Catherine de Sienne aujourd’hui par Gérard Leclerc
Voilà des mois que l’on parle de la crise de l’Église dans d’innombrables publications. Plusieurs livres sont parus ces temps-ci sur le sujet. Je ne dédaigne pas ce qui pourrait devenir une sorte de genre littéraire, mais je m’interroge préalablement. La crise est très loin d’être une réalité inédite dans l’histoire de l’Église. On pourrait même dire qu’elle lui est inhérente. Sans doute peut-elle prendre des formes très différentes, pas forcément de nature morale.
Ainsi dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, il y a une sorte de crise permanente, pas forcément violente, pour définir ce qu’on pourrait appeler la règle de la foi, laquelle sera fixée dans notre credo. Un credo qui, aujourd’hui encore, a besoin d’être précisé dans certaines de ses formulations en langue française.
Mais la crise peut-être aussi morale et atteindre un degré de gravité qui défie celui dont nous souffrons aujourd’hui. Ainsi, j’ai depuis plusieurs mois sur mon bureau le beau livre de Jean-Louis Fradon sur Catherine de Sienne aux éditions de l’Emmanuel. Celle qui est devenu docteur de l’Église et co-patronne de l’Europe s’est trouvée plongée dans une tourmente que nous avons peine à imaginer. Car c’est un schisme qui déchire alors la chrétienté du XIVe siècle, avec un pape à Rome et un autre à Avignon dans un contexte politique extrêmement compliqué. Catherine se débat au service de l’unité avec une énergie prodigieuse, subissant un véritable martyre : « Je souffre de ne trouver personne qui serve l’Église, il semble même que tous l’aient abandonnée. »
Mais ce qui l’affectera le plus c’est la dégradation des mœurs, notamment chez les clercs. En ce sens, il y aurait lieu de comparer notre situation à la sienne, et il n’est nullement évident qu’elle ait été moins grave et moins scandaleuse. Précisément, Catherine n’a jamais désespéré. Elle qui n’a pas de mots assez durs pour stigmatiser les fautes de ce que Maritain appellera plus tard le personnel de l’Église, gardera toute sa foi en l’avenir : « Quand ces tribulations et ces angoisses seront passées, Dieu saura, par des moyens invisibles aux hommes, purifier sa sainte Église, il donnera une nouvelle vie à l’esprit de ses élus. » Pourquoi une telle espérance ne vaudrait pas pour l’Église de notre XXIe siècle ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 décembre 2019