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Immigration - Insécurité - Anti racisme - Page 124

  • Mathieu Bock-Côté : « L'homme sans civilisation est nu et condamné au désespoir »

     

    A l'occasion de la sortie de son nouveau livre, Mathieu Bock-Côté a accordé un entretien fleuve à FigaroVox [29.04] où il proclame son amour de la France et fait part de son angoisse de voir le multiculturalisme détruire les identités nationales. Nous avons souvent dit notre proximité avec la réflexion de Mathieu Bock-Côté et, pour cette raison, l'avons beaucoup cité. Cette proximité de fond se révèle ici une fois de plus.  LFAR 

     

    En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française ?

    Je m'en voudrais d'abord de ne pas dire que j'aime profondément la France et que j'hérite d'une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j'ai le sort de la France à cœur!

    La pénétration de l'idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d'Amérique ?

    Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l'a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu'il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C'était faux, mais c'était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.

    Dans l'histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d'État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d'autres dans l'ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n'en finissent plus d'idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.

    Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien : c'est une idéologie fondée sur l'inversion du devoir d'intégration. Traditionnellement, c'était la vocation de l'immigré de prendre le pli de la société d'accueil et d'apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c'est la société d'accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n'est plus qu'un communautarisme parmi d'autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.

    Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s'est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l'identité canadienne. Il a remplacé ce qu'on pourrait appeler l'identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d'identité commune au Canada aujourd'hui, et cela plus encore depuis l'arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d'un air enamouré, c'est le sentiment d'être une superpuissance morale, exemplaire pour l'humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l'humanité.

    L'indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l'esprit post-moderne.

    Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu'on appellera l'esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C'est le pays du communautarisme décomplexé, c'est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.

    C'est le pays qui banalise sous le terme d'accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C'est le pays où certains iront même jusqu'à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d'esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.

    En France, le multiculturalisme semble moins agressif ...

    Il domine aussi l'esprit public mais n'est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l'idéal d'une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s'est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d'années.

    En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l'avenir de leur pays. J'ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu'ils subissent, comme s'ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s'autoflageller en toutes circonstances.

    Le multiculturalisme s'est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l'antiracisme, au début des années 1980, jusqu'à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d'une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.

    Il s'est aussi imposé avec l'aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.

    La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s'est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l'histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.

    Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d'un autre, le multiculturalisme se présente comme l'horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.

    La gauche européenne, en général, y voit d'ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.

    Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu'on constate qu'une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l'histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu'on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d'une déliaison sociale majeure.

    Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s'amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c'est qu'on y résiste exagérément, c'est que les nations historiques, en refusant de s'y convertir, l'empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.

    Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l'école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l'exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l'utopie diversitaire.

    C'est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu'on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.

    Quels sont les points communs et différence avec la France ?

    L'histoire des deux pays, naturellement n'est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.

    En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l'affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.

    Mais encore une fois, il faut le dire, c'est le même logiciel idéologique qui est à l'œuvre. Il repose sur l'historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d'une culture commune, dans la mesure où elle n'y voit qu'une culture dominante au service d'une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu'on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.

    En un mot, si l'idéologie multiculturaliste s'adapte à chaque pays où elle s'implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c'est qu'il s'agit d'une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l'expérience historique occidentale.

    Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N'est-ce pas paradoxal ?

    Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s'est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s'est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l'Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d'un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l'idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l'idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l'empire américain. C'est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.

    En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …

    Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d'être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d'autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s'en réclamer, d'autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.

    Le drame de cette contestation, c'est qu'elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu'il fallait combattre de toutes les manières possibles. D'ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d'une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d'une manière ou d'une autre, à l'État-nation.

    On ne sortira pas de l'hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.

    Depuis quelques années, on observe également en France la percée d'un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme ?

    Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l'expression la plus satisfaisante d'une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d'autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l'est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s'y opposer. Il faut pourtant dire qu'elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d'une liberté pensée comme pure indétermination. C'est le fantasme de l'autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l'histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.

    On peut certainement y voir une autre manifestation de l'héritage des radical sixties et de l'idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations - parce qu'à force de présenter toute différence à la manière d'une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s'esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu'elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l'air assez à gauche.

    Depuis les attentats de janvier 2015, le débat autour de l'islam divise profondément la France. Cette question est-elle aussi centrale en Amérique du Nord? Pourquoi ?

    Elle est présente, très présente, mais elle est l'est de manière moins angoissante, dans la mesure où les communautarismes ne prennent pas la forme d'une multiplication de Molenbeek, même si la question de l'islam radical et violent inquiète aussi nos autorités et même si nous avons aussi chez certains jeunes une tentation syrienne.

    Mais la question du voile, du voile intégral, des accommodements raisonnables, se pose chez nous très vivement - et je note qu'au Québec, on s'inquiète particulièrement du multiculturalisme. Nos sociétés sont toutes visées par l'islamisme. Elles connaissent toutes, aussi, de vrais problèmes d'intégration.

    Généralisons un peu le propos : partout en Occident, la question de l'Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu'avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l'homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident ?

    Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d'une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d'une conscience de l'enracinement.

    Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu'ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l'héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.

    Cela ne veut pas dire, évidemment, qu'il faille courir au conflit confessionnel ou à la guerre des religions: ce serait désastreux.

    Mais simplement dit, la question de l'islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd'hui essentiellement culturalisée.

    L'islamisme et ses prétentions hégémoniques ne sont-ils pas finalement incompatible avec le multiculturalisme qui suppose le « vivre ensemble » ?

    L'islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d'une identité parmi d'autres dans la société plurielle: il prétend s'inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l'homme pour poursuivre l'installation d'un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d'une identité parmi d'autres qui réclame qu'on l'accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C'est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés.

    Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu'on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s'effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. D'ailleurs, au vingtième siècle, ce n'est pas seulement au nom des droits de l'homme mais aussi au nom d'une certaine idée de notre civilisation que les pays occidentaux ont pu se dresser victorieusement contre le totalitarisme. Du général de Gaulle à Churchill en passant par Soljenitsyne, la défense de la démocratie ne s'est pas limitée à la défense de sa part formelle, mais s'accompagnait d'une défense de la civilisation dont elle était la forme politique la plus achevée.

    Comment voyez-vous l'avenir de la France. Le renouveau conservateur en germe peut-il stopper l'offensive multiculturaliste de ces 30 dernières années ?

    On dit que la France a la droite la plus bête du monde. C'est une boutade, je sais, mais elle est terriblement injuste.

    Je suis frappé, quant à moi, par la qualité intellectuelle du renouveau conservateur, qui se porte à la fois sur la question identitaire et sur la question anthropologique, même si je sais bien qu'il ne se réclame pas explicitement du conservatisme, un mot qui a mauvaise réputation en France.

    Je définis ainsi le conservatisme : une philosophie politique interne à la modernité qui cherche à la garder contre sa tentation démiurgique, contre la tentation de la table-rase, contre sa prétention aussi à abolir l'histoire comme si l'homme devait s'en extraire pour se livrer à un fantasme de toute puissance sociale, où il n'entend plus seulement conserver, améliorer, transformer et transmettre la société, mais la créer par sa pure volonté. Le conservatisme rappelle à l'homme qu'il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C'est une philosophie politique de la finitude.

    Réponse un peu abstraite, me direz-vous. Mais pas nécessairement: car on aborde toujours les problèmes politiques à partir d'une certaine idée de l'homme. Si nous pensons l'homme comme héritier, nous nous méfierons de la réécriture culpabilisante de l'histoire qui domine aujourd'hui l'esprit public dans les sociétés occidentales. Ce que j'espère, c'est que la renaissance intellectuelle du conservatisme en France trouve un débouché politiquement, qui normalement, ne devrait pas être étranger à l'héritage du gaullisme. Pour l'instant, ce conservatisme semble entravé par un espace politique qui l'empêche de prendre forme.

    Et pour ce qui est du multiculturalisme, on ne peut bien y résister qu'à condition d'assumer pleinement sa propre identité historique, ce qui permet de résister aux discours culpabilisants et incapacitants. Il faut donc redécouvrir l'héritage historique propre à chaque pays et cesser de croire qu'en l'affirmant, on bascule inévitablement dans la logique de la discrimination contre l'Autre ou le minoritaire. Cette reconstruction ne se fera pas en quelques années. Pour user d'une image facile, c'est le travail d'une génération.

    Le multiculturalisme peut-il finalement réussir le vieux rêve marxiste de révolution mondiale? La France va-t-elle devenir les Etats-Unis ou le Canada ?

    À tout le moins, il s'inscrit dans la grande histoire du progressisme radical et porte l'espoir d'une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire. On nous présente cela comme une sublime promesse: en fait, ce serait un monde soumis à une terrible désincarnation, où l'homme serait privé de ses ancrages et de la possibilité même de l'enracinement. L'homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n'est pas libre: il est nu et condamné au désespoir.

    En un sens, le multiculturalisme ne peut pas gagner : il est désavoué par le réel, par la permanence de l'authentique diversité du monde. Il pousse à une société artificielle de carte postale, au mieux ou à la décomposition du corps politique et au conflit social, au pire. Et il est traversé par une vraie tentation autoritaire, chaque fois. Mais il peut tous nous faire perdre en provoquant un effritement de nos identités nationales, en déconstruisant leur légitimité, en dynamitant leurs fondements historiques.

    Et pour la France, permettez-moi de lui souhaiter une chose: qu'elle ne devienne ni les États-Unis, ni le Canada, mais qu'elle demeure la France.

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    Propos recueillis par Alexandre Devecchio@Alex_devecch

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • En voilà un qui ne manque pas de toupet ! Le relance par le migrant ... Ben voyons !

    Source : Site Le Figaro

  • Mode vestimentaire musulmane : et si nous en tirions un enseignement ?

     

    par Yves Morel

     

    La polémique

    De grandes sociétés commerciales de produits vestimentaires (Dolce et Cabana, Marks & Spencer, H & M, Uniqlo) se lancent à la conquête de la clientèle musulmane, désormais très présente sous nos latitudes, et lui proposent des gammes de vêtements aussi couvrants qu’élégants. En France, cette offensive commerciale donne lieu à une polémique, surtout depuis que Mme Laurence Rossignol, ministre des Droits des Femmes, a fustigé ces grandes maisons, complices objectives de l’asservissement de la gent féminine à la Charia, allant même, dans son emportement, jusqu’à dérailler au point de comparer l’attitude des musulmanes adeptes de cette mode vestimentaire (qualifiée d’islamique), à celle des « nègres » (sic!) d’Amérique qui, au milieu du XIXè siècle affirmaient préférer demeurer des esclaves humiliés mais nourris par leurs maîtres plutôt que de devenir des hommes libres à la dignité enfin reconnue, mais sans moyens de subsistance. Si l’emploi de cette épithète raciste de « nègre » a valu à Mme Rossignol des volées de bois vert de toutes les associations antiracistes « et pour l’amitié entre les peuples » (un adhérent du FN ou même de la droite « républicaine » aurait eu droit à une assignation judiciaire), elle a reçu le soutien de toutes les organisations féministes.

    Une dizaine d’entre elles félicitent la ministre d’avoir « réagi avec force et indignation à la banalisation du port du voile islamique ». Mme Danielle Bousquet, présidente du « Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes » (cela ne s’invente pas) estime que la ministre « a eu raison de dénoncer l’irresponsabilité des grandes marques qui, au nom du profit, n’hésitent pas à reprendre à leur compte une stratégie fondamentaliste politico-religieuse ». Mme Badinter, elle, appelle à boycotter ces produits. Les hommes de gauche (ou tout simplement « républicains ») ne sont pas en reste. M. Gilles Clavreul, « délégué interministériel, chargé de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme » (Diantre !) vole au secours de Mme Rossignol « dont le seul crime est de défendre la dignité et la liberté des femmes contre les noces barbares du cynisme marchand et de la bigoterie ».

    Héroïque Laurence Rossignol, émule laïque de sainte-Geneviève, qui tente d’arrêter les barbares modernes. Pierre Bergé, millionnaire affairiste de la haute couture se juge fondé à prodiguer des leçons de morale à ses confrères : « Renoncez au fric, ayez des convictions. Vous êtes là pour embellir les femmes », leur a-t-il lancé avec un bel aplomb. Un bel aplomb, oui, car ce chevalier qui vole au secours de la femme opprimée (en même temps que des gays) a montré, tout au long de sa carrière, que lui-même ne renonçait pas facilement au « fric », tout au contraire (cf ses condamnations passées pour délit d’initié, etc…) et qu’au cours des années 1960, il vendait (force publicité à l’appui) des vêtements orientaux totalement couvrants destinés aux musulmanes et promus dans ses catalogues où l’on pouvait voir des femmes voilées (par ses soins). Notre Premier ministre lui-même y est allé de son couplet : « Ce que représente le voile, non ce n’est pas un phénomène de mode, non ce n’est pas une couleur qu’on porte, non c’est un asservissement de la femme ».

    Comment ne fondrions-nous pas devant tant de protestations indignées émanant de si irréprochables professeurs de vertu ?

    Ils ont pourtant tout fait pour en arriver là

    En vérité, l’irruption, en Europe occidentale, de cette mode vestimentaire islamique est riche de méditations auxquelles se livrer, et d’enseignements à tirer.

    Tout d’abord, de quoi se plaignent tous ces républicains et gens de gauche ? Durant des décennies, tout particulièrement pendant toutes les années 1980 et tout le septennat de M. Mitterrand, ils n’ont cessé de promouvoir le droit à la différence dans tous les domaines, d’inciter les immigrés à ne pas s’assimiler à notre société et, au contraire, à promouvoir leur propre culture d’origine, en opposition à la nôtre. Dans certains hypermarchés, des pancartes étaient rédigées en arabe à leur intention. Il était jugé très seyant d’arborer la fameuse épinglette « Touche pas à mon pote ». Les socialistes affirmaient qu’ainsi « la France s’enrichirait de ses différences » (propos de Gérard Collomb, entre bien d’autres) ; M. Mitterrand déclarait, sur le ton péremptoire de l’exigence comminatoire : « Je veux qu’on bouscule les traditions, les habitudes et les usages français » (pas à l’Elysée, ni à Latché, cependant), tandis que son épouse Danielle défendait expressément « le port du tchador » (à vrai dire, elle confondait voile et tchador).

    Eh bien, c’est fait : nos musulmans ne se sentent pas français, n’aiment pas la France, rejettent peu ou prou notre société, ne souhaitent pas s’y intégrer, et se contentent d’une citoyenneté purement juridique et du respect superficiel de nos lois. Ils s’amarrent à qui mieux mieux à leur culture d’origine, et, pour quelques-unes d’entre eux, basculent dans l’islamisme radical. Ils n’ont que faire de nos principes républicains, libéraux, démocratiques et laïques, cherchent à nous imposer leur mode de vie, leurs coutumes alimentaires, le respect de leur religion, et fustigent nos femmes, trop libérées et découvertes à leur gré. Nos gens de gauche, et d’ailleurs presque toute notre classe politique, notre intelligentsia, nos « élites », ont voulu cela, et ont fait en sorte que cela advienne. Il est donc tout à fait déplacé, voire scandaleux, de leur part, de critiquer certains des effets, pourtant très prévisibles, de la situation qu’ils ont eux-mêmes créée. Et il n’y a rien d’étonnant, ni même de scandaleux (d’un point de vue strictement logique) à ce que, dans une société « polyethnique et multiculturelle », cultivant à l’envi la « diversité » et le « droit à la différence », en laquelle le marché est devenu l’étalon unique de toute valeur, les musulmanes achètent des vêtements conformes aux exigences éthiques de la culture arabe et de l’islam.

    Et il n’y a rien de scandaleux, non plus, du même point de vue, à ce que des sociétés de confection et de vente de vêtements, cherchent à attirer cette clientèle. L’apparition de cette mode vestimentaire musulmane n’est que l’une des très nombreuses et très logiques conséquences de toute notre politique d’immigration, suivie depuis le début des années Mitterrand, et préparée dès avant, avec la loi Pleven en faveur des immigrés (1972) et le décret Giscard d’Estaing-Chirac-Durafour autorisant le regroupement familial (1976). Et elle constitue une preuve de plus de l’inanité de notre modèle républicain d’intégration.

    Mais elle nous interpelle également au sujet de notre conception de la dignité de la femme. Mme Rossignol et autres nous présentent ces musulmanes élégamment couvertes comme des êtres dégradés, asservis et dénaturés au point d’aimer leur servitude et d’en assurer la défense, l’illustration et la promotion.

    En vérité, qui est asservi ? Qui est libre ?

    Mais enfin, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Députés (imitons le langage rituel des débats de notre Assemblée nationale), mesdames et messieurs les femmes et hommes politiques, les haut(e)s fonctionnaires, les journalistes et autres hérauts (et héros ?) de la modernité, de la « diversité » et de la « multiculturalité » (en même temps que de la « liberté »), réfléchissez un tout petit peu et appliquez à vous-mêmes et à vos propres idées la salutaire distance critique que vous préconisez pour l’examen de quantité de questions relatives à notre identité culturelle, à notre passé et à tout ce qui va à l’encontre de votre vision du monde. Après tout, comment pouvez-vous être si certains que toutes les femmes musulmanes voilées sont ces créatures asservies, humiliées, dégradées et aliénées que vous présentez, et que nos femmes occidentales prétendûment libérées et souvent vêtues de manière provocante sont des personnes humaines fières et dignes, maîtresses de leur corps et de leur âme, saines d’esprit, droites de jugement, éclairées et moralement supérieures ?

    En réalité, tout montre que les secondes, sous l’apparence d’une libération provocante, sont complètement asservies à un univers perverti par une sexualité débridée et une marchandisation de toutes les « valeurs » et du corps (qu’il s’agisse de celui de la femme ou de l’homme). L’Occidental, homme ou femme, n’est plus qu’un obsédé de la chair, qui voit et met du sexe partout, et en fait la seule dimension de l’existence et la seule finalité de notre espèce, ravalée au rang de l’animal. Il se croit libre, mais n’a jamais été aussi aliéné qu’à notre époque frelatée. Est-il donc impensable, dans ce contexte, qu’une jeune fille, une jeune femme arabo-musulmane saine d’esprit, intelligente, digne, un peu fière, ayant une certaine force de caractère, fasse le choix de vivre conformément à une éthique religieuse qui prescrit le refus de la mise à l’étalage de la chair et de la réduction du corps à un objet (convoité mais méprisé) de concupiscence, soumis aux lois du commerce ? S’il existe incontestablement des femmes asservies à la tyrannie des mâles et à une conception obscurantiste de la religion, dans beaucoup de cas, le port de vêtements couvrants illustre le refus de la décadence matérialiste, mercantile et perverse de notre société occidentale et le choix d’un mode de vie plus digne, plus moral et plus respectueux du corps et de la dignité de la femme, en même temps que de l’homme.

    Dans les amphis, les bibliothèques universitaires, les médiathèques des grandes villes, on peut voir des jeunes filles et des jeunes femmes studieuses, intelligentes, instruites, cultivées, saines de corps et d’esprit, tout à fait capables de jugement et de libre arbitre, et qui pourtant, conformément aux préceptes de leur éthique religieuse, portent le voile traditionnel (qui laisse apparaître leur visage) ; et on peut gager sans risque qu’elles sont, du point de vue intellectuel et moral infiniment plus libres et maîtresses d’elles-mêmes et de leur corps que bien des écervelées françaises de souche légèrement vêtues, adonnées à toutes les frasques sexuelles possibles, accros à tous les sites pornographiques, et qui se bousculent dans les boîtes de nuit , discothèques et autres salles de spectacle.

    Contradiction et échec de notre modèle républicain

    On ne peut pas à la fois souhaiter que notre nation devienne le melting pot de toutes les cultures jusqu’à voir son identité profondément altérée, et refuser les conséquences naturelles de l’introduction des cultures étrangères en France. Lors de la mémorable émission du 26 septembre dernier On n’est pas couché, M. Yann Moix lançait à la figure de Mme Morano (qui avait commis le crime inexpiable de définir notre nation comme étant « de tradition judéo-chrétienne et de race blanche ») que « demain, la France sera peut-être musulmane », et que l’observation de notre valeur républicaine de laïcité imposait de ne surtout rien tenter pour prévenir cette évolution. Seulement voilà : M. Yann Moix se trouve justement, en tant que républicain démocrate et libéral, hostile à l’islamisme et à toutes les tenues vestimentaires musulmanes qui lui paraissent asservir la femme. Eh bien, mon cher Monsieur, c’est bien regrettable : vous ne pouvez pas, sans une insoutenable contradiction, accepter l’islamisation de la France et rejeter les préceptes moraux et les coutumes de l’islam. Accepter l’islamisation de notre nation dans le cadre républicain, laïque et libéral, c’est vouloir tracer un cercle carré.

    En définitive, cette polémique autour de mode vestimentaire dite islamique est une excellente occasion de nous remettre en question, de nous interroger sur la prétendue supériorité absolue de notre modèle républicain ouvert à tous les vents et censément propre à intégrer les cultures les plus diverses. En cela, cette mode est plutôt une bonne chose. 

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

  • Campagne contre les discriminations : l'antiracisme à sens unique

     

    Par André Bercoff

    HUMEUR - Pour lutter contre les discriminations à l'embauche, le gouvernement a lancé la campagne #LesCompétencesD'Abord. André Bercoff s'étonne [Figarovox - 27.04] du deux poids deux mesures qui a cours quand il s'agit de combattre le racisme. Bien-sûr, à la manière d'André Bercoff : style direct, bon sens, talent ...  On est d'accord sur presque tout.

     

    449832132.3.jpgLe ministère du Travail nous l'affirme, et pourquoi ne pas l'écouter ? La France est raciste. Discriminante. Réactionnaire. Sclérosée. Corsetée dans son refus de l'autre en son infinie diversité. D'où la campagne nationale à coups d'affiches, de clips et de posters intitulée « Les compétences d'abord ». Il s'agit de combattre ce deux poids deux mesures indicible, honteux mais réel, qui empêcherait les patrons d'employer des hommes et des femmes qui n'auraient pas la même couleur qu'eux. Ainsi, sur une image divisée en deux, on voit par exemple, à gauche une jeune femme blanche à qui l'on susurre : « à demain » et à droite, une jeune femme basanée à qui l'on déclare: « désolé, on ne cherche personne ».

    Que le racisme soit une tare aussi haïssable que condamnable, nul ne le conteste. Mais désigner, depuis des années, le Blanc comme l'archétype du beauf, des Dupont-la-Joie ; psalmodier en permanence qu'il n'existe pas de racisme anti-blanc alors qu'une foultitude de faits divers prouve le contraire, c'est ajouter, au mécontentement ambiant, une frustration et un sentiment d'injustice qui nuisent à la cause même que l'on prétend défendre. Depuis près de quarante ans, de la naissance de SOS Racisme aux mouvements pro-migrants d'aujourd'hui, on ne cesse de clamer : « Touche pas à mon pote ». A une seule condition : défendons ardemment le pote si celui-ci est africain, oriental ou asiatique. Mais s'il s'agit d'un visage pâle ou d'une « face de craie », alors il est normal que l'on s'acharne sur lui et que l'on trouve des excuses à ses agresseurs, puisque, par essence, ce Français « de souche » est un colonialiste, un coupable, un oppresseur, qui doit expier tous les péchés de ses ancêtres qui ont occupé, pillé et massacré des populations entières. Par exemple, selon la doxa régnante, seuls les Occidentaux auraient été esclavagistes et il n'y aurait eu aucune traite négrière organisée et soutenue pendant des siècles par des Africains et des Arabes, ni aucune épuration ethnique au Soudan et au Rwanda, au Biafra et au Yémen : cela ne se peut. Seul l'hémisphère Nord a le monopole des génocides.

    Récemment, en France, par exemple, on a appris que pourrait se tenir cet été un « camp décolonial » interdit aux blancs. En fait, ce qui se construit ici, à l'insu du plein gré de responsables sourds et aveugles, c'est l'exact pendant des racismes propres à l'extrême-droite de l'entre-deux guerres et d'aujourd'hui. Une espèce de délire de la différence qui, par vengeance mémorielle et commémorations à l'envers, s'attache à répandre, heureusement pour le moment à basse température, les théories qui firent le bonheur de l'Allemagne et de l'Italie des années 30. Ce n'est pas en pratiquant le retour haineux de balancier et la discrimination à l'envers que l'on fera avancer les mœurs et les esprits dans une France moins apaisée que jamais, et où, pour certains, faire de la politique consiste à ajouter encore plus d'huile sur un feu qui couve de moins en moins. Les compétences d'abord ? Absolument. A condition que les Gribouille cessent d'être à la manœuvre. 

    André Bercoff

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    Un « Camp d’été décolonial », ou le racisme anti-blanc assumé

    Un « camp décolonial » interdit aux blancs par Eugénie Bastié

     

  • D'ACCORD AVEC GUILLAUME ROQUETTE : LA VOCATION DU PAPE N'EST PAS DE SE SUBSTITUER AUX CHEFS D'ÉTAT

     Rome, le 16 avril. Le Pape François souhaite la bienvenue au groupe de réfugiés qui sont repartis avec lui de l'île grecque de Lesbos. AFP/FILIPPO MONTEFORTE/Pool

     

    LA PARABOLE DES 12 MIGRANTS

    C'est sous ce titre empruntant à la terminologie des Ecritures que Guillaume Roquette a traité, dans la dernière livraison du Figaro magazine*, de la délicate question de la politique vaticane dans l'affaire des migrants. Il l'a fait avec finesse et avec tact. Mais aussi avec une justesse de ton et d'analyse que l'on apprécie et que l'on approuve spontanément. Les prises de position du Pape en matière migratoire, les gestes publics qu'il accomplit et sont repris par tous les médias pour être exploités dans le sens qu'on devine, n'engagent pas la politique de la France. Du moins celle qu'elle devrait avoir. Et que, malheureusement, elle n'a pas. LFAR

     

    guillaume_roquette-edito__00000002__d_147_221.jpgEn ramenant avec lui de Grèce douze migrants syriens, le pape François est-il sorti de son rôle ? Difficile de ne pas voir dans son coup d'éclat un acte politique, et c'est d'ailleurs comme tel qu'il a été exploité par les dirigeants européens de tous bords, applaudissant ou critiquant - c'est selon - l'engagement pontifical en faveur d'un accueil plus généreux des réfugiés. En France, on a même vu Jean-Luc Mélenchon crier « Vive le pape ! » (l'Esprit souffle décidément où il veut).

    Au risque de passer pour un jésuite, on voudrait risquer l'hypothèse que le souverain pontife a pu se permettre un geste politique samedi dernier dans la mesure où la politique n'est pas son métier. Quand il embarque des migrants dans son avion, François met strictement en pratique l'amour du prochain auquel est appelé tout catholique, amour d'autant plus gratuit qu'il s'applique en l'occurrence à des musulmans (il paraît que des chrétiens devaient être aussi du voyage, mais qu'ils n'ont pas eu leurs papiers à temps. Si cela est vrai, on imagine que le pape annoncera bientôt leur arrivée au Vatican).

    François s'est donc conduit en autorité spirituelle, traduisant par des actes l'idéal de sa foi. Mais, malgré tout son ascendant moral, il n'a pas vocation à servir de modèle aux gouvernants européens. Le christianisme n'est pas l'islam : la distinction entre le politique et le religieux, entre Dieu et César, est un principe constant en Occident. Et c'est tant mieux. Quand les Etats se mettent à conduire leur politique étrangère en privilégiant les grands principes sur leurs intérêts vitaux, le résultat est généralement désastreux : la diplomatie des droits de l'homme menée par la France en Libye ou en Syrie n'est pas pour rien dans le chaos que connaissent ces pays, et la suppression irréfléchie des frontières dans l'espace Schengen met aujourd'hui en danger l'existence même de l'Union.

    Nous n'avons pas à avoir honte de notre politique vis-à-vis des migrants. L'Europe en a déjà accueilli un million l'année dernière, quand la plupart des pays musulmans, parfois richissimes, leur fermaient obstinément leurs portes. Nous ne pouvons pas, au risque de déstabiliser durablement nos sociétés, accueillir tous les réfugiés - de culture et de religion différentes des nôtres - qui rêvent encore d'entrer en Europe. Avec la fermeture de la route des Balkans, des centaines de milliers de nouveaux migrants vont tenter d'arriver par la Libye. Et cinquante mille attendent encore de quitter la Grèce. Malgré toute sa générosité, le pape n'a pu en emmener que douze.   

    CROOUETTE@LEFICARO.FR
    22 AVRIL 2016 - LE FIGARO MAGAZINE

  • Un « Camp d’été décolonial », ou le racisme anti-blanc assumé

     

    par Gabriel Robin

    Il est ici question d'un « camp d'été décolonial » qui se tiendra du 25 au 28 août près de Reims. Un camp de « formation à l'antiracisme politique » ... qui exclut les blancs. Initiative qui se veut « dans la tradition des luttes d'émancipations décoloniales anticapitalistes et d'éducation populaire » de la gauche radicale. Gabriel Robin a excellemment analysé l'esprit de cette opération dans Boulevard Voltaire [22.04].  LFAR 

     
    Gabriel Robin.jpeg

    Les tiers-mondistes pensent que le processus de décolonisation n’est pas encore achevé.

    Les gauches radicales, chaotiques et protéiformes, issues des luttes marxistes culturelles entamées à l’orée des années 1960, trouvent une seconde jeunesse au sein du mouvement Nuit debout. Enfin, disons plutôt qu’elles se radicalisent et se médiatisent. Pour faire court, ces militants estiment que les Occidentaux sont ontologiquement des oppresseurs, et ne conçoivent l’histoire du monde qu’en une succession de rapports de domination. Le dominant étant, dès l’origine, l’homme blanc cisgenre (c’est ainsi que les hétérosexuels sont désignés dans leur jargon).

    Dans les années 1980, personne n’a compris que l’antiracisme, appliqué au champ politique, et sorti du cadre de la simple morale élémentaire, n’était en réalité que le cache-sexe d’un racisme inversé, qui s’exerçait à l’encontre des personnes d’origine européenne. Héritiers des Black Panthers, et de l’affirmative action états-unienne, les Indigènes de la République développent une pensée politique articulée autour de la haine de l’Occident, de l’Europe et, en dernier ressort, de la France. Haine qui vise prioritairement les peuple historiques de ces entités politiques et charnelles.

    Les tiers-mondistes pensent que le processus de décolonisation n’est pas encore achevé. Souhaitant poursuivre la mission eschatologique que se sont donnée les « damnés de la terre », en collaboration avec un faiseur d’opinions comme Alain Badiou, ils ont décidé de ne plus se mélanger aux Français blancs. Ce concept de « non-mixité » s’est ainsi matérialisé, en marge des manifestations contre la loi portant réforme du Code du travail, avec une réunion intitulée « Paroles non blanches : rencontres autour des questions de race », ou bien encore par un « Camp d’été décolonial » réservé aux personnes « victimes du racisme d’État », qui se tiendra à Reims au mois d’août.

    Une multitude de groupuscules ont ainsi vu le jour : les susnommés Indigènes de la République, mais aussi des entités plus baroques, tels le collectif Stop le contrôle au faciès ou le collectif Mwasi, qui s’adresse aux « femmes cisgenres et transgenres noires/métisses africaines et afro-descendantes ».

    Ce capharnaüm postmoderne se nourrit de toutes les confusions contemporaines engendrées par les sociétés complexes, multiethniques et multiculturelles. Nous assistons à une véritable surenchère victimaire et narcissique : genre, ethnie…

    Laquelle surenchère profite d’une impunité totale. Les propagandistes de l’anti-France peuvent tout dire. Ils ont pignon sur rue. Pire : leur haine est niée au sommet de l’État. En témoigne la campagne à 100 millions d’euros, financée par vos impôts, qui ne fait jamais mention du racisme anti-blanc, nous livrant à la vindicte de personnages revanchards.

    Trois choses interpellent particulièrement dans ce phénomène. D’abord, la prise en otage des Français noirs ultramarins, sommés de se solidariser à des luttes qui leur sont profondément étrangères.

    Ensuite, la collusion contre nature entre ces idéologies et l’islam politique, pourtant à milles lieues de ces thèses, démontrant que nous sommes proches d’une insurrection.

    Enfin, last but not least, sur un registre plus comique, on peut se demander pourquoi ces gens vont se « décoloniser » à Reims, capitale spirituelle des rois de France ? Ils ne vont pas se « décoloniser » au Liberia. S’ils n’aiment pas la France, ne se sentent pas aimés en retour, ne se vivent pas en Français, ils peuvent toujours quitter le pays. Personne ne les en empêchera. Mais peut-être veulent-ils nous contre-coloniser ?   

    Juriste
  • « Un résultat historique » qui affole les médias : au cœur de l'Europe, l'Autriche réagit !

     

    Présence invasive de l'Islam, déferlante massive des migrants : ces questions majeures dominent aujourd'hui la scène européenne et les préoccupations des peuples, malgré tous les efforts, malgré le matraquage incessant, des grands médias pour y faire face.

    Le Monde [24.04] explique ainsi le résultat du 1er tour de l'élection présidentielle autrichienne :

    « La campagne électorale a été dominée par la question du droit d’asile. Le gouvernement a établi des restrictions drastiques en la matière, l’extrême droite lui reprochant de ne pas en faire assez, et les défenseurs des droits de l’homme trouvant qu’il est allé trop loin.

    L’Autriche a enregistré 90 000 demandes d’asile en 2015. Rapporté à sa population (8,58 millions de personnes), c’est un chiffre qui la place parmi les premiers pays d’accueil en Europe.

    Mais la campagne n’a pas tourné qu’autour des migrants. L’usure des partis au pouvoir a aussi largement pesé. »

    Mais l'usure des partis au pouvoir n'est pas un phénomène autrichien. Croit-on que la France et la plupart de ses partenaires européens ne sont pas dans le même cas ? LFAR

     

  • Religion & Société • L'islam, principale ligne de fracture entre les intellectuels

     

    par Vincent Trémolet de Villers

    Une remarquable réflexion pour Le Figaro [22./04] sur un sujet maintes fois évoqué dans Lafautearousseau mais qui est ici approfondi et actualisé.

     

    ob_b41265_vincent-temolet-de-villers.jpgAlain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Michel Onfray ou Eric Zemmour ont longtemps été les seuls à dire sans tricher ce qu'ils voyaient. Mais, depuis les attentats islamistes de Paris et de Bruxelles, la prise en compte du réel est en train de modifier profondément le monde de la pensée.

    On peut avoir le visage découvert, les cheveux aux vents et se voiler volontairement l'esprit. Ce port du voile-là n'a jamais été obligatoire mais celui qui, en France, se risquait à le retirer pour voir les conséquences d'une immigration inconséquente, celui qui osait exprimer sa crainte de voir fleurir les barbes et pousser les minarets a longtemps subi le supplice réservé aux apostats. Les gardiens du dogme le jetaient dans les ténèbres, les comités de surveillance le faisaient poursuivre par les juges, les relais d'opinion accolaient à son nom tous les péchés du monde.

    S'il lui prenait la fantaisie de ne plus chercher les convulsions antisémites dans les salons de la vieille France ou les sacristies des églises mais dans les territoires délaissés par l'école, la police, la justice, on criait au racisme. Il valait mieux raser les murs et rester bien au chaud derrière la bonne grille de pensée. Le nouveau clergé disait le bien et le mal, le salut et l'enfer. Nul n'y croyait guère mais, l'histoire le prouve, on peut aussi pratiquer une religion sans y croire.

    Accepter de voir

    Et puis, un à un, malgré tout, essayistes, philosophes, écrivains ont arraché le voile. Ils ont accepté de voir. Ils ont même accepté de dire. Les gardiens de la révolution ont bien tenté de les poursuivre, de les faire renvoyer de leurs journaux, de leurs télévisions, de leurs radios, de les mener de force devant les juges: rien n'y fit, leur succès était trop grand et la population les portait aux nues.

    Ils pouvaient être journalistes comme Eric Zemmour, philosophes comme Alain Finkielkraut et Michel Onfray, romanciers comme Michel Houellebecq, essayistes comme Pascal Bruckner et Elisabeth Lévy. Par paresse (ou par malveillance), ils furent assimilés les uns aux autres, sous le vocable de néoréactionnaires. Pourtant, en l'espèce, il était hasardeux de faire des amalgames. Leur seul point commun était d'avoir retiré le voile, d'avoir appelé un chat un chat et un attentat islamiste, un attentat islamiste.

    En dix ans, ce surgissement du réel a bouleversé toutes les lignes de la vie des idées. L'antiracisme a perdu la tête et la main jaune est devenue folle. Les potes d'hier se sont déchirés et la génération SOS a essaimé au Parti socialiste, certes, mais aussi chez Dieudonné. Bernard-Henri Lévy s'est élevé contre le drapeau noir du califat tandis qu'Edwy Plenel a fait du musulman le prolétaire, la victime, le juif du XXIe siècle.

    La gauche morale à l'heure de l'examen de conscience

    « Le catholique zombie », voilà l'ennemi, proclamait Emmanuel Todd quelques mois après que les fous d'Allah eurent tué de sang-froid journalistes, policiers et juifs de l'Hyper Cacher, tandis que des bouffeurs de curés prenaient la défense des chrétiens d'Orient. Il a fallu un deuxième carnage, le 13 novembre, pour que d'autres, à leur tour, viennent dire ce que chacun voyait à l'œil nu. La gauche morale, enfin, faisait son examen de conscience. Celle qui ne combattait que des ennemis déjà vaincus - le fameux homme-blanc-de-plus-de-50-ans - a découvert dans la nuit de Cologne que « la victime » pouvait être « un bourreau ». Elisabeth Badinter qui, elle, n'a jamais été dupe, a souligné la hiérarchie morale du parti de l'Autre : « Ce que cette affaire de Cologne a démontré c'est que, quand ce sont des étrangers qui sont en cause, alors les priorités changent. »

    La gauche, qui ricanait devant Le Petit Journal sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la transcendance, s'est souvenue que l'homme était un animal religieux. Jean Birnbaum (Un silence religieux, Seuil) s'est fait l'écho de Saint- Exupéry qui, au milieu de la guerre, écrivait au général X : « Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien […] Rien qu'à entendre un chant villageois du XVe siècle, on mesure la pente descendue. » Cette lettre, celle d'un homme plongé dans la nuit du monde entre la croix gammée et le drapeau rouge, résonne curieusement aujourd'hui. L'auteur de Citadelle, en effet, connaissait l'ennemi, mais se demandait si cette connaissance suffisait au sursaut d'un pays et d'une civilisation.

    L'État islamique et ses épigones ne nous disent pas autre chose. L'islamisme conquérant, celui des bombes mais aussi celui du voile intégral et des prières de rue, nous pose la même question: « Qui êtes- vous ? ». Nous, nous savons qui nous sommes, nous disent les djihadistes, mais vous qui êtes-vous ?

    À cette question, les réponses sont multiples : « Je suis Charlie », « je suis terrasse », « je suis Bruxelles ». « Qui est Charlie ? » se demande-t-on, tout de même. Certes, la terrasse du Petit Carillon à la nuit tombée illustre un peu de notre art de vivre, mais peut-on répondre au cri d'« Allah est grand » par un verre de mojito ? Et Bruxelles est-elle la « ville-monde » que le maire vante comme un modèle pour tout l'Occident ou « la capitale de l'Europe des soumis, d'une infinie laideur » dont parle l'écrivain Jean Clair ?

    Dans Situation de la France, Pierre Manent en appelle à la « marque chrétienne » de notre pays. Mais quelle est cette marque ? Celle d'Alain Juppé et du pape François qui la revendiquent pour justifier l'accueil sans mesure des réfugiés, ou celle de Philippe de Villiers qui s'incline devant l'anneau de celle « qui voulait bouter les Anglais hors de France » ?

    En créant le Printemps républicain, Laurent Bouvet a déclaré vouloir retrouver les fondements de la laïcité à la française. Mais est-ce celle de Viviani, qui voulait éteindre une à une les étoiles du ciel ? Celle de Ferdinand Buisson, qui rêvait d'instituer une religion républicaine ? Celle de Christiane Taubira, qui invoque la laïcité pour justifier le développement infini des droits individuels ? Celle de Jean-Louis Bianco ou celle de Manuel Valls ? Celle de Joseph Pagnol, le maître d'école universel, ou celle des transhumanistes ?

    « Que faut-il dire aux hommes ? », s'interrogeait Antoine de Saint-Exupéry à la fin de sa lettre. L'islamisme conquérant nous impose, à son tour, cette question.

    Dans un dialogue inoubliable publié cet été par Le Figaro Magazine, Alain Finkielkraut et Michel Houellebecq tentaient d'y répondre. « Dieu est parti, disait l'auteur de L'Identité malheureuse, et il ne dépend pas de nous de le faire revenir. Je crois que ce qui est mort pour de bon en France comme dans le reste du monde occidental, c'est la croyance en la vie éternelle.» Il poursuivait : « On ne peut pas décider de croire à nouveau dans la vie éternelle - et c'est le destin de l'Occident. » … « Alain, je suis en net désaccord là-dessus, répondait Michel Houellebecq.Ce sont ceux qui croient à la vie éternelle qui survivent. La religion gagne toujours à la fin. » Plutôt que de s'écharper sur les menus à la cantine et les coiffes des hôtesses de l'air, on rêve d'un débat qui soit à cette altitude. C'est peut-être illusoire, mais il n'est pas interdit d'essayer. 

    Vincent Tremolet de Villers

  • Hijab Day : quand Sciences-Po hisse les voiles du politiquement correct

     

    Des étudiants de Sciences-Po Paris ont lancé l'opération «Hijab Day», invitant leurs camarades à « se couvrir les cheveux d'un voile le temps d'une journée », ce mercredi. Une initiative idéologique et déconnectée des réalités, estime Laurent Cantamessi. [Figarovox 20.04] Dans une tribune faite d'humour, d'imagination et de bon sens ...  LFAR

     

    A Sciences-Po chaque jour est une fête. Grâce à un bureau des étudiants hyperactif, l'année est plus rythmée qu'une semaine au Club Med. On connaissait bien sûr la Queer Week, «espace d'action et de réflexion autour des genres et des sexualités», organisée depuis 2010, dont la marraine était cette année la «lesbienne invisible» Océane RoseMarie. Cette année, durant une semaine en mars 2016, les étudiant-e-s et leurs professeur-e-s ravi-e-s ont pu admirer les stands de la Brigade du Stupre, ou celui du collectif GARCES dont l'animatrice confie « arpenter les manifs pour crier des misandries intersectionnelles et emmerder les mascu ». Après Océane Rosemarie, il se dit que le Concombre Masqué parrainera l'édition 2017, placée sous le signe de l'intersectionnalité heureuse et du mascu vaincu.

    Si le mois de mars était celui de la guerre des genres, du dévoilement transgressif et de la chasse au mascu, en avril en revanche on ne se découvrira pas d'un fil à Sciences-Po puisqu'un autre collectif « d'étudiant-e-s » a décidé d'organiser cette fois un « hijab day » dans les murs de la vénérable institution qui doit quelquefois se fatiguer elle-même d'être de tous les combats. Après la récente polémique de la mode islamique, les étudiants de Sciences-Po ont dû penser qu'il était temps d'inverser la vapeur et de hisser les voiles pour voler au secours des minorités opprimées tout en restant trop tendance. Non mais c'est vrai quoi : H&M se lance dans le burkini et le petit hijab fashion et Sciences-Po devrait rester les bras croisés sans réagir ? Pas question, quand on étudie à deux pas des plus jolies enseignes parisiennes, de laisser passer la sortie d'une nouvelle collection printemps-été ! Et puis afficher sa solidarité avec les femmes voilées c'est bien, Esther Benbassa l'avait dit et Europe-Ecologie-Les Verts avait organisé une ‘journée hijab' contre la voilophobie il y a près de trois ans, en août 2013, dans le sillage de la styliste américaine Nazma Khan qui a lancé l'initiative reprise aujourd'hui dans 140 pays… sauf la France, se désolaient il y a quelques mois les initiateurs du World Hijab Day Lyon, « un événement destiné à déconstruire les préjugés », malheureusement interdit en janvier dernier par le méchant préfet Delpuech et la préfecture de Lyon, sous couvert d'état d'urgence. Heureusement que Sciences-Po Paris est là pour rattraper le coup ! Quand on pense que 116 pays ont pu tranquillement organiser une journée du hijab, que la ville d'Ottawa a même accepté que s'organise une journée d'ateliers d'essayage pour inviter les non-musulmanes à « porter le foulard islamique pour mieux comprendre la réalité des hijabis, leurs sœurs voilées », on comprend qu'un collectif d'étudiants de Sciences-Po ait décidé qu'il était temps que la patrie d'Yves Saint-Laurent, Dior et Chanel soit moins voilophobe et textilorétrograde. Et puis même Geneviève de Fontenay est d'accord : « Moi je les soutiens ces femmes musulmanes ! Quand on voit la mode française avec ses jeans troués et rapiécés, tout cet exhibitionnisme, soyons au moins tolérants ! » Avec une caution pareille, comment ne pas se sentir légitime ? Pour remercier Geneviève, les étudiants de Sciences-Po auraient dû imposer en sus du hijab celui du chapeau à large bord pour toutes les étudiantes. Que les réfractaires se rassurent cependant, Fatima Elo, présidente-fondatrice de l'association Politiqu'Elles, association féministe soutenant l'initiative du Hijab Day de Sciences-Po, expliquait ce mercredi matin à l'antenne de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, que « personne ne sera forcé à porter le voile, c'est du volontariat ». Par contre, on ne s'assiéra plus à côté des grincheux voilophobes à la cantine.

    Fatima Elo expliquait également ce matin chez Bourdin que derrière l'initiative du Hijab Day de Sciences-Po, « l'idée était d'aborder la question du voile avec humour ». Apporter son joli foulard pour aborder avec humour le traitement des femmes voilées et même dans certains coins de banlieue de France où le port du voile n'est pas vraiment présenté comme du volontariat, c'est vrai que la blague était à faire, et les nombreuses intéressées qui subissent menaces, insultes et violences quand elles refusent de porter le voile ont dû bien rire à cette bonne blague et être soulagées que les étudiants de Sciences-Po s'intéressent enfin à leur sort. Comme les y invitait ce matin une twitto : « Aux nanas de @sciencespo qui font le #HijabDay n'oubliez pas de servir les garçons à table à midi et de mettre des gants pour serrer la main. »

    Mais la blagounette a l'air d'être mal passée, à en juger par l'avalanche de réactions négatives qu'elle a provoqué dans la presse. On pourrait presque croire que le sujet est devenu ces derniers temps un peu sensible… Et comme on n'est jamais aussi bien trahi que par les siens, voilà que l'antenne FN de Sciences-Po Paris produit un communiqué assassin : « Ce geste relève de l'imposture politique d'une bourgeoisie parisienne déconnectée des réalités sociales, qui exacerbe par ce jeu naïf les tensions communautaires ». Maudit Richard Descoings ! En instituant ses antennes ZEP et ses bourses à destination des étudiants plus défavorisés, l'ex-vénéré directeur de Sciences-Po a fait rentrer dans les murs une cohorte de jeunes loups qui ont grossi les rangs du parti lepéniste et lui ont permis de faire une entrée fracassante dans le pré carré du progressisme éclairé où il vient désormais s'autoriser à gâcher la fête en toutes occasions.

    Et puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, voilà qu'un collectif d'empêcheurs de voiler en rond s'est rassemblé contre le Hijab Day pour proposer de contrecarrer l'initiative de l'association Politiqu'Elles, en organisant une odieuse agitprop' vestimentaire : « En réaction au « Hijab Day », qui propose aux étudiants de Sciences Po de venir voilés, nous proposons une journée pour s'habiller comme on veut : du crop top à la jupe longue, tout est permis ! (Sauf les collants chairs, évidemment depuis la jurisprudence Cristina Cordula). Pour les plus audacieux, un bikini peut même se tenter ! », proclame la page Facebook du « Bikini/Jupe/Robe/Whatever Day à Sciences-Po », organisé aujourd'hui à partir de 8h.

    Au XVIIe siècle, Miguel de Cervantès s'était moqué de la querelle des Anciens et des Modernes, opposant les partisans de l'imitation des modèles antiques à ceux qui voulaient s'en détacher:

    «Dans ce grand tumulte tous ensemble se jettoient leurs Livres à la teste, & se faisoient des armes de leurs Ouvrages. Vous jugez bien que les auteurs de petite taille, comme vous pourriez dire les In-Douze, n'eurent pas l'avantage dans ce démêlé ; certains géants qu'on appelle les Infolio les battirent à plate couture, et c'étoit une pitié de voir comme on en accabloit d'autres, qui n'avoient que des feuilles volantes pour leur défense.»

    La civilisation de l'écrit étant sur le déclin, nous voici parvenus à l'ère du bout de tissu politisé et médiatisé. A l'image des auteurs de Cervantès, verra-t-on à Sciences-Po, en ce jour de confrontation entre Hijab Day et N'importe quoi Day, les porteuses de voiles et leurs adversaires se battre à coups de foulards et de minijupes, le petit top skinny se confrontant au burkini, les hijabs volant dans les plumes des robes à frou-frou et la bretelle apparente lutter pied à pied contre la tunique musulmane de chez Mark&Spencers? L'affrontement promet d'être tendu comme une ficelle de string.

    Pour leur prochain coup d'éclat, les assos étudiantes de Sciences-Po devront en tout cas faire encore plus assaut d'originalité pour être à l'avant-garde de la subversion. Après la Queer Week et le Hijab Day, il va falloir sérieusement se creuser les méninges pour trouver quelque chose de nouveau et d'innovant. A l'approche de la clôture des primaires américaines, on pourra leur proposer d'organiser en juin un «Donald Trump Day». Chaque étudiant sera invité à venir coiffé d'un postiche blond pour rendre hommage au tribun new-yorkais d'avoir déconstruit de manière foucaldienne l'establishment politique de nos voisins d'outre-atlantique et fichu un fameux boxon au parti Républicain. Après la Queer Week, le Hijab Day et les Class Actions de tout acabit, ce serait la classe américaine, tout simplement. 

    Laurent Cantamessi    

    Laurent Cantamessi est co-animateur du site Idiocratie.        

  • Algérie : l’heure de vérité approche pour le clan Bouteflika

     

    En date du 13 avril, Bernard Lugan a publié le communiqué qu'on va lire. Nous-mêmes avons à plusieurs reprises analysé la situation inquiétante de l'Algérie. Inquiétante pour ce pays voisin, mais surtout pour la France. Une explosion politique, économique et sociale de l'Algérie entraînerait en effet une série de graves conséquence pour notre pays. Fort de son expertise des affaires africaines Bernard Lugan confirme le risque - peut-être même à court terme - d'un chaos algérien.  LFAR 

     

    46878456-jpeg_preview_large.jpgLa visite que le Premier ministre français, M. Manuel Valls, vient d’effectuer à Alger, fut l’occasion de constater ce que les lecteurs de l’Afrique Réelle n’ignoraient pas, à savoir que l’Algérie est « dirigée » par un président moribond.

    Depuis son accident vasculaire cérébral survenu le 27 avril 2013, Abdelaziz Bouteflika, paralysé, sourd et quasiment muet, n’apparaît plus en public que très rarement, et sur un fauteuil roulant. Ses trois frères, sa sœur - tous quatre conseillers à la présidence -, et leurs affidés, savent qu’ils vont vivre des moments difficiles dans les heures qui suivront son trépas. Il ne doit donc pas mourir tant que les clans qui, dans l’ombre, dirigent l’Algérie, ne seront pas parvenus à un accord permettant une succession contrôlée.

    Acculée, l’équipe au pouvoir a épuré l’armée au profit du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'Etat-major et vice-ministre de la Défense. Est-ce pour autant un gage de survie ?

    Il est permis d'en douter car, lesquels parmi les généraux, notamment chez les nouvellement promus, voudront en effet apparaître liés aux profiteurs du régime quand la rue grondera dans un dramatique contexte économique et social aggravé par l'effondrement du prix des hydrocarbures [1] ? L'Odjak des janissaires [2] pourrait alors être tenté de se refaire une « vertu » à bon compte en donnant au peuple la tête de Saïd Bouteflika et celles de ses proches, avant de placer l'un des siens aux commandes.

    En Algérie, l’agonie présidentielle avec les mensonges et les tractations qui l’entourent, est ressentie comme une humiliation nationale. De plus en plus nombreux sont donc ceux qui demandent l’application de l’article 88 de la Constitution qui permet de constater la vacance du pouvoir. Pour l’entourage du président Bouteflika, la situation est donc devenue intenable.

    Quant à la France, sorte de vaisseau ivre tanguant entre repentance et ethno-masochisme, son président a soutenu l’aberrant quatrième mandat d’un Bouteflika grabataire, espérant ainsi acheter la paix sociale dans les banlieues. Cette mise en dhimmitude mentale ne l’empêchera cependant pas de subir  directement les conséquences des évènements majeurs qui risquent de se produire bientôt en Algérie. Peut-être même à court terme. 

    Bernard Lugan, 13.04.2016

    [1] Voir à ce sujet les dossiers consacrés à cette question dans les numéros de mai, de juillet, d'août et d’octobre 2015 ainsi que les numéros de l’année 2016  de l'Afrique Réelle.  

    [2] Commandement des Janissaires. Lire ici l'Etat-major de l'armée.

    le blog officiel de Bernard Lugan

  • Déchéance nationale, nationalité et figure du roi

     

    par CHRISTIAN FRANCHET D’ESPEREY

     

    066.jpgC’est une plaisanterie bien connue, genre brève de comptoir, sur les responsables politiques dégringolant dans les sondages : ils vont finir par trouver du pétrole… Pour dire le vrai, le destin de François Hollande nous soucie peu. Sans doute parce qu’il n’a rien fait pour qu’on y attachât quelque intérêt, mais surtout parce que nous sommes lassés – avec, quand même, une pointe d’étonnement, malgré notre cuir bien tanné à cet égard – de son étrange obstination à se mettre lui-même hors-jeu. Il n’en demeure pas moins que cette descente aux abîmes nous glace le sang. Pourquoi ? Simplement parce que nous ne pouvons plus ignorer que c’est à notre propre effondrement que nous assistons, comme les passagers d’un avion en perdition dont l’équipage ne parvient plus à arrêter la chute. 

    Ce n’est pas le mur du son, mais le mur de l’absurde, du surréalisme sans queue ni tête qui a été franchi avec le débat sur la déchéance de nationalité. Un président, imaginant que les attentats du 13 novembre constituaient une chance inespérée de rassembler les Français autour de lui, chercha une grande idée consensuelle, et crut la trouver dans le retrait de la nationalité française aux terroristes : partant de cette idée simple, le voilà empêtré dans un imbroglio indémêlable, où les politiciens – de droite comme de gauche, tous pris à contre-pied – se déchirent au sein même de leurs formations respectives. L’absurdité est apparue dès que fut décidé qu’on ne ferait de personne un apatride : seuls les binationaux (qui sont plus de 3 millions) seraient concernés. Mais on créerait ainsi une inégalité entre binationaux pouvant être déchus et « mono-nationaux » ne le pouvant pas. Discrimination inacceptable ! Sans que les dénonciateurs ne paraissent s’alarmer de ce que l’inégalité, s’il y en a, est plutôt entre ceux qui ont le privilège d’avoir deux nationalités et les autres… Mais passons !  

    L’issue de l’affaire n’a, en réalité, strictement aucune importance, les terroristes patentés se fichant comme d’une guigne de leur nationalité, tout autant que de son éventuelle déchéance. En revanche, il se trouve qu’à l’occasion de ce débat, ont été soulevées des questions qui ne manquent pas d’attirer l’attention. On en mentionnera une, fort intéressante sur le fond, et aussi en raison de la personnalité de celui qui l’a évoquée. La question est de savoir si, face à un criminel terroriste, la véritable fonction des autorités, plutôt que de le priver de sa qualité de Français, n’est pas de le punir. Et même, en premier lieu, de prévenir le mal. C’est un des hommes qui « montent », Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, qui a défendu cette position : « On ne traite pas le mal, a-t-il dit, en l’expulsant de la communauté nationale ». Il se mettait ainsi en rupture avec la ligne officielle et le consensus rêvé par le président.  

    Personne ne sait encore qui est vraiment M. Macron et jusqu’où il ira. Ce qui est sûr, c’est qu’il fait une carrière, et que son réformisme libéral pur et dur a de quoi inquiéter. Mais on l’a découvert capable de propos tellement hétérodoxes, sur l’euro par exemple, qu’on le soupçonne – et dans ce soupçon, chacun pourra placer une pointe d’espérance – de valoir mieux que le bouillon d’inculture au sein duquel il évolue. Il eut un jour, on s’en souviendra peut-être, ces mots, plutôt étonnants dans la bouche d’un ministre socialiste en exercice : « Il y a dans le processus démocratique un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort… La démocratie française ne remplit pas cet espace… Après de Gaulle, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique… » Il n’y a là pas un mot à redire ! Comme si Macron avait placé côte à côte, dans sa bibliothèque, L’Homme révolté de Camus et le dernier livre de Frédéric Rouvillois !  

    Pour revenir à la déchéance de nationalité, on peut s’interroger sur ce que le ministre de l’économie pense du nationalitarisme révolutionnaire jacobin, qui a détruit la conception royale de la nation. C’est une réalité de fait que jamais un roi de France, confronté à un Français coupable de haute trahison, ne l’aurait rayé de la liste de ses sujets. Son unique souci aurait été de le voir déféré devant un de ces magistrats à qui lui-même déléguait son pouvoir de haute justice. À travers le juge, c’est à lui, le roi, garant de l’équité au sein de la collectivité française, que le criminel aurait eu affaire.  

    Mais que sait un Hollande du sens royal de la justice ? Et que sait-il de la nationalité, de la nation, de la France ? Entre les fiches absorbées pour le grand oral de l’ENA et celles où il a noté les misérables petits tas de secrets du PS, a-t-il eu un instant pour y réfléchir ? Tout ce que l’on sent de lui, tout ce qui suinte de sa personne prouve que, de la France, il ne ressent rien. La nation, il l’a mise en fiches pour être élu, puis en friches une fois élu.  

    Quand nous voyons, sur la plus belle terre qui soit sous le ciel, l’état de la France, son mal être, sa vie politique dépressive, son économie en déclin, sa misère sociale, sa diplomatie anémique et son influence dans le monde réduite à rien, il faut bien l’admettre : ce sont les 66 millions de Français qui souffrent aujourd’hui de la déchéance de leur nationalité, 66 millions de condamnés à la déchéance nationale.   

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  • L’heure terroriste

     

    par Hilaire de crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgAucune analyse de l’actualité, aucune prévision raisonnable, aucune protestation des populations maltraitées, pressurées, rejetées n’ont jusqu’à présent changé les habitudes politiciennes et l’inconcevable permanence de leur médiocrité. Voilà que la violence absolue surgit... Alors ?

    Il était beau d’entendre Bernard Cazeneuve célébrer triomphalement, le vendredi 28 mars au soir, l’arrestation de Salah Abdeslam. Le propos ministériel était martial : la République allait vaincre le terrorisme ; déjà, disait-il, il était vaincu et cette arrestation en était le signe précurseur. Cependant, il convient d’admirer l’implacable logique des évènements et la non moins fatale inconséquence de nos gouvernants. Le lendemain, samedi 19 mars, le président de la République en personne, avec toute l’autorité que lui confère son rang, – la cérémonie était prévue pour des raisons électorales – célébrait ce qui fut dans la terrible réalité de l’époque la victoire politique du terrorisme – et du terrorisme islamique – en 1962 sur le territoire alors français d’Algérie, victoire que la France entérinait par la fausse paix et les honteux accords d’évian. Le président avait ce style homilétique qui est propre à toute cette bande de faux curés – ou de « faux-culs » si vous préférez – qui nous dirigent, tous, ou à peu près, sortis des bons collèges dont ils n’ont retenu, tout en abandonnant quant à eux toute foi et toute morale, que l’art d’imposer un discours moralisateur pour dissimuler leurs propres lâchetés. Le pathos présidentiel, embrouillé comme d’habitude, incitait les mémoires à oublier pour apaiser et réconcilier. Il n’y avait en l’occurrence et sur ce point d’histoire précis aucun devoir de mémoire ! Pas de victimes, pas d’assassins ni de bourreaux ! Or ce qui s’est passé avant et après le 19 mars 1962 est parfaitement connu. Il suffit de lire sur le site de Politique magazine l’article de Jean Monneret, l’un des historiens les plus méticuleux de cette sinistre période : des dizaines de milliers de musulmans français, qui avaient manifesté leur attachement à la France, en particulier les harkis et leurs familles, livrés sans pitié en pâture à leurs tortionnaires dans l’horreur d’indicibles supplices, des milliers de Pieds-Noirs, hommes, femmes, enfants, enlevés, massacrés sous l’œil indifférent et la complicité passive, parfois active, des autorités officielles, civiles et militaires, des soldats français laissés entre les mains du FLN et à jamais disparus, un mépris souverain pour les innombrables exilés et un rejet ignoble des familles musulmanes sauvées en cachette, voilà la réalité de 1962. Et François Hollande la sait, au moins par son père qui, lui-même, fut à l’époque indigné de tels comportements. L’écrivain algérien Boualem Sansal a parlé de « faute morale » à propos d’une célébration qui conforte à Alger la dictature d’un FLN terroriste et d’un Bouteflika sans scrupule à qui la malheureuse Algérie, mise en coupe réglée, a été depuis lors abandonnée en prébende. Ce n’est pas le seul Algérien à penser ainsi ; il est facile de constater aujourd’hui les effets d’une telle politique : l’Algérie est une bombe à retardement. 

    Complicité de trahison

    François Hollande, un jour donc après l’arrestation de Salah Abdeslam, a fait, avec hypocrisie et sans le nommer, l’éloge du terrorisme et du terrorisme efficace, celui qui finalement réussit à obtenir le résultat qu’il escompte. François Mitterrand, le prétendu maître de cette gauche bourgeoise, à plusieurs reprises, en 1954, en 1956, comme ministre de l’Intérieur – n’est-ce pas, Cazeneuve –, comme ministre de la Justice – n’est-ce pas, Urvoas –, avait déclaré solennellement que jamais la République ne céderait devant le terrorisme : il parlait du terrorisme du FLN. On sait trop bien ce qui est advenu. Et c’est sans doute la raison pour laquelle lui, Mitterrand, n’a jamais consenti à célébrer le 19 mars ; cet homme, si cynique par ailleurs, à défaut d’honneur, savait, du moins, ce que c’était que la honte.

    Après les grandiloquentes déclarations de Cazeneuve et les indignes palinodies de Hollande, les Français qui se souviennent et réfléchissent un tant soit peu, doivent se méfier. Les Français musulmans en premiers, ceux qui aiment la France, qui y sont attachés, sachant qu’ils ne sont dans pareil système, comme tous les Français, que de vulgaires enjeux électoraux. Qu’adviendra-t-il si le terrorisme, comme il est plus que probable, redouble et que villes et banlieues incontrôlées se mettent à s’agiter… ? 

    Alors, comme fait exprès, le dimanche 20 mars, tel un éclair de vérité dans ce ciel si sombre, Philippe et Nicolas de Villiers recevaient avec toute la pompe qu’ils savent déployer dans leur parc du Puy du Fou, l’anneau de Jeanne d’Arc qu’ils venaient d’acheter à Londres, sans que la République française s’y intéressât. La cérémonie d’une dignité parfaite est retracée par Fabrice Madouas sur le site de Politique magazine. Le peuple était là au rendez-vous et les Cyrards aussi, la jeunesse militaire française qui voit dans la Pucelle d’Orléans le plus beau des modèles héroïques de la France séculaire, cette France que le politicien par nature n’aime pas. Philippe de Villiers a su faire vibrer les cœurs et a répondu avec son panache habituel aux réclamations tardives du gouvernement anglais. L’aventure de Jeanne est la réponse précise, exacte, parfaitement appropriée à notre problème français, toujours le même. Le livre que notre ami et collaborateur Jacques Trémolet de Villers a consacré à son procès, en est l’illustration. La chevauchée de la reconquête française ne peut passer que par Reims. Merci aux Villiers d’avoir offert aux Français ce fabuleux cadeau, inattendu autant qu’inespéré.

    Le sang comme prix de leur politique

    Et puis, le lundi 21 mars, avec l’implacabilité des systèmes répétitifs usque ad nauseam, les querelles partisanes reprenaient de plus belle en France sur la loi El Khomri, sur la déchéance de nationalité, sur l’état d’urgence, sur les primaires à droite, à gauche, au centre et pendant que les étudiants et les syndicats annonçaient à qui mieux mieux des manifestations et des grèves, le gouvernement osait prévoir un redémarrage de la croissance et une inversion de la courbe du chômage, tout cela sollicité par les chiffres de la conjoncture agencés à cet effet. Hollande, donc…

    Et voilà que le mardi 22 mars deux attentats terroristes ensanglantaient Bruxelles, obligeant Hollande et Cazeneuve à baisser de ton. Le drame n’est pas derrière nous ; il est devant nous. Les terroristes sortent les uns après les autres des cités qu’ont fabriquées les monstrueuses politiques de nos politiciens ; ils se promènent partout dans l’Europe telle que l’ont constituée ces mêmes politiques d’incapables et d’idéologues ; ils sont charriés aujourd’hui par les flux migratoires qu’ont multipliés encore et toujours les mêmes politiques insensées, jusqu’aux accords Merkel-Erdogan d’une inconcevable duperie et jusqu’aux dernières lois françaises, y compris celle du 18 février, passée inaperçue, votée à la dérobée dans la suite des directives de Bruxelles, en l’absence de presque tous les députés, et qui ouvre encore davantage nos portes devant lesquelles le gouvernement place maintenant vainement des sentinelles !

    La suite… ? Elle est prévisible. Quand paraîtra cet article, fasse le ciel que les évènements ne confirment pas la prévision. « On aura les conséquences », disait Jacques Bainville, citant l’Ecclésiaste : « On aura les conséquences. Celui qui creuse un fossé y tombe ». 

  • Sport & Société • Football : PSG-Qatar vs City-Abou Dabi

     

    Non au match du déracinement, vive Leicester ! C'est du moins ce qu'écrit notre confrère et blogger David Desgouilles, avant même que la compétition en question ne se joue. Les sportifs seront-ils d'accord ? En tout cas, sa dénonciation de l'océan de fric qui recouvre le sport mondialisé d'aujourd'hui, comme du déracinement corrélatif  qui l'envahit, nous l'approuvons. Evidemment.  LFAR  

    6 Avril 2016

    sans-titre.pngCe soir, l’amoureux de football que je suis ne regardera pas le match opposant Paris à Manchester City en quart de finale de la Ligue des champions. Il se trouve que la résiliation de mon abonnement à Canal + ne m’a pas incité à basculer vers la chaîne qatarie BeInSport qui retransmettra le match. Il arrive un moment où il faut mettre ses actes en conformité avec ses convictions. Le football mondialisé de mercenaires que j’exècre repose essentiellement sur les droits télés, et donc sur les abonnements aux chaînes à péage.

    Ce match est justement emblématique de ce football-là. Le Paris SG appartient depuis quelques années au fond souverain de l’Etat qatari ; Manchester City l’avait précédé en devenant la propriété d’un dignitaire richissime d’Abou Dabi. Ces deux clubs, qui n’ont jamais gagné cette compétition, dépensent des sommes folles depuis l’arrivée de leurs propriétaires actuels afin de rattraper les autres géants européens, Bayern de Munich, Barcelone et Real Madrid. Certes, Abou Dabi a été bien plus dépensier que le Qatar, mais au match du déracinement, c’est bien le PSG qui a déjà gagné le match. Son adversaire joue la continuité avec son histoire ancienne alors que le club français préfère faire du passé table rase ; City souhaite miser sur la formation et aligne davantage de joueurs anglais que Paris de joueurs français ; le club britannique maintient un lien avec ses supporteurs alors que le PSG les remplace petit à petit par des spectateurs friqués. Bref, si on devait avoir une préférence entre ces deux clubs mondialisés, elle irait vers celui de la perfide Albion, ce à quoi il est impossible de me résoudre, aussi je préfère ignorer le match.

     

    Puisque nous en venons au football du pays de Sa Gracieuse Majesté, terminons sur une note d’espoir. De l’autre côté du Channel, c’est actuellement Leicester City, un club au budget lilliputien par rapport aux géants de la Premier League, qui domine le championnat le plus réputé et le plus dépensier du monde. Emmené par le jeune français N’Golo Kanté qui a ébloui le match Pays-Bas-France de son talent, ce petit poucet a aujourd’hui de bonnes chances de remporter le titre. Un peu d’air frais, enfin, dans cet océan de fric. 

    David Desgouilles

  • Livres • Réarmer la France

     

    par Nicolas Julhiet

     

    Rioufol-385x600.jpgIvan Rioufol, plume bien connue des colonnes du Figaro, revient avec un nouvel essai après De l’urgence d’être réactionnaire en 2012. Le titre, La guerre civile qui vient, est aussi provocateur que le précédent. Là encore, pour l’auteur, il y a urgence : la France – comme l’Europe – est face à un péril comme elle n’en a plus connu depuis longtemps : celui de l’islam radical, le « totalitarisme du XXIe siècle ». Les récents attentats ayant rythmé l’actualité, en France, depuis l’affaire Merah en 2012 jusqu’à ceux de novembre 2015, n’en sont, pourtant, que la sanglante partie émergée.

    Toute la face immergée est sondée et analysée par l’essayiste. Il faut voir la longue série des causes : l’abandon de toute politique sérieuse d’immigration au niveau national, qui devrait passer par un contrôle renforcé des arrivants ; la démission des élites face au péril islamiste : « la classe politique, seule ne fera rien. Elle ne croit plus en la France », prévient Ivan Rioufol ; la percée des islamistes radicaux et des islamologues complaisants, partout en Europe ; le travail de désinformation réalisé par les progressistes aveuglés par leur idéologie.

    Ce sont des dizaines d’exemples que l’auteur utilise pour appuyer sa démonstration ; les prodromes sont déjà là de cette « guerre civile qui vient ». Tous les ferments sont, pour lui, réunis. Est-ce, dans ces conditions, un énième essai apocalyptique, destiné à prendre la poussière comme tant d’autres ?

    Eh bien, non ! Ivan Rioufol cherche à trouver des parades, à entretenir l’espoir que cette « guerre civile » peut être évitée, que l’heure appartient aux « insoumis », comme il les nomme, qui doivent se lever : « Le temps est venu pour eux de tenir tête aux démolisseurs de la nation, aux nouveaux conquérants et à leurs porteurs d’eau. » Mais le salut ne viendra, pour lui, ni de l’État, ni de la classe politique, encore moins d’un homme providentiel. « C’est à la société civile elle-même, forte de ses expériences, de ses expertises et de ses indignations » que revient cette lourde charge.

    Notre pays ne peut plus s’offrir le luxe du temps et du choix : « la France, blessée, meurtrie, est à un moment charnière de son destin », avertit Ivan Rioufol. Il invite donc les Français à se réarmer et à se préparer à l’affrontement qui pourrait survenir. Ce sursaut d’optimisme ne prétend pourtant pas échapper à la réalité. La guerre est déjà là et elle ne fait que commencer. 

    La guerre civile qui vient, d’Ivan Rioufol, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 198p., 19 euros. 

  • Des flots ininterrompus

     

    par Jean-Baptiste d’Albaret

     

    A l’heure où nous bouclons ce numéro, les terroristes ont encore frappé. Trois jours après l’arrestation du dernier responsable en vie de la tuerie du 13 novembre à Paris, Salah Abdeslam, l’aéroport et le métro de Bruxelles ont été visés par des attaques meurtrières. C’est-à-dire que les terroristes, en dépit d’une présence policière massive, ont frappé, dans une sorte de riposte, le cœur du quartier européen de la capitale belge. Ainsi est l’ennemi islamiste : tapi au sein des populations, trouvant refuge dans des quartiers où il est protégé, il peut frapper n’importe où, n’importe quand, avec une rapidité d’exécution sans faille. L’idéologie dominante qui, il y a peu encore, osait parler d’« actes isolés », de « loups solitaires », voire même de simples « déséquilibrés », vole en éclat de façon dramatique. La vérité, c’est que le djihadisme, structuré et organisé, possède des réseaux et des relais partout en Europe. Nos élites dirigeantes ont laissé prospérer un communautarisme islamique en se voilant la face pour ne rien voir. Pour ces bonnes âmes, l’islam n’est-il pas la religion des réprouvés ? Leur responsabilité est aujourd’hui écrasante. Du renversement de Kadhafi, au moment même où le monde arabe implosait sous le coup de « printemps » prétendument « démocratiques » mais qui bénéficièrent d’abord aux islamistes de toutes obédiences, à la gestion de la crise syrienne, aboutissant au financement et à l’armement de groupes islamistes radicaux à seule fin de faire tomber Bachar al-Assad, le même humanitarisme manichéen a prévalu pour aboutir à ce désastre. Désastre consommé avec la décision abracadabrante et unilatérale d’Angela Merkel d’inviter tout le monde en Europe, provoquant un exode massif vers le Continent.

    Plus encore que la menace d’un Brexit, la crise migratoire pourrait porter le coup de grâce à une Europe qui ressemble de plus en plus à une citadelle assiégée, hérissée de barbelés. On le lira dans les pages de ce numéro de Politique magazine. Après 1,25 million de migrants en 2015, 250 000 sont déjà arrivés en Europe depuis le début de l’année, dont 150 000 en Grèce selon l’Organisation internationale pour les migrations. L’Allemagne d’Angela Merkel prévoit ainsi d’accueillir jusqu’à 3,6 millions de personnes d’ici à 2020 ! Loin de se tarir, le flot migratoire continue de jaillir sans interruption.

    Ce n’est pas l’accord signé le 18 mars entre Ankara et l’Union européenne qui résoudra le problème tant il paraît d’ores et déjà voué à l’échec. Pays en faillite et à l’état déficient, la Grèce n’a évidemment pas les moyens de fermer la « route de la mer Egée » ni de contrôler efficacement ses frontières. Organiser le renvoi systématique des arrivants vers la Turquie, même avec l’aide de l’Union européenne, est tout simplement pour elle une « tâche herculéenne », comme l’a dit, dans un trait d’humour involontaire, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Et c’est Erdogan qui se frotte les mains ! Une fois de plus, le régime turc, passé maître dans l’art du double-jeu, roule les Européens dans la farine.   

    Au terme de cet accord – concocté en toute opacité, selon son habitude, par Angela Merkel –, la Turquie empoche 6,6 milliards d’euros, en principe destinés à financer l’accueil des quelques 2,7 millions de réfugiés qu’elle abrite déjà sur son sol. Mais elle repart aussi avec la promesse d’une libéralisation des visas pour ses compatriotes et d’une prochaine réouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Pendant ce temps, ses forces armées continuent de massacrer les Kurdes qui sont nos alliés dans la lutte contre l’état islamique. état islamique qui vient de revendiquer les attentats de Bruxelles. Comprenne qui pourra… 

    Rédacteur en chef de Politique magazine

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    Avril 2016 - Editorial