Dieu et le virus, par Gérard Leclerc.
© Pascal Deloche / Godong
Laurent Joffrin, directeur du quotidien Libération, a cru bon consacrer son éditorial du 3 avril à un très beau sujet : « Dieu et le virus ». De la part de celui qui se veut incroyant, on ne pouvait s’attendre à un profond exercice de théologie. Même s’il se défend de bouffer du curé, il ne peut s’empêcher de manier une ironie qu’on pourrait appeler voltairienne : « Les autorités religieuses constituées, chrétiennes, juives ou musulmanes, appellent toutes au civisme anti-virus et font manifestement plus confiance aux “gestes barrières” qu’aux génuflexions et aux bénédictions pour combattre le fléau. »
Peut-on faire aimablement remarquer à Laurent Joffrin, que le christianisme n’a jamais répudié l’usage de la raison et qu’un certain illuminisme n’a rien à voir avec la meilleure mystique, dont Bergson affirmait que ses représentants authentiques témoignaient d’un « bon sens supérieur ».
Il est vrai que notre éditorialiste aborde un point sensible, à propos duquel on ne saurait lui donner tort. Un certain fondamentalisme exclut malheureusement toute prudence rationnelle et provoque ces catastrophes bien réelles qu’il constate dans plusieurs régions du monde. Impossible de le contredire là-dessus, et j’ajouterais même que, peut-être à son insu, il se fait un moment, excellent théologien, lorsqu’il aborde la question de Dieu et de la responsabilité du mal, en citant d’ailleurs Voltaire. Ce Voltaire, qui réagissait à juste titre après l’épouvantable tremblement de terre de Lisbonne, où certains avaient l’inconscience de voir un châtiment divin.
« Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
“Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes ?”
Quels crimes, quelles fautes ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? »
Saint Thomas d’Aquin n’aurait pas dit autre chose. Il est temps de revenir à une théologie sérieuse. Mais il y a un aspect que Laurent Joffrin s’est gardé de traiter. C’est celui de l’aide spirituelle spécifique que la religion peut apporter à un peuple désorienté et à des hommes et des femmes qui souffrent. Oui, il y a une assistance qui ne concerne pas seulement les corps, mais aussi les âmes et les cœurs. Assistance qui se rapporte à la tendresse de Dieu.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 avril 2020.