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  • Nouvelle-Calédonie : le sursis ?, par François Marcilhac.

    Referendum en Nouvelle-Calédonie le 4 octobre 2020

    La Nouvelle-Calédonie est officiellement entrée, le 4 octobre, dans sa dernière ligne droite vers l’indépendance ou le maintien dans la France. Mais il n’est pas certain qu’un troisième référendum soit aussi déterminant que les textes le prévoient.

    françois marcilhac.jpgCertes, tous ceux qui sont attachés à l’unité nationale ne peuvent qu’être heureux du nouveau «non» que les Néo-Calédoniens ont opposé à l’indépendance, ce 4 octobre. C’était la deuxième fois en 23 mois que, en présence d’observateurs de l’ONU (comme si la France n’était pas un Etat de droit !) ils devaient répondre à la question : «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?» En effet, sur le modèle européen – on fait voter les peuples jusqu’à temps qu’ils donnent la «bonne» réponse –, ils avaient déjà dû se rendre aux urnes une première fois le 4 novembre 2018. Une deuxième fois donc, les Néo-Calédoniens ont choisi de rester français. Mais leur vote n’est pas définitif : car l’accord de Nouméa de 1998 prévoit, en cas d’un deuxième non – le «oui», lui, aurait été définitif dès la première fois –, la possibilité d’un troisième référendum, toujours dans les 24 mois.

    La possibilité ; et non l’obligation. Toutefois, comment les indépendantistes n’en formuleraient-ils pas l’exigence – un tiers du Congrès suffit – quand leur défaite de dimanche dernier a un avant-goût de victoire ? Car ce deuxième référendum n’a fait qu’aggraver le diagnostic qu’il avait été possible de faire dès le premier référendum : loin d’être massif, le «non» de 2018 (56,67%) a même tendance à s’éroder : le 4 octobre, les Néo-Calédoniens n’étaient plus que 53,26% à refuser l’indépendance : une baisse de 3,41%, qui serait suffisante, si elle se poursuivait simplement, à faire basculer en 2022 l’archipel dans une «pleine souveraineté», dont les indépendantistes eux-mêmes savent qu’elle serait synonyme d’aventure.

    Il faut revenir aux accords de Matignon-Oudinot signés en 1988. Depuis plusieurs années déjà, les indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) fondé en 1984, mènent des actions violentes, notamment contre les Caldoches : le cycle provocation-répression s’enclenche, avec son lot de morts. Si bien qu’en 1987, se déroule un premier référendum d’autodétermination, qui donne 98,3% de voix favorables au maintien dans la République française. Mais les indépendantistes avaient boycotté le scrutin, contestant la composition du corps électoral, qui faisait à leurs yeux une part trop belle aux non-Canaques. Pourtant, une durée minimale de trois années de résidence avait été adoptée. Bien que déjà exorbitante du droit commun, cette disposition avait été jugée insuffisante aux yeux des indépendantistes.

    Refusant de reconnaître le résultat d’un scrutin auquel ils avaient décidé de ne pas participer, les indépendantistes, dirigés par Jean-Marie Tjibaou, continuent de mener des actions violentes, dont la plus mémorable, et la plus sanglante, reste la prise d’otages d’Ouvéa. Fin avril 1988, entre les deux tours de l'élection présidentielle, des gendarmes étaient pris en otages dans une grotte sur l’île d'Ouvéa. Le 5 mai, l’assaut était lancé : l’épisode fait en tout vingt-six morts, quatre gendarmes, deux militaires et dix-neuf indépendantistes. Un point de non-retour semble atteint, d’autant que François Mitterrand, en pleine réélection, ne soutient pas le camp loyaliste. Aussi est-ce dans l’urgence que le 26 juin 1988, à l’hôtel Matignon, sont signés des accords entre indépendantistes et loyalistes, sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard, qui prévoient un délai de dix ans avant un nouveau référendum d’autodétermination et instaurent un statut transitoire. Cette période est censée permettre la réconciliation des différentes communautés et, surtout, un essor économique comme préalable à toute perspective réelle d’indépendance. Toutefois, ce laps de temps étant jugé insuffisant, en 1998, sous l’égide de Lionel Jospin alors premier ministre de Jacques Chirac – cohabitation oblige –, est signé à Nouméa un nouvel accord, qui non seulement assure le transfert de nouvelles compétences du gouvernement central à l’archipel mais, surtout, prévoit une succession de trois référendums en cas de vote négatif pour les deux premiers. Enfin, par ces accords les indépendantistes obtiennent ce qu’ils n’avaient pas obtenu en 1987 : grâce à la création d’une citoyenneté néo-calédonienne, un corps électoral idoine, contraire aux «valeurs de la République». Il a pour cela fallu adopter une nouvelle loi constitutionnelle (l’article 77) qui, dérogeant de fait au fameux «bloc de constitutionnalité» en établissant un corps électoral spécifique pour les référendums d’autodétermination, instaure en quelque sorte au profit d’une communauté, celle des Canaques, alors même que la République n’est censée reconnaître que des individus, un apartheid à caractère ethnique entre les différents citoyens résidant sur l’archipel. Il existe en effet trois listes électorales en Nouvelle-Calédonie : une liste électorale générale pour voter aux scrutins nationaux, une liste spéciale, déjà plus restreinte, pour les élections provinciales, et une liste encore plus restreinte, pour les référendums d’autodétermination. Il est clair que, la démographie aidant, cette mesure était destinée à favoriser le vote indépendantiste au détriment du vote loyaliste. Et à conduire mécaniquement à la «pleine souveraineté» de l’archipel en privant des Néo-Calédoniens, pourtant installés depuis plus de trente ans en Nouvelle-Calédonie mais non natifs et leurs enfants nés là-bas, devenus majeurs, d’une grande partie de leurs droits civiques. Ils n’auront pas leur mot à dire sur l’avenir d’un archipel auquel ils ont pourtant lié leur sort.

    S’il l’on ajoute à cela un devoir de la part du Gouvernement, bien naturel d’impartialité, mais que celui-ci confond avec un devoir de retrait, et une campagne électorale marquée par l’agressivité du clan indépendantiste, on comprend l’érosion du «non». Est-il normal que, sous couvert de neutralité, un chef d’État, un chef de gouvernement, à la veille d’un référendum d’autodétermination, n’expriment pas aux concernés leur souhait de les voir rester des compatriotes ? Macron et Castex ont répondu par l’affirmative... en restant silencieux avant le scrutin.

    C’est que les gouvernements français successifs, depuis le début de cette affaire sont tombés, par mauvaise conscience occidentale de façon générale, et militantisme idéologique du côté de la gauche, dans le piège du FLNKS, en adoptant un logiciel décolonial éculé, que le président Macron, passant de sa «fierté», devant les résultats de 2018, à son «humilité» devant ceux de dimanche dernier, a confirmé, en déclarant dans son allocution de ce même dimanche 4 octobre : «Nous regardons en face notre histoire en Nouvelle-Calédonie, qui est une histoire coloniale.» Comme si le statut de la Nouvelle-Calédonie, et celui des Canaques n’avaient pas bougé depuis 1858, date de notre arrivée. Comme si les Néo-Calédoniens, de quelque origine qu’ils soient, n’élisaient pas des députés à l’Assemblée nationale au même titre que leurs compatriotes ultramarins et métropolitains ! Comme si la Nouvelle-Calédonie, territoire jouissant d’une autonomie partielle, ne disposait pas de compétences que bien des territoires métropolitains envieraient !

    Ce logiciel n’a pu évidemment que nourrir, contre le «colonisateur» caldoche, voire «blanc», même si les communautés sont nombreuses en Nouvelle-Calédonie et d’origines très diverses, le manichéisme d’une jeunesse canaque élevée dans un triple ressentiment historique, ethnique et social.

    Certes, les temps ont changé et les deux puissances anglo-saxonnes voisines, que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande, n’appuient plus l’indépendance avec autant de morgue que sous Mitterrand ou Chirac, jouant de la mauvaise conscience post-coloniale du gouvernement français, empêtré, de plus, dans l’affaire du Rainbow Warrior (1985). Sur France-Culture, le 5 octobre, l’anthropologue Alban Bensa, pro-indépendantiste, note : «Le peuple kanak est un petit peuple, de civilisation mélanésienne, et il aurait pu ou même aurait dû disparaître. Mais il se trouve que ça n'a pas été le cas.»  Il n’en donne pas la raison : c’est que, sans dissimuler les injustices et spoliations réelles subies par les autochtones, les Français n’ont précisément pas pratiqué la même politique que, surtout, les Australiens envers les leurs. Les autochtones de ceux qui donnaient des leçons à la France, qu’elle recevait avec masochisme, ont eux, disparu, ou sont aujourd’hui parqués. Surtout, la situation géopolitique a changé et ce n’est pas pour rien que Macron a rappelé, dans son intervention de dimanche, le défi indo-pacifique qu’il conviendrait, quelle que soit la décision finale des Néo-Calédoniens, de relever ensemble, à côté du développement économique et du défi climatique. On envisage aussi à Paris, en cas d’indépendance, la signature d’un partenariat militaire avec le nouvel Etat. C’est que l’impérialisme chinois est devenu menaçant dans la région, aux plans non seulement économique, mais aussi militaire : il pourrait tout d’abord en cas d’indépendance, prendre la forme d’une aide au développement, complétant celle de Paris, l’empire du Milieu étant attiré à la fois par la richesse en minerai, notamment en nickel (90% des exportations, un quart des ressources mondiales) de l’archipel, et par sa situation géopolitique. Il pourrait aussi prendre la forme d’un base militaire chinoise... installée à 2 300 kilomètres de la Nouvelle-Zélande et à 3 300 de l’Australie : une perspective qui fait certainement davantage peur à Canberra et à Wellington qu’aux indépendantistes. En effet, comme l’a déclaré récemment le leader indépendantiste Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie : «Nous n’avons pas peur de la Chine. C’est la France, pas elle, qui nous a colonisés. Elle ne nous gêne pas outre-mesure. Jean-Marie Tjibaou disait il y a trente ans que l’indépendance, c’est gérer les interdépendances. Nous ne nous tournons pas que vers l’Europe, elle est loin d’ici, on ne va pas faire aujourd’hui comme si la Chine n’existait pas» (Le Monde du 2 octobre 2020). Une Chine déjà bien présente sur l’archipel de Vanuatu (ex-Nouvelles Hébrides, devenues indépendantes en 1980), à 500 kilomètres de Nouméa…

    En décidant de «laisser du temps au temps», Mitterrand-Rocard, puis Chirac-Jospin n’ont pas rendu service à la Nouvelle-Calédonie : ils ont bloqué durant trente ans l’évolution de l’archipel sans réussir à ressouder les communautés qui la composent. Au contraire, les référendums successifs, en rendant incertain l’avenir, figent les fractures, voire les aggravent comme l’a montré le durcissement de la deuxième campagne référendaire. Or ces fractures sont à la fois ethniques, historiques et géographiques : la province sud, à majorité non canaque (ce qui ne signifie pas caldoche !), la plus riche aussi, a voté à plus de 70% contre l’indépendance, tandis que la province nord et celle des îles Loyauté, à forte majorité canaque, ont voté respectivement à plus de 78% et de 84% pour le oui. Tout devient donc possible, le pire n’étant jamais certain, bien sûr.

    En accréditant, par idéologie ou par manque de courage, un discours décolonial qu’il fallait au contraire dépasser par une forte implication politique et économique, Paris n’a fait que laisser pourrir la situation, en espérant que peut-être, se vérifierait alors, par je ne sais quel miracle, la maxime d’Henri Queuille, président du Conseil sous la IVe République : «Il n’est pas de problèmes dont une absence de solution ne finisse par venir à bout.»

    Si jamais l’indépendance ou le maintien dans la France de l’archipel n’était acquis, en 2022, qu’à un peu plus de 50%, il va de soi que le vaincu aurait du mal à reconnaître la victoire de son adversaire : quelle légitimité aurait une indépendance ou un maintien voté à quelque centaines de voix ? C’est le risque que, dès le départ, les signataires des accords de Nouméa ont pris. Autant dire qu’un troisième référendum ne résoudra rien. Quel que soit le résultat, l’archipel entrerait dans une période d’incertitudes, voire de troubles, certains pariant peut-être pour une partition de l’archipel entre un sud loyaliste et un nord indépendantiste. En tout cas, la situation serait envenimée par tous ceux qui, pour des raisons tant idéologiques que géopolitiques, militaires ou économiques, seraient intéressés par le départ de la France.

    François Marcilhac

    Source : https://francais.rt.com/

  • Face à l'islamisme. Partie 1 : Liberté d'expression, et liberté de discussion, par Jean-Philippe Chauvin.

    Depuis quelques jours, nombre de personnes, connues ou inconnues, me présentent des vœux de courage et des marques de solidarité, me prouvant, au-delà de ma simple personne, que les professeurs gardent une certaine popularité et une estime certaine au sein de la population, et cela malgré les procès d’intention qui peuvent leur être faits et les comportements de plus en plus consuméristes et individualistes au sein de notre société.

    jean philippe chauvin.jpgCes quelques gestes et ces paroles sympathiques sont-elles suffisantes pour nous protéger des prochains assassinats islamistes ? Il faudrait l’espérer mais, malheureusement, les fanatiques qui frappent n’ont que faire des sympathies et des qualités, aveuglés par ce qu’ils croient être une « mission » motivée par les atteintes à leurs conceptions du monde et du sacré.

    Qu’on le regrette ou non, nous savons qu’il y aura d’autres massacres, d’autres victimes, d’autres meurtriers : rien de réjouissant, certes, mais cela ne doit pas empêcher de réfléchir et d’agir, l’un ne devant pas se faire sans l’autre au risque de tomber dans un activisme stérile ou dans un intellectualisme impuissant. Bien sûr, « il est bien tard », mais il n’est jamais trop tard, dit-on, même si l’histoire est parfois bien cruelle à l’égard de cet adage. Et je ne suis pas certain que toutes les déplorations qui suivent le cercueil du professeur Samuel Paty soient toujours de bon aloi quand elles s’accompagnent de grands mots et de beaux discours déjà mille fois dits et redits depuis 2012, quand un premier professeur est tombé sous les balles de la Bête, et que trois jeunes élèves ont été froidement exécutés, sous les yeux de leurs parents respectifs, par la même froide détermination homicide que celle animant l’islamiste d’origine tchétchène de l’autre vendredi. D’ailleurs, qui se souvient de Jonathan Sandler, professeur de religion, de ses deux fils de 3 et 6 ans (Gavriel et Arié) et de la petite Myriam âgée de 8 ans, tous assassinés devant et dans la cour de l’école juive Ozar Hatora de Toulouse ? Bien sûr, nous objectera-t-on, ce n’est pas « l’école de la République » qui était alors visée, mais c’était bien une école, des élèves et leurs parents, voire leurs professeurs qui étaient ciblés ! Huit ans après, les larmes ont fait place à l’oubli, ou au déni, ce qui me semble plus grave encore.

    M. Samuel Paty est mort, dit-on, d’avoir montré quelques caricatures à ses élèves dans le cadre d’une séance d’éducation civique et morale, et cela donne l’occasion à certains de regretter que celles-ci soient encore montrées, ou simplement visibles : je les entends, mais je ne partage pas leur souhait. Les islamistes arguent de celles-ci pour expliquer la violence meurtrière. Mais, là encore, certains des contempteurs des dessins semblent oublier que le monstre de Toulouse, en 2012, n’avait même pas cette raison pour tuer de sang-froid des adultes comme des enfants, même pas des adolescents, mais presque des bébés ! Caricatures ou pas, les fanatiques frappent qui leur déplaît, de naissance, de parole ou d’actes. Que certains croient que les caricatures sont la raison de tout ce sang versé montrent une erreur de discernement de ceux-ci. Que l’on me comprenne bien : ayant revu les caricatures incriminées par le meurtrier de vendredi, je ne les trouve pas forcément toutes de bon goût, ni même (pour quelques unes d’entre elles) utiles à la réflexion. Mais elles existent, sans que je me sente obligé de les voir ou de les acclamer, et elles ne me semblent pas autoriser le meurtre de qui les montre ou de qui les dessine. A défaut de toutes les apprécier, je considère qu’il ne me revient pas de les dénoncer ou de les effacer : mais l’esprit critique peut s’appliquer à elles comme à toute production intellectuelle, et cela fait partie, dans une société apaisée (celle qu’il faut souhaiter et à laquelle il faut travailler), de la « disputatio », de cette liberté d’expression et de formulation que notre République contemporaine n’est pourtant pas la dernière à maltraiter, de plus en plus aidée (voire précédée en cela) par les plateformes numériques de communication et de loisirs. Et les mœurs anglo-saxonnes qui s’imposent sous le nom de « décolonialisme » ou de « culture de l’effacement » peuvent légitimement nous inquiéter dans sa logique d’interdits multiples pour des raisons raciales, communautaristes ou sociétales… Les cris d’orfraie contre Zemmour, Dieudonné, ou Agacinski (entre autres), ou les attaques contre Colbert, Bigeard (à Dreux la semaine dernière), ou Napoléon (que, personnellement, je n’aime guère, en bon héritier des chouans de Bretagne que je revendique d’être), m’agacent toutes à divers degrés. Cela ne signifie pas que je ne combats pas certains de ceux que j’évoque ici, mais que, quoiqu’ils puissent dire ou faire (ou avoir commis), je souhaite qu’ils puissent, pour les vivants, s’exprimer librement et, pour les défunts, être étudiés et, éventuellement, honorés au regard des contextes historiques et non d’idéologies du moment, destinées elles-mêmes, un jour, à être remises en cause, voire totalement invalidées.

    Mais les dernières années ont marqué un net recul de la liberté d’expression et la montée d’une autocensure qui touche tous les secteurs, toutes les administrations, toutes les sphères de l’éducation et de la formation intellectuelle. La peur… En fait, notre histoire nationale nous explique que, justement, la période de la Première République fut aussi, en quelques mois sombres, celle de la Terreur (avec un T majuscule) et qu’elle a donné le qualificatif de « terroristes » à ceux qui l’avaient dirigée autant que prônée : Robespierre et Saint-Just la justifièrent comme le moyen d’en finir avec les résistances « du passé » dont, d’ailleurs, il fallait faire « table rase »… Que de têtes alors tranchées, légalement, sous le fer de la Louison, surnom charmant donné à la guillotine, quand d’autres terminaient au bout des piques sans-culottes, et cela avait commencé dès le 14 juillet 1789 avec celles du gouverneur de la Bastille et de quelques uns de ses défenseurs. Mais, en 1793, ce n’est plus l’émeute qui tranche les têtes, c’est la République qui les jette en défi à l’Europe entière (comme celle de la reine Marie-Antoinette, un certain… 16 octobre, macabre coïncidence dans laquelle Léon Daudet aurait sans doute vu un sinistre « intersigne ») et qui terrifie la population française pour imposer son règne et sa « régénération » républicaine qui se veut, aussi, anthropique. C’est le même processus qui est à l’œuvre aujourd’hui à travers les actes sanguinaires commis, non pour convertir, mais pour décourager les résistances à l’idéologie des assassins. Et, malheureusement, cela marche, d’une certaine manière !

    Une des preuves de la réussite idéologique des islamistes est le renversement de perspective qu’il entraîne, comme le souligne l’essayiste Caroline Fourest dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Marianne : « Un critique littéraire a osé tweeter, au lendemain de l’attentat, qu’il y aurait « des morts atroces » tant qu’on défendra le droit de blasphémer (…). On hésite entre vomir et pleurer. Ce sont les tueurs qui provoquent ces morts, pas l’usage de nos libertés. Faire passer les victimes pour les bourreaux, voilà ce qui encourage les bourreaux à recommencer. Rien n’est plus vital, plus urgent, que remettre la pensée à l’endroit. » Je n’aime pas ce que l’on nomme le blasphème, et j’accorde une grande importance au respect du sacré, tout en considérant que les crachats sur le visage du Christ, le Christ lui-même les a acceptés, non par masochisme mais parce qu’ils étaient une épreuve qu’il se devait, au regard de ce qu’il était et de sa mission, de supporter. Je comprends que tous les croyants, de quelque religion qu’ils soient, n’aient pas forcément la même patience mais je ne leur reconnais aucunement le droit de tuer au nom de Dieu, car, là, est à mon sens le vrai blasphème. Puisque « si Dieu donne la vie, qui es-tu, toi, pour la reprendre en Son nom ? » Bien sûr, je parle aussi en croyant, catholique pour mon cas, au-delà de ma fonction professorale elle-même. Et l’État, lui, se doit de parler, non pas au nom des croyants, mais au nom des sujets/acteurs du droit que sont les membres de la Cité, au sens grec du terme.

     L’islamisme se nourrit aussi de la difficulté de la Société de consommation à fonder « un idéal de l’être », celle-ci se contentant, en fait, d’être « le triomphe de l’avoir » sans beaucoup de conscience. Ce qui manque au matérialisme contemporain, l’islamisme semble le proposer ou l’offrir aux « âmes insatisfaites », même s’il s’agit d’un leurre qui se pare des aspects ou des atours du spirituel pour mieux capter ceux que, trop souvent, notre mode de vie fascine et révulse tout à la fois, celui-ci (malgré ses objets et son temps libre, mais marchand) ne parvenant pas à combler ce besoin de croire qui, qu’on le veuille ou non, est consubstantiel à l’être humain, « être politique tout autant que religieux » comme le pressentait André Malraux. L’islamisme ne sera pas vaincu par la Consommation, contrairement à ce que l’on pouvait, parfois, espérer, mais par ce supplément d’âme qui permet de nous émerveiller devant un simple coucher de soleil ou devant les pierres de notre passé, mémoire des ancêtres élevée vers le Ciel, mais aussi devant l’enfant qui naît, éternel renouvellement de la vie et de la civilisation…

     

    (à suivre)

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Régis de Castelnau : ”Le Parquet national financier, créé par François Hollande, s’est transformé en machine de guerre c

    Crédits Photo: Damien MEYER / AFP

    Acharnement

    Dans "Une Justice politique" (éditions de L’Artilleur), Régis de Castelnau retrace et dévoile les différents visages de la politisation de la justice.

    5.jpgAtlantico : Vous publiez « Une Justice politique: Des années Chirac au système Macron, histoire d'un dévoiement » aux éditions de L’Artilleur. De Michel Noir à Emmanuel Macron, en passant par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou l’affaire Fillon, vous retracez et dévoilez les différents visages de la politisation de la justice. Comment expliquer ce phénomène ? Comment en sommes-nous arrivés là ?  

    Regis de Castelnau : Il est difficile de résumer un processus trentenaire en quelques phrases. Simplement il faut essayer d’identifier les ressorts qui ont enclenché une évolution aboutissant à une situation très problématique pour un pays comme la France. Où l’appareil judiciaire est en mesure de peser lourdement sur les processus politiques et démocratiques comme on l’a vu justement avec la disqualification judiciaire du favori de la présidentielles 2017 pour permettre l’arrivée au pouvoir d’un parfait inconnu choisi par les grands intérêts économiques et la haute fonction publique d’État.

    Pendant deux siècles, c’est-à-dire depuis le Premier Empire la justice française se caractérisait par une soumission au pouvoir politique qui permettait de considérer qu’elle était une courroie de transmission de celui-ci. Dans plusieurs pays d’Europe, à la fin des années 80 la situation politique a changé, et le système classique de démocratie représentative dans lequel les partis politiques de masse jouaient un rôle important est entré en crise. La disparition des grandes idéologies a entraîné la disparition des militants de ces partis qui ont eu alors recours pour leur financement à des expédients. C’est-à-dire à une corruption généralisée de la gestion publique, toutes les décisions favorables au entreprises privées devenant le support de contreparties en à base de commissions occultes. Cela ne fut pas supporté par l’opinion publique qui approuva et soutint l’offensive lancée par le pouvoir judiciaire allié à la presse contre la classe politique. La magistrature saisit alors l’opportunité qui lui était offerte de son émancipation et de l’accession à son indépendance. Le problème est que cette indépendance conquise par l’abaissement et la mise en accusation systématique du pouvoir politique se réalisa au profit non d’un renforcement de l’impartialité de la justice dont la fameuse indépendance est le levier, mais au contraire de l’instauration d’une partialité politique. Faute de véritables clivages idéologiques et politiques entre les grands partis, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques est devenue une (mauvaise) habitude qui atteint certain paroxysme avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république. C’est dans ces conditions qu’au printemps 2017 l’appareil judiciaire rallié à la candidature d’Emmanuel Macron est intervenu dans le processus électoral pour disqualifier judiciairement le favori de l’élection présidentielle.

    Suite à des révélations de Mediapart et selon des informations du Monde, le Parquet national financier a confirmé l’ouverture d’une enquête préliminaire visant Nicolas Sarkozy au sujet d’un contrat de 3 millions d’euros passé avec le groupe Reso-Garantia. Assiste-t-on à une nouvelle médiatisation et judiciarisation, voire un certain acharnement judiciaire, contre Nicolas Sarkozy alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a confirmé cette semaine l’illégalité de la publication d’enregistrements de Mme Bettencourt par Mediapart et que Ziad Takieddine a été entendu par des magistrats français le 14 janvier au Liban dans le cadre de l’affaire dite du financement libyen ?

    L’acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy est une évidence et cette annonce d’une nouvelle enquête préliminaire n’en est qu’une nouvelle illustration. On notera que la nouvelle offensive part du Parquet National Financier, outil sur-mesure créé par François Hollande pendant sa présidence. Création destinée à compléter le pôle d’instruction financier composé de magistrats du siège pour beaucoup militants de gauche, et qui s’est transformé en machine de guerre contre la droite, et en outil de protection des amis d’Emmanuel Macron qui jusqu’à présent ont bénéficié de larges mansuétudes judiciaires. L’exemple de la publication des conversations entre Madame Bettencourt et son avocat, relevant du secret professionnel, et cependant publiées par Mediapart et particulièrement révélateur. En effet, cette énormité juridique a pourtant été validée par la Cour de cassation qui s’est ainsi trouvée une fois de plus en contradiction avec la CEDH sur une question de liberté fondamentale. L’on a pu malheureusement constater depuis quelques années que dès lors qu’il s’agissait de raids judiciaires contre les hommes politiques de droite la haute juridiction mettait beaucoup de souplesse à valider des initiatives dont on aurait pu penser qu’elles étaient grossièrement illégales. J’en ai cité quelques-unes dans mon livre, il y en a malheureusement d’autres. Quant à l’audition de Ziad Takieddine réalisé en urgence au Liban dans une affaire portant sur des faits intervenus en 2007 et pour lesquels aucune charge sérieuse n’a pu être établie, elle caractérise cet acharnement fébrile à l’encontre de celui dont on semble craindre chez certains, un éventuel retour politique.

    Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est visé par une procédure de la Cour de la justice de la République pour « prise illégale d’intérêt ». Les magistrats sont-ils en train de faire une nouvelle victime ? Est-il possible de construire un contrepoids au pouvoir de plus en plus important des magistrats ?

    Emmanuel Macron aurait-il commis une erreur tactique avec la nomination d’Eric Dupond Moretti place Vendôme alors qu’à l’évidence celui-ci est haï par les magistrats ? En effet depuis l’arrivée de cet avocat tonitruant, le corps des magistrats dans son ensemble, fait tout pour obtenir son départ. Je dis le corps des magistrats dans son ensemble car différentes manifestations l’ont établi et surtout a première présidente de la Cour de cassation et le procureur général s’en sont faits les porte-paroles. La décision de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République (CJR) composée uniquement de magistrats professionnels de considérer comme recevables (!) les plaintes des syndicats de magistrats contre Dupond Moretti, en est une nouvelle preuve. Puisque cette décision va permettre la mise en examen du Garde des Sceaux créant ainsi une situation assez invraisemblable ou le pouvoir judiciaire qui devrait être séparé considère que comme pour le président de la république en 2017 c’est à lui qu’il appartient de dire qui peut être ministre de la justice !

    Emmanuel Macron est dans une situation délicate, car soit il cède et se débarrasse d’Éric Dupond Moretti et il perdra la face et se retrouvera dans une situation politique affaiblie. Soit il accepte l’épreuve de force et le conserve. Les magistrats disposent de tous les moyens pour le mettre en difficulté sur le plan judiciaire. Non pas directement puisqu’il est protégé par son immunité constitutionnelle, mais, de Richard Ferrand à François Bayrou en passant par Alexis Kolher, Gérard Darmanin et autres Benalla, il y a suffisamment de gens à inquiéter dans son entourage.

    La Cour de cassation a rejeté ce mardi les trois pourvois formés par l’ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, Françoise Martres, après sa condamnation pour injure publique dans l’affaire du « Mur des cons », selon des informations du Monde. Quel regard portez-vous sur cette décision ? Faut-il y voir un signal ?  

    Il ne faut pas se laisser prendre à cette diversion. La décision de la Cour de cassation permet de prétendre que la magistrature est capable de faire la police dans ses propres rangs. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé avec cette procédure. En effet l’existence de ce « Mur des cons » dans un local ouvert à tous les vents, constituait une revendication de partialité politique pour les magistrats. Revendication confirmée dans un article de justification de l’existence de ce panneau signé par d’anciens dirigeants des deux principales organisations syndicales ! La réponse à ce manquement gravissime n’était pas le lancement d’une procédure issue de la loi sur la presse, mais bien une procédure disciplinaire pour sanctionner cette atteinte majeure au devoir de réserve. Pour ma part je considère que ce « signal » est plutôt quelque chose de négatif.

    Que faut-il penser de la tentative de judiciarisation de la crise sanitaire et des menaces de poursuites judiciaires qui pèsent sur la classe politique et les médecins face à la pandémie de Covid-19 et face à la pression des citoyens ou de certaines associations et collectifs ? Le Premier ministre Edouard Philippe avait évoqué cette crainte lors de son audition devant la Commission de l’Assemblée nationale. Cette menace ne porte-t-elle pas atteinte à l’action politique et du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie ?

    Il est clair que l’incompétence arrogante a caractérisé la gestion gouvernementale de la première vague du Covid 19. Et que des fautes très graves ont été commises dont certaines relevent de l’appréciation du juge en application du code pénal. Le problème est que beaucoup se sont dès ce moment-là précipité sur le judiciaire pour tenter de faire rendre gorge à un pouvoir qui se caractérise par la désinvolture et le mépris. Ne retenons que l’exemple du directeur général de la santé Jérôme Salomon dont les responsabilités écrasantes ont été pointées par les commissions parlementaires d’enquête. Personne dans la sphère gouvernementale n’a simplement envisagé qu’il puisse démissionner. L’irresponsabilité est ainsi institutionnalisée. Il n’y a donc pas à être surpris que face à la gabegie qui perdure dans la gestion de la deuxième vague, comme le démontre la stratégie vaccinale, beaucoup se précipitent vers le prétoire pour s’y exprimer. Parce que malheureusement ce qui porte atteinte « à l’action politique du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie » c’est plutôt l’incompétence de celui-ci, qui est à l’origine de nos déboires, et non pas le risque pénal. Surtout que l’on sait très bien que si affairespénales il y a à la suite de la pandémie, les procédures seront longues et complexes et que les décisions n’interviendront que dans plusieurs années.

    Quelle solution préconisez-vous pour une justice apaisée et pour réduire l’influence de cette politisation de la justice ? Au regard des sommes et du temps investis dans toutes ces procédures qui aboutissent souvent à des non-lieux, l’administration judiciaire ne pourrait-elle pas se réinventer ? La campagne de 2022, marquée par la crise sanitaire, ne risque-t-elle pas d’être polluée par des affaires judiciaires comme lors du séisme médiatico-judiciaire de l’affaire Fillon ? 

    Nous courons effectivement un réel danger de voir la justice récidiver et intervenir, dans le processus électoral qui s’ouvre. Jusqu’à présent deux candidats se sont officiellement déclarés : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ils sont tous les deux concernés par des procédures judiciaires en cours, qu’il serait très simple de réactiver au bon moment. Je ne formule pas là une accusation, je pointe une hypothèse que le raid judiciaire contre François Fillon au printemps 2017 rend tout à fait plausible.

    Malheureusement, cette politisation dont je considère qu’elle est une réalité, est trop souvent considérée par le monde politique comme un atout. Beaucoup de ceux qui ont protesté contre le sort fait à François Fillon, , ne verraient peut-être pas d’inconvénient à ce que cela arrive de nouveau à un de leurs concurrents. On touche là une question essentielle qui est celle de la nécessité que ceux qui portés aux responsabilités par l’élection, réaffirment clairement et nettement qu’il n’est pas acceptable que la justice soit devenue un pouvoir politique. Et mettent en œuvre ou préconisent les mesures permettant de mettre fin à ce dévoiement. Il en existe un certain nombre, dont la restauration d’une discipline républicaine minimum devrait être la première.

    A lire aussi : Affaires Bettencourt, Paul Bismuth, Takieddine : la chasse au Sarkozy est ouverte

    A lire aussi : L’affaire Fillon, un coup d’Etat judiciaire ?

    Régis de Castelnau publie « Une Justice politique : Des années Chirac au système Macron, histoire d'un dévoiement » aux éditions L’Artilleur

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    Source : https://atlantico.fr/

  • La République, le séparatisme et l’islam, par Hilaire de Crémiers.

    Les discussions ont commencé sur le projet de loi qui vise à conforter les principes républicains. Il est question de tournant sécuritaire.

    Voilà encore une loi qui va échauffer les esprits – oh, seulement un petit moment pour distraire de la lassante pandémie –, agiter les médias, ébranler les réseaux sociaux, susciter d’innombrables commentaires, animer un parlement qui dans son inutile vanité cherche à exister et qui, à cette occasion, comme régulièrement, vomira son flot bourbeux d’éloquence politicienne, la plus vulgaire qui soit.

    hilaire de crémiers.jpgAu motif de « conforter la République », il ne s’agit une fois de plus que d’essayer de « conforter » un gouvernement qui vacille sur des bases politiques, administratives, intellectuelles et morales aussi mal construites que mal choisies, comme la crise sanitaire, et jusqu’à l’affaire des vaccins, ne le démontre que trop. Ce au moment où l’idée qui domine toute l’action de l’exécutif se concentre sur les moyens de préparer au président sortant – car ce n’est plus que cette préoccupation qui compte – un socle électoral conforté – c’est le cas de le dire – dont la stabilité judicieusement ajustée pourrait lui assurer en 2022 sur un centre droit consolidé, sanitaire et sécuritaire, un deuxième tour plus convaincant qu’en 2017 où, face au risque d’un « populisme » immaîtrisable, l’heure sonnait jusqu’à la folie d’un centre gauche mondialiste et libertaire. C’est ce qu’on appelle dans les milieux politiques de la « stratégie » ! Le projet de loi « confortant les principes républicains », comme la loi dite de « sécurité globale », entre dans cette perspective. Et c’est cette perspective qu’il convient de bien resituer pour en comprendre la portée.

    Un faux tournant

    Il faut et il suffit d’y voir ce perpétuel jeu de courants alternés qui meuvent et orientent en le traversant continûment le libéralisme français qui fait le fond de pensée de la république bourgeoise depuis le XIXe siècle. Ce jeu se répète indéfiniment en se présentant, à chaque bouillonnement du marigot, comme une fabuleuse nouveauté – toujours le rêve de « la nouvelle société » – quand la même nauséabonde mixture se met à changer de direction dans le caniveau usé de la pratique républicaine. Le gaullisme qui croyait transcender les clivages n’a pas échappé à cette oscillation inéluctable, pas plus que le mitterrandisme ou le chiraquisme. C’est ainsi, le tout n’étant jamais, au-delà des discours et des théories, bien au-delà des commentaires des experts et des professeurs, que de s’emparer encore et toujours de la puissance publique. Le procédé est obligé, c’est un point qu’il faut bien saisir et qui réduit à néant toutes les prétentions de notre droit public : la jacobinerie d’État, même et surtout dite décentralisée, ce qui ne fait jamais qu’une superstructure administrative de plus au profit des enjeux de pouvoir, reste le ressort essentiel de l’action politique, y compris et principalement chez nos prétendus libéraux qui ne pensent, comme tous les idéologues du progrès continu et obligatoire depuis plus de deux siècles, qu’à diriger et à contrôler la vie des citoyens du berceau à la tombe ; tels de petits Xi Jinping, à leur façon, puisqu’ils ont mille idées sur tout. Et donc autant de lois à façonner.

    Le macronisme se transforme, dit-on, il s’adapte. Que nenni ! Macron patauge dans les mêmes marais où la République française s’embourbe régulièrement. Il est dans la même situation que tous ses prédécesseurs de la Ve République et tous les politiciens des républiques antérieures. En perpétuelle quête du pouvoir où un programme électoral, niaiseux par définition, se revêt des atours d’un projet partagé.

    L’analyse des derniers discours macroniens décèle, d’ailleurs, sous les artifices du langage, les mêmes ambiguïtés. À L’Express, à Brut, il débite un salmigondis de propositions contraires et d’apories fuligineuses qu’il aligne comme des évidences pour signifier que tout est dans tout et le contraire plus sûrement encore : la souveraineté est souveraine sans l’être vraiment, elle est française, mais plus encore européenne et transnationale ; la nation n’est pas le communautarisme, mais le communautarisme – « mot avec lequel je ne suis pas à l’aise » – peut se vivre dans la nation qui n’est rien d’autre que la République, universelle par essence ! La culture est multiculturelle. Les minorités sont discriminées, mais la République est « une », bien que la police fasse des tris inacceptables. Au point que les syndicats de police se demandent à quoi pourrait servir le fameux « Beauvau » des forces de l’ordre avec de tels propos, si injurieux à leur égard, dans la bouche du chef de l’État.

    Pour faire plaisir aux écologistes et à la Convention citoyenne qu’il ne maîtrise plus, il annonce un possible référendum constitutionnel sur l’environnement et le climat dont le caractère inutile et superfétatoire est manifeste. Et voilà qu’il refait une convention de citoyens pour juger l’action publique contre la pandémie.

    C’est partout et à tous les niveaux du grand n’importe quoi. Ce qui ne l’a pas empêché de faire de ses vœux une séance d’autosatisfaction.

    Une loi de plus qui ne résout rien

    C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la loi de renforcement des principes républicains. L’intitulé a varié. Il a été question de lutter contre « les séparatismes », puis « le séparatisme », « le communautarisme ». Le 2 octobre, aux Mureaux, évoquant la future loi qu’il jugeait nécessaire, le président parlait de « stratégie contre le séparatisme », un séparatisme « que l’État avait lui-même construit avec une politique de peuplement génératrice de ghettoïsation ». Et son ministre de l’Intérieur, Darmanin, sa caution de droite, y allait encore plus fort. Et le ministre de l’Éducation nationale, Blanquer, pareillement. Mais voilà, comment faire ? Attaquer de front le problème : impossible ! Tout le monde sait que plus personne ne contrôle les banlieues, les quartiers dits sensibles qu’aucun organisme, même policier, ne peut sérieusement inspecter ni même répertorier, les mosquées encore moins, même si, de temps en temps, il en est qui sont visées par une décision judiciaire ou administrative, comme à l’encontre des quelques trop visibles associations qui promeuvent publiquement un islam radical, tel le Collectif contre l’islamophobie. Mais pour le reste qui pullule par milliers sous tous les prétextes possibles, du religieux à l’éducatif, du culturel au sportif, avec toutes sortes de complicités locales, que peut la loi ? Sans compter les querelles qui divisent les organisations musulmanes et qui rendent vaines toutes les tentatives de constituer un islam de France. La Grande Mosquée de Paris vient encore de le faire savoir.

    Les hommes politiques qui, en plus, n’y comprennent rien, sont totalement désarmés. Discours et propositions tiennent lieu d’action. Le texte de la loi ne se présente plus, pour qui veut bien comprendre, que comme la liste des carences et des impuissances de l’État. Pour le dire clairement, de la République.

    L’astuce consiste alors à l’habiller en bulletin de victoire et en résolution martiale. Rien de plus facile : l’histoire a bon dos ; la République, c’est connu, a vaincu l’Église catholique et l’a réduite à sa loi et à son droit. Voilà donc le modèle. Un seul absolu : la République ; le reste ne peut être que du particulier et du relatif. Dans cet esprit, les musulmans n’auront plus qu’à se plier à la loi républicaine comme les catholiques. C’est ainsi que l’intitulé est devenu « Projet de loi visant à conforter les principes républicains ». C’est sous le patronage de la loi de 1905 qu’il fut présenté au conseil des ministres pour le 115e anniversaire de la promulgation de cette loi dite de séparation qui garantit la laïcité de l’État.

    Misérable tour de passe-passe. Plus d’islam, plus d’islamisme, plus d’immigration musulmane, plus de territoires perdus, plus de charia, plus de mosquées, plus de salafistes, plus de terroristes. Le Premier ministre Castex « s’est défendu de légiférer contre les religions et contre la religion musulmane en particulier ». Il a précisé : « C’est à l’inverse une loi de liberté, une loi de protection, une loi d’émancipation face au fondamentalisme religieux. » Et de parler de « stratégie d’ensemble » et de « promesse républicaine ».

    La loi se contente donc de rendre automatique l’inscription au Fichier des auteurs d’infraction terroriste les personnes condamnées pour provocation ou apologie d’actes de terrorisme. Tiens, donc ! D’étendre l’obligation de neutralité aux services publics, donc aux transports. Tiens, donc ! De créer un délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations. Tiens, donc ! De demander aux associations qui sollicitent des subventions – et qui les obtiennent ! – de s’engager à respecter les valeurs de la République. Tiens, donc ! De façon, est-il précisé, que l’argent public ne puisse pas financer « ceux qui y contreviennent ». Tiens, donc ! De faire en sorte que la polygamie devienne un motif de refus pour les titres de séjour. Tiens, donc ! De donner aux enfants en âge d’être scolarisés un identifiant national pour contrôler l’enseignement dit à domicile. Tiens, donc ! Enfin, d’engager les associations loi de 1901 qui forment le substrat des statuts juridiques des organisations musulmanes, à passer sous le statut de 1905 pour que les financements, notamment étrangers, puissent être vérifiés. Tiens, donc ! Et qui finance qui ? Et jusqu’où ? Un tel statut éviterait aussi les « putschs extrémistes ». Tiens, donc ! Resterait alors à former des cadres musulmans en France ; on connaît déjà les vaines tentatives opérées sous Sarkozy.

    Ainsi, pensent Macron et tous les politiciens à sa suite, sera-t-il possible de faite émerger un islam de France ? Un islam qui se fondra comme le catholicisme français dans la République !

    Cette loi n’est qu’une immense duperie. Une de plus. Ceux qui vont le plus y perdre sont, d’ailleurs, les Français d’origine musulmane qui sont d’abord attachés à la France. Et qu’il aurait fallu commencer par privilégier. Tel n’est pas le cas. L’affaire de l’islam et de l’islamisme va continuer à pourrir. En France et la France. Assimilation, intégration, reviennent les mêmes mots qu’au moment de l’affaire d’Algérie. Avec la même impossibilité républicaine de résoudre le problème. Et, vraisemblablement, la même tragédie au final.

    La vérité que personne ne dit : la République est historiquement et idéologiquement, malgré Tocqueville, une rupture radicale, et constamment renouvelée, avec le génie propre de notre pays. Elle est incapable d’assumer la charge de notre destin national. Par sa nature même, la République est un séparatisme qui a réussi à s’emparer de l’État. Elle n’est même que ça. Et elle ne cesse de reprendre sa même entreprise qui est de séparer la France de son histoire et de ses sources de vie. Comment pourrait-elle dans ces conditions s’opposer au séparatisme islamique ? La loi prouve qu’elle a déjà renoncé.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Service public et idéologie française, par Michel Onfray.

    Samedi 8 mai, Marie Drucker présente, dans une émission intitulée «Au bout de l’enquête. La fin du crime parfait?», un film de Virginie Selvetti. Il s’agit d’une enquête en deux volets sur l’affaire de Bruay-en-Artois.  

    michel onfray.jpgVirginie Selvetti, à qui l’on doit ces deux heures de télévision de propagande, est connue pour avoir publié un ouvrage intitulé Une année de crimes en France avec, en lieu et place habituelle du nom de l’auteur, ma mention «Jacques Pradel présente». On peut lire ceci sur le bandeau: «Les 625 meurtres commis en France en 2009 du 1° janvier au 31 décembre» - il me semble que «2009» aurait suffi, mais bon... Au pied de la couverture on apprend qu’elle a écrit ce livre avec deux autres personnes.

    Deux mots pour qui ignorerait cette affaire: le 6 avril 1972, à Bruay-en-Artois, une ville du nord minier, une jeune fille de presque seize ans, Brigitte Dewaere, est retrouvée morte, abandonnée dans un terrain vague,  nue, le visage et le corps mutilés, non loin de la maison d’une commerçante divorcée, Monique Mayeur. Cette dernière avait pour amant un notaire catholique, Pierre Leroy, qui vivait seul chez sa mère et fréquentait parfois des prostituées dont le film nous dit qu’elles témoignaient qu’il avait un certain goût pour le sadomasochisme sans préciser qu’elles ont ensuite avoué avoir menti.  

    Henri Pascal, le juge d’instruction parle beaucoup aux journalistes et communique à partir de rien de bien solide. Il invoque son intime conviction et parle d’un «faisceau de présomptions graves et concordante» sans jamais être capable de prouver quoi que ce soit. Avant même que le procès n’ait eu lieu ou que l’instruction soit terminée, ce juge de gauche nourrit copieusement la meute des journalistes avec un discours idéologique : ce bavard qui ne sait plus s’arrêter dès qu’il commence à parler, dixit sa petite-fille ici invitée à témoigner, bafoue le secret de l’instruction, communique sur ses convictions sans preuve et tient un discours militant en forme de compagnonnage avec le tout nouveau Syndicat de la magistrature (SM). L’enquête montre que ni le notaire ni sa maitresse ne sont en cause. Après avoir été trainés dans la boue, ils bénéficieront d’ailleurs d’un non-lieu. Mais «l’extrême gauche française», comme il est dit dans le film sans plus de précision, politise l’affaire.

    La réalisatrice ne dit pas que le juge Pascal invente la collusion entre les magistrats de gauche et les journalistes, qu’il bafoue le secret de l’instruction, qu’il efface la justice au profit du militantisme - autrement dit: qu’il invente la situation dans laquelle nous nous trouvons.

    On aurait pu attendre de cette enquête de deux heures fiancées avec l’argent du contribuable autre chose qu’un récit inspiré par Détective. Par exemple on aurait pu y découvrir la généalogie de cet État dans l’État qui caractérise une partie de la justice française contemporaine. L’attelage du juge de gauche et des journalistes de la même couleur politique vit dans cette affaire ses premières heures.

    Le silence de la réalisatrice qui épargne cette collusion des juges et des journalistes qui détruisent la réputation de leurs ennemis politiques transformés en monstres lâchés à la foule et lynchés par elle, concerne également ceux des journalistes qui, à cette époque, ont attisé la haine d’un peuple miséreux contre les notables de la bourgade. On voit quelques images glaçantes de ces pauvres gens qui appellent à la mort du notaire et de la commerçante, qui jettent des pierres sur leurs maisons, à qui l’on prête des slogans de haine bombés sur le mur de Monique Mayeur avec le talent d’un militant politique aguerri, qui coursent la voiture dans laquelle la police embarque les notables. Mais ce ne sont ici que bribes d’images sans analyse. Le peuple transformé en populace par les gauchistes: voilà une pratique courante qui méritait elle aussi analyse, qu’on se souvienne récemment de la permanence de cette méthode avec les gilets jaunes.

    Dommage que l’analyse ait manqué, car l’expression pudique d’«extrême gauche française» utilisée par Virginie Selvetti méritait développements . De la même manière qu’il ne fut jamais dit, pendant ces deux longues heures sans substance, que le juge Henri Pascal était plus un militant de gauche qu’un serviteur de la justice, il fut passé sous silence que cette extrême gauche française méritait plus qu’une rapide évocation.

    Faire de l’histoire plutôt que de la propagande et du militantisme eut été facile, il aurait suffi de rappeler le rôle tenu dans cette affaire par les maoïstes en général et par Serge July en particulier, dans l’excitation du petit peuple à faire justice lui-même du notaire et de la commerçante en les massacrant comme au bon vieux temps de la Révolution française avec piques et couteaux, faux et serpes, fourches et hachoirs - en attendant le retour de la guillotine…

    Virginie Selvetti reprend quelques informations: les miséreux, déjà instrumentalisés par l’extrême-gauche, voulaient dépecer ces cochons de bourgeois. Mais pourquoi rien sur La Cause du peuple, ce journal qui invite à faire couler le sang? Pourquoi rien sur le rôle tenu par Serge July dans cette affaire? Son nom n’est même pas prononcé en cent vingt minutes. Pourquoi n’avoir pas dit que Jean-Paul Sartre était venu soutenir ces intellectuels en se vautrant dans la démagogie ouvriériste la plus abjecte? Pourquoi ne pas porter à la connaissance du téléspectateur que Beauvoir se rendit à Bruay elle aussi et qu’elle avait le projet d’un film sur cette affaire avec Marin Karmitz? Ou qu’elle écrivit un texte sur ce sujet pour la télévision allemande, La Haie , un texte qui, étrangement, ne figure pas dans Les écrits de Simone de Beauvoir que Claude Francis et Fernand Gontier ont publié depuis lors chez Gallimard? Pourquoi ne pas mentionner le soutien de Michel Foucault qui fit lui aussi le voyage? Pourquoi ne pas dire que Sartre et July créent sur place un bureau de La Cause du peuple qui prend fait et cause, on s’en doute, pour le juge Henri Pascal?

    Le journal fabriqué sur place s’appelle Pirate. On y trouve ce genre de propos concernant les  accusés du tribunal révolutionnaire: «Il faut les faire souffrir petit à petit», « Qu’ils nous les donnent et nous les découperons morceau par morceau au rasoir!», « Je le lierai derrière ma voiture et je roulerai à 100 à l’heure dans Bruay», «Il faut lui couper les couilles». On reproche à Monique Mayeur d’acheter de la langouste à 300, 400 francs chaque semaine. Il est dit que Leroy a mangé une pièce de viande de 800 grammes à lui tout seul le soir du drame. July fait partie des rédacteurs de ce journal - voir le livre de Pascal Cauchy: « Il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça ». L’affaire de Bruay-en-Artois, (éd. Larousse, p. 129). Ce beefsteak bien sanglant réapparait sous la plume de la journaliste Katia Kaupp dans Le Nouvel Observateur dans son édition du 24 avril 1972. Le numéro de La Cause du peuple du 1er mai recycle ce bobard et titre: «Et maintenant ils massacrent nos enfants!» En page intérieure, le sous-titre en rajoute dans l’abjection: «Le crime de Bruay: il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça.» Dans ce même journal on lira aussi ce texte de Pierre Victor, plus tard Benny Lévy, le secrétaire de Sartre: «Pour renverser l’autorité de la classe bourgeoise, la population humiliée aura raison d’installer une brève période de terreur et d’attenter à la personne d’une poignée d’individus méprisables, haïs. Il est difficile de s’attaquer à l’autorité d’une classe sans que quelques têtes des membres de cette classe se promènent au bout d’une pique.»

    C’est très exactement ce que pense Sartre: «il existe deux justices: l’une, bureaucratique, qui sert à attacher le prolétariat à sa condition, l’autre, sauvage, qui est le moment profond par lequel le prolétariat et la plèbe affirment leur liberté contre la prolétarisation… La source de toute justice est le peuple… J’ai choisi la justice populaire comme la plus profonde et la seule véritable.» Simone de Beauvoir le cite dansLa Cérémonie des adieux   (éd. Gallimard, coll. Pléiade, t. II, p.1053-1054)

    Sartre rédige un texte sur Leroy. La haine? Oui, mais pas pour le notaire, précise-t-i, mais seulement «pour ses activités sociales comme ennemi de la classe ouvrière» - comprenne qui pourra ce qui sépare un notaire de ses activités sociales… Sartre invite à la prudence, le procès n’a pas encore eu lieu, mais il «croit» quand même à la culpabilité du notable. Chacun appréciera la qualité de la dialectique! Foucault visite Bruay et décide lui aussi de croire à la culpabilité du notaire… En privé, Foucault estime que les maos disent n’importe quoi; en public, il défend leur position. Lire James Miller qui en donne le détail dans La Passion Foucault (éd. Plon, p.266)

    Des maoïstes parisiens descendent à Bruay. Ils apposent une plaque sur laquelle on peut lire ceci: «A cet endroit, Brigitte Dewèvre fille de mineur a été assassinée par la bourgeoisie (sic) de Bruay.» Une estrade est installée. Un meeting a lieu. Les maoïstes quêtent pour soutenir l’action du juge! Un Comité Justice et Vérité voit le jour, déjà ces deux mots associés pour défendre l’injustice et l’erreur… Il prend soin, sans rire, de placarder une affiche sur laquelle il est écrit: «Le comité s’interdit toute politique.» Bien sûr, aucune de ces informations ne se trouve dans les deux films de Virginie Selvetti.

    Cessons-là…

    Ce documentaire sur Bruay-en-Artois aurait pu, par le luxe de sa longueur, aborder des problèmes majeurs: le moment historique de la construction d’une collusion entre les juges et le pouvoir médiatique, une alliance toute puissante aujourd’hui qui s’effectue au détriment de la justice; l’impossibilité de toute justice dans ces cas-là - ce crime n’a jamais été élucidé, Brigitte Dewèvre est morte massacrée sans que justice ait pu lui être rendue;  la généalogie du journal Libération avec cette équipe qui appelait a couper des têtes de bourgeois; l’errance des intellectuels parisiens qui, une fois de plus, instrumentalisent le peuple pour mieux assouvir leurs envies de sang révolutionnaire; les sources ici visibles d’une pensée déconstructionniste de la justice, de la punition, de la peine qui met en scène les soixante-huitards dans leurs œuvres - des œuvres aujourd’hui métastasées...

    Au lieu de ça, la réalisatrice, la présentatrice, la production, la chaine évitent soigneusement l’Histoire et l’intelligence au profit d’une narration dans l’esprit des pages faits divers des journaux les plus bas de plafond. Ne pas penser, évincer la réflexion, vendre de la bouillie pour chats, éviter de toucher aux juges, aux journalistes, aux patrons de presse, non sans prendre plaisir à montrer en même temps le peuple conduit par la haine, bave aux lèvres: est-ce vraiment la mission du service public? Il faut bien conclure: oui…

    Mention particulière pour Jean Ker, un journaliste de Paris-Match qui, par sa truculence et son énergie, son savoir et sa détermination, sauve ces deux films par ses interventions. Il révèle en fin de documentaire la piste d’un homme qui avait tout du coupable. On ne l’a bien sûr jamais retrouvé puisque l’enquête avait été dirigée contre les notables de la bourgade. Cette politisation de la justice ne permit pas que justice fût rendue à la jeune fille. L’extrême gauche n’a de toute façon que faire de la justice; elle se moque également que sa furie en ait privé une fille de mineur, sa famille ouvrière et les compagnons de travail et de dignité de Léon Dewèvre et Marie-Thérèse son épouse. Une plaque posée sur la tombe de la petite victime disait qu’on ne l’oublierait pas et que justice lui serait rendue. Son frère l’a un jour ôtée. Il savait que jamais justice ne lui serait rendue et qu’on l’oublierait. Tel ou tel qui a privé ces gens modestes de justice pérore aujourd’hui sans honte sur ce qu’il faut penser du monde comme il va…

    Brigitte Dewèvre aurait soixante-six ans, elle est morte il y a quarante ans ; Serge July en a soixante-dix-huit, il a publié un Dictionnaire amoureux du journalisme en 2005.

    Michel Onfray

    Source : https://michelonfray.com/

  • El-Azhar, ”phare de l’islam sunnite”, par Annie Laurent

    Annie_Laurent.jpgLe vendredi 14 mai dernier Annie Laurent a cherché à nous expliquer la conception de l’islam sunnite en matière d’autorité religieuse, en particulier à travers l’institution du califat. Une telle approche était nécessaire en préalable à une présentation d’El-Azhar, cette très ancienne institution située au Caire qui est parvenue à s’imposer dans l’opinion générale comme l’organe représentatif des musulmans du monde entier, au point qu’on l’assimile parfois au Vatican des catholiques.

    Il s’agit maintenant de découvrir ce qu’est précisément El-Azhar, ce que fait Annie Laurent ici (texte paru dans La Petite Feuille Verte, n° 80). Elle y rappelle les éléments essentiels qui ont façonné son identité, son statut et sa fonction, et ce jusqu’à l’époque contemporaine. Les PFV suivantes traiteront des positions d’El-Azhar concernant l’approche de l’islam, notamment les tentatives de réforme du début du XXème siècle, ainsi que l’islamisme.

    Une autre sera consacrée aux relations d’El-Azhar avec les chrétiens et le Vatican.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

     

    Depuis sa fondation au Xème siècle, El-Azhar n’a jamais été dotée d’un statut universel et d’une fonction magistérielle comparables à ceux de la papauté. Cette dernière, représentée par le Vatican à Rome, fonde sa légitimité et son autorité doctrinale sur son origine divine (cf. PFV n° 79 – El-Azhar, Vatican de l’islam ?), mais aussi sur l’indépendance que lui assure le Saint-Siège, entité juridique reconnue comme un État souverain.

    Pour sa part, El-Azhar, malgré sa prétention récente à représenter l’islam sunnite et la réputation qui lui en est souvent consentie au sein d’un catholicisme soucieux d’avoir un interlocuteur officiel et crédible du côté musulman, n’a jamais connu une stabilité définitive quant à son identité et son rôle, aussi bien en Égypte que dans l’ensemble de l’Oumma (la Communauté mondiale des musulmans). En fait, son statut, sa fonction et ses orientations ont toujours été tributaires des rapports de forces politico-religieux, aussi bien internes qu’externes au pays qui l’abrite. C’est pourquoi l’attribut « phare de l’islam sunnite » que certains accolent à El-Azhar mérite une clarification.

    EL-AZHAR AU FIL DE L’HISTOIRE

    Pour comprendre l’importance que l’Égypte et une partie du monde musulman accordent aujourd’hui à El-Azhar, quelques repères historiques sont nécessaires.

    Du Xème au XIXème siècle

    Au Xème siècle, la dynastie chiite des Fatimides, alors titulaire d’un des califats, fonda la ville du Caire en Égypte (cf. PFV n° 79). Tout près du palais califal, une grande mosquée fut édifiée en 972 ; elle reçut le nom d’El-Azhar (« La brillante »), qui semble avoir été choisi en hommage à Fatima el-Zahra, fille de Mahomet et épouse d’Ali, cousin germain du « prophète de l’islam » et quatrième calife (il gouverna l’Oumma de 656 à 661) dont les chiites affirment être les héritiers. Le sermon du vendredi y était lu au nom du calife régnant.

    Un collège, spécialisé dans l’étude de la doctrine religieuse chiite, lui fut rapidement accolé. En 1171, le sunnite Saladin, vainqueur des Croisés et conquérant de l’Égypte, ferma la mosquée et fit incendier sa bibliothèque. El-Azhar fut rouverte et embellie sous la dynastie des Mamelouks, eux aussi sunnites (1250-1382). Des cheikhs (notables religieux), nommés par le pouvoir, furent chargés d’y enseigner la doctrine sunnite. « Le règne des Mamelouks constitue une période faste pour la culture égyptienne et El-Azhar se trouvait au cœur de cette dynamique » (Oriane Huchon, Les clés du MoyenOrient, 21 avril 2017).

    La prise de pouvoir par les Ottomans, à partir du XVIème siècle, permit à El-Azhar d’accroître son rayonnement. « A cette époque, El-Azhar était considérée comme le plus important centre d’enseignement religieux du monde arabe. Ses champs disciplinaires se concentraient sur la grammaire, la rhétorique, l’éloquence, la littérature et les affaires juridiques ». Son recteur était aussi consulté par le régime turc pour les affaires politiques concernant les provinces arabes de l’Empire (O. Huchon, id.).

    Lors de la campagne d’Égypte (1798-1801), Napoléon Bonaparte, découvrant l’influence des cheikhs d’El-Azhar, y institua un Conseil (Diwan) composé de sept membres choisis parmi eux. Le séjour de l’armée et de savants français au pays du Nil inspira à Méhémet-Ali, sujet ottoman natif de Macédoine, vice-roi d’Egypte de 1805 à 1849, une politique d’ouverture d’où surgira la Nahda (Renaissance culturelle arabe) dont profitèrent des étudiants d’El-Azhar envoyés poursuivre leurs recherches en Europe.

    Jean-Léon Gérôme, Bonaparte au Caire, 1886, Hearst Castle, San Simeon (Californie), représenté devant la mosquée d’El-Azhar

    A partir du XXème siècle

    L’accession de l’Égypte à l’indépendance et la levée du protectorat britannique (1922) ont constitué un tournant dans l’histoire d’El-Azhar.

    Sous le règne du roi Farouk (1937-1952) et le régime républicain de Gamal Abdel Nasser (1952-1970), l’institution a connu un développement important grâce à l’introduction d’enseignements profanes (médecine, agronomie, mathématiques, sciences naturelles, ingénierie, langues étrangères, etc.) et même d’une école de droit chiite. Elle ne conserva cependant pas le monopole de l’enseignement supérieur en Égypte puisque d’autres établissements publics, sans identité confessionnelle, furent créés à cette époque.

    L’œuvre de Mustafâ El-Marâghi (1881-1945)

    Deux fois recteur d’El-Azhar (1928-1929 et 1935-1945), Marâghi conçut un projet visant à son internationalisation. Il organisa pour cela l’envoi d’enseignants hors d’Égypte et l’octroi de bourses d’études à des étrangers accueillis au Caire.

    Ce plan et la série d’actions dans lesquelles s’engagea ce dignitaire avaient surtout pour but de conférer à l’Égypte la prééminence au sein de l’Oumma (cf. à ce sujet Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, éd. Karthala, 2005).

    En accord avec Farouk dont il était proche (il avait été son précepteur), Marâghi militait pour la restauration du Califat (abrogé en 1924 par Atatürk, cf. PFV n° 79) au profit de la monarchie égyptienne. « L’Égypte deviendrait ainsi le phare et le guide des nations musulmanes, rôle éminent qu’El-Marâghi rêvera toujours de lui voir jouer » (op. cit., p. 121). Il convenait aussi de renforcer l’emprise de l’islam partout où cela était possible. « Le Coran répond à tous les besoins de l’individu et de la société. Il a tout prévu et je me fais fort de le démontrer », assurait-il (p. 134).

    Finalement, tenant compte du nouveau contexte international, notamment l’émergence des Etats-nations, Marâghi semble avoir pris acte de l’utopie que présentait un retour à l’institution califale et renonça à agir dans ce sens (p. 144). Nasser entreprit alors de doter El-Azhar d’un statut juridique spécifique, sans pour autant lui consentir une indépendance totale par rapport à l’État.

    Mustafa El-Marâghi à son bureau

    EL-AZHAR AU XXIème SIÈCLE

    Une loi votée le 5 juillet 1961 a octroyé à El-Azhar le statut officiel d’Université tout en la plaçant sous la tutelle directe du pouvoir politique. Cette loi réservait au chef de l’État la prérogative concernant la nomination du recteur. Une réforme adoptée en 2013 a apporté une modification importante à cette règle (cf. infra).

    Une organisation structurée

    Sous son titre de « grand imam », le recteur détient l’autorité de ce qui est devenu un complexe dépassant le strict cadre universitaire puisqu’y sont incorporées la mosquée et des institutions propres :

    Un Conseil suprême responsable de la planification et de l’élaboration des politiques publiques et éducatives.

    Un Comité supérieur pour la prédication islamique, qui organise les missions de sensibilisation religieuse.

    Une Académie de la recherche islamique, habilitée à produire des fatwas et des avis, sollicités ou non par le gouvernement. Elle peut recommander la censure de toute œuvre concernant l’islam (livres, films, œuvres d’art).

    Un Rectorat, chargé de la gestion de 7 500 instituts d’enseignement religieux primaire et secondaire suivi par des garçons et des filles dans des écoles séparées ; également responsable de la nomination d’oulémas destinés à enseigner la religion à l’étranger. (Cf. El-Ahram hebdo, 17-23 avril 2013).

    L’Université

    L’ensemble universitaire comporte aujourd’hui 16 000 enseignants pour 70 facultés (43 masculines, 26 féminines). Réparties sur l’ensemble du territoire égyptien, elles accueillent 500 000 étudiants dont beaucoup d’étrangers, venus de 106 pays (Cf. La Croix, 28-29 avril 2012).

    Compte tenu de la nature de l’Université, tous les étudiants doivent y recevoir un enseignement religieux islamique en plus de leurs qualifications professionnelles et académiques. C’est la raison pour laquelle, même si aucune prescription juridique ne s’y oppose, il est de facto impossible à des chrétiens de s’inscrire dans les facultés azhariennes et d’y obtenir des diplômes, y compris pour des matières profanes. En mars 2017, l’annonce par le député Mohammed Abou Hamed de son intention de présenter une proposition de loi autorisant les chrétiens à fréquenter l’Université a suscité un débat au sein des instances dirigeantes de l’institution. Les responsables en ont conclu que les études et les cours dans cette Université « ne sont pas adaptés aux chrétiens parce qu’ils présupposent comme condition d’admission une connaissance approfondie ainsi qu’une mémorisation d’amples sections du Coran » (Agence Fides, 10 mars 2017).

    Le grand imam

    En 2010, le président Hosni Moubarak a désigné comme 44ème grand imam un francophone, titulaire d’un doctorat en philosophie islamique obtenu à la Sorbonne, Ahmed El-Tayyeb, né en 1946. C’est avec lui que le pape François a signé à Abou Dhabi la Déclaration sur la fraternité humaine (février 2019), document sur lequel nous reviendrons dans une prochaine PFV qui sera consacrée aux relations entre le Saint-Siège et El-Azhar.

    Dans la mouvance des « printemps arabes », démarrés en Tunisie en décembre 2010, et auxquels l’Égypte s’est jointe rapidement dès la fin du mois de janvier 2011, une importante réforme a été adoptée à la demande d’El-Azhar : elle prévoit l’élection du recteur par le Conseil des grands oulémas, organisme qui est rétabli après avoir été supprimé par la loi de 1961. Le grand imam est désormais inamovible et son poste ne peut être considéré comme vacant qu’à la suite de sa démission volontaire ou de son décès. Ce mode de désignation s’appliquera donc au successeur d’Ahmed El-Tayyeb.

    Ahmed El-Tayyeb, « imam al-akbar » de l’Azhar (photo : azhar.eg)

    Les deux prochaines PFV traiteront des implications politiques et idéologiques qui ont toujours accompagné l’histoire d’El-Azhar, ce qui permettra de saisir ses orientations relatives à l’islam, dans ses dimensions religieuses et temporelles. Nous nous attarderons notamment sur les promesses de réformes du début du XXème siècle puis sur l’attitude d’El-Azhar durant la révolution de 2011, en particulier face à l’islamisme, et enfin sur l’impact suscité par l’arrivée au pouvoir du maréchal Abdelfattah El-Sissi en 2013.

    Annie LAURENT
    Déléguée générale de CLARIFIER

  • Retour de bâton Afghanistan : cet accord « secret » avec les Talibans que les Occidentaux risquent de payer très très ch

    Les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion. Des promesses qui dureront le temps de leurs intérêts.

    5.jpgAtlantico :  Professeur Yves Roucaute, vous avez été le seul intellectuel au monde invité pour fêter la victoire contre les talibans, à Kaboul, en novembre 2001, et vous aviez noué des relations d’amitié avec Ahmed Chah Massoud dans les combats en Afghanistan, quel regard portez-vous, en philosophe et en spécialiste des questions internationales, sur la situation actuelle ? 

    Yves Roucaute : 20 ans après avoir célébré la victoire contre les talibans, je ne sais si j’aurais un jour l’occasion de retourner de mon vivant à Saricha pour me recueillir et prier sur la tombe de celui qui reste vivant dans mon cœur, le commandant Massoud. En raison de l’accord passé, et en partie secret, entre les équipes de Joe Biden et les talibans, je crains hélas ! que le pire ne soit devant nous. Le pire non seulement pour les Afghans mais aussi pour ceux qui ont cru pouvoir sceller la paix au prix d’un sacrifice de cette partie de la population qui croit aux droits individuels et au pluralisme démocratique et qui va subir les foudres d’un État totalitaire.Ces Daladier et Chamberlain qui pullulent dans les démocraties, et qui se félicitent de pouvoir sauver la paix, comme hier à Munich, sont la honte des démocraties ! 

    Avant d’en venir aux conséquences pour les Afghans et pour nous de cette défaite, j’entends bien certains tenter de justifier leur poltronnerie en évoquant la corruption des gouvernements successif, leur incapacité, leurs divisions, leurs double-jeux, leurs complicités avec les talibans … Cela est vrai. Mais que penser de la façon dont les gouvernements occidentaux ont largement contribué à tout cela, ignorant même la base : la particularité de la vie afghane, ces maillages locaux, ces groupes de solidarité (« qawm ») locaux et régionaux propres aux tribus, clans, réseaux de villes des vallées, groupes religieux... Une ignorance des nécessités d’analyse concrète dans laquelle les États-Unis excellent ici, comme en Irak ou au Liban. Allant jusqu’à légitimer les talibans, jusqu’à négocier avec eux, comme s’ils étaient une composante de la société afghane semblable à toute autre, brisant le ciment idéologique fragile qui tenait les composantes anti-talibanes, poussant aux pactisations et préparant les défections.  

    Les Américains ignoraient même le nationalisme pachtoune parce qu’ils en ignoraient l’histoire pachtoune, la principe ethnie afghane. Ainsi, qu’est-ce que l’empire Durrani des Pachtounes pour les « experts » américains ? Rien. Alors qu’il fut le plus grand empire musulman durant le XVIIIème siècle, allant du Cachemire au nord-est de l’Iran, dominant le Pakistan et une grande partie des pays du Caucase. Alors qu’il est l’une des clefs du nationalisme sur lequel s’appuie les totalitaires talibans, alors qu’il est l’une des clefs des solidarités nouées avec eux par les trois États du Pakistan qui bordent l’Afghanistan et qui élisent, oui élisent, des talibans. Ils ignoraient même l’histoire plus proche, qui est faite d’instabilités dues aux difficultés de trouver de subtils équilibres entre les groupes de solidarité, tribaux, claniques, religieux, locaux… sinon entre la moralité, la démocratie et la culture du pavot…

    Ils ignoraient aussi les différences entre talibans, notamment la puissance des courants les plus extrémistes, qui ont même, pour certains, refusé les accords acceptés par les talibans « modérés ». Ainsi, ont été présents aux médias, les talibans les plus présentables qui ne sont pas nécessairement les plus influents, pour vendre la résignation à l’opinion.

    Quelles sont les conséquences pour les Afghans ? 

    Il n’est pas un seul moment et acte de la vie sur lesquels les talibans n’aient, prétendument au nom du Coran, un avis, avec interdits et obligations. Et je ne vois aucune raison pour qu’ils abandonnent leur vision totalitaire du monde même s’ils ont abandonné la perception djihadiste du mollah Mohammad Omar qui avait accepté Al-Qaida. 

    Ils ont promis qu’il n’y aurait pas d’exactions. Il y en a moins, c’est vrai, que lors de leur précédente prise de pouvoir, mais qui a la naïveté de les croire ? Je me souviens qu’arrivé à Kaboul 26 novembre 2001, je vis les immenses poternes dressées où les talibans pendaient sans discontinuer les infidèles et les opposants, catégories indifférenciées… j’ai survolé les puits empoisonnés par les Talibans pour tuer les habitants du Panchir, les toits des maisons soufflés, les charniers, les survivants des tortures et des viols… 

    Demain, ils iront massacrer ceux qui leur résistent, jusque dans le Pandshir, avec des armes autrement plus redoutables que celles qu’ils possédaient en 2001. Déjà, tous ceux qui ont eu des relations avec la coalition sont aujourd’hui répertoriés. Enfants inclus. Doit-on supposer que c’est pour une distribution de jouets ? Dans les zones occupées, ils présentent deux visages. D’une part, comme dans l’Ouest, un visage modéré, laissant partir certains hauts fonctionnaires. D’autre part, dans les régions du Sud-Ouest et de l’Est, où ils sont traditionnellement plus influents, coups de fouets mutilants, membres coupés, pendaisons, lapidations sont de retour. 

    Chacun songe à la situation des femmes dont quelques-unes ont, avec un courage inouï, manifesté ce 16 août à Kaboul pour réclamer leur droit d’étudier, de travailler, de voter, d’être élues. Lors des conférences de Moscou (mars 2021) et de Doha de juillet, selon le porte-parole des talibans, Suhail Shareen, les femmes auraient « seulement » l’obligation de porter un hijab (voile) pour couvrir, corps, tête et épaules « impudiques ». Obligation, sous peine de flagellation publique et de mise sous tutelle. Faut-il le croire ? Oui, le hijab est obligatoire mais déjà la burqa est « conseillée » dans toutes les régions occupées par les talibans et elle est évidemment portée, les sanctions tombent ne sont pas loin. Le même porte-parole a indiqué que les talibans n’interdiraient plus aux jeunes filles d’aller à l’école. Faut-il le croire ? Je me souviens lors de la libération de Kaboul de cette école de jeunes filles, par ailleurs financée par la France, puante et remplie de produits chimiques, transformée en dortoir pour talibans. Aujourd’hui, déjà, il est conseillé aux femmes de rester chez elles, de sortir avec l’agrément d’un parrain (mahram) et de préparer leurs filles à une vie de future mère, soumise à son mari. Ce qui sera enseigné dans les écoles autorisées à ouvrir à celles qui seront autorisées à y aller ? Ce que les talibans décideront. Pour faire risette aux Tartuffe d’Occident, une filière universitaire en éducation morale sera-t-elle créée ?

     

    Que sait-on de l’accord entre talibans et occidentaux ? Dans quelle mesure a-t-il eu un impact décisif sur la prise de Kaboul et le départ des occidentaux via l’aéroport de la ville ?

    Pour aller vite, disons que d’un côté, les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion et de laisser partir les ressortissants étrangers et ceux qui travaillaient pour eux. En contrepartie, ils exigent coopération économique, reconnaissance internationale et armements.

    Les armements sont la clef. Ils sont aussi la marque du cynisme répugnant accepté par l’administration de Joe Biden. Ce qui fut au centre des accords cachés, c’est en particulier la fourniture des avions sophistiqués donnés au gouvernement précédent par les Américains.  

    Car l’administration Biden sait que ces avions vont permettre d’exterminer l’opposition militaire, en particulier celle des Hazara et des Tadjiks restés fidèles à l’esprit de Massoud et conduits notamment par son fils, le courageux Ahmad Massoud. 

    Comment résister à une telle puissance de traque et de feu ? Ahmed Massoud, son père, n’avait en face de lui que des armements archaïques qui n’avaient rien à voir avec ceux-ci. Son fils appelle à l’aide. Il la faut. Mais le défi est phénoménal. Et il le sait. 

    On a vendu nos amis pour un plat de lentilles car avec une présence militaire plus intense, qui peut sérieusement penser que l’on ne serait pas venu à bout de 60 000 talibans ? Ou, si l’on voulait seulement fuir, que l’on n’aurait pu organiser cette fuite avec une intervention militaire tranchante comme la liberté ? 

    Paradoxalement, je sais qu’il a actuellement mauvaise presse, mais la vérité consiste aussi à dire que la France fut, de toutes les démocraties, celle qui a le moins à se reprocher.  Ce qui ne signifie pas qu’elle soit au-dessus de tout reproche. Emmanuel Macron a eu le courage d’envoyer deux avions militaires pour sauver, dans cette débâcle, non seulement des Français mais aussi ces fidèles Afghans qui ont si bien servi la France. Oui, la France fut le seul pays démocratique à le faire avec les États-Unis. Il a évité la honte de la guerre d’Algérie, où furent livrés à la haine et à la mort les harkis, à l’exception de 45 000 d’entre eux. 

    Qu’en Europe, nul autre ne l’ait suivi, est symptomatique de la débandade idéologique de l’occident. Le pompon revenant au Canada, donneur de leçons toutes catégories, qui n’a pas même envoyé un seul avion mais, qui a généreusement proposé un millier de visas aux Afghans, sous condition : qu’ils soient d’abord réservés au LGBT, en insistant sur les transgenres. On imagine le tollé si un gouvernement avait exigé la priorité pour les hétérosexuels ! Je me suis toujours battu pour le droit des homosexuels mais au nom d’un droit égal pour tous, de la non-discrimination, de l’universalisme des valeurs, de tout ce qui faisait la puissance de séduction des démocraties et qui est jeté à l’eau. 

    Ce que je trouve d’ailleurs insensé, c’est le refus de la proposition russe d’envoyer des dizaines d’avions, de construire un pont aérien pour sauver ceux qui veulent fuir ce totalitarisme. Et cela alors que les talibans, peut-être intéressé au départ de leurs opposants, étaient d’accord ! Pour ma part, que m’importe la couleur du chat pourvu qu’il sauve des vies et préserve la liberté contre les rats. 


    L’alliance entre Joe Biden et Kamala Harris, sa vice-présidente, peut-il permettre d’expliquer en partie la position tenue par le président des Etats-Unis ?

    Oui, bien entendu, c’est la clef de la politique internationale américaine. Kamala Harris, comme nos écologistes et l’extrême-gauche est l’héritière du courant wilsonien pacifiste. Elle se dit féministe et parle des minorités opprimées, idées qu’elle a trouvé au supermarché de la démagogie américaine, mais elle préfère voir les femmes dans les fers, les minorités tadjik, ouzbeks, harrara…exterminées et plutôt que de soutenir une intervention militaire pour les protéger. C’est une moraliste en peau de lapin (rire). Joe Biden, en hériter du courant hamiltonien, en homme typique du Delaware, ne voit pas plus loin que le business américain et la balance commerciale. L’Afghanistan coûte plus qu’il ne rapporte, et son alliance avec Harris risquerait d’avoir du plomb dans l’aile, donc sacrifice humain. 

    Qu’il n’ait pas même eu un regret, un mot pour dire la souffrance de ceux qui croient aux valeurs universelles de liberté en Afghanistan en dit long sur sa moralité.

     

    A long terme, cet accord trouvé entre les talibans et les Occidentaux risque-t-il de se retourner contre ces derniers ? 

    Oui, où se torve la bulle promise ? J’aime beaucoup les Tartuffe qui essayent de se persuader du contraire.

    La victoire des talibans est un formidable soutien et un accélérateur de recrutement pour les groupes djihadistes dans le monde qui commençaient à péricliter après la défaite de l’État islamique, les divisons internes, les coups des démocraties. 

    Ensuite c’est un appui à la déstabilisation des États de la région. Trop loin de Washington peut-être et des campus occidentaux ? Certes, al Qaida et les talibans sont fâchés, mais le Pakistan, première puissance de la région, 210 millions d’habitants, déjà largement gangréné par l’islamisme radical, est fragilisé. A présent, le gouvernement d’Islamabad est menacé sur son propre territoire à partir de ses propres provinces de l’Est qui fêtent la victoire. Et le gouvernement indien a peur évidemment de ce que signifie cette déstabilisation rampante à ses portes.

    Le Tadjikistan qui sait que les Tadjiks d’Afghanistan vont être attaqués, s’arme pour protéger ses frontières. L’Ouzbékistan a peur lui aussi, comme ces 200 000 habitants de Termez qui vivent à la frontière, et il s’arme. En vérité, tout le Caucase est en effervescence. La lucidité.

    La Chine croit avoir un accord de non-agression ? Certes, elle l’a. Il durera le temps des intérêts talibans. Qui peut croire que l’Afghanistan refusera d’être un asile pour certains groupes djihadistes chinois alors qu’ils ont des connexions avec eux ? Les investissements chinois suffiront-ils ? Pas certain. Il en va de même pour la Russie qui paraît néanmoins ne croire qu’à demi aux promesses talibanes. 

    Quant aux démocraties occidentales, il n’existe pas de bulle protectrice dans un tel environnement. 

    Source : https://atlantico.fr/

  • Atlantico : « Le modèle suisse ou la force tranquille de la nation (n’en déplaise à Emmanuel Macron...) »

     

    2293089609.14.jpgIl nous paraît nécessaire que les royalistes - à l'Action française, notamment - prennent conscience de l'actuelle évolution des esprits. Elle est en réaction contre la pensée dominante dans de nombreux médias. Et elle gagne des publications dont ce n'était pas forcément la vocation d'y prendre part. Cette évolution nous paraît marcher du même pas que les transformations politiques en cours en Europe et Outre-Atlantique. L'entretien qui suit - en défense du nationalisme et du populisme - est paru dans Atlantico hier 5 juillet. Qu'on le lise ! Il est sur la même ligne que celle exposée en d'autres termes par Mathieu Bock-Côté [Article suivant]. Les textes ci-dessous sont parus sur Atlantico ...  .  LFAR  

     

    boutin.jpgLa Suisse met en vigueur ce 1er juillet une législation de « préférence indigène » avantageant la recherche d'emplois des résidents par rapport aux frontaliers. De son côté, Emmanuel Macron continue de cracher son venin sur les pays dont les choix nationalistes populaires les font passer, selon lui, pour des lépreux. 

    Atlantico : Emmanuel Macron dénonçait le 21 juin « la lèpre qui monte » « le nationalisme qui renaît, la frontière fermée que certains proposent » ce qui lui avait valu les réponses de Matteo Salvini, mais également de Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump qui a pu déclarer : « nous avons été traités de déplorables, d’obscurantistes et maintenant de lépreux… Les Français sont en train de réaliser combien Macron est devenu embarrassant. » Au delà de ces échanges, ne peut on pas voir un risque à critiquer ainsi les nations à priori ? N'est ce pas également nier le caractère parfaitement démocratique de certaines nations, et leur capacité à faire des choix ?

    Christophe Boutin : L’historien de l’évolution des sociétés démocratiques de la fin du XXe et du début du XXIe siècles sera certainement étonné de la violence et de la suffisance qui auront ponctué les réactions des représentants de la super-classe mondiale lorsque les peuples avaient le malheur de ne pas faire le « bon choix ». 

    Aux USA ou en Europe, dans ces États démocratiques dont le principe est pourtant, comme le rappelle l’article premier de notre Constitution, le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », c’est en effet aussitôt, de la part de l’oligarchie au pouvoir,un incommensurable mépris qui se déverse dans ce cas. « Lèpre », « sans dents », « déplorables », « racistes », tout est fait pour salir et stigmatiser ceux qui n’ont pas fait le choix de leurs princes. 

    Le même historien relèvera aussi les procédés mis en œuvre pour contrôler cette expression démocratique : atteinte à la liberté d’expression et au pluralisme des courants d’idée et d’opinion, pourtant censément garantis par les textes fondateurs des déclarations des droits, grâce à des lois pénalisant tout écart de la doxa ; organisation, après un blocage, d’une nouvelle consultation, en espérant un choix différent ; vote d’un texte d’abord rejeté par référendum par un Parlement aux ordres ; utilisation des « marchés » pour faire pression sur les économies des États frondeurs et leurs populations ; lenteurs dans la mise en œuvre des choix démocratiques par des négociations sans fin ou l’absence de textes réglementaires d’application ; refus d’organisation de nouveaux référendums ou de prise en compte des pétitions de citoyens ; organisation de manifestations « spontanées »… Refermant ses archives, cet historien verra peut-être dans tout cela une courageuse tentative des « sachants » pour museler enfin la plèbe ignare, ou, peut-être, l’une des causes de la révolution qui a suivi… il est encore trop tôt pour le dire.  

    Quoi qu’il en soit, il est intéressant de voir combien est grande chez cette oligarchie mondialiste la détestation de la nation. Belle idée, puisque de gauche, au XVIIIe, lorsqu’au nom de la nation on mettait à bas la monarchie, la nation, devenue de droite à la fin du XIXe siècle (Taine, Renan, Maurras…), est alors passée du côté obscur de la Force. Synonyme d’enfermement sur soi, vecteur des plus sombres pulsions, l’Union européenne ne cesse de nous rappeler que « le nationalisme, c’est la guerre ». La nation ne peut plus exister, à la rigueur, que comme dispensatrice de subsides à des résidents devenus tous citoyens, et qui peuvent ainsi, par la magie administrative, « faire nation » lors de cérémonies festives comme la coupe du monde de football. Mais qu’elle se prétende enracinée dans l’histoire, porteuse de valeurs voire, horrosco referens, d’une identité, voilà qui révulse nos oligarques.  

    Le problème est que si les peuples peuvent s’amuser à oublier leurs solidarités lors des périodes bénies de l’histoire, si tant est qu’il y en ait eu, en temps de crise ils cherchent au contraire à les retrouver : la peur ressoude, et elle ressoude ceux qui se ressemblent contre un ennemi commun qui prend la figure de l’Autre. On peut le déplorer, on peut penser qu’il faudrait au contraire, pour conjurer les violences, se jeter dans les bras de cet Autre, se dire que « si tous les gars du monde se donnaient la main cela ferait une ronde », mais l’historien cherche en vain des partisans de cette démarche qui aient survécu à la rencontre. Or dans ce cadre de crise qui est le nôtre en Europe en 2018, la nation est le plus vaste des cercles d’appartenance, la communauté cohérente la plus importante, et, malgré les critiques, elle ressurgit donc « naturellement » pourrait-on dire. 

    Par ailleurs si le nationalisme a parfois produit des emphases et des excès, il a tout autant favorisé le développement des arts, enrichi des cultures, développé des droits et libertés. Et il a su défendre l’ensemble lorsqu’il le fallait, c’est-à-dire lorsque les frontières - encore un gros mot pour certains, qui oublient qu’un groupe humain vit sur un territoire donné, qu’il façonne selon son génie propre - étaient menacées.  

    Le nationalisme ne mérite donc pas cet excès d’indignité, qui s’explique sans doute plus par le fait qu’il ose lutter pour garantir la protection de la communauté nationale contre les effets délétères d’une économie mondialisée qui reste l’horizon ultime de nos oligarques. Ce qu’ils reprochent à la nation, c’est de freiner l’avènement de ce monde nouveau où les winners pourront enfin régner sans partage. Mais le risque, pour tous ces donneurs de leçons, est de laisser par trop voir le décalage qui existe entre les principes de la démocratie, répétés comme des mantras puisque, pour que le peuple ne se soulève pas, il faut, rappelle Tocqueville, qu’il pense tenir la chaîne qui lie collectivement ses membres, et la réalité d’un pouvoir inégalitaire. 

    Alors que la Suisse met en vigueur ce 1er juillet une législation de « préférence indigène » avantageant la recherche d'emplois des résidents par rapport aux frontaliers, ou que le Japon, après une longue période de refus de l'immigration, a pu ouvrir ses frontières afin de faire face à ses besoins, comment expliquer notre regard moral posé face aux choix réalisés par les nations ? Comment expliquer ce regard porté sur des décisions prises de façon démocratique dans le cadre national ?

    Les nations, dont l’objectif principal est de « persévérer dans leur être », ce qui ne veut pas dire fixisme mais évolution volontaire, ont toute légitimité pour agir comme elles le veulent, « ouvrant » ou « fermant » leurs frontières en fonction de leur seul intérêt. Et à partir du moment où, si la règle du jeu national est la démocratie, les règles démocratiques ont été respectées lors des débats et des votes, la décision prise par la nation, soit directement par le référendum, soit par ses représentants, est juridiquement parfaitement légitime.  

    On objectera qu’elle doit encore respecter le « droit » - la loi française devant par exemple respecter la Constitution, et pouvant être sanctionnée par le Conseil constitutionnel lorsque ce n’est pas le cas. Mais n’oublions pas que, d’une part, le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la conformité de lois référendaires qui sont l’expression directe du peuple souverain, et, d’autre part, qu’en cas de désaccord il y a toujours la possibilité pour ce même peuple souverain de réviser la Constitution pour amener le juge constitutionnel à accepter ses choix. Reste, c’est vrai, l’existence de juges supranationaux, au premier rang desquels la Cour européenne des droits de l’homme, mais sa légitimité ne résulte que de la signature d’un traité, qui peut toujours être dénoncé, et non d’une sorte de mystique d’un droit supranational. 

    Rien n’explique donc les termes employés pour critiquer certains choix, sinon la nécessité, lorsque la critique politique n’est plus possible, de la remplacer par une critique morale. Au nom d’une pseudo-morale pseudo-universelle, au nom en fait de la doxa de la classe dominante traduite en termes binaires de conflits entre le « Bien » et le « Mal », relayée ad nauseam par des médias peuplés de ces intellectuels organiques décrits par Gramsci comme servant à domestiquer la société, éclairée par ces images passant en boucle qui achèvent, dans le monde moderne, de sidérer les populations, on prétend discréditer la thèse démocratiquement majoritaire et conférer une légitimité absolue, parce que « morale », à celle qui a été rejetée.   

    En quoi ce biais visant à lier « nation » et « lèpre », niant les nations démocratiques, peut-il justement conduire à renforcer des acteurs du type de Steve Bannon ou Matteo Salvini, dont les objectifs peuvent parfois être classés dans une rubrique plutôt « nationaliste » ? 

    Comme le dit Steve Bannon dans le même entretien, « l’autorité ne vient pas de l’imagination » - comprendre ici de ce délire moralisateur qui ne repose que sur du vent – « mais de la réalité. Et la réalité, c’est que Macron parle pendant que Salvini ou Orbán agissent ». On peut en effet tenter d’écarter des thèses, de les interdire de parole, de cacher des informations, de travestir la réalité. On peut, comme dans le conte bien connu d’Andersen, faire croire que l’empereur porte un merveilleux costume quand il est nu. Mais un jour vient où la réalité, brute, violente, évidente, ne peut plus être niée.  

    « Macron consacre toute son énergie à essayer de contenir la vague populiste – continuait Bannon - et c’est tout ce qu’on retiendra de lui. Mais il est impossible de la stopper. » Il est certain en tout cas que ce n’est pas en occultant les éléments qui ont contribué à créer cette vague, comme le choc migratoire ou la revendication identitaire, et en stigmatisant de manière  méprisante nationalistes et populistes, que les peuples européens ne se rendront pas compte que l’empereur est nu.Le décalage entre le discours moralisateur et la réalité du quotidien ne peut donc que servir les discours réalistes. 

    Pourquoi alors les moralisateurs ne s’en rendent-ils pas compte ?

    Parce que nous en sommes arrivés à une véritable incommunicabilité paradigmatique entre les « progressistes » et les « conservateurs », entre « les moralisateurs » et les « réalistes » : ce sont les mêmes mots qui sont utilisés (nation, démocratie…), mais ils n’ont plus le même sens dans l’esprit de ceux en usent ou les entendent, au point que les gardiens de la doxa ne se rendent plus compte que les éléments critiques qu’ils présentent (« c’est un nationaliste ») servent en fait dans l’esprit d’une grande partie de nos populations ceux qu’ils voudraient abattre. Un cas d’école qui fascinera certainement l’historien que nous évoquions.   

    Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment  publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009)  et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017).

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  • Charte de l’islam: nécessaire, mais très loin d’être suffisant, par Aurélien Marq.

    Signature de la charte des principes de l'islam, Paris, le 18 janvier 2021 © Raphael Lafargue-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01000385_000011

    Encore un effort, mon frère!

    Les membres du Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur des pouvoirs publics parmi les musulmans, ont trouvé un accord et signé une «charte des principes». Elle affirme enfin l’égalité hommes-femmes et le droit de changer de religion. Mais des zones d’ombre dans le texte et la faiblesse de l’autorité du CFCM sur les fidèles ne sont pas sans laisser de nombreux problèmes irrésolus. Analyse.

    Le simple fait que l’on ait envie d’applaudir parce que le CFCM s’est enfin décidé à adopter une charte par laquelle il s’engage à respecter certains principes fondamentaux de la République montre à quel point le mal est profond. Ce devrait être une évidence, un prérequis indispensable, on y voit une avancée majeure, et les signataires eux-mêmes évoquent « une page importante de l’histoire de France » pour qualifier le fait que l’islam ne se proclame plus au-dessus des lois.

    Reste que les auteurs de cette charte ne sont pas responsables du passé. Alors oui, c’est une avancée. Oui, on devine que la tâche a été ardue. Oui, c’était une démarche nécessaire. Et on peut saluer l’action du gouvernement qui a voulu l’existence de ce document. Comme quoi, quelques mois de fermeté ont obtenu bien plus que des décennies d’accommodements et des milliards de subventions, et c’est sans doute la principale leçon à retirer de tout ceci. L’islam ne respecte la République que lorsqu’elle ose enfin se faire respecter.

    Ceci posé, que dire de cette charte ? Elle souffre de deux péchés originels, qui malheureusement en limitent considérablement la portée malgré les bonnes intentions évidentes de ses principaux artisans. D’abord, elle veut rassembler au lieu de distinguer, d’où des formulations à l’ambiguïté dangereuse, et des compromis douteux que l’on devine entre les lignes. Ensuite, elle évite soigneusement tout regard critique sur l’islam pour se contenter de parler de ce qu’elle appelle l’usage fait de la religion, ce qui l’empêche de traiter les vrais problèmes. Je rejoins là totalement l’analyse de Razika Adnani, islamologue et membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France.

    Les signataires prennent parti pour la France

    Soulignons tout de même certains des principaux points forts de la charte : l’affirmation que « aucune conviction religieuse ne peut être invoquée pour se soustraire aux obligations des citoyens » ; le refus que « les lieux de culte servent à diffuser des discours politiques ou importent des conflits qui ont lieu dans d’autres parties du monde » ainsi que le rejet des « politiques étrangères hostiles à la France, notre pays, et à nos compatriotes Français » (on comprend que les sbires d’Erdogan n’aient pas signé !) ; enfin la déclaration que « les dénonciations d’un prétendu racisme d’État, comme toutes les postures victimaires, relèvent de la diffamation » et un paragraphe que je reproduis intégralement car il me semble fondamental : « Dans notre pays, visé trop souvent par des propagandes qui le dénigrent, des millions de croyants se rendent paisiblement à l’office religieux de leur choix et des millions d’autres s’abstiennent de le faire en toute liberté. Cette réalité qui nous semble normale n’est malheureusement pas celle de nombreuses sociétés du monde d’aujourd’hui. » Par ce crucial « malheureusement », les signataires sortent du simple constat et prennent parti pour la France contre le modèle historique du « monde musulman ». Il y a donc du bon dans ce texte, et même du très bon.

    Hélas ! À côté de ces déclarations fortes et bienvenues, la charte peine à naviguer la distinction entre l’essence et l’usage. Ainsi dit-elle que « les valeurs islamiques et les principes de droit applicables dans la République sont parfaitement compatibles » : ce n’est pas faire injure à nos concitoyens musulmans que de constater que 14 siècles d’histoire ainsi que la lecture des injonctions coraniques démontrent le contraire, et que la démarche des musulmans humanistes n’en est que plus méritoire, puisqu’elle est non un confortable retour aux sources, mais une exigeante et radicale rupture.

    De même, l’article 6 est remarquable par cette note de bas de page qui rejette toute promotion du « salafisme (wahhabisme) » – qu’en est-il du salafisme non wahhabite ? – du Tabligh et de « la pensée des Frères musulmans et des courants nationalistes qui s’y rattachent » – les oreilles du néo-sultan Erdogan ont dû siffler derechef – mais il parle encore « d’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques ». Double erreur : d’une part parce que l’islamisme n’est pas une instrumentalisation de la religion à des fins politiques, mais une instrumentalisation de la politique à des fins religieuses, d’autre part parce que l’islam est depuis son origine un projet de société total et donc entre autres politique. Le fiqh n’est pas un épiphénomène !

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    La mosquée radicale de Pantin avait critiqué sur Facebook le professeur Samuel Paty assassiné à Conflans Sainte Honorine © CHRISTOPHE SAIDI/SIPA Numéro de reportage : 00986850_000004

    Ambiguïtés potentiellement dangereuses

    On peut comprendre que les rédacteurs de la charte aient choisi de ne pas se couper de l’islam tel qu’il existe partout ailleurs, en affirmant ne critiquer que des usages de la religion et non son essence. C’est néanmoins regrettable : dans les faits, certaines de leurs prises de position introduisent une distance critique courageuse vis-à-vis tant du texte coranique que de la tradition, notamment sunnite. Mais en ne l’assumant pas clairement, ils permettent des ambiguïtés potentiellement dangereuses. Par exemple, ils refusent toute promotion de « l’islam politique » (avec la fameuse liste wahhabisme, Tabligh, Frères Musulmans) mais affirment également que « toutes les écoles doctrinales de l’islam revêtent la même légitimité », y compris donc celles dont ils refusent de faire la promotion mais qu’ils ne vont manifestement pas jusqu’à condamner franchement.

    Autre exemple frappant, et qui devra être rapidement clarifié : l’apostasie. Le droit de changer de religion est enfin reconnu, et les signataires s’engagent à ne pas criminaliser ni stigmatiser un renoncement à l’islam « ni à le qualifier « d’apostasie » (ridda) ». Un esprit chagrin dira que cela revient à s’engager à ne pas qualifier de pain un aliment obtenu par la cuisson d’une pâte mélangeant de la farine et de l’eau, pour dire que l’on autorise la consommation de cet aliment tout en continuant à interdire le pain. Sans aller jusque-là, il faudra tout de même préciser quelle est la différence entre l’apostasie (au sens du dictionnaire) et la ridda. Je crains, parce que cette argutie est fréquente dans nombre de pays musulmans, que dans l’esprit des signataires de la charte la nuance porte sur la « discrétion » du renoncement à l’islam. Ils insisteront alors pour que, par « respect », les apostats ne fassent pas la « publicité » de leur apostasie, ce qui veut dire soit ne la rendent pas publique, soit n’en fassent pas la promotion en exposant leurs motivations, soit les deux – positions évidemment inacceptables. J’espère me tromper, mais en tout cas il y a là une ambiguïté qu’il faut lever au plus vite.

    Par ailleurs, cette question de la « publicité » de l’apostasie m’amène à la grande absente de la charte : la liberté d’expression, avec ses corollaires évidents que sont le droit de critiquer l’islam (et les religions en général) et le droit au blasphème. Bien sûr, il est écrit « nous acceptons tous les débats », mais sa propre charte va-t-elle obliger le CFCM à se débarrasser d’Abdallah Zekri, qui trouvait que Mila l’avait « bien cherché » ? Si la réponse est non, si la « charte des principes pour l’islam de France » permet de continuer à affirmer qu’une adolescente a « bien cherché » de voir sa vie menacée et d’être confrontée à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort parce qu’elle a blasphémé, alors cette charte n’est qu’une triste fumisterie.

    On peut aussi se demander quel sera la portée concrète de ce texte. Une chose est sûre : il servira de cache-sexe à certains de ceux qui voudront affirmer que « cépaçalislam » et que les crimes commis au nom de l’islam et en conformité avec le Coran n’ont rien à voir avec l’islam. Mais encore ? Les manquements aux engagements pris doivent entraîner l’exclusion des « instances représentatives de l’islam de France » : avec quelles conséquences en termes de statut légal ? De subventions ? De droit de prêcher ?

    Le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles

    De plus, n’imaginons pas que la mentalité des fidèles va miraculeusement changer – mais ne le reprochons pas aux signataires de la charte. Les catholiques ne sont pas tous subitement devenus des militants no-borders sous prétexte que le Pape en est un, et il faut rappeler que contrairement au Vatican le CFCM n’a aucun magistère, aucune autorité morale ni théologique sur les fidèles. Et le silence assourdissant de la fameuse « majorité silencieuse » face aux crimes et aux ambitions des islamistes laisse craindre qu’elle soit plus sensible aux discours de ces derniers qu’à ceux de la frange républicaine du CFCM.

    Et justement, l’opposition à cette charte n’a pas tardé à se faire entendre. « Dômes et Minarets » par exemple, qui qualifie Hassen Chalghoumi de « faux imam » parce qu’il exerce un jugement moral et critique sur certains passages du « noble Coran » (statut des femmes, mise à mort des polythéistes, etc), s’oppose explicitement à la charte et a organisé ces jours-ci un sondage « vous sentez-vous représenté par le CFCM ? », question à laquelle les internautes ont répondu « non » à 96%.

    De cette opposition, les rédacteurs et les signataires de la charte ne sont pas responsables, mais ils le sont des zones d’ombre du texte. Face aux unes comme aux autres, la balle est désormais dans le camp du gouvernement. Puisse-t-il poursuivre ses efforts et se souvenir de cette leçon : face à l’hydre islamiste, seule la fermeté est efficace.

     

    Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Disciple de Plutarque.
     
  • Société & Islam • « L’Islam à la conquête de l’Occident. La stratégie dévoilée »

    Par Annie LAURENT  

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    Jean-Frédéric Poisson, président du Parti chrétien-démocrate (PCD), publie un livre « explosif » révélant un document stratégique adopté en 2000 par les États musulmans pour installer en Occident une « civilisation de substitution ». Explications.

    poisson-islam-conquete-occident-757x1024.jpgVotre livre examine un document intitulé « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique », qui a été élaboré par l’ISESCO, département culturel de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), regroupant 57 Etats musulmans. Dans quelles circonstances avez-vous découvert ce texte dont personne ne parle et pour quels motifs avez-vous décidé d’en faire connaître le contenu au plus grand nombre ? 

    C’est en lisant un livre de l’universitaire libanaise Lina Murr Nehme (Tariq Ramadan, Tareq Obrou, Dalil Boubakeur – Ce qu’ils nous cachent, ed. Salvator) que j’ai découvert le titre de ce document auquel elle faisait référence. Ma curiosité a fait le reste : je suis allé le consulter sur internet (il est disponible sur le site isesco.org) et sa lecture m’a édifié. Il n’est pas fréquent que la deuxième plus importante organisation d’Etats au monde, en l’occurrence l’OCI, élabore un document stratégique visant purement et simplement à assurer la domination de sa civilisation sur le reste du monde, et le disant ouvertement. L’origine de ce texte, son caractère officiel et son objectif universaliste me sont apparus comme autant de raisons de le faire connaître au grand public… et aussi aux responsables politiques français ! On ne sait jamais… 

    Pouvez-vous esquisser rapidement les principes énoncés dans cette Stratégie ? 

    Chaque musulman a le devoir de protéger et de fortifier partout sa communauté (l’Oumma) et d’assurer la propagation de tous ce qui la constitue. Il y a une vingtaine d’années, les Etats islamiques constataient que les communautés musulmanes occidentales n’étaient plus en situation de transmettre l’Islam dans de bonnes conditions aux nouvelles générations, et donc de répondre à cette double obligation. La Stratégie culturelle islamique vise donc d’abord à ré-enraciner les musulmans occidentaux dans leur culture et leur foi, pour qu’ils soient acteurs de l’islamisation universelle. La déréliction actuelle de l’Occident, le vide que représente la société de consommation, ont évidemment, aux yeux des responsables musulmans, vocation à ouvrir la voie au seul projet de civilisation qui soit à la fois exigeant et profitable à l’homme : l’Islam. Le document que je commente dans mon livre planifie ce remplacement. Il évoque lui-même la volonté « d’installer une société islamique pure et saine » en Occident. Difficile d’être plus clair ! 

    Selon vous, pourquoi ce document, malgré son caractère officiel, n’a jamais été pris en considération par les dirigeants politiques occidentaux, français en particulier, et par les élites en général, depuis sa publication en 2000 ? 

    D’abord la majorité des responsables politiques français considèrent l’islam comme une sorte de christianisme des Arabes. Et qu’il évoluera donc comme le christianisme – à leurs yeux tout au moins – a évolué, c’est-à-dire dans le sens d’un adoucissement, pour ne pas dire d’un affadissement progressif de ses principes. En un mot, ils ne connaissent ni ne comprennent la nature profonde de l’islam. Ensuite, beaucoup d’entre eux sont tout de même biberonnés aux bienfaits du multiculturalisme, consciemment ou non. Et cette doctrine, qui est le premier moment de la conquête de l’Europe par l’Islam, entre facilement en résonance avec ce que souhaite ce dernier. Enfin, il y a le pire : la couardise, face à un phénomène – la progression de l’islam en France – qu’ils renoncent à traiter dans le débat public, à cause de la pression médiatique qui existe sur ce sujet. Tout cela est en train de changer un peu, mais très lentement. 

    Vous affirmez sans ambages, preuves à l’appui, que l’islam est porteur d’un projet conquérant. Votre position est rarissime chez les responsables politiques occidentaux. Comment expliquez-vous leur passivité face à cette menace, que je qualifierais volontiers d’« existentielle », alors que tant d’études sérieuses sur ce sujet ont été publiées par des experts ? 

    Aux raisons que je viens d’évoquer s’ajoute une stratégie de la réduction au silence menée par les Frères musulmans, en particulier contre leurs opposants. J’ai rencontré récemment un historien spécialiste de l’antisémitisme islamique qui subit procès sur procès dans le but de le faire taire : les musulmans français l’empêchent de dénoncer ce qui est une évidence pour tous. À l’intérieur même de la communauté musulmane, les promoteurs de l’islamisation de la France et de l’Europe exercent une forme de terreur, parfois physique, sur ceux qui voudraient les critiquer ou les empêcher de remplacer la loi française par la charia. Quant aux intellectuels musulmans, en France comme ailleurs, qui sont conscients des impasses de la doctrine islamique et du danger de son application politique, ils sont eux aussi réduits au silence, en particulier parce qu’en France, l’État ne les aide pas à prendre la parole et à promouvoir leurs travaux. 

    Vous estimez que le dialogue des responsables musulmans avec les non-musulmans s’inscrit dans le cadre d’un rapport de forces destiné à lever la méfiance des Occidentaux. Sur quoi repose cette conviction ? 

    Il n’y a pas à proprement parler de dialogue dans la conception islamique. Plutôt, l’islam ne reconnaît la légitimité du dialogue avec les non-musulmans que pour s’assurer leur conversion ou leur soumission. De sorte que, du point de vue de la doctrine islamique, il n’y a que deux issues au dialogue : l’islam (qu’on s’y convertisse ou qu’on s’y soumette) ou la mort (qu’elle soit purement et simplement physique ou qu’elle prenne la forme du bannissement). Tout cela s’explique d’ailleurs parfaitement : dans la mesure où l’Islam se perçoit comme la religion naturelle des hommes, la seule voulue par Dieu, on ne voit pas pourquoi ses fidèles perdraient leur temps à discuter avec des personnes qui croient dans des ersatz de religion, dépourvus de valeur. Le Coran est très clair sur le sujet : il appelle à combattre les adeptes d’autres religions ou les incroyants, pas seulement en situation de légitime défense mais du simple fait qu’ils ne sont pas musulmans.

    Le projet conquérant de l’islam est simple : dominer culturellement et juridiquement l’Europe et convaincre les Européens non musulmans d’agir en sa faveur. Il s’agit de rééditer la stratégie et l’œuvre de Mahomet, en sa double qualité de chef politique et militaire, qui sut utiliser les ressources des peuples conquis ou asservis. L’islam veut soumettre l’Occident à la dhimmitude, statut juridique qui autorise les juifs et les chrétiens à conserver leurs croyances moyennant le versement un impôt per capita. Tel est le sort des « mécréants » en pays musulman. En attendant que cette soumission s’instaure en Occident, nos pays sont très vivement priés de laisser s’installer sur leur sol les communautés musulmanes régies par leur droit propre et disposant de leurs écoles. Cette logique séparatiste n’est pas seulement destinée à conforter l’identité des musulmans occidentaux, elle vise aussi à fracturer nos sociétés pour permettre à l’islam de s’y installer plus facilement. Telle est l’essence même du projet politique de la Stratégie. 

    On est donc en train de passer du multiculturel au multi-juridisme ? 

    Oui, et c’est d’ailleurs ce passage qui fait la différence entre le communautarisme et le séparatisme. Indéniablement, il existe dans le projet de l’OCI la volonté d’installer une justice interne à la communauté musulmane, et par conséquent complètement séparée des institutions judiciaires françaises. Cette séparation existe d’ailleurs d’ores et déjà au Royaume-Uni. Avec elle, on transforme une communauté en un quasi proto-Etat, dont la vocation consiste à se débarrasser de la tutelle du pays-hôte. Cette transformation, à la fois juridique et politique, prouve que les motivations des musulmans – du moins leurs représentants et leurs militants - ne sont pas que religieuses mais qu’ils sont bel et bien dans une démarche de conquête du pouvoir. 

    Depuis quelques années, les souffrances endurées par les chrétiens ressortissants de pays musulmans, au Proche-Orient mais aussi en Afrique et en Asie (cf. le cas d’Asia Bibi au Pakistan), semblent avoir réveillé la conscience des Français sur des réalités de l’islam qu’ils ne voyaient plus. Ce réveil serait-il dû, selon vous, à la présence croissante de musulmans dans nos pays, ou bien lui attribuez-vous d’autres causes plus désintéressées ? 

    La générosité habituelle des Français lorsqu’il s’agit de soutenir des opprimés partout dans le monde se vérifie envers les chrétiens d’Orient. Mais si l’expansion de l’islam dans notre pays a pu favoriser la solidarité envers les chrétiens orientaux, je ne reconnais pas dans cet intérêt pour eux la cause que j’aimerais y voir : la conscience de partager un héritage civilisationnel commun et par conséquent le devoir strict de tout faire pour que ne disparaissent pas du Levant les traces de cette civilisation. Il reste, malgré tout, que les injustices et les cruautés que les chrétiens d’Orient ont subies dans l’histoire, et qu’ils endurent encore, sont très certainement une marque de ce dont l’islam est capable envers les non-musulmans. Cette dimension interroge sans doute nos compatriotes et accroît leur mobilisation. 

    En réfléchissant aux probables adaptations de la loi de 1905 envisagées par le président Emmanuel Macron, vous suggérez des révisions compatibles avec l’esprit de cette loi. Le contrôle des associations cultuelles que vous préconisez ne risque-t-il pas de conduire à un contrôle identique de l’Etat sur l’enseignement dispensé dans les institutions chrétiennes, si celui-ci contredit les évolutions législatives, notamment en matière de droit de la famille ou de bioéthique ? 

    Ce n’est jamais sans risque qu’on encadre une liberté. Toutefois, il existe une différence importante entre les associations cultuelles islamiques relevant par nature de la loi de 1905, et les écoles relevant par nature de la loi de 1901.
    Et par ailleurs, il est tout de même difficile, même avec la plus parfaite mauvaise foi, de considérer qu’une opinion différente de la pensée unique sur les questions de bioéthique, par exemple, a le même statut politique et représente pour la cohésion sociale le même risque qu’un discours ouvertement anti-occidental, fondé sur la violence et le mensonge comme des outils légitimes ! Le problème, pour la puissance publique française, n’est pas d’apprendre à traiter avec la plus grande fermeté les doctrines considérées comme adversaires. Elle le fait déjà. Le problème est de considérer que l’Islam comme doctrine fait partie de ces adversaires. Or, nous en sommes très loin. C’est pourquoi toutes les démarches pédagogiques portant sur le contenu et les stratégies de l’islam sont bienvenues : il s’agit d’éclairer autant que possible le peuple français comme ses responsables.
     

    Vous-même, en tant qu’homme politique, que préconisez-vous comme mesures politiques concrètes face à l’extension de l’islam en France ? 

    Poisson©F.Ayroulet-620x330.jpgLe document de l’ISESCO montre que l’islamisation de la France relève d’une volonté stratégique portée par des Etats, agissant sur le champ culturel, et soutenue par des moyens financiers importants. Par conséquent, si la France veut y répondre, elle doit le faire sur ces trois plans.

    D’abord, faire de l’islamisation un enjeu de politique publique, porté par le gouvernement, et ne pas laisser les maires se débrouiller seuls. Il est aussi impératif de réinvestir le champ culturel par la promotion de notre civilisation, notamment à travers les réformes des programmes de l’Education nationale, en histoire comme en français. Il faut réapprendre à nos jeunes la fierté d’un héritage si beau malgré ses imperfections et ses dérives. Enfin, des moyens conséquents doivent servir cet objectif afin de répondre d’égal à égal aux pays musulmans qui, au moins sur ce plan, sont nos adversaires. Nous ne pouvons pas accepter que les Etats du Golfe continuent d’acquérir les plus beaux fleurons de notre hôtellerie et de nos châteaux, ou nos clubs de football – pour ne citer que ces exemples.

    Ensuite, l’islamisation relève d’un « gagne-terrain » favorisé par le renoncement de la puissance publique à appliquer la loi française, dans sa lettre et son esprit. Ainsi, même s’il n’est pas illégal de réserver des horaires de piscine aux musulmanes, une telle pratique est violemment contraire à l’esprit d’égalité et de confiance dans la personne humaine qui est la marque de notre civilisation. Il convient donc, là aussi, de réaffirmer la force de l’Etat.

    Enfin, tout doit être fait pour soutenir notre démographie. Il y a longtemps que, pour le bien commun de notre pays, nous réclamons un contrôle strict des flux migratoires, la suspension du droit du sol pour l’acquisition de la nationalité française et le renforcement de la politique familiale. Ces dispositions ne portent pas directement sur la contention de l’islam, mais leurs effets permettraient de lutter contre le déséquilibre démographique alimenté par sa progression. Evidemment, la dénonciation sans réserve du Pacte de Marrakech sur les migrations que la France a récemment signé, s’inscrit dans cette perspective.  

    Article paru dans La Nef, n° 310 – Janvier 2019. 

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

    Annie Laurent
    Spécialis
  • Boualem Sansal : « Où va l’Europe ? ».

    Boualem Sansal. Clairefond

    Le grand écrivain algérien, réputé pour son indépendance d’esprit, et qui vit en Algérie envers et contre tout, est tourmenté par le destin du Vieux Continent. L’Union européenne ne s’assume pas comme puissance et se renie comme civilisation, juge-t-il.

    Avant de chercher cela, demandez-vous d’abord : qui la pilote ? Comme j’ai eu moi-même à le constater, vous ne tarderez guère, chers amis de là-bas, à découvrir que personne autour de vous ne le sait et ne sait même comment le trouver pour apprendre de lui ce qu’il voudra bien vous révéler : quel est son nom, qui l’a mandaté, où vous mène-t-on et s’il le sait lui-même, qu’il le dise : c’est quoi l’Europe et à quoi elle sert dans le schéma mondial dominé par l’équipe gagnante du millénaire, les onze vraies grandes puissances : les USA, la Chine, l’Allemagne, la Russie, le Royaume-Uni, Israël, la Turquie, l’Iran, le Qatar, l’Arabie, la Corée du Nord. La volonté de puissance et de domination est un cardinal essentiel de leur personnalité.

    Les questions sont ainsi, une fois lâchées, elles se hèlent les unes les autres avec une urgence fiévreuse dans le ton.

    À un certain niveau d’ignorance et de déception, on est condamné à imaginer le pire et le pire n’a pas de fin. Dans ce territoire perdu situé entre le Maroc et la Tunisie, d’où je vous adresse cette alerte, je peux vous le dire, le pire est passé par-là et n’a rien laissé derrière lui, rien. Chacun doit au moins savoir cela pour sa gouverne : c’est quoi, le pire chez lui et à quel stade il est ?

    On peut en disputer encore et encore mais à un moment il faut s’arrêter et reconnaître la réalité : l’Europe a toutes les apparences d’une chose qui n’existe pas, n’a jamais existé, comme Europe, la déesse aux grands yeux de la mythologie grecque qui lui a donné son nom. Soit dit en passant, Arès, le dieu de la guerre, eût été tout désigné pour l’accompagner, il aurait transmis un peu de vigueur aux enfants de la belle. La guerre et la gloire, il n’y a que ça de vrai et tout l’art du guerrier est de ne la faire que pour gagner, et en cas de doute quant à son issue, la rendre impossible jusqu’à ce que le vent tourne à son avantage.

    C’est rageant de s’être tant questionné pour au final se voir moins avancé qu’au départ où au moins on avait des illusions et le plaisir d’y croire.

    Oublions cette Europe, la mythique, enlevée et abusée par Zeus puis offerte en cadeau de mariage à un mortel qui n’avait rien de fameux, le roi de Crète, et l’historique, trahie par les siens et livrée au moloch de Wall Street, et regardons un peu cette chose pénible, bien réelle elle, l’Union européenne, une colonie marchande inféconde, sans peuple ni mythologie mais avec un drapeau et un hymne, des institutions dans tous les coins et des démembrements à tous les étages, le tout actionné à hue et à dia par des officiers de la coloniale insipides et arrogants : « Je vous administre de loin, je n’ai pas à venir vous visiter et manger le même pain que vous. » Avez-vous entendu cela ? Moi, si, et ça m’a rappelé un temps que les moins de 20 ans…

    Quel roi français, de Clovis Ier à de Gaulle Ier en passant par François Ier et Napoléon Ier, aurait accepté de voir pareils énergumènes venir lui en conter, l’abreuver de reproches, lui dicter des mesures drastiques et le sommer de se le tenir pour dit ? Quel roi, quelle gracieuse majesté britannique les aurait seulement reçus ? Aucun, aucune, la cruauté ne leur a jamais fait défaut, ceux-là. Dieu et mon droit, est leur foi. Les Allemands ont cédé et payé, certes, mais au seul titre des réparations imposées par les vainqueurs. Il n’est plus interdit de le penser aujourd’hui, ils n’ont payé que pour relever les économies de leurs victimes et s’enrichir de nouveau sur leurs dos. Cette nation conquérante, convertie au pacifisme stratégique, n’a jamais eu de difficultés à se faire des ennemis à envahir et à ruiner. Bon sang ne saurait mentir mais il peut jurer ses grands dieux ; la taqiya n’est pas qu’islamique. Les vainqueurs ne comprendront jamais rien aux ruses des vaincus, gagnants en dernier ressort car ils ont en main les instruments de la vengeance finale : la victimisation radicale, la persécution morale et le jugement de Dieu. Malheur aux vainqueurs ! écrivait Boris Cyrulnik.

    En poursuivant le raisonnement et en vous souvenant que mettre dans le même espace de confinement des Latins, des Germains, des Vikings, des Slaves et des Magyars, ainsi que leurs émigrés africains, maghrébins, turcs, asiatiques, vous arriverez à la même conclusion que moi, la réaction nucléaire est au programme. Faire de grandes nations ayant vocation planétaire des provinces d’arrière-pays, est-ce leur vouloir du bien ? Arrivera le jour où on jurera qu’il n’y a jamais eu ici ni Europe ni autochtones, ni rien autour, ils auront été vaporisés dans le maelstrom, laissant place libre pour d’autres occupants, d’autres histoires.

    Si on ne sait pas répondre à une question, on la prend par sa forme conjuguée, parfois ça marche. En l’occurrence, la forme conjuguée de « Où va, l’Europe ? » est « Où ne va pas, l’Europe ? ». Vu ainsi, tout devient simple, et les réponses et les mots pour les dire viennent aisément, il suffit ensuite de les inverser : faillite, régression, voie de garage, mur, dépôt de bilan, trou noir, liquidation avant fermeture, changement de propriétaire… qui sont bien les antonymes des mots en usage à Bruxelles : succès, progrès, paix et croissance, horizon lumineux, humanité heureuse, etc.

    Avant toute fin est un point qu’il importe de repérer avant de poser le pied dessus, le point de non-retour. En ce lieu d’hébétude noire, on comprend d’un bloc tout ce que nos yeux et nos oreilles avaient refusé de voir et d’entendre quand les alarmes pleuvaient et que nous avions les moyens, hérités de nos pères, d’être notre propre assureur. On périt toujours par où on a péché, la perte de la confiance en soi est un grand malheur, autant que l’octroi de sa confiance à ses associés en affaires.

    La bonne idée serait de tout changer, le bateau, le pilote et ce pauvre mythe d’une Europe heureuse dans un monde de barbares, mais parfois résoudre un problème revient à en créer un autre, plus grand, chose bien connue des bricoleurs du dimanche. Il faudrait probablement aller plus loin, repenser notre vision du monde et l’utilité de notre présence sur terre.

    En fait, le raisonnement était vicié au départ. « Où va, l’Europe ? » n’est pas vraiment une question à poser, le futur n’est pas une destination, la nation n’est pas un bateau et le pilote n’est pas une personne mais un système, une raison froide servie par des machines électriques. La question exprimerait un ressenti, une angoisse sourde qui aurait à voir avec la respiration du peuple, les vibrations du sol, le comportement étrange des animaux, le climat qui chiffonne les cœurs.

    L’inversion des pôles est en chemin, il faut le savoir. L’hyper organisation écrase l’humain en tant qu’individu en ses divers âges, en tant que couple, groupe, communauté, nation, et fatalement bride la vie et l’éteint, elle ne connaît que des catégories juridico-administratives : employés, consommateurs, entrepreneurs, foyers fiscaux, migrants, retraités, LGBT, chômeurs détachés, autres… des gens à la base c’est sûr mais beaucoup ne le savent pas, le lavage de cerveau les a aseptisés, ils croient être des numéros de sécurité sociale, des codes secrets tatoués sur disque dur, des émoticônes sur lesquels il faut cliquer pour avoir du son.

    Les rebelles devront travailler dur pour ne pas se laisser voler leur âme et leur pays. L’Europe n’existe pas mais rien n’interdit d’en rêver, de la bâtir aussi mais comme jadis on construisait une maison commune au centre du village, avec de bons matériaux et des sentiments qui ont cristallisé sur des siècles, la fraternité, la confiance, le respect, pas à coups de traités qui ne sont que la traduction de rapports de force vulgaires et de programmes ad hoc qui fabriquent des assistés compulsifs et des ayants droit condamnés à faire le pied de grue devant les guichets des administrations, ce que nos États respectifs font déjà très bien pour notre malheur et celui de nos enfants. « Orwell, au secours, ils remettent ça ! », a-t-on envie de crier.

    Une suggestion avant le point de non-retour ? Oui, démantelez l’UE, vaccinez ses chantres, décontaminez les lieux, lancez des programmes de réinsertion de ses fonctionnaires dans la vraie vie, et le reste viendra de lui-même, la raison reprendra du service, on se souviendra qu’à part les grands rois, les religions en leur début et d’immenses batailles qui ont fait trembler la terre des décennies durant et fait couler des torrents de sang, personne au monde ne sait comment on fabrique des peuples et comment on les accouple pour engendrer un peuple nouveau, supérieur en nombre et en volonté, donc dangereux pour les voisins.

    Il faut se donner le temps de méditer la lamentable machination qui a fabriqué le monde dit arabe et l’a chargé d’un messianisme hors sujet, à partir de peuples modestes, sans ambition aucune, berbères, égyptiens, irakiens, syriens, libanais, palestiniens, yéménites, jordaniens, saoudiens, koweïtiens, omanais, qataris, ayant chacun son identité et son histoire bimillénaire. Ils sont aujourd’hui 430 millions d’Arabes pris dans une fiction apocalyptique, conçue pour eux par… oui par qui ? Ils naissent sous X, vivent sous X et meurent sous X. Alors, bientôt des Européens sous Y… ou sous US-Woke ?

    À part continuer de s’entretuer à l’aveuglette, sous le regard ombrageux de la Ligue arabe et celui très vigilant de la Ligue islamique, on voit mal ce qu’ils pourraient faire pour se libérer du sortilège et retrouver leurs identités et leurs souvenirs d’avant la conversion cataclysmique.

    Pour le moment, Dieu merci, les Français et leurs petits voisins, belges, italiens, suédois, espagnols, etc., savent encore à peu près qui ils sont et de quoi est fait leur pain quotidien mais savent-ils ce qu’ils seront – comment le sauraient-ils avec si peu de mémoire – lorsque l’Europe conjuguée sera arrivée à destination ?

     
     
    *Auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, Boualem Sansal a été révélé par « Le Serment des barbares » (Gallimard, 1999) et a ensuite publié, notamment, « Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller » (Gallimard, 2008), couronné par quatre prix, « 2084. La Fin du monde » (Gallimard, 2015), grand prix du roman de l’Académie française, et « Le Train d’Erligen ou La Métamorphose de Dieu » (Gallimard, 2019). Dernier roman paru : « Abraham ou La Cinquième alliance » (Gallimard, coll. « Blanche », 2020, 288 p., 21 €).
     
    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/
  • L'aventure France en feuilleton : Aujourd'hui (197), ”De Strasbourg à Cologne...” : II (b), Rhénanie...

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    (suite et fin du document précédent).

    De Jacques Bainville, deux articles parus dans L'Action française, et regroupés dans l'ouvrage "L'Allemagne", Préface de Albert Rivaud, Plon, 1945.

    1. Séparatistes.

    Quand la nouvelle est venue qu'une heure après l'évacuation de Mayence les "séparatistes" étaient assassinés dans les rues, nous avons demandé : "Il y en avait donc ?"

    Cette question n'était pas aussi absurde qu'elle pourrait en avoir l'air, puisque leur existence avait été niée par les Prussiens d'abord et, à leur suite, par tous ceux qui, en France, regardaient et voulaient regarder comme indéfectible et comme intangible l'unité allemande proclamée à Versailles le 18 janvier 1871, anniversaire du jour où le premier roi de Prusse avait été couronné à Koenigsberg.
    C'est maintenant de l'histoire rétrospective. Il se passera sans doute de longues années avant que reviennent des circonstances aussi favorables à une autre libération de la Rhénanie que celle du 30 juin. Mais on aurait le droit de répéter ici le mot fameux. Quels auraient été les complices de l'autonomie rhénane ? "Tout le monde, répondraient Dorten ou les autres qui ont tenu bon (ceux qui n'ont pas été assassinés), tout le monde, si j'avais réussi."
    Pour réussir, il a manqué, du côté de la France et des alliés, l'appui des uns, l'intelligence des autres. Car c'est un fait que depuis l'armistice et jusqu'en 1923 l'autonomisme avait trouvé en Rhénanie des dispositions et des disponibilités qui dépassaient toutes les espérances.
    La Berliner Tribune, petit journal indépendant, bizarre bocca della verita qui paraît sur les bords de la Sprée, demande crûment : "Qui étaient les séparatistes ?" Il rappelle ce que l'on savait tout de même un peu. Il apprend ce qu'on ne savait pas.
    Le 1er février 1919, une assemblée de députés et de maires des pays rhénans, réunie à Cologne, nommait un comité pour la proclamation d'une République allemande occidentale. En faisaient parti le bourgmestre de Cologne, Adenauer, et huit députés, parmi lesquels Kaas, Trimborn, Sollmann, dont la Berliner Tribune souligne les noms parce que ce sont des noms particulièrement connus dans la politique allemande. Suivait, le 11 mars, la déclaration de Dorten signée par de nombreuses personnalités.
    Si le séparatisme était une trahison, alors que de traîtres ! écrit ironiquement l'audacieuse feuille de Berlin. Parmi eux, il y a eu de tout, non seulement des catholiques, mais des démocrates (le professeur Eckert), des socialistes (le député au Reichstag Meerfeld). La liste est longue. On y voit toute la notitia dignitatum de la hiérarchie allemande, le Staatsekretoer, ausser Dienst, l'Oberburgmeister, le Studienrat, le Landgerichtsrat, etc... Il ne manque même pas le Polizei-proesident, qui s'appelait Zoergiebel.
    Mais parmi toutes ces étoiles brillait un astre destiné à devenir de première grandeur. Pour la fin, pour la bonne bouche, après avoir dénombré, selon le rite homérique, les héros de l'autonomie rhénane, la Berliner Tribune a gardé celui qui était hier encore ministre des Finances et qui a signé les accords de La Haye, le professor doktor Moldenhauer.
    Après ce coup envoyé à l'impopulaire auteur de "l'impôt de sacrifice", la Berliner Tribune tire l'échelle. Nous aussi.


    L'Action française, 12 juillet 1930.



    2. Au pays rhénan.

    Pendant un voyage trop rapide sur la rive gauche du Rhin, nous avons lu le discours de Maurice Barrès à la Chambre. Comme la force et la vérité, sur les lieux mêmes, en étaient sentis ! Voilà le véritable point de vue français, doctrinal et réel, historique et pratique. De grandes possibilités, pour nous, pour l'Europe, pour les allemands eux-mêmes, sont ouvertes là-bas. Si elles doivent être perdues, le mauvais passé reviendra. C'est la guerre qui s'éternise.
    Du haut du grand Feldberg, près de la limite où finit la zone occupée, on découvre deux pays. D'une part, cette vallée rhénane où nos soldats sont répandus, faisant bon ménage avec le paysan. De l'autre, Francfort qui ne sait si elle doit désirer l'occupation ou la craindre. Au-delà toute cette Allemagne en gestation d'on ne sait quoi d'inconnu ou de déjà trop connu. Au Feldberg, se trouve le rocher où, selon Wagner et la légende, Brunehilde a dormi son sommeil enchanté. Brunehilde, c'est l'Allemagne vaincue. Au terme de l'occupation, si nous n'y prenons garde, un Siegfried prussien viendra la réveiller.
    Cette dualité, on la touche du doigt dans les villes du Rhin. Il y a une Rhénanie où cheminent les idées d'indépendance, où l'occasion paraît bonne de renvoyer le Prussien chez lui. Mais dans ce pays rhénan, le Prussien reste encore. Il est fonctionnaire, négociant, maître d'école. Il surveille et il terrorise l'habitant, et lui aussi, pour le compte du gouvernement de Berlin, poursuit un travail sourd. Le laisserons-nous agir ? Déjà, il murmure à l'oreille de ses sujets rhénans que l'occupation ne sera pas éternelle, que les Français s'en iront et qu'alors les "traîtres" pourront trembler.
    Ces "traîtres", ils ont déjà reçu un nom, et un nom éloquent, dans la presse berlinoise. Ce sont les Franzoeslinge, les "fransquillons", ceux qui réservent bon accueil aux français parce que les moeurs françaises , les idées françaises leur sont plus sympathiques que la rudesse de Berlin. Il y a un esprit rhénan qui se ranime, qui ne demande qu'à se manifester librement. Ce pays a été annexé à la Prusse, il y a un siècle, sans droit, sans raison, sinon que sa richesse tentait les gens du domaine sablonneux qui commence au-delà de l'Elbe. Exploités, pressurés, vexés dans leurs sentiments, les Rhénans s'étonnent d'une chose : c'est que les Alliés ne comprennent pas leur position par rapport à la Prusse, c'est que le fameux droit des peuples à disposer d'eux-mêmes leur soit refusé et qu'il le leur soit surtout avec une brutalité particulière dans la zone occupée par les Américains, représentants du Décalogue de M. Wilson.
    "Je suis loin de méconnaître que la mauvaise humeur des provinces occidentales contre la Prusse repose sur des faits," écrivait récemment dans le Vorwoerts un ami d'Ebert, de Müller et de Scheidemann. Ce que les dirigeants du Reich ne méconnaissent pas, c'est-à-dire l'existence d'un problème linksrheinisch, d'un problème de la rive gauche du Rhin, les Alliés ont l'air de l'ignorer prodigieusement. Les dirigeants du Reich, dès l'heure de la défaite, s'étaient attendus à deux choses. D'abord, qu'un vent d'indépendance soufflerait sur le Rhin, parmi ces "Prussiens forcés", qui, à l'exemple de leur Henri Heine, aspireraient à devenir des "Prussiens libérés". Ensuite, que la Prusse serait appelée à rendre gorge, à restituer ce qu'elle avait pris au cours des siècles par la violence et contre le voeu des habitants.
    Le souffle libérateur s'est bien levé sur le Rhin. Pourquoi les Alliés ne laissent-ils pas ce mouvement, légitime à tous les points de vue, s'étendre comme il lui plaît ? Quelques hommes hardis et lettrés de cette élite qui, dans tous les pays, est à la tête des réveils nationaux ou régionalistes, ont entrepris d'animer chez leurs concitoyens le sens renaissant de la patrie rhénane. A leur mode, avec leurs moyens, ils font ce qu'ont fait tour à tour Irlandais et Tchèques, Polonais et Catalans. Si le docteur Dorten et ses amis continuent à se heurter au mauvais vouloir et à l'inintelligence des Alliés, s'ils ne réussissent pas à affranchir leur pays du joug prussien, à organiser le plébiscite qu'ils demandent, savez-vous ce qui se passera ? Ils se décourageront. Ils quitteront leur pays où, après le départ de nos troupes et le retour des Prussiens, ils seraient condamnés pour haute trahison, bien qu'ils demandent simplement et sincèrement, selon la tradition et l'histoire, la formation d'une Allemagne fédérale et déprussianisée. Après eux, l'espérance rhénane retombera.
    En 1866, le Hessois Dalwigk et le Bavarois Pfordten sollicitaient l'appui de la France contre la Prusse. Napoléon III traita leurs ouvertures d' "excitations" et Bismarck put annexer à son aise. Aujourd'hui, le Nassovien Dorten est mis en prison par les Américains. Les fédéralistes allemands sont abandonnés par les orateurs officiels de la Chambre française. Napoléon III règne toujours.
    On peut se représenter, dans ces conditions, l'effet que le discours de M. Tardieu aura produit en Allemagne. Il ne sera pas perdu pour les Prussiens.
    -Quoi, diront les Rhénans, l'unité allemande, réalisée par le fer et par le feu, est sacrée ? Alors, la paix sanctionne les annexions, l'oeuvre de la force, puisque, nous et les Hanovriens, nous avons été conquis, puisque Bavarois, Wurtembergeois, Saxons ont été battus par les armes avant de s'unir à la Prusse. Il ne nous reste donc qu'à honorer les statues de Bismarck et de Guillaume 1er"
    Et les Prussiens, de leur côté, affirmeront avec plus d'énergie ce qu'ils répétaient déjà :
    - Vous voyez bien que nous sommes les maîtres légitimes, reconnus, consacrés par la Conférence de Paris. La France elle-même le proclame. Et vous comprenez bien que si les Français n'osent rien faire pour les provinces rhénanes, s'ils les abandonnent à la Prusse, c'est qu'ils ne sont pas vainqueurs."
    Ce propos est textuel. Il circule, comme un mot d'ordre, chez les fonctionnaires prussiens trop nombreux qui demeurent en pays occupé. Leur propagande même, leur activité sournoise, leur utilisation de tout ce qu'on décide et de tout ce qu'on prononce de fâcheux à Paris : ce sont les signes de leur inquiétude. Car ils savent que, dans les pays rhénans, la Prusse est prise entre deux feux, le catholicisme d'une part et le socialisme de l'autre. Tient-on à rassurer la domination prussienne et à lui donner des arguments et des armes ?
    Il faut dire à la France : attention. Nous sommes en train de passer à côté d'une occasion unique. Si l'Allemagne ne se fédéralise pas par sa région occidentale, elle restera subjuguée par sa mauvaise partie, sa partie orientale et prussienne. Alors, qu'y aura-t-il de changé en Europe ? Qu'y aura-t-il d'amélioré ? Le jour où j'ai quitté Mayence, on parlait d'un coup des indépendants à Ludwigshafen. On apprenait aussi qu'un wagon rempli de fusées d'obus, soigneusement dissimulées, venait d'être découvert par nos inspecteurs dans une gare, prêt à partir pour une usine de guerre de l'autre côté du Rhin. Rhénanie nettoyée de la Prusse ou guerre éternelle. Nous avons le choix.


    L'Action française, 4 septembre 1919.

     

    Pour retrouver l'intégralité du feuilleton, cliquez sur le lien suivant : L'aventure France racontée par les Cartes...

     

    lafautearousseau

  • Des preuves de la faillite diluvienne à venir de la France de Macron ! par Marc Rousset

    Eté 2012 : la France en faillite | Le Club de Mediapart

     

    Dormez bien, braves gens, et partez en vacances pour le 14 juillet, l’incompétent Macron et les élites démagogiques de nos partis politiques électoralistes veillent sur vous !

    Les technocrates de l’UE et les élites irresponsables des États ont voulu jouer aux matamores avec la Russie ; ils doivent cependant d’ores et déjà en rabattre et préparer les Français à des coupures de gaz ! Il en est exactement de même pour la situation économique de la France depuis 40 ans, mais avec des conséquences infiniment plus catastrophiques.

    L’amateurisme régalien a malheureusement des conséquences dramatiques pour la vie des Français car les prix de l’énergie explosent, le pouvoir d’achat diminue et on nous annonce maintenant des coupures de gaz pour l’hiver ! Macron n’est qu’un arriviste, narcissique, démagogue, manipulateur, n’ayant rien d’un homme d’État ! Malheur à un peuple dont le roi est un enfant insouciant sans progéniture, marié à une épouse qui a l’âge de sa mère !

    MARC ROUSSET.jpgSelon Marine le Pen, « la priorité du RN, c’est le pouvoir d’achat « ! C’est la principale raison de son succès électoral ! La priorité d’Éric Zemmour et de Reconquête, c’est l’immigration, l’identité, la démographie, l’avenir de la France, le changement de politique étrangère, éviter la faillite du pays !  Comme disait de Gasperi, un des pères fondateurs de l’Europe : « L’homme d’État pense aux prochaines générations, le politicien pense aux prochaines élections ». Résultat des courses : Marine le Pen 89 députés – Zemmour 0 député ! Trop de Français, même patriotes, ont donc voté comme des consommateurs irresponsables et non comme des citoyens responsables, sans voir plus loin que le bout de leur nez !

    Francis Mer, polytechnicien, ingénieur du Corps des mines, fut non seulement un grand chef d’entreprise responsable, président entre autres de Sacilor, mais il fut aussi de 2002 à 2004, ministre des Finances de Jacques Chirac. Lorsqu’il lui fit remarquer déjà à l’époque, avant même François Fillon donc, que la France était dans une situation de faillite, que cela ne pouvait pas continuer ainsi, Chirac se fit un plaisir de le rassurer, de lui expliquer qu’il était trop sérieux et novice en politique, et qu’il ne fallait surtout pas se faire du souci !

    François Fillon, lui, a tenu le vendredi 21 septembre 2007, en Corse, devant des agriculteurs les propos suivants : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’un État qui est depuis 15 ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis 25 ans… Ça ne peut pas durer ! ». La réponse de l’ancien Premier ministre socialiste Jospin fut la suivante : « Faillite ? Mais non, certainement pas » (..) S’il y a faillite, c’est d’abord la faillite de la politique de la droite depuis 2002 ! ».

    La plupart des pays européens reprochaient déjà à la France son manque d’efforts dans la réduction de ses déficits (2,6 % du PIB en 2006). Les Français manipulés par Macron, la pensée unique et les médias, suite à un coup d’État judiciaire monté avec l’appui de François Hollande, se sont privés des services de cet homme d’État, pour une ridicule histoire de salaire de sa femme Pénélope dont les montants en jeu n’avaient aucun rapport avec les services inestimables qu’il pouvait apporter à la France ou les calamiteux 2 500 000 immigrants extra-européens apportés par Macron dans ses valises durant son quinquennat, ni aucun rapport avec des escroqueries ou dissimulations régaliennes significatives au niveau international dans des paradis fiscaux « off-shore » !
    Après nous le déluge, comme disait madame de Pompadour à son amant Louis XV, suite aux conséquences dramatiques de la défaite de Rossbach, le 7 novembre 1757, où Louis XV perdit le septième de son armée, ce qui conduisit finalement à la défaite de la guerre de Sept Ans. Cette guerre se termina par le plus grand traité calamiteux de l’histoire de France, le Traité de Paris en 1763, avec la perte de l’Amérique du Nord et des Indes pour la France ! La Pompadour l’invitait cependant à ne pas penser aux conséquences dramatiques de cette guerre perdue. C’est ce que font aujourd’hui le RN, Renaissance, Nupes et même LR qui ne veut pas être en reste en matière de dépenses budgétaires scandaleusement élevées conduisant la France à la faillite ! Macron, c’est aujourd’hui Louis XV, mais s’il connait la révolution sociale et politique, ce qui est probable, il peut aussi être un second Louis XVI !

    Le débat parlementaire démagogique et cacophonique qui s’annonce à l’Assemblée parlementaire est une preuve supplémentaire de la décadence française qui ne concerne pas que les élites, mais aussi une immense majorité d’une population française déboussolée et décérébrée par la pensée unique. Une discussion va avoir lieu à l’Assemblée nationale sur les amendements à deux projets de loi (pouvoir d’achat et loi de finances rectificative). Les députés et les chefs de partis ont tous leurs recettes pour surenchérir dans les dépenses (plus de 100 milliards d’euros d’amendements cumulés alors que le projet gouvernemental s’élève déjà à 20 milliards d’euros), mais il n’y a absolument personne pour faire la moindre proposition sérieuse d‘économies ! C’est toute la différence qu’il y a entre des électeurs suisses responsables et les électeurs français irresponsables ! La honte la plus totale et rien d’autre qui conduira les Français d’ici 2 ans à une faillite spectaculaire méritée, tout comme la déroute méritée de l’armée française en 1940, si l’on en croit le fameux ouvrage « L’Etrange Défaite » !

    Même le groupe LR , de peur de perdre des électeurs, se joint à la curée irresponsable en défendant un blocage des prix du carburant à 1,50 euros le litre maximum, mais en jouant sur une baisse de la fiscalité (TIPCE et TVA). Et tant pis si cette mesure représente un gouffre financier pour les caisses de l’État : 30 milliards d’euros par an si les prix à la pompe restent à 2,10 euros le litre, 7 milliards de plus pour les baisser à 1,87 euros ; on doit donc approcher les 50 milliards pour arriver à 1,50 euros maximum !

    Cette attitude des partis français, style IVe République, est d’autant plus inacceptable que le déficit public actuel avec les seules dépenses de la loi pouvoir d’achat projetée par le gouvernement, compte tenu de la loi de finances rectificative, s’élève déjà à – 168,5 milliards d’euros, pour des recettes du budget de l’État de seulement 315,2 milliards d’euros, soit un déficit public qui représente déjà 53 % du budget de l’État. Si l’on y ajoute les 100 milliards d’amendements des partis, le déficit public serait donc de 268,5 milliards d’euros pour des recettes inchangées de 315, 2 milliards d’euros, autant dire que la France, pour simplifier schématiquement, dépenserait donc environ le double de ses recettes ! Peut-on imaginer un ménage qui dépense le double de son salaire, voilà ce que souhaitent les partis politiques français actuellement dans le débat qui se déroule à l’Assemblée nationale ! L’inconscience, la folie, l’irresponsabilité, la décadence et un jour les fourches caudines du FMI et la ruine du pays failli ! Espérons que les Gilets jaunes ne s’empareront pas un jour de l’Élysée comme les habitants du Sri-Lanka ont envahi le palais présidentiel à Colombo !

    Un autre petit calcul très simple, compte tenu de l’énormité actuelle de la dette et des taux d’intérêt à long terme normaux de 6 %, doit permettre aussi au lecteur de comprendre la gravité de la situation financière de la France ! Les taux d’intérêt sont en train de remonter et, selon le président de la banque de France Villeroy de Galhau, toute augmentation des taux d’intérêt de 1 % représente pour le budget de l’État une dépense supplémentaire de 40 milliards d’euros au bout de 10 ans. Avec 6 % d’intérêt, cela représente donc, pour les seuls intérêt à payer, une somme de 240 milliards d’euros ! Comme les recettes de l’État sont d’environ 300 milliards d’euros, cela signifie donc qu’avec un taux d’intérêt de 6 %, la France utiliserait 80 % de ses recettes fiscales pour payer les seuls intérêts ! Il resterait donc seulement 60 milliards d’euros, ce qui représente environ le budget de l’Éducation nationale ! Quant au reste, impossible de payer les fonctionnaires et d’assumer les dépenses de l’État ! Pour toutes les raisons ci-dessus mentionnées, les Français doivent donc arrêter de rêver, de dépenser, de raisonner comme des nantis parvenus, alors que la dette par Français est de 100 000 euros à la naissance, si l’on tient compte des sommes dues hors bilan de l’État français ! Macron n’est donc plus qu’un manipulateur assis sur un volcan qui va exploser, pour l’envoyer « ad patres » !

    Cela nous amène, comme Julius Evola dans son ouvrage « Les hommes au milieu de ruines » de douter de la viabilité des démocraties occidentales avec des élites progressistes idéologues, et des électeurs individualistes qui ont un comportement citoyen irresponsable ! Pensons également à « l’Etrange Défaite » de Marc Bloch et à la réflexion de Churchill : « Lorsque vous parlez 5 minutes à un électeur moyen, vous doutez de la démocratie ». Le Président Poutine a donc cent fois raison de refuser à ce que l’on injecte le système décadent des démocraties occidentales dans une Russie qui a besoin d’être forte et commandée par un homme fort, face à tous les dangers qui menacent la Russie de l’intérieur ou de l’extérieur ! Poutine l’a montré en élevant subitement très fortement l’âge de la retraite car c’était l’intérêt supérieur du pays, ce que ne souhaitaient pas les Russes qui partaient cependant seulement à l’âge de 55 ans.

    En conclusion, on peut dire que, depuis le décès de Georges Pompidou, soit depuis environ 50 ans, la France a été dirigée par des dirigeants progressistes incapables imprégnés de socialisme qui l’ont conduit à la ruine et à la faillite que nous connaîtrons d’ici 2 ans au plus tard ! Les élites seront responsables, mais une majorité de Français inconscients non plus ne l’auront pas volé, puisqu’ils n’ont pas hésité à sortir Fillon et à élire Macron, pour le réélire ensuite ! Les partis RN, Renaissance, Nupes et en grande partie LR sont des partis indignes qui n’ont aucun sens du bien commun. Marine le Pen est une incapable qui vit de l’héritage de son père et de sa seule démagogie ! Lors des dernières élections, seuls 7 % des Français qui ont voté Zemmour ont montré qu’ils étaient non seulement patriotes, mais aussi responsables et intelligents ! C’est insuffisant et ridicule pour un soi-disant grand peuple !

    Une seule valeur refuge possible avant le déluge, le maelstrom, le tsunami, la faillite et la banqueroute qui se déclencheront prochainement en France sans prévenir en emportant tout sur leur passage : l’or, les objets précieux et les actifs physiques réels ! Oublions les métavers ! La crise économique à venir, nonobstant des mouvements sociaux et politiques, sera d’une violence comparable à celle de l’Allemagne en 1923 avec une hyper-inflation stratosphérique et dantesque !

  • Feuilleton : Chateaubriand, ”l'enchanteur” royaliste... (31)

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    Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
    Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : la bataille de Waterloo, comme Chateaubriand l'a "entendue", de loin; et la seconde abdication de Napoléon...

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    "Quelle fut la bataille de Waterloo"...

     

    Chateaubriand est à Gand, auprès de Louis XVIII, durant les Cent Jours. Il se promène "sur la grande route"; il entend, au loin, l'écho d'une bataille : c'est Waterloo...

    Des Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, Livre XXIIIème,, chapitre XVI, pages 962/963/964 :

    "Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles; j'allais seul achever ma promenade sur la grande route. J'avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture. J'étais déjà à plus d'une lieue de la ville, lorsque je crus ouïr un roulement sourd : je m'arrêtai, regardai le ciel assez chargé de nuées, délibérant en moi-même si je continuerais d'aller en avant ou si je me rapprocherais de Gand dans la crainte d'un orage. Je prêtai l'oreille; je n'entendis plus que le cri d'une poule d'eau dans des joncs et le son d'une horloge de village.
    Je poursuivis ma route : je n'avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long et à intervalles inégaux; quelquefois, il n'était sensible que par une trépidation de l'air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations, moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l'idée d'un combat.
    Je me trouvais devant un peuplier planté à l'angle d'un champ de houblon. Je traversai le chemin et je m'appuyai debout contre le tronc de l'arbre, le visage tourné du côté de Bruxelles. Un vent de sud s'étant levé m'apporta plus distinctement le bruit de l'artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j'écoutais les échos au pied d'un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo !
    Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j'aurais été moins ému si je m'étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m'eussent pas laissé le temps de méditer; mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m'accablait.
    Quel était ce combat ? Était-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde, comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l'une ou de l'autre armée, quelle serait la conséquence de l'évènement pour les peuples, liberté ou esclavage ?
    Mais quel sang coulait ! chaque bruit parvenu à mon oreille n'était-il pas le dernier soupir d'un français ? Était-ce un nouveau Crécy, un nouveau Poitiers, un nouvel Azincourt, dont allaient jouir les plus implacables ennemis de la France ? S'ils triomphaient, notre gloire n'était-elle pas perdue ? Si Napoléon l'emportait, que devenait notre liberté ? Bien qu'un succès de Napoléon m'ouvrît un exil éternel, la patrie l'emportait dans ce moment dans mon coeur; mes voeux étaient pour l'oppresseur de la France, s'il devait, en sauvant notre honneur, nous arracher à la domination étrangère.
    Wellington triomphait-il ? La légitimité rentrerait donc dans Paris derrière ces uniformes rouges qui venaient de reteindre leur pourpre au sang des Français ! La royauté aurait donc pour carrosses de son sacre les chariots d'ambulances remplis de nos grenadiers mutilés ! Que sera-ce d'une restauration accomplie sous de tels auspices ?...
    Ce n'est là qu'une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon coeur. À quelques lieues d'une catastrophe immense, je ne la voyais pas; je ne pouvais toucher le vaste monument funèbre croissant de minute en minute à Waterloo, comme du rivage de Boulaq, au bord du Nil, j'étendais vainement mes mains vers les Pyramides.
    Aucun voyageur ne paraissait, quelques femmes dans les champs, sarclant paisiblement des sillons de légumes, n'avaient pas l'air d'entendre le bruit que j'écoutais. Mais voici venir un courrier : je quitte le pied de mon arbre et je me place au milieu de la chaussée; j'arrête le courrier et l'interroge. Il appartenait au duc de Berry et venait d'Alost..."

     

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    Seconde abdication de Napoléon

     

    "...Le 19 juin cent coups de canon des Invalides avaient annoncé les succès de Ligny, de Charleroi, des Quatre-Bras; on célébrait des victoires mortes la veille à Waterloo. Le premier courrier qui transmit à Paris la nouvelle de cette défaite, une des plus grandes de l’histoire par ses résultats, fut Napoléon lui-même : il rentra dans les barrières la nuit du 21 : on eût dit de ses mânes revenant pour apprendre à ses amis qu’il n’était plus. Il descendit à l’Élysée-Bourbon : lorsqu’il arriva de l’île d’Elbe, il était descendu aux Tuileries; ces deux asiles, instinctivement choisis, révélaient le changement de sa destinée.

    Tombé à l’étranger dans un noble combat, Napoléon eut à supporter à Paris les assauts des avocats qui voulaient mettre à sac ses malheurs : il regrettait de n’avoir pas dissous la Chambre avant son départ pour l’armée; il s’est souvent aussi repenti de n’avoir pas fait fusiller Fouché et Talleyrand. Mais il est certain que Bonaparte, après Waterloo, s’interdit toute violence, soit qu’il obéît au calme habituel de son tempérament, soit qu’il fût dompté par la destinée; il ne dit plus comme avant sa première abdication : "On verra ce que c’est que la mort d’un grand homme." Cette verve était passée. Antipathique à la liberté, il songea à casser cette Chambre des représentants que présidait Lanjuinais, de citoyen devenu sénateur, de sénateur devenu pair, depuis redevenu citoyen, de citoyen allant redevenir pair...

    ...Bonaparte, prévoyant l’événement, vint au-devant de la sommation qu’on se préparait à lui faire; il abdiqua pour n’être pas contraint d’abdiquer : "Ma vie politique est finie, dit-il : je déclare mon fils, sous le nom de Napoléon II, empereur des Français." Inutile disposition, telle que celle de Charles X en faveur de Henri V : on ne donne des couronnes que lorsqu’on les possède, et les hommes cassent le testament de l’adversité. D’ailleurs l’empereur n’était pas plus sincère en descendant du trône une seconde fois qu’il ne l’avait été dans sa première retraite; aussi, lorsque les commissaires français allèrent apprendre au duc de Wellington que Napoléon avait abdiqué, il leur répondit : "Je le savais depuis un an."

    La Chambre des représentants, après quelques débats où Manuel prit la parole, accepta la nouvelle abdication de son souverain, mais vaguement et sans nommer de régence.

    Une commission exécutive est créée : le duc d’Otrante la préside; trois ministres, un conseiller d’État et un général de l’empereur la composent et dépouillent de nouveau leur maître : c’était Fouché, Caulaincourt, Carnot, Quinette et Grenier...

    ...Une députation de la Chambre des représentants étant venue le féliciter sur sa nouvelle abdication, il répondit : "Je vous remercie : je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France; mais je ne l’espère pas."

    Il se repentit bientôt après, lorsqu’il apprit que la Chambre des représentants avait nommé une commission de gouvernement composée de cinq membres. Il dit aux ministres : "Je n’ai point abdiqué en faveur d’un nouveau Directoire; j’ai abdiqué en faveur de mon fils : si on ne le proclame point, mon abdication est nulle et non avenue. Ce n’est point en se présentant devant les alliés l’oreille basse et le genou en terre que les Chambres les forceront à reconnaître l’indépendance nationale."...

    ...Des plénipotentiaires furent envoyés aux alliés. Napoléon requit le 29 juin deux frégates, stationnées à Rochefort, pour le transporter hors de France; en attendant il s’était retiré à la Malmaison...

    ...L’aide de camp Flahaut voulut soutenir le rapport du ministre de la guerre; Ney répliqua avec une nouvelle véhémence : "Je le répète, vous n’avez d’autre voie de salut que la négociation. Il faut que vous rappeliez les Bourbons. Quant à moi, je me retirerai aux États-Unis."

    À ces mots, Lavallette et Carnot accablèrent le maréchal de reproches; Ney leur répondit avec dédain : "Je ne suis pas de ces hommes pour qui leur intérêt est tout : que gagnerai-je au retour de Louis XVIII ? d’être fusillé pour crime de désertion ; mais je dois la vérité à mon pays."...

    Tandis que Bonaparte se retirait à la Malmaison avec l’Empire fini, nous, nous partions de Gand avec la monarchie recommençante. Pozzo, qui savait combien il s’agissait peu de la légitimité en haut lieu, se hâta d’écrire à Louis XVIII de partir et d’arriver vite, s’il voulait régner avant que la place fût prise : c’est à ce billet que Louis XVIII dut sa couronne en 1815. (Mémoires d'Outre-Tombe, Garnier, (Tome 4, Livre V)

  • Éphéméride du 6 octobre

    1773 : Naissance du futur Louis-Philippe (ici, le roi entouré de ses cinq fils sortant par la grille d’honneur du château de Versailles, Horace Vernet, 1846)

     

     

     

     

     

    105 Avant Jésus-Christ : les Cimbres et les Teutons détruisent deux armées romaines à Orange... 

     

    6 octobre,louis philippe,sida,montagnier,francoise barré-senoussi,louis xviii,revolution,empire,napoleon,charles x,albert de munL'année 113 avant Jésus-Christ, de graves désordres climatiques se produisirent dans toute la région de l'actuel Jutland, entendue dans un sens très large, tout autour des régions sud de la mer Baltique.

    Les populations de ces contrées, où la vie était déjà très difficile, décidèrent, alors, de les quitter pour toujours, et de migrer vers le sud, pour s'installer sous des cieux plus cléments, des climats moins rigoureux, dont les marchands, venus précisément du sud, avec leurs caravanes, leur avaient parlé...

    Dès leur retour, ces marchands et les espions/informateurs qui les accompagnaient avaient bien informé le Sénat romain de cette formidable et inédite migration de population (on parle d'un million deux-cent mille personnes au total, dont 3 à 400.000 combattants...), mais personne ne les prit au sérieux, et, d'une façon insensée, on laissa cette masse immense descendre, certes très lentement, vers le sud, et cela pendant plusieurs années...

    Ce n'est qu'en 105 - huit ans de perdus !... - et lorsque cette masse arriva près d'Orange (alors appelée Arausio), après avoir massacré trois légions romaines déjà, que le Sénat et le peuple se rendirent enfin compte du danger mortel encouru par Rome...

    Le Sénat avait en effet, par trois fois, pensé réagir suffisamment, en envoyant une première armée; puis une autre; puis une troisième : trois armées romaines au total, donc, anéanties chacune, à tour de rôle.

    Et la marche des barbares ne s'arrêtait pas...

    On attribua chacune de ces défaites à l'incurie de chacun des généraux, mais, lorsque les barbares arrivèrent à Orange, alors il devint enfin clair pour tout le monde qu'on n'avait pas affaire à de simples hordes de barbares mais à une migration de masse, à un danger mortel.

    Deux légions furent donc envoyées : l'une confiée au consul Mallius Maximus et l'autre au proconsul Servilius Caepo. Mais les deux généraux ne s'entendaient pas entre eux...

    Ils étirèrent leurs troupes sur un front de 7,5 kilomètres de long  et 450 mètres de profondeur (la zone "occupée" par leurs troupes couvrant, au total, 150 kilomètres carrés). 80.000 légionnaires et 40.000 auxiliaires firent face à 100.000 barbares : il faudra attendre la folle aventure napoléonienne pour revoir une telle concentration de troupes !

    Le désastre romain fut complet : plus de 100.000 tués en une seule journée ! Les historiens (Plutarque, Orose...) avancent le chiffre de 3.000 survivants, à peine. Profitant à plein des dissensions entres les deux généraux romains, les barbares (ci dessous) utilisèrent la tactique du "coup de faux", rabattant les légionnaires vers le Rhône, où ils se noyèrent en masse, ou bien furent facilement exterminés...

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    https://theatrum-belli.com/une-bataille-dextermination-de-lantiquite-la-bataille-dorange-105-a-c/

     

    Orose écrit (Histoires V, 16, 5-7) : "...Les ennemis, maîtres des deux camps et d'un énorme butin, anéantirent tout ce dont ils s'étaient emparés, dans un sacrifice expiatoire. Les vêtements furent déchirés et abandonnés, l'or et l'argent jetés dans le fleuve, les cuirasses des combattants mises en pièce, les chevaux eux-mêmes noyés, les hommes pendus aux arbres ou jetés dans des combes, si bien que le vainqueur ne fit aucun butin et que le vaincu ne connut aucune miséricorde..."

     

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    L'ensemble de l'immense évènement que fut la migration des Cimbres et des Teutons; le danger mortel qu'ils représentèrent pour notre Civilisation à peine naissante; et leur anéantissement total par le Consul Caïus Marius (ci contre), qui sauva Rome et lui permit de poursuivre son épanouissement à peine entamé, est raconté dans notre Éphéméride du 17 janvier, intégralement consacrée à l'évocation de ce grand général, oncle par alliance de Jules César, à l'occasion du jour de sa mort...

     

     

     

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    1773 : Naissance du futur Louis-Philippe 

     

    "Il ne lui a manqué que d'avoir accepté le suffrage universel. En 1851, c'est en l'offrant au peuple que Louis-Napoléon réussira son coup d'État. Louis-Philippe l'eût-il fait - j'aime à le croire - sans doute serait-il mort aux Tuileries" (Alain Decaux).
     

    Faisons un petit effort d'originalité, et tâchons d'aborder ce Roi et ce règne sous un angle pas toujours suffisamment étudié. Et faisons pour une fois un peu d'uchronie, cette chose vaine et insensée que Bainville nous recommandait, justement, de ne jamais faire. Et imaginons ce qui se serait passé si avant, pendant et après la Révolution on avait demandé son avis au peuple.

    Centrons donc notre réflexion sur un seul point : l'attitude erronée de l'ensemble des périodes royales qui ont précédé (pour Louis XVI) et suivi la Révolution et l'Empire (pour la Restauration et la Monarchie de Juillet) vis à vis du suffrage universel.

    Voici un passage du tout début du chapitre XIX de l'Histoire de France, qui permet de comprendre beaucoup de choses - et de nourrir beaucoup de regrets.... - ; un passage dans lequel Bainville offre, comme d'habitude, une explication judicieuse et pertinente :

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    Louis-Philippe, peint par Winterhalter 

     

    "...Louis-Philippe, ne pouvant se réclamer de la légitimité comme Louis XVIII, ne s'appuyait pas non plus sur le plébiscite comme Napoléon. C'est le point essentiel pour l'éclaircissement de ce qui va suivre, car c'est sur la question du droit de suffrage que la monarchie de juillet, au bout de dix-huit ans, est tombée.

    Les théories sont changeantes et il paraît surprenant que d'authentiques libéraux aient été aussi obstinément hostiles au suffrage universel. En général, cette hostilité est attribuée à un esprit de méfiance et de crainte à l'égard des masses populaires, à l'idée que des électeurs bourgeois, des "citoyens qui possèdent", sont plus conservateurs que les autres.

    Cette opinion était sans doute en faveur chez ceux qui considéraient le suffrage universel comme une force révolutionnaire, et le suffrage restreint comme un moindre mal, en quoi ils se trompaient beaucoup. Il est surprenant qu'après l'expérience orageuse du système parlementaire sous la Restauration, un esprit aussi pénétrant que celui de Louis XVIII, un caractère entreprenant et même aventureux comme celui de Charles X, une intelligence aussi subtile que celle de Louis-Philippe, n'aient pas discerné cette erreur.

    Mais les libéraux raisonnaient autrement et, à leur point de vue, ils raisonnaient mieux. Le suffrage universel leur apparaissait comme un poids immobile, sinon comme une force rétrograde. Ils étaient dans les mêmes sentiments que les Constituants de 1790 qui avaient divisé les Français en citoyens actifs, ceux qui votaient, et en citoyens passifs, indignes de voter par leur condition. Robespierre lui-même avait refusé le droit de suffrage aux "domestiques", de manière à écarter surtout les salariés agricoles. Or, la France était en grande majorité rurale. Il semblait impossible aux libéraux de conduire une politique neuve, hardie, généreuse avec ce peuple de terriens, nécessairement attachés à leurs intérêts matériels, bornés à l'horizon de leur village.

    Pour comprendre et pour aimer le progrès, pour pratiquer le régime de discussion, il fallait des hommes affranchis des préoccupations vulgaires de la vie, inaccessibles aux considérations mesquines comme aux influences que subissent les ignorants et les besogneux. On ne vote selon des principes que si l'on est indépendant. Et d'où vient l'indépendance, sinon de la fortune ? En vertu de cet axiome, on en arrivait à considérer que ceux qui étaient soldats, faute d'argent pour acheter un remplaçant, ne devaient pas décider par leur vote de la paix et de la guerre, leur jugement n'étant pas libre. 

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    Cependant Louis-Philippe allait pratiquer, à l'extérieur, la même politique de paix que la Restauration. Comme elle, il sera accusé d'humilier la France, d'être l'esclave des traités de 1815. La Révolution de 1830 avait relevé les trois couleurs qui signifiaient les frontières naturelles, l'affranchissement des peuples, la revanche, la gloire : d'où le nom de "trois glorieuses", donné aux journées de juillet. Edgar Quinet dira plus tard : "La Révolution a rendu son épée en 1815; on a cru qu'elle allait la reprendre en 1830". Là encore, un sentiment fut froissé, un espoir déçu. Les hommes qui avaient fait cette Révolution voulaient l'action, le "mouvement" au-dedans et au-dehors.

    Louis-Philippe, qui connaissait l'Europe, se rendit compte du danger, qui était, par une politique extérieure téméraire, de réunir les Alliés et de remettre en vigueur le pacte de Chaumont. Il prit le parti de la modération, de l'ordre, de la prudence, qu'on appela la "résistance" par opposition au "mouvement". Sortie d'une poussée révolutionnaire, c'est-à-dire (car les deux choses se confondaient) belliqueuse, la monarchie de juillet sera conservatrice et pacifique. Elle donnera satisfaction au besoin de tranquillité, aux intérêts matériels qui dominent le plus grand nombre. Mais elle mécontentera les esprits ardents qui vivaient sur les souvenirs de la République et de l'Empire, et elle ne pourra pas compter, pour défendre cette politique, sur les masses, surtout rurales, à qui cette politique devait plaire, car, de la guerre, c'étaient elles qui payaient les frais encore plus alors que de nos jours.

    Ainsi, en s'obstinant à repousser le suffrage universel, la monarchie de juillet se privait d'une base large et solide, celle qui avait déjà manqué à la Restauration..."

     

     

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    1789 : Sur Versailles habité par le roi régnant, le soleil se lève pour la dernière fois...

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    1682 : Louis XIV s'installe définitivement à Versailles, le Roi, la Cour et le gouvernement quittent le Louvre et Saint-Germain-en-Laye pour s'installer là où, pendant tout son règne, le Roi-Soleil, va faire de son château un triple poème humaniste, politique et chrétien...

    Pendant un peu plus d'un siècle, jusqu'au 6 octobre 1789, Versailles abritera le roi régnant et sa famille, ne cessant d'être le siège du pouvoir que durant la courte éclipse de la Régence, de 1715 - date de la mort de Louis XIV - au 15 juin 1722 - date du retour de Louis XV dans le cher château de son enfance...

    Le 6 octobre 1789, à 13h25, le cortège royal quittera Versailles pour Paris. Louis XVI demandera, en partant, à La Tour du Pin, ministre de la Guerre, de lui "préserver son pauvre Versailles"...

     

    Pourtant, Chateaubriand l'a bien dit : "Le trône, si près de sa chute, semblait n’avoir jamais été plus solide."; et "Louis XVI a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie..." (Mémoires d'Outre-Tombe, Livre Quatrième).

    Que s'est-il donc passé, ce 6 octobre 1789, pour que Louis XVI accepte de se laisser emmener de force hors de son palais, pour n'y plus jamais revenir, et connaître le destin que l'on sait ?

    On serait tenté de répondre : presque rien.

    Sauf que Louis XVI, dans son obsession rousseauiste à ne voir que des "hommes bons" partout, et dans son refus persistant de faire usage de la force légitime, se refusa, ce jour-là comme les autres, à agir en roi, faisant acte d'autorité, et laissa la place libre à l'émeute de quelques centaines seulement d'agitateurs, alors que le peuple de France, aux dires de l'historien Alain Decaux, était de "vingt-six millions de royalistes"...

    En 1789, la Fra