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  • De la peste au coronavirus, par Gérard Leclerc

    L’épidémie de coronavirus domine toute l’actualité, même en France. Tous les moyens d’information sont mobilisés pour nous donner le maximum de renseignements sur la maladie et les stratégies propres à s’en prémunir. Mais il n’y a pas que les États à être en cause. Tout le corps social se doit de réagir.

    13584804_1050497325039319_7100176010205014433_o.jpgImpossible d’échapper à l’épidémie de coronavirus qui a explosé en Chine et dont on redoute qu’elle s’étende à l’ensemble du pays et au-delà de ses frontières. Mais que dire d’un tel fléau, sinon qu’on est obligé de faire confiance aux autorités médicales compétentes pour en limiter les effets ? L’on souhaite aussi que les autorités politiques soient à la hauteur de l’enjeu en organisant les forces disponibles et en prenant les mesures nécessaires en faveur du bon ordre des populations menacées. Et à propos de la Chine, on se demande d’emblée si le régime communiste, en vertu de la centralisation qu’il impose et de l’encadrement rigoureux qui est le sien, se trouve à même de faire face. Nos éditorialistes sont circonspects, plus que Donald Trump qui félicite du travail accompli. La poigne de fer du président Xi Jinping n’est pas seule en cause. Les structures provinciales ont-elles tardé à transmettre de mauvaises nouvelles à l’empereur rouge, se demande Le Figaro. Le Monde s’inquiète d’un système rigidifié qui réduit comme une peau de chagrin l’espace alloué à la critique et à la contestation.

    Aussi loin que remontent nos souvenirs historiques, il apparaît que le rôle de l’autorité centrale ou locale est capital dans la maîtrise d’une épidémie. Il y a longtemps que l’utilisation de l’armée s’est avérée indispensable pour garantir un cordon sanitaire. Mais on se doit aussi de s’interroger sur l’attitude des populations elles-mêmes, sur les chaînes d’entraide qui se constituent de proche en proche. Nos amis marseillais font toujours mémoire de la belle figure de Mgr de Belsunce. Lors de la Grande peste de Marseille en 1720, il fut héroïque, non seulement par son dévouement auprès des malades, mais aussi pour son rôle de pasteur sachant galvaniser le peuple qui lui était confié par des gestes spectaculaires. Albert Camus s’en est souvenu dans son fameux roman intitulé précisément La peste. Plus tard, au XIXe siècle, son successeur, Mgr de Mazenod (canonisé par Jean-Paul II), se montra aussi exemplaire en luttant contre le typhus.

    De tels exemples valent-ils pour aujourd’hui ? Sans doute, parce que face à pareille menace, les individus ne sont pas des atomes séparés. Ils se doivent un mutuel secours et ont besoin de figures ou de personnalités proches pour défier le fléau qui s’abat sur la cité.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 janvier 2020.

  • George Steiner, maître à lire, par Gérard Leclerc.

    La mort du grand universitaire George Steiner nous invite à revisiter une œuvre critique d’une extrême importance. C’est la culture qui donne son âme à une civilisation qui est faite de richesses patrimoniales et d’échanges. Sans compter cette richesse commune qu’est la Bible.

    gerard leclerc.jpgEn apprenant lundi soir la mort de George Steiner, d’instinct j’ai recherché ses livres dans ma bibliothèque. N’était-ce pas avant tout l’homme des livres, lui le lecteur insatiable et le transmetteur ? Malheureusement, ma bibliothèque étant en dérangement et en instance de rangement, je n’ai pu retrouver le carton où ils sont provisoirement emballés. J’aurais aimé relire quelques pages d’Après Babel que j’ai lues à peu près à sa parution, sous le conseil pressant de Pierre Boutang au milieu des années soixante-dix. Steiner m’avait ouvert tout un monde, qui est celui de la parole et de l’écrit avec la polyphonie des langues, ce trésor merveilleux.

    Universitaire de réputation mondiale, Georges Steiner est d’abord connu comme critique, un métier qu’il considérait avec la plus grande humilité. À Stéphane Barsacq qui l’interrogeait là-dessus, il répondait : « J’aimerais, si on se souvient de moi, oui j’aimerais que ce soit en tant que maître à lire. Maître à penser, je n’ose pas y aspirer, maître à lire, oui. » Et pour se mieux faire comprendre il empruntait une métaphore à Pouchkine : « C’est moi qui écrit les lettres, vous vous contentez de les mettre à la boîte. » La richesse de sa vie, notre professeur estimait que ça avait été de mettre les lettres à la boîte. Et encore : « Quand on a passé sa journée à enseigner Le roi Lear ou Phèdre ou Partage de midi, l’on se dit : “À quoi bon ?” Parce que la richesse de ces textes, de ces hommes est d’un ordre tout à fait différent du nôtre… » Mais, cher maître, pour pouvoir transmettre, il faut savoir se pénétrer du génie d’autrui et savoir aussi traduire, qui est bien une des plus belles facultés de l’esprit humain !

    Steiner avait une hantise qu’il exprimait à Barsacq dans les termes les plus directs : « Les temps vont être très difficiles, il n’y a pas de doute… Et il y a une forme de populisme, plein de vengeance, qui dit : on en a assez de votre culture, vous nous emmerdez avec votre culture. » Les pop stars n’ont-ils pas remplacé les écrivains ? Et pas seulement pour la jeunesse. À l’Élysée, pourtant sous François Mitterrand, Régis Debray était en concurrence sévère avec Jack Lang pour donner la prééminence aux écrivains par rapport aux vedettes du showbiz. Mais Steiner demeurera comme un témoin, gardien des vraies richesses de l’esprit et du cœur. Je pense à son appartenance juive, souvent compliquée, mais qui tenait d’abord à son attachement au livre des livres, la Bible. Ce livre dont il savait mieux que quiconque qu’il avait irrigué toute la grande littérature occidentale !

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 février 2020.

  • Du bon usage de la critique des religions, par Gérard Leclerc

    « En France, on a le droit de critiquer les religions, il n’y a pas de délit de blasphème. » On peut dire que ce genre d’affirmation court en boucle en ce moment dans tous les médias et les réseaux sociaux. C’est suite à l’affaire Mila, du nom d’une jeune fille de 16 ans qui s’est permis d’exprimer des propos peu aimables – c’est le moins que l’on puisse dire – à l’égard de l’islam. Cela lui a valu des menaces de mort et même l’impossibilité d’accéder à son lycée, sa sécurité étant en cause.

    13584804_1050497325039319_7100176010205014433_o.jpgCe genre d’incident est déjà caractéristique d’un certain climat moral, mais il s’est trouvé amplifié à la suite d’une déclaration de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, qui, tout en condamnant les menaces de mort, a néanmoins pris position contre la jeune fille coupable, à son avis, d’insulte à la religion. La ministre est revenue par la suite sur ses propos qui avaient provoqué un véritable charivari. Comment pouvait-on s’opposer à la liberté de critique des religions ? N’était-ce pas revenir à l’ancienne législation contre le blasphème ?

    Sur le sujet du blasphème, il y aurait beaucoup à dire. Est-il vraiment sûr qu’aujourd’hui il n’existe plus d’interdits à propos de principes fondamentaux, ceux qui sont à l’origine de notre droit, par exemple ? Les droits de l’homme constituent ainsi le sacré des démocraties modernes et leur déni est redevable de sévères réquisitions. Il en va de même du racisme, des discriminations, et de toutes sortes de phobies qui sont réprimés par la loi. En ce qui concerne la religion, il est vrai qu’il y a un droit de critique qui se réclame des Lumières et de toute une tradition anti-religieuse. Cette critique est-elle toujours pertinente, ne relève-t-elle pas souvent de l’esprit le plus mesquin et le plus étroit ? C’était la conviction d’un Flaubert qui a immortalisé dans Mme Bovary, avec le pharmacien Homais, le type même du rationaliste borné. Reste que la plus large liberté doit être laissée à l’intelligence et à l’échange des idées. Le mieux est quand même que cette liberté serve vraiment l’intelligence et ne se limite pas à brandir des noms d’oiseaux. Quand Emmanuel Macron visite l’école biblique de Jérusalem fondée par les Pères dominicains, il honore une magnifique création française qui témoigne de la plus haute forme de l’érudition et de la critique. C’est tout de même un apport plus judicieux au service de la raison et de la paix sociale.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 février 2020.

  • La Pologne et nous, par Gérard Leclerc.

    La visite accomplie par Emmanuel Macron en Pologne a permis, en l’espace de quelques jours, de reposer la question de nos relations avec ce pays, auquel tant de liens historiques et affectifs nous rattachent. Le but du président français était de surmonter les divergences entre les deux pays en tenant un discours résolument positif : « Sur chaque grand dossier européen, il ne peut pas y avoir d’accord durable et viable si la Pologne et la France ne travaillent ensemble. »

    gerard leclerc.jpgDonc, en dépit des critiques répétées de Bruxelles à l’égard du gouvernement de Varsovie, en dépit de l’attitude conciliatrice de la diplomatie française à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine, le climat est au rapprochement. Et pour tous ceux qui gardent au cœur l’amour de la Pologne, patrie de saint Jean-Paul II, c’est un sujet de satisfaction.

    Que l’on revienne précisément au temps de Jean-Paul II, dont l’avènement en 1978 marque un extraordinaire retournement de situation et l’on peut s’étonner et même s’attrister de la façon dont la Pologne s’est éloigné de nous. Avec quelle attention passionnée n’avons-nous pas suivi les événements qui ont amené la chute du communisme, avec les voyages triomphaux du pape et l’épopée de Solidarnosc. Beaucoup d’entre-nous ont coopéré avec la résistance polonaise, convoyant des aides matérielles dans toutes les régions du pays. Ce fut le moment aussi de faire meilleure connaissance avec une culture et une littérature qui nous faisait comprendre l’âme d’un pays, celui de Mickiewicz et de Cyprian Norwid cher à Karol Wojtyla.

    Je me suis moi-même investi à l’époque, en publiant au moins deux livres sur le sujet, essayant de rassembler tout ce qui à travers l’histoire, dès le Moyen Âge, nous avait rapprochés, Polonais et Français. J’ai été heureux de lire lundi dans Le Figaro, une belle page signée Laure Mandeville qui n’hésite pas à parler d’une histoire d’amour, même si elle est compliquée. Le général de Gaulle, souhaitait ardemment que cette histoire se poursuive et professait que, dans notre intérêt supérieur, il fallait que « la Pologne soit forte ». Certes, la Pologne dirigée par le parti Droit et Justice est très loin d’une certaine culture libérale-libertaire dominante en Europe. On parle d’une position conservatrice chrétienne, très éloignée de la France des réformes dites sociétales. Mais n’est-ce pas le bien commun du continent qui exige que notre histoire commune se poursuive ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 février 2020.

  • Les lois de la religion sont-elles supérieures à celles de la République ?, par Gérard Leclerc.

    À Mulhouse, mardi, le président de la République a énoncé un principe d’une clarté totale, afin de bien démarquer les territoires respectifs du politique et du religieux. « On ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures à celles de la République. » Emmanuel Macron n’est pas le premier à proférer une telle affirmation. Elle s’adresse d’évidence à nos compatriotes musulmans dans les circonstances qui sont les nôtres.

    gerard leclerc.jpgMais son caractère général semble bien s’adresser aussi à toutes les religions. Non sans une pointe de provocation. Dans cette primauté revendiquée, n’y a-t-il pas une forme de provocation à l’égard de ceux qui croient au Ciel ? Comme si Dieu ne devait pas être premier servi, selon Jeanne d’Arc. Oui mais, dans la tradition chrétienne, la distinction du religieux et du politique a toujours été opérée, même si elle a donné lieu à des conflits incessants.

    Dès les textes du Nouveau Testament, l’obéissance aux autorités civiles est instamment recommandée, alors que celles-ci se réclament du paganisme. Saint Paul est particulièrement net à ce sujet : « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernement, écrit il aux Romains. » Et il insiste : « Celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi. » Si l’on songe que l’apôtre désigne alors l’empire romain incarné dans la personne de Néron, on mesure la singularité d’un tel commandement. Et saint Pierre ne tient pas un autre langage. La notion de théocratie est donc étrangère à la tradition chrétienne, ce qui la distingue de celle de l’islam. Et ce n’est pas impiété mais distinction de ce que Pascal appelait « les ordres ». « La tyrannie, observait-il, consiste en un désir de domination universelle et hors de son ordre. » C’est qu’il y a péril d’accaparement de la part du spirituel qui risque ainsi de se compromettre en perdant son âme.

    Cela ne veut pas dire que l’Église renonce par ailleurs à rechercher l’éclairage de la foi dans le domaine temporel. Mais pour exercer une telle mission, il lui importe, écrivait le cardinal de Lubac, de repousser un mode d’intervention qui ravalerait sa pureté d’instance spirituelle. Cette distinction des domaines n’est pas indemne de possibles conflits, lorsque la loi morale est en cause. Mais cela renvoie au chapitre de l’objection de conscience, lorsque ladite conscience se trouve blessée par une législation injuste.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 février 2020.

  • À propos de Jean Vanier, par Gérard Leclerc.

    La révélation par la communauté de l’Arche d’agressions sexuelles commises par Jean Vanier sur des femmes aux profils fragiles, constitue un véritable coup de tonnerre pour le monde catholique où il était révéré presque comme un saint. Moi-même, qui l’ait salué, au moment de sa mort, pour exprimer mon admiration et ma gratitude à son égard, je m’en trouve blessé et il faudra longtemps pour que ma tristesse s’apaise. Cette révélation fait d’autant plus mal que Jean Vanier a fondé et dirigé un œuvre proprement admirable à tous égards.

    gerard leclerc.jpgFaut-il se redire avec les anciens : « Corruptio optimi, pessima » ? La corruption du meilleur est la pire des choses. Peut-être, parce qu’en un certain sens, Jean demeure le meilleur et que sa culpabilité n’en est que plus cruelle. Pourquoi ? Parce qu’en abusant de certaines femmes, il s’est prévalu justement de son prestige spirituel et de son autorité de héros de la charité.

    Et là, on est bien obligé de parler de dévoiement pervers. Jean Vanier était une sorte de laïc bien particulier dans l’Église. Il a prêché dans sa vie de multiples retraites et on ne pouvait qu’acquiescer à un sens évangélique incontestable. Bien qu’il ne fut pas prêtre, il a usurpé de son charisme pour commettre le mal. On s’interroge sur la responsabilité qu’a pu avoir dans ce dévoiement le Père Thomas Philippe, cofondateur de l’Arche et lui-même coupable d’agressions du même type. Dans les années cinquante, ce religieux avait été d’ailleurs gravement sanctionné par le Saint-Siège, déjà pour des actes délictueux. L’affaire était restée en grande partie secrète et peu savaient ce qui s’était passé à ce moment-là. J’avais moi-même interrogé Jean Vanier là-dessus il y a fort longtemps, et il m’avait répondu que cela demeurait aussi pour lui une énigme.

    Ne détenait-il pas un terrible secret qui aura marqué son existence entière, en l’inclinant à ces agressions justifiées par une insupportable mystification spirituelle ? C’est pourquoi Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a jugé, au plus juste titre, qu’il convenait de revenir sur la pensée dévoyée du Père Thomas Philippe, que celui-ci partageait aussi malheureusement avec son frère, le fondateur des petits gris. La corruption du trésor de la mystique chrétienne est vraiment la pire des choses. Il nous revient, au fond de notre accablement, à prier pour celles qui en sont subi les conséquences, et pour Jean lui-même. Que la douce pitié de Dieu retombe sur lui.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 février 2020.

  • Jean Daniel aux Invalides, par Gérard Leclerc.

    Cour d’honneur des Invalides

    CC by-sa : EduardoVieira88

    Que les obsèques de Jean Daniel aient lieu vendredi dans la cour des Invalides, en présence du président de la République, ne devrait pas nous surprendre Il n’y a pas si longtemps, c’était Jean d’Ormesson qui recevait le même hommage. La France continue à se reconnaître dans sa culture et ceux qui l’ont fait vivre pas seulement par la création proprement littéraire, mais aussi par une certaine qualité de sa presse.

    gerard leclerc.jpgPersonnellement, je dois reconnaître ma dette à l’égard du directeur du Nouvel Observateur. Non que je me sois toujours trouvé en accord avec sa ligne éditoriale. J’ai eu de violents sujets de querelle avec elle ! Mais la tenue que Jean Daniel a toujours imposée au traitement de l’actualité dans toutes ses dimensions faisait que le jeune journaliste que j’étais ne pouvait se priver de sa confrontation hebdomadaire.

    Et puis sur une question aussi importante que l’avenir du Moyen Orient et des relations entre Israël et la Palestine, je ne pouvais que suivre celui dont Hubert Védrine a dit ces jours-ci qu’il réagissait en véritable homme d’État. J’ajouterai qu’on n’a pas assez souligné comment Jean Daniel avait contribué à modifier la culture politique française, pas seulement dans le milieu de la gauche, même si celle-ci était la plus directement sollicitée, car la droite par contrecoup suivait les évolutions de ses partenaires. Un des collaborateurs qui ont eu le plus d’influence dans ce processus, c’est l’historien François Furet, puisqu’il a changé radicalement l’historiographie de la Révolution française, en rompant avec la vieille école républicaine. Et même si Jean-Paul Sartre fut considéré comme un des parrains du Nouvel Obs à ses origines, Jean Daniel a fait que ses lecteurs s’en détachent de plus en plus.

    Je ne puis oublier ce que me confiait mon ami Maurice Clavel : « Si je puis m’exprimer librement chaque semaine dans Le Nouvel Observateur, je le dois à la seule grâce du prince, c’est-à-dire à son directeur. » Là aussi, Jean Daniel innovait, en rompant avec l’anticléricalisme de l’intelligentsia. Clavel pouvait conduire une œuvre étonnante de retournement intérieur qui se traduisait par la ferveur de ceux qui témoignaient à quel point, par son intermédiaire, ils avaient entrevu l’appel de la foi. Rien que pour avoir permis cela, je suis reconnaissant à celui qui sera honoré vendredi dans la cour des Invalides.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 février 2020.

  • La mission de la Croix-Rouge, par Gérard Leclerc.

    J’abordais hier la question épineuse d’un conflit de devoirs entre Realpolitik et urgence humanitaire. C’était à propos du chantage de la Turquie pressant une foule de réfugiés aux frontières de l’Europe. Je me contentais d’exposer les termes d’un dilemme, sans apporter de véritable réponse. On serait fondé à me le reprocher si je donnais le sentiment d’une impossibilité pratique. Face à l’inéluctable, au rapport de forces, il n’y aurait aucune échappatoire. En l’espèce, il faudrait se résoudre à abandonner ces pauvres gens, livrés à la cruauté d’une situation sans remèdes immédiats. Mais alors, le pape parlerait en leur faveur dans le vide, en pur idéaliste n’exprimant que des vœux pieux ? Il se trouve que l’éditorialiste du Monde aborde après moi cette même difficulté, dont il ne fait pas une aporie, c’est-à-dire un problème sans issue : « Plutôt que de céder à une quelconque panique, écrit-il, l’Union européenne doit faire montre à la fois de solidarité, de fermeté, de réalisme et d’humanité. »

    gerard leclerc.jpgEn fait d’humanité, il s’agirait de prendre sa part dans l’accueil des réfugiés. Le principe d’un droit d’asile ne saurait être éludé. Mais comment pourrait-il s’appliquer ? Dans quelles proportions ? Sur quels territoires ? Nous sommes réduits là aux conjonctures en pointillés et n’avons guère avancé. Ce n’est sans doute pas une raison pour désespérer, tout en sachant que face à la guerre et aux catastrophes qu’elle engendre, l’action humanitaire peine à se déployer. Mais tout de même, c’est en raison des horreurs de la Première Guerre mondiale qu’a pu se révéler une institution comme la Croix-Rouge, mobilisant ainsi 68000 infirmières, créant près des 1500 hôpitaux auxiliaires, une quantité d’infirmeries et de cantines pour le soin des soldats malades et blessés. Le fondateur de la Croix-Rouge, Henry Dunant, n’avait pas hésité devant l’ampleur de la tache : « Avec le temps, prophétisait-il, notre œuvre trouvera des applications de tous genres et des développements aussi précieux qu’inattendus. »

    N’est-ce pas ce qu’on pourrait espérer comme genre d’initiatives en faveur des millions de migrants chassés du territoire syrien en guerre et ceux réfugiés en Turquie ? Il ne faut pas oublier non plus les démarches de la diplomatie comme recours, même s’ils sont incertains. L’Église, de son côté, n’a-t-elle pas tenté ce recours pendant la Première Guerre mondiale et ne se considère-t-elle pas aujourd’hui, selon le propos du pape François, comme un hôpital de campagne ?

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 mars 2020.

  • Morale et Realpolitik, par Gérard Leclerc.

    Des milliers de migrants se pressent aux frontières de la Grèce, poussés par la Turquie qui exerce ainsi un chantage sur l’Europe pour faire plier ses dirigeants. L’exigence humanitaire doit-elle prévaloir dans pareille situation, alors que d’autres problèmes politiques se posent ?

    gerard leclerc.jpgLes moralistes de métier, qui ont peu à voir avec ce que Nietzsche dénonçait en s’en prenant à la moraline, sont familiers avec le concept de conflits de devoirs. Oui, dans l’ordre de la morale, la conscience n’obéit pas toujours à ce que Kant appelait « un impératif catégorique ». Il existe des situations d’une complexité telle que l’on est contraint d’envisager des obligations contradictoires. Ce qui se passe, en ce moment, aux frontières de l’Europe, plus particulièrement à celles de la Grèce, place ainsi la conscience devant un douloureux dilemme. Le président turc Erdogan a, en effet, décidé d’encourager des centaines de milliers de migrants présents sur son territoire à se diriger vers l’Europe. Une Europe, qui se raidit devant une telle perspective, ayant gardé le souvenir du million de migrants qu’Angela Merkel avait accueilli dans son pays en 2015, ce qui l’avait durablement déstabilisé.

    On pense bien sûr au sort épouvantable de toutes cette population, avec femmes et enfants, qui se pressent aux abords de la Grèce et qui sont durement repoussés par les forces de l’ordre et malmenés par des habitants exaspérés. Que le pape François, une fois de plus, prenne leur défense, n’est-ce pas de l’ordre de la plus élémentaire compassion ? Que les militants des ONG voués à l’aide des naufragés et de ces migrants en détresse fassent valoir les droits de toutes les personnes en danger est aussi compréhensible. Ces militants ne sont-ils pas, aujourd’hui, sous la menace d’une loi répressive qui les assimile à des délinquants ?

    Mais par ailleurs, on se doit de constater que nous sommes en présence d’un problème politique où ces migrants sont les otages d’un chantage et d’un rapport de force. Le président Erdogan veut faire plier les dirigeants européens, en leur imposant cette nouvelle vague massive de réfugiés, parce qu’il est en difficulté sur le terrain des combats en Syrie. Une Syrie qui, par ailleurs, est aussi l’objet de graves conflits de devoirs, avec des combats qui ont jeté sur les routes des centaines de milliers de civils. L’Europe peut-elle plier face au chantage de la Turquie ? Mais par ailleurs, peut-on abandonner, le cœur léger, tous ces malheureux, victimes innocentes d’enjeux qui les dépassent ? Y a-t-il un compromis possible entre la Realpolitik et l’urgence humanitaire ?

    Chronique diffusée sur radio Notre-Dame le 4 mars 2020.

  • La guerre au patriarcat ?, par Gérard Leclerc.

    Est-il vrai, comme l’écrit Franck Ferrand dans Le Figaro, que ce qui nous menace aujourd’hui c’est moins la pandémie du coronavirus que celle de l’information à son propos ? Qu’il y ait saturation avec cette mobilisation et cette surenchère continues dans les médias, j’en serais assez d’accord. C’est pourquoi je préfère m’abstenir sur le sujet, ne voyant d’ailleurs pas en quoi je pourrais y apporter mon petit plus. En revanche, j’ai fort envie de poursuivre la réflexion engagée hier à propos de la journée internationale des femmes, car j’ai beaucoup de mal à supporter la violence verbale et morale à laquelle elle a donné lieu. Les textes que je lis à son sujet sont littéralement des textes de guerre. Guerre au patriarcat, qui est forcément totale, qui se doit de mobiliser toutes les énergies féminines.

    gerard leclerc.jpgLa romancière Virginie Despentes a publié dans Libération du 1er mars une tribune qui est brandie par beaucoup de militantes comme un manifeste, précisément contre le patriarcat, défini comme une culture de l’abaissement et de l’humiliation des femmes. Et l’on insiste : cette culture englobe absolument tout, elle n’épargne aucun secteur du champ de la vie sociale, qu’il concerne le travail, la famille, la sexualité, la politique, le cinéma… Il n’y aurait donc aucun espace possible de respiration. Dans une situation de guerre, il n’y a de riposte que dans la guerre. Je me frotte quand même un peu les yeux, et j’ai la faiblesse de penser que le monde dans lequel j’évolue est plutôt sensiblement différent. Dans notre famille, l’élément féminin prédomine et je n’ai pas l’impression qu’il soit abaissé ou humilié.

    J’ai dit hier que je reconnaissais une réelle légitimité au féminisme et à certaines de ses conquêtes. Mais l’allure qu’il prend en ce moment me déplaît souverainement. Et je ne le dis pas par morgue masculine mais par respect pour les femmes. Que gagneront-elles dans cette lutte des sexes ? Il faudrait tout un essai pour s’expliquer et je dois me contenter, in fine, d’une seule remarque. Un mot manque cruellement dans toute la rhétorique actuelle, c’est le mot amour. Je sais qu’il peut être d’un usage délicat. Pourtant lorsqu’il s’absente, la sexualité, par exemple, devient le champ clos de toutes les déceptions, et elle est définitivement compromise par les traumatismes qui en font le lieu de la déliaison, du dégoût et de la rancune. Donc de fait, du seul combat, sans possibilité d’en émerger.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 10 mars 2020.

  • Contre les dérives de la vie religieuse, par Gérard Leclerc.

    Il n’y a pas que l’Église qui soit en état de crise, face à des révélations en chaîne qui mettent en cause son fonctionnement interne. Beaucoup de secteurs de la société se trouvent affectés par une avalanche d’accusations et il semble bien que c’est toute une civilisation des mœurs qui s’interroge sur ses fragilités et ses dévoiements. Le procès Weinstein, dont la première phase vient de se clore à New York, constitue, de ce point de vue, une étape intéressante, avec la condamnation d’un personnage hier tout puissant dans l’univers hollywoodien. Il se trouve, par ailleurs, que l’appareil de la justice permet d’échapper à certains processus pervers aboutissant à des lynchages incontrôlés.

    gerard leclerc.jpgIl doit en aller un peu de même dans l’Église, qui a besoin aussi de dépasser le stade des indignations et des procès pas toujours éclairés, surtout lorsqu’ils sont alimentés par la toxicité de beaucoup de réseaux sociaux. Le Pape, qui a souvent le génie des formule provocatrices, celles qui ont le mérite de faire bouger les choses et d’ébranler notre bonne conscience, a lancé dans l’opinion un terme accusatoire qui a fait fortune, « le cléricalisme ». L’inconvénient de ce type de formule c’est que sa généralité permet de concentrer les griefs les plus divers et pas toujours les plus appropriés. On peut faire confiance à François pour penser qu’au-delà de la formule, il entendait pousser toute l’institution à un travail de discernement, afin de mieux identifier les causes de la crise et des abus d’ordre spirituel justement dénoncés.

    Il ne s’agit pas seulement d’abus d’autorité. Tous les secteurs, dans le grand déballage actuel, sont touchés par le phénomène. Dans l’Église, et singulièrement dans les communautés religieuses, il s’agit d’une question sui generis, extrêmement délicate à démêler. C’est pourquoi on se félicite que le ministre général des Chartreux intervienne sur le sujet dans un livre à paraître dans quelques jours aux éditions du Cerf : Risques et dérives de la vie religieuse. Un long entretien dans l’hebdomadaire La Vie avec Sophie Lebrun nous en donne un avant-goût précieux. Je n’en retiendrai qu’une seule proposition pour aujourd’hui : « Le religieux qui obéit garde toujours une intelligence et une responsabilité. Aucune injonction à l’unité – très culpabilisante – ne doit faire disparaître le discernement propre. Je dis souvent aux novices que l’on n’obéit que si l’on veut. » Merci à Dysmas de Lassus de nous donner à penser à partir de ce premier principe de discernement !

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 février 2020.

  • L’Église face à l’épidémie, par Gérard Leclerc.

    L’épiscopat français a donné des consignes pratiques que l’on pourrait dire d’hygiène, afin de protéger les fidèles des risques de contagion du coronavirus dans les églises lors des messes. Certains s’en sont émus, ne trouvant pas admissible, par exemple, que l’on interdise la communion dans la bouche. Que dire alors des protestations qui s’élèvent contre la suppression pure et simple de la liturgie dans certaines régions en Italie, et pour ce qui concerne la France dans le seul diocèse de Beauvais qui recouvre le département de l’Oise ?

    gerard leclerc.jpgIl s’agit là, me semble-t-il, de la mise en conformité avec les consignes officielles qui, en l’espèce, constituent des ordres. De très bons amis s’associent à ces protestations, scandalisés que l’institution ecclésiale ne marque pas sa différence, d’autant qu’il y a des exceptions aux interdits officiels, telle celle des supermarchés !

    Quelqu’un qui représente une solide autorité morale dans le monde catholique, Andrea Riccardi, fondateur de la célèbre communauté Sant’Egidio, s’est particulièrement distingué par la radicalité de son propos, qu’il argumente d’une façon qui ne peut nous laisser indifférents : « Les Églises ne sont pas seulement un “rassemblement” à risque, mais aussi un lieu de l’Esprit. Une ressource en des temps difficiles, qui suscite de l’espérance, qui console et qui rappelle qu’on ne se sauve pas seul. Je ne voudrais pas remonter à Charles Borromée en 1576-77, l’époque de la peste à Milan (épidémie bien plus grave que le coronavirus et combattue alors à mains nues), mais en ce temps-là on visitait les malades, on priait avec le peuple et on faisait une procession pieds-nus et en nombre pour la fin du fléau. »

    J’ai moi-même évoqué l’exemple d’un autre grand évêque, Mgr de Belsunce qui eut, durant l’épidémie de la peste à Marseille en 1720, une attitude aussi héroïque que celle de saint Charles Borromée à Milan. Certes, le contexte actuel est très différent de ceux du XVIe et du XVIIIe siècle. Nous disposons heureusement d’armes plus efficaces contre la contagion et la maladie, et sommes soumis à des contraintes sanitaires étatiques qui s’imposent à tous. Mais il me semble qu’il y a quelque chose à retenir de la protestation d’Andrea Riccardi. En période difficile, une différence chrétienne doit s’affirmer qui met en évidence l’autorité et l’efficacité supérieures du spirituel.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mars 2020.

  • La dénonciation du patriarcat (Journée internationale des femmes), par Gérard Leclerc.

    Hier, dimanche 8 mars, c’était la journée internationale des femmes. Elle a pris, chez nous, un aspect particulier où la violence n’a pas été absente. Des heurts ont eu lieu samedi soir avec la police à Paris, aux abords de la place de la République, et l’on a entendu quelques slogans extrêmement durs, voire blessants à l’égard des forces de l’ordre accusées de machisme et plus encore. Les militantes féministes les plus déterminées avaient prévenu qu’« on allait les entendre ». Il est vrai que la soirée des César qui a vu la consécration de Roman Polanski est restée au travers de la gorge de beaucoup. Si l’on en croit la militante Caroline de Haas citée par Le Monde, on n’avait jamais vu une telle accumulation de protestations. Plusieurs centaines de femmes ont, à l’enseigne du mort d’ordre « Je suis victime », raconté les agressions et les viols qu’elles avaient endurés.

    gerard leclerc.jpgCette nouvelle vague de « libération de la parole » se comprend sans aucun doute. Est-elle exempte d’idéologie ? Cela est moins sûr. La dénonciation du patriarcat réclamerait un sérieux examen, car il y a lieu de distinguer entre les plaintes légitimes, les revendications justifiées, et par ailleurs des montages intellectuels discutables. Lorsque Valérie Pécresse se plaint dans Le Parisien de nombre d’agressions verbales, on la suit. Lorsqu’elle plaide pour la promotion des femmes à des postes de pouvoir, on l’approuve d’autant plus qu’elle fournit des exemple persuasifs et d’autant qu’elle apporte des nuances intéressantes par rapport au discours féministe. Ainsi, la promotion des femmes doit tenir compte de leurs obligations familiales. Proscrire les réunions après 18 h ainsi que les séances de nuit du Conseil régional, promouvoir le télétravail, c’est-à-dire le travail à domicile, c’est reconnaître à la femme la possibilité de concilier vie professionnelle et vie de mère de famille.

    Quant aux montages idéologiques, on peut s’en méfier lorsqu’ils poussent à la guerre des sexes, à la haine de la condition masculine. Ce qu’il convient de favoriser, c’est la réciprocité et non la rivalité. Et lorsqu’on veut remettre en cause tout notre héritage culturel qui serait coupable de misogynie, c’est extrêmement dangereux. Il y a énormément à en retenir, qui est au contraire à la gloire de la femme, d’Antigone à Hannah Arendt. Mais c’est une autre histoire…

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 mars 2020.

  • Un étrange dimanche, par Gérard Leclerc.

    Que dire de l’étrange journée vécue hier ? Quelle pythonisse aurait bien pu prévoir la situation qui est la nôtre ? Un pays paralysé, une sourde crainte face à l’extension d’une pandémie qui s’est emparée de l’Europe entière alors qu’elle venait d’Asie, des fidèles privés de leur eucharistie dominicale. Et pour terminer le tableau, une journée de compétition électorale. On discutera à l’infini du bien-fondé de la décision du président de la République de maintenir le vote des municipales, alors que lui et son Premier ministre donnaient des consignes de plus en plus strictes en ce qui concerne la protection des personnes et donc la restriction maximum des occasions de rencontres et de contacts.

    gerard leclerc.jpgÉtait-ce une sorte de test de civisme ? En tout état de cause l’abstention record d’hier a montré que les conditions n’étaient pas idéales. Y aura-t-il un second tour possible, la semaine prochaine ?

    Je suis contraint pour ma part de faire un mea culpa à mes auditeurs. Car je n’ai pas pris conscience suffisamment vite de la menace qui était en train de fondre sur nous, sur notre pays. À dire vrai, c’est l’avertissement de mes collègues correspondants de la presse française en Italie qui m’a mis brutalement en face de la réalité. Ces collègues avaient signé, en effet, une lettre d’avertissement sévère à notre égard. Ce dont ils étaient témoins dans la péninsule italienne les obligeaient à nous prévenir que nous n’avions pas à nous rassurer, car ce qui se déroulait sous leurs yeux ne pouvait que se produire en France dans les plus brefs délais. Il est vrai que je pourrais alléguer pour ma défense l’attitude des pouvoirs publics chez nous. N’ont-ils pas tardé à prendre les mesures radicales qui s’imposaient, c’est-à-dire la fermeture de tous les établissements scolaires et universitaires, puis celle de tous les lieux publics, aussi bien les salles de spectacle, les cafés, les restaurants et même les lieux de culte.

    Pour nous, le fait d’être privés de l’eucharistie est forcément douloureux au moment où nous avons besoin de nous concentrer dans la prière et l’accueil de la grâce divine. Mais il serait plus que téméraire, inconscient de s’opposer aux décisions de nos évêques. Ce peut être, d’ailleurs, l’occasion d’un retour sur soi et d’un approfondissement spirituel qui doit déboucher aussi sur un déploiement supérieur de charité.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 mars 2020.

  • Le national et le l’international (Coronavirus), par Gérard Leclerc.

    L’immense crise actuelle, nationale, européenne, mondiale, impose d’ores et déjà des révisions radicales qui sont notamment d’ordre politique. Celle qui concerne les frontières nationales s’impose au premier chef.

    Le président de la République remarquait, dans son allocution de lundi soir, que l’épreuve que nous subissions ne nous laisserait pas intacts et qu’il nous faudrait en tirer toutes les leçons. Qui ne pourrait adhérer à une telle invitation, que l’on soit partisan ou adversaire du pouvoir actuel et de son principal détenteur ?

    gerard leclerc.jpgRien que sur le terrain politique, des mises au point s’imposent d’ores et déjà. Emmanuel Macron, au nom de l’Europe, s’est opposé, alors que la crise était déjà ouverte, à la fermeture de nos frontières nationales. Il était sur la même ligne qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui s’opposait à toute initiative nationale en deçà des frontières de Schengen. Elle était désavouée par son propre pays, l’Allemagne, qui décidait unilatéralement de se protéger.

    Cette question des frontières et de l’espace national contredit une certaine idée de la mondialisation qui s’était imposée depuis les années 90. Ainsi que l’écrit, dans Le Figaro, ce pertinent spécialiste des affaires internationales qu’est Renaud Girard : c’est l’idéologie mondialiste qui se trouve en faillite, celle qui se fonde sur « les vertus d’une absolue division internationale du travail, n’obéissant qu’aux lois classiques du libéralisme économique. Il est inacceptable que nous dépendions aujourd’hui d’un pays aussi lointain et différent de nous que la Chine pour la fabrication de nos médicaments ».

    Mais cette revalorisation de la localisation implique-t-elle forcément un splendide isolement ? Sûrement pas, car si la politique suppose la reconnaissance des espaces nationaux et de leurs nécessaires autonomies, la coopération internationale est aussi de la plus urgente actualité. L’épidémie du coronavirus nous vient de Chine, et le régime chinois n’a que trop attendu pour livrer au monde les informations qui s’imposaient. Il est impossible de cacher à la communauté internationale qu’une menace épidémique plane sur le monde entier. En l’espèce, le mensonge d’État ne concerne pas la seule Chine communiste et celle-ci, qui doit son expansion au marché international, ne peut sans péril, pour sa seule économie, diffuser de fausses informations. Celles qui entacheront durablement sa crédibilité. Un équilibre est donc à trouver entre ce qui relève du territoire national et ce qui relève des échanges internationaux.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 mars 2020.