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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1480

  • Le rôle historique des rois, d'Athènes à Paris

     La Galerie des Rois au portail de Notre-Dame

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgDans le cadre des cours de Seconde sur la citoyenneté et la démocratie dans l'Antiquité, j'évoque l'histoire politique d'Athènes, histoire passionnante et qui permet d'ouvrir encore de nombreux débats sur l'organisation de la cité, sur les institutions et sur les politiques menées ou possibles : de la monarchie de Cécrops, Égée ou Thésée, à la démocratie de Périclès, puis à la conquête de Philippe de Macédoine qui met un terme, non à l'histoire d'Athènes mais à son indépendance diplomatique et politique. Histoire passionnante et éminemment instructive, y compris pour notre temps ! 

    Quelques remarques ou réflexions d'élèves méritent l'attention et peuvent ouvrir à la discussion, et j'essaye de les compléter, parfois de les nuancer, voire les démentir. 

    L'an dernier, un élève avait comparé l'histoire politique d'Athènes à celle de la France, en faisant remarquer que, dans la cité grecque comme dans notre nation, les rois avaient joué un rôle historique qui était celui de fondation et d'unification de l'ensemble civique national, et, qu'une fois cette tâche achevée, ils s’effaçaient devant d'autres formes de régime, de l'oligarchie à la démocratie, voire à une monocratie impériale ou républicaine. La remarque est intéressante même si, au regard d'un royaliste contemporain, elle peut paraître pécher par pessimisme pour la France d'aujourd'hui qui serait ainsi condamnée à la République à perpétuité ou à la perte de souveraineté inévitable. 

    Ce que je veux retenir, c’est ce rôle reconnu de la monarchie, d’Athènes à Paris : elle fonde autour de l’Etat, par l’Etat ajouteraient certains, la nation ou, plutôt, elle lui « permet d’exister », comme le souligne Gérard Leclerc dans un numéro des Cahiers de Royaliste d’octobre 1981. Si « l’Etat n’a pas de pouvoir ontogénique » (qui fait naître l’être) », selon le philosophe catholique Claude Bruaire (1932-1986), il « est la condition indispensable de l’apparition, de la persistance et du développement (…) de la nation, de la patrie et de notre être spirituel ». Ainsi, « L’Etat a un rôle prépondérant. Toute l’histoire de France est là pour nous le montrer. Sans la monarchie capétienne, il n’y aurait pas eu de France. Ce n’est pas l’Etat capétien qui fabrique la terre de France, qui fait les Français ou qui crée la langue française, mais c’est lui qui permet que tout cela s’épanouisse. » 

    Mais, comme à Athènes, c’est ensuite que cela peut paraître se gâter : les rois écartés, la cité est tentée par l’impérialisme, par cette sorte de fuite en avant vers la démesure politique comme territoriale. 

    Le principe royal, fondé sur le devoir, le service et la tempérance, ne serait-ce que pour permettre la survie de la dynastie (un « égoïsme familial » salvateur…), limitait les velléités bellicistes sans pour autant s’interdire de pratiquer la conquête quand elle pouvait servir l’ensemble national ou le protéger des appétits limitrophes. En ce sens, le règne de Louis XV peut sembler « conclure » l’effort commencé huit siècles auparavant, achevant l’hexagone français par la Lorraine (Napoléon III y adjoindra Nice et la Savoie un siècle plus tard), et laissant à son successeur une France que la Révolution et son « soldat » Napoléon épuiseront sans l’agrandir durablement, ces derniers mimant la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf de la fable de La Fontaine, avec les résultats malheureux que l’on sait. 

    Charles Maurras, l’esprit encore embué de quelques sentiments républicains au début des années 1890, avait définitivement déserté le camp de la Démocratie avec un grand D en se rendant à Athènes, à l’occasion des premiers jeux olympiques depuis l’Antiquité, et en constatant que le règne du Démos était « la consommation » des siècles précédents, de leurs efforts et de leurs richesses accumulées… Il est vrai que les citoyens libres d’Athènes n’ont pas toujours été à la hauteur, aveuglés par une puissance dont ils avaient héritée plus qu’ils ne l’avaient créée ! Cela se terminera mal, par une série de guerres qui, en définitive, entraîneront la ruine, puis la soumission de la cité à des conquérants plus forts qu’elle… La France, après la chute de la monarchie, connaîtra elle aussi, moins d’un quart de siècle après le 10 août, l’humiliation de la défaite et de l’occupation étrangère, les chevaux russes se désaltérant dans la Seine, avant que les Prussiens de l’empereur Guillaume Ier et les Allemands du IIIème Reich ne leur succèdent… Et il n’est pas certain que notre pays se soit vraiment remis du choc de la Révolution, recherchant désespérément, parfois sans se l’avouer, la « figure du roi » (ce qu’a bien compris Emmanuel Macron) à travers des présidents de moins en moins « monarchiques », en attendant (qui sait ?) « le roi » lui-même : retour vers le futur, d’une certaine manière ? 

    Le temps des rois est passé, et la France est faite, la Révolution ne pouvant être française que parce que la France lui préexistait, justement ! Mais, en ces temps de triste République, les rois ne sont pas dépassés : ils sont juste, pour l’instant, absents… et la France, du coup, semble en dormition, attendant le Prince qui la réveillera… L’histoire n’est pas finie, et la messe n’est pas dite ! 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Où Hubert Védrine distingue entre les régimes résignés au multiculturalisme et ceux qui n'en veulent pas ...

     

    « Les sociétés d’Europe de l’Ouest sont favorables aux sociétés multiculturelles, ou s’y sont adaptées, ou s’y sont résignées, appelons-ça comme on veut. En Europe de l’Est, pas du tout. Ils pensent que les sociétés multiculturelles sont un échec flagrant, spectaculaire, ils n’en veulent pas. Donc ils ne veulent pas, sous couvert de la nécessité de donner l’asile à des gens vraiment persécutés entrer dans cet engrenage. Ce n’est pas de la xénophobie dans le sens où ils sont contre un groupe ethnique en particulier, ils ne veulent pas de l’évolution multiculturelle. Il ne faut pas s’en prendre qu’à la Hongrie. Il y a six, sept ou huit pays qui pensent comme ça. Il ne faut pas avoir peur d’en parler. »

     

    Hubert Védrine

    France Inter, La Matinale, le 28 septembre 2015

     

  • La royauté n’est pas une utopie !

     

    par Jacques Trémolet de Villers 

    Un lecteur reproche à Jacques Trémolet de Villers d’avoir écrit que « L’espérance est royale » (« L’espérance est royale », Politique magazine n°144, octobre 2015, p.31). Le chroniqueur de Politique magazine persiste et signe. Explications détaillées…

     

    jacques%20tremolet%20de%20villers%203.jpgUn lecteur m’écrit : « Ne parlez pas de l’espérance politique Royale ! La Royauté n’est pas une espérance, c’est une utopie. »

    Merci pour le propos. Il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

    Il définit le principal obstacle à l’espérance.

    Voici ma réponse.

    1. L’utopie est un mot hautement respectable puisqu’il a été forgé par un homme plus qu’estimable, un saint, et précisément un saint en politique, ce qui est rarissime, saint Thomas More.

    L’utopie, chez Thomas More, c’est un royaume imaginaire, une fantaisie littéraire de philosophe platonicien. Ce rêve n’est pas inutile car il provoque la réflexion et peut aider à sortir des routines où s’enlise trop souvent le politique.

    Mais ce n’est absolument pas un projet de gouvernement, ni un traité d’art politique.

    Thomas More qui s’y connaissait pour avoir été Grand Chancelier du Royaume d’Angleterre n’a pas subi le martyre parce qu’il avait voulu garder son utopie.

    Il est mort à cause de sa fidélité très concrète à l’Eglise de Rome et de son refus de prêter le serment schismatique exigé par son Roi. Rien de plus concret, de plus simple et de plus réaliste, aux antipodes de sa fantaisie littéraire dénommée UTOPIE.

    2. Si le royaume (qu’il soit de France, d’Angleterre ou d’ailleurs) est le contraire même de l’utopie, la démocratie universelle dont le rêve anime tous nos dirigeants est, elle, en revanche, une véritable et catastrophique utopie. Le petit Larousse cite, à son propos, la formule de Lautréamont :« La grande famille universelle du genre humain est une utopie digne de la logique la plus médiocre ». Une politique qui se fonde sur une telle chimère est de nature à donner corps aux pires cauchemars, dont nous voyons les prémices s’agiter sous nos yeux.

    L’utopie n’est donc pas là où on la croit.

    3. Le royaume de France, loin d’être un rêve, est la seule réalité dont nous soyons absolument certains puisque, contrairement à la démocratie idéale où l’on n' arrive jamais et dont la réalisation est toujours remise à demain, il a été, et il est. Nous en venons. Nous en vivons. Nos yeux le voient sur la terre de France, dans les maisons, les églises, les châteaux et les chaumières, dans les villes et dans les villages, dans la poésie et dans la prose. Nos oreilles l’entendent dans les musiques et les chansons. Notre langue le parle. Notre pensée elle-même n’existerait pas sans les mots et les idées qu’il nous a donnés. Pour paraphraser une formule de Jean-Paul II sur la culture de la nation : « Il fait en nous ce qui est humain ».

    4. Pour beau qu’il fut et qu’il demeure, le Royaume de France n’a jamais été et ne sera jamais une société idéale, un royaume d’utopie.

    Son histoire nous montre ses ombres et ses lumières. Son champ est mélangé de bon grain et d’ivraie. Mais il est aisé de discerner les constants de son ordre : le goût de la vérité, la passion de la liberté, le besoin de justice et l’amour de la beauté. Celui qui, aujourd’hui, fait personnellement siennes ces permanences, est du royaume et continue le royaume, qu’il soit de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs.

    5. Si le royaume de France, grâce à Dieu, persévère chaque jour dans son être, sans le règne d’un roi, il est aussi évident que cette maison qui nous est commune a un urgent besoin de retrouver un maître de maison. L’histoire de nos deux derniers siècles est éloquente. Les intendants provisoires qui ont prétendu remplacer le Roi n’ont pas su garder la maison. On peut citer la phrase du Général De Gaulle écrivant au Comte de Paris, en novembre 1969, après son départ : « Je m’en vais, mais vous, vous demeurez ». Reste que si la famille royale, effectivement, demeure et se continue, elle n’est pas à la place où nous avons besoin qu’elle soit.

    C’est pourquoi, tant que cette institution ne sera pas établie, nous serons dans l’espérance.

    La conclusion est aussi simple que la démonstration. Le Royaume est toujours là, mais de plus en plus menacé, délabré… la famille royale est là, mais seuls quelques-uns la reconnaissent pour telle. La seule action utile est de multiplier le nombre de ces quelques-uns pour qu’il soit décisif. Cette action est culturelle parce qu’elle commence par la connaissance et l’amour du royaume, son histoire ses mœurs, ses trésors… elle est politique parce qu’elle vise à instituer un Etat conforme au droit, à la nature et à l’histoire.

    Elle n’est ni partisane, ni idéologique, ni sectaire, ni chimérique. Elle ne veut que l’union et le bonheur de tous dans une maison qui est, précisément, la maison de tous et dont nous savons qu’elle est une belle et douce maison dont le jardin est « un champ semé de lys ».   

     - Politique magazine

  • TV • Invité de Laurence Ferrari sur iTELE, Philippe de Villiers n'a pas mâché ses mots !

     

    Nous avons souvent évoqué l'activité publique de Philippe de Villiers ces temps derniers. L'envolée du Puy du Fou, sa trilogie historique (Saint Louis, Jeanne d'Arc et Charette), le livre qu'il vient de publier (Le moment est venu de dire ce que j’ai vu), ses diverses déclarations aux médias, sont de sérieuses raisons de le faire. Des raisons qui ne tiennent pas à la politique politicienne mais au service de la France, des idées et des principes  qui pourraient restaurer sa souveraineté et la rendre, au fond, à elle-même. La replacer dans sa trajecoire historique.

    La vidéo qui suit ne dure que 14 minutes. Ecoutez donc les analyses et les propos de Philippe de Villiers. Ce discours est le nôtre ! LFAR 

     

     Durée : 14'22''

  • M.Fabius a mangé son chapeau …

    Les présidents Sarkozy et al-Assad à Paris en 2008  © Copyright : DR

     

    Par Péroncel-Hugoz

    Péroncel-Hugoz s’en prend cette semaine aux palinodies de la France dans l’affaire syrienne, et pour cela il remonte loin en arrière.

    peroncel-hugoz 2.jpgLa cruauté des gros plans télévisés sur les traits des politiciens en difficultés a parfois quelque chose d’insoutenable: il fallait voir en cette fin septembre la terrible mine plus que grise, funèbre même de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, pendant que le président Hollande annonçait à la Terre entière que l’armée de l’air française avait commencé ses «frappes» (on ne dit plus « bombardements», mot qui effraie les opinions publiques occidentales, pauvres chéries trop sensibles…) sur Daech en Syrie. 

    Le temps n’est pas si lointain où M.Fabius, qui paraissait alors avoir mangé du lion, tonnait Urbi et Orbi contre « Bachar» (maintenant il l’appelle de nouveau Monsieur Bachar al-Assad …) qui, selon l’hôte du Quai d’Orsay, «n’en avait plus que pour quelques mois» … A l’époque, MM. Hollande et Fabius, tous deux alors très va-t’-en-guerre, voulaient même « bombarder» (là on employait carrément ce mot …) les lieux du pouvoir syrien, et impliquer dans ce projet très guerrier les Etats-Unis d’Amérique, lesquels se débinèrent, laissant les deux dirigeants français tout penauds, seuls au milieu du gué .

    Le résultat de ces pas-de-clercs (pas brillant, pour de vieux routiers de la politique comme Hollande et Fabius), de ces erreurs graves, ce fut le visage ravagé de Laurent Fabius offert par toutes les télévisions de la planète en ce début d’automne. Naguère, en France, quand un ministre était à ce point désavoué par les faits, il démissionnait ou était «démissionné». Ce n’est apparemment plus le cas. M. Fabius a donc mangé son chapeau, comme on dit vulgairement. Espérons qu’il le digèrera !

    En marge de toute légalité internationale- que ne dirait-on pas si un Etat arabe venait se mêler militairement d’un problème européen ?!-, la France bombarde donc maintenant la partie syrienne de l’entité daechiste. Elle a déjà jeté 215 tapis de bombes, ces derniers mois, sur de présumées installations militaires relevant en Irak du «calife de Raqqa et Mossoul», actes de guerre qui ne semblent pas avoir fait reculer d’un pouce, territorialement ou diplomatiquement, les islamistes armés, lesquels sont en train benoîtement d’émettre leur propre monnaie et ont reçu allégeance de consistants groupes jihadistes du Caucase au Nigéria via la Libye … 

    Non seulement les « frappes» françaises sur la Syrie ont peu de chance d’entraîner des reculs importants de Daech sur le terrain mais elles risquent fort de raviver des drames historiques, oubliés dans une France autruche qui n’apprend plus l’histoire de ses aventures outre-mer, histoire restant en revanche à fleur de mémoire dans un pays hypernationaliste comme la Syrie. Je l’appris d’ailleurs à mes dépens, sous la dictature de Hafez al-Assad, père de Bachar, lorsque je publiai la liste des sévices pratiqués dans les prisons du régime baassiste . Je fus interdit de séjour à Damas, comme journaliste français « ayant oublié les horreurs du colonialisme français en Syrie » … 

    Paris, en effet, entre 1920 et 1945, exerça un « mandat » de la Société des Nations (l’ONU de l’époque) sur la Syrie et le Liban, anciennes provinces ottomanes que la France devait « préparer à l’indépendance ». Cette préparation fut ardue, ponctuée  déjà de révoltes et bombardements. Et cela ne va pas tarder sans doute à être rappelé vertement à la France actuelle, surtout si des populations civiles sont victimes de « dommages collatéraux », causés par des avions français: il y a tout de même six ou sept millions de personnes vivant à présent sous l’autorité de Daech ! 

    Je tiens à préciser que, malgré mes démêlés journalistiques avec al-Assad père, j’ai toujours estimé qu’al-Assad fils, tout dictateur qu’il est, constitue actuellement un moindre mal et pour son pays et pour le reste du Proche-Orient. 

    Ce que personne sans doute ne dira, de peur de remuer encore le couteau dans la plaie d’amour-propre de M.Fabius, c’est que ce soutien indirect mais soutien tout de même, que Paris apporte désormais au régime damascène, n’est au fond qu’un retour vers le passé  pour la famille al-Assad et Paris. Retour bien plus en arrière encore que l’invitation acceptée du président Sarkozy à son homologue Bachar al-Assad à assister, le 14 juillet 2008, au grand défilé militaire national de Paris. Dans les années 1930, le grand-père de Bachar fut le chouchou des autorités mandataires françaises en Syrie, un peu, comme à la fin de la période protectorale au Maroc, le Glaoui fut « l’homme de la France » à Marrakech. Cet aïeul syrien, en compagnie d’autres notables locaux, demanda avec insistance à Paris de rester au Levant, de peur qu’en cas d’indépendance de la Syrie, la majorité sunnite n’exerce des représailles sur la minorité noçairie (dite aussi « alaouite » à cause de son attachement au calife Ali, gendre du prophète Mohamed). Cette minorité, plus ou moins chiite, il est vrai longtemps défavorisée, fut mise en selle par des officiers français des Affaires indigènes syriennes. Un « Etat autonome » du Djebel-Alaouite fut même installé durant quelques années par les Français autour de Lattaquié pour rassurer les Noçairis. Tout cela aboutit, en 1970, à la prise du pouvoir à Damas par le clan Assad. Verra-t-on de nouveau un jour un al-Assad « ami de la France ? » Pas impossible ! Si l’Histoire ne se répète pas, elle ne peut s’effacer. 

    Péroncel-Hugoz - Le 360

  • Syrie : les dessous de l’intervention russe

    Photo: Sipa

    Entretien avec Fabrice Balanche

    L'entretien qui suit avec Fabrice Balanche - entretien paru dans Causeur - prolonge très utilement la chronique de Péroncel-Hugoz qui précède.  

    Spécialiste de la Syrie, notamment de la région côtière alaouite, Fabrice Balanche est directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à l’université de Lyon-2. Il analyse les raisons de l’intervention russe en Syrie et décrypte le grand jeu à l’œuvre dans ce pays… dont la France est exclue.

    Daoud Boughezala. Depuis son déclenchement la semaine dernière, la campagne de bombardements russes en Syrie a provoqué une escalade de tensions avec la Turquie et l’ensemble de l’OTAN. Que cherche Poutine en bombardant les groupes d’opposition armés syriens ?

    Fabrice Balanche. Vladimir Poutine a deux objectifs en Syrie. D’une part, installer durablement les troupes russes dans la région alaouite, sur la côte méditerranéenne. D’autre part, renforcer Bachar Al-Assad en vue de futures négociations sur l’avenir du pays. Les groupes d’opposition armés, des dernières brigades de l’Armée syrienne libre à Daech, sont frappés par Moscou non pas en fonction de leur idéologie, mais de la menace qu’ils représentent pour accomplir ces objectifs. C’est pour cette raison que l’aviation russe a, jusqu’à présent, peu ciblé Daech, dont le territoire se situe à l’Est de la Syrie, mais davantage, Al-Nosra et les groupes alliés de la branche syrienne d’Al-Qaïda, ce qui représente en nombre plus de 80% des rebelles. Les 20% restants se trouvent surtout dans le sud de la Syrie, où le soutien américain les oblige à demeurer « fréquentables » sur le plan idéologique.

    Les vives protestations de l’OTAN signifient-elles que l’Occident, France en tête, soutient tacitement les groupes d’opposition armée à Assad autres que l’Etat islamique, fussent-ils alliés ou affiliés à Al-Qaïda ?

    François Hollande a demandé à Vladimir Poutine de ne frapper que Daech, comme le fait la coalition occidentale. Hormis quelques bombardements en juillet 2014 sur Al-Nosra et Ahrar es-Sham, les Etats-Unis évitent de s’en prendre aux deux piliers de «  l’Armée de la conquête », une coalition islamiste financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie en vue de faire tomber Bachar Al-Assad. Cette coalition a enregistré d’importants succès au printemps dernier en s’emparant de la province d’Idleb et en menaçant Lattaquié, dans la région alaouite. Les Occidentaux espéraient que cela amènerait Bachar Al-Assad à négocier en position de faiblesse et à abandonner le pouvoir, comme le réclame François Hollande. L’intervention russe met fin à leurs espoirs. L’Occident pensait naïvement qu’il suffirait d’entretenir un conflit de basse intensité en Syrie pour affaiblir l’armée syrienne. C’était sans compter le désastre humanitaire et ses conséquences en termes de migrations pour l’Europe, les attaques terroristes qui se multiplient et le déploiement de troupes russes et iraniennes en Syrie. Car il était évident que les deux alliés de Bachar Al-Assad que sont la Russie et l’Iran allaient finir par intervenir directement.

    En ce cas, pourquoi la Russie a-t-elle tant tardé à s’engager militairement sur le terrain syrien ?

    La Russie attendait que le moment soit favorable sur le plan géopolitique. Les Etats-Unis sont en position de faiblesse à l’extérieur car ils entrent en campagne électorale. Barack Obama a tout fait pour désengager les Etats-Unis d’Irak et d’Afghanistan, ce n’est pas pour se lancer dans une aventure militaire en Syrie. Quant aux Européens, ils sont tétanisés par le flux de réfugiés et le risque terroriste. Ils souhaitent que le conflit s’arrête quelle que soit l’issue, y compris le maintien au pouvoir de Bachar Al-Assad, pour une période de transition politique, qui est évidemment appelée à durer. L’accord sur le nucléaire iranien a été entériné, ce qui laisse plus de marge de manœuvre à Téhéran pour également intervenir en Syrie et en Irak, comme en témoigne l’annonce d’une coordination du entre Téhéran, Bagdad, Damas et Moscou contre Daech, prélude à une coalition concurrente de celle mise en place par les Etats-Unis.

    Sur le plan intérieur, le gouvernement syrien est fragilisé, son armée fatiguée est réduite par des pertes qu’elle ne parvient pas à compenser par les recrutements. Et au niveau local, la menace d’une attaque des rebelles sur Lattaquié, au nord de la côte méditerranéenne où précisément la Russie veut installer ses bases militaires, a obligé Vladimir Poutine à réagir. Il fallait aussi que Bachar Al-Assad soit en position de faiblesse pour qu’il accepte les conditions russes, car jusqu’à présent, même s’il était dépendant de la Russie pour son approvisionnement militaire, il refusait l’installation des troupes russes sur son territoire : question de fierté.

    Paradoxalement, à mesure qu’il se recroqueville sur son pré carré territorial (la fameuse “Syrie utile” de Damas à Lattaquié), le régime syrien semble regagner en respectabilité internationale. Néanmoins, les différentes conférences de la paix entre Damas et l’opposition  pacifique ont-elles une chance d’aboutir à une pacification sur le terrain ?

    L’opposition pacifique syrienne vit dans un monde virtuel, complètement déconnecté de la réalité du terrain, sans aucun levier sur les groupes militaires. Pourquoi Damas négocierait-il avec ces groupes ? Ceux-ci sont soutenus à bout de bras par les Occidentaux, la Turquie et les pétromonarchies qui ont besoin de conserver une opposition politique pour d’éventuelles négociations. Devant l’impossibilité de trouver une alternative politique à Bachar Al-Assad et face à la menace djihadiste, le principe de réalité s’impose à beaucoup de pays, tel l’Allemagne, en première ligne de la vague migratoire venue de Syrie. Désormais, l’Occident veut préserver les institutions syriennes et ramener le calme dans le pays. Le maintien d’un conflit de basse intensité, comme le souhaite la France, est devenu beaucoup trop coûteux pour l’Union Européenne, car c’est cette dernière qui accueille les réfugiés syriens et non les pétromonarchies du Golfe qui financent la rébellion. Mais pour pouvoir traiter avec Bachar Al-Assad, il faut redorer son image, il en va de la crédibilité des dirigeants, qui après l’avoir conspué, vont devoir renouer officiellement avec lui.

    Rétrospectivement, les anathèmes d’Assad contre ses opposants, qu’il a assimilés à des “terroristes” dès le début de la crise au printemps 2011, se sont révélées être des prophéties autoréalisatrices : grâce à l’expansion de l’État islamique, le pouvoir syrien se pose en ultime recours. Laurent Fabius n’a-t-il pas raison de faire de Daech et de Damas des alliés objectifs ?

    La politique de Laurent Fabius sur la Syrie est un échec total. Il a eu tort sur toute la ligne. C’est pour cette raison qu’il a été quelque peu dessaisi du dossier par le Président de la République début septembre. Notre ministre des Affaires étrangère réécrit l’histoire de la crise syrienne pour justifier ses positions. Il affirme ainsi  que si nous avions bombardé Damas en septembre 2013, les rebelles modérés auraient pris le pouvoir et Daech n’aurait jamais existé. Hubert Védrine dans une excellente tribune dans Libération a répondu que rien n’était moins sûr. Je partage tout à fait son avis : nous aurions tout simplement eu Daech à Damas. Le communautarisme et le salafisme radical ne sont pas nés en 2011, sous l’impulsion d’un régime machiavélique. Ils sont constitutifs de la société syrienne et ne demandaient qu’à s’exprimer au grand jour. Certes, Bachar Al-Assad a joué avec ce qui lui permettait de fragmenter l’opposition. Mais si Damas et Daech sont des alliés objectifs, dans ce cas Israël et le Hamas le sont également, sans oublier les Etats-Unis et la Russie, et en son temps François Mitterrand et Jean-Marie Le Pen. Ce genre de raccourci est indigne d’un ministre des Affaires étrangères. Cependant, après avoir affirmé pendant deux ans que Bachar Al-Assad avait créé Daech, prétendre aujourd’hui qu’ils ne seraient plus que des alliés objectifs témoigne d’une certaine inflexion de la diplomatie française ! 

    Entretien par Daoud Boughezala, rédacteur en chef de Causeur.

     

  • TV • Finkielkraut chez Ruquier

     

    par Nicolas Julhiet

    Venu présenter – et donc défendre – son nouvel essai La seule exactitude, Alain Finkielkraut s’est installé dans le fauteuil de l’invité chez Ruquier, samedi soir, dans On n’est pas couché. Sensiblement moins théâtral que sur d’autres plateaux, il n’en est pas moins resté très didactique offrant une leçon de rhétorique aux téléspectateurs. Comme toujours dans cette émission, l’actualité commande le déroulé et, au-delà du livre, l’académicien était soumis aux questions sur Nadine Morano, la notion de race ou, encore, les migrants et l’Islam. Des sujets qu’il connaît, qu’il maîtrise et pour lesquels sa pensée le fait, irrémédiablement, passer dans le camp des réacs. Estimant, pour forcer le trait, que c’était mieux avant et que l’on se dirige collectivement vers du moins bien, sur tous les plans, de la politique à la culture, Alain Finkielkraut a, plus précisément, dénoncé l’hystérie collective sur les migrants, l’absurdité des dénonciateurs de l’islamophobie et les fossoyeurs de l’école dite républicaine.

    A côté des deux chroniqueurs (Moix et Salamé), se tenait un autre invité qui trépignait pour intervenir. Son nom : Thomas Guénolé, un politologue dont le crâne est aussi lisse que la pensée. Visiblement agacé de ne pas arriver à sortir de l’anonymat, malgré sa présence dans plusieurs médias, il a tenté d’instruire un procès à charge contre le philosophe pour apparaître tel un saint Georges – à rose et non à croix – terrassant le dragon réac’ pour faire lever les foules et gagner le cœur des conscientisés. Hélas, l’homme s’est complètement ramassé, ne récolant même pas de maigres applaudissements. Pire, son accusé a tout juste pris la peine de lui répondre, préférant lui adresser d’immenses soupirs. Il faut, en revanche, saluer sa lucidité : sentant la bête lui échapper, il s’est abstenu d’intervenir à nouveau. Qu’il en soit remercié.

    Pour le reste, pas grand-chose à retenir. Du name-dropping à tout va – c’était à celui qui déclamerait la plus belle citation -, des sempiternels échanges sur les Juifs et les Musulmans ou sur les progressistes et les conservateurs où chacun campe sur ses positions en accusant l’autre parti d’incarner la pensée dominante. Bref, un bon vieux débat entre républicains. 

  • A DROITE TOUTE ?

    Pourquoi les jeunes sont passés à droite (une analyse du Figaro)

     

    Par François Marcilhac 

     

    500021990.jpgLe Reich pour mille ans, la société communiste universelle réalisant l’histoire, le village mondial l’abolissant — mais réaliser ou abolir l’histoire n’est-ce pas la même chose, puisque c’est refuser dans l’un et l’autre cas sa dimension tragique ? : les utopies sont destinées à mourir. 

    La première a disparu dans la catastrophe mondiale qu’elle avait engendrée ; la deuxième, qui ne tenait plus que par la rouille de sa propre corruption et de son propre mensonge, s’est effondrée sur elle-même, et déjà, celle qui se vante de lui avoir succédé, se fissure de toutes parts. Le XXIe siècle sera bien celui du retour de l’histoire, ou plus exactement, car elle ne s’est évidemment jamais absentée, celui du retour de la conscience pleine et entière que l’humanité ne peut pas échapper à l’histoire. L’ « Occident » avait inventé l’utopie, qui lui servit de prétexte pour apporter les Lumières à l’humanité et l’y asservir sous prétexte de l’émanciper : le reste du monde, tant qu’il ne put échapper à sa domination matérielle, fit semblant d’y croire. Avec, d’un côté, le reflux colonial, et, de l’autre, la disparition de l’enfer soviétique, le message occidental, dont le matérialisme millénariste s’était substitué à l’eschatologie chrétienne, s’est dissous : les nations ont partout repris leur droit. Les nations européennes sont évidemment les dernières à recouvrer le chemin de l’histoire, sclérosées qu’elle sont encore par cet ersatz d’utopie qu’est l’Union européenne. Mais le défi migratoire, la confrontation avec un islam bien concret, alors que les peuples européens avaient cru pouvoir réduire la religion à l’état d’ectoplasme, ou encore le retour des logiques nationales, dont la Russie donne un solide exemple, tout, aujourd’hui, concourt à ouvrir les yeux des Européens, notamment des Français.

    Dans Le Figaro du 25 septembre dernier, Natacha Polony se demande pourquoi Libé ou Le Monde s’en prennent avec une telle violence à des intellectuels pourtant de gauche qui constatent le retour du refoulé et en prennent acte, sans nécessairement s’en réjouir. Et de juger que « le crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou de quelques autres intellectuels cloués au pilori porte un nom : le souverainisme ». Elle a raison de pointer cette haine du « peuple souverain » de la part d’une France oligarchique de gauche — « le libéralisme est de gauche » a récemment rappelé Emmanuel Macron — qui a toujours méprisé un peuple que le projet européen a l’immense avantage de neutraliser, englué qu’il serait dans ce que la philosophe Chantal Delsol caractérise comme une « idiotie » impardonnable aux yeux des cosmopolites : le désir d’enracinement. Mais il faut comprendre que le mythe du « peuple souverain » n’a été, lui-même, depuis la Révolution, que le mensonge derrière lequel l’oligarchie s’est dissimulée pour priver le pays réel de ses droits réels, le premier de ces droits — et le dernier visé — étant précisément celui de vivre dans une pays libre et souverain, c’est-à-dire indépendant. Il est amusant, à ce titre, que Natacha Polony écrive dans le journal qui n’est que le pendant « de droite » de Libé et du Monde : que je sache, Le Figaro, s’agissant notamment du « non » des Français au traité constitutionnel, a témoigné du même mépris que ses confrères « de gauche » pour le « peuple souverain », un mépris que nous avons le droit de qualifier de classe, les intérêts de l’oligarchie ignorant les frontières tant politiques que nationales.

    Le vrai crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou encore de Christophe Guilluy se penchant sur la France périphérique, est précisément de commencer à s’apercevoir, contre leur propre tradition idéologique, à la faveur notamment, mais pas uniquement, d’une réalité migratoire qu’ils se mettent à interroger, que derrière un peuple souverain conceptuel, hors-sol, existe un peuple de chair, qui s’interroge, qui souffre, voire qui refuse sa disparition programmée. Et qui le traduit dans les urnes. D’autant que, contredisant les fausses niaiseries cosmopolites et renforçant la problématique liée à l’identité française, « l’attitude des migrants est d’autant plus troublante que ceux-ci semblent refuser l’intégration, et même manifester un certain mépris pour la population autochtone », remarque Vincent Tournier, politologue, dans Le Figaro du 24 septembre, commentant un récent sondage (Elabe pour Atlantico) selon lequel 35% des 18-24 ans se positionnent à droite et 17% seulement à gauche. En 2012, les jeunes s’étaient surtout portés sur François Hollande, qui, durant sa campagne, avait fait de la jeunesse la «  priorité  » numéro un de son quinquennat. Il est vrai que, une fois président, il en a été de son amitié pour la jeunesse comme de son inimitié pour la finance : trois ans après son élection, la finance est toujours au pouvoir et la jeunesse toujours au chômage. « Dans le même temps, les crispations sont très fortes au sujet de la place de l’Islam en France et ce n’est pas sans conséquences sur l’attachement aux racines ou à l’héritage judéo-chrétien de la France, davantage revendiqué qu’il y a quelques années », commente pour sa part le politologue Yves-Marie Cann (Atlantico, 23 septembre). Et ce au moment où d’autres intellectuels de l’établissement, comme Pierre Manent, dénoncent l’inanité de la laïcité et des valeurs républicaines pour répondre au défi existentiel auquel nous sommes confrontés.

    Ainsi cette droitisation de la France, voire cette droitisation de la droite, qui touche principalement la jeunesse, doit être analysée comme une lame de fond de la société, destinée à renverser les réflexes pavloviens que l’élite politique, intellectuelle et médiatique croyait définitivement ancrés chez les Français, notamment chez les jeunes qu’on avait pensés, par paresse intellectuelle, surtout depuis 1968, nécessairement de gauche et béatement « ouverts sur le monde » et à toutes les révolutions sociétales — ce qu’a contredit la jeunesse de La Manif pour tous. Parmi les politiciens, Sarkozy a été le premier à le comprendre mais également à trahir l’espérance d’un changement non seulement de discours mais aussi de politique. Car la « droite » n’a plus à offrir que des décennies de trahison morale et intellectuelle au profit d’une gauche conquérante qui l’avait à ses propres yeux ringardisée.

    A nous de révéler la contre-révolution spontanée que le mot maladroit de « droitisation » révèle derrière son masque politicien. Et de la répandre dans toutes les sphères de la société.

    François Marcilhac - L’Action Française 2000

     

  • Éric Zemmour : « Tout le monde en France a été, est ou sera anti-gaulliste »

     

    ZemmourOK - Copie.jpgDans la chronique qui suit [vidéo], Éric Zemmour resitue « l'affaire Morano » dans sa perspective historique, considérée sous ses différents plans : sous l'angle politique - voire politicien; du point de vue de l'histoire des idées; et même sous l'aspect linguistique ou sémantique des choses, notre époque ayant banni l'emploi de mots jadis courants et frappés, désormais d'interdit. Interdits ou tabous qui se veulent d'ordre moral alors qu'ils ne sont en général que de simples dénis de réalité. En prenant ainsi de la hauteur, Eric Zemmour donne à l'affaire Morano un intérêt réel qui, sans cela, lui aurait de toute évidence manqué et n'aurait été qu'un banal conflit électoral, une querelle de boutiques concurrentes. LFAR  • 

     

     

     

     Le commentaire de RTL :

    « C'est l'un des charmes de la vie politique française que de s'étriper autour des tombeaux : une citation de Napoléon, de Jaurès ou de Clemenceau, et le feu prend dans la savane ! », fait remarquer Éric Zemmour à propos de l'affaire Nadine Morano. « Comme on ne peut toucher au général de Gaulle, devenu depuis sa mort une icône, on s'en prend violemment à celle qui le cite », poursuit Zemmour. Il explique que « De Gaulle appartient à une génération qui n'avait pas peur d'employer le mot race », et que c'est parce qu'il ne partageait pas le « rêve assimilationniste et universaliste » qu'il avait accordé l'indépendance à l'Algérie. « La transformation inouïe de la population française repose la question que De Gaulle croyait avoir écartée à jamais. »

     

  • L'injonction légitime de Philippe de Villiers au monde politico-médiatique

    Source Boulevard Voltaire

     

    Philippe de Villiers est ancien ministre, député et président de la Vendée. Il est également le fondateur du Puy du Fou, et l’auteur d'un nouveau livre, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, ouvrage qui revient sur trente ans de vie politique. Mais c'est l'engagement actuel de Philippe de Villiers qui compte désormais. Ce qu'il réalise à tous égards de merveilleux au Puy du Fou. Ses grands récits historiques. Sa réflexion et sa parole sur la France. Engagement qui se situe hors du Système et résolument contre lui. « A la maurrassienne » aurait dit Boutang. LFAR   

     

    Ce livre dénonce un monde politique putréfié… Avez-vous admiré un seul homme politique ? 

    Tous ceux qui ont dit la vérité sont partis, de gré ou de force. Seuls les menteurs sont restés. 

    Ceux qui n’ont cessé de répéter qu’avec plus de musulmans il y aurait moins d’islamistes, avec moins de frontières plus de sécurité, avec plus d’Europe plus de prospérité… Ceux qui prétendent aujourd’hui qu’Assad est le danger numéro un parce qu’ils sont vendus au Qatar et à l’Arabie saoudite… 

    J’ai admiré des gens dans ma vie, qui avaient une colonne vertébrale et donc une pensée, une logique, une droiture. Pas dans la classe politique française. 

    J’ai quitté la vie politique parce que je considérais alors que la parole métapolitique était plus efficace. Je ne supportais plus le protocole compassionnel qui régit la vie politique : qui pleure le plus est le mieux élu… Les hommes politiques sont devenus des visiteurs de crash, des sous-stars du show-biz qui ne vivent que du mensonge et de la dissimulation.  

    Avec le temps, je me suis dit que j’avais un message à faire passer aux jeunes pour les encourager à devenir une génération de dissidents. 

    Comment devient-on un dissident ? 

    Un jour, Soljenitsyne m’a dit : « Vous, les Européens, êtes dans une éclipse de l’intelligence. Vous allez souffrir. Le gouffre est profond. Vous êtes malades. Vous avez la maladie du vide », mais il a également ajouté : « Le gouffre s’ouvrira à la lumière, de petites lucioles dans la nuit vacilleront au loin […] Aujourd’hui, les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest. »  

    Les dissidents sont ceux qui marchent à tâtons dans la France effondrée sur elle-même et submergée de l’extérieur : ils cherchent les murs porteurs. 

    Les hommes politiques refusent de trouver des solutions parce qu’ils sont vendus au mondialisme qui nécessite la destruction de tous les attachements vitaux.  

    La dénonciation de la mondialisation est un sujet important de votre livre…  

    Derrière les mensonges, j’ai vu la haute trahison. Cette conjonction inouïe entre les intérêts de certains et l’idéologie des autres. D’un côté la recherche d’un marché planétaire sans frontière, de l’autre l’idéologie d’un homme nomade, désaffilié, désexué, atomisé. 

    Depuis Mai 68, le « no frontière » des libéraux s’est associé au « no limite » des libertaires pour desceller toutes les pierres angulaires.  

    C’est, par exemple Giscard, fil spirituel de Cohn-Bendit, qui a organisé le chassé-croisé destructeur entre l’avortement de masse et l’immigration de masse. Un jour, mon ami Jérôme Lejeune m’a dit : « Ne lâchez pas sur l’avortement, c’est la vie qui commande tout. » L’avortement a servi de passeport à toutes les transgressions qui ont peu à peu permis la déshumanisation du monde par l’effacement planifié du visage de l’homme.  

    Les élites mondialisées que je dénonce ont abattu tous les murs porteurs de la France.  

    Lorsque j’aborde la question de l’Europe, je m’arrête sur la pensée de Jean Monnet : son but n’était pas de créer une superpuissance mais de déconstruire les nations pour offrir l’Europe au marché planétaire de masse. 

    Pour faire advenir le consommateur compulsif recherché par les marchés américains, il fallait tout détruire : la famille, la nation, les frontières… Il faut maintenant reconstruire, entièrement. 

    La réponse doit être radicale, et se concentrer sur deux réalités : la famille et la patrie charnelle, qui sont nos attachements vitaux. 

    Par où commencer cette reconstruction ? 

    Il y a aujourd’hui deux mots interdits que sont la patrie et la nation.  

    La patrie est la terre des pères, la paternité. La nation, c’est la naissance, la maternité… 

    Comment êtres frères sans père ni mère ? 

    Le drame que subit la France est double : ils ont attaqué la famille, et la famille des familles qu’est la nation. Cette dernière est un héritage, il faut le réaffirmer : la nation se reçoit, elle ne se choisit pas ! 

    Il faut affronter ces élites mondialisées qui n’ont cessé de détruire le peuple réel, la communauté nationale, la haute mémoire, la famille et finalement la France.  

    Vous avez vous-même quitté la politique dégoûté… Que faire, concrètement ? 

    Ils veulent fabriquer des atomes urbains et manipulables, à nous de former des générations de tempéraments autonomes, s’exercer à l’insurrection de l’esprit ! 

    Il faut multiplier les isolats de la résistance, créer des écoles hors contrat, lancer des associations indépendantes qui développent des pensées droites et assurent la transmission, la réaffiliation et l’enracinement. 

    Il faut défendre le caractère sacré de la vie, la filiation comme repère, la nation comme héritage, les frontières comme ancrage et le rêve français comme fenêtre sur le monde.  

    Nous sommes revenus au temps des catacombes et chacun doit veiller à sa petite luciole, pour que la flamme ne s’éteigne surtout pas. Ceux qui n’ont plus d’espoir sont ceux qui n’ont plus de solution. 

    Quand je vois ce qu’est devenu le Puy du Fou qui était exactement créé dans cet esprit d’indépendance, je réalise que c’est faisable ! Cette dissidence-là finira par faire exploser le système. 

    Un mot pour la fin ? 

    J’ai été un homme politique, je ne le suis plus et ma parole est libre. J’ai écrit avec une plume de feu, n’en pouvant plus de voir la France mourir.  

    Je suis heureux là où je suis aujourd’hui, je n’ai pas besoin de notoriété mais il faut comprendre ce livre comme un appel aux avilisseurs de tous bords : reprenez-vous, ne touchez plus à la France, cessez de la massacrer ! 

    J’ai quitté la vie électorale mais la passion de la France, aujourd’hui souffrance, ne m’a jamais quitté. 

    Ce livre n’est pas une démonstration, c’est un battement de cœur.  

    Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas

     

    Le moment est venu de dire ce que j’ai vu

     

  • Café actualités d’Aix en Provence : Reprise ce soir

    Cette fois, ce n’est pas un mauvais rêve, ou l’effet d’une vision trop pessimiste du temps présent. L’histoire connaît ainsi de brutales accélérations… Nous parvenons très précisément là où nous ont conduits, au nom du bien, toutes les « autorités » politiques, religieuses, enseignantes…qui nous ont débarrassés des derniers fondements de notre civilisation.

    Psychorigides et monomaniaques, ils persistent, et nous convient à ouvrir nos portes….au nom de la morale et… des exigences économiques (Croissance quand tu nous tient !) accomplissant ainsi un crime contre l’humanité.

    Après l’hybris (Démesure, illimitation….) les sagesses antiques nous disent que vient inévitablement Némésis (Châtiment).

    Il y aura sans doute beaucoup de choses à dire, et de nombreux participants pour en parler. 

  • Les mots et les choses

     

    par Louis-Joseph Delanglade 

    M. Tin préside le Conseil Représentatif des Associations Noires de France, créé en 2005, dont le dernier communiqué (1er octobre) prétend qu’ « il y a en France au moins trois siècles de présence noire ». Pour sa part, Mme Ernotte, présidente de France Télévisions, déclare, fin septembre : « On a une télévision d'hommes blancs de plus de cinquante ans ». Passons sur les aspects contestables de ces deux déclarations. Le CRAN nayant pas été interdit et Mme Ernotte pas révoquée, on peut - on doit - penser quexistent bel et bien des « Noirs » et des « Blancs ». Ce nest donc pas cette réalité qui pose problème à certains mais plutôt laffirmation récemment réitérée que la France « est un pays de race blanche », sans quon ait bien compris si cest le substantif « race » ou ladjectif « blanche » - ou les deux - qui font scandale. 

     

    Il est vrai que, si elle cherchait à faire parler delle, Mme Morano a réussi. En tirera-t-elle quelque bénéfice politicien ? Cest moins sûr car la voici convoquée à ce que M. Finkielkraut appelle le « tribunal de lantiracisme ». Or le microcosme politicien et médiatique reste solidaire dans ses fondamentaux. Haro, donc, sur le baudet ! Des faux culs de la droite dite républicaine « fréquentable » - égérie : Mme Kosciusko-Morizet - au dernier carré des chroniqueurs gauchards de France Inter - porte-parole : M. Legrand - lindignation aura été unanime et donc suspecte. 

     

    M. Valls lui-même sest fendu à lAssemblée dune  formule moins ridicule que révélatrice : « Marianne n'a pas de race, pas de couleur ». Il rappelle ainsi, sans doute malgré lui, que lallégorie de la République française na bien entendu aucun rapport avec la France elle-même, bien mieux incarnée par une Jeanne dArc quil serait difficile de représenter autrement que blanche de peau. Nen déplaise à M. Valls, la France nest pas la République, celle-ci n’étant quun régime idéologique auquel celle-là préexiste historiquement et auquel on peut espérer quelle survivra. 

     

    Dun point de vue historique justement, la France est incontestablement un pays « blanc » - pas vraiment concerné par les vagues migratoires avant la moitié du XIXème siècle, vagues de toute façon longtemps « blanches » pour lessentiel. Ce nest quaprès la fin de lEmpire colonial quon a assisté à une importante immigration susceptible de modifier cette caractéristique. Cela dit, personne ne peut nier quil y ait aujourdhui - et dabord dans les outre-mer - de nombreux Français qui ne sont pas « blancs ». Mais, dans limpossibilité de connaître leur nombre avec précision, vu linterdiction des statistiques ethniques, le simple bon sens incline à penser que les « Blancs » restent largement majoritaires.  

     

    Dès lors, parler d’ « un pays de race [mot en usage]  blanche » na rien de scandaleux et ne saurait, de toute façon, supposer aucun racisme honteux et rampant. Dautant que, contrairement à sa voisine germanique, la France nest pas de tradition - toujours lHistoire - mono-ethnique. Après tout, une nation, cest dabord, comme le rappelle M. Zemmour, « une histoire et un passé en commun ». Etre français ce nest pas forcément être blanc mais cest certainement revendiquer cet héritage de mille cinq cents années. 

     

  • « Angela Merkel aura le prix Nobel de la paix ! »

    par Aristide Leucate 

    Le prix Nobel de la paix pourrait être attribué vendredi prochain à Angela Merkel « pour son attitude responsable dans les crises migratoire et ukrainienne ». La suite de l'histoire dira si l'accueil de centaines de milliers de migrants en Europe, suivis, sans-doute par beaucoup d'autres, peut-être des millions, favorisera ou au contraire détruira la paix sur notre continent. Aristide Leucate commente ici avec pertinence ces perspectives contradictoires. « Attitude responsable » ? Il y a de bonnes raisons d'en douter. LFAR 

    aristide-leucate.jpgLe prix Nobel, c’est un peu comme le cirque Zavatta : un grand barnum où, annuellement, l’on applaudit les prouesses quasi miraculeuses des impétrants, les uns pour avoir trouvé l’anti-accord absolu en littérature, les autres pour avoir mis au jour le énième secret du nombre d’or, et certains pour leur redécouverte, jamais tarie, de la pierre philosophale en économie politique.

    Et puis il y a le clou du spectacle mondialisé : le prix Nobel de la paix par lequel le récipiendaire est distingué pour son action en faveur du bien toujours évaluée à l’aune des inaltérables droits de l’homme.

    Martin Luther King, Obama, Mandela, Mère Teresa ou encore le GIEC (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) comptent parmi les nombreux lauréats.

    Cette prestigieuse cohorte sera-t-elle bientôt rejointe par la chancelière Angela Merkel ? Outre-Rhin, les pronostics vont bon train et agitent frénétiquement le petit landerneau médiatique qui se pâme à cette perspective de canonisation universelle. L’institut Nobel vaut bien, à cet égard, tous les papes du Vatican !

    « Angela Merkel aura le prix Nobel de la paix », lance, péremptoire, Kristian Berg Harpviken, directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo. La raison ? De même que le Christ appelait à laisser venir à lui les petits enfants, Sœur Angela (au prénom si, décidément, prédestiné) a magnifiquement et généreusement ouvert grand les portes de Brandebourg et de la Prusse tout entière aux « migrants », ces saints innocents de l’humanité martyrisée.

    La propagande humanitariste joue à plein. Après la photo tronquée du petit Aylan, voici le prix truqué décerné à l’un des plus grands fossoyeurs de la civilisation européenne. L’institut Nobel ne déroge pas à la vocation qui est la sienne de promouvoir les pires agents dissolvants de l’identité des peuples et des nations, de Wilson à Ferdinand Buisson ou René Cassin à… l’Union européenne (2012).

    Défendre la paix, oui, mais laquelle ? Car, à l’instar de la liberté ou des « valeurs de la République », autres incantations vides, combien de crimes, de génocides et de guerres commis au nom de ses glorieux étendards ? La Vendée, Dresde, Hiroshima, Sarajevo, l’Irak, la Libye… et aussi Lampedusa, Lesbos, Schengen, autant de fourriers infernaux de ces folles utopies dont la Révolution française est la sinistre matrice.

    Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois et Angela Merkel peut bien, alors, s’enorgueillir de réaliser le vœu du philosophe de Königsberg qui, dans son Essai philosophique sur la paix perpétuelle (1795), exhortait le « genre humain [à] se rapprocher indéfiniment d’une constitution cosmopolistique ». Ce faisant, Kant reconnaissait le droit apatride qu’« ont tous les hommes de demander aux étrangers d’entrer en société avec eux ; droit fondé sur la possession commune de la surface de la terre, dont la forme sphérique oblige les hommes à se supporter les uns à côté des autres, parce qu’ils ne sauraient s’y disperser à l’infini, et qu’originairement, l’un n’a pas plus de droit que l’autre à une contrée déterminée ». Le nomadisme préhistorique renaissait de ses cendres.  

    Docteur en droit, journaliste et essayiste (Boulevard Voltaire)