La Gauche est morte ...
... Ou : comment les soubresauts qui agitent la gauche s’expliquent fondamentalement, et uniquement, par son échec intellectuel et, ce qui revient au même, par le non renouvellement de sa pensée (1) : la Gauche reste sans voix devant l’échec planétaire de l’idéologie qui était son fond de commerce; et elle n’a plus rien de neuf non plus à proposer pour répondre aux grand problèmes de l’heure.....
La chute du communisme semble avoir clôturé le cycle des révolutions ouvert en 1789 et ruiné l’idéologie révolutionnaire (photo : départ grotesque, dérisoire et sans gloire d'une statue de Lénine déboulonnée...). De ce fait, la gauche (et, plus largement d’ailleurs, la république française…) dispose-t-elle encore aujourd’hui d’un fondement, d’une légitimité idéologique ?
Que voit-on en effet à gauche ? Julien Dray en appelle à un « sursaut moral » pour éviter la scission (des scissions ?.....) au PS. Marie George Buffet veut « changer sans se perdre », sans dire exactement ce qu'elle va changer et pourquoi elle risque de se perdre. Besancenot se radicalise et retourne à ses fondamentaux les plus éculés (« Ce qu’il nous faut, c’est une bonne vielle révolution… ») ; or, on sait bien que radicalisation est toujours synonyme de faiblesse, intellectuelle ou morale.
D’où vient tout ce barouf à gauche ? Tout simplement, de ce que le marxisme s’est effondré. Il a été rejeté en Russie ; conservé dans la forme en Chine, mais totalement récupéré par le centralisme nationaliste et patriote de Pékin, vidé de toute substance idéologique et mis au service exclusif de la politique traditionnelle, reprise et héritée des empereurs ; et ne tient que par la force d’inertie que procure une militarisation et une policiarisation outrancière de la société à Cuba, au Viet Nam et dans ses derniers bastions résiduels.
Cet effondrement du marxisme, qui se voulait la quintessence, l’aboutissement de la révolution commencée à Paris en 1789/1793, poussée encore plus loin par la révolution d’octobre en Russie et le marxisme léninisme, pose une question : est-il encore possible, est-il encore tenable d’être révolutionnaire ? L’échec total et fracassant de leur utopie (« L’orient rouge est délavé » (2), dit Julliard) , laisse toute la Gauche sans voix, sans plus aucun discours et dans la plus grande indigence intellectuelle qui soit . Elle est là, la cause du marasme et du barouf de la gauche : ne sachant plus que penser, ne pensant plus, peut-elle encore vivre ? va-t-elle encore vivre ? Les idées de la Gauche ayant fait naufrage, la gauche institutionnelle fait maintenant naufrage. Après un temps de latence naturel, du à la simple inertie des choses : quoi de plus naturel au fond, de plus normal ?
Notons que ce problème vital posé à la gauche est aussi posé, d’une certaine façon, à la droite : si celle-ci se rattache peu ou prou au système - notre république étant bien évidemment l’héritière directe de cette révolution qui vient de s’effondrer - que peut-elle prétendre apporter comme réponse –du moins comme réponse crédible…- aux problèmes actuels ?....
Nous vivons décidemment une époque épatante ! pensez donc : la fin d’un cycle, la fin du cycle !
(1) Voir les notes « La réflexion de Jacques Julliard » (1,2 et 3) et « Propositions pour une autre manière de penser le politique » dans la Catégorie « Gauche : de Mai 68 à la fin d’un cycle ».
(2) : Il faut toujours en revenir à cet extra-ordinaire article de Jacques Julliard –qu’on ne se lasse pas de re lire- du 2 Août 2007 (numéro 2230) :
"Il y a longtemps que le PS a cessé de penser et de croire ce qu'il raconte. Depuis 1989 au moins, date de la chute du Mur, la gauche tout entière est malade, parce qu'elle n'a pas su analyser ni tirer les conséquences de ce qui s'est passé." ; "...parce que, qu'on le veuille ou non, le socialisme (comme la Révolution, au dire de Clémenceau) est un bloc ! que le communisme a été pendant près d'un siècle l'horizon d'attente du mouvement ouvrier tout entier." ; "...on dira encore que tout cela est de l'histoire ancienne et que la jeunesse d'aujourd'hui a d'autres soucis. Erreur ! On ne vote jamais sur un programme, on vote sur une pensée, et même sur une arrière-pensée. Il n'est pas besoin de relever la tête bien haut pour savoir que l'horizon est bouché, que l'orient rouge est délavé, que le soleil levant s'est drapé de deuil. Or le fait est que jamais les socialistes ne nous ont donné une analyse convaincante de ce qui s'était passé, qui engageait pourtant la vision qu'ils se faisaient de l'avenir..." ; "...rien qui nous explique pourquoi l'un des plus beaux rêves de l'humanité s'est transformé en un immense cauchemar...;...s'agit-il d'un vice intrinsèque?".