmes qui s'emballent : lutte contre le terrorisme, flux de migrants, Union européenne à la dérive, chiffres du chômage…, tout en ayant en vue des échéances électorales qui se rapprochent à grands pas.

    Chaque jour nous confronte à la vision d'un pays désorienté, d'une Union européenne à la dérive et d'un monde livré au chaos. Les images du flot de réfugiés et de migrants bloqués aux frontières criant leur colère renforcent l'angoisse des peuples européens : pour ces migrants, l'Europe est une terre promise quoiqu'il en soit du chômage, des différences de culture et des mœurs ; réfugiés politiques et migrants économiques se mélangent dans la plus grande confusion, sans parler des terroristes islamistes qui peuvent profiter de l'occasion. Les grands discours généraux sur la lutte contre la xénophobie, l'islamophobie, le racisme…, les leçons de morale données aux peuples européens qui craignent de voir à terme leur pays et leur culture s'en aller à vau l'eau n'y changeront rien. L'accord passé avec la Turquie d'Erdogan restera dans les annales comme un marchandage déshonorant impliquant des milliards d'euros, la possible dispense de visas d'entrée en Europe pour les citoyens turcs, la reprise des promesses de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne… pour des mesures dont la mise en œuvre et l'efficacité restent largement aléatoires. Face à l'urgence, dira-t-on, il ne convient pas de faire la fine bouche, l'Union européenne fait ce qu'elle peut en essayant de gérer tant bien que mal une situation qui paraît devenue immaîtrisable. Il n'empêche : l'irresponsabilité et les revirements de la chancelière allemande, les déclarations hautaines et méprisantes d'Erdogan envers l'Europe, son rapport pour le moins ambigu aux islamistes, sa répression contre les kurdes et les opposants… sont autant de réalités que tous les discours embarrassés des responsables de l'Union européenne ne peuvent effacer. En octobre 2015 au Zénith à Strasbourg, les partisans d'Erdogan vivant en Europe, hommes et femmes séparés, après une prière collective menée par un iman venu de Turquie, ont écouté et applaudi à tout rompre son discours guerrier contres ses opposants et ses propos méprisants sur l'Europe dénoncée et huée par la salle parce qu'elle prétendrait donner des leçons. L'Europe serait affectée par la xénophobie, l'islamophobie et le racisme, tandis que la Turquie serait le « défenseur de la vraie civilisation ». De tels propos tenus en France et sur le sol européen auraient provoqué l'indignation et la réprimande en d'autres temps. Comment ne pas se sentir humilié et continuer de croire à l'Europe quand la France et les autres pays européens ont largement fait silence face à de tels propos ?

    La politique intérieure française ne semble pas plus sortie de ce que vous appelez la « démocratie de l'informe »…

    La présidence de François Hollande représente le summum du pouvoir incohérent et informe qui ne date pas d'aujourd'hui. La façon dont on prépare et multiplie les lois, dont on avance et on recule au gré des pressions des uns et des autres, pour aboutir à des « synthèses » alambiquées qui finissent par mécontenter tout le monde constitue une sorte de modèle-type d'une « gouvernance » post-moderne qui navigue à courte vue au gré des évolutions, des événements et des groupes de pression. . La concertation, la démocratie participative, la recherche d'un compromis acceptable… ont bon dos pour masquer l'absence de tout projet clair et cohérent. La loi El Khomri qui a, entre autres, pour objectif de faciliter la négociation a comme caractéristique paradoxale d'avoir été préparée sans consultation avec les organisations syndicales, avec menace plus ou moins claire d'utiliser le 49-3, avant de revenir en arrière, pour aboutir à une « simplification » du code du travail qui risque d'être des plus complexes… Au bout du compte, tout le monde est mécontent ou insatisfait, sauf le gouvernement. Quant au projet sur la destitution de la nationalité et la réforme de la Constitution, sa nécessité et son utilité ne vont nullement de soi au regard de textes de loi déjà existants et à la mentalité djihadiste qui se fiche pas mal de se savoir français ou non. N'importe comment, on ne voit pas comment elle pourrait aboutir. L'opinion finit par ne plus comprendre au juste de quoi il est question et pourquoi on a consacré tant de temps, de débats et de polémiques pour aboutir à retirer les projets en question ou à de piètres résultats. D'où l'impression justifiée d'une politique qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose (« Tout ça pour ça ! ») et dont le rapport avec la réalité du pays et les préoccupations des citoyens ordinaires est de plus problématique.

    En même temps, on continue la communication personnalisée, en essayant tant bien que mal de revaloriser son image dans un souci électoraliste dont les enjeux donnent une certaine idée de l'état de la politique: qui donc sera présent au second tour des élections présidentielles face à la candidate du Front national ? Vaste débat de prospective chez les spécialistes, proportionnel à l'état de désorientation et de désespérance d'un pays qui ne sait plus qui il est et où il va.

    Le « président normal » s'efforce d'incarner la fonction présidentielle dans une situation qui semble devenue immaîtrisable, tout en se livrant à quelques selfies lors de ses déplacements et des confidences dans des journaux branchés. Le citoyen ordinaire pourra ainsi connaître en lisant le magazine Elle quelques informations sur la famille du président, sur sa vie avec Ségolène Royal où il faisait les courses ou la cuisine, s'occupait de enfants, tout en regrettant de n'en avoir pas fait davantage… De tels propos suffiront-ils à rassurer les Français sur les compétences du Président à diriger le pays ? Les féministes toujours avides d'autocritique publique dans les médias, peuvent-elles se contenter de tels propos ? Dans tous les cas, dans la perspective de l'échéance serrée qui s'annonce, il n'y a pas de petits profits électoraux. Comment dans ces conditions, ne pas désespérer de la politique ?

    Après la France, c'est le Belgique qui a été touchée par le terrorisme. Cela traduit-il une extrême faiblesse des Etats européens…

    Oui, mais la lutte contre le terrorisme islamiste radical n'est pas une mince affaire qu'on peut régler rapidement, d'autant plus que depuis des années on a dénié ou sous-estimé l'influence de l'islamisme radical, les prêches haineux dans les mosquées, le nombre de départs pour le djihad… par peur de discriminer nos compatriotes de confession musulmane, en même temps on n'a pas voulu froisser nos liens avec les pays arabes qui prônent le salafisme et avec qui on entretient des liens commerciaux. Pour avoir la paix dans certains territoires abandonnés de la République, on a laissé se développer le communautarisme islamiste avec ses discriminations et ses pressions vis-à-vis des femmes, ses dénonciations des républicains laïcs, des « traîtres » et des « collabeurs »… Au nom de la lutte contre l'islamophobie, tout un courant intellectuel gauchisant a pris le relais accusant la République, la laïcité et notre propre histoire de tous les maux, renforçant le sentiment victimaire et le ressentiment existant chez une partie de nos compatriotes musulmans. Une police de la pensée et de la parole a accusé systématiquement nombre d'intellectuels et de journalistes d'« islamophobie », faisant pression et rendant plus difficile toute critique, toute réflexion et débat sur l'islam et son adaptation difficile à la civilisation européenne, réflexion et débat indispensables à son intégration. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on paie une politique de l'autruche qui ne date pas d'aujourd'hui alliée à une mentalité angélique et pacifique qui dénie le choc des cultures et des civilisations, et ne veut pas avoir d'ennemis. Malgré tous les efforts des bien-pensants pour dénier ou sous-estimer ces problèmes, il est plus difficile aujourd'hui de « remettre le couvercle » sur ces questions comme on l'a fait depuis des années.

    Comment peut-on sortir d'une telle situation ?  

    On ne s'en sortira pas avec le rappel de valeurs générales et généreuses et de bons sentiments, mais tout d'abord, comme cela a déjà été dit, par des moyens de police et militaires qui doivent frapper comme il se doit les ennemis qui veulent nous détruire. C'est la crédibilté de l'État détenteur de la violence légitime et assurant la sécurité des citoyens qui est en question. On a compris (tardivement) qu'on ne pouvait traiter le Ministère de la défense comme les autres en le soumettant à des restrictions budgétaires drastiques, même si on peut estimer qu'on est loin du compte pour faire face aux menaces dans un monde des plus chaotiques. Mais pour que l'État puisse effectivement jouer son rôle, il faut qu'existe en même temps une opinion publique qui le soutienne fermement dans la répression nécessaire dans le cadre de l'État de droit. Les demandes d'engagement dans l'armée et la police de la part des jeunes générations traduisent de ce point de vue une nouvelle dynamique qui rompt clairement avec la dépréciation dont ces deux institutions ont fait l'objet depuis près d'un demi-siècle.

    Mais dans la jeunesse comme dans d'autres catégories de la population, existent des fractures sociales et culturelles symptomatiques des difficultés à affronter le terrorisme islamique et la guerre. Je suis frappé de ce point de vue par des similitudes existant entre les réactions aux attentats islamistes à Bruxelles et à Paris. Dans les deux cas, les attentats ont produit des effets de sidération et donné lieu à un même type d'expression publique de l'émotion et de la douleur : on allume des bougies, on se tient par la main, on dessine des cœurs, on chante la chanson Imagine de John Lenon célébrant la paix et la fraternité universelle alors que viennent d'être commis des massacres de masse. Ces réactions émotionnelles expriment une sorte de catharsis nécessaire face au terrorisme et à la barbarie, l'indignation et la douleur d'un peuple qui pleure ses morts et proclame son refus du terrorisme. En même temps, l'unité et la solidarité ne peuvent seulement s'exprimer dans l'émotion et à la douleur partagées. Si nous voulons faire face et combattre efficacement nos ennemis, il s'agit de comprendre comment de tels actes ont été rendus possibles et le fanatisme islamiste qui leur est inhérent En d'autres termes, le terrorisme et l'islamisme radical n'ont pas surgi de nulle part et force est de reconnaître que ceux qui commettent ces actes barbares sont des citoyens des pays européens. Voilà ce qui est peut-être le plus difficile à admettre parce que cette question nous renvoie aux faiblesses internes des démocraties européennes, au refus d'affronter des réalités dérangeantes en essayant tant bien que mal de les masquer, comme pour mieux se rassurer en se croyant à l'abri des désordres du monde.

    Manuel Valls vient d'appeler clairement les pays de l'Union européenne à en finir avec l'angélisme. Il est temps. Mais encore s'agit-il en même temps de comprendre pourquoi et comment un tel déni des réalités et un tel angélisme ont pu se développer depuis des années. Comme je le souligne dans mon livre, cela pose le problème du bouleversement du terreau éducatif et sociétal des démocraties européennes, bouleversement qui a abouti à la dépréciation de leur propre histoire et à la mésestime d'elles-mêmes, au profit d'un multiculturalisme invertébré et sentimental qui a le plus grand mal à reconnaître qu'existe une pluralité des peuples et des civilisations. C'est une mentalité nouvelle qui a vu le jour pour qui la démocratie est devenue synonyme de relativisme culturel, la nation de xénophobie et de racisme, l'Europe et l'Occident étant eux-mêmes considérés, peu ou prou, comme les responsables de tous les maux de l'humanité. Les guerres, les totalitarismes et la shoah, le colonialisme… se sont trouvés intégrés dans un récit de plus en plus dépréciatif de notre histoire et la critique salutaire de l'ethocentrisme européen a versé dans un règlement de compte qui n'en finit pas. En contrepoint, les autres peuples du monde peuvent être considérés comme porteurs de vertus qui nous font défaut. La façon dont aujourd'hui on considère les « peuples premiers » comme des écologistes avant l'heure, voire porteurs de spiritualités indispensables à notre bien-être, est particulièrement révélatrice du grand retournement qui s'est opéré dans notre rapport aux autres peuples du monde.

    C'est précisément cette nouvelle mentalité qui s'est trouvée percutée et désarçonnée par le terrorisme islamique, sans pour autant être en mesure de comprendre ce qui est arrivé, parce que cette mentalité s'est formée dans une époque où la France et les sociétés démocratiques européennes se sont déconnectées de l'histoire et du tragique qui lui est inhérent.

    « Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux. », écrit Musset en 1836. En 2016, on a également le sentiment d'assister à la fin d'un monde…

    Nous vivons la fin d'un cycle historique où nombre de schémas de pensée et de façon de faire de la politique se décomposent à grande vitesse avec le sentiment partagé par beaucoup que cette période de décomposition n'en finit pas de finir. C'est toute une façon de faire de la politique au gré des évolutions, sans stratégie et sans vision, dans une logique de réactivité et d'adaptation à courte vue qui est en question. Le déni du réel, la réactivité et la fuite en avant s'accompagnent d'un discours victimaire et compassionnel qui enrobe l'impuissance politique dans des valeurs généreuses et des bons sentiments, en essayant de cette manière compassée et compassionnelle d'incarner l'unité d'un pays désorienté et morcelé. La réactivité et la compassion dominent sur fond d'impuissance de proclamation insipide des grands principes, de coups de menton, d'indignation surjouée et de petits calculs électoraux. Au vu de tout cela, les citoyens ordinaires ont des raisons de ne plus croire à la capacité du politique à agir sur le réel et redonner confiance dans l'avenir. Face à un État incohérent qui navigue à vue, dit une chose et son contraire, avance et recule au gré des groupes de pression et des clientèles électorales, les citoyens désorientés perdent confiance dans la politique, se replient sur leurs réseaux et leurs communautés d'appartenance dans une logique de repli sécuritaire et de défense de leurs propres intérêts catégoriels.

    Dans le même temps, affaires, scandales, discours incohérents, démagogie et reculades, dénonciations en tout genre s'affichent dans les médias et les réseaux sociaux… Le lynchage médiatique dans les réseaux sociaux est devenu un sport national, le coupable est dénoncé et jugé avant même l'instruction, laquelle peut désormais se dérouler à livre ouvert dans les journaux. Sous les oripeaux de la « démocratie participative » et de la transparence, la mentalité « sans culotte » a gagné du terrain. Il ne sert à rien de dénoncer l'extrême droite et le « populisme » tant qu'on continuera de dénier les réalités délétères qu'ils savent exploiter à leur manière. On a l'impression à chaque fois de toucher le fond, avant que de nouveaux faits délétères enfoncent un peu plus le pays dans la spirale du délitement et de la mésestime de soi. Ce n'est pas seulement une question de « popularité » mesurée à l'aide de multiples sondages qui est en question. C'est le lien de confiance avec l'État et une bonne partie des élites qui est rompu entraînant la méfiance et la suspicion dans une optique victimaire empreinte de ressentiment.

    On assiste bien à la fin d'un monde avec des risques de conflits ethniques et de violences, une accentuation du chaos. Dans ces conditions, l'appel à l'optimisme, à la « mondialisation heureuse » a des accents de méthode Coué tant que ne sont pas clairement reconnues la gravité de la situation et les impasses auxquelles ont conduit une politique de l'autruche et de la fuite en avant qui n'appartient pas spécifiquement à un camp. Les politiques ne peuvent évacuer la question de la part de responsabilité qui leur incombe dans cette période critique de l'histoire que nous traversons. C'est l'une des conditions pour regagner la confiance du pays et des peuples européens et entamer une reconstruction qui tire les leçons d'une période dont on pourra dire qu'elle est vraiment terminée quand une nouvelle dynamique politique et historique verra le jour. Sans tout attendre du politique, les échéances présidentielles peuvent en être l'occasion, si les politiques parviennent à mettre fin à leur lutte intestine et leur bataille d'ego pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde. Les citoyens jugeront sur pièces. 

    Jean-Pierre Le Goff est un philosophe, écrivain et sociologue français. Son dernier livre Malaise dans la démocratie vient de paraître chez Stock

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter : @AlexDevecchio

     

  • Qu'est-ce que « le Système » ? Retour sur quelques définitions

     

    Contestation de l'establishment aux Etats-Unis - qui fait, selon Jean-Michel Quatrepoint le succès de Donald Trump - et contestation du Système en France et en différents autres pays d'Europe, ce sont, nous semble-t-il des formes de réaction sinon partout identiques, du moins de même parenté. Raison suffisante pour revenir sur la nécessité de définir ce que nous appelons de ce côté-ci de l'Atlantique, le Système.

     

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    Visuel : réalisation Action française Provence        

     

    La question – évidemment importante et légitime - nous a été posée dans les commentaires : « Le "Système"  et sa contestation sont à l'ordre du jour. S'agit-il là d'une tendance lourde ? (…) Il est temps d'éclairer les uns et les autres sur ce que nous nommons " le système ". (…) Pour lutter contre le Système, (…) encore faut-il le définir avec plus de précisions et en dessiner finement le contour.» Mais la réponse ne va pas de soi. Même si, « aujourd'hui, la contestation du Système se généralise massivement et si on ne peut donc pas nier que le terme soit "ressenti".» 

    Par définition, un « système », bien qu’il constitue une unité active, est chose complexe, composite. Il n’est donc pas si simple de le définir. Hasardons néanmoins quelques réflexions qui, si elles n’épuisent pas le sujet, contribueront à y mettre un début d’ordre et de clarté.  

    Qu’est-ce qu’un système ? Classiquement, les dictionnaires en donnent une définition de ce type : « Un système est un ensemble d'éléments interagissant entre eux et se définit par : ses éléments constitutifs ; les interactions entre ces derniers ; sa limite ». Voilà qui correspond bien à notre sujet. 

    Notons que (sans-doute dans les années 1920) Léon Daudet dit son opposition au Régime, celle de l’Action française, alors qu’aujourd’hui nous avons plutôt tendance - par delà Droite et Gauche - à pointer le Système, le second incluant et subordonnant de plus en plus le premier. Tendance lourde ? Sans doute. 

    Lorsque Daudet dit son opposition au Régime, il s’agit évidemment de la République, en l’occurrence de la IIIe. Aujourd’hui comme hier, la Constitution définit les Institutions de la République : la Présidence de la République ; le Gouvernement ; le Parlement, Assemblée Nationale et Sénat ; les Partis politiques qui, de fait, les composent et dont la Constitution consacre le rôle ; le Conseil Constitutionnel … Etc. Tel est notre Régime politique. Mais l’on « ressent » bien que le Système avec lequel, selon la définition des dictionnaires, le Régime interagit - dont il est l’un des éléments, théoriquement le premier - est un ensemble qui s’étend bien au-delà des Institutions politiques proprement dites et se compose d’autres éléments, devenus, somme toute, souvent tout aussi déterminants. Dans l’écart entre ces deux termes (Régime et Système) se trouve sans doute la réponse à la question que nous nous posons. En son temps, l'Action française avait déjà élargi sa critique du régime proprement dit à ce qu'elle nommait le Pays légal. Réalité assez voisine sans-doute du ce qu'aujourd'hui l'on appelle - en un sens communément péjoratif - le Système.          

    Par delà les Institutions de la République proprement dites et leurs différents moyens d’action, les autres éléments constitutifs du Système – en interaction permanente avec les Institutions aussi bien qu’entre eux - sont assez aisément discernables. Pour être brefs, nous nous bornerons, sans les analyser en détails, à les désigner :  

    Une pensée dominante (le Politiquement correct, la Bien-pensance, les sempiternelles et indéfinies valeurs de la République ...) qui, malgré un nombre croissant d’oppositions et de réactions, est très généralement partagée par l’ensemble des composantes du Système ; elle a valeur politique, sociétale, morale, voire religieuse. Rien à voir avec l’une de ces grandes pensées politiques, dont Edgar Morin déplore la disparition. Il s’agit d’un ensemble d’opinions. 

    Les moyens de communication et d’information, notamment audiovisuels, et la grande presse, largement peuplés de journalistes et de managers en grande majorité pénétrés de la doxa que nous avons évoquée précédemment et spontanément appliqués à la diffuser, l’imposer à tous, la ressasser incessamment comme croyances et morale obligées. A noter que cette profession n’est pas loin de constituer, ne serait-ce que du simple point de vue des rémunérations, une communauté de privilégiés. A noter, aussi, les nombreux couplages existant entre le monde politique et celui des médias.  

    Le monde clos des financiers, propriétaires, soutiens et utilisateurs des moyens de communication en question (chaînes de télévision, grands titres de la presse écrite, etc.). Ils les achètent ou ils les vendent. Ils payent leurs factures et assurent leurs fins de mois.         

    Ce que l’on nomme de plus en plus, comme s’agissant d’un tout homogène et mono-orienté, les Associations, à peu près comme l’on dit les Institutions (!). N’ont d’influence et d’interaction avec les autres éléments du Système que les associations conformes à la doxa commune, quelle que soit leur importance réelle. (Aucune chance pour la Manif pour tous d’exercer une influence sur le Régime ou sur le Système).   

    L’Etat, en France, s’en étant attribué la responsabilité et le contrôle, l’Education Nationale  est, à l’évidence, une autre composante essentielle du Système. Monopolisée par une caste de faiseurs de programmes et de pédagogistes - qui se renouvellent, d’ailleurs par cooptation - elle a de moins en moins pour mission la transmission des savoirs, comme l’atteste la dégringolade des niveaux scolaires. Il s’agit bien davantage de former la jeunesse de notre pays aux dogmes et comportements qu’implique la doxa commune, cette Religion républicaine qui, selon Vincent Peillon, doit remplacer les anciennes religions et façonner le citoyen nouveau. L’introduction de la théorie du Genre à l’école, qui implique la négation des sexes, montre que cette Religion nouvelle admet les lubies les plus extrêmes. Terra nova, le nom que s'est donné le principal think tank socialiste, dit tout de l'ambition que poursuit le Système.      

    Si l’on ajoute aux composantes du système, les appareils syndicaux et, malgré leur faible représentativité, leurs cohortes d’apparatchiks, largement intégrés à la classe des bureaucrates de l’Administration ou, même, des grandes entreprises, un certain monde de la culture et des arts ou prétendus tels, l’on comprend que cette imposante conjonction de moyens, d’hommes, de structures et d’argent, puisse exercer sur l’ensemble du peuple français une sorte de totalitarisme mou et qu'il soit, bel et bien, largement ressenti comme tel. 

    Chacune des composantes du Système énumérées ci-dessus mériterait une étude spécifique qui, ici, nous mènerait trop loin. Toutes nous semblent concourir à un même résultat : celui de la destruction ou  - d'un terme suggérant méthode et volonté systématique - déconstruction.   

    Il n’est pas forcément mauvais qu’un peuple, une nation, un Etat soient régis par un Système quasi unanimement reconnu et respecté, sous réserve qu’il n’étouffe ni les libertés, ni les différences légitimes. L’erreur du nôtre, sa spécificité, est qu’il vise la déconstruction : déconstruction nationale, déconstruction sociétale, déconstruction culturelle, déconstruction anthropologique. 

    Nous n’avons pas épuisé ce (trop) vaste sujet. Les réalités multiformes du quotidien nous y ramèneront immanquablement.  

    Lafautearousseau 

    Repris de nos archives et réactualisé.

  • Sainte autorité

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Afrique, Amérique du Nord, Asie, Europe (Madrid, Londres, Moscou, Paris, Bruxelles) : l’islamo-terrorisme frappe partout dans le monde. Le paradoxe est que ceux-là mêmes qui sont assez vains pour se croire ciblés de préférence (« on a voulu punir Charlie, on a voulu tuer des jeunes qui s’amusaient, on a voulu frapper l’Europe ») se complaisent dans un verbiage compassionnel qui interdit d’envisager sérieusement une véritable guerre intra et extra muros. Ainsi en est-il - sauf exceptions, bien entendu - et de la classe politique dans son ensemble et de la population elle-même, comme le soulignent avec lucidité MM. Domenach et Zemmour sur R.T.L. : le premier dénonce l’aveuglement des élus (« Ils n'ont pas la tête à la guerre. De gauche comme de droite, ils sont dans le déni car ils n’ont pas connu la guerre. Ce sont des enfants de la paix »), le second fustige la veulerie des foules (« Elles ont une idéologie humaniste, un succédané abâtardi et laïcisé du vieil universalisme chrétien, un 'tous les hommes sont frères', dont le seul inconvénient est de ne pas être réciproque »). 

    Drôle de « guerre » vraiment où nos forces armées, quoique notoirement insuffisantes et sous-équipées, interviennent hors du territoire national tout en assurant en métropole d’épuisantes tâches de simple police à l’efficacité contestable. On comprend bien que cela ne pourra pas durer très longtemps : certes, l’Etat islamique paraît désormais sur la défensive, mais la nébuleuse islamiste continuera de constituer une menace pour nous sur notre propre sol, tant que les autorités n’auront pas la volonté politique de porter véritablement le fer dans la plaie pour éradiquer ces « dizaines de Molenbeek » évoqués par Me de Montbrial. Le salut ne réside ni dans l’apathie de politiciens hâbleurs incapables de prendre les mesures énergiques qui s’imposent ni dans les rassemblements de pleurnichards qui n’en finissent pas de tendre l’autre joue. Alors même que le politique est complètement dévalorisé dans l’esprit d’une grande majorité de Français, l’époque va nécessiter de l’autorité. 

    L’autorité, c’est bien ce qui manque à MM. Hollande et Valls. L’élection de 2012 leur a, certes, donné le pouvoir mais ne leur a conféré qu’une légitimité inconsistante, purement légale, et toujours contestée par ceux qui pensent prendre la place : à un an du premier tour de l’élection présidentielle, ils sont déjà plus d’une demi-douzaine de candidats déclarés, sans compter la petite dizaine des candidats à la primaire des Républicains en attendant peut-être les prétendants socialistes. Tous représentent, peu ou prou, un parti politique : le pouvoir suprême n’est plus qu’un enjeu pour les factions. 

    Certains intellos bobos-gauchos qui prônent une utopique « horizontalité » (M. Legrand, France Inter) peuvent bien caricaturer l’autorité politique en la ramenant à une sorte de bonapartisme autoritariste et/ou charismatique. La vérité reste que seule « une institution pérenne, garante de la tradition nationale » (Lafautearousseau) peut fonder un pouvoir légitime à l’autorité naturelle : en tout cas, en France, on n’a jamais trouvé mieux.

  • A demain, Jeanne !

     

    Par Alban Gerard  

    Dimanche 20 mars, le Puy du Fou a accueilli l'anneau de Jeanne d'Arc. Pour Alban Gérard, en ces temps d'exacerbation du fait religieux, le retour d'un anneau sorti du passé nous confronte avec simplicité à la question de la transcendance de notre nation [Figarovox - 21.03]. « En ces temps d'exacerbation du fait religieux » cette question - à laquelle chacun apportera sa réponse - a, dans tous les cas, que l'on soit ou non croyant, une importance toute particulière.  LFAR  

    A l'anneau de Jeanne de retour sur la bonne terre de France, les cieux ont réservé un retour triomphal. Exilé depuis six siècles outre-Manche, cet anneau gravé des noms de « Jhesu Maria» , arraché de haute lutte par le Puy du Fou lors d'une vente aux enchères il y a quinze jours, fait l'objet d'une singulière cérémonie sur les terres vendéennes du célèbre parc.

    Sont-ce les couleurs vives des étendards flottant au bout des lances du cortège de chevalerie, ou les cimiers frémissant des casoars des officiers volontaires défilant aux accents de la marche médiévale de Robert Bruce ? Un souffle mystérieux est à l'œuvre. L'histoire rêvée d'une France lointaine retrouve pour quelques heures un peu de son panache !

    Car certes, les bénévoles du cortège sont costumés comme des figurants de peplum hollywoodien, certes les haut-parleurs diffusent du Brave Heart aux moments choisis pour faire vibrer notre fibre patriote ; certes la « foule » des cinq mille curieux s'apparente plus à une grande sortie de messe de province qu'à une marche pour la dignité.

    Et pourtant, nos dirigeants auraient beaucoup à apprendre de ce qui s'est passé. Les commémorations se font rares en France. Oui elles existent, mais, hors armistice, on est dans l'ordre de la mémoire communautaire, la revendication identitaire, loin de la communion nationale. La commémoration pour le retour de l'anneau de Jeanne fait figure d'exception. Pas de revendication dans le public, juste la joie de retrouver une pièce symbolique du patrimoine dont il est héritier. Comme il semble loin le temps des précautions de Chirac et Villepin en 2005 préférant annuler la commémoration d'Austerlitz plutôt que de subir les foudres de lobbies communautaires antillais aussi chétifs que revendicatifs !

    D'ailleurs, dans la foule l'émotion est réelle, et ne résulte pas seulement de la mise en scène spectaculaire. Cet anneau, comme nous le rappellent les différents intervenants*, est confisqué à Jeanne d'Arc lors du procès de Rouen par l'évêque Cauchon, afin d'empêcher tout culte voué à celle qui sera canonisée bien plus tard, en 1920, par l'Eglise catholique dans un souci de réconciliation avec l'Etat. Symbole matériel rappelant le courage de notre héroïne nationale, ou selon le terme choisi par Philippe de Villiers, unique relique de celle qui fut le plus grand trait d'union de notre histoire, entre Dieu et le peuple de France ?

    Mais la force d'une telle célébration réside bien plus encore dans l'audacieux pari de réveiller l'idée enfouie d'une France profondément spirituelle. L'anneau de Jeanne, signe d'une alliance mystique - elle aurait vu en songe Sainte Catherine en le touchant - d'un dessein divin pour la nation française ? Si chacun est libre d'interpréter l'objet comme il l'entend, le « mystère de Jeanne » ne peut être abordé sans envisager la question des racines chrétiennes de notre pays. Des racines dont on peut attester l'origine historique, mais dont l'actualité est sujette à de chatouilleux débats. Et le retour de l'anneau sorti du passé en ces temps d'exacerbation du fait religieux nous confronte avec simplicité à la question de la transcendance de notre nation. 

    Alban Gerard   

    Responsable d'activité dans un groupe de protection sociale, Alban Gérard est le fondateur des Gavroches.

    Les Gavroches convoquent l'imaginaire des Misérables pour réinventer un roman national. Ces enfants des barricades, amoureux des arts, s'engagent pour replacer le débat politique dans la rue et créer le dialogue.

    * Philippe et Nicolas de Villiers, Franck Ferrand, Jacques Trémolet de Villers  

    Remerciements à Pierre Builly qui nous a signalé cette excellente tribune.

  • Fondamentaux d'Action Française • Le nationalisme intégral

     

    par Stéphane Blanchonnet   

     

    3411685988.jpgLe « nationalisme intégral » n'a jamais désigné autre chose pour Maurras que la monarchie elle-même, en tant qu'elle répond « intégralement » aux attentes des nationalistes français. Toute autre interprétation, notamment celle qui en ferait l'expression d'un nationalisme exacerbé, est erronée ou malveillante.

    Le grand mérite de Maurras est d'avoir réussi, à l'aube du XXème siècle, à opérer la synthèse de la contre-révolution et du nationalisme. Le « nationalisme intégral » est à la fois le symbole et le résultat de cette synthèse. Le propre de l'Action française est ainsi de rappeler la formule traditionnelle, royale, d'un ordre spécifiquement français dans le contexte et avec le vocabulaire de la politique moderne.

    À la lumière de ce qui précède, l'erreur d'interprétation évoquée plus haut se révèle être un contresens radical. En effet, le « nationalisme intégral » est un nationalisme modéré, tempéré par la tradition, un nationalisme en quelque sorte vacciné contre les dérives du césarisme, du fascisme ou du totalitarisme. Ces formes de « nationalitarismes » (terme forgée par les maurrassiens pour s'en distinguer) répondent à des logiques (légitimité charismatique, divinisation du peuple et de la volonté générale) fondamentalement étrangères au modèle de la monarchie traditionnelle et décentralisée que nous défendons. 

    Repris de A rebours

  • Livres • Pierre Boutang, entre Dieu et le Roi

     

    Rémi Soulié a donné au Figaro Magazine - qui vient de paraître - l'intéressante recension qui suit du gros volume que Stéphane Giocanti publie sur Pierre Boutang, chez Flammarion. Rappelons que Boutang fut et demeure l'un de nos maîtres dont l'œuvre est pour nous des plus essentielles. Rappelons aussi qu'il eut parmi ses étudiants le prince Jean de France, héritier, après son père, de la tradition monarchique française. LFAR 

     

    Philosophe, métaphysicien, poète et traducteur, mais aussi journaliste, essayiste et militant politique, le catholique et royaliste Pierre Boutang fut un penseur hors normes. La biographie que lui consacre Stéphane Giocanti fait revivre ce personnage méconnu.


    A lire la très belle biographie que Stéphane Giocanti consacre au philosophe Pierre Boutang (1916-1998), la tentation est grande de suivre parallèlement la trame de cette vie si riche et féconde à travers le roman autobiographique que Boûtang publia en 1976, Le Purgatoire, qui s'organise en plusieurs « chants » consacrés à des péchés capitaux dont la « superbe », la luxure et la colère. Orgueilleux, sulfureux, colérique, certes, mais aussi prodigieux et génial Boutang que la célébration du centenaire de sa naissance, il faut l'espérer, contribuera à faire découvrir à une nouvelle génération de jeunes gens.

    Issus du lieu-dit Las Botanias (le lieu des barriques), dans l'arrondissement de Brive, les Boutang sont enracinés de longue date en Limousin, mais c'est à Saint-Etienne, dans un milieu modeste, que naît, le 20 septembre 1916, Pierre Boutang de... Pierre Boutang et Marion Ruo-Berchera. Il n'est pas exagéré de dire que la relation passionnée qu'il entretint avec son père, « chouan forézien au tempérament entier », note Giocanti, détermina à jamais l'essentiel de sa pensée : cette « paternité édifiante et complète donnera à Boutang l'impression d'avoir perçu l'idée du père, et de lui-même comme fils, bien avant de concevoir l'idée d'homme. » Et le père, monarchiste, lui apprend à lire dans L'Action française. Dieu et le roi, théologie et politique : tel est le socle à partir duquel s'élèvera une réflexion exigeante et érudite, jusqu'à l'hermétisme parfois, au point que la poésie et la prière en seront les exutoires naturel et surnaturel.

    Elève de Vladimir Jankélévitch et de Jean Wahl, le brillant khâgneux intègre l'ENS de la rue d'Ulm d'où il sortira agrégé de philosophie.

    En 1934, il rencontre pour la première fois celui dont il sera le disciple et, dans une certaine mesure, le réformateur : Charles Maurras. Deux ans plus tard, il épouse Marie-Claire Cangue, normalienne et agrégée de lettres classiques, qui lui donnera six enfants. Malgré les nombreuses passions amoureuses qui traverseront sa vie, dont celle qu'il connut avec la romancière Béatrix Beck — qui relatera leur relation dans un roman au titre éloquent, Don Juan des forêts — leur union restera indissoluble.

    Maréchaliste, un temps membre du cabinet Giraud, antinazi radical, Boutang est pourtant chassé de l'Université à la Libération. Journaliste, il dirige Paroles françaises, écrit dans Aspects de la France et devient l'un des piliers de la droite littéraire parisienne, de cette « droite buissonnière » si subtilement décrite par le critique Pol Vandromme. Ses amis s'appellent Roger Nimier, Antoine Blondin, Michel Déon, Kléber Haedens, Philippe Ariès, Raoul Girardet, François Sentein., Marcel Jouhandeau...

    En 1955, il fonde l'hebdomadaire La Nation française, dont le tirage s'élèvera en moyenne à 20 000 exemplaires et où s'esquisse son rapprochement avec le général de Gaulle, qui sera effectif mais « conditionné » après la guerre d'Algérie.

    En 1967, sa réintégration universitaire est acquise — il succédera à Lévinas comme titulaire de la chaire de métaphysique à la Sorbonne. En « vil pamphlétaire », Boutang s'insurge contre le règne de l'argent, traduit Platon et Chesterton, lit comme nul autre avant lui Maurice Scève, La Fontaine, William Blake et Karin Pozzi, développe une théorie du pouvoir légitime et une Ontologie du secret saluée par George Steiner comme l'un des « maîtres-textes métaphysiques » du siècle. Ses nombreux élèves, étudiants et disciples sont tous fascinés par cet «ogre », par ce « géant » dont la mort en 1998, ne mit un terme, à leurs yeux, ni au rayonnement ni à la séduction. « Boutang est un homme de la Renaissance, écrit Giocanti, tant par sa vitalité, son érudition, la virulence de son Eros et l'ardeur de ses combats que par son inquiétude métaphysique, sa mélancolie, et les consolations qu'il demande en permanence à la poésie. »

    Suivez le condottiere ! 

    1507-1.jpg
    Pierre Boutang,

    de Stéphane Giocanti, Flammarion, 460 p., 28 C. 

     

    BOUTANG EN CINQ DATES

    1916 Naissance à Saint-Etienne.

    1973 Ontologie du secret

    1979 Apocalypse du désir.

    1984 Maurras. La destinée et l'oeuve.

    1990 Mort à Saint-Germain-en-Laye

  • Militantisme • Pour un « parti des politiques » ? C'est ce dont la France a besoin !

     

    Le Centre Royaliste d'Action Française a publié en date d'hier un communiqué dont les termes et l'esprit ne peuvent qu'être approuvés et suivis. Il trace à notre famille de pensée active une ligne politique juste et adaptée aux besoins présents et futurs du pays. Selon nous, cette position, que tous les royalistes peuvent faire leur, doit aussi donner forme aux activités de nos organisations sur le terrain, de même qu'il définit quelle sorte d'image doit être la nôtre dans les circonstances présentes. Le tout pour être utile au développement de l'Action Française et au pays lui-même.

    S'agissant de ce que fut, en son temps, le parti des politiques, nous publions plus loin un extrait significatif de la Satire Ménipée, qui a été l'un des textes fondateurs du parti des politiques, lequel fut, en définitive, victorieux. Lafautearousseau   

     

    La France est confrontée à une crise majeure de son histoire, non seulement sur les plans économique et financier, mais également social et culturel. 

    Outre les conséquences propres de l’invasion migratoire, nos élites mondialisées veulent dissoudre le peuple français dans une « République de la diversité », où il s’agirait de « faire société commune dans une société diverse », selon le titre d’un rapport fameux commandé en 2013 par le gouvernement. Parler de « peuple français » est devenu pire qu’une incongruité : c’est une « Marianne » marquée au fer rouge sur le front des malpensants. Alors que l’unité nationale — nous ne disons pas ethnique — du peuple français, reposant sur sa civilisation millénaire, est évidemment la condition sine qua non de son existence comme peuple, les Français sont au contraire poussés vers leur effacement en tant que pays réel. La question ne se situe plus tant au plan des divisions politiques, comme on a pu les connaître par le passé, qu’au plan existentiel.

    C’est pourquoi, par-delà l’incantation quasi-magique aux « valeurs républicaines » et à un « vivre ensemble » comme expression d’un communautarisme exacerbé, qu’invoquent nos élites dénationalisées pour mieux opérer ce dépassement du peuple français en une société « inventive » et « pluraliste », autant dire éclatée, il convient aujourd’hui d’engager, aux côtés de tous les patriotes de bonne volonté, une lutte décisive pour l’avenir du pays. Décisive, car cette lutte du pays réel pour sa survie doit conduire les Français à reprendre le pouvoir à une élite qui l’a confisqué au profit d’une oligarchie mondialisée.

    C’est à cette fin que L’Action Française ouvre aujourd’hui une grande enquête sur les conditions du redressement national, préalable nécessaire à l’action politique, auprès d’intellectuels et d’hommes politiques qui refusent ce que Boutang appelait en 1958 dans La Nation Française — ces mots sont toujours d’actualités car les maux dénoncés sont plus pressants que jamais — « le désordre et la maladie d’une société singulière, celle de la France présente ». Car oui, il s’agit bien d’obtenir « un large assentiment analogue à celui qui permit, à l’heure d’Henri IV, la victoire théorique et pratique du “parti des politiques” sur les rancunes » — les vieilles oppositions devenues obsolètes — « et le fanatisme », aujourd’hui celui des tenants d’un système aux ordres de cet empire absolu, et absolument étranger à la France, qu’est le faux-village planétaire. 

    vendredi 18 mars 2016 , par Action Française

     

  • Histoire & Actualité • « Nous aurons un Roi qui donnera ordre à tout » ...

     

    Nous aurons un Roi qui donnera ordre à tout, et retiendra tous ces tyranneaux en crainte et en devoir, qui châtiera les violents, punira les réfractaires, exterminera les voleurs et pillards, retranchera les ailes aux ambitieux, fera rendre gorge à ces éponges et larrons des deniers publics, fera contenir un chacun aux limites de sa charge, et conservera tout le monde en repos et tranquillité.

    Enfin, nous voulons un Roi pour avoir la paix, mais nous ne voulons pas faire comme les grenouilles, qui, s'ennuyant de leur Roi paisible élurent la cigogne qui les dévora toutes. Nous demandons un Roi et chef naturel, non artificiel; un Roi déjà fait, et non à faire; et n'en voulons point prendre le conseil des Espagnols, nos ennemis invétérés, qui veulent être nos tuteurs par force, et nous apprendre à croire en Dieu et en la foi chrétienne, en laquelle ils ne sont baptisés, et ne la connaissent que depuis trois jours. Nous ne voulons pour conseillers et médecins ceux de Lorraine, qui de longtemps béent après notre mort. Le Roi que nous demandons est déjà fait par la nature, né au vrai parterre des fleurs de lis de France, jeton droit et verdoyant du tige de Saint Louis. Ceux qui parlent d'en faire un autre se trompent, et ne sauraient en venir à bout. On peut faire des sceptres et des couronnes, mais non pas des Rois pour les porter; on peut faire une maison, mais non pas un arbre ou un rameau vert: il faut que la nature le produise, par espace de temps, du suc et de la moelle de la terre, qui entretient le tige en sa sève et vigueur. On peut faire une jambe de bois, un bras de fer et un nez d'argent, mais non pas une tête. Aussi pouvons-nous faire des Maréchaux à la douzaine, des Pairs, des Amiraux, et des Secrétaires et Conseillers d'État, mais de Roi point ; il faut que celui seul naisse de lui-même, pour avoir vie et valeur. Le borgne Boucher, pédant des plus méchants et scélérés, vous confessera que son œil, émaillé d'or d'Espagne, ne voit rien. Aussi un Roi électif et artificiel ne nous saurait jamais voir, et serait non seulement aveugle en nos affaires, mais sourd, insensible et immobile en nos plaintes...

    En un mot, nous voulons que Monsieur le Lieutenant sache que nous reconnaissons pour notre vrai Roi légitime, naturel, et souverain seigneur, Henri de Bourbon, ci-devant Roi de Navarre. C'est lui seul, par mille bonnes raisons, que nous reconnaissons être capable de soutenir l'Etat de France et la grandeur de la réputation des Français, lui seul qui peut nous relever de notre chute qui peut remettre la Couronne en sa première splendeur et nous donner la paix.  

    Relation burlesque des États Généraux de 1593 manipulés par la Ligue et les Espagnols. Le titre évoque le philosophe cynique grec Ménippe (IIIème siècle av. J.-C.). Cette œuvre collective est surtout rédigée par le juriste Pierre Pithou. Elle défend la paix, l'indépendance nationale et l'hérédité dynastique française.

    Ce fut l'une des expressions littéraires les plus remarquables du parti des politiques. En France, après trois décennies de guerre civile, cet ouvrage connut un grand succès auprès du gouvernement et des élites. Principal auteur, P. Pithou (1594)

  • Grands auteurs • Où Octave Mirbeau juge l'électeur moyen ...

     

    375px-Mirbeau-La_Greve_des_Electeurs.pngL'électeur moyen ... « ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale un quelconque bulletin ».

    « Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »

     

    Octave Mirbeau

    La Grève des électeurs

    Le Figaro, 28 novembre 1888

     

  • La Monarchie que nous voulons

     

    Au moment même où nous voyons se réunir, réfléchir, agir, une nouvelle génération d'Action française courageuse, ardente et décidée, qui réveille, en un sens, des énergies plus anciennes, il est bon que l'Action française rappelle et pose ses fondamentaux. S'il y a lieu de les discuter, de les actualiser, sans en renier le fond, il sera toujours temps, ensuite, une fois nos principes posés, d'en débattre et d'en décider. Dans la tradition et dans l'esprit de l'Action française.

    Mardi dernier [08.03], nous avons publié une réflexion utile de Stéphane Blanchonnet* sur ce quadrilatère maurrassien repris des premières publications de Maurras sur la monarchie à réinstaurer pour le salut de la France : Dictateur et Roi, prélude à son Enquête sur la Monarchie, ouvrage qui, publié en l'année 1900, ouvrait le XXe siècle. Voici ce même quadrilatère maurrassien vu par Sébastien L. dans le cahier d'Action française n°3, supplément au n° 2177 d'Aspect de la France du jeudi 31 janvier 1991. Il y a donc 25 ans. L'article porte le titre : La Monarchie que nous voulons. Le rédacteur de ce texte est un jeune militant d'Action française [20 ans, tout juste] de cette période. Il y pose, avec pertinence, nos fondamentaux, selon nous, pérennes.  Lafautearousseau  

     

    MAURRAS 7.JPG« Oui ou non l'institution d'une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? »

    La question que pose Maurras au début de son enquête sur la Monarchie écarte les présupposés, les sentiments et les préjugés. Elle est concise, direct et rationnelle, car c'est sur le terrain de la raison, celui-même sur lequel se croit fondée la démocratie que le Martégal défend et batit la Monarchie. Aujourd'hui, alors que six quarts de siècle nous séparent de la dernière expérience monarchique et que l'idée royale a été systématiquement défigurée par les républicains, nous devons défendre nos idées, retrouver ce ton maurrassien clair, dense, précis, presque socratique, qui seul imposera la monarchie face aux nuées démocratiques. Ainsi avons-nous utilisé le « quadrilatère » maurrassien (une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire, décentralisée) pour esquisser, en esprit puis en acte, LA MONARCHIE QUE NOUS VOULONS.

     

    Une Monarchie Traditionnelle

    Pour commencer, il semble indispensable de rappeler que la Monarchie n'a jamais été un modèle fixe, un prêt-à-porter ; elle a su au contraire s'incarner dans différents registres tout en gardant l'esprit qui était le sien. C'est cette continuité à travers les changements nécessaires qui caratérise le vrai sens de la tradition qui, d'après Paul Valéry, « n'est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de retrouver l'esprit qui a fait ces choses et qui en ferait de toutes autres en d'autres temps ». Ainsi, nous ne voulons pas restaurer une monarchie figée en un XVIIIéme siècle oublié, mais rétablir ce qui est d'abord un principe, principe d'autorité, de responsabilité et d'unité, et qui saurait s'incarner dans notre propre réalité économique, politique, culturelle et sociale.

    Une Monarchie héréditaire

    L'hérédité du pouvoir est sans doute le principe qui a été le plus attaqué depuis trois siècles. Pourtant que représente-t-il réellement lorsque l'on a écarté toute la mythologie méritocratique ? Il apparaît que l'hérédité a ce premier avantage d'éliminer la compétition pour le pouvoir, c'est-à-dire la radicalisation des conflits d'intérêts. Elle assure ainsi un Etat fort, indépendant et arbitre capable d'entreprendre des réformes administratives, économiques et sociales ou de laisser des libertés aux citoyens, sans craindre d'être toujours renversé. L'hérédité permettra à la nation d'être enfin gouvernée et non plus seulement gérée à court terme comme c'est le cas en république. De plus, le pouvoir étant à l'origine indépendant des forces d'argent, il peut gouverner sans, et même contre elles, et seul le roi héréditaire a pu châtier les Semblançay et les Fouquet que le régime actuel eût laissé courir. Enfin, l'hérédité assure la médiation active du peuple avec ses propres racines historiques : la nation, c'est la naissance, c'est-à-dire la reconnaissance d'une continuité historique.

    Une Monarchie antiparlementaire

    La tradition et l'hérédité étant posées, on pourrait être tenté d'y ajouter une institution parlementaire censée assurer la représentation populaire.

    « A d'autres cette demi-royauté bourgeoise et parlementaire plus décrépite encore s'il le faut » s'écriait Maurras. Le parlementarisme, qui suppose l'existence de partis, est le contraire même de la monarchie qui est faite pour unir. D'ailleurs, le parlementarisme au niveau de l'Etat ne représente personne puisqu'il ne repose pas sur les réalités économiques, politiques et sociales mais sur le jeu formel des partis.

    La Monarchie, au contraire, chercherait une représentation du pays réel par de multiples assemblées locales, culturelles et professionnelles souveraines en leur ordre et capables de défendre les intérêts de leurs membres. Nous n'en voulons en effet absolument pas au vote.

    « L'ancienne France votait beaucoup, précise Maurras, cela est oublié. Cela reste vrai tout de même. On y votait pour quantité d'objets pour lesquels le Français moderne reçoit avec respect le choix et les volontés des bureaux ». Ce à quoi nous en voulons, c'est au système qui regroupe arbitrairement les individus en fonction de leurs opinions ou de leurs options métaphysiques dans le cadre de partis peu adaptés à la juste détermination de l'intérêt général. Et c'est pourquoi nous luttons pour la restauration d'une monarchie antiparlementaire où, les Français pourront, grâce à de multiples assemblées fédérées par un pouvoir indépendant, être représentés dans leurs intérêts tangibles et concrets, et ainsi passer du stade d'administrés abrutis et atomisés, à celui de citoyens responsables et actifs.

    Une Monarchie décentralisée

    Nous avons parlé de représentation d'intérêts locaux ; en effet antiparlementarisme et décentralisation sont deux caractères indissolublement liés. Nous sommes antiparlementaires parce que partisans d'une renaissance des collectivités locales. Cette volonté de promouvoir les richesses et les diversités de notre pays de façon intégrale est une composante essentielle de notre nationalisme. Nous voulons laisser s'organiser le pays réel en multitude de républiques locales, autonomes et souveraines, compénétrées les unes les autres et capables de prendre en main leur avenir. Mais ces communautés ne peuvent rester liées entre elles sans un tiers-pouvoir. Comme l'expliquait Pierre-André Taguieff, « il doit y avoir un troisième membre qui doit être “hors jeu” en quelque sorte. C'est la monarchie comme pouvoir transcendant, d'où la nécessité que le roi ne soit pas élu ou choisi, mais qu'il vienne d'ailleurs, qu'il soit inconditionnel ».

    Voici posées les grandes lignes de la monarchie que nous voulons, c'est-à-dire la monarchie française adaptée à notre temps.

    N'oublions pas cependant que « l'objet vrai de l'Action française, ce n'est pas, à bien dire, la monarchie, ni la royauté, mais l'établissement de cette monarchie, l'acte d'instituer cette royauté ». Seul notre engagement militant prouvera la possibilité d'une telle restauration, et même son imminence si elle est servie par des citoyens actifs, prêts à mourir avec joie, avec bonheur, pour notre Sire le roi de France. 

    * Le Quadrilatère maurrassien vu par Stéphane Blanchonnet.

    Merci à Philippe Lallement qui nous a transmis ce texte.

     

  • Faut-il mourir pour la France ? Le point de vue de Maurras ... Dédié à Michel Houellebecq

     

    La note précédente nous présente, en conclusion, comme « des citoyens actifs, prêts à mourir avec joie, avec bonheur, pour notre Sire le roi de France. » On verra, en lisant le texte d'Eric LETTY ci-dessus, que le point de vue de Maurras était différend. Ce qu'ignorait, sans doute, le jeune rédacteur de La Monarchie que nous voulons...   Mieux vaut vivre que mourir pour une cause. Pour la France, il faut vivre. Ainsi rectifiait Maurras.

    Pourquoi dédions-nous ces réflexions à Michel Houellebecq ? Parce que, lors d'un entretien avec Ruth El KRIEF, sur BFM TV, il a déclaré aimer sa partie mais ne pas vouloir mourir pour elle. Ajoutant face à la journaliste médusée : « Non, les rois ne demandaient pas ça ». Comme s'ils étaient sa référence. Il avait d'ailleurs assez largement raison, le métier des armes et donc le risque de mourir pour le Roi et pour son pays étant, dans l'Ancienne France, la charge de la noblesse et d'hommes d'armes dont c'était le métier. 

  • Le Quadrilatère maurrassien

     

    Un Article de Stéphane BLANCHONNET paru sur à-rebours.fr et dans L'AF2000. Et un article qui rappelle utilement les fondamentaux de la politique d'Action française.  LFAR

     

    arton35509-61743.jpg« Oui ou non, l'institution d'une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? » Telle est la question fameuse posée par Maurras en 1900 à ses contemporains - et particulièrement aux nationalistes français -, dans son Enquête sur la monarchie. Ces quatre adjectifs sont un excellent moyen de résumer l'ensemble de la doctrine d'Action française.

    « Traditionnelle, héréditaire ». L'unité du commandement est bonne en elle-même, - « qu'un seul soit chef, qu'un seul soit roi » selon la formule homérique -, mais elle ne suffit pas. Le dictateur, le César, sorti des urnes ou des circonstances, est un ambitieux, un individu d'exception pour le meilleur mais aussi pour le pire. Napoléon par sa grandeur et par son échec final incarne parfaitement cet écueil. À l'inverse le monarque héréditaire bénéficie d'une légitimité qui dépasse sa seule personne ; il n'a pas non plus à prendre le pouvoir, à intriguer, à séduire pour l'obtenir ; surtout il est préparé à sa tâche dès l'enfance. L'Action française n'envisage donc pas d'autre monarchie que la royauté capétienne qui a fait la France.

    « Antiparlementaire et décentralisée ». Ces deux derniers adjectifs renvoient à la nécessaire remise à l'endroit des institutions politiques. « L'autorité en haut » contre l'anarchie, la culture de la division partisane et l'instabilité du parlementarisme, et « les libertés en bas », la restauration des corps intermédiaires, des « républiques sous le roi », contre le corset jacobin et l'État-administrations. Maurras veut un État fort là où il est nécessaire, c'est-à-dire dans ses missions régaliennes, et faible là où il a usurpé le rôle des autorités naturelles, celles du père de famille, de la commune, de l'Église ou du métier.

    Par l'équilibre politique profondément français de cette formule de la monarchie qu'est le quadrilatère maurrassien, l'AF du début du XXème siècle a su convaincre de très nombreux nationalistes de renoncer à l'illusion d'une bonne République. Son actualité n'est pas moins grande aujourd'hui. 

    A Rebours

     

  • Militantisme • Où les jeunes-gens d'A.F. Provence se font les porte-voix du Marseille populaire

     

    Les jeunes militants d'Action française Provence sont-ils les indignés de la Tradition, les défenseurs des racines, les tenants d'une réaction populaire contre les fausses élites ? Après avoir chahuté à Aix les élus PS universellement soupçonnés de corruption par la population de la région, voici qu'ils viennent de marquer leur désaccord de fond avec la politique menée à Marseille par la municipalité où dominent les Républicains. Pourquoi et comment l'ont-ils fait ? Ils s'en sont expliqués dans un communiqué que nous reprenons ici. Le lecteur se fera son idée. Il n'est pas sûr que, sur le fond, il s'en trouve beaucoup pour ne pas leur donner raison.  LFAR

     

    Ce mercredi 24 février 2016, les Jeunes Républicains des Bouches-du-Rhône organisaient une conférence sur le thème « Bâtir le Marseille de demain ». Entre autres têtes d’affiche confortablement installées, étaient présents pour présenter leurs réalisations et leurs objectifs, Laure-Agnès CARADEC, Présidente d’Euroméditerranée et adjointe au Maire déléguée à l’urbanisme, Philippe DEVEAU, Président du BTP 13, Roland CARTA, architecte du MUCEM et Caroline POZMENTIER vice-présidente de la Région PACA.

    Nous, militants d’Action française, avons décidé de nous rendre sur place afin de dénoncer cette réunion de l’entre-soi, mais aussi afin de pointer du doigt le manque de cohérence des réalisations architecturales et le mépris affiché des acteurs de l’urbanisme vis-à-vis des doléances adressées par la population marseillaise. Nous avons, pour l’occasion, conféré aux « Républicains » le diplôme de la mascarade politique et nous nous sommes rassemblés au pied de leur permanence afin d’attirer leur attention sur l’ensemble de nos désaccords. Cette action bon enfant a rencontré le malaise et la violence de l’ensemble de l’auditoire à coup de gestes agressifs et d’insultes. Il n’est pas de bon ton de critiquer le marasme de la politique de Gaudin.

    Il faut dire que leur ville de demain n’est pas Marseille, c’est le grand cimetière en béton des mégalopoles modernes. La cité populaire et ses habitants décrits par Pagnol sont les premières victimes des arrangements hideux de ces faux experts attirés par le relativisme tout azimut pis, par la laideur elle-même. S’ils le pouvaient, nos Républicains marseillais vendraient la Bonne-Mère aux Qataris fanfaronnant que l’âme de leur ville soit convoitée par ceux qu’ils pensent être les acteurs économiques les plus tendance du futur. Ce rassemblement du pays légal sur le dos du peuple a rencontré l’opposition du pays réel, celui de jeunes gens déterminés à ne pas laisser Marseille être vendue au Diable.

    A coup de Progrès, de Modernité, nos adversaires voudraient nous faire croire que nous ne sommes plus dans le coup. Or, ce sont eux qui s’apprêtent à recevoir le retour de bâton des Marseillais qui souffrent d’une ville sale, où l’insécurité ne baisse pas, de constructions de logements sans aucune logique, de dégradations et de tags en tout genre. Ce soir, l’Action française s’est faite le porte voix du Marseille populaire, celui que veulent les Marseillais et qui fait tant rêver les touristes.   

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