Contre les dérives de la vie religieuse, par Gérard Leclerc.
Il n’y a pas que l’Église qui soit en état de crise, face à des révélations en chaîne qui mettent en cause son fonctionnement interne. Beaucoup de secteurs de la société se trouvent affectés par une avalanche d’accusations et il semble bien que c’est toute une civilisation des mœurs qui s’interroge sur ses fragilités et ses dévoiements. Le procès Weinstein, dont la première phase vient de se clore à New York, constitue, de ce point de vue, une étape intéressante, avec la condamnation d’un personnage hier tout puissant dans l’univers hollywoodien. Il se trouve, par ailleurs, que l’appareil de la justice permet d’échapper à certains processus pervers aboutissant à des lynchages incontrôlés.
Il doit en aller un peu de même dans l’Église, qui a besoin aussi de dépasser le stade des indignations et des procès pas toujours éclairés, surtout lorsqu’ils sont alimentés par la toxicité de beaucoup de réseaux sociaux. Le Pape, qui a souvent le génie des formule provocatrices, celles qui ont le mérite de faire bouger les choses et d’ébranler notre bonne conscience, a lancé dans l’opinion un terme accusatoire qui a fait fortune, « le cléricalisme ». L’inconvénient de ce type de formule c’est que sa généralité permet de concentrer les griefs les plus divers et pas toujours les plus appropriés. On peut faire confiance à François pour penser qu’au-delà de la formule, il entendait pousser toute l’institution à un travail de discernement, afin de mieux identifier les causes de la crise et des abus d’ordre spirituel justement dénoncés.
Il ne s’agit pas seulement d’abus d’autorité. Tous les secteurs, dans le grand déballage actuel, sont touchés par le phénomène. Dans l’Église, et singulièrement dans les communautés religieuses, il s’agit d’une question sui generis, extrêmement délicate à démêler. C’est pourquoi on se félicite que le ministre général des Chartreux intervienne sur le sujet dans un livre à paraître dans quelques jours aux éditions du Cerf : Risques et dérives de la vie religieuse. Un long entretien dans l’hebdomadaire La Vie avec Sophie Lebrun nous en donne un avant-goût précieux. Je n’en retiendrai qu’une seule proposition pour aujourd’hui : « Le religieux qui obéit garde toujours une intelligence et une responsabilité. Aucune injonction à l’unité – très culpabilisante – ne doit faire disparaître le discernement propre. Je dis souvent aux novices que l’on n’obéit que si l’on veut. » Merci à Dysmas de Lassus de nous donner à penser à partir de ce premier principe de discernement !