UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Déclin de la France: Onfray pas quelque chose ?, par Aurélien Marq.

De gauche à droite, Eric Zemmour, Stéphane Simon et Michel Onfray, Paris, 4 octobre 2021 © Jacques Witt/SIPA Numéro de reportage : 01041694_000029

Quand un souverainiste de gauche rencontre un souverainiste de droite

Eric Zemmour et Michel Onfray ont débattu hier soir dans un palais des Congrès comble à Paris, à l’invitation de la revue “Front Populaire”. Le premier estime pouvoir réunir autour de ses idées 70% des citoyens français, et il a presque réussi à convaincre le second que notre déclin civilisationnel n’était pas inéluctable. Toutefois, des désaccords subsistent entre les deux hommes. Analyse.

Après le remarquable débat entre Eric Zemmour et Michel Onfray – exemplaire de bout en bout – quelques réflexions, au débotté : sur l’islam, le transhumanisme, l’Orient, et l’exigence de vérité. Je n’ose espérer réconcilier ici les deux intervenants, même si je le souhaiterais. Leurs désaccords, pourtant, ne sont pas insurmontables.

La France et l’islam

Sur l’islam, d’abord. Si Eric Zemmour pêche peut-être par excès de simplification, Michel Onfray fait l’erreur d’appeler « islam » les multiples pratiques et convictions individuelles des musulmans d’ici et d’ailleurs, au risque de ne plus voir les doctrines et les traditions élaborées au fil des siècles – qui sont plurielles, mais reposent néanmoins sur un socle commun parfaitement identifié par Zemmour. Reste que concrètement tous deux se rejoignent. En effet, ce que propose Michel Onfray à nos concitoyens musulmans pour s’assimiler à la France, avec l’exigence de garder certains éléments du Coran et d’en rejeter d’autres, sera considéré par presque tous les courants de l’islam comme n’étant plus l’islam. C’est une démarche que font déjà quelques individus, éminemment respectable mais profondément distincte de ce qu’est devenu l’islam sunnite depuis plus de mille ans, et radicalement opposé à ce que les traditions musulmanes elles-mêmes permettent de penser qu’était l’islam du prophète. Hasardons dès lors une synthèse : l’islam ne se réduit pas aux quatre madhhabs sunnites – en cela, Michel Onfray a raison – mais ce sunnisme – et là c’est Zemmour qui a raison – n’est en effet pas vraiment distinct de l’islamisme (c’est-à-dire de la volonté d’imposer l’islam comme norme) puisqu’il est par essence « Din wa Dunya », « religion et monde », religion et société. Et cet islamisme, cet islam « religion et monde », est totalement incompatible avec notre civilisation.

7.png

Répartition des écoles juridiques dans l’islam contemporain / Image Creative Commons

Le transhumanisme, première des menaces selon Onfray

Autre désaccord qui pourrait se résoudre par une convergence inconsciente, le fait que Michel Onfray identifie le transhumanisme (dont le wokisme serait l’avant-garde) comme la menace principale pesant sur notre civilisation, alors qu’Eric Zemmour insiste sur l’islam. Tous deux, bien sûr, diagnostiquent également la haine de soi et la fatigue d’être qui rongent l’Occident, et qui ne peuvent qu’évoquer le déclin du courage déjà dénoncé par Soljenitsyne il y a plus de quarante ans. Désaccord apparent mais superficiel, car il y a entre ces trois périls un point commun essentiel : la soumission à l’arbitraire. Arbitraire de la puissance divine dans le cas de l’islam(isme), l’obéissance aveugle à la volonté d’Allah prenant le pas sur toute considération réellement éthique, les débats interminables et vétilleux sur le licite et l’illicite, le halal et le haram, se substituant à toute réflexion sur le Bien et le Mal. Arbitraire de la subjectivité triomphante et de la tyrannie du ressenti dans le wokisme, fluidité prométhéenne du transhumanisme où rien n’est vrai, puisque ma volonté sans cesse changeante modèle une réalité infiniment plastique selon mes moindres caprices, dans un fantasme d’autodétermination et d’auto-engendrement illimités. Arbitraire du positivisme dans le déclin de l’Occident, qui a renoncé à l’exigence de vérité pour lui préférer le confort mou du consensus et la lâcheté du relativisme. Déconstruction, post-modernité, société du « care » enveloppant et infantilisant, fétichisation de la manipulation performative du langage et adoration du signifiant au détriment du signifié. Refus, dans les trois cas, de se confronter à la difficile recherche du Vrai, du Beau, du Bien, du Juste. Refus d’assumer la responsabilité de tendre vers ce qui est indépendamment de ce que quiconque en pense. Refus de se donner « le trouble de penser et la peine de vivre », pour s’abandonner servilement à la volonté écrasante d’un dieu, aux ressentis d’enfants-rois ivres de ressentiment, ou à l’opinion majoritaire du moment et à l’addiction aux modes passagères.

Une opposition millénaire

Eric Zemmour a évoqué l’opposition millénaire entre l’Orient et l’Occident depuis le temps de la Grèce Antique.

Il faudrait distinguer, dans cet Orient, entre de multiples composantes. L’islam théocratique totalitaire est ce qu’il est, une hydre dont les têtes sont multiples mais le cœur unique : l’idolâtrie du Coran combinée à l’adulation du « bel exemple » du prophète. Autre pôle évoqué : la Chine. Mais la Chine actuelle, brisée par les Gardes Rouges et désormais soumise à un capitalisme compulsif impitoyable, est infiniment plus proche de l’Amérique woke que de l’enseignement de Confucius qui, lui, cherchait justement l’harmonie dans l’exigence permanente de vérité. La référence à la Grèce est cependant cruciale. Car qu’est-ce que la Grèce Antique, sinon le refus de l’arbitraire quel qu’il soit – « nous n’avons pas de maître, nous avons des lois », et Zeus lui-même pèse les destins dans sa balance pour agir selon ce qui doit être, et non selon ses envies ? Qu’est-ce que cet élan, qui initia et détermina notre civilisation plus sûrement encore que leurs enfances ont préparé Eric Zemmour et Michel Onfray à devenir ce qu’ils sont devenus, qu’est-ce que cet élan fondateur et fondamental, sinon la quête du Vrai, du Beau, du Bien, du Juste, et la foi en apparence irrationnelle mais pourtant inébranlable dans le fait que cette quête n’est pas vaine ?

C’est cette foi partagée qui a permis à Eric Zemmour et Michel Onfray de débattre comme ils l’ont fait, dans le souci constant de la vérité et de la recherche de ce qui est bien pour la France, luttant chacun à sa manière contre tous les arbitraires qui œuvrent à notre déchéance et à notre soumission.

Qu’ils en soient tous deux remerciés.

 

Elisabeth Lévy était également présente dans la salle. Elle a livré son analyse à la radio ce matin.

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio à 8h10.

 

Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Disciple de Plutarque.
 

Écrire un commentaire

NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.

Optionnel