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  • L'unité européenne, vous y croyez, vous ? Face à l'invasion, pour le moment, c'est du chacun pour soi

    Dimanche, des militaires hongrois renforcent la clôture érigée à la frontière avec la Serbie, porte d'entrée de près de 140 000 migrants depuis le début de l'année. - Crédits photo : BERNADETT SZABO/REUTERS

    Du côté de la Hongrie, la politique d'accueil a fait long feu. Le pays a vu arriver 140 000 migrants depuis le début de l'année, en provenance de la route des Balkans, celle qui amène en Europe les réfugiés syriens, afghans ou encore irakiens, et dont la plupart souhaitent gagner l'Autriche ou l'Allemagne. Or la Hongrie a décidé d'ériger une clôture de 4 m de haut sur ses 179 km de frontière avec la Serbie. Elle vient d'achever la première phase de ce nouveau mur en posant plusieurs niveaux de fil de fer barbelé, que les migrants peuvent encore franchir. Cette attitude a été jugée « scandaleuse » par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. « La Hongrie fait partie de l'Europe, l'Europe a des valeurs, et on ne respecte pas ces valeurs en posant des grillages », a-t-il déclaré dimanche, plaidant pour une répartition des migrants dans chaque pays de l'UE.

    Oui, mais ces grillages on les pose. Et l'Europe n'exclura pas la Hongrie. Ce matin, les radios rapportent que l'ambassadeur de France à Budapest a été convoqué pour explications par le gouvernement hongrois. Lequel, comme toujours très sourcilleux sur tout ce qui touche à sa souveraineté ou à son identité, ne s'en laissera sûrement pas conter par Laurent Fabius ou l'un de ses semblables, habituels donneurs de vaines leçons. Voici que l'Union craque aussi désormais sur la question migratoire, comme elle a, de fait, craqué sur le dossier grec, qui est d'ailleurs toujours sur la table. Comme elle craquera sans-doute sur ceux qui suivront.  

    L'Europe n'exclura pas davantage la Slovaquie qui vient d'accepter d'accueillir 200 demandeurs d'asile (son contingent) à condition qu'ils soient chrétiens !  

     

  • Zemmour : « Le souverainisme peine à trouver sa voix »

     

    La question de l'alliance avec le FN est le non-dit le plus bruyant de la rentrée.

    Cette rentrée met en évidence que les lignes bougent dans les partis politiques, obsédés par la perspective des prochaines régionales toutes proches et de la présidentielle jamais bien lointaine, devenue la plaie de nos Institutions. Sans compter le trouble que jettent quelques électrons libres hyper-médiatisés. Comme le soulignent Marie-France Garaud ou Jacques Attali, cette agitation plutôt ridicule est de peu d'importance si l'on considère que nos gouvernants n'ont de pouvoir que d'apparence et que pour l'heure le destin de la France se décide bien davantage qu'à Paris, à Bruxelles, Washington, Berlin, ou Frankfort. Alors, l'alliance des souverainistes peut apparaître comme la seule alternative. Mais pas sans ce cœur nucléaire de l'opposition au Système qu'est le Front National ... Sur quoi, à gauche, Jacques Sapir s'est exprimé récemment, sans langue de bois. Et, ici, Eric Zemmour.  LFAR    

     

    ZemmourOK - Copie.jpgL'été est propice aux rencontres. On ose transgresser, on ose s'afficher. En politique aussi. Dans quelques jours, Jean-Pierre Chevènement se rendra à l'université d'été de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. Le week-end dernier, Arnaud Mohtebourg a convié à sa Fête de la rose à Frangy l'ancien ministre des Finances grec Yanis Va-roufakis. C'est le ballet des démissionnaires forcés qui aspirent à prendre leur revanche. Des perdants de l'Histoire qui n'ont pas dit leur dernier mot.

    L'intégration européenne par la monnaie unique a bouleversé les paysages politiques en Europe. Le clivage n'est plus entre la droite et la gauche. Il y a toujours des alternances, mais il n'y a plus d'alternative. L'euro est un corset qui impose à tous les règles d'un ordo-libéralisme, non négociable, théorisé et mis en oeuvre par l'Allemagne. C'est ce qu'a rappelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lorsqu'il a dit que les « élections ne peuvent pas modifier les traités européens ». C'est la théorie de la « souveraineté limitée » à la mode bruxelloise, où l'argent de la BCE fait office de chars. L'apostasie estivale d'Alexis Tsipras a ouvert les yeux de ceux qui s'obstinaient à les garder clos : on ne peut arracher le corset des politiques européennes (que l'on nomme cela « bonne gestion » ou « austérité », peu importe) que si on sort de la monnaie unique. A gauche comme à droite, le nouveau clivage est là. Il y a ceux qui se soumettent et ceux qui ont compris qu'ils ne pourraient faire autrement que de se démettre. Après avoir longtemps tergiversé devant l'obstacle, Mélenchon franchit le Rubicon : « S'il faut choisir entre l'euro et la souveraineté nationale, je choisis la souveraineté nationale. » En Allemagne, Oskar Lafontaine dit la même chose, et en Italie, l'ex-communiste Stefano Fassina se prononce pour « un démantèlement sous contrôle de la zone euro ».

    Mais ces mouvements sont encore périphériques. Le coeur nucléaire de l'opposition au « système » est, en France, incarné par le Front national. Sans lui, les contempteurs de l'« Europe allemande », de gauche comme de droite, sont électoralement impuissants. Mais avec lui, ils sont médiatiquement ostracisés. Le FN joue le rôle que tenait le parti communiste dans les années 60, avant que Mitterrand ose la stratégie d'union de la gauche. La question de l'alliance avec le Front national est le non-dit le plus bruyant de cette rentrée. Dans cette perspective, le conflit entre Jean-Marie Le Pen et sa fille prend une autre tournure. Comme si celle-ci sacrifiait son père sur l'autel de ses futures noces électorales. Dans le bruit et la fureur, et sans savoir jusqu'où montera le prix de la dot. 

    (Figaro magazine)

  • Les Grecs indépendants, une extrême droite ?

    Photo : Panos Kemmenos, leader des Grecs indépendants. 

    Par Yves Morel

    L’accès au pouvoir d’Alexis Tsipras en Grèce n’a été possible qu’avec l’appoint des 13 députés des Grecs indépendants qui a permis à Syriza, la formation du nouveau Premier ministre, d’obtenir la majorité à la Boulè (fixée à 151 sièges, quand elle en disposait de 149). Un ralliement qui, quoique jugé prévisible par quelques politiques et observateurs, a surpris tout le monde. Les deux formations sont, en effet, aux antipodes l’une de l’autre. Coalition de la gauche radicale incluant des alternatifs de sensibilité écologiste, des socialistes anticapitalistes marxisants, proche à la fois, sur l’échiquier politique français, d’Attac, du NPA, du Front de Gauche, des Alternatifs et de l’aile gauche des Verts, Syriza n’a rien en commun avec les Grecs indépendants, nationalistes, conservateurs, favorables à l’entreprise privée, et très liés à l’armée et à l’Église orthodoxe.

    Les deux partis se sont pourtant retrouvés sur leur plus petit dénominateur commun : leur hostilité à l’euro, le refus de la politique d’austérité imposée par Bruxelles et la renégociation du remboursement de la dette grecque. Et la capitulation de Tsipras à Bruxelles ne semble pas avoir entamé cette alliance limitée à ce seul point.

    Un parti souverainiste dirigé par un grec francophile

    Où situer les Grecs indépendants (Anexátítí Éllines, soit ANEL)? Leurs positions souverainistes les apparentent, à l’esprit de beaucoup, à Debout le France de Nicolas Dupont-Aignan. Et, de fait, les deux mouvements sont nés d’une rupture d’avec leur formation d’origine, qui se trouvait être le grand parti conservateur de leur pays : Debout la France (DLF) fut d’abord, et jusqu’en 2008, un courant de l’UMP, et Dupont-Aignan, un élu de cette formation avant de la quitter ; les Grecs indépendants, quant à eux, fondés en février 2012, sont une dissidence de Nouvelle Démocratie, dont Kammenos fut député. De plus, ce dernier affiche ouvertement ses affinités souverainistes avec Dupont-Aignan, lequel ne lui ménage pas son soutien public ; les deux hommes se sont rencontrés, s’apprécient, et Kammenos a pris publiquement la parole lors d’un meeting de DLF.

    Leurs relations sont d’autant plus aisées que Kammenos parle couramment le français et connaît très bien notre pays, sa sensibilité et sa culture ; après avoir été élève d’un lycée français de Grèce, il a effectué ses études supérieures de sciences économiques, de gestion des entreprises et de psychologie à l’université Lyon II, puis à Lausanne, en Suisse romande. Les deux partis et leurs leaders respectifs combattent l’euro, la politique européenne commune pilotée par la Commission européenne, la tyrannie des critères de convergence et la limitation draconienne des déficits budgétaires, le culte monétariste de la devise forte, la mondialisation et le libéralisme sans frontières, la disparition des souverainetés nationales au profit du marché mondialisé, de la technocratie de bruxelloise et de la loi des bourses et des grandes banques.

    Proche de DLF ou du MPF ?

    Cependant la ressemblance s’arrête là. Car quant au reste, les différences et les oppositions apparaissent en nombre. En effet, Dupont-Aignan et DLF sont des républicains laïcs, relativement progressistes, dont le gaullisme orthodoxe se nuance assez fortement de mendésisme, les rapprochant en cela du Pôle républicain et de la gauche chevènementiste. A l’opposé, Kamennos et les Grecs indépendants s’ancrent résolument à droite, défendent la religion et la morale chrétiennes, entretiennent les meilleurs rapports avec l’Eglise orthodoxe, réprouvent les mesures laïques votées ces dernières années en Grèce (mariage civil, partenariat civil pour les couples homosexuels, laïcisation de l’enseignement) et combattent résolument le multiculturalisme et l’immigration. En fait, ils s’apparentent beaucoup plus au Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers qu’au DLF de Dupont-Aignan ; leurs vues coïncident en tous point avec ceux du Vendéen, la seule petite différence résidant en la différence confessionnelle, l’ANEL se réclamant de la religion orthodoxe quand le MPF fait fond sur le catholicisme ; ceci dit, tous deux promeuvent l’idéal d’une civilisation chrétienne. Mais ce n’est pas seulement sur les questions d’éthique et de société que se situent les affinités entre l’ANEL et le MPF : les deux formations se ressemblent également par leur nationalisme économique.

    Toutes deux sont hostiles au grand marché européen sans frontières découlant de l’Acte unique européen et de l’institution de l’euro, des critères de convergences et contraintes budgétaires en découlant, de la Banque Centrale Européenne, se prononcent en faveur du protectionnisme patriotique et revendiquent le droit, pour leurs nations respectives, de mener une politique commerciale extérieure conforme à leurs intérêts propres et à leur parcours et traditions historiques. Ce patriotisme économique était ouvertement revendiqué en France par Philippe de Villiers et Jimmy Goldsmith en 1894-1897, et il l’est aujourd’hui en Grèce par l’ANEL. Kamennos préconise la conclusion d’alliances économiques fécondes de la Grèce avec la Russie et la Chine et considère avec un optimisme allègre la position géographique de son pays qui, selon lui, peut devenir la plaque tournante des exportations chinoises vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique septentrionale. C’est avec enthousiasme qu’il annonce « la résurrection de la route de la soie à la fois sur terre et sur mer ». Et, ministre délégué à la Marine marchande, dans le second gouvernement de Kostas Karamanlis (2007-2009), il a décidé la conclusion d’un accord avec le groupe chinois COSMO attribuant à ce dernier une concession de trente ans dans la station de conteneurs du port du Pirée (30 novembre 2008).

    Un parti d’extrême droite ?

    L’ANEL, parti des Grecs indépendants, est donc, assurément, un parti de droite, nationaliste, chrétien, hostile à l’Europe communautaire. Il est le jumeau intellectuel et moral du MPF français bien plus que l’équivalent approximatif du DLF de Dupont-Aignan, nonobstant les relations amicales entre les deux partis. Doit-on l’assimiler à l’extrême-droite, à l’instar de Daniel Cohn-Bendit, qui voit en Kamennos « un homophobe, un antisémite et un raciste » et considère l’alliance de Syriza avec l’ANEL comme un « scandale » ?

    Il conviendrait d’abord de clarifier cette notion d’ « extrême droite », tout comme d’ailleurs celle d’ « extrême gauche ». Quel(s) critère(s) permet(tent) de qualifier un parti d’ «extrême » ou d’«extrémiste » ? De l’avis général des politologues et des historiens contemporainistes, un parti peut être qualifié ainsi lorsqu’il préconise – idéologiquement, éthiquement et institutionnellement – une rupture radicale avec le régime dont il combat le gouvernement, et l’édification d’un nouveau système politique et social fondé sur des valeurs et une vision de l’homme et du monde en opposition avec lui. Tel n’est pas le cas de l’ANEL qui ne préconise pas un changement de régime et critique les orientations des grands partis habituellement au pouvoir en Grèce sans contester pour autant la démocratie libérale et parlementaire instaurée par la constitution de 1974. Les Grecs indépendants réclament certes un contrôle sévère de l’immigration, l’exclusion des clandestins, défendent une morale chrétienne rigoureuse, plaident la cause de l’exemption d’impôts de l’Eglise orthodoxe, se prononcent contre la banalisation de l’homosexualité et le mariage gay et lesbien, critiquent la « culture » du rap, du tag, du reggae et des tam-tams, défendent la tradition culturelle hellénique, mais tout cela reste parfaitement compatible avec la démocratie libérale.

    Et le fait que M. Kamennos soit décoré de l’Eglise orthodoxe tchèque et du Grand Patriarcat de Jérusalem ne fait pas de lui un champion de la théocratie. Quant à l’accusation d’antisémitisme, lancée à propos de la critique de l’exemption d’impôts des juifs, musulmans et bouddhistes (et, à ce sujet, pourquoi ne pas parler également de racisme anti-arabe ou anti-asiatique ?), elle est bancale : dénoncer le privilège indu d’une communauté (en l’occurrence de trois communautés différentes) au nom de la simple égalité devant la loi ne relève pas du racisme. Du reste, l’ANEL ne conclut guère d’alliances qu’avec des partis reconnus comme démocratiques. Aucun des partis du groupe parlementaire européen auquel elle appartient ne peut être sérieusement et de bonne foi taxé d’opposition à la démocratie et aux libertés publiques. Et nous avons vu quels liens cordiaux l’unissaient au DLF de Dupont-Aignan, indubitablement républicain et laïc. En fait, le seul parti d’extrême droite et antidémocratique de la Grèce actuelle est l’Aube dorée. Rappelons, pour clore ce point, qu’en France, l’ultra gauche elle-même n’a pas critiqué le choix de Syriza de s’allier à l’ANEL, qu’il s’agisse d’EELV (de par son porte-parole Julien Bayou, à Athènes au début de cette année et ardent soutien de Syriza), ou du parti communiste (de par les propos récents de Pierre Laurent), qui ont estimé qu’un tel accord pouvait offrir pour la Grèce des perspectives intéressantes.

    La même relativisation de cette notion d’extrémisme vaut pour Syriza. Cette formation, née de l’alliance de divers partis et associations allant de la gauche marxiste aux représentants d’un idéal humaniste et social-démocrate modéré en passant par les altermondialistes et les écologistes, a été située à l’extrême gauche, alors que rien, dans son programme – au demeurant critiquable sur bien des points – n’indique l’ambition d’édifier une société collectiviste ou anarchiste et une volonté de rupture d’avec la « démocratie bourgeoise » libérale et parlementaire, le capitalisme, la libre entreprise. Le simple fait pour un parti de refuser la mondialisation néolibérale, la financiarisation de l’économie, la soumission aux lois du marché et aux fluctuations boursières, et la tyrannie de la Commission européenne, de la BCE et des « critères de convergence », ne suffit pas à le classer à l’ « extrême gauche » ; de même que l’adhésion à l’idée d’instituer la taxe Tobin sur les transactions financières (critiquable, elle aussi), n’est pas le fait des seuls gens de d’extrême gauche ou simplement de gauche (des centristes comme François Bayrou et des hommes de droite comme Jacques Chirac et Paul-Marie Coûteaux s’y sont ralliés).

    Ni Syriza ni ANEL ne sont des partis extrémistes, ni Alexis Tsipras ni Panos Kamennos ne sont des extrémistes désireux d’instaurer, le premier une république populaire teintée d’écologisme et de libertarisme sociétal, le second une théocratie nationaliste. Ces deux mouvements et leurs meneurs respectifs ne sont que les expressions différentes, certes opposées mais complémentaires, du refus d’une Europe supranationale destructrice des peuples.

    En réalité, l’ANEL et son alliance au pouvoir avec SYRIZA montrent surtout l’inanité de la traditionnelle classification des formations politiques en éventail allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, et révèlent que la défense de la civilisation, de la tradition et de la nation excèdent les trop habituels et spécieux clivages politiques et sont parfaitement compatibles avec la défense des intérêts économiques et sociaux du peuple.   

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

     

  • Une conférence, une date à reteir

    ppppppp

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

  • LITTERATURE & SOCIETE • Christian Millau : « Il manque à la nation une incarnation »

    Christian Millau. L'esprit français

     

    Dans cet entretien donné à Valeurs actuelles, on retrouve la liberté d'esprit et le regard avisé de Christian Millau - qu'il a de longue date posé sur notre époque, sa littérature, ses écrivains. Ainsi, à sa manière, aura-t-il servi son temps, aura-t-il aidé à le comprendre, à l'éclairer de son goût et de sa lucidité. Si l'on nous y poussait beaucoup, nous dirions - mais sans méchanceté aucune - que l'influence qu'il a exercée un temps sur la gastronomie française et ses métamorphoses discutables, nous paraît beaucoup plus incertaine ... Mais cela est une autre histoire. Ici, comme Emmanuel Macron, comme Maxime Tandonnet ou, à sa façon, Michel Houellebecq, Christian Millau constate qu'il manque à la nation une incarnation. Nous ne disons pas autre chose ... LFAR  

     

    Journaliste, écrivain, président du prix littéraire des Hussards... Christian Millau est un esprit libre. Une liberté dont il use avec malice pour répondre à nos questions.

    Quel regard portez-vous sur l'époque actuelle ?

    À vrai dire, je ne suis pas d'un tempérament nostalgique. La nostalgie est un rideau qu'on fait complaisamment tomber sur un pamé qui n'a pas toujours été rose. Chaque époque y cède à son tour. et j'imagine qu'on regrettait Saint Louis sous Louis X le !lutin ! On parle des "Trente Glorieuses" mais on oublie la guerre de Corée, la crise de Cuba : nous avions la quasi-certitude que la guerre allait recommencer ! En revanche, je comprends qu'on puisse regretter des hommes ou des événements exception. nels. Je revois encore de Gaulle descendant les Champs-Élysées, le 26 août 194.1! Là, oui, on a le droit de céder un peu à la nostalgie... Tous ceux qui étaient là, ce jour-là, se souviennent d'une France vibrante comme elle ne le sera jamais plus. On peut se dire : "Ce jour-là. la France existait".

    Et maintenant ?

    Maintenant, on essaie de se fabriquer des moments de communion nationale... La Coupe du monde de football en 1998, la célébration de "la France Black Blanc Beur : c'était à la fois touchant et un peu ridicule. Dans un registre bien plus dramatique, le "11 janvier", dont l'esprit s'est aussitôt dissipé, si tant est qu'il ait existé! En fait, ce qui nous manque, c'est une incarnation. Les Français forment une nation ; la France, une patrie. Nous manquons de quelqu'un qui nous le rappelle par ce qu'il est et par ce qu'il fait. En Mai 68, on a jeté de Gaulle par-dessus bord. Depuis cette pantomime, nous vivons dans un désordre incroyable... C'est tout de méme inouï que l'on n'arrive pas à faire chanter la Marseillaise à des enfants dans une école ! Il serait bon que, chaque fois que la gauche vient chez nous au pouvoir, la France se déclare automatiquement en état de catastrophe naturelle.

    L'époque est aux non-dits : après les attentats de janvier, on a vu que le gouvernement avait du mal à désigner l'ennemi...

    C'est ahurissant ! Je suis très sévère sur les médias en général. On entend des choses incroyables sur les chaînes d'information, certaines par ignorance, d'autres par lâcheté : il y a des mots, des sujets qui sont tabous. Il s'est créé une forme d'inquisition qui traque tout ce qui ne correspond pas aux dogmes du politiquement correct. Mais les gens sont saturés de cette pensée de sacristie laïque. 

    Était-on plus libre d'exprimer ses divergences dans les années 1950 ou 1960 ?

    Spontanément, je dirais oui, sans oublier cependant qu'il était très difficile de vivre de sa plume quand on n'était pas d'accord avec Sartre ou Aragon : il fallait se battre ! On parle beaucoup aujourd'hui des Hussards, que j'ai eu la chance de fréquenter assidûment. Mais ils vendaient très peu de livres, à l'époque ! La différence, c'est qu'on ne vous menaçait pas sans cesse de procès; en tout cas, on pouvait les gagner et, surtout, qu'on n'avait pas le sentiment de pécher contre la justice, l'humanité ou la planète, quand on était en désaccord avec la gauche. Ce sentiment du péché, c'est le génie de la gauche de vous le coller ! Aujourd'hui. on ose à peine ouvrir la bouche.

    Encore le péché appelle-t-il le pardon. Or, on a l'impression que nos politiques ont la manie de la repentance : il faudrait battre sa coulpe en permanence...

    Je suis d'accord pour dire qu'aujourd'hui, les politiques excitent les Français contre les Français. De Gaulle dont je parlais, a été haï, à droite connue à gauche. Il n'empêche qu'on s'inclinait devant cet homme, comme on pouvait s'incliner jadis devant nos souverains. On ne discutait pas la représentation de la patrie à travers de Gaulle. Aujourd'hui, on ne respecte plus la fonction présidentielle ni, d'ailleurs, les chefs d'entreprise qui font vivre ce pays !

    Vous évoquez les llussards. Voyez-vous une relève à ces impertinents ?

    Il y a encore, heureusement, des casseurs de tabous. je pense évidemment à Alain Finkielkraut, à Pascal Bruckner, à Luc Ferry ou même à Michel Onfray. À Zemmour aussi, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui. Il faudrait aussi citer Élisabeth Lévy, Denis Tillinac, Bruno de Cessole ou Fabrice Luchini. C'est pour cela que j'ai créé le prix oies Hussards, attribué à Sylvain Tesson cette année. Et ceux-là ont du succès de leur vivant ! C'est la preuve que les Français ne se satisfont pas du brouet médiatique, et c'est un signe d'espoir ! 

    Ravi de vous avoir rencontré, de Christian Millau, Éditions de Fallois, 360 pages, 22 €. 

    Propos recueillis par Fabrice Madouas et Marion Cazanove

     

  • SOCIETE • La France existe, je l'ai rencontrée

     

    Par Natacha Polony

    Et si, plus que les précédentes, les générations des moins de quarante ans ou tout juste quarante ans, étaient en recherche de racines, de terroirs, de traditions, de France historique et charnelle ? Presque jusqu'à la nostalgie, presque jusqu'à l'excès, sans-doute du fait des manques et des vices des temps qui courent, trop abstraits, virtuels, sans substance ? De même qu'une partie des plus jeunes opère un spectaculaire retour vers le religieux ou, mieux, vers le spirituel, que les plus âgés ont  délaissé ... Ces derniers feront bien de s'aviser de ces phénomènes bien réels qui signalent assez précisément en quoi nos sociétés ont failli. C'est ce que Natacha Polony relève ici, de façon, ma foi, fort juste et sympathique. Et qui rejoint Philippe de Villiers lorsqu'il signale que la crise que nous vivons n'est pas essentiellement politique, mais bien plutôt métapolitique.  C'est pourquoi nous apprécions les chroniques de Natacha Polony et y faisons souvent écho. LFAR  

                

    Elle avait si mal commencé, cette année 2015, dans l'horreur et les larmes. Et puis la suite, les autres attentats, les crises, la défiance. Et même ce retour, après les chaleurs estivales: le Thalys et la révélation de notre insupportable vulnérabilité; les images répétitives et insoutenables de ces foules d'hommes et de femmes rêvant d'un avenir et rencontrant l'incurie d'une Europe de petits gestionnaires et de grands financiers; le spectacle parallèle, enfin, des vaudevilles politiciens. Quoi, même les héros, quand ils se présentent chez nous, sont Américains ? Comme un symbole d'une France qu'on nous dit tous les jours trop petite, trop résignée, pas assez moderne, pas adaptée.

    La France existe, pourtant, envers et contre tout. Elle se perpétue. Loin des injonctions à l'efficacité gestionnaire, loin des reproches sur son modèle archaïque et son agriculture pas assez productive. Il suffisait d'aller à sa rencontre cet été pour trouver des gens qui, seuls, chaque jour, font leur 11 janvier et proclament leur attachement aux valeurs de ce pays. C'est ce restaurateur qui consacre dans ses assiettes écrevisses, grenouilles, foie gras en cocotte et pied de porc truffé, toute la mémoire gustative d'un paradis terrestre aujourd'hui malmené où l'on a fait du partage autour dela table un patrimoine si précieux que l'Unesco l'a jugé universel. Ce sont ces trois entreprises d'Aurillac qui se sont regroupées pour continuer, malgré la concurrence asiatique et le règne du jetable, à fabriquer en France des parapluies de qualité, de ces objets qui accompagnent une vie. C'est ce maire d'une petite ville touristique du Périgord qui s'est opposé farouchement à l'implantation d'une seconde grande surface dans sa périphérie et qui a sauvegardé son marché, ses commerces de centre-ville, toute cette vie sociale qui fait le dynamisme d'un pays.

    Ceux-là ne sont décorés d'aucune Légion d'honneur. Ils n'ont droit au statut ni de héros ni de victimes. Pas assez prestigieux, pas assez désespérés. Et pourtant, ils affrontent tous les obstacles, ils se lèvent tôt, ils travaillent dur, ils obtempèrent aux injonctions d'une administration qui invente des normes délirantes et endémiques. Il y a ce chef qui a dû équiper sa cuisine d'un plan de travail dernier cri, un «porte-avions» spécialement étudié pour réduire la « pénibilité » et dont les commis de cuisine se plaignent malgré tout d'un mal de dos, parce que toute douleur, tout effort est devenu insupportable. Il y a cet autre, harcelé pour avoir utilisé dans ses cuisines des légumes anciens, du potager de son père, non répertoriés au catalogue officiel, l'organe garantissant aux grands semenciers le monopole des graines et l'interdiction, pour les paysans, de perpétuer leur savoir-faire ancestral de sélectionneur du vivant. Il y a cet horticulteur à la retraite convoqué au tribunal pour travail dissimulé parce qu'il a donné un coup de main à son fils pour ramasser les pommes avant l'orage le jour d'un contrôle administratif. Pendant ce temps, les journaux nous vantent comme l'ultime modernité des dîners moyennant rémunération, organisés chez eux par des particuliers grâce à une application Internet. Pas de normes d'hygiène, pas de contrôle d'Urssaf… Non, c'est moderne, c'est libéral, c'est de la convivialité monnayée..

    Malgré tout, ce pays abrite des trésors d'enthousiasme et d'énergie. On y trouve des Français de tous horizons, mais attachés à transmettre par leur travail, leur savoir-faire les éléments les plus concret de ce qui constitue un modèle, une façon spécifique d'être au monde, faite d'intégration à une géographie, à un terroir, faite de plaisir et de culture plus que de rentabilité. On peut considérer que tout cela doit finir aux oubliettes de l'Histoire. On peut préférer les usines à viande allemandes où l'animal est mécanisé pour produire toujours plus et moins cher en ruinant le voisin. On peut préférer les parapluies chinois, si bon marché qu'il faudra en racheter à chaque bourrasque. Mais dans un monde où les tempêtes se multiplient, sentir sous ses doigts la chaleur et la solidité du manche en bois d'un parapluie, s'abriter sous les baleines solides et familières d'un vieux compagnon, en sachant que des gens, pas très loin, ont œuvré pour nous offrir les fruits d'un savoir-faire ancien, c'est préparer l'avenir avec bien plus de lucidité. 

    Natacha Polony   (Figarovox)

  • HISTOIRE & ACTUALITE • Documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents »

     

    Bon à savoir (à vérifier)

    Pour les dépositaires du Pouvoir, nonobstant le dogme républicain, la France ne commence pas en 1789 ... Jamais. Ils vivent, reçoivent, travaillent et délibèrent, dans les ors et décors de l'Ancienne France.  Il n'y a rien à y redire, surtout lorsque cette pratique sert le prestige de la France. Ce qu'il est légitime de leur reprocher c'est leur déni de mémoire, leur obstination dans la négation de notre histoire intégrale. Rien de plus. LFAR 

     

    Lundi 14 septembre sur France 3 à 20h55, documentaire « Versailles, Rois, Princesses et Présidents » réalisé par Fréderic Biamonti avec narration de Lambert Wilson. 

    En voici le descriptif : « Le château de Versailles a été conçu comme un instrument de pouvoir par Louis XIV. Aujourd’hui, les Présidents de la République l’utilisent comme symbole de la puissance nationale. Khroutchev, Kennedy, Nixon, Elisabeth II, Kadhafi ou Xi Jinping y ont tous été reçus, dans des rituels qui rappellent la grandeur d’autrefois, et qui réveillent les fantômes du passé.

    Les archives de ces visites d’état nous amènent à reconsidérer Versailles sous un angle inhabituel : la machine à impressionner conçue par le Roi Soleil est aussi un des hauts lieux de la République, qui y a mis en scène les élections présidentielles jusqu’en 1953, ainsi que les réformes de la Constitution. Apothéose de ce Versailles républicain, le G7 mitterrandien de 1982 démontre la pérennité des formes du pouvoir, de la majesté royale du Grand Siècle à la solennité présidentielle d’aujourd’hui. » 

    FR3

  • Redémarrage de la Lettre de Lafautearousseau !

     

    Contrairement à ce que nous avons publié hier, l'envoi quotidien de la lettre de Lafautearousseau a en fait repris depuis deux jours. Nous étions pessimistes, la voici qui revient chaque matin. A cause d'un problème technique qui semble maintenant résolu, elle était suspendue depuis le 20 août. 

    Rappelons toutefois qu'il est de toute façon toujours possible de lire Lafautearousseau au quotidien :

    directement, au moyen du lien lafautearousseau.hautetfort.com

    en l'intégrant Lafautearousseau à vos favoris

     ou encore via Google.

    Saisissons l'occasion pour remercier celui qui, tous les matins, vers 6h45 lance le processus d'envoi de La lettre de Lafautearousseau qui vous est destinée. Vous la recevez assez tôt dans la matinée...

    Bonne lecture à tous !

    Lafautearousseau   

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  • MEDIAS • Chantage au roi, vu du Maroc

     

    Eric Laurent – Catherine Graciet : les journalistes prédateurs !

    Les médias ont déjà largement évoqué cette ténébreuse affaire où deux journalistes français n'ont pas le beau rôle. Se sont-ils simplement livrés à un vulgaire chantage envers le roi du Maroc, ou, comme l'a envisagé maître Dupond-Moretti, l'avocat du royaume, ont-ils aussi été instrumentalisés par quelque entreprise terroriste ou autre de déstabilisation du royaume chérifien ? L'affaire serait alors beaucoup plus grave. Voici, en tout cas, ce qu'en dit le 360, le plus important média francophone du Maroc, sous la signature de Mohamed Chakir Alaoui. 

     

    cateteric.jpgIls ont tenté de faire chanter Mohammed VI en brandissant la menace de publier un livre à charge contre le royaume, mais sont tombés dans leur propre piège. Les détails d’une affaire qui décrédibilise complètement ces journalistes qui s’autoproclament spécialistes du Maroc.

    L’affaire d’Eric Laurent, interpellé cet après-midi, en flagrant délit de tentative d’extorsion de fonds au roi Mohammed VI commence à livrer ses secrets. Le360 a pu avoir accès à plus de détails concernant cette histoire inédite où un duo de journalistes a poussé l’audace jusqu’à tenter de faire chanter un chef d’Etat. 

    « Le 23 juillet dernier, Eric Laurent a pris contact avec le secrétariat particulier de Sa Majesté », nous confie une source proche du dossier. Et d’ajouter : « Il a annoncé qu’il détenait des informations explosives concernant le royaume et a insisté pour décrocher un rendez-vous ». 

    Le palais a mandaté alors un avocat pour rencontrer le journaliste. Rencontre qui a effectivement eu lieu le 11 août dernier et durant laquelle Eric Laurent est allé droit au but. « Vous savez que Catherine Graciet ne porte pas particulièrement le Maroc dans son cœur », a lancé Eric Laurent à l’avocat marocain. « Elle détient des informations cruciales concernant le Maroc qui vont être révélées dans un livre que nous écrivons ensemble. S’il vient à être publié, ce livre risque de déstabiliser le royaume », a-t-il poursuivi avant de proposer de convaincre Graciet d’abandonner ce projet moyennant la somme faramineuse de 3 millions d’euros. 

    Bien évidemment, il n’était pas question d’acheter le silence de quiconque pour les autorités marocaines « et encore moins de céder au chantage de deux raquetteurs ». Une plainte a été alors déposée suite à laquelle le parquet de Paris a autorisé une enquête en mobilisant les moyens de surveillance. 

    C’est ainsi que la deuxième rencontre du 21 août entre l'avocat du palais et Eric Laurent, qui s’est déroulée sous surveillance policière sur ordre du parquet de Paris, a été totalement enregistrée et filmée. Et les propos tenus par l’auteur de « Les mémoires d’un roi » ne laissaient aucune ambiguïté quant à sa tentative de racketter le chef de l’Etat. « Dans l’enregistrement, on voit et on entend clairement le journaliste réitérer son offre de mettre de côté ce projet de livre contre 3 millions d’euros, nous confie notre source. En le visionnant, le parquet de Paris n’a pas hésité un seul instant à ouvrir une information judiciaire ». Il ne restait alors plus que de tendre le piège pour établir le flagrant délit… 

    Rendez-vous a été ainsi donné à Eric Laurent et à sa complice Catherine Graciet, ce mardi 27 août, au restaurant de l’hôtel Raphael à Paris, une des tables les plus courues du 16ème arrondissement. Pour les appâter, l'avocat a expliqué à Eric Laurent que le Maroc était prêt à payer à condition de discuter le prix et de signer un engagement non seulement pour abandonner la publication du livre, mais de ne plus écrire un mot au sujet du royaume. 

    Les deux journalistes ont alors accepté l’invitation et ont passé leur temps à marchander, comme le ferait un marchand de tapis, avec l’avocat marocain. Ce dernier joue le jeu à la perfection comme le ferait un agent infiltré. Il fait parler les co-auteurs de « Le roi prédateur » pendant que le magnéto autorisé par la justice française enregistre une nouvelle fois toute la conversation. Il se met d’accord avec les deux journalistes prédateurs sur la somme de 2 millions d’euros, leur fait signer le document où ils s’engagent de ne plus parler du Maroc et leur remet chacun une enveloppe blanche contenant la somme de 40.000 euros. Autant de pièces à convictions qui sont saisies sur le duo Laurent – Graciet quand ils sortent du restaurant. 

    Désormais les deux journalistes sont poursuivis pour « chantage et tentative d'extorsion de fonds » et risquent gros. Pour défendre les intérêts du royaume, le dossier a été délégué à Maître Eric Dupond-Moretti. C’est lui d’ailleurs qui a révélé cette affaire au micro de RTL. 

    Mohamed Chakir Alaoui

     

  • CULTURE & HISTOIRE • Luminessences d'Avignon : quand les murs parlent

     

    Par Richard de Seze*

    Richard de Seze partage son émerveillement pour la ville d'Avignon, narrée par le spectacle de son et lumière Luminessences qui a lieu du 12 août au 3 octobre 2015 au Palais des Papes d'Avignon. Allez-y donc, vous qui habitez la Provence et les terres voisines ou vous qui y passez. C'est notre conseil.  LFAR  

    En Avignon, les murs du Palais des Papes parlent. Ils racontent leur histoire : les Papes et Jean Vilar, Mistral et les Rois, Avignon et la Mort. Ils racontent ce qu'ils ont vu et abrité, du plus magnifique au plus sordide, du plus incroyable au plus beau. Loin de mettre à plat l'histoire, de niveler les époques, d'effacer les références, ils parlent avec la tranquille assurance de leurs sept siècles d'existence, sacrifient volontiers l'écume des dernières années pour se concentrer sur ce qui doit être inoubliable, sur ce qui doit être sauvegardé. Comme le dit Jaccottet,

    « L'ouvrage d'un regard d'heure en heure affaibli

    N'est pas plus de rêver que de former des pleurs,

    Mais de veiller comme un berger et d'appeler

    Tout ce qui risque de se perdre s'il s'endort. »

    Réveillés en 2013, sortis de leur torpeur, les murs ne rêvent plus mais font pleuvoir sur les spectateurs un déluge d'images et de sons, comme s'ils avaient décidé de restituer en à peine trois quarts d'heure la quintessence des siècles où Avignon florissait. Dans la cour, chaque mur se fait écran mais aussi fenêtre ouverte sur ses trésors. Ils racontent leur construction, ils montrent les manuscrits, ils évoquent les fantômes, ils peuplent chaque mètre carré de figures, de couleurs, d'animaux qui bondissent, d'arbres qui s'épanouissent et d'immenses queues de paon ; les étoiles pleuvent, le feu jaillit, les eaux montent. Un bleu céleste qui n'a rien à envier à Chartres transforme chaque paroi en page cependant que chaque fenêtre est soulignée d'arabesques et supporte un saint, un archer ou un lion: des partitions dorées relient les miniatures qui ont pris vie et la musique éclate.

    Les Luminessences sont un spectacle immersif d'une qualité rare. La technique de la projection vidéo est transcendée, avec des images d'une précision stupéfiante, appliquées avec minutie sur des reliefs de quelques centimètres. L'inventivité est permanente: les murs sont présents ou s'effacent, révèlent ce qu'ils contiennent ou s'amusent à devenir une architecture fantastique à la Piranèse, le fleuve du récit prenant plaisir à toujours surprendre en mobilisant rarement deux fois les mêmes effets. “Féérique” serait parfait s'il n'était pas galvaudé car toute la démarche ressemble à un conte, où les objets sont animés, où les visions surgissent, où les génies agissent. L'idée même d'un monument prenant la parole pour se raconter, fantasque à souhait, s'incarne dans cette narration si spéciale, qui tient à la fois de l'exposition et du film pédagogique, de l'évocation historique et du témoignage.

    Les quatre murs sont indépendants, le récitatif unifiant la perception pendant qu'on tourne sur soi-même, attentif à suivre la course d'un motif ou à découvrir ce qui se passe dans son dos. Plongés dans un bain d'images, réellement au cœur de l'action, les spectateurs passent d'Avignon sous le soleil à une bibliothèque fantastique ou à des murs qui s'écroulent. Le commentaire souligne ce qui doit être compris, n'hésite pas à être mélodramatique et insiste avec sagesse sur un devoir de mémoire, sur la nécessité de s'inscrire dans une histoire qui dépasse les spectateurs et leur présent. Un enseignement et une émotion que peuvent partager cette année les touristes étrangers puisque le spectacle leur est proposé en anglais trois fois par semaine, une attention rare et pourtant si nécessaire.

    Les spectateurs - les participants, plutôt, car on ne peut se contenter d'être spectateur - comprennent tous la leçon et ce qui a été réveillé et suscité ne risque plus de se perdre. Ils portent désormais en eux le Palais qui les a accueillis, la France, Avignon, sa foi et ses papes. C'est ce que vise explicitement le créateur, Bruno Seillier, attentif à souligner le ciment spirituel de cette aventure de pierres. Cofondateur d'Amaclio, qui produit et réalise ce spectacle, il vise toujours à toucher le cœur et à solliciter l'intelligence. Au total, avec La Nuit aux Invalides et Les Ecuyers du Temps à Saumur, dont il est également l'auteur, il a séduit et convaincu plus de 330 000 spectateurs en 3 ans. Car la sensation d'émerveillement ne doit pas s'arrêter (et ne s'arrête pas) aux effets, elle doit en pénétrer les causes. Embrassant sept siècles, le texte d'Avignon réussit à exposer les racines, historiques et religieuses, sans pour autant en figer le développement: la magie du lieu, révélée en 1947 par Jean Vilar, est présentée comme le juste prolongement de son génie spécifique, lentement distillé et transformé pourvu que les hommes en aient conscience. Chesterton évoquait « La tradition [qui] signifie donner des votes à la plus obscure de toutes les classes, à nos ancêtres. C'est la démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite et arrogante oligarchie de ceux qui n'ont fait que de naître .» Les Luminessences retissent un lien social aussi précieux qu'oublié: celui qui nous lie à notre passé et peut étoffer notre présent.

    Les Luminessences d'Avignon, tous les soirs du 12 août au 3 octobre 2015 au Palais des Papes d'Avignon, www.lesluminessences-avignon.com 

    * Richard de Seze    

    Richard de Seze, consultant en communication dans une agence parisienne, fait partie du groupe Jalons. Il est le co-auteur, avec Basile de Koch, du Cahier de vacances catho, paru en 2015 aux éditions du Cerf.       

     

  • HISTOIRE • 20 h 55 MARDI, SECRETS D'HISTOIRE : Louis XIV, l'homme et le roi

     

    Ce sont deux émissions de Stéphane Bern que l'on pourra regarder mardi prochain sur France 2. Deux évocations successives de Louis XIV à l'occasion du trois-centième anniversaire de sa mort. Il y en aura d'autres, dans les semaines et mois qui viennent, par exemple sur Arte qui en annonce une série. L'on apprécie plus ou moins les réalisations de Stéphane Bern selon qu'on considère l'ampleur de son travail de vulgarisation - indéniablement positive - de notre Histoire, particulièrement celle de l'Ancien Régime, ou que l'on s'agace de ce qu'il apparaisse superficiel, qu'il ait le don de peopleliser tout ce qu'il touche, bref, que son style et ses façons déplaisent. Chacun jugera. Mais nous ne pouvons que conseiller à nos lecteurs de regarder les deux émissions dont voici la bande-annonce et les présentations. 

     

     

    Dans une première émission "Louis XIV, l'homme et le Roi", Stéphane Bern nous fait découvrir pas à pas l'itinéraire fascinant du Roi-Soleil, son enfance, sa prise du pouvoir, sa conception de l'Etat et de la monarchie absolue de droit divin qu'il entend incarner, ses batailles, nombreuses, ses amours, tumultueuses, et son goût tout aussi passionné pour les arts, l'architecture, les jardins, la musique ou la danse...

    Tout cela constitue l'héritage de Louis XIV qui est considérable. Il va inspirer des souverains comme des artistes un peu partout dans le monde. Et certains de ses choix ou de ses décisions vont avoir des conséquences politiques bien après son règne et même jusqu'à nos jours !
    Le château de Versailles vous ouvrera ses portes pour évoquer son créateur. Mais nous ferons revivre aussi pour vous des lieux disparus et chargés de symboles comme Marly, le château de Clagny, le Trianon de Porcelaine ou la Ménagerie Royale !

    Grâce aux témoignages des historiens les plus reconnus et à la visite de ces chefs d'œuvre du patrimoine, c'est Louis XIV dans son intimité que vous allez rencontrer.

    Et pour que le portrait soit complet, le grand  comédien Jacques Sereys a accepté d'endosser les habits du monarque pour vous faire entendre tout au long de cette émission la pensée de Louis-le-Grand... Grâce à ses propres confidences, aux mémoires de Saint-Simon ou aux lettres de la Princesse Palatine, il nous est possible de restituer le raisonnement très personnel de ce roi qui va régner sur la France pendant 72 ans !

    Il y a exactement 300 ans, le 1er Septembre 1715, le roi Louis XIV rend son dernier soupir, au château de Versailles, dans l'extraordinaire monument qu'il dédie à sa gloire et au rayonnement de la France.

    Dans un deuxième épisode de SECRETS D'HISTOIRE diffusé juste après "Louis XIV, l'homme et le Roi", Stéphane Bern vous entraine au château de Versailles, le 1er septembre 1715. 

    Dans sa chambre au centre du palais, le vieux roi Louis XIV se meurt. Il a 77 ans. Avec lui prend fin, il y a exactement trois cents ans, l’un des plus longs règnes de l’histoire. 

    De ses maladies et ses médecins (c'est beaucoup dire…) à sa longue agonie et ses funérailles grandioses, de la bataille rangée autour de son testament à son bilan contesté, sans oublier les frasques de la régence qui s’annonce, Stéphane Bern et Secrets d’Histoire nous dévoilent ce qui fut le dernier grand spectacle du roi-soleil. Un moment crucial, que beaucoup considèrent comme l’un des actes de naissance de notre France moderne…