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  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • Retour brutal à l'actualité : Attentat en Isère et carnage en Tunisie ...

     

    « À la guerre, les adversaires s'appellent des ennemis et lorsque ceux-ci ont la même nationalité que le pays qu'ils attaquent et dans lequel ils vivent on ne peut que constater qu'il s'agit d'ennemis de l'intérieur.»

    Thibault de Montbrial

    Le Figaro, 26 juin 2015 

     

    Thibault de Montbrial est avocat au barreau de Paris et spécialiste des questions de terrorisme et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. Son premier livre, Le sursaut ou le chaos vient de paraître aux édition Plon.

    Le Figaro

  • SOCIETE & TOURISME • L’oeil dans la main… Le point de vue de Camille Pascal

     

    Camille Pascal met ici le doigt sur l'une des plaies du monde moderne qui, pourtant, y voit un progrès décisif. Les voyages, le tourisme pour tous, les échanges universels, la communication instantanée, favoriseraient l'édification des masses, l'unification du monde, la culture, la démocratie et ... la paix. De même qu'internet. Ceci nous rappelle qu'à un journaliste naïf des Echos qui s'était réjoui à l'idée que bientôt plus d'un milliard de Chinois taperaient sur des claviers d'ordinateurs et s'achemineraient donc vers la démocratie, Georges Steiner avait répondu : « cela ne m'intéresse pas; ce qui m'intéresse c'est de savoir si une telle société sera capable d'engendrer un Shakespeare ou un Mozart; et puis je vous rappelle, Monsieur, que la démocratie cela produit aussi Adolf Hitler.» Cela nous rappelle aussi le jeune Cubain nigaud qui rêvait à l'ouverture des frontières de Cuba, pour prendre un avion qui le mènerait en Bolivie sur les traces de Che Guevara ... Sur le fond, la critique du tourisme de masse que brosse Camille Pascal nous paraît amplement justifiée. LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngL’époque est à la mise en scène de l’“ego” des visiteurs dans les musées ou dans la nature, au détriment de l’expression des émotions.

    L’homme très encombré d’un lourd bagage descendait avec peine d’un taxi parisien devant le tambour d’un grand hôtel de la capitale, mais il refusait énergiquement l’aide du liftier. Il voulait franchir seul les portes de cet établissement prestigieux où descendaient autrefois des altesses et aujourd’hui contraint d’accepter le tout-venant du tourisme international. Cette obstination non seulement étonnait un personnel dévoué mais contribuait à créer un petit encombrement sur ce trottoir encore élégant, car le petit homme avançait très lentement. Arrivé à sa hauteur, je constatai que son embarras venait de ce qu’il tirait ses énormes valises attachées les unes aux autres d’une seule main alors qu’il tenait dans l’autre une perche télescopique au bout de laquelle était fiché son iPhone. Ce touriste voulait, au terme d’un très long voyage, immortaliser son arrivée dans ce palace mythique et malheureusement rénové. En le laissant passer, lui et son train de bagages, je lui servais en quelque sorte de figurant pour une petite mise en scène qui n’allait pas tarder à se retrouver sur les réseaux sociaux. D’ici quelques instants, peut-être qu’une famille mongole ou taiwanaise pousserait des petits cris d’étonnement en voyant un Français en costume traverser un carrefour mondialement célèbre à la suite de leur petit cousin chargé, à lui seul, comme une caravane des steppes.

    En refermant derrière lui la porte d’acajou et de verre gravé, le liftier me fit un petit signe en se frappant le front comme pour me prendre à témoin que les gens étaient de plus en plus cinglés.

    Le cas est évidemment extrême, mais il suffit de se poster quelques instants dans un lieu particulièrement touristique ou d’entrer dans un grand musée pour prendre toute la mesure de la folie égotiste qui est en train de s’emparer de l’humanité voyageuse. Plus personne ne voyage pour regarder, pour admirer ou pour découvrir une civilisation, mais seulement pour faire un “selfie” devant une oeuvre d’art ou un lieu emblématique. Les plus beaux monuments produits par le génie humain ou les grands paysages naturels ne sont plus en réalité que la toile de fond de la mise en scène permanente de soi. J’ajoute à cela que le rituel exige désormais que chacun prenne les poses les plus insensées devant les lieux les plus remarquables pour que le film soit réussi… Plus personne ne regarde et tout le monde se regarde en train de tourner le dos à la beauté du monde.

    Enfin, lorsque faire l’imbécile est impossible, car il est encore des lieux où il n’est pas autorisé de marcher sur les mains ou de monter sur l’autel pour mieux tirer la langue, les visiteurs auxquels l’idée de regarder avec les yeux ne viendrait même pas à l’esprit fixent le sol d’un air las en confiant à leur téléphone le soin d’enregistrer des images qui leur passent, au sens propre, au-dessus de la tête. Comme si la capacité que chacun possède aujourd’hui de produire ses propres images rendait insensible à toute émotion esthétique.   

     

    Camille Pascal - Valeurs actuelles

     

  • LITTERATURE & ACTUALITE • Entre ici, Charles Péguy, par Eric Zemmour

     

    Deux textes de Péguy parmi les plus connus, pour évoquer la République entre mystique et politique, ressortent. Une réflexion iconoclaste qui n'a pas pris une ride. Eric Zemmour les a commentés pour Le Figaro.

     

    XVM6312673a-de1a-11e4-b137-20089febc440.jpgD'abord, il y a le style. Impétueux et tempétueux, un fleuve de montagne qui se déverse sans souci de ce qu'il charrie, formules en rafale, répétées autant de fois que nécessaire, sans respect de la bienséance littéraire. Et puis, il y a les mots, les mots employés à jet continu, les mots interdits aujourd'hui, banals hier : « race », « peuple » ou « famille française ». Comme un voyage dans le temps et dans l'espace. Les Cahiers de l'Herne ont eu la bonne idée de publier les textes parmi les plus connus de Charles Péguy. On y retrouve ses formules les plus célèbres, celles qui ont fait sa gloire, citées à tort et à travers : « Tout commence en mystique et finit en politique…» ; ou encore: « Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est seul face à l'esprit ».

    Péguy nous parle d'un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître. Entre l'affaire Dreyfus et 1914-1918 ; entre « la guerre des deux France » et l'union sacrée. Il a assumé celle-là et prophétisé celle-ci. Vécu intensément l'une et perdu la vie dans l'autre, mais dans les deux cas glorieusement. Il a fait le pont entre les deux. Ni sectaire, ni politicard, il a tendu la main à ses adversaires - les antidreyfusards - de la manière la plus élégante qui soit : « Il faut comparer les mystiques entre elles et les politiques entre elles. Il ne faut pas comparer une mystique à une politique ; ni une politique à une mystique… Nos adversaires parlaient le très respectable langage de la continuité, de la continuation temporelle du peuple et de la race, du salut temporel du peuple et de la race. »

    Il n'était pas monarchiste mais sa République était « notre royaume de France ». On pourrait croire que cent ans plus tard, l'extinction de la contestation antirépublicaine l'aurait réjoui ; à le lire, on comprend très vite que c'est la République d'aujourd'hui et les républicains de tous bords qui le désoleraient. Lui qui reprochait déjà à la IIIe République de s'abîmer dans la gestion d'un idéal falsifié, il supporterait encore moins le prêchi-prêcha de la  « culture de gouvernement » couvert des oripeaux des « valeurs républicains ». On a parfois l'impression qu'il se moque de notre Ve République quand il brocarde la IIIe : « la preuve que ça dure, la preuve que ça tient, c'est que ça dure déjà depuis quarante ans. Il y en a pour quarante siècles. C'est les premiers quarante ans qui sont les plus durs… Ils se trompent. Ces politiciens se trompent. Du haut de cette République, quarante siècles (d'avenir) ne les contemplent pas.»

    À son époque, la République exaltait la France et se croyait la mieux à même de la défendre contre ses ennemis ; aujourd'hui, la République a remplacé la France ; on dit la République parce qu'on a honte de dire la France ; on dit « valeurs de la République » parce qu'on refuse de rappeler les « valeurs » de la France. On dit République pour consacrer l'exact contraire de ce que fut la République. Péguy, c'est comme un rappel à l'ordre. Au vrai sens des mots. Avant le grand dévoiement. Grand reniement. Grand remplacement : « On prouve, on démontre aujourd'hui la République. Quand elle était vivante on ne la prouvait pas. On la vivait. Quand un régime se démontre, aisément, commodément, victorieusement, c'est qu'il est creux, c'est qu'il est par terre… Le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement de sa déchristianisation. C'est ensemble, un même, un seul mouvement profond de démystification… C'est la même stérilité moderne.»

    Péguy dénonçait les modernes ; nous subissons le joug des post-modernes. Il ne connaissait pas sa chance ; nous reconnaissons bien nos maîtres : « Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n'en remontre pas, de ceux à qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n'a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas dupes, des imbéciles. Comme nous. C'est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement: le monde de ceux qui n'ont pas de mystique.»

    Karl Marx avait annoncé que le capitalisme détruirait toutes les structures traditionnelles (aristocratie, église, nation, État, famille) pour plonger chacun d'entre nous dans « les eaux glacées du calcul égoïste ». Péguy a bien compris que le socialisme finirait le travail, que ce couple moderniste, soi-disant antagoniste, en réalité complice car de concert progressiste, annihilerait les valeurs traditionnelles des classes populaires, sans lesquelles pourtant ni l'un ni l'autre n'auraient pu prospérer : « Le foyer se confondait encore très souvent avec l'atelier et l'honneur du foyer et l'honneur de l'atelier étaient le même honneur. C'était l'honneur du même lieu… respect des vieillards ; des parents, de la parenté. Un admirable respect des enfants. Naturellement un respect de la femme. Un respect de la famille, un respect du foyer… Un respect de l'outil et de la main, ce suprême outil… Et au fond ils se dégoûtent d'eux-mêmes, d'abîmer les outils. Mais voilà, des messieurs très bien, des savants, des bourgeois, leur ont expliqué que c'était ça le socialisme, et que c'était ça la révolution.»

    Le rapprochement de ces deux textes nous fait toucher du doigt ce qu'un Jean-Claude Michéa ne cesse de rappeler dans chacun de ses livres : l'affaire Dreyfus fut un basculement historique et idéologique. À partir de la défense légitime d'un innocent, les socialistes se sont ralliés à la défense exclusive de la « République » où ils n'ont plus cessé de privilégier l'épanouissement de l'individu, donnant ainsi au marché, au capitalisme - Péguy dit « l'argent » - l'arme absolue pour régner totalement sur la société. D'instinct, Péguy l'a compris. D'où le regard sévère qu'il porte sur les dreyfusards, le respect qu'il manifeste à ses adversaires, et la violence de son désespoir face à l'étiolement de la République. D'où son déchirement intérieur qui explique peut-être qu'il se soit jeté ainsi étourdiment au-devant des mitrailleuses allemandes dès les premiers jours de la guerre… 

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    Péguy, La mystique républicaine. L'Herne. 71 p., 7,50 €.

     

  • Traité transatlantique : le dessous des cartes

     

    L'analyse de Jean-Michel Quatrepoint 

     

    Pour Jean-Michel Quatrepoint, ce traité sert les intérêts des « empires » allemand et américain, qui veulent contenir la Chine, dans la « guerre économique mondialisée ». Et la France dans tout ça ? C'est la question qui est posée. (Retrouvez la première partie de la réflexion de Jean-Michel Quatrepoint, sur les « empires » publiée hier, ici-même). 

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgLe traité transatlantique qui est négocié actuellement par la Commission européenne pourrait consacrer la domination économique des États-Unis sur l'Europe. Pourquoi l'Union européenne n'arrive-t-elle pas à s'imposer face au modèle américain ?

    La construction européenne a commencé à changer de nature avec l'entrée de la Grande-Bretagne, puis avec l'élargissement. On a privilégié la vision libre-échangiste. Libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes. Plus de frontières. Mais en même temps on n'a pas uniformisé les règles fiscales, sociales, etc. Ce fut la course au dumping à l'intérieur même de l'espace européen. C'est ce que les dirigeants français n'ont pas compris. Dès lors qu'on s'élargissait sans cesse, le projet européen a complètement changé de nature. Ce qui n'était pas pour déplaire aux Américains qui n'ont jamais voulu que l'Europe émerge comme une puissance, comme un empire qui puisse les concurrencer. L'Europe réduite à une simple zone de libre-échange, qui se garde bien de défendre des champions industriels européens, les satisfait. Un Airbus leur suffit. Les Américains défendent leurs intérêts, il faut comprendre leur jeu. Ils ont une vision messianique de leur rôle, celle d'apporter la démocratie au monde, notamment à travers les principes du libre-échange.

    Selon vous, le traité transatlantique est aussi pour les États-Unis un moyen d'isoler la Chine. Pouvez-vous nous expliquer la stratégie américaine ?

    La force des États-Unis, c'est d'abord un dynamisme, un optimisme qui leur donne une capacité de rebond extraordinaire. C'est une jeune nation. Ils se sont endormis sur leurs lauriers d'hyperpuissance dans les années 1990 et ont commencé à rencontrer des résistances. Il y a eu le choc du 11 Septembre. Mais Bush s'est focalisé sur l'ennemi islamiste, sans voir que la Chine était pendant ce temps-là en train de monter en puissance. Cette dernière est entrée dans l'OMC quelques jours après le 11 Septembre alors que tout le monde était focalisé sur al-Qaida. Mais quand on analyse les courbes du commerce mondial, c'est édifiant : tout commence à déraper en 2002. Les excédents chinois (et aussi allemands) et les déficits des autres puissances. La Chine est entrée dans l'OMC, car c'était à l'époque l'intérêt des multinationales américaines qui se sont imaginé qu'à terme elles pourraient prendre le marché chinois. Pari perdu : celui-ci est pour l'essentiel réservé aux entreprises chinoises.

    Un protectionnisme qui a fait s'écrouler le rêve d'une Chinamérique…

    La Chinamérique était chimérique, c'était un marché de dupes. Dans ce G2 les Américains voulaient être numéro un. Les Chinois aussi. Les Américains s'en sont rendu compte en 2006, lorsque les Chinois ont rendu public un plan baptisé « National medium and long term program for science and technology development » dans lequel ils affichaient leur ambition d'être à l'horizon 2020 autonomes en matière d'innovation, et en 2050 de devenir le leader mondial : non plus l'usine mais le laboratoire du monde ! Là, les Américains ont commencé à s'inquiéter, car la force de l'Amérique c'est l'innovation, la recherche, l'armée et le dollar. Si vous vous attaquez à la recherche, que vous mettez en place une armée et une marine puissantes et que vous développez une monnaie pour concurrencer le dollar, là vous devenez dangereux. Lorsque les Chinois ont affiché leur volonté de faire du yuan l'autre monnaie internationale pour pouvoir se passer du dollar, notamment dans leurs accords commerciaux bilatéraux, cela a été la goutte d'eau de trop.

    Toute attaque sur le dollar est un casus belli. Lorsqu'ils ont créé l'euro, les Européens ont fait très attention à ne pas en faire une monnaie concurrente du dollar, même si les Français le souhaitaient au fond d'eux-mêmes. Les Américains ont laissé l'Europe se développer à condition qu'elle reste à sa place, c'est-à-dire un cran en dessous, qu'elle reste une Europe atlantiste. Avec une monnaie surévaluée par rapport au dollar. Cela tombe bien puisque l'économie allemande est bâtie autour d'une monnaie forte. Hier le mark, aujourd'hui l'euro.

    Le traité transatlantique peut-il néanmoins être profitable à l'Europe ?

    Les principaux bénéficiaires de ce traité seront les multinationales américaines et l'industrie allemande, notamment automobile. L'Amérique se veut plus que jamais un empire, qui règne à la fois par le commerce, la technologie et la monnaie, mais aussi par l'idéologie.

    D'où les traités transpacifiques et transatlantiques initiés par Hillary Clinton. Celle-ci vise la présidence en 2016. Elle est à la manœuvre depuis 2010 dans une stratégie de containment vis-à-vis de la Chine, mais aussi de la Russie. L'idée est de fédérer les voisins de la Chine et de la Russie, dans une zone de libre-échange et de faire en sorte que les multinationales américaines y trouvent leur compte afin que progressivement le modèle américain s'impose et que les États-Unis redeviennent le centre du monde. C'est pourquoi les États-Unis ont empêché le Japon de se rapprocher de la Chine, la querelle entre les deux pays sur les îles Diaoyu-Senkaku ayant opportunément surgi pour casser toute velléité de rapprochement. Le Japon avec le nouveau premier ministre conservateur Abe est revenu dans le giron de Washington.

    Le principal levier de pression de cette stratégie élaborée par Hillary Clinton est l'énergie. Grâce au gaz et au pétrole de schiste, l'objectif des Américains est de ne plus dépendre des importations pétrolières (et donc de se détacher du bourbier oriental), de donner un avantage compétitif aux entreprises américaines, de rapatrier la pétrochimie sur le sol américain. Les industriels américains ont désormais une énergie beaucoup moins chère que les industriels européens, notamment allemands. L'objectif est de devenir non seulement indépendant, mais aussi exportateur d'hydrocarbures, pour faire en sorte notamment que l'Europe ne soit plus dépendante du gaz russe.

    L'énergie est la clé pour comprendre le traité transatlantique. On donne aux Allemands ce qu'ils veulent, c'est-à-dire la possibilité non seulement de développer leur industrie automobile aux États-Unis, mais aussi d'avoir les mêmes normes des deux côtés de l'Atlantique. Ils pourront produire en zone dollar avec des coûts salariaux inférieurs, des modèles qu'ils pourront vendre en zone euro, voire dans le Pacifique. Cette uniformisation des normes profitera également aux multinationales américaines. Elles sont directement à la manœuvre et participent aux négociations. Leurs objectifs : uniformiser les règles, les normes en les alignant si possible sur le niveau le moins contraignant. Notamment dans la santé, l'agriculture, les industries dites culturelles. Faire en sorte que les Etats ne puissent pas remettre en cause ces normes. Ces traités délèguent en fait une part des souverainetés populaires aux multinationales. Si les Européens acceptent cette sorte de mise sous tutelle, alors les Américains condescendront à nous exporter du gaz et surtout du pétrole de schiste à bon prix. Merkel a un plan : passer de la dépendance au gaz russe à la dépendance au charbon et au gaz américain, tout en ne froissant pas les Russes, qui restent avant tout des clients. À l'opposé de Schröder, elle est américanophile et russophobe.

    Et la France dans tout ça ? Comment peut-elle tirer son épingle du jeu ?

    La France n'a rien à gagner à ce traité transatlantique. On nous explique que ce traité va générer 0,5 point de croissance, mais ces pourcentages ne veulent rien dire. Le problème de la France c'est : comment et où allons-nous créer de l'emploi ? Et pas seulement des emplois de service bas de gamme. Notre seule chance aujourd'hui est de créer des emplois à valeur ajoutée dans le domaine de l'économie numérique, ce que j'appelle « Iconomie », c'est-à-dire la mise en réseau de toutes les activités. L'Allemagne traditionnellement est moins portée sur ces secteurs où la France est relativement en pointe. La France crée beaucoup de start-up, mais dès qu'elles grossissent un peu, elles partent aux États-Unis ou sont rachetées par des multinationales. Il faut que l'on développe nos propres normes. La France doit s'engager dans la révolution numérique. Je suis partisan de doter tous les enfants d'une tablette, ça ne coûte pas plus cher que les livres scolaires, et si on les faisait fabriquer en France (11 millions de tablettes, renouvelées tous les trois ans), cela créerait de l'emploi. Et dans le sillage des tablettes, d'innombrables applications pourraient naitre et se vendre sur le marché mondial.

    Il n'y a pas de raisons de laisser Google et autres Amazon en situation de monopole. La visite de l'Opéra Garnier en live numérique, c'est Google qui l'a faite ! La France avait tout à fait les moyens de le faire ! Si nous n'y prenons pas garde, la France va se faire « googeliser » !

    Il y a un absent dans votre livre: la Russie. Celle-ci, avec Vladimir Poutine, semble pourtant avoir renoué avec le chemin de la puissance…

    Les Américains avaient un plan, il y a 20 ans : démanteler totalement l'URSS, la réduire en de multiples confettis, pour contrôler la Russie et ses matières premières, avec pour ambition de donner l'exploitation des matières premières russes en concession aux multinationales. Si Khodokovski a été victime de la répression poutinienne, c'est bien parce qu'il allait vendre le groupe pétrolier Ioukos aux Anglo-Saxons pour 25 milliards de dollars. Et qu'il pensait s'acheter la présidence de la Russie avec cet argent. Poutine est alors intervenu. À sa manière. Brutalement. Un peu comme en Géorgie hier et en Ukraine aujourd'hui. On peut le comprendre. Il défend ce qu'il considère être les intérêts de son pays. Mais il faut aussi lui faire comprendre qu'il y a des lignes à ne pas franchir.

    Ce pourrait-il qu'elle devienne un quatrième empire ?

    Pour le moment non. Le sous-titre de mon livre c'est: qui dominera l'économie monde? La Russie est un pétro-État, c'est sa force et sa faiblesse. Poutine n'a pas réussi pour le moment à diversifier l'économie russe: c'est la malédiction des pays pétroliers, qui n'arrivent pas à transformer la manne pétrolière en industrie dynamique.  

     

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. il a travaillé entre autres au Monde, à la Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Dans son dernier livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maitres sur la mondialisation : les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne. 

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    Entretien réalisé par Eugénie Bastié et Alexandre Devecchio

     

  • Zone euro : ça chauffe !

     

    Par Ludovic Greiling 

     

    « Cette fois-ci, c’est du sérieux », lançait récemment un gérant. Un échec des négociations sur la dette grecque pourrait entraîner des turbulences financières importantes ainsi qu’un arrêt du projet européen et américain. Passage en revue.

    L’État grec, aujourd’hui, c’est encore une dette publique de 310 milliards d’euros, soit 180% du PIB national et neuf années de rentrées fiscales au niveau actuel. C’est une croissance qui peine à repartir après une chute du PIB de 25% en quatre ans, en raison notamment de l’austérité voulue par les créanciers occidentaux qui ont pris en main la politique grecque : la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et la Commission européenne.

    Depuis plusieurs années, les études des établissements financiers sur le « risque politique » foisonnent, les banquiers étant particulièrement inquiets du résultat des élections pour l’avenir des dettes publiques européennes.

    L’élection d’un mouvement d’extrême-gauche en Grèce en janvier dernier et son alliance avec un petit parti souverainiste pourraient mettre un terme à la progression de l’euro, monnaie « irrévocable » affirmait le président de la BCE il y a trois ans.

    L’euro bute sur la Grèce

    Les négociations sur la dette, sans cesse remise sur le plan de travail depuis six mois, pourraient échouer. Résultat : sur le marché libre, le taux d’intérêt payé par le gouvernement grec pour emprunter à dix ans est remonté à 13% alors même que l’inflation dans le pays a disparu.

    La crainte d’une sortie d’un pays de la zone euro – qui serait une grande première en seize années d’existence – pourrait provoquer une réaction en chaîne, d’autres États pouvant être tenté de reprendre une monnaie nationale.

    Logiquement, les taux d’intérêt sur la dette se sont tendus au Portugal, en Espagne mais aussi en France et en Allemagne ces dernière semaines. Ils restent néanmoins bas eu égard aux taux pratiqués lors de la crise financière de 2012.

    Marginalisation ?

    Pour la Grèce, une devise nationale permettrait de dévaluer sa monnaie vis-à-vis des créanciers, de retrouver une marge de manœuvre souveraine en matière budgétaire, et de protéger de nouveau le marché et l’industrie locale au sein de l’Europe par le biais de taux de change adaptés à sa situation.

    Elle constituerait en revanche un recul dans le « processus politico-stratégique » engagé en Europe* et ferait courir le risque d’une marginalisation commerciale et géopolitique.

    Pour abolir ce risque, le premier ministre grec Aléxis Tsípras a d’ors et déjà tenté un rapprochement avec le président russe Vladimir Poutine et les dirigeants des Brics, dont la banque en cours de constitution pourrait prêter des devises à Athènes.

    En Allemagne, les médias scrutent les rares détails qui ressortent des négociations en cours. Un renflouement d’Athènes serait très mal perçu par l’opinion publique, alors même que les créanciers ont déjà accepté l’annulation de 100 milliards d’euros de dette publique il y a deux ans et qu’une partie des prêts des pays européens – qui détiennent aujourd’hui les deux tiers de la dette grecque – avaient été accordés dans des conditions exceptionnelles (ils n’apporterons un intérêt que dans huit ans).

    Les élections jouent pour beaucoup dans la fermeté actuelle du gouvernement allemand. L’an dernier, le parti anti-euro Alternative für Deutschland avait atteint près de 10% des votants dans plusieurs régions lors d’élections partielles, grignotant des voix à la CDU d’Angela Merkel. 

    * C’est ainsi que l’ancien président de la Banque centrale européenne et actuel président pour l’Europe de la puissante organisation Trilatérale, Jean-Claude Trichet, définissait l’unification européenne en août dernier (entretien dans Le Temps de Genève, 16 août 2014)

      - Politique magazine

     

  • Ernest Renan : « La France est le résultat de la politique capétienne »

     

    « La politique capétienne arrondit ce lambeau incorrect (le domaine royal) et en huit cents ans fit la France comme nous l'entendons, la France qui a créé tout ce dont nous vivons, ce qui nous lie, ce qui est notre raison d'être.

    La France est de la sorte le résultat de la politique capétienne continuée avec une admirable suite. »

     

    Ernest Renan

    Réforme Intellectuelle' et morale de la France (1871)

     

  • L'Europe, empire allemand ? Les analyses de Jean-Michel Quatrepoint*

     

    Nous donnons une fois de plus la parole à Jean-Michel Quatrepoint, parce que ses analyses, données au Figaro, sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Nous n'y ajouterons rien si ce n'est que la question posée en titre ne doit pas être comprise en termes d'hostilité à l'égard de l'Allemagne. La position dominante qu'elle occupe aujourd'hui en Europe est due en grande partie au décrochage de la France... Ajoutons pour finir que nous publierons demain le deuxième volet de cette réflexion : « Traité transatlantique : le dessous des cartes ».   LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgPour le journaliste économiste Jean-Michel Quatrepoint, auteur du Choc des empires, la construction européenne a totalement echappé à la France et se trouve désormais au service des intérêts allemands. Première partie de l'entretien accordé au Figarovox.

    Dans votre livre vous expliquez que le monde se divise désormais en trois empires : les Etats-Unis, la Chine, l'Allemagne. Qu'est-ce qu'un empire ?

    Pour être un empire, il faut d'abord se vivre comme un empire. Ensuite, il faut une langue, une monnaie, une culture. Sans parler des frontières. L'Amérique, c'est Dieu, le dollar et un drapeau. La Chine, c'est une économie capitaliste, une idéologie communiste et une nation chinoise qui a sa revanche à prendre, après l'humiliation subie au XIXème siècle. Quant à l'Allemagne, c'est en empire essentiellement économique. Quand Angela Merkel a été élue en 2005, son objectif premier était de faire de l'Allemagne la puissance dominante en Europe: elle a réussi. Maintenant il s'agit de façonner l'Europe à son image. Mais avec des contradictions internes: pour des motifs historiques bien compréhensibles, Berlin ne veut pas aller jusqu'au bout de la logique de l'empire. Elle n'impose pas l'allemand, et est réticente sur la Défense. Elle veut préserver ses bonnes relations avec ses grands clients: la Chine, les Etats-Unis et la Russie.

    Vous écrivez « L'Union européenne qui n'est pas une nation ne saurait être un empire ».

    C'est tout le problème de l'Europe allemande d'aujourd'hui, qui se refuse à assumer sa dimension d'empire. 28 états sans langue commune, cela ne peut constituer un empire. L'Angleterre ne fait pas partie du noyau dur de la zone euro. Les frontières ne sont pas clairement délimitées: elles ne sont pas les mêmes selon qu'on soit dans l'espace Schengen ou la zone euro. L'Europe est un patchwork et ne peut exister en tant qu'empire, face aux autres empires.

    « L'Allemagne est devenue, presque sans le vouloir, le nouveau maitre de l'Europe », écrivez-vous. Comment se traduit cette domination de l'Allemagne en Europe ? D'où vient-elle ? Sur quels outils s'appuie cette hégémonie ?

    Cette domination vient de ses qualités…et de nos défauts. Mais ce n'est pas la première fois que l'Allemagne domine l'Union européenne. A la fin des années 1980, juste avant la chute du mur, elle avait déjà des excédents commerciaux considérables. La réunification va la ralentir un instant, car il va falloir payer et faire basculer l'outil industriel allemand vers un autre hinterland. La RFA avait un hinterland, c'était l'Allemagne de l'Est: le rideau de fer n'existait pas pour les marchandises. Les sous-ensembles (par exemple les petits moteurs équipant l'électroménager allemand) étaient fabriqués en RDA à très bas coût (il y avait un rapport de 1 à 8 entre l'Ost mark et le Deutsche Mark), puis assemblés en Allemagne de l'Ouest. Avec l'équivalence monétaire décidée par Kohl à la réunification (1 deutsche mark= 1 Ost mark), les Allemands perdent tous ces avantages. Il faut trouver un nouvel hinterland pour retrouver des sous-traitants à bas coût. Ce que l'Allemagne a perdu dans la réunification, elle le retrouvera par l'élargissement de l'UE. Ce sera dans la Mittleuropa, l'espace naturel allemand, reconstitué après l'effondrement du communisme. La Hongrie, la Tchéquie, et même la Pologne: c'est la Germanie, le Saint Empire romain germanique..

    Dans un premier temps ils ont donc implanté des usines modernes dans les pays de l'Est pour fabriquer des sous-ensembles, qui sont assemblés en Allemagne où l'on fabrique un produit fini, que l'on vend avec une kyrielle de services voire avec le financement. La grande force de l'Allemagne c'est d'avoir choisi dans la division internationale du travail un créneau où ils sont quasiment seuls, l'industrie de qualité, principalement automobile (elle leur assure une part très importante de leurs excédents commerciaux).

    Un hinterland permis par l'élargissement, une « deutsche qualität », mais aussi « un euro fort » qui sert les intérêts allemands…

    L'euro c'est le mark. C'était le deal. Les Français ont péché par naïveté et se sont dit: faisons l'euro, pour arrimer l'Allemagne à l'Europe. Les Allemands ont dit oui, à condition que l'on joue les règles allemandes: une banque centrale indépendante (basée à Francfort), avec un conseil des gouverneurs dirigé par des orthodoxes, dont la règle unique est la lutte contre l'inflation, la BCE s'interdisait dès le départ d'avoir les mêmes outils que la FED ou la banque d'Angleterre et depuis peu la Banque du Japon, même si Mario Draghi est en train de faire évoluer les choses. Mais le mal est fait.

    Vous dites que l'Allemagne fonctionne sur une forme de capitalisme bismarckien mercantiliste. Pouvez-vous nous définir les caractéristiques de cet « ordolibéralisme » allemand ?

    L'ordolibéralisme allemand se développe dans l'entre deux guerres et reprend les principes du capitalisme mercantiliste bismarckien. Bimarck favorise le développement d'un capitalisme industriel et introduit les prémices de la cogestion . Il invente la sécurité sociale. Pas par idéal de justice sociale, mais pour que les ouvriers ne soient pas tentés par les sirénes du socialisme et du communisme. C'est la stratégie qu'a déployé l'Occident capitaliste entre 1945 et 1991. Le challenge du communisme a poussé l'Occident à produire et à distribuer plus que le communisme. La protection sociale, les bons salaires, étaient autant de moyens pour éloigner des populations de la tentation de la révolution. Une fois que le concurrence idéologique de l'URSS a disparu, on est tenté de reprendre les avantages acquis… 1 milliard 400 000 chinois jouent plus ou moins le jeu de la mondialisation, la main d'œuvre des pays de l'Est est prête à travailler à bas coût…tout cela pousse au démantèlement du modèle social européen. Les inégalités se creusent à nouveau.

    L'ordolibéralisme se développe avec l'école de Fribourg. Pour ses tenants, l'homme doit être libre de créer , d'entreprendre, de choisir ses clients, les produits qu'il consomme , mais il doit aussi utiliser cette liberté au service du bien commun. l'entreprise a un devoir de responsabilité vis-à-vis des citoyens. C'est un capitalisme organisé, une économie sociale de marché où les responsabilités sont partagées entre l'entreprise, le salarié et l'Etat. Il y a quelque chose de kantien au fond: l'enrichissement sans cause, et illimité n'est pas moral, il faut qu'il y ait limite et partage.

    Le mercantilisme, c'est le développement par l'exportation. Il y a d'un coté les pays déficitaires, comme les Etats-Unis et la France et de l'autre trois grands pays mercantilistes : l'Allemagne, le Japon et la Chine. Ces trois pays sont des pays qui ont freiné leur natalité et qui sont donc vieillissants, qui accumulent donc des excédents commerciaux et des réserves pour le jour où il faudra payer les retraites. L'Amérique et la France sont des pays plus jeunes, logiquement en déficit.

    Les élections européennes approchent et pourraient déboucher pour la première fois dans l'histoire sur un Parlement européen eurosceptique. Comment voyez-vous l'avenir de l'Europe ? Comment sortir de l'Europe allemande ?

    L'Europe est un beau projet qui nous a échappé avec l'élargissement, qui a tué la possibilité même du fédéralisme. On a laissé se développer une technocratie eurocratique, une bureaucratie qui justifie son existence par le contrôle de la réglementation qu'elle édicte.

    Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas avoir une bonne gestion. Il faut absolument réduire nos déficits, non pas pour plaire à Bruxelles ou à Berlin, mais parce que c'est la condition première et nécessaire du retour de notre souveraineté. John Adams, premier vice-président américain disait: « il y a deux manières de conquérir un pays : l'une par l'épée, l'autre par la dette ». Seuls les Américains échappent à la règle, justement parce qu'ils ont une épée tellement puissante qu'ils peuvent se permettre de faire de la dette ! Nous ne pouvons pas nous le permettre. Ce n'est pas une question de solidarité intergénérationnelle, ou de diktat bruxellois. Si notre dette était financée intégralement par l'épargne française, comme c'est le cas des japonais, il y aurait beaucoup moins de problèmes. On aurait dû financer notre dette par des emprunts de très long terme, voire perpétuels, souscrits par les épargnants français.

    A 28 l'Europe fédérale est impossible, de même qu'à 17 ou à 9. Il y a de telles disparités fiscales et sociales que c'est impossible. Je suis pour une Confédération d'Etats-nations, qui mette en œuvre de grands projets à géométrie variable (énergie, infrastructures, métadonnées etc ). Il y a une dyarchie de pouvoirs incompréhensible pour le commun des mortels: entre Van Rompuy et Barroso, entre le Conseil des ministres et les commissaires. Dans l'idéal il faudrait supprimer la commission! Il faut que les petites choses de la vie courante reviennent aux Etats: ce n'est pas la peine de légiférer sur les fromages! Le pouvoir éxécutif doit revenir aux conseils des chefs d'état et aux conseils des ministres, l'administration de Bruxelles étant mise à leur disposition et à celui d'un Parlement dont la moitiée des députés devraient être issus des parlements nationaux. Si l'on veut redonner le gout de l'Europe aux citoyens il faut absolument simplifier les structures.

    Comment fait-on pour réduire la dette avec une monnaie surévaluée ? Faut-il sortir de l'euro ?

    Une dette perpétuelle n'a pas besoin d'être remboursée. Je suis partisan d'emprunts à très long terme, auprès des épargnants français, en leur offrant un taux d'intérêt digne de ce nom.

    Le traité de Maastricht a été une erreur: on a basculé trop vite de la monnaie commune à la monnaie unique. Il n'est pas absurde de prôner le retour à une monnaie commune et à du bimétalisme: un euro comme monnaie internationale et 3 ou 4 euros à l'intérieur de la zone euro. Mais cela nécessite l'accord unanime des pays membres, et c'est une opération très compliquée. Sur le fond, la sortie de l'euro serait l'idéal. Mais il faut être réaliste: nous n'aurons jamais l'accord des Allemands.

    Si nous sortons unilatéralement, d'autres pays nous suivront …

    Pour sortir unilatéralement, il faut être très fort, or notre pays, dans l'état dans lequel il est aujourd'hui, ne peut pas se le permettre. Quand aux autres: Rajoy suivra Merkel, les portugais aussi (ces dirigeants appartenant au PPE), Renzi joue son propre jeu. La France est isolée en Europe. Elle ne peut pas jouer les boutefeux. Hollande et Sarkozy ne se sont pas donné les moyens d'imposer un chantage à l'Allemagne. Il fallait renationaliser la dette, pour ne plus dépendre des marchés et s'attaquer au déficit budgétaire, non pas pour plaire à Merkel, mais pour remettre ce pays en ordre de marche. Sarkozy faisait semblant de former un duo avec la chancelière alors que c'est elle qui était aux commandes. Hollande, lui fuit, et essaye de gagner du temps, deux mois, trois mois. Il cherche l'appui d'Obama nous ramenant aux plus beaux jours de la Quatrième République, à l'époque où on quémandait l'appui des Américains pour exister.

    Comme vous l'expliquez dans votre livre, la France, faute d'industrie, essaie de vendre les droits de l'homme…

    Oui nous avons abandonné le principe de non ingérence en même temps que nous avons laissé en déshérence des pans entiers de notre appareil industriel. Alors que la guerre économique fait rage, que la mondialisation exacerbe les concurrences, nous avons d'un coté obéré notre compétitivité et de l'autre on s'est imaginé que l'on tenait avec les droits de l'homme un « plus produit » comme on dit en marketing. Or ce sont deux choses différentes. Surtout quand il s'agit de vendre dans des pays où les gouvernements exercent une forte influence sur l'économie. Les droits de l'homme ne font pas vendre. C'est malheureux mais c'est ainsi. De plus la France à une vision des droit de l'homme à géométrie variable. Pendant qu'on fait la leçon à Poutine, on déroule le tapis rouge au Qatar où à l'Arabie Saoudite. Avec la Chine on tente de rattraper les choses. Mais les Chinois, contrairement à nous, ont de la mémoire. Savez-vous pourquoi le président chinois lors de sa venue en France s'est d'abord arrêté à la mairie de Lyon avant celle de Paris ? Parce que M Delanoë avait reçu le dalaï-lama, et que les Chinois se souviennent du trajet de la flamme olympique en 2008 dans la capitale. Nous occidentaux, nous n'avons pas de leçons à donner au reste du monde. Les espagnols ont passé au fil de l'épée les Indiens, les Anglais ont mené une guerre de l'opium horriblement humiliante pour les Chinois au XIXème. Arrêtons de vouloir donner des leçons au reste du monde, sinon le reste du monde sera en droit de nous en donner ! 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. il a travaillé entre autres au Monde, à la Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Dans son dernier livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde ? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maitres sur la mondialisation : les Etats-Unis, la Chine et l'Allemagne.  

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    Entretien réalisé par Eugénie Bastié et Alexandre Devecchio

     

  • Retour géopolitique de 25 ans en arrière, avec Thomas Molnar : Déclin de l'empire soviétique

     

    1978112346.jpgC'est un document d'archives exceptionnel que nous vous proposons aujourd'hui, tiré précisément des archives de Lafautearousseau. Il s'agit d'une conférence de Thomas Molnar, donnée à Marseille vers le milieu des années 1980, pour l'Union Royaliste Provençale

    Ce document est exceptionnel d'abord parce qu'il permet de retrouver le penseur puissant que fut Thomas Molnar et le cheminement de ses analyses. A notre connaissance, il existe peu d'enregistrements de lui. Celui-ci est l'un des rares.

    Ce document est aussi exceptionnel par le sujet traité : le déclin de l'empire soviétique. Il en prévoyait la fin prochaine. Nous doutions un peu à cette époque qu'elle fût possible à court ou moyen terme. Elle se produisit quatre ou cinq ans après.

    Enfin, dans cette conférence Molnar donne sur la Russie de toujours, sur la Mitteleuropa, sur la montée de l'Islam, sur les Etats-Unis d'Amérique, l'Allemagne et la France, des aperçus qui valent toujours pour le monde d'aujourd'hui, qui l'expliquent et l'éclairent. LFAR  • 

     

     

    Sur Thomas Molnar l'on pourra lire la très courte notice de Wikipédia. 

    Voir aussi la note que nous lui avions consacrée, l'année de sa mort (2010)

     

  • Laïcité : le renoncement des Québécois ...

     

    Un projet de loi visant à renoncer à l'interdiction du port de signes religieux du secteur public vient d'être déposé au Québec. Pour Mathieu Bock-Côté*, reléguer l'identité nationale dans le domaine privé et réduire la citoyenneté à ses droits relève de l'illusion. On remarquera son coup d'épingle final aux valeurs universalistes ou aux valeurs républicaines, comme on dit en France.  LFAR

     

    834753111.jpgDepuis 2006, avec la crise des accommodements raisonnables, la question du multiculturalisme s'est invitée au cœur de la politique québécoise et cela, de nombreuses manières. À travers elle, on se demande de quelle manière assurer la meilleure intégration possible des immigrés. La société d'accueil est-elle en droit d'imposer ses références historiques et identitaires à la manière d'une culture de convergence? Encore doit-elle, pour cela, assumer cette identité et ne pas la réduire à un catalogue de valeurs universelles. Ou doit-elle plutôt considérer l'identité de la nation d'accueil comme une identité parmi d'autres, pour éviter de discriminer celle des immigrés ?

    Le précédent gouvernement, celui du Parti Québécois (2012-2014) était de la première école et entendait, avec son projet de Charte des valeurs québécoises, définir un cadre d'intégration reposant sur la valorisation de la laïcité. Mais il ne s'agissait pas d'une laïcité abstraite, désincarnée. À travers sa défense de l'égalité entre les hommes et les femmes, elle s'accompagnait d'une défense des mœurs de la société d'accueil et cherchait, avec plus ou moins de succès, à traduire politiquement le principe suivant: à Rome, fais comme les Romains. Elle reconnaissait aussi le patrimoine historique et religieux particulier du Québec, marqué en profondeur par le catholicisme. La laïcité était considérée comme un outil pour favoriser l'intégration des immigrés à l'identité québécoise.

    La proposition péquiste recevait un appui majoritaire de la population, mais s'est vue sévèrement attaquée par la presque totalité des commentateurs, ralliée à une version ou une autre de l'idéologie multiculturaliste, et convaincue qu'on ne saurait s'en éloigner sans heurter et transgresser les droits de l'homme. Il ne serait plus légitime, dans une société pluraliste et évoluée, d'imposer quelque norme substantielle que ce soit. Si un gouvernement s'y engage néanmoins, on pourra l'accuser de pratiquer la tyrannie de la majorité et de nous faire régresser vers les heures les plus sombres de l'histoire. La démocratie contemporaine reposerait en fait sur la neutralisation de la nation et la déconstruction de tous ses privilèges illégitimes.

    Le gouvernement libéral de Philippe Couillard, élu en avril 2014, est ouvertement partisan du multiculturalisme et entend trouver la solution la moins contraignante possible à la crise de l'intégration. Faut-il permettre aux employés de l'État de porter le tchador? C'est à cette question qu'a cru devoir répondre positivement le gouvernement québécois cette semaine en présentant un projet de loi visant à encadrer de la manière la plus minimaliste qui soit les accommodements raisonnables et autres revendications ethnoreligieuses provenant plus souvent qu'autrement des communautés issues de l'immigration. Le premier ministre Couillard l'a dit: pour peu que les services publics soient offerts et demandés à visage découvert, il sera satisfait. On ne dira certainement plus qu'à Rome, on fait comme les Romains, mais qu'ici, tout est permis.

    Mais une société peut-elle n'être qu'un rassemblement d'individus atomisés seulement reliés par les droits qu'ils se reconnaissent entre eux? Une des grandes illusions de la philosophie libérale consiste à croire que la question du sens, dans le monde moderne, est appelée à se résoudre d'elle-même, en se privatisant. Tout comme la religion a été progressivement reléguée dans le domaine privé, l'identité nationale serait aussi appelée à l'être dans les décennies à venir, et les pouvoirs publics auraient simplement pour vocation d'encadrer le «vivre-ensemble» en balisant les libertés de chacun. Il n'y aurait plus de culture commune, seulement des règles partagées que les tribunaux devront faire respecter.

    Mais le libéralisme ne parvient jamais vraiment à assécher définitivement les passions politiques et à convaincre l'individu d'évoluer seulement dans le domaine privé. Car ce dernier ressent un besoin intime d'appartenance à sa collectivité. L'anthropologie des Anciens nous apprend ici une leçon qui échappe aux modernes: l'homme est un animal politique et désire s'inscrire dans la cité autrement que par un simple lien formel, administratif. Le cœur de l'homme est bouillant et il veut s'identifier existentiellement au monde dans lequel il évolue. Une cité n'est pas une construction purement artificielle, elle s'ancre dans l'histoire, elle est investie de sentiments fondamentaux inscrits dans la nature humaine et qu'elle doit canaliser politiquement.

    Lorsqu'on censure cette part de l'homme, inévitablement, elle finit par resurgir. C'est vrai dans toutes les sociétés occidentales. On aura beau vouloir dépolitiser l'identité collective et se contenter d'une forme de citoyenneté strictement réduite aux droits qu'elle offre et garantit à chacun, un pays n'est pas une page blanche non plus qu'un territoire sans profondeur historique. Et on ne saurait non plus réduire le politique au droit. L'immigration massive qui bouleverse les sociétés occidentales les force à redécouvrir leur propre identité historique et à sortir de l'illusion moderniste qui les poussait à se définir seulement par des valeurs universalistes - ou des valeurs républicaines, comme on dit en France. 

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

     

    Mathieu Bock-Côté FIGAROVOX

     

  • GRECE : L’oiseau de Minerve a les ailes lourdes, par Par Alain Pélops*

     

    Excellent synthèse de la question grecque, traitée avec bon sens ce qui est rarement le cas.

      La chouette, emblème de la capitale grecque, perchée sur l’épaule de Minerve, figure sur le tétra drachme et sur la pièce frappée par l’État grec depuis son entrée dans la zone euro ; trois mille ans les séparent.

    Capable de voir dans l’obscurité, elle symbolise la sagesse. Hegel rappelle cependant qu’elle prend son envol au crépuscule, quand le soleil se couche, que les passions s’apaisent et qu’il est trop tard pour agir.

    Que comprendre de la crise qui fait la première page des journaux ? Et quelle attitude adopter avant qu’il ne soit trop tard ?

    De fait, un hebdomadaire britannique (réputé pour son sérieux) caricature en couverture le divorce entre l’Union européenne et la Grèce, représentant Madame Merkel et Monsieur Tsipras debout côte à côte au bord du gouffre.

    Concomitamment, le gouverneur de la Banque Centrale de Grèce exprime la crainte que, dut-elle sortir de la zone Euro, la Grèce redevienne « un petit pays pauvre du sud de l’Europe ». Or cela elle est, a été, et risque de rester. L’erreur, partagée par les Européens et les Grecs, a été de la prendre pour autre chose. L’illusion n’a tenu que le temps des crédits.

    On s’efforce de poser la Grèce en pays capable de se comporter comme l’Allemagne (en adulte, demande Madame Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international), or la Grèce n’a rien à voir avec l’Allemagne ; c’est un petit pays pauvre du sud de l’Europe du Sud et la crise n’a rien arrangé.

    Faute de lucidité, de sang-froid, de générosité, de sagesse en un mot, l’Union européenne n’est-elle pas sur le point de manquer une occasion de légitimer son existence?

    Quel est le constat ? Les Grecs n’ont pas les moyens de rembourser leur dette. Dette d’ailleurs transférée au cours des années à la Banque centrale Européenne ou au Fonds monétaire international, mieux à même de supporter un défaut. L’euro, monnaie forte, n’est pas adaptée à l’économie du pays. Le régime d’austérité a abaissé de 15% le coût de la main d’œuvre mais n’a pas ramené la compétitivité. Le chômage de masse qui en a résulté est en train de détruire la société. Le produit intérieur brut continue de se dégrader tandis que l’activité économique repart dans les autres pays de la zone euro. Pourtant les Grecs restent en majorité attachés à la sécurité qu’elle semble offrir.

    Plutôt que de représenter Madame Merkel et Monsieur Tsipras côte à côte, comme un couple de tailles égales, il faut cesser de supposer à la Grèce des moyens qu’elle n’a pas. Admettre que si elle a eu tort de vouloir entrer dans la zone euro, d’autres ont eu tort d’accepter, les uns par orgueil (les Grecs), les autres par légèreté ou intérêt (les pays du nord du l’Europe). Monsieur Varoufakis, ministre des finances grec et professeur d’économie à Londres, rappelle sans ménagement que les dettes des uns sont les créances des autres qui se trouvent être également les exportateurs à l’origine des déficits. Il demande que les pertes soient partagées.

    La Grèce sert aussi de repoussoir aux pays de la zone Euro qui auraient des velléités de sortie, une solution adaptée à son cas risquant d’être réclamée par d’autres.

    Les Grecs retirent leurs dépôts des banques locales. Les armateurs, principaux industriels de la région, ont compris depuis longtemps le terme « off shore ».

    On n’était pas sûr que les banques ouvrent après le week-end.

    Il faut se montrer solidaires des Européens que sont les Grecs, avoir à leur endroit l’attitude de l’Allemagne vis-à-vis de ses concitoyens de l’Est. Ou faire le constat que la zone euro n’est viable que pour les semblables de l’Allemagne, c’est-à-dire pas grand monde, et en tirer les conséquences. 

      - Politique magazine

     

  • Marion Maréchal-Le Pen sur BFM TV : « Pour moi, la République ne prime pas sur la France »

     

    Dans la revue Charles, Marion Maréchal-Le Pen a critiqué « la tendance de notre classe politique qui voudrait que la République efface la France. Mais la France n'est pas que la République », a-t-elle soutenu. Et de poursuivre : « C'est un régime politique, et il y a des monarchies qui sont plus démocratiques que certaines républiques. Je ne comprends pas cette obsession pour la République. Pour moi, la République ne prime pas sur la France ».

    Ce discours-là nous paraît valoir mieux que celui qui consiste à se vouloir et se proclamer plus républicains que les républicains. Il pourrait même fonder, selon nous, la stratégie d'un parti politique qui, sans être antirépublicain, ce qui lui serait impossible, relativiserait le régime et placerait la France très au dessus. Il s'agirait d'un parti politique dont l'objectif serait une restauration de la France en profondeur. LFAR  •   

     

  • Le site de Politique magazine ... ! A lire ! A consulter régulièrement, à faire connaître ...

    Couverture du numéro de juin de Politique magazine

     

    Nous rappelons la mise en ligne il n'y a pas encore un an du site de Politique magazine.

    Ce site - qui correspond parfaitement à ce que doit être la présence sur le Net d'un mensuel de la qualité de Politique magazine - vit, se développe et se renouvelle rapidement. Il s'agit là de toute évidence,  de la réalisation d'une véritable équipe, large, jeune, intelligente et dynamique qui donne à réfléchir sur la politique, l'économie, les idées, l'art et la culture, les faits de civilisation. Bref, il en résulte un site que l'on trouve plaisir et intérêt à consulter régulièrement. Nous lui empruntons souvent ses articles qui nous ont le plus retenus.   

    Politique magazine l'a présenté dans les termes reproduits ci-dessous. 

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    www.politiquemagazine.fr

    Découvrez le site de Politique magazine, mensuel de référence de l’actualité politique depuis plus de 10 ans.

    Fier du succès de son site actuel, Politique magazine entend donner un élan plus puissant à la diffusion de ses idées. Son objectif est clair : faire entendre une voix discordante dans le paysage médiatique monocorde d’aujourd’hui. Au cœur de sa réflexion, la question de la légitimité républicaine. Elle se pose, gravement, face à la succession des échecs des différents gouvernements.

    Pensé pour la commodité et l’agrément de ses lecteurs, vous retrouverez sur ce nouveau site :

    Une information régulièrement mise à jour, autour de trois axes principaux :  

    « Le meilleur des mondes », où figurent des articles sans concession centrés sur l’actualité politique, sociale et économique ;

    « Idées » où sont rassemblés les textes les plus représentatifs de Politique magazine, qui pense que la politique, au sens vrai du terme, fait la sagesse des gouvernements ;

    « Civilisation » où se retrouvent des critiques et commentaires de l’actualité culturelle. 

    L’ensemble des articles publiés dans Politique magazine, accessibles gratuitement pour tous les abonnés grâce à un identifiant et un mot de passe personnel.

    - La liberté d’organiser votre lecture. En cliquant sur les « tags » (thèmes sur fond rouge sous chaque titre d’article), vous obtenez en un instant tous les articles autour d’un même sujet !

    - La possibilité de vous exprimer en laissant des commentaires sous chaque article.

    - La possibilité de passer des annonces et des publicités sur les pages du site.

    Pour tout renseignement sur les nouvelles possibilités du site de Politique magazine, écrivez-nous à cette adresse contact@politiquemagazine.fr ou appelez au 01 42 57 43 22.  u 

  • IMMIGRATION • Thierry Baudet : « nos sociétés ont atteint un point de rupture »

     

    Le ministre de l'Intérieur a proposé mercredi dernier un plan pour faire face à la crise migratoire après avoir refusé l'entrée sur le territoire français de 200 clandestins. Pour Thierry Baudet, il faut une politique d'asile basée sur le modèle australien. Hollandais, Thierry Baudet, chef de file du courant néo-conservateur néerlandais, enseigne le droit public à l'Université de Leyde. Il vient de publier « Indispensables frontières. Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie » aux éditions du Toucan. Il est également très écouté en France. On lira plus loin l'entretien qu'il a donné au Figaro, le 17 juin, entretien dont nous ne pouvons qu'approuver les grandes lignes, fortes et intéressantes. Quant à son objectif de « maintenir la démocratie » et la sauver de la « destruction », nous nous déclarerons d'accord si l'on désigne par là la souveraineté des Etats et la prise en compte des aspirations des peuples, les unes et les autres menacées, en effet, par l'idéologie européiste et mondialiste. S'il s'agit de la démocratie idéologique à la française, du régime des partis, du règne imposé de la doxa politico-médiatique, de ce qu'en bref nous nommons le Système, alors, nous dirons très simplement que nous ne pleurerions pas sa disparition. Si elle devait intervenir, nous dirions, comme Houellebecq, que nous n'aurions rien à regretterLFAR   

     

    Thierry-Baudet.pngDepuis jeudi, de 200 à 250 migrants souhaitant entrer en France en sont empêchés par un cordon de gendarmes français qui leur barre la route. Que révèlent l'afflux de clandestins et les difficultés des pouvoirs publics à faire face à cette situation ?

    Cela montre que les frontières ouvertes ne sont plus tenables. Pour la seule année dernière, environ 170.000 personnes originaires d'Afrique du Nord sont arrivées illégalement sur les côtes de Lampedusa. Seules 70.000 d'entre elles ont demandé l'asile en Italie -les autres se déplaçant via Catane et Milan vers le reste de l'Europe. En l'absence de contrôles aux frontières, rien ne peut les arrêter. L'énorme flux d'immigrants illégaux et l'incapacité italienne à les retenir rendent impossible pour le reste de l'Europe l'absence des contrôles aux frontières.

    Nous devons réaliser que la seule solution soutenable est d'adopter le modèle australien: aucun statut de réfugié ne peut être accordé à ceux qui arrivent de façon illégale par la mer. Nous devrions adopter une politique d'asile sur la base de notre propre invitation, pas en fonction des entrées. Cela restaurera notre autonomie, fera cesser l'industrie de la “traite des réfugiés” et permettra d'éviter à ces nouveaux boat-people de perdre la vie dans des taversées hautement périlleuses. C'est seulement en adoptant une politique de ce type que nous pourrons arrêter le flot actuel.

    Dans votre livre, Indispensables frontières, vous incriminez l'Europe et l'espace Schengen. Mais étant donné l'ampleur du problème, l'Europe n'est-elle pas seule à pouvoir y répondre ?

    Tout d'abord: il est essentiel de faire la distinction entre «l'Europe» et l'«UE». L'UE n'est pas «l'Europe» et se considérer comme «européen» ou même «pro-Europe» ne signifie pas être pro-UE. À mon avis, il est même impossible d'être à la fois pour l'Europe et pour l'UE qui est une organisation profondément anti-européenne, hostile à toutes les caractéristiques essentielles de notre continent que sont la démocratie, l'identité nationale, la libre entreprise, la transparence, la reddition de comptes. Confondre l'un (l'Europe ) avec l'autre (UE) est donc une grande erreur intellectuelle.

    Retour à votre question. Non, je ne pense pas que l'UE est «la seule» chose qui peut «répondre» au problème actuel. Au contraire, l'UE est même la cause du problème. Pour commencer, les accords de Schengen, on le voit, empêchent les États membres de prendre les mesures nécessaires pour faire face aux conséquences les plus immédiates de la situation actuelle et le nombre d'immigrants illégaux qui passent à travers nos frontières est de plus en plus massif. Deuxièmement, la Cour européenne des droits de l'homme, par le biais des règles de Dublin (et des décisions connexes), oblige les États membres à étudier toutes les demandes d'asile. Cela n'a pas manqué de créer un effet d'appel dans les pays d'émigration. Troisièmement, l'UE cherche jalousement à être le seul pilote de toutes les initiatives militaires visant à neutraliser les passeurs alors que, de toute évidence, elle manque à la fois de la capacité et de la légitimité pour une telle action. L'UE empêche ainsi les États de répondre de manière adéquate et résolue.

    Vous écrivez, « En raison de l'immigration de masse et des aspirations politiques naturelles des musulmans devenus très nombreux, nous prenons le risque d'un retour à l'état de guerre civile paneuropéenne ». N'est-ce pas un peu exagéré ?

    Non, le risque est réel. Il ya des limites à ce que les sociétés peuvent absorber. Assez tristement, l'«intégration» est en grande partie un mythe, une notion dont tout le monde parle, mais qui ne se produit plus dans la réalité, du moins pas en masse. Beaucoup d'immigrants de deuxième et de troisième génération se sentent encore moins attachés aux pays qui les ont accueillis et nourris que leurs parents ou grands-parents. Les taux de criminalité sont scandaleusement élevés parmi ces groupes, le succès scolaire très faible et la dépendance aux transferts sociaux disproportionnellement importante. L'islam est en progression, l'antisémitisme et l'anti-occidentalisme aussi.

    Nous sommes dans un conflit de basse intensité permanente. Les élites peuvent encore largement échapper aux conséquences de leurs politiques (des flux entrants massifs d'immigrés extra-européens au coeur des communautés qu'ils étaient censés de protéger) en vivant dans les quartiers huppés, en envoyant leurs enfants dans des écoles protégées tout en jouissant de leur retraite dans des résidences privées. Dans les années à venir, on observera inéluctablement plus de polarisation, plus de méfiance, plus d'animosité. Violence et terrorisme auront une incidence sur toutes les couches de la société. La stabilité est l'illusion de tous les âges, et pour des raisons évidentes, nous préférons tous être optimistes, croire qu'in fine le mode de vie libéral, chrétien (ou post-chrétien) prévaudra, que les nouveaux arrivants seront simplement assimilés et que tout ira bien. Mais en réalité, nos sociétés ont atteint un point de rupture.

    Nous vivons dans un apartheid de facto. Les populations autochtones prétendent ne pas voir, ou même apprécier, la dilution de leur culture nationale; elles font semblant de ne pas voir, ou d'apprécier, la transformation de leurs rues, les mosquées qui surgissent, les écoles, les hôpitaux et les systèmes sociaux qui s'effondrent. Mais, pour l'essentiel, cette «tolérance» indigène est un énorme mensonge comme l'est désormais l'«intégration» supposée des immigrants. Et en attendant , les gens votent avec leurs pieds.

    Nous assistons à un grand spectacle théâtral et plus vite qu'on ne le croit, le rideau va tomber. Quand cela arrivera, les choses deviendront très rudes et désagréables. Voilà ce que la gauche a favorisé dans nos pays, accéléré par l'UE et ses frontières grandes ouvertes. Cela doit cesser de toute urgence si nous voulons maintenir la paix sociale, la démocratie et la primauté du droit.   

    Alexandre Devecchio  - Le Figaro

     

  • Actualiser la programmation militaire, par Mathieu Épinay

     

    Une remarquable note au contenu technique pour ceux qui suivent les questions de Défense. Elle a aussi le mérite - dans son premier paragraphe - de signaler et rappeler les régions où la dangerosité multiforme du monde - jamais disparue - s'est accrue. Elle nous impose de maintenir, moderniser, renforcer l'ensemble de nos forces armées, qu'il s'agisse d'assurer la sécurité intérieure du territoire, notre capacité d'intervention extérieure, comme notre force de frappe nucléaire. Aucun des risques auxquels nos armées sont destinées à faire face n'est aujourd'hui écarté - même si l'urgence de notre sécurité intérieure apparaît aujourd'hui avec le plus d'évidence. LFAR  

     

    Surchauffe sur terre, sur mer, dans le ciel, au Mali et en Irak, du détroit de Bab el Mandeb au canal du Mozambique ou au golfe de Guinée, au dessus des pays Baltes, aux portes de l’Ukraine ou de la Syrie, au large de la Libye et de Lampedusa et jusqu’au cœur de Paris : nos forces entrent dans une nouvelle période de forte activité.

    Les succès à l’export de notre industrie de défense ajoutent une pression supplémentaire: nos militaires sont évidemment sollicités, c’est la règle, pour la formation des clients sur les Rafale, frégates, systèmes terrestres vendus aux Egyptiens, Qataris, Saoudiens ou Libanais…

    Cette situation n’est probablement pas étrangère à la prise de conscience du gouvernement qui, pour financer notre défense, renonce aux chimères des « société de projet » (montage financier confinant à la cavalerie) et aux hypothèques des ventes d’immeubles ou de fréquence hertziennes pour des crédits budgétaires en bonne et due forme.

    Après 2 ans d’exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, il prépare donc un projet d’actualisation qui octroie pour les 4 ans restants 3,8 milliards supplémentaires, ce qui n’est pas mince pour un budget annuel de 31 milliards. Par ailleurs la moindre progression des indices économiques permet à l’inspection générale des finances et au contrôle général des armées, dans une étude conjointe, d’identifier 1 autre milliard sur la renégociation des coûts d’équipements. Total 4,8 milliards.

    Le projet de loi en affecte 2,8 à la masse salariale pour maintenir 18500 postes qu’il était naguère prévu de supprimer: 11000 seront rendus à l’armée de terre; elle peut ainsi poursuivre une mission de « gardiennage des lieux de cultes » qui fait débat : le premier ministre a demandé une étude sur l’opportunité de cet emploi en supplétif des forces de sécurité. 2500 autres postes seront rendus ailleurs. Quant aux 5000 restants, ça tombe bien, on n’avait pas encore réussi à les identifier.

    2 milliards seront affectés à l’équipement. L’armée de terre gagne ainsi 7 hélicoptères Tigre et 6 hélicoptères de transport NH 90 pour renforcer un parc très sollicité par les sables du désert et les élongations d’un théâtre africain plus vaste que l’Europe. L’armée de l’air devrait étoffer sa flotte de 14 transport tactiques américains Hercule: Il s’agit de palier les retards et déboires de l’Airbus militaire A400: ses performances exceptionnelles génèrent des turbulences de sillage exceptionnelles …qui interdisent le ravitaillement en vol des hélicoptères alors que cela faciliterait bien les opérations africaines. Des C130 Hercule, plus légers, achetés d’occasion avec des nacelles de ravitaillement en vol feront donc le travail.

    Les prochaines livraisons de Rafale iront à l’exportation, conformément aux espérances, l’armée de l’air n’en prendra que 26 sur les 66 prévus par l’industriel sur la LPM. En 2018 ils viendront armer le deuxième escadron des forces stratégiques à Istres, remplaçant ainsi les derniers Mirage 2000N. 

     - Politique magazine