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  • L’Algérie française reconstruite ?, par Gérard Leclerc.

    Il est des sujets que l’on aborde avec trop d’assurance alors qu’ils sont d’une complexité terrible. Celui du « séparatisme » que j’ai abordé hier, puisqu’il était dans l’agenda du président de la République, en fait partie. Et il n’est pas évident que nous autres commentateurs de l’actualité au jour le jour possédions toutes les clés nécessaires pour le travail de discernement que je me permettais pourtant de préconiser hier.

    gerard leclerc.jpgCe n’est pas faute d’efforts pour s’informer. C’est ainsi que je me suis référé au récent ouvrage de Pierre Vermeren intitulé Le déni français (Albin Michel) et qui traite de la façon la plus sérieuse des relations franco-arabes. Car c’est bien le type d’interlocuteur qu’il conviendrait d’inviter sur nos plateaux, lorsqu’on parle des problèmes d’intégration et des risques de séparatisme de certains de nos quartiers.

    L’apport d’un Vermeren est d’abord factuel. Avant toute discussion sur la laïcité, l’islam, le communautarisme, il nous place en face de réalités massives : « La société communautaire et multiculturelle de l’Algérie française a été reconstruite de toutes pièces sur le territoire national », nous assène l’historien. Et c’est déjà – que l’on me pardonne ! – un sacré coup de boule qu’il nous inflige. Mais la suite n’est pas mal non plus : « Cela a pris cinquante ans mais, comme en 1950 quand l’Algérie était intégrée à notre territoire administratif, la France compte aujourd’hui 20 % de naissances d’enfants musulmans selon l’INSEE en 2018, et 20 % de ses soldats sont musulmans. »

    L’historien tranche brutalement là où règne un débat entre démographes. Et aussi entre politiques qui se disputent sur la notion de « grand remplacement ». Avant toute discussion à propos d’islamophobie, il y a cette réalité nouvelle, historique, d’un monde musulman qui s’est installé chez nous et dont beaucoup ont cru, un peu trop facilement, qu’il s’intégrerait assez vite dans l’ensemble national. Ce n’est pas le cas, en dépit de toutes nos bonnes volontés. L’Islam constitue un univers religieux, différent au possible du christianisme. C’est un tout culturel, social, politique tout autant que religieux. Par ailleurs, cette immigration ne saurait se séparer des pays du Maghreb dont elle provient en majorité. Pays qui connaissent d’énormes difficultés dont nous subissons les effets. Sans partir de telles réalités, aucun discernement n’est possible.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 février 2020.

  • Une juste théologie pour notre temps, par Gérard Leclerc.

    La résurrection de Lazare, Jacquelin

    de Montluçon, v. 1496.

    Musée des Beaux-Arts de Lyon

    Une épreuve telle que celle que nous vivons ne peut que nous interroger sur l’énigme de notre propre condition, notamment quant à sa vulnérabilité et à sa finitude. Le confinement qui nous est imposé a rappelé à beaucoup le fameux mot de Pascal « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans sa chambre. » Pourtant, les conseils ne manquent pas en faveur du meilleur usage possible de ce confinement. On nous incite à lire. Excellent conseil !

    gerard leclerc.jpgD’autres vont encore plus loin, tel Michel Onfray qui se réfère à ses maîtres de sagesse, en l’espèce ses chers Romains. Mais il n’oublie pas Nietzsche dont le mérite serait de nous garder de nombre d’illusions et de dérives. Le philosophe en a notamment à une certaine lecture religieuse de l’événement, celle qui interprète la pandémie comme un châtiment divin en raison de l’inconduite des hommes.

    Oui, il peut y avoir des dérives dans l’ordre religieux et il est dangereux de donner de faux visages de la foi chrétienne. Nos contemporains n’ont vraiment pas besoin de cela, alors que beaucoup souffrent déjà d’une ignorance à peu près totale du mystère chrétien. Il est vrai qu’un certain héritage janséniste a pu imposer longtemps une image d’une justice divine implacable et que cela a beaucoup joué pour provoquer une révolte, particulièrement sensible aux siècle des Lumières. L’évangile du dimanche de la Passion nous offrait hier, au contraire, un Jésus compatissant et même pleurant la mort de son ami Lazare.

    Une juste théologie et une juste spiritualité sont nécessaires pour mieux nous situer dans notre relation avec Dieu. Le pape François est très sensible au thème de la miséricorde. Ses prédécesseurs l’étaient tout autant. Jean-Paul II a même écrit toute une encyclique sur Dieu riche en miséricorde. C’était déjà la conviction de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui n’était pas toujours comprise. À une de se sœurs carmélite qui opposait la justice divine à la miséricorde, elle répondait « Ma sœur, vous voulez la justice de Dieu, vous aurez la justice de Dieu. Chacun reçoit de Dieu exactement ce qu’il attend. » Qu’attendent aujourd’hui de Dieu les hommes et les femmes dans l’épreuve ? Peut-être un témoignage de foi, qui leur fasse entrevoir la miséricorde de Dieu telle que Jésus nous la révèle.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 mars 2020.

  • La vertu d’humanité, par Gérard Leclerc.

    Baptistère de Padoue.

    Fresques au plafond du XIVe s. par Giusto de Menabuoi.

    © Fred de Noyelle / Godong

    Oui, décidément, cette période de confinement et de grande tension morale peut être propice à la réflexion sérieuse. Bien sûr, il y a aussi possibilité d’évasion à travers une littérature conçue pour cela. Mais l’épreuve est souvent envisagée pour elle-même. C’est ce que faisait hier, avec sa hauteur de vue habituelle, Jacques Julliard dans son carnet mensuel du Figaro. C’est notre humanité qui est en cause, expliquait-il, philosophiquement, en disputant la notion de nature humaine qui ne relève sûrement pas du naturalisme style écolo et qui ne saurait être dépassée par on ne sait quel transhumanisme.« Aucun fonctionnalisme social, aucune doctrine utilitariste n’est capable de rendre compte du geste accompli par chaque médecin, chaque infirmière, chaque brancardier pour sauver la vie de son semblable, fut-ce au risque de la sienne. »

    gerard leclerc.jpgOui, la vertu d’humanité rend vraiment compte de ce qu’il en est de notre humanité. Et si Pascal professait que l’homme passe infiniment l’homme, sa transcendance apparaît déjà dans ce dévouement sans limite, cet amour de l’autre absolu. Julliard ose ajouter que le seul exemple de transhumanisme digne de ce nom qu’il connaisse « c’est la figure du Christ sur la Croix ». Oui, l’interrogation sur l’énigme que nous sommes à nous-mêmes nous renvoie à la réponse que nous offre l’Évangile, donc Jésus mort et ressuscité.

    Mais cette dimension religieuse invite aussi à la réflexion approfondie et au discernement. Ainsi mon intervention d’hier m’a valu une interpellation que je ne saurais éluder. En opposant la miséricorde divine à une conception janséniste du Salut, n’ai-je pas ignoré certains avertissements célestes, ceux des apparitions mariales, qui font référence explicite à la colère de Dieu ? Pour répondre à une telle objection, il faudrait sans doute un traité complet de théologie qui ferait appel aux grands docteurs du christianisme. En un mot, je dirais que le Ciel peut rappeler à l’ordre une humanité qui s’enferme dans le déni de sa vocation divine. Mais de là à envisager un châtiment divin qui s’en prendrait notamment aux plus faibles et aux plus démunis, non ce n’est pas possible. Est-ce saint Thomas d’Aquin qui enseignait que « Dieu est sans idée du mal » ? Une expression digne d’être soigneusement interrogée.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 mars 2020.

  • André Manaranche, théologien-évangélisateur, par Gérard Leclerc.

    Le Père André Manaranche

    © Cécile Rigaud

    Le Père André Manaranche est mort dans la nuit de Pâques. Magnifique occurrence pour ce fils de saint Ignace, théologien et missionnaire. Sa vie et son exemple nous donnent une autre idée d’une Église trop souvent dénigrée.

    L’épidémie m’a encore enlevé un ami. Et de quelle qualité ! Je sais bien que le Père André Manaranche, de la Compagnie de Jésus, avait ce qu’on appelle un âge canonique, puisqu’il était né en 1927, et qu’à cet âge on est plus vulnérable au virus. Mais c’est tout de même cette saleté qui l’a tué, ce qui provoque en moi encore un nouveau chagrin.

    gerard leclerc.jpgC’était un prêtre, un religieux, un théologien, un spirituel, un missionnaire qui nous a quittés. Providentiellement et significativement dans la nuit de la Résurrection. Et je rends grâce à Dieu de nous l’avoir donné comme son témoin parmi nous en notre temps.

    Il est de mode, aujourd’hui, de dénigrer toute l’époque qui s’identifie au pontificat de Jean-Paul II et à la nouvelle évangélisation, comme si l’opprobre qui s’était jetée sur l’Église avec le scandale de la pédophilie l’atteignait toute entière et la disqualifiait définitivement. Je proteste de toutes mes forces, contre une telle calomnie, et l’exemple d’un théologien-évangélisateur comme André Manaranche est pour moi l’exemple même de ce qui a pu être réalisé de beau et de lumineux, avec des apôtres de sa trempe. Je ne puis que résumer en quelques mots ce qu’il nous a apportés, en rappelant un souvenir personnel. C’était il y a dix ans, au bas de la colline de Vézelay. Je vois André – il voulait que je l’appelle par son prénom – m’annoncer qu’il allait publier un tout petit livre, Les yeux de la foi, qui n’était pas de lui, mais d’un jésuite d’une génération précédente, le Père Pierre Rousselot. Un petit livre, mais d’une importance capitale en ce qui concerne précisément l’intelligence de la foi.

    Car André alliait indissolublement sa vocation de théologien et sa vocation de missionnaire. Il souffrait parfois des approximations et même des erreurs d’une évangélisation mal éclairée. L’annonce de Jésus Christ ne pouvait s’accomplir qu’au travers d’une assimilation profonde du mystère chrétien. Et c’est celle-ci qui lui a permis d’enseigner des milliers de personnes, surtout des jeunes, qui lui doivent le sérieux et la solidité de leur foi. Que grâce soit rendue à Dieu pour le témoignage d’André Manaranche.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 avril 2020.

  • L’économie française est en perdition, mais Emmanuel Macron demande l’annulation de la dette de l’Afrique !, par Bernard

    Le président Macron appelle à effacer la dette africaine, étape selon lui « indispensable pour aider le continent africain à travers la crise du coronavirus ». Les PME, les TPE, les professions libérales et les commerçants français qui vont, eux, devoir rembourser  les emprunts qu’ils vont être contraints de faire pour tenter de survivre, apprécieront !!!

    Bernard Lugan.jpgTrois remarques :

     

    1) Si une telle mesure était réellement prise pour aider l’Afrique à lutter contre la pandémie, l’on pourrait la juger comme légitime. Mais, au moment où cette unilatérale proposition présidentielle était faite, et fort heureusement, le continent africain était quasiment épargné par le coronavirus.

     

    2) Depuis des décennies, les pays "riches" ne cessent de consentir à l’Afrique des allègements et des suppressions de dette. Au début des années 2000, les PPTE (Pays pauvres très endettés) ont ainsi bénéficié de considérables remises par les créanciers bilatéraux. Or, à peine sauvés du gouffre de l’endettement, ils y ont replongé...

     

    3) En plus des remises de dette, l’Afrique engloutit année après année, des sommes colossales versées au titre de l'APD (Aide pour le Développement). De 1960 à 2018, le continent a ainsi reçu en dons, au seul titre de l'APD, près de 2000 milliards de dollars (pour une dette d’environ 400 milliards de dollars dont entre 180 et 200 milliards de dollars de dette chinoise), soit en moyenne 35 milliards de dollars par an.

    En dollars constants, le continent a donc reçu plusieurs dizaines de fois plus que l’Europe du lendemain de la guerre avec le plan Marshall.

     

    Or, ces prêts, ces allègements de dette, ces aides et ces dons n’ont servi à rien car, en plus de sa suicidaire démographie, le continent est paralysé par son immobilisme. En effet, en dehors du don de la nature constitué par le pétrole et les minerais contenus dans son sous-sol, l’Afrique ne produit rien, sa part de la valeur ajoutée mondiale dans l’industrie manufacturière est en effet de moins de 2% dont les 9/10e sont réalisés par deux pays sur 52, l’Afrique du Sud et l’Egypte…

     

    L’annulation de la dette proposée par le président Macron ne changera donc rien à cet état des lieux. D'autant plus que la Chine, prédatrice souriante, est désormais à la manœuvre. Mue par le seul moteur du profit, elle endette chaque jour un peu plus le continent à travers des prêts généreusement octroyés.

    Ces derniers font replonger les pays bénéficiaires dans la spirale de l’endettement dont ils commençaient tout juste à sortir après les considérables allègements consentis dans les années 2000 aux PPTE par les Occidentaux. Comme ces prêts ne pourront jamais être remboursés, Pékin va mettre la main sur les grandes infrastructures données en garantie par ses débiteurs. Ainsi en Zambie où le gouvernement, après avoir été contraint de céder à la Chine la ZNBC, la société radio-télévision, s’est vu contraint d’engager des discussions de cession concernant l’aéroport de Lusaka et la ZESCO, la société nationale d’électricité.

     

    Morale de l’histoire : quand la Chine endette l’Afrique, la France propose de renoncer à sa propre créance…

     

    Bernard Lugan

    http://bernardlugan.blogspot.com/

  • Catherine de Sienne aujourd’hui par Gérard Leclerc

    Voilà des mois que l’on parle de la crise de l’Église dans d’innombrables publications. Plusieurs livres sont parus ces temps-ci sur le sujet. Je ne dédaigne pas ce qui pourrait devenir une sorte de genre littéraire, mais je m’interroge préalablement. La crise est très loin d’être une réalité inédite dans l’histoire de l’Église. On pourrait même dire qu’elle lui est inhérente. Sans doute peut-elle prendre des formes très différentes, pas forcément de nature morale.

    LECLERC.jpgAinsi dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, il y a une sorte de crise permanente, pas forcément violente, pour définir ce qu’on pourrait appeler la règle de la foi, laquelle sera fixée dans notre credo. Un credo qui, aujourd’hui encore, a besoin d’être précisé dans certaines de ses formulations en langue française.

    Mais la crise peut-être aussi morale et atteindre un degré de gravité qui défie celui dont nous souffrons aujourd’hui. Ainsi, j’ai depuis plusieurs mois sur mon bureau le beau livre de Jean-Louis Fradon sur Catherine de Sienne aux éditions de l’Emmanuel. Celle qui est devenu docteur de l’Église et co-patronne de l’Europe s’est trouvée plongée dans une tourmente que nous avons peine à imaginer. Car c’est un schisme qui déchire alors la chrétienté du XIVe siècle, avec un pape à Rome et un autre à Avignon dans un contexte politique extrêmement compliqué. Catherine se débat au service de l’unité avec une énergie prodigieuse, subissant un véritable martyre : « Je souffre de ne trouver personne qui serve l’Église, il semble même que tous l’aient abandonnée. »

    Mais ce qui l’affectera le plus c’est la dégradation des mœurs, notamment chez les clercs. En ce sens, il y aurait lieu de comparer notre situation à la sienne, et il n’est nullement évident qu’elle ait été moins grave et moins scandaleuse. Précisément, Catherine n’a jamais désespéré. Elle qui n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser les fautes de ce que Maritain appellera plus tard le personnel de l’Église, gardera toute sa foi en l’avenir : « Quand ces tribulations et ces angoisses seront passées, Dieu saura, par des moyens invisibles aux hommes, purifier sa sainte Église, il donnera une nouvelle vie à l’esprit de ses élus. » Pourquoi une telle espérance ne vaudrait pas pour l’Église de notre XXIe siècle ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 décembre 2019

  • Quelle réforme pour l’Église ? par Gérard Leclerc

    Les regards ne sont pas forcément tournés vers la crèche, même si, ici et là, on s’intéresse à la figure de Jésus d’une façon très remarquable. Notamment dans Le Figaro hors-série coordonné par le Père Olivier-Thomas Venard, vice-directeur de l’école biblique de Jérusalem. Je pense aussi à un témoignage surprise, celui de la journaliste Léa Salamé, pour le dernier numéro de La Vie.

    LECLERC.jpgOn s’intéresse aussi à l’institution Église que l’on décrit souvent comme fragilisée et même en crise, ce qui réclamerait une longue analyse fondée sur un sérieux discernement. À supposer qu’il y ait crise, serait-ce l’institution qu’il faudrait plaindre en se penchant sur son sort ou sa finalité qui est de rendre témoignage au Christ Sauveur ? On connaît la célèbre répartie de Jeanne d’Arc lors de son procès de Rouen : « L’Église et Jésus-Christ, m’est avis que c’est tout un. »

    C’est bien là le paradoxe et le mystère. L’institution séparée du Christ n’a pas d’intérêt. Ses effets bénéfiques dans l’ordre civilisationnel n’ayant de réalité et de spécificité qu’en vertu de l’Évangile continué et communiqué. On sait que le pape François s’en préoccupe et qu’il envisage des réformes de l’appareil central, celui de la Curie, dans ce seul but. Il s’en expliquait encore samedi dernier devant les cardinaux. Une nouvelle évangélisation s’impose, disait-il, dans la mesure où la foi ne constitue plus un présupposé évident du vivre-ensemble, où elle se trouve même raillée, marginalisée, ridiculisée.

    Dans ce sens, François poursuit l’effort de ses prédécesseurs immédiats. Jean-Paul II qui n’a cessé de prêcher la ré-évangélisation des nations anciennement évangélisées et Benoît XVI créant à cet effet un dicastère inédit. Pour cela il s’agit d’envisager des moyens adéquats et un réexamen de la pastorale. Ce renouveau nécessaire doit-il entraîner des divisions dans l’Église ? Selon le clivage conservateurs / progressistes ? Ou traditionalistes / libéraux ? Peut-être pas, car les oppositions idéologiques ne servent pas forcément la cause de l’Évangile. Déchirer la robe qui devrait être sans couture c’est donner le pire des contre-témoignages, alors que Noël nous invite à tourner nos regards vers l’unique nécessaire.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 décembre 2019.

  • Le drame de Gabriel Matzneff par Gérard Leclerc

    Toute la presse fait écho à un ouvrage intitulé Le consentement, qui sera en librairie le 2 janvier. Il n’est pas nécessaire de l’avoir lu pour en connaître le contenu, déjà largement exposé dans de longs articles, que l’on peut retrouver aussi bien sur le site du Monde que celui de La Croix.

    LECLERC.jpgL’auteur, directrice des éditions Julliard, raconte comment elle a été, entre treize et quinze ans, la maîtresse d’un écrivain bien connu, notamment pour avoir défendu ses penchants pour « les moins de seize ans ». Les initiales de cet écrivain G. M. sont immédiatement identifiables. Qui, sur la scène littéraire, ne connaît pas Gabriel Matzneff, par ailleurs régulièrement visé par des campagnes dénonçant sa pédophilie ? L’élément nouveau est que cette pédophilie est aujourd’hui unanimement réprouvée et criminalisée, y compris par des journaux qui, autrefois, en assumaient la défense, sinon la légitimité.

    Je n’ai pas très envie de lire le livre de Vanessa Springora, pour différentes raisons, même si elle s’explique amèrement sur la notion de consentement. Oui, une adolescente peut consentir à une liaison avec un homme mûr, dès lors que celui-ci a suffisamment de prestige, de culture et de charme, alors qu’elle ressent sur le moment qu’il y a quelque chose d’ambigu et de pervers, de destructeur dans une telle relation.

    Il se trouve que je connais personnellement Gabriel Matzneff depuis très longtemps. Nos échanges ne se sont jamais situés sur ce terrain de la sexualité. Nous parlions déjà, dans les années soixante-dix, de philosophie et de littérature, en évoquant Dostoïevski, Berdiaev, ou encore Gabriel Marcel et Pierre Boutang. Il me recommandait tel livre de théologie orthodoxe qui l’avait marqué. N’était-il pas proche d’Olivier Clément, lui-même théologien orthodoxe ?

    Alors, comment entendre cette contradiction entre le fidèle et le libertin ? Lui-même s’en est expliqué dans certains textes : « Par ma faute, mon inconscience, ma folie, l’icône s’est obscurcie, occultée, et j’ai sombré dans la nuit. » Il parle même de « descente aux enfer ». On comprend qu’avec l’Église orthodoxe ses rapports aient été difficiles, au point d’être rompus un moment. Mais il s’est toujours finalement retourné vers la liturgie lumineuse de son enfance. Une liturgie qui est le seul secours qui puisse lui tendre la main dans sa tragédie actuelle.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 décembre 2019

  • Dieu et le virus, par Gérard Leclerc.

    © Pascal Deloche / Godong

    Laurent Joffrin, directeur du quotidien Libération, a cru bon consacrer son éditorial du 3 avril à un très beau sujet : « Dieu et le virus ». De la part de celui qui se veut incroyant, on ne pouvait s’attendre à un profond exercice de théologie. Même s’il se défend de bouffer du curé, il ne peut s’empêcher de manier une ironie qu’on pourrait appeler voltairienne : « Les autorités religieuses constituées, chrétiennes, juives ou musulmanes, appellent toutes au civisme anti-virus et font manifestement plus confiance aux “gestes barrières” qu’aux génuflexions et aux bénédictions pour combattre le fléau. »

    gerard leclerc.jpgPeut-on faire aimablement remarquer à Laurent Joffrin, que le christianisme n’a jamais répudié l’usage de la raison et qu’un certain illuminisme n’a rien à voir avec la meilleure mystique, dont Bergson affirmait que ses représentants authentiques témoignaient d’un « bon sens supérieur ».

    Il est vrai que notre éditorialiste aborde un point sensible, à propos duquel on ne saurait lui donner tort. Un certain fondamentalisme exclut malheureusement toute prudence rationnelle et provoque ces catastrophes bien réelles qu’il constate dans plusieurs régions du monde. Impossible de le contredire là-dessus, et j’ajouterais même que, peut-être à son insu, il se fait un moment, excellent théologien, lorsqu’il aborde la question de Dieu et de la responsabilité du mal, en citant d’ailleurs Voltaire. Ce Voltaire, qui réagissait à juste titre après l’épouvantable tremblement de terre de Lisbonne, où certains avaient l’inconscience de voir un châtiment divin.

    « Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
    “Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes ?”
    Quels crimes, quelles fautes ont commis ces enfants
    Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? »

    Saint Thomas d’Aquin n’aurait pas dit autre chose. Il est temps de revenir à une théologie sérieuse. Mais il y a un aspect que Laurent Joffrin s’est gardé de traiter. C’est celui de l’aide spirituelle spécifique que la religion peut apporter à un peuple désorienté et à des hommes et des femmes qui souffrent. Oui, il y a une assistance qui ne concerne pas seulement les corps, mais aussi les âmes et les cœurs. Assistance qui se rapporte à la tendresse de Dieu.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 avril 2020.

  • Une pandémie qui nous bouscule religieusement, par Gérard Leclerc.

    Le Christ tire Adam et Eve de leur tombeau,

    église Saint-Sauveur-in-Chora, à Constantinople.

    © Pascal Deloche / Godong

    La pandémie bouscule nos habitudes et nos représentations en tous domaines. Notamment le religieux, qui est en cause jusque dans sa spiritualité, nos relations avec Dieu. La semaine sainte est propice à une méditation sur le cœur même de la mission du Christ parmi nous.

    gerard leclerc.jpgDe l’épreuve actuelle, il est bien des leçons à tirer de différents ordres : politique, économique, sanitaire, industriel, social, psychologique, mais aussi religieux. C’est notre situation limite qui nous y oblige. Pierre-André Taguieff, un de nos plus perspicaces analystes dans le domaine des idées politique, en fait le constat dans un grand article de L’Express : « L’événement déclencheur, la pandémie, nous place devant une conjonction fortement anxiogène : celle de l’inexplicable et de l’incurable (jusqu’à nouvel ordre). Voilà qui heurte de front le prométhéisme des modernes, supposant que l’humanité ne rencontre que des problèmes qu’elle peut résoudre. » C’est peut-être l’occasion pour le politique de reprendre l’avantage sur le technocrate, l’art royal platonicien recouvrant tous ses droits.

    Mais de cette situation bousculée, même le religieux n’est pas indemne. J’ai peut-être conclu un peu rapidement ma réponse à Laurent Joffrin, hier matin. Car, même en essayant de circonscrire un peu mieux le domaine où la personne tente de retrouver son Dieu, hors de certaines aberrations fondamentalistes, voire archaïques, celles qui nous offrent un Dieu vengeur, je n’ai fait que donner une porte d’entrée à ce qui devrait conduire à une réflexion plus exigeante et à une méditation plus intense. Comment ne pas reconnaître que nous nous trouvons démunis, par exemple, lorsque les rites liturgiques nous sont refusés ? Hier, je n’ai pu me joindre en l’église Saint-Sulpice, à la cérémonie d’adieu à un ami de cinquante ans. Bien sûr, la prière personnelle peut suppléer à la démarche communautaire, mais l’âpreté de notre dénuement n’en est que plus cruelle.

    C’est alors que Dieu se présente à nous, non comme le superbe créateur de l’univers, mais celui qui nous rejoint dans l’épreuve. Le Christ comme « homme des douleurs » est familier de toute une iconographie chrétienne. Faut-il parler de dolorisme, ou bien plutôt de la réalité de l’Incarnation en tous ses aspects ? Il ne faut pas oublier, certes, ce que cet impie de Renan appelait « le printemps galiléen », mais il y a aussi cette descente du Christ à l’abîme sur laquelle nous allons méditer toute cette semaine sainte.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 avril 2020.

  • Unité nationale et libertés, par Gérard Leclerc.

    © Fred de Noyelle / Godong

    À l’heure du danger, est-ce le strict alignement sur la puissance publique qui s’impose ? À moins que la résistance soit aussi un devoir impérieux avec la conscience non amoindrie de son libre arbitre ? Une parole responsable est toujours possible.

    gerard leclerc.jpgLe terme d’unité nationale est-il le plus approprié aujourd’hui, alors qu’il faut faire face à un défi qui devrait concentrer tout le pays dans une lutte commune ? Les esprits demeurent divisés à ce sujet, et j’entends, ici et là, de véritables philippiques à l’encontre du président de la République et de son gouvernement. C’est à tel point que certains vont jusqu’à déposer plainte contre les ministres en exercice. Ce qui pose d’ailleurs un sérieux problème en soi, sur le terrain légal. Dans Le Monde, le professeur Jérome Beaud, spécialiste en droit public, est d’avis que la censure du pouvoir n’est pas d’ordre judiciaire et relève du contrôle parlementaire. En dépit du fonctionnement défectueux du Parlement, ce travail de contrôle est effectif. Ne devrait-il pas amener, par la pertinence de ses critiques, à des corrections nécessaires de l’action gouvernementale ?

    Par ailleurs au-delà du parlement, la parole demeure libre, même si l’on s’interroge sur certaines caractéristiques du confinement. Le professeur Joshua Mitchell, de Washington, va assez loin dans ce sens, lorsqu’il déclare au Figaro : « Ce qui est remarquable est la rapidité avec laquelle nous avons volontairement abandonné toute nos libertés, afin d’empêcher la mort d’entrer dans les maisons. » C’est une autre dimension de la crise actuelle qui n’est pas à sous-estimer, mais qui intervient dans une conjoncture complexe. Comment maintenir notre libre-arbitre et nos libertés concrètes, lorsque l’on est sommé de se plier rigoureusement aux instructions de la puissance publique ?

    Quelques politiques ont insisté sur une exigence d’unité sans manquer à la nécessaire lucidité. Si le pays se déchirait, il y aurait lieu de redouter une moindre résistance à la pandémie. Mais la discussion argumentée peut aussi faire évoluer le gouvernement. Ainsi, le président de la République a fini par admettre la possibilité de venir visiter les parents dans les maisons de retraite. Des parents qui souffrent de leur solitude inhumaine. Certains, d’ailleurs, en meurent de détresse. Il fallait vraiment rompre cette barrière insupportable, dans des conditions précises. Ne pourrait-on pas aussi abandonner cet affreux acronyme d’Ehpad, pour revenir à la « maison de retraite » que l’on souhaite la plus accueillante possible ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 22 avril 2020.

  • Le religieux dans la cité, par Gérard Leclerc.

    Saint-Émilion

    © Philippe Lissac / Godong

    Quand les chrétiens pourront-ils retrouver le chemin de leurs églises ? Les évêques s’en préoccupent à l’unisson des fidèles. Plus généralement la puissance publique donne-t-elle l’importance nécessaire au souci spirituel ?

    gerard leclerc.jpgLes conséquences qu’ont eu les règles du confinement dans le domaine religieux, et singulièrement pour ce qui concerne la liturgie chrétienne, ont provoqué ici ou là des polémiques que l’on peut comprendre. Vraiment, nous n’avions jamais vécu, pas plus que nos prédécesseurs, cette interdiction de participer à la messe dominicale. L’épreuve a été d’autant plus cruelle qu’elle a affecté la grande semaine de l’année et la célébration de Pâques. Aujourd’hui, l’impatience est grande face à la volonté du gouvernement de reporter la levée de l’interdiction jusqu’au mois de juin. L’épiscopat français, qui a fait preuve d’un civisme rigoureux en acceptant les règles communes, montre désormais qu’il partage ce désir de beaucoup de fidèles pour revenir au plus vite aux célébrations communautaires. Le Pape lui-même a indiqué qu’on ne pourrait longtemps en rester à une participation virtuelle à la messe.

    Mais doit-on creuser plus loin cette question de la présence du religieux dans la vie de la cité, alors que la crise générale de la société devrait raviver l’interrogation sur le sens de notre existence ? Pour ma part, je serais enclin à recevoir avec la plus grande attention ce que Pierre Manent, philosophe politique, nous confie avec indignation : « Avez-vous remarqué que, sur la longue liste des motifs autorisant la sortie du domicile, on n’a pas oublié “les besoins des animaux de compagnie” mais qu’il n’est pas envisagé que nous souhaitions nous rendre dans un lieu de culte ? Cela mérite réflexion. Ceux qui nous gouvernent sont des personnes honorables qui font de leur mieux pour surmonter une crise grave. Or, ils n’ont pas perçu l’énorme, l’inadmissible abus de pouvoir qui était impliqué dans certaines de leurs décisions. Comment est-ce possible ? »

    Peut-être y aurait-il lieu d’apporter quelques nuances à ce reproche. Je sais des responsables politiques importants qui se sont soucié de munir de masques les prêtres qui se rendaient au chevet des malades, souvent gravement atteints. Mais l’interrogation garde toute sa force. C’est Malraux déjà qui mettait en cause une civilisation qui n’avait su construire « ni un temple, ni un tombeau ».

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 27 avril 2020.

  • Le témoignage de Thérèse, par Gérard Leclerc.

    Près de deux millions et demi de téléspectateurs ont regardé lundi soir la superbe émission de Stéphane Bern consacrée à sainte Thérèse de Lisieux. Événement hautement significatif qui intervient en pleine tourmente et qui nous oblige à nous interroger sur l’essentiel.

    gerard leclerc.jpgPour comprendre notre temps et ce qui nous tombe sur le dos, nous avons donc besoin de cette distance de la pensée qui appartient aux philosophes, en raison même de la gratuité de leur discipline qui ne se rapporte pas directement à une utilité.Mais ne nous faut-il pas aller plus loin pour tenter de pénétrer jusqu’au mystère profond de notre existence ? Et de ce point de vue, pour aller vite, nous franchisons cette distance supplémentaire qu’exige la théologie et la mystique. Tout de même, que faisons-nous sur terre ? Tout cela a-t-il un sens ? Jean Guitton expliquait un jour au président François Mitterrand que ce qui le distinguait de Sartre, c’est que ce dernier avait opté pour l’absurde et que lui avait choisi le mystère. Mais ce mystère ne consistait pas en la seule interrogation propre à une sagesse ou à une gnose initiatrice. Il se référait à la réponse de la foi, en ce qu’elle apporte à l’intelligence.

    C’est la démarche d’un Augustin d’Hippone dans ses Confessions : « Tu nous a fait pour Toi et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi. » J’y réfléchissais ces jours-ci. Comment rendre sensible à cette dimension-là ? Et puis l’événement est venu à mon secours, avec la superbe émission de Stéphane Bern, lundi soir, sur Thérèse de l’Enfant Jésus. Nous n’étions pas dans le discours proprement dit, même si le discours doit intervenir à un moment ou à un autre. Pour ceux qui voudront comprendre le secret de Thérèse il faudra absolument lire son Histoire d’une âme. Mais le récit de sa vie, à l’aide des images que nous avons vues lundi, est en soi assez saisissant pour nous introduire à notre propre énigme intérieure. La pure gratuité de cette vie, uniquement vouée à la recherche de son Seigneur, nous ouvre à cet espace immense où Dieu nous invite à respirer à l’approche des profondeurs de la Trinité.

    Nos tentatives dialectiques et rhétoriques n’égaleront jamais la puissance de rayonnement de la petite carmélite de Lisieux. C’est bien pourquoi cette émission, qui lui était consacrée au sein de l’épreuve que nous subissons est un véritable cadeau du Ciel. Il a d’ailleurs été accueilli avec reconnaissance par un immense auditoire. Thérèse, championne de l’audimat c’est sans doute le plus étrange et le plus beau des paradoxes d’aujourd’hui.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 mai 2020.

    L’émission, Thérèse, la petite sainte de Lisieux, est disponible en ligne jusqu’au 3 juin 2020.

  • Le souci spirituel, par Gérard Leclerc.

    Étonnante intrusion dans notre actualité

    qu’une grande émission sur Thérèse de Lisieux.

    CC by-sa : Eddy Van 3000

    Notre service public ne nous offre de tels cadeaux qu’exceptionnellement. C’est que le souci spirituel s’absente des mentalités. Mais est-ce irrémédiable ?

    Une émission télévisée à une heure de grande écoute sur Thérèse de Lisieux, c’est, il faut bien le reconnaître, une étrange intrusion dans notre actualité. Y a-t-il une place aujourd’hui pour le souci spirituel, alors que l’on se montre si attentif au mieux être de la population dans des conditions difficiles ? Il est vrai que les autorités publiques et l’ensemble de la société sont sur des charbons ardents, avec la priorité du service de santé et des soins à donner aux malades.

    gerard leclerc.jpgIl y a aussi la hantise d’un écroulement de l’économie, avec la recherche des moyens propres à la sauvegarder, tel le télétravail. Pour rendre le quotidien moins pénible, il y a lieu de sauvegarder l’approvisionnement, avec toute l’infrastructure nécessaire, en n’oubliant pas les familles et les personnes en situation de grande précarité. Comment promouvoir un minimum d’activité physique, comment entretenir des relations avec les isolés ? Autant de préoccupations que nul ne peut contester.

    Mais comment tenir compte du souci spirituel ? « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Est-ce seulement audible dans une société que l’on décrit comme sécularisée et au regard d’un État qui se veut laïc, c’est-à-dire indemne de toute charge spirituelle ? Sans doute y aurait-il lieu de nuancer ces affirmations. Une société sécularisée peut être plus cruellement en manque de sens et d’inspiration. Elle n’a sûrement pas lieu d’être abandonnée à son dénuement. Aucune œuvre apostolique n’aurait été possible si les apôtres avaient décrété par avance que la parole de Dieu était inaudible. Par ailleurs, un État laïc n’est pas forcément étranger au religieux. Il est en charge des dispositions pratiques de l’exercice de la liberté de conscience.

    Et puis il peut se produire un affinement progressif de la sensibilité, au fur et à mesure que l’on perçoit mieux certaines carences et certaines détresses. On s’est aperçu qu’il était insupportable de laisser nos aînés à leur solitude, sans possibilité de rencontrer leur famille. On s’est aperçu aussi un peu mieux que les rites mortuaires délaissés conduisaient à l’inhumanité. L’historien Philippe Ariès mettait en valeur l’extraordinaire richesse de notre liturgie ancienne des défunts. Oui, de proche en proche, il est possible de reconnaître l’intérêt puissant du spirituel.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 mai 2020.

  • Une journée interreligieuse, par Gérard Leclerc.

    3e journée mondiale de prière pour la paix à

    Assise, 2011.

    CC by-sa : Stephan Kölliker

    Ce 14 mai se distingue par une initiative interreligieuse de la part d’un Haut comité pour la fraternité humaine. Il s’agit d’appeler « les leaders religieux et les croyants à travers le monde à une journée de jeûne, de prière et de participation à des œuvres de charité, pour implorer Dieu d’aider l’humanité pour mettre fin à la pandémie inédite du coronavirus (Covid-19) ». Telles sont les termes exacts de l’appel de cet organisme, qui a réussi à obtenir un très large accord auprès d’autorités religieuses très diverses. Le Pape s’est joint à cette invitation, dimanche dernier, au terme de la prière du Regina Caeli.

    gerard leclerc.jpgSon collaborateur, le cardinal Ayuso Guixot, qui dirige le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a insisté, de son côté, sur la valeur universelle d’une démarche où chacun « ressent et entend l’immensité du cri de l’humanité souffrante débordée de toute part, angoissée, meurtrie ».

    Voilà qui rappelle l’initiative prise en 1986 par saint Jean-Paul II pour un grand rassemblement interreligieux à Assise. On s’était beaucoup interrogé à l’époque sur le caractère inédit d’un tel rassemblement et sur son statut théologique, qui avait, semble-t-il, beaucoup intrigué le cardinal Joseph Ratzinger. Il y avait eu aussi une très forte contestation du côté de Mgr Marcel Lefebvre, qui avait mis en cause le caractère relativiste et syncrétiste qu’implique une réunion où l’on met entre parenthèses les données de sa foi. Mais parler de syncrétisme à propos de Jean-Paul II, c’était pour le moins hors de propos. Ce qui ne signifiait pas qu’il n’y avait pas de questions difficiles à se poser.

    N’y a-t-il pas possibilité d’inviter les sensibilités religieuses à se rassembler pour la paix plutôt que de les laisser se déchirer ? C’est vrai que, si tout credo commun est par définition exclu, il y a possibilité de se retrouver sur des sentiments fondateurs. Qui avait donc, en 1986, rappelé la magnifique expression de Baudelaire quant à « cet immense sanglot qui roule d’âge en âge et vient mourir au bord de votre éternité » ? Voltaire prétendait qu’il n’y avait que le commerce et le trafic pour réconcilier les hommes qui s’étaient toujours entretués en s’accusant d’hérésie. Ne peut-on pas plaider un instant pour la vertu pacificatrice de ceux qui se préoccupent de donner un sens supérieur à la vie humaine ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 mai 2020.