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Rechercher : La technocrature, maladie sénile de la démocratie, par Philippe Germain.

  • Bernard Maris, amoureux de la France, vu par Jean-Philippe Chauvin

     

    Et si on aimait la France ? Pour autant, tout n'en serait pas réglé aussitôt. Mais ce pourrait être, en effet, pour la France, le socle d'un recommencement.  LFAR

     

    arton8470-7b8cd.jpgAimer la France est une passion que certains voudraient aujourd'hui éradiquer comme une maladie honteuse : or, il n'y a pas de honte à aimer, et aucune à aimer la France en particulier, cette particulière historique qui, Français, nous est propre, nés que nous sommes sur sa terre et inscrits dans son histoire et son présent. D'autres n'ont pas cette chance natale mais viennent y frayer, parfois s'y joindre et, par leur amour nouveau qui lui redonne toujours quelques couleurs supplémentaires, confirmer la belle formule de Bainville : « Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation. »

    Assassiné en janvier dans les circonstances que l'on sait, l'écrivain Bernard Maris, à qui l'on doit quelques textes forts de dissidence économique et une très belle étude sur Genevoix et Jünger, laisse en héritage un livre qui va paraître ces jours prochains et qui s'intitule « Et si on aimait la France » : les longs extraits publiés dans l'hebdomadaire Marianne cette semaine (17-23 avril 2015) dévoilent quelques aspects de cet amour vrai pour une France qui, si nous n'en voyons pas tous les mêmes attraits et n'en sommes pas tous amoureux de la même manière, n'a jamais cessé d'inspirer les plus nobles sentiments et, parfois, les actions les plus folles. 

    S'il n'apprécie guère le Maurras de la « divine surprise », il n'en rend pas moins hommage à bien d'autres qui peuvent agacer les Bernard-Henri Lévy et Fleur Pellerin, par exemple, ces cuistres actuels de la « culture de gôche » qui prônent le libéral-nomadisme et refusent l'enracinement. A ceux-là, Maris préfère « les historiens dits de droite, de Bainville à Tocqueville en passant par Pierre Chaunu et Patrick Buisson ». Il poursuit : « Je lis même courageusement le Dictionnaire amoureux de la France de Tillinac, sympathique Gault et Millau de la franchouille, avec Cyrano et d'Artagnan, et Jeanne la Bonne Lorraine, et les nichons de la Pompadour qui donnèrent forme à nos coupes de champagne », et rappelle qu'il a connu « des Français pleins de gaieté. Authier, Lapaque et leur bande, par exemple ». « Et si j'écrivais pour eux ? Pour les désespérés si drôles ? Houellebecq, Cabu, Reiser, Cioran ? » En fait, Bernard Maris écrit pour beaucoup d'autres et, en particulier pour tous les Français et ceux qui, même loin d'elle, aiment la France. 

    Il nous rappelle aussi que cet amour de la France n'est la propriété privée de personne mais la possibilité publique de tous : que des anarchistes, que l'on croit parfois sans attaches, soient des passionnés de la France ne nous surprend pas, nous qui avons jadis lu Proudhon et qui savons que ce sont aussi (et entre autres) des anarchistes espagnols qui participèrent, sous les ordres du monarchiste Leclerc, à la Libération de Paris ! Ainsi, Maris évoque, par exemple, François Cavanna comme l'un des « plus grands défenseurs de la France (…), anarchiste, fils de maçon immigré italien, fondateur de Hara-Kiri puis de Charlie-Hebdo, rat d'archives et grand connaisseur de la période des rois dits fainéants, incroyable goûteur et apprêteur de la langue, ennemi radical du point-virgule que j'adore, et le meilleur conteur de l'histoire et de l'architecture de Paris. » 

    La France aimée, y compris de ceux qui n'y sont pas nés et qui valent mille fois mieux, bien souvent, que ces libéraux mondialisés de type Pascal Lamy ou Pierre Moscovici, ces salopards en costume qui méprisent notre pays, « trop petit » selon eux, ou « trop irréaliste » ! Bernard Maris vante ainsi « Mustapha, algérien, correcteur de son métier, immigré, Mustapha dont la syntaxe est tellement parfaite qu'il en remontrerait au Bon Usage – fait par un Belge, si j'ai bonne mémoire. » Et l'on pourrait y ajouter Max Gallo, Andreï Makine, ou Milan Kundera et, bien sûr, Léopold Sedar Senghor ! 

    Maurras parlait de la déesse France : elle est, en tout cas, notre éternelle passion, et nous aimons qu'elle soit aimée des nôtres et des autres... 

     

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Mépris, grossièreté, obséquiosité et surtout manque de courage en tout genre…, par Philippe Bilger.

    Je suis prêt à subir les foudres de ceux qui ne comprendront jamais qu’il n’y a pas de petits sujets. Rapprocher des événements même de nature très inégale peut être une incomparable source d’enseignement. Ce seront donc mes quatre leçons sans : d’ à Lecoeuvre, en passant par l’Algérie et .

    7.jpgPar ordre décroissant de gravité.

    Double mépris, en , de Recep Erdogan à l’égard de l’Europe et de la valeur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    Le président du Conseil européen Charles Michel est installé sur une chaise dorée à côté de lui tandis que Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, demeure d’abord interdite, avec un “hum” d’attente, avant de devoir aller s’installer quelques mètres plus loin sur un canapé, face au ministre des Affaires étrangères.

    Charles Michel avait le choix entre trois attitudes honorables : quitter tout de suite les lieux avec Ursula von der Leyen, exiger une autre chaise dorée ou, au pire, laisser sa place à cette dernière et ostensiblement rejoindre le canapé. Il a opté pour une quatrième, déshonorante. Il n’a pas bougé et a laissé faire.

    Le double mépris d’Erdogan a gagné. Scandaleux manque de courage.

    Le voyage du Premier ministre Jean en Algérie a été annulé au dernier moment par les autorités algériennes parce qu’elles considéraient que la délégation française était trop chiche.

    Grossièreté qui montre que la propension française à la repentance historique à sens unique non seulement est traitée à la légère mais engendre une situation pire qu’avant : notre faiblesse emplie de masochisme délie l’Algérie de toute courtoisie diplomatique. Normal : délétère manque de courage.

    Quelques outrances liées au président de la République. On pourrait en rire si elles ne faisaient pas pleurer la démocratie. Un “léchomètre à – Top six des plus beaux fayotages du quinquennat” a permis à Marianne de faire un classement dans ce registre qui n’est pas entravé par notre monarchie républicaine mais au contraire amplifié. On trouve, pour ces éloges défiant toute mesure, Jean-Michel Blanquer, BHL, Christophe , Frédéric Mitterrand, Bruno Le Maire et Richard Ferrand.

    Difficile d’établir une hiérarchie. Il paraît qu’Emmanuel Macron s’est lui-même offusqué du dithyrambe de Blanquer. Pour une fois BHL n’est pas le plus flagorneur. Castaner fait fort mais le vainqueur me semble devoir être Richard Ferrand qui trouve le moyen de célébrer Emmanuel Macron comme une synthèse exemplaire de tous les présidents de la Ve République.

    Navrante obséquiosité. Pas assez de courage pour rester dans la dignité et la plausibilité des appréciations.

    Ceux qui jugent que je dis parfois trop de bien – il m’arrive aussi d’écrire ou de proférer du mal puisque je déteste les hostilités et les adhésions en bloc – du Président se rendront compte que je reste modéré !

    Enfin Fabien Lecoeuvre. Un épisode dérisoire mais très révélateur de l’abaissement au quotidien. Ce producteur et chroniqueur très bavard a qualifié une chanteuse que je ne connaissais pas, Hoshi, “d’effrayante” en vantant l’apparence d’autres artistes.

    À cette goujaterie il aurait été simple de répliquer, si on déniait le droit et la liberté de Fabien Lecoeuvre à une telle expression, par une réaction personnelle du même type, “tu t’es regardé !”, ou même plus vigoureuse. L’affaire se serait arrêtée là et on n’aurait pas consacré tant de temps à cette péripétie ridicule.

    Mais c’était sans compter sur les réseaux sociaux qui ont ajouté une indignation hypertrophiée à ce minuscule incident.

    Comme cela est trop habituel, Fabien Lecoeuvre s’est excusé, a été suspendu “provisoirement” d’Europe 1 et a fait preuve d’une repentance sur le mode d’un procès stalinien au petit pied. Se couvrant de cendres, il a déclaré que “ses propos sont inadmissibles et indignes de l’amour que je porte à la chanson française“. C’est bien pire que l’avoir définie comme “effrayante” : cette contrition lâche et pompeuse est le signe sombre de ce qu’on a fait de l’humain.

    Cette absence de tout courage, qui en l’occurrence n’assume pas et se flagelle, est déprimante.

    Car le courage est bien la vertu qui manque à ces quatre leçons sans frontières : il faut les apprendre toutes.

     

    Philippe Bilger

    Magistrat honoraire
    Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
  • Tout sauf se moquer de Cyril Hanouna !, par Philippe Bilger.

    Les quelques échanges que j'ai eus fortuitement ou non avec Cyril Hanouna (CH) ont toujours été sympathiques et chaleureux et, puisqu'il faut le préciser à son sujet, je le sais intelligent. Invité deux fois dans son émission, à dire vrai j'ai été heureux de l'annulation : je m'y serais senti mal à l'aise. 

    7.jpgMais je prends au sérieux CH et ne sors pas la dérision dès qu'il parle ou donne son opinion. Et je lui ai offert et offre, sur mon blog, une adhésion ou une contradiction quand ses propos le méritent.

    Un député LREM, Saïd Ahamada, l'a mis en cause parce qu'il avait invité un dealer dans son émission. CH lui a répondu vertement, grossièrement et, plus gravement, sur un mode qui ne peut que favoriser un populisme politique qu'en général il dénonce.

    L'un de ses chroniqueurs est également un ex-dealer - "je n'avais pas le choix, j'étais en galère", justification avec laquelle je suis en total désaccord - mais le député LREM, ciblant le dealer invité, a appelé les médias à la responsabilité et saisi le CSA sur ce point.

    CH s'est autorisé notamment ces termes particulièrement insultants: "Ces mecs qui ne font rien, qui sont derrière leur bureau, qui prennent leur oseille de député et qui ne foutent rien de l'année, et ils viennent nous gonfler !" (Morandini).

    Ces propos sont doublement condamnables.

    D'abord je peux comprendre cet élu qui est scandalisé par la présence d'un dealer dans une émission suivie par de nombreux téléspectateurs, notamment de la jeune génération. Donner une telle visibilité médiatique à un délinquant est offensant pour tous ceux qui se battent contre le fléau de la drogue. D'autant plus que ces derniers jours ont montré à quel point l'usage de drogue et le trafic induit de petite ou de vaste ampleur qui en résulte, sont à la source d'une part importante de la délinquance.

    CH affirme qu'il s'agit d'information. D'une part on peut douter du caractère nécessaire du témoignage d'un dealer alors que mille solutions honorables existent pour se renseigner sur ce sujet. Dans tous les cas, présenter ce dealer comme une personne ayant naturellement droit de cité dans une telle émission est une faute.

    Certes ce n'est pas la première fois que je remarque la propension de certains médias à être attirés, voire fascinés par la délinquance ou la criminalité, comme s'il convenait de projeter de la lumière sur ces malfaisances en offensant les victimes qu'elles ont engendrées.

    Le ton navrant dont CH a usé représente une déplorable synthèse démagogique de tout ce qu'on charrie de pire sur la classe politique. C'est un ramassis d'inepties offensantes. CH qui a parfois mené des combats estimables en étant hostile à tout ce qui favorisait une démocratie de mauvais aloi, une République indigne, se livre à un exercice qui contredit en l'occurrence ses bonnes intentions.

    Insulter ce député comme il l'a fait n'était pas décent et on peut regretter qu'ainsi il ait conforté ses adversaires dans leur appréciation négative. J'ai par exemple entendu dans les Vraies Voix de Sud Radio le 3 septembre des interventions lui reprochant de ne savoir faire que du buzz et jugeant donc inutile toute contradiction, ne croyant pas qu'on puisse lui faire entendre raison.

    Je pense l'inverse. Il ne faut rien lui passer précisément parce qu'il a du talent, de la gouaille et de la vivacité et que lui rappeler à la fois la politesse et la honte d'un dealer médiatique n'est pas inutile.

    J'ai cru relever une étrange tendance qui ne cesse de s'amplifier : il faut avoir été ancien délinquant ou criminel pour informer sur la justice, communiste pour avoir le droit de vitupérer le communisme, curé pour dénigrer l'Église, salarié pour maudire l'entreprise, policier pour accabler les forces de l'ordre. On ne croit que ceux qui, au-dehors, sont prêts à maudire ce qu'ils ont quitté.

    Il n'était pas nécessaire que ce dealer vienne donner des leçons d'immoralité. Le député LREM, une personnalité, elle, parfaitement honorable, a eu raison de s'indigner.

    Source : https://www.philippebilger.com/

  • Philippe Bilger : « Marseille: une négligence professionnelle de la préfecture du Rhône »

     

    Par   

    L‘attentat de dimanche aurait pu être évité si le tueur n'avait été relâché par la préfecture du Rhône, estime Philippe Bilger. [Figarovox, 4.10]. Il plaide pour un renforcement des contrôles professionnels et arrêter de croire que les lois nouvelles remplaceront les actes. Il plaide surtout pour que la France retrouve le simple courage ! LFAR

     

    547261786.jpgSentinelle a heureusement évité à Marseille, en tuant l'assassin, d'autres victimes que les deux malheureuses jeunes femmes. Qui pourrait discuter l'utilité de cette force de surveillance, de vigilance et de riposte ? 

    Qui pourrait douter de la nécessité de voter au plus vite le projet de loi antiterroriste qui ajoute des armes à l'état de droit en maintenant celui-ci à la pointe extrême de ce qu'une démocratie peut se permettre d'accepter ?

    Si je confirme mon adhésion à cette présence militaire si efficace en l'occurrence et aux futures dispositions législatives qui sont attendues par le peuple français - son approbation vaut bien la contestation des universitaires et des juristes qui les récusent -, cela tient à un sentiment que j'ai éprouvé régulièrement face aux crimes terroristes.

    Depuis l'affaire Merah jusqu'à toutes celles qui ont endeuillé, au fil du temps, la France, l'Etat s'est immédiatement et spontanément projeté, après chaque désastre, dans des inventions législatives.

    Parce qu'il y croit et qu'il espère d'elles une plus grande sûreté et une répression plus rigoureuse contre les assassins. Et qu'il éprouve le besoin légitime de répondre à l'attente explicite des citoyens.

    On n'a pas à se moquer de ce prurit venant poser sur le chagrin collectif comme une consolation vigoureuse et mieux armée pour demain.

    Il n'empêche que la France abuse de la pratique législative qui vise à faire croire en certaines circonstances qu'on agit, que la loi peut devenir un substitut au véritable accomplissement.

    En amont de chaque processus criminel, si on voulait bien analyser dans le détail en n'ayant pas peur de pointer les responsabilités et les défaillances, on s'apercevrait qu'à chaque fois des comportements humains, professionnels, techniques n'ont pas été à la hauteur de ce qu'ils auraient dû inscrire dans la quotidienneté. Dans la chaîne de l'excellence, un maillon a sauté et tout s'est délité. Et, en définitive, le paroxysme de l'horreur est atteint.

    Il n'est pas une de ces terrifiantes affaires où à sa source on n'ait pas été confronté à une incurie, une négligence, une coordination lacunaire ou absente.

    Pour le double crime de Marseille, la police pourrait à Lyon être questionnée sur ce plan mais surtout la préfecture du Rhône qui n'a pas permis que la rétention du tueur puisse être édictée le samedi 30 septembre. Ce qui aurait empêché la double monstruosité sur laquelle on verse des larmes et des torrents d'indignation.

    Mais au risque de choquer, le pouvoir politique a moins peur en France de faire voter des lois que d'exercer un redoutable contrôle professionnel sur tous ceux qui à un moment ou à un autre ont failli et donc, sans le savoir, fait surgir le pire.

    Il convient de perdre l'habitude de pourfendre des abstractions pour n'être pas obligé de sanctionner des coupables. Adopter une telle démarche reviendrait à changer d'esprit, de méthode et de courage.

    Les massacres ne sont pas forcément facilités par de mauvaises lois. Mais, le plus souvent, par des hommes ou des femmes qui ont fait dévier, par insuffisance, incompétence, légèreté, le cours de notre destin collectif vers l'innommable.

    Rien de ce qui est proprement humain n'est étranger à la sauvagerie, à cette saleté du terrorisme.

    Il faudrait être doublement sans faiblesse.

    Pas dans le même registre évidemment.   

    XVMe46fa484-a8dc-11e7-8c3b-0492b00cca53-77x120.jpgMagistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, Philippe Bilger a été plus de vingt ans avocat général à la Cour d'Assises de Paris. Auteur de très nombreux ouvrages, il tient le blog Justice au singulier et a dernièrement publié Moi, Emmanuel Macron, je me dis... (éd. du Cerf, 2017).

  • L’insaisissable Édouard Philippe, par Philippe Bilger.

    Parce que plus on croit connaître l’ancien Premier ministre, plus il nous échappe. À peine a-t-on dessiné les grandes tendances de sa personnalité à partir de ce qu’il a accompli, de ce qu’il écrit, de ce qu’il dit et de ce qu’il montre qu’il nous confronte à des lignes de fuite. À la fois familier, proche mais insaisissable. 

    1.jpgPassionnant à cause de cela, même : il y aura toujours, dans son être, place pour un inconnu que nous nous acharnerons en vain à débusquer.

    Il est absurde d’insérer Édouard Philippe dans les catégories ordinaires. Il a quitté Alain Juppé parce que ce dernier a lui-même quitté ses soutiens à force de roide maladresse. Mais si Édouard Philippe a rejoint , il n’est pas pour cela un vulgaire transfuge ; il n’a pas, par exemple, le cynisme joyeux et ironique d’un Gérald Darmanin. La meilleure preuve en est que certains n’hésiteraient pas à le faire revenir dans sa originelle.

    Léger reproche : Édouard Philippe a tort de traiter avec trop de condescendance LR. Cette attitude tranche avec ce qu’il est. On n’est pas obligé de traiter mal ce qu’on a quitté pour se justifier de l’avoir fait !

    Un trait de son caractère m’a frappé. Ce sens de l’amitié qu’il a poussé jusqu’à repêcher Gilles Boyer, à l’installer à ses côtés à Matignon, à le laisser souvent s’exprimer à sa place et à cosigner un livre avec lui : Impressions et lignes claires, que je suis impatient de découvrir. Cette fidélité active ne laisse pas de me surprendre de la part d’un homme qui sait pourtant ce qu’il vaut mais éprouve apparemment le besoin de partager ce qu’il offrirait si bien tout seul.

    Cette constance mérite d’être retenue bien au-delà de cette relation si proche : difficile de ne pas l’intégrer dans l’interrogation sur son futur. Quand Édouard Philippe affirme qu’il ne damera jamais le pion à Emmanuel si celui-ci est candidat pour 2022, on ne peut évidemment que le croire.

    Un mystère occupe les esprits curieux de la chose publique et de l’avenir d’Édouard Philippe, maire du Havre. Rien n’est plus simpliste que de l’attaquer brutalement, comme Christian Jacob déclarant : « Édouard Philippe, c’est la caricature de l’incapacité à faire des réformes » (Carl Meeus, Figaro Magazine).

    Derrière l’animosité, comment tout de même ne pas s’interroger sur l’aura incontestable d’Édouard Philippe – et qui dure : elle n’a rien à voir avec le culte des absents inactifs puisque lui n’est ni l’un ni l’autre – et, à rebours, sur le passif de décisions qu’il a prises et qui ont gravement affecté le mandat présidentiel : Notre-Dame-des-Landes, la taxe carbone révoltant les , la limitation à 80 km/h et sa dureté quantitative sur le projet de loi sur les retraites. Sans paradoxe, si Emmanuel Macron n’a pas « fait » Édouard Philippe, Édouard Philippe l’a un temps « défait » ! Mais qui lui en tient rigueur ?

    Ce contraste entre une opinion qui le plébiscite et une analyse froide qui ne le surestime pas fait apparaître qu’il a noué avec les Français un lien singulier lors de ses remarquables prestations sur la gestion du Covid-19, à la fois claires, modestes et pédagogiques ; et ce n’est pas le sympathique qui dira le contraire au regard des siennes plus confuses !

    Il serait superficiel de voir en Édouard Philippe un homme dont le succès et la notoriété ne seraient advenus que grâce au président de la qui l’aurait, en quelque sorte, sorti de l’ombre. Cette perception que des députés de LREM cultivent est erronée et manque d’intuition psychologique. Ils appréhendent mal ce qu’il y a d’unique dans cette intelligence limpide, dans cette ironie de pudeur et de protection et dans cette affirmation de soi aussi éclatante qu’elle est élégante.

    Édouard Philippe n’a jamais voulu adhérer à LREM. Ce n’est pas anodin.

    Par ailleurs, à l’égard d’Emmanuel Macron, comme Premier ministre il n’est jamais tombé dans une inconditionnalité qui aurait fait disparaître son libre arbitre. Déférence soit, discrétion à l’extérieur, mais rien qui ressemble à une courtisanerie de mauvais aloi. Il ne s’est jamais égaré dans un pouvoir fusionnel. Lui à sa place, à la fois fier, indépendant et loyal. Dans la Ve République, il n’est pas si fréquent d’avoir eu un Premier ministre permettant aux citoyens, s’ils ne désiraient pas le couple en gros, de le choisir au détail.

    La preuve la plus éclatante de cette autonomie est qu’Édouard Philippe a insisté – la clarification lui semblait nécessaire – pour faire savoir que c’est lui qui avait décidé de quitter sa fonction de Premier ministre et non pas le Président qui l’aurait incité à le faire. Cette précision manifeste que, dans cette personnalité, il y a de l’orgueil et qu’elle n’a pas vocation, pour son honneur, à s’effacer en complaisant au chef de l’État.

    D’autant plus que celui-ci, dans le passé, n’a guère été élégant quand il a laissé entendre qu’Édouard Philippe était frileux à cause des menaces de judiciarisation concernant son action contre l’épidémie de Covid-19. J’avais tout particulièrement apprécié, dans un monde politique qui crache sur les procédures judiciaires, mélangeant ignorance et manque de civisme, la réaction calme et digne d’Édouard Philippe quand il avait appris la perquisition havraise le concernant – légale, mais à une heure totalement indécente.

    Emmanuel Macron se représentant en 2022, Édouard Philippe sera là où il aura décidé d’être. Il a déclaré qu’il n’avait « pas renoncé à la vie politique et qu’il aimait être aux manettes » (Le Point). Même s’il lui est arrivé, comme maire du Havre, de formuler quelques critiques sur l’action de son successeur, je n’imagine pas qu’il se départe, lors de la future , d’un soutien critique à celui qui l’a nommé Premier ministre en 2017.

    Mais gare à ceux qui pourraient être tentés de prendre Édouard Philippe pour un homme, un politique, une personnalité tout d’une pièce ! Au contraire, plus je l’écoute, plus je cherche à le comprendre, plus je bute…

     

    Philippe Bilger

    Magistrat honoraire
    Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole
  • Un procès de neuf mois, réponse au terrorisme ?, par Philippe Bilger.

    Le procès qui a commencé le 8 septembre au Palais de justice de Paris est exceptionnel à plusieurs titres (CNews).

    Par l'extrême gravité de ce que la cour d'assises spécialement composée aura à juger.

    3.jpgPar la présence d'un accusé directement impliqué dans les attentats de 2015, et en vie à cause du dysfonctionnement technique de sa ceinture explosive, dit-il.

    Par l'importance historique, politique et médiatique de ces monstruosités et de leur appréhension judiciaire à la suite d'un travail colossal du Parquet et des magistrats instructeurs.

    Par le très grand nombre de parties civiles qui espèrent que le procès leur offrira un apaisement et une vérité, même si on peut en douter.

    En effet, comme pour la criminalité ordinaire, le risque est celui d'une amère frustration parce que les accusés en général n'ont aucune envie de complaire aux états d'âme et aux attentes des plaignants. Encore davantage pour le terrorisme où il m'étonnerait fort que Salah Abdeslam n'oppose pas le poison et l'arrogance de son mutisme aux impressionnantes demandes d'explications.

    Il convient de saluer, sur le plan de l'organisation, l'infrastructure édifiée pour l'occasion et tout ce qui permettra d'assurer la plus large information possible. L'investissement a été à la hauteur de cet interminable procès qui s'annonce (Le Parisien).

    J'ai bien conscience de sortir du "judiciairement correct" en soupçonnant que ce procès de neuf mois ne constituera pas "une réponse ultime" au terrorisme (Le Monde) mais au contraire manifestera, d'une certaine manière, notre faiblesse à l'égard de groupes terroristes et d'une idéologie qui désirent profiter des garanties de notre État de droit sophistiqué pour mieux le mépriser quand ils en auront l'opportunité.

    Qui peut croire véritablement que cet immense procès et les condamnations qui en résulteront sans doute pour beaucoup auront la moindre incidence sur la psychologie et la résolution criminelle des accusés ? Ils ne sont pas dans le questionnement mais dans le terrorisme comme seule réponse. Les accusés, malgré les apparences qui pourront laisser croire à une domestication judiciaire, seront confortés par l'hommage pervers d'une procédure aussi durable et raffinée mise à leur service.

    Pas davantage ce procès, quelles que soient ses conséquences, même les plus répressives possibles, ne dissuadera le terrorisme d'aujourd'hui et de demain, en train de préparer ses attaques et l'aveuglement de ses tueries, selon des modalités qui rendent difficile leur prévention ou leur éradication. Aucune chance pour que cette réponse juridique et honorable soit écoutée par des idéologues enfermés dans leur certitude et un intégrisme fier d'assassiner les mécréants.

    Pour que le procès et le droit soient une réponse, il faudrait encore qu'il y ait l'ombre d'un dialogue. Ce sont deux mondes qui ne s'affrontent même pas : l'un cherche à convaincre et à condamner, l'autre est ailleurs. Une attitude de mépris et le mépris de la Justice : rien à espérer de cette double perversion.

    De celle-ci, l'exemple le plus grossier et indécent en a été donné par Salah Abdeslam dans sa posture et ses premières répliques à l'ouverture des débats.

    En réalité, cette "réponse ultime" qui serait adressée au terrorisme et qui à mon sens est pure illusion, concerne tout à fait autre chose. C'est un spectacle tragique que notre Justice se donne à elle-même. Notre pays se regarde dans le miroir démocratique et se dit, pour les valeurs et les principes, : comme je suis bien, comme je sais être impeccable même quand on se moque profondément de moi ! Il y a une forme d'humanisme qui n'est pas loin de se réduire à un narcissisme collectif, à un masochisme pétri de bonne conscience. Nous sommes supérieurs puisque nous opposons l'arme du droit quand on nous tue au droit implacable de l'arme ! Il faudrait au moins y réfléchir.

    On pourrait me rétorquer que cette beauté gratuite de l'État de droit est ce qui fait notre honneur et que peu importe l'impact sur ceux qui ont sévi au Bataclan et sur les terrasses. Pourtant que vaut un procès qui ne peut pas s'assigner des ambitions réparatrices ?

    Je songe aux parties civiles, à ces familles qui ont perdu des êtres chers. Si on me démontre que même au regard de ces considérations, elles continuent d'aspirer à un tel procès, si long, si infiniment complexe, je m'interrogerai.

    Le coeur de ce débat est de qualifier exactement ou non la criminalité terroriste, l'islamisme meurtrier. Pour moi, ils représentent une troisième catégorie entre la criminalité et la délinquance ordinaires. Totalement et sombrement originale. Il est absurde de continuer à appliquer à ces malfaisances absolument singulières - aucune contrition affichée sinon tactique et la volonté forcenée de tuer - une grille classique. D'apposer sur une réalité qui nous échappe et nous nargue à la fois la sophistication d'un État de droit surgi dans un pays saturé de démocratie.

    Alors que la moindre des choses est de rendre la justice plus simple, plus rapide, moins naïve, moins masochiste, pour appréhender des crimes d'un type nouveau. Rien ne serait pire, pour se donner bonne conscience, que de les banaliser dans un fourre-tout pénal.

    Source : https://www.philippebilger.com/

  • La démocratie est morte en Grèce, par François Reloujac

     Depuis le début du mois de février, les événements grecs ont pris une nouvelle tournure. Au-delà des faits en eux-mêmes et quelle que soit la situation qui en résultera à court terme, il est bon de réfléchir sur leur portée et sur leurs conséquences. 

    evangelos venizelos.jpg

    Evangelos Venizelos, ministre des Finances grec, à la croisée des chemins....

            Les derniers événements grecs ont été déclenchés par la nouvelle visite des envoyés de la « troïka » (Union européenne, FMI et BCE) et des exigences qu’ils ont présentés à un gouvernement fantoche qui n’a pas su les refuser. Cette visite était elle-même dictée par le fait que la Grèce doit rembourser avant le 20 mars prochain 14,5 milliards d’euros et qu’elle ne pourra pas le faire « sans une nouvelle aide ». Traduit en français courant : la Grèce est insolvable ! Or, elle a deux types de créanciers : les créanciers publics, représentés par la « troïka », et les créanciers prétendus « privés » que sont les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance. D’un côté, le Gouvernement grec se voit obligé de passer sous les fourches caudines des créanciers publics, de l’autre, il négocie avec un unique représentant des créanciers privés pour que ceux-ci renoncent « volontairement » à se faire rembourser sans que cela n’apparaisse officiellement comme un « défaut de paiement ». En effet, comme ces crédits sont assurés, si la Grèce fait défaut, les compagnies d’assurance devront payer à sa place. Normalement, il ne devrait donc pas y avoir de difficultés pour les créanciers… mais les compagnies d’assurance ont assuré contre le risque de défaut de la Grèce des agents économiques qui n’en sont pas créanciers et personne ne sait jusqu’où le respect des contrats pourrait entraîner l’ensemble du système économique. Du coup, on exige que toutes les banques abandonnent leurs créances, y compris les banques grecques qui n’ont pas les moyens de le faire et qui devront donc être nationalisées avec des capitaux que le gouvernement grec devra encore emprunter. La Grèce est surendettée, mais les financiers internationaux ont spéculé sur sa faillite et aucun homme politique ne veut prendre la responsabilité de leur donner raison. Ce n’est pas le côté immoral de la chose qui retient les hommes politiques, c’est l’absence totale de vision des conséquences de l’opération. Résultat, on sacrifie l’intérêt des Grecs sur l’autel de la finance internationale.

     Abandon « volontaire » de créances

            Ce n’est pas la seule leçon que l’on peut tirer de ces événements. À la suite des hommes politiques, les médias font une distinction entre les créanciers publics et les créanciers privés. 

            En y regardant d’un peu plus près, il faut faire deux constatations. La première est que l’organisme chargé de négocier pour le compte de tous les « investisseurs » privés – on appelle ainsi aujourd’hui les créanciers – est une simple association à laquelle adhèrent divers établissements qui ne sont pas créanciers de la Grèce et dont tous les créanciers de la Grèce ne sont pas adhérents. On comprend pourquoi l’Élysée convoque régulièrement tous les créanciers français pour leur rappeler qu’ils doivent « volontairement » abandonner une partie, de plus en plus importante, de leurs créances.

            La deuxième observation concerne le caractère « privé » de ces créanciers. Si leur statut est bien de droit privé, encore faut-il constater qu’ils n’ont pratiquement plus aucun actionnaire privé direct et qu’ils sont dans l’immense majorité des cas dirigés – surtout en France – par des hauts fonctionnaires sortis des mêmes cénacles que ceux qui dirigent les ministères et les entreprises publiques. Depuis plusieurs années, les investissements en Bourse ne sont plus le fait de quelques particuliers fortunés mais quasiment uniquement de fonds communs de placement, fonds de pension, compagnies d’assurance ou autres investisseurs institutionnels. Peut- on véritablement qualifier de « privées » ces entités anonymes dont l’objet essentiel est de dégager des plus-values à court terme ?

            Le cas des créances sur la Grèce révèle bien qu’elles n’ont plus de « privé » que le nom : si elles étaient vraiment privées, elles auraient normalement assuré (sans plus) leurs créances et elles n’auraient rien à craindre d’un défaut de paiement de la Grèce. À l’inverse même, un abandon « volontaire » d’une partie de leurs créances, qui les priverait ainsi du bénéfice de l’assurance souscrite, constituerait au minimum un acte anormal de gestion si ce n’est un abus de biens sociaux !

            Une troisième leçon mérite encore d’être tirée. Les représentants de la « troïka » sont arrivés avec la ferme intention d’imposer un nouveau plan d’austérité. Le taux de chômage dépasse pourtant les 20 %, les salaires des fonctionnaires ont déjà été très largement amputés, les pensions de retraite diminuées, le salaire minimum garanti fortement rogné… Du coup, non seulement la Grèce n’a pas retrouvé de marge de manœuvre supplémentaire pour lui permettre de payer ses dettes, mais elle a même été bien incapable de financer totalement le coût des dites dettes (les intérêts). Vouloir imposer un tour de vis supplémentaire ne permettra pas d’en sortir, bien au contraire. 

            Cela permettra de maintenir la Grèce dans un état de sujétion jusqu’à ce qu’elle se décide enfin à vendre ses infrastructures, puis ses îles et ses monuments. Qu’un gouvernement et un Parlement se soient prêtés à ce forfait en dit long sur l’aptitude de la démocratie à défendre le Bien commun.

     Pour une relance de la production

            Ce qu’il faudrait à la Grèce c’est un plan de relance de la production (pas forcément de la consommation) qui mette les Grecs au travail, leur permettent de vendre et donc de vivre ; un plan qui surtout leur redonne espoir ! Mais cela est incompatible avec une monnaie européenne unique forte, avec la libre circulation mondiale des marchandises – qui est si favorable aux Allemands – et avec les dogmes officiels prônés par toutes les institutions internationales. Pour tout potage, les experts de la « troïka » proposent de libéraliser les pharmacies - tout en proposant de diminuer encore le remboursement des médicaments -, les taxis, les notaires… Ce n’est pas cela qui relancera l’économie grecque ni qui permettra au pays de rembourser – si cela est encore possible – une partie de ses dettes. Mais, dans le jargon des experts libéraux, « libéraliser » signifie aussi faire payer par chèque, par virement ou par carte bancaire (et non pas en espèces) de façon à obtenir une « traçabilité » des flux financiers… et à mieux faire rentrer les impôts. C’est bien pourquoi, s’il est proposé de diminuer le nombre de fonctionnaires et d’en mettre d’autres en « réserve de main d’œuvre », ce qui permettra de ne leur verser que 60 % de leur salaire, il est aussi prévu d’augmenter le nombre des contrôles fiscaux. Car il ne faut pas se tromper : ce que l’on demande aujourd’hui aux Grecs surendettés, c’est de payer plus d’impôts !

            Le plus grave dans toute cette affaire c’est que l’on présente ces mesures comme relevant d’un exercice de solidarité ayant pour but de « sauver » la Grèce. Cette Grèce qui a triché pour entrer dans l’euro, dont les enfants les plus fortunés ont délocalisés leur patrimoine, dont les élites dissimulent leurs revenus… Comme si, dans notre monde vertueux, la Grèce faisait figure d’exception ! Comment peut-on oser appeler solidarité un système qui accroît la misère de ceux qui n’ont déjà plus rien ? On ne sauvera pas la Grèce, ni demain l’Europe, si l’on ne veut mettre en place que des mesures invisibles, inodores et indolores pour ceux qui viennent en aide… surtout pour les « financiers » internationaux qui ont mis leurs biens à l’abri dans des paradis fiscaux et administratifs avec la complicité d’hommes politiques stipendiés. ■

     (Analyse économique de François Reloujac, dans Politique magazine de mars 2012, numéro 105) 

  • Jean Pierre Le Goff : « Malaise dans la démocratie » ?

     

    « L'impuissance politique est enrobée dans les bons sentiments »

    Une analyse éminemment politique mais aussi éthique, anthropologique, sociétale de notre situation française et européenne. Une analyse complète, profonde sans aucune complaisance et d'une grande pertinence. Seule l'idée que la prochaine échéance présidentielle pourrait être, pour les politiques, l'occasion de mettre fin à leurs luttes intestines et à leurs querelles d'égo « pour répondre aux exigences qu'implique l'état du pays et du monde » nous paraît ressortir davantage d'un vœu pieux mais illusoire que d'un espoir réaliste. Nous ne sommes pas sûrs que pour Jean Pierre Le Goff ce soit là autre chose qu'une clause de style.  LFAR

     

    Terrorisme, révolte dans la jeunesse, campagne antiraciste absurde, Europe impuissante, le titre du dernier livre de Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie, est plus que jamais approprié à la situation actuelle. Le sociologue et philosophe a fait le point pour FigaroVox [29.03].

    Remaniement ministériel digne d'une farce, débat sur la loi travail qui contredit totalement le programme du candidat Hollande en 2012, négociations avec la Turquie sur la crise des migrants: le titre de votre livre, Malaise dans la démocratie, n'a jamais semblé aussi approprié ….

    De quelque côté que l'on se tourne, c'est l'impression de confusion et de délitement qui domine avec le sentiment d'impuissance des États à s'attaquer aux causes des maux dont ils déplorent les effets. On réagit au plus vite pour essayer tant bien que mal de gérer des problèmes qui s'emballent : lutte contre le terrorisme, flux de migrants, Union européenne à la dérive, chiffres du chômage…, tout en ayant en vue des échéances électorales qui se rapprochent à grands pas.

    Chaque jour nous confronte à la vision d'un pays désorienté, d'une Union européenne à la dérive et d'un monde livré au chaos. Les images du flot de réfugiés et de migrants bloqués aux frontières criant leur colère renforcent l'angoisse des peuples européens : pour ces migrants, l'Europe est une terre promise quoiqu'il en soit du chômage, des différences de culture et des mœurs ; réfugiés politiques et migrants économiques se mélangent dans la plus grande confusion, sans parler des terroristes islamistes qui peuvent profiter de l'occasion. Les grands discours généraux sur la lutte contre la xénophobie, l'islamophobie, le racisme…, les leçons de morale données aux peuples européens qui craignent de voir à terme leur pays et leur culture s'en aller à vau l'eau n'y changeront rien. L'accord passé avec la Turquie d'Erdogan restera dans les annales comme un marchandage déshonorant impliquant des milliards d'euros, la possible dispense de visas d'entrée en Europe pour les citoyens turcs, la reprise des promesses de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne… pour des mesures dont la mise en œuvre et l'efficacité restent largement aléatoires. Face à l'urgence, dira-t-on, il ne convient pas de faire la fine bouche, l'Union européenne fait ce qu'elle peut en essayant de gérer tant bien que mal une situation qui paraît devenue immaîtrisable. Il n'empêche : l'irresponsabilité et les revirements de la chancelière allemande, les déclarations hautaines et méprisantes d'Erdogan envers l'Europe, son rapport pour le moins ambigu aux islamistes, sa répression contre les kurdes et les opposants… sont autant de réalités que tous les discours embarrassés des responsables de l'Union européenne ne peuvent effacer. En octobre 2015 au Zénith à Strasbourg, les partisans d'Erdogan vivant en Europe, hommes et femmes séparés, après une prière collective menée par un iman venu de Turquie, ont écouté et applaudi à tout rompre son discours guerrier contres ses opposants et ses propos méprisants sur l'Europe dénoncée et huée par la salle parce qu'elle prétendrait donner des leçons. L'Europe serait affectée par la xénophobie, l'islamophobie et le racisme, tandis que la Turquie serait le « défenseur de la vraie civilisation ». De tels propos tenus en France et sur le sol européen auraient provoqué l'indignation et la réprimande en d'autres temps. Comment ne pas se sentir humilié et continuer de croire à l'Europe quand la France et les autres pays européens ont largement fait silence face à de tels propos ?

    La politique intérieure française ne semble pas plus sortie de ce que vous appelez la « démocratie de l'informe »…

    La présidence de François Hollande représente le summum du pouvoir incohérent et informe qui ne date pas d'aujourd'hui. La façon dont on prépare et multiplie les lois, dont on avance et on recule au gré des pressions des uns et des autres, pour aboutir à des « synthèses » alambiquées qui finissent par mécontenter tout le monde constitue une sorte de modèle-type d'une « gouvernance » post-moderne qui navigue à courte vue au gré des évolutions, des événements et des groupes de pression. . La concertation, la démocratie participative, la recherche d'un compromis acceptable… ont bon dos pour masquer l'absence de tout projet clair et cohérent. La loi El Khomri qui a, entre autres, pour objectif de faciliter la négociation a comme caractéristique paradoxale d'avoir été préparée sans consultation avec les organisations syndicales, avec menace plus ou moins claire d'utiliser le 49-3, avant de revenir en arrière, pour aboutir à une « simplification » du code du travail qui risque d'être des plus complexes… Au bout du compte, tout le monde est mécontent ou insatisfait, sauf le gouvernement. Quant au projet sur la destitution de la nationalité et la réforme de la Constitution, sa nécessité et son utilité ne vont nullement de soi au regard de textes de loi déjà existants et à la mentalité djihadiste qui se fiche pas mal de se savoir français ou non. N'importe comment, on ne voit pas comment elle pourrait aboutir. L'opinion finit par ne plus comprendre au juste de quoi il est question et pourquoi on a consacré tant de temps, de débats et de polémiques pour aboutir à retirer les projets en question ou à de piètres résultats. D'où l'impression justifiée d'une politique qui fait beaucoup de bruit pour pas grand chose (« Tout ça pour ça ! ») et dont le rapport avec la réalité du pays et les préoccupations des citoyens ordinaires est de plus problématique.

    En même temps, on continue la communication personnalisée, en essayant tant bien que mal de revaloriser son image dans un souci électoraliste dont les enjeux donnent une certaine idée de l'état de la politique: qui donc sera présent au second tour des élections présidentielles face à la candidate du Front national ? Vaste débat de prospective chez les spécialistes, proportionnel à l'état de désorientation et de désespérance d'un pays qui ne sait plus qui il est et où il va.

    Le « président normal » s'efforce d'incarner la fonction présidentielle dans une situation qui semble devenue immaîtrisable, tout en se livrant à quelques selfies lors de ses déplacements et des confidences dans des journaux branchés. Le citoyen ordinaire pourra ainsi connaître en lisant le magazine Elle quelques informations sur la famille du président, sur sa vie avec Ségolène Royal où il faisait les courses ou la cuisine, s'occupait de enfants, tout en regrettant de n'en avoir pas fait davantage… De tels propos suffiront-ils à rassurer les Français sur les compétences du Président à diriger le pays ? Les féministes toujours avides d'autocritique publique dans les médias, peuvent-elles se contenter de tels propos ? Dans tous les cas, dans la perspective de l'échéance serrée qui s'annonce, il n'y a pas de petits profits électoraux. Comment dans ces conditions, ne pas désespérer de la politique ?

    Après la France, c'est le Belgique qui a été touchée par le terrorisme. Cela traduit-il une extrême faiblesse des Etats européens…

    Oui, mais la lutte contre le terrorisme islamiste radical n'est pas une mince affaire qu'on peut régler rapidement, d'autant plus que depuis des années on a dénié ou sous-estimé l'influence de l'islamisme radical, les prêches haineux dans les mosquées, le nombre de départs pour le djihad… par peur de discriminer nos compatriotes de confession musulmane, en même temps on n'a pas voulu froisser nos liens avec les pays arabes qui prônent le salafisme et avec qui on entretient des liens commerciaux. Pour avoir la paix dans certains territoires abandonnés de la République, on a laissé se développer le communautarisme islamiste avec ses discriminations et ses pressions vis-à-vis des femmes, ses dénonciations des républicains laïcs, des « traîtres » et des « collabeurs »… Au nom de la lutte contre l'islamophobie, tout un courant intellectuel gauchisant a pris le relais accusant la République, la laïcité et notre propre histoire de tous les maux, renforçant le sentiment victimaire et le ressentiment existant chez une partie de nos compatriotes musulmans. Une police de la pensée et de la parole a accusé systématiquement nombre d'intellectuels et de journalistes d'« islamophobie », faisant pression et rendant plus difficile toute critique, toute réflexion et débat sur l'islam et son adaptation difficile à la civilisation européenne, réflexion et débat indispensables à son intégration. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on paie une politique de l'autruche qui ne date pas d'aujourd'hui alliée à une mentalité angélique et pacifique qui dénie le choc des cultures et des civilisations, et ne veut pas avoir d'ennemis. Malgré tous les efforts des bien-pensants pour dénier ou sous-estimer ces problèmes, il est plus difficile aujourd'hui de « remettre le couvercle » sur ces questions comme on l'a fait depuis des années.

    Comment peut-on sortir d'une telle situation ?  

    On ne s'en sortira pas avec le rappel de valeurs générales et généreuses et de bons sentiments, mais tout d'abord, comme cela a déjà été dit, par des moyens de police et militaires qui doivent frapper comme il se doit les ennemis qui veulent nous détruire. C'est la crédibilté de l'État détenteur de la violence légitime et assurant la sécurité des citoyens qui est en question. On a compris (tardivement) qu'on ne pouvait traiter le Ministère de la défense comme les autres en le soumettant à des restrictions budgétaires drastiques, même si on peut estimer qu'on est loin du compte pour faire face aux menaces dans un monde des plus chaotiques. Mais pour que l'État puisse effectivement jouer son rôle, il faut qu'existe en même temps une opinion publique qui le soutienne fermement dans la répression nécessaire dans le cadre de l'État de droit. Les demandes d'engagement dans l'armée et la police de la part des jeunes générations traduisent de ce point de vue une nouvelle dynamique qui rompt clairement avec la dépréciation dont ces deux institutions ont fait l'objet depuis près d'un demi-siècle.

    Mais dans la jeunesse comme dans d'autres catégories de la population, existent des fractures sociales et culturelles symptomatiques des difficultés à affronter le terrorisme islamique et la guerre. Je suis frappé de ce point de vue par des similitudes existant entre les réactions aux attentats islamistes à Bruxelles et à Paris. Dans les deux cas, les attentats ont produit des effets de sidération et donné lieu à un même type d'expression publique de l'émotion et de la douleur : on allume des bougies, on se tient par la main, on dessine des cœurs, on chante la chanson Imagine de John Lenon célébrant la paix et la fraternité universelle alors que viennent d'être commis des massacres de masse. Ces réactions émotionnelles expriment une sorte de catharsis nécessaire face au terrorisme et à la barbarie, l'indignation et la douleur d'un peuple qui pleure ses morts et proclame son refus du terrorisme. En même temps, l'unité et la solidarité ne peuvent seulement s'exprimer dans l'émotion et à la douleur partagées. Si nous voulons faire face et combattre efficacement nos ennemis, il s'agit de comprendre comment de tels actes ont été rendus possibles et le fanatisme islamiste qui leur est inhérent En d'autres termes, le terrorisme et l'islamisme radical n'ont pas surgi de nulle part et force est de reconnaître que ceux qui commettent ces actes barbares sont des citoyens des pays européens. Voilà ce qui est peut-être le plus difficile à admettre parce que cette question nous renvoie aux faiblesses internes des démocraties européennes, au refus d'affronter des réalités dérangeantes en essayant tant bien que mal de les masquer, comme pour mieux se rassurer en se croyant à l'abri des désordres du monde.

    Manuel Valls vient d'appeler clairement les pays de l'Union européenne à en finir avec l'angélisme. Il est temps. Mais encore s'agit-il en même temps de comprendre pourquoi et comment un tel déni des réalités et un tel angélisme ont pu se développer depuis des années. Comme je le souligne dans mon livre, cela pose le problème du bouleversement du terreau éducatif et sociétal des démocraties européennes, bouleversement qui a abouti à la dépréciation de leur propre histoire et à la mésestime d'elles-mêmes, au profit d'un multiculturalisme invertébré et sentimental qui a le plus grand mal à reconnaître qu'existe une pluralité des peuples et des civilisations. C'est une mentalité nouvelle qui a vu le jour pour qui la démocratie est devenue synonyme de relativisme culturel, la nation de xénophobie et de racisme, l'Europe et l'Occident étant eux-mêmes considérés, peu ou prou, comme les responsables de tous les maux de l'humanité. Les guerres, les totalitarismes et la shoah, le colonialisme… se sont trouvés intégrés dans un récit de plus en plus dépréciatif de notre histoire et la critique salutaire de l'ethocentrisme européen a versé dans un règlement de compte qui n'en finit pas. En contrepoint, les autres peuples du monde peuvent être considérés comme porteurs de vertus qui nous font défaut. La façon dont aujourd'hui on considère les « peuples premiers » comme des écologistes avant l'heure, voire porteurs de spiritualités indispensables à notre bien-être, est particulièrement révélatrice du grand retournement qui s'est opéré dans notre rapport aux autres peuples du monde.

    C'est précisément cette nouvelle mentalité qui s'est trouvée percutée et désarçonnée par le terrorisme islamique, sans pour autant être en mesure de comprendre ce qui est arrivé, parce que cette mentalité s'est formée dans une époque où la France et les sociétés démocratiques européennes se sont déconnectées de l'histoire et du tragique qui lui est inhérent.

    « Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux. », écrit Musset en 1836. En 2016, on a également le sentiment d'assister à la fin d'un monde…

    Nous vivons la fin d'un cycle historique où nombre de schémas de pensée et de façon de faire de la politique se décomposent à grande vitesse avec le sentiment partagé par beaucoup que cette période de décomposition n'en finit pas de finir. C'est toute une façon de faire de la politique au gré des évolutions, sans stratégie et sans vision, dans une logique de réactivité et d'adaptation à courte vue qui est en question. Le déni du réel, la réactivité et la fuite en avant s'accompagnent d'un discours victimaire et compassionnel qui enrobe l'impuissance politique dans des valeurs généreuses et des bons sentiments, en essayant de cette manière compassée et compassionnelle d'incarner l'unité d'un pays désorienté et morcelé. La réactivité et la compassion dominent sur fond d'impuissance de proclamation insipide des grands principes, de coups de menton, d'indignation surjouée et de petits calculs électoraux. Au vu de tout cela, les citoyens ordinaires ont des raisons de ne plus croire à la capacité du politique à agir sur le réel et redonner confiance dans l'avenir. Face à un État incohérent qui navigue à vue, dit une chose et son contraire, avance et recule au gré des groupes de pression et des clientèles électorales, les citoyens désorientés perdent confiance dans la politique, se replient sur leurs réseaux et leurs communautés d'appartenance dans une logique de repli sécuritaire et de défense de leurs propres intérêts catégoriels.

  • Attention, la démocratie aussi peut être « euthanasiée » !, par Christian Vanneste.

    L’Etat totalitaire procède de l’idéologie et du fanatisme quasi religieux qui l’accompagne. La dictature, elle, ne repose pas sur la ferveur des militants, mais sur l’assentiment de la masse. Celui-ci est engendré par la peur face à une menace, et par le désengagement des citoyens fuyant leurs responsabilités dans un mol engourdissement de l’esprit civique. On voit aisément que la situation politique de notre pays se rapproche dangereusement de ce cas de figure. Le projet de loi approuvé au dernier conseil des ministres proroge l’état d’urgence sanitaire instauré par la loi du 23 mars 2020, pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 Juillet 2020.

    christian vanneste.jpgCela commence à faire beaucoup, et l’on se souvient que l’état d’urgence contre le terrorisme, très récent, avait été appliqué pendant deux ans à partir de Novembre 2015. Le recours de plus en plus fréquent à cet état d’exception qui limite les droits et les libertés crée une morne habitude dans la population qui n’est évidemment pas compatible avec l’esprit collectif qui rend vivante une démocratie. Il faut se souvenir de la vision quasi prophétique de Tocqueville lorsqu’il disait « imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde… Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ». L’urgence devant un ennemi mobilise encore la nation. Devant un virus, elle replie au contraire chacun chez soi, en laissant l’Etat s’occuper de tout. Pour ceux qui connaissent le véritable sens du mot « libéralisme » qui implique une défense des libertés individuelles et publiques, il va de soi que cette parenthèse n’est pas libérale et que le gouvernement qui s’y complaît ne l’est pas davantage. Il ne suffit pas d’avoir des amis milliardaires, d’être soutenu par leurs journaux, et d’avoir pris quelques mesures favorables à la propriété mobilière et aux entreprises ( tout en maintenant un niveau de dépense publique et de prélèvements obligatoires typiquement socialiste) pour être libéral, il faut aimer les libertés ! Le comportement de l’Exécutif dans la répression des Gilets Jaunes, sa volonté de maîtriser l’information, son obsession des « fake news » dont il n’a pas, lui-même, été avare à propos des tests ou des masques, sont des signes inquiétants. La prolongation excessive de l’urgence sanitaire, dans l’espoir de faire revenir ensuite « les jours heureux »,  appartient bien à ce paternalisme que craignait Tocqueville !

    La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a émis plusieurs avis ( https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041842574 ) très réservés sur l’état d’urgence sanitaire. Elle rappelle que la loi du 23 Mars confère à l’Exécutif le pouvoir de limiter les libertés individuelles et collectives, et donc écorne sérieusement l’Etat de droit dont on nous rebat les oreilles en pointant d’un doigt accusateur les prétendus régimes « illibéraux ». La démesure du confinement et des atteintes à la liberté d’aller et de venir, avec les conséquences économiques et sociales qui en découlent, visait moins la « catastrophe » sanitaire que l’insuffisance des moyens réunis par l’Etat pour résister à une menace à laquelle d’autres pays ont fait face sans remettre en cause pendant un temps aussi long les libertés fondamentales. Plus grave encore pour la confiance en nos institutions est le fonctionnement a minima du Parlement, plus que jamais réduit à n’être qu’une chambre d’enregistrement, alors qu’il devrait aussi être l’instance de contrôle du gouvernement. Ce sont les commissions parlementaires qui devraient notamment encadrer la « stratégie » gouvernementale. Or, on voit celui-ci entouré d’une myriade d’instances, de comités et de conseils, dont les missions se chevauchent, et dont les membres sont désignés sans transparence. Il y a une Haute Autorité de la Santé, autorité administrative indépendante, qui devrait informer et conseiller le pouvoir dans ce domaine, mais il y a aussi un Haut Conseil de la Santé Publique… et on a cependant créé deux organes, le comité scientifique et le conseil d’analyse, de recherche et d’expertise. Qui a décidé de leurs composition, et pour quels motifs ? Les liens de certains de leurs membres avec des laboratoires font naître des soupçons bien légitimes… Asthénie en bas d’un « peuple » suspendu entre les deux tours d’une élection municipale en grande partie vidée de sa sincérité par un taux d’abstention inouï, et opacité en haut … la démocratie est éclipsée !

    La CNCDH pointe encore trois risques majeurs de l’état d’urgence sanitaire. Le premier est de conduire à des discriminations entre les personnes, parfaitement inconstitutionnelles. On pense à l’inégalité des traitements offerts ou des libertés accordées en fonction de l’âge. Le second est la suspension de l’activité judiciaire. La commission souligne la contradiction entre la prolongation des détentions provisoires et la libération anticipée des condamnés. Le recours à des procédures par écrit, ou à distance, par exemple par téléphone ou visioconférence, lui paraît porter atteinte aux droits de la défense. Le troisième enfin est contenu dans le projet de traçage numérique StopCovid. On sait que l’efficacité du procédé exigerait l’inscription volontaire de 60% de la population. Seuls 77% des Français ont un smartphone, et 44% des plus de 70 ans… Les risques de piratage des données, de détournement des informations, de pressions exercées sur les personnes pour qu’elles acceptent d’être « tracées » l’emportent donc sur les chances que le système soit efficace.

    La démocratie aussi peut-être « euthanasiée », tuée en douceur dans l’hébétude du peuple !

  • Démocratie : la leçon anglaise, par Natacha Polony.

    Plutôt que de nous gausser des outrances de Boris Johnson, peut-être pourrions-nous constater qu’il a défendu les intérêts et la volonté des citoyens qui l’ont élu, et qu’il l’a fait avec un sens aigu du rapport de force. Cette semaine, Natacha Polony revient sur le feuilleton du Brexit.

    Grand coup de balai sur la civilisation : la saison automne-hiver 2020-2021 a remisé au placard ces concepts ringards, liberté, responsabilité, toutes ces vieilles lunes datant d’une époque où l’on s’imaginait que la démocratie pouvait être un horizon plus noble que la soumission ou l’anesthésie. On en est désormais à envisager entre les chapons de Noël et le couvre-feu du 31 décembre une loi d’urgence sanitaire autorisant l’instauration d’un passeport vaccinal pour récompenser les bons citoyens et repérer les mauvais. La Chine comme modèle de gestion des hommes…

    Dans ce contexte, on comprend que toute manifestation d’une quelconque indépendance vis-à-vis du dogme universel semble parfaitement baroque. C’est sans doute pourquoi les médias français ont tant de mal à analyser depuis quatre ans et demi le feuilleton désarmant du Brexit. Et, même lorsque le feuilleton touche à sa fin, la tentation est visiblement grande pour nombre de commentateurs de continuer à nous raconter l’histoire des méchants Britanniques et de leur Premier ministre clownesque face aux héros européens vainqueurs parce que unis, comme dans une série B. Nous aurons donc eu droit à tous les poncifs, ceux-là mêmes qu’on nous sert depuis quatre ans.

     

    Le Royaume-Uni obtient un accord de libre-échange avec l’Union européenne qui lui permet d’exporter ses produits vers le continent sans aucun droit de douane

     

    Petit retour en arrière : les Anglais, en 2016, avaient voté pour quitter l’Union européenne, mais, le lendemain, ils le regrettaient déjà. D’ailleurs, tout leur personnel politique allait faire en sorte d’éviter cette catastrophe aux conséquences dignes des sept plaies d’Égypte. Theresa May, en particulier, qui se battait pour faire respecter le choix du peuple britannique, n’avait en fait, nous expliquaient ces brillants analystes, aucune intention de laisser son pays marcher vers le chaos. Les électeurs, eux, renouvelaient leur vote par deux fois, en portant au pouvoir Boris Johnson ? Peu importe, ils ne voulaient pas du Brexit. Quant audit Boris Johnson, qui négociait comme un beau diable pour obtenir un accord, nos fins tacticiens nous racontaient qu’il faisait semblant. Il ne voulait pas porter, devant ses électeurs, la responsabilité d’un « no deal », mais n’avait en réalité aucune envie d’aboutir.

    Curieusement, cet homme si peu motivé, cet hurluberlu hirsute, a obtenu in extremis en 2019 la mise en œuvre du départ du Royaume-Uni de l’Union européenne et, en 2020, tout aussi in extremis, un accord commercial avec la même Union européenne. Une grande victoire pour les Vingt-Sept, nous explique-t-on alors, puisqu’ils sont restés unis face à la perfide Albion. Certes. Mais l’observateur moins avisé qui se pencherait sur l’accord en question pourrait bien se dire qu’il est des vaincus plus mal en point que Boris Johnson. Résumons : le Royaume-Uni obtient donc un accord de libre-échange avec l’Union européenne qui lui permet d’exporter ses produits vers le continent sans aucun droit de douane. Et l’Union veillera à ce qu’il n’y ait pas trop de distorsion de concurrence par une dérégulation forcenée, sous peine de possibles sanctions, à voter entre les Vingt-Sept. Et sinon ? Sinon, rien. Plus de soumission à la Cour de justice de l’Union européenne, plus de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, plus de règlements, plus de directives. Ah, si, comble du drame : les étudiants anglais ne bénéficieront plus d’Erasmus ! Ils devraient s’en remettre, dans la mesure où les universités britanniques sont plutôt mieux cotées que leurs homologues du continent, et dans la mesure, surtout, où les jeunes Anglais sont, d’une part, moins soumis à l’injonction d’apprendre des langues étrangères et, d’autre part, disposent de l’ensemble des pays du Commonwealth pour ces fameux voyages qui forment la jeunesse. Mais on se doit de regretter Erasmus, argument ultime de quiconque veut illustrer les grandes réussites de l’Union européenne…

     

    Plutôt que de nous gausser des outrances de Boris Johnson, peut-être pourrions-nous constater qu’il a défendu les intérêts et la volonté des citoyens qui l’ont élu 

     

    Entendons-nous, il ne s’agit nullement de croire que le Brexit pourrait être un modèle pour la France. Le Royaume-Uni n’était ni dans la zone euro, ni dans l’espace Schengen, et n’entretenait pas avec le reste de l’Union la dépendance qui est la nôtre. Il y a beaucoup à faire pour la France en Europe, pour peu qu’elle cesse de la rêver et d’en jouer les bons élèves. Mais telle devrait être, justement, l’analyse menée sur le Brexit, plutôt qu’il soit servi aux citoyens européens une fable dans laquelle les méchants Britanniques vont forcément payer leur outrage à notre eschatologie commune. Les Anglais n’ont jamais eu l’intention de renoncer à une once de leur souveraineté au nom de l’idéal européen – on peut le déplorer, mais il est assez piquant de voir ceux-là mêmes qui ont voulu à toute force l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union, ou leurs héritiers idéologiques, s’en offusquer aujourd’hui. Et, chose étonnante pour nos élites, celles d’outre-Manche pratiquent globalement une forme de patriotisme spontané qui les incite, malgré des désaccords profonds et des tensions politiques majeures, à croire en la puissance de leur démocratie.

    Plutôt que de nous gausser des outrances de Boris Johnson, peut-être pourrions-nous constater qu’il a défendu les intérêts et la volonté des citoyens qui l’ont élu, et qu’il l’a fait avec un sens aigu du rapport de force. Et que l’exigence des citoyens anglais de « reprendre le contrôle » – contre Bruxelles, contre la City, contre tout ce qui leur semblait réduire la démocratie à quantité négligeable – est non seulement légitime, mais potentiellement contagieux.

    Source : https://www.marianne.net/

  • Leçon et examen de maladies infectieuses à propos du COVID-19.

    Bulletin d'information scientifique de l'IHU - Nous avons le droit d'être intelligents ! Pr Didier Raoult, Directeur de l'IHU Méditerranée Infection Pr Jean-Christophe Lagier, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'IHU

  • En politique comme en géopolitique, l’histoire doit être notre maîtresse, par Jean-Philippe Chauvin.

    (Cet article a été écrit quelques semaines à peine avant la chute de Kaboul, survenue le 15 août)

    Dans quelques semaines, les dernières troupes états-uniennes auront quitté l’Afghanistan, mis à part quelques instructeurs et conseillers de l’armée afghane, et les Afghans seront livrés à leur destin qui pourrait bien prendre les couleurs, plutôt sinistres, des talibans déjà maîtres de la majeure partie du pays. 

    jean philippe chauvin.jpgCette « déroute de l’Occident », comme l’évoque l’hebdomadaire Le Point cette semaine, ne doit pas être négligée et elle doit même servir de leçon, même si les Démocraties semblent avoir perdu le sens de la durée et, peut-être, le sens des choses, préférant le mol oreiller de l’indifférence et de la « bonne conscience » (sic !), plus pratique pour étouffer les réalités qui dérangent.

    La principale leçon à tirer (ou à retirer) est que la politique des bons sentiments n’est pas une politique en tant que telle, et que la morale (ou l’émotion ? L’intervention occidentale était censée répondre aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis), si elle peut « légitimer » (mais est-ce le bon verbe ?) une opération militaire, ne peut fonder un nouveau régime politique. Dans Le Point, le diplomate Gérard Araud explique « pourquoi la démocratie ne peut jamais s’imposer, ni s’improviser », et cela nous rappelle aussi que nos révolutionnaires de 1789 avaient utilisé les plus grandes violences (jusqu’à la terreur la plus extrême des années 1793-94, et l’extermination de populations récalcitrantes) pour imposer « leur » conception de la Nation (avec majuscule obligatoire) et « leur » République qui, au demeurant, n’était pas forcément celle du voisin… « Des guerres occidentales pour une vision occidentale du monde se sont heurtées aux dures réalités de sociétés qui sont capables de gagner les premières et de refuser la seconde. » C’est donc « l’échec d’une force occidentale supérieure par la technologie, l’armement, l’entraînement des soldats et la faillite d’une politique aux bonnes intentions, qui visait à instaurer dans ces trois pays (ndlr : Irak, Afghanistan, Mali) une démocratie respectueuse des droits de l’homme et de l’égalité des sexes ». Pourtant, les Etats-Unis et leurs alliés pensaient pouvoir reproduire sans trop de difficultés le schéma de la Seconde guerre mondiale et, surtout, de sa « réussite démocratique » en Allemagne (de l’Ouest) et au Japon après 1945, oubliant qu’il y avait là, déjà, des Etats politiques constitués et un sentiment national que les guerres et les défaites avaient, somme toute, renforcés. Ce n’était pas exactement le même cas de figure dans ces pays du Sud dont l’unité tenait parfois à un « sacré » local ou historique que l’Occident n’a pas su apprécier et savamment utiliser… Ainsi, le refus définitif des Etats-Unis de restaurer comme chef d’Etat celui qui avait été, quarante ans durant, le roi d’Afghanistan (Zaher Shah, décédé en 2007) et qui était respecté par les clans et les populations afghanes au-delà de leurs différences ethniques, voire religieuses, a sans doute largement contribué à l’échec final des tentatives de pacification occidentales : quand un conquérant ou un « envahisseur » (selon les points de vue, fort tranchés sur cette question) oublie l’histoire pour ne privilégier qu’une conception morale de la politique ou son seul intérêt « égo-politique » (plus encore que géopolitique), la réussite est fort douteuse et rentre même dans le domaine de l’utopie, c’est-à-dire de la construction d’un cadre politique et d’une société rêvée sur les sables mouvants d’une réalité qui, en fait, se dérobe… C’est ce qu’avait d’ailleurs compris le président états-unien Truman en 1945 en laissant l’empereur Hiro-Hito sur le trône du Japon tout en faisant condamner à mort ses principaux ministres et généraux accusés de crimes de guerre sur la période 1928-1945. George W. Bush et ses « faucons », perdus dans leur croyance en une irrémédiable « fin de l’histoire » qui aurait été favorable au modèle politique et de société états-unien, n’ont pas eu l’intelligence de leur prédécesseur, successeur légal et malin de Roosevelt.

    Pourtant, au début des années 2000, l’illusion était belle : « Il était néanmoins légitime d’espérer, à Washington, à Bruxelles ou à Paris, qu’Irakiens, Afghans et Maliens se joindraient aux forces venues les libérer de l’oppresseur et leur apporter les bienfaits de la démocratie ; ils auraient pu tirer parti des élections pour se doter d’institutions solides et de dirigeants intègres. S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’ils n’étaient pas préparés à passer sans transition d’une société autoritaire et patriarcale à une démocratie. » L’un des problèmes réside aussi dans la définition même de « démocratie » qui, en fait, ne peut être la même partout au risque de se renier elle-même si elle est définie, par exemple, par un modèle institutionnel fonctionnant sur la règle majoritaire à intervalles réguliers (les élections) ; si elle est comprise comme un mode de vie social privilégiant l’individu et sa liberté personnelle au détriment de ce qui, dans le pays considéré, « fait corps et sens », elle apparaît aussi en contradiction avec la démocratie politique qui fait de la majorité exprimée du corps électoral (à un moment donné, majorité qui n’est pas forcément confirmée par le moment suivant) la source des lois et des contraintes légales, au-delà des enjeux proprement religieux. Ces difficultés n’ont pas été réglées par des interventions militaires qui se voulaient « démocratiques » mais paraissaient, dans le même temps, violer le principe même d’une politique souveraine des Etats considérés et envahis : les discours des Etats occidentaux n’étaient pas forcément illégitimes mais ils n’étaient pas non plus forcément compréhensibles par des populations locales qui oubliaient vite le bien accompli par les forces occidentales (la libération de leurs villages jusque-là occupés par des groupes armés belliqueux à leur égard, par exemple, et la mise à distance du péril des extrémistes islamistes ; etc.) pour n’en considérer que les côtés moins heureux, à tort ou à raison d’ailleurs.

    « Les Occidentaux ont fait comme s’il suffisait d’édicter une Constitution et d’organiser des élections honnêtes pour voir fonctionner une démocratie. Il a fallu deux siècles aux Européens pour y parvenir tant bien que mal », et notre propre histoire nationale nous rappelle cet impératif du temps long pour enraciner des institutions ou des habitudes politiques qui « apaisent » les tensions toujours sensibles (et la période actuelle n’en est pas exempte, loin de là !) : ce n’est pas la Révolution qui a ancré la démocratie représentative (1) en France, mais bien plutôt les Monarchies qui l’ont suivie, avec la Charte et l’établissement d’assemblées (deux, au niveau national) qui « font les lois » (à défaut de toujours les inspirer) quand l’Etat les fait appliquer après les avoir promulguées et, souvent, « appelées » et préparées. Et les régimes suivants ont poursuivi ce long travail de « parlementarisation » de la vie politique, au risque parfois de faire basculer cette dernière dans un parlementarisme excessif et de mauvais aloi dont le général de Gaulle voudra, à son heure, libérer le pays par la Constitution de la Cinquième République. S’il n’est pas complètement assuré que la démocratie soit forcément « arrivée à bon port » (2), il n’est pas interdit de considérer que certains de ses acquis sont bénéfiques quand d’autres appellent la pratique d’une tradition critique, mais dans le cadre préexistant d’un pluralisme politique qu’il convient de préserver et, même, d’abonder, à rebours des tendances globalitaires des courants « d’effacement » contemporains…

    Aurait-il fallu, au regard de nos traditions politiques et de leurs fortes contradictions d’avec les principes de vie de pays comme l’Afghanistan, l’Irak ou le Mali (entre autres), s’abstenir d’aller « mourir pour Kaboul » ou « pour Tombouctou » et, donc, préserver la vie de nos propres soldats, la France ayant payé un tribut très lourd ces dernières décennies dans les opérations extérieures et dans les actes terroristes frappant notre pays en son cœur (particulièrement en 2015-16) ? La tentation d’un désengagement complet de notre pays des affaires du monde pour se replier sur le pré carré français ou la construction européenne est forte et elle satisfait ceux qui ne voient plus dans les Etats que de simples gendarmes de la société de consommation et de distraction contemporaine (la fameuse « société distractionnaire » moquée par Philippe Muray) ; mais elle n’est pas, en fait, satisfaisante pour qui pense en termes de temps long et de pérennité d’un modèle de civilisation qui, pour imparfait qu’il soit, nous donne des raisons de vivre et nourrit encore les espérances d’une grande part de nos compatriotes qui ne limitent pas leur appartenance au pays à une simple question digestive… De plus, ces combats lointains s’inscrivent aussi dans la préservation de nos frontières, aussi éloignées soient-elles, et nous parlons, là, de la France : des frontières qui ne sont pas, d’ailleurs, que physiques mais symboliques, intellectuelles, civilisationnelles. « Le monde a besoin de la France », s’exclamait Georges Bernanos. Le général de Gaulle, son lecteur fidèle, le pensait aussi, maintenant ou relevant (malgré le déclin des décennies précédant son « règne ») le rang de la France dans le grand concert des nations, et cela malgré une stratégie qui, en Algérie, aurait sans doute pu être différente.

    En fait, il me semble de plus en plus que l’erreur originelle est d’avoir trop « occidentalisé » les interventions extérieures, dans une logique états-unienne de « colonialisme démocratique » (qui, en temps de paix, porte le nom de « Développement », comme l’a justement signalé depuis fort longtemps le décroissant Serge Latouche), et cela au lieu de jouer la carte qui fut celle du militaire français Lyautey en son temps au Maroc, celle que l’on pourrait baptiser « l’adaptation conviviale » : s’appuyer sur les populations locales et sur leurs traditions pour les mener, peu à peu (même si le plus tôt serait le mieux), sur le chemin d’un « minimum politique » (en attendant et en espérant mieux, même si le calendrier peut être long dans certains pays et pour certaines populations avant d’atteindre les canons « universels » d’une vie politique pluraliste et apaisée souhaitable). Comme le souligne avec raison Gérard Araud : « on n’instaure une démocratie ni avec un marteau ni avec des baïonnettes, comme ont essayé de le faire en vain Américains et Français. On ne l’impose pas ; elle doit répondre aux besoins des populations même si elle ne correspond pas aux normes américaines et européennes ». Cela ne doit pas nous empêcher de prôner quelques uns des éléments (voire des fondements) de notre civilisation (en politique comme dans la vie sociale), mais sans les confondre avec la société de consommation qui oublie l’esprit ni avec la démocratie parlementaire et oligarchique qui ne correspond pas forcément à ce que les peuples locaux veulent faire de leur destin ; ce destin qui doit rester le leur, tant qu’il n’atteint pas le nôtre en cherchant à le subvertir ou à le détruire pour installer « leur » ordre, politique ou religieux, qui n’est pas et ne peut être le nôtre… C’est parce que la France sera sûre d’elle-même (et capable de défendre, y compris militairement, sa particularité historique et civilisationnelle) qu’elle pourra, non seulement vivre et « sur-vivre » face aux risques du monde, et qu’elle pourra entraîner des nations et des peuples, non à lui ressembler, mais à s’inspirer d’elle. Et confirmer ainsi son éternité nécessaire…

     


    Notes : (1) : Il s’agit là de la démocratie électorale dite représentative (même si elle peut accepter, rarement, des formes de démocratie plus directe comme le référendum), au sens d’une participation indirecte des citoyens aux affaires d’un Etat pourtant – ou par conséquent ? – de plus en plus intrusif au cours de ces deux derniers siècles, ce que relevait, avec une certaine inquiétude, Bertrand de Jouvenel dans « Du Pouvoir » dès les années 1940.

    (2) : Il faut bien se rappeler que la démocratie telle que nous la connaissons n’est sans doute pas « définitive », ne serait-ce que parce que l’histoire institutionnelle n’est jamais figée même si elle peut paraître fixée, et que le rapport aux pouvoirs des communautés et des personnes peut nécessiter d’autres formes d’institutions et de préjugés politiques pour satisfaire le corps civique en ses différentes acceptions.

    Illustration : l’ancien roi d’Afghanistan, Zaher Chah.

    Source : http://www.actionroyaliste.fr/

  • Englués, par Philippe Mesnard.

    Nous vivons des moments passionnants. Le système va-t-il exploser ou se maintenir, évoluer ou revenir à son équilibre dément ?

    Cette pandémie est unique par tout ce qu’elle met à nu : les vices de la mondialisation, l’aveuglément des élites humanistes, la crispation idéologique de l’Union européenne, l’incurie française, les mensonges de la technocratie, l’égoïsme des politiques, la fragilité de nos économies, la dictature du sentiment… Car à quoi bon nous faire applaudir des médecins et des infirmières qu’on ne peut pas, qu’on ne sait pas, qu’on ne veut pas équiper ? Pourquoi invoquer sans cesse la science comme boussole quand la même science, ailleurs, indique un nord différent ? Pourquoi avoir nié la crise de longues semaines, de long mois, pour reprocher ensuite aux Français leur inconscience ?

    3.jpgPour justifier que tout change pour que rien ne change. Voilà Macron, encore une fois, capable de nous expliquer qu’il est l’homme providentiel quand il est clair que lui, ses ministres et leurs conseils ont précipité la France dans une telle ornière qu’on n’imagine pas comment en sortir. Les administrations sont incapables de réagir, elles découragent les bonnes volontés privées qui se manifestent, n’imaginent rien de mieux que d’expédier à la campagne les chômeurs, mettent en place des consignes contradictoires et tatillonnes, qu’une police applique, selon les cas, avec une sévère idiotie (cette femme verbalisée pour être allée abreuver ses chevaux en pleine campagne, sous prétexte que ce n’était pas vital !… pour ne citer que ce cas) ou un laxisme nonpareil, comme à Saint-Denis, où les journalistes suisses du Temps décrivent un territoire qui n’est pas régi par les même règles.

    Macron chef de guerre !

    Mais on nous assure qu’il y aura un avant et un après et que cet après ressemblera de très près à l’avant : l’État sera plus féroce, les services publics seront encore mieux déréglés, l’Union européenne sera encore plus forte, la France sera encore plus affaiblie, et tout cela est supposé nous assurer que tout est géré à merveille, la merveilleuse Sibeth expliquant imperturbablement que tout est sous contrôle, mieux, que personne n’aurait su mieux faire, à aucun moment. On aurait dû retrouver le sens des frontières, celui de la souveraineté nationale, celui du bien commun, on aurait dû retrouver le sens commun, mais non ! Le président et ses troupes s’agitent dans un univers parallèle où la justice leur garantit qu’ils sont intouchables, où le régime leur promet l’impunité, où l’opposition politique est paralysée par le souvenir de ses insuffisances et incompétences passées, où l’Union européenne est l’horizon du salut.

    Et Macron s’agite ! Il explique aux Français qu’ils sont en guerre, qu’il est un chef de guerre, qu’il a la stature des illustres qui ont su se dresser face à l’adversité, qu’on va voir ce qu’on va voir, qu’il prépare une « nouvelle initiative importante » avec Trump ! (en gros, les structures déjà en place vont continuer à se réunir…) et qu’il va adresser à l’Europe un de ses sermons qu’elle a appris à goûter si fort – et qui ne produisent jamais aucun effet. L’Europe n’en peut plus de Macron et de la France, de ce pays qui prétend donner des leçons scientifiques et n’est pas capable de comprendre rapidement que fermer ses frontières, dépister les malades et équiper les autres de masques étaient des solutions si évidentes que tous les pays les appliquaient au fur et à mesure que l’épidémie enflait. L’Europe contemple avec effarement ce jeune coq dressé sur son pays confiné dont il achève de ruiner l’économie pour pouvoir prétendre n’être responsable d’aucun mort.

    L’Europe contemple avec inquiétude ce chef d’État qui n’aime ni son pays ni ses compatriotes, qui leur en veut de présenter, depuis bientôt deux ans, le spectacle de leur indiscipline, contrepoint de sa propre incapacité à réformer. L’Europe politique se demande si Macron mesure le caractère aberrant de son ambition européenne, lui qui n’est pas capable d’administrer son pays et n’a toujours pas compris que les Allemands mènent une politique allemande – Merkel a rejeté les “coronabonds” de Macron –, même et surtout à Bruxelles, que les Anglais mènent une politique anglaise, et les Hongrois une politique hongroise, et les Suédois une politique suédoise. Macron n’en a cure. Il avance démasqué, ivre de lui-même et de ses chimères. Qu’importe la France.

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    https://www.politiquemagazine.fr/politique/

  • Philippe Sanmarco et les abus des collectivités...

                Ex-PS et désormais proche de l'UMP, l'élu marseillais Philippe Sanmarco peut mériter des reproches, mais en tout cas pas ceux de pratiquer la langue de bois ou de manquer de franchise.

    sanmarco.jpg 

                Jacques Marseille avait déjà fait sensation lors d'un débat décapant sur LCI, lorsqu'il avait affirmé en substance que l'inflation de fonctionnaires au niveau local s'expliquait par le fait que les partis s'assuraient ainsi une clientèle d'obligés, qui par la suite votaient pour eux.

                Ce qui est, évidemment, la vérité, mais qu'il est toujours agréable d'entendre...

                Philippe Sanmarco redit la même chose dans un entretien lui aussi décapant qu'il accorde à La Provence, et dont nous extrayons les quelques lignes suivantes :

                "...Il serait bon qu'on clarifie les compétences entre les collectivités et qu'on arrive à l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. Le système actuel favorise trop le clientélisme..." Et un peu plus loin : "Certains politiques pensent que les collectivités servent de tiroirs-caisses pour arroser leurs territoires en subventions. Ils en abusent..."

                On ne saurait mieux dire, il est bon que Philippe Sanmarco l'ait dit, et cette honnêteté doit lui être comptée. Les abus qu'il dénonce ne sont-ils pas l'une des causes directes de ce désamour des français pour les Régions qu'évoquait récemment Eric Zemmour, avec raison lui aussi ?

                Lorsqu'Eric Zemmour écrit  "La Région fut un rêve d'élites. Jamais les populations ne s'y sont attachées" comment ne pas voir que, si c'est pour une bonne part parce qu'elles sont en effet de conception technocratique, c'est aussi et peut-être surtout parce qu'elles sont loin des gens, et prétexte à des magouilles peu reluisantes et peu défendables, que les français, par ailleurs très attachés à leurs racines, n'y ont jamais vraiment adhéré....    

  • Sur Sacr TV, la mascarade des présidentielles - Entretien avec Jean-Philippe Chauvin.


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    Petit entretien avec Jean-Philippe Chauvin, militant et vice-président du Groupe d'Action Royaliste, sur la mascarade des présidentielles.

    1:00 - 1- Que penser des présidentielles en général ? N'y-a-t'il pas mieux en matière de démocratie ?

    4:16 - 2 - Quel rôle peuvent avoir les Royalistes dans ce genre d'élection ? Voter à la présidentielle est-ce vraiment utile ?

    6:35 - 3 - S'il y avait un Roi en France, les Français ne voteraient plus pour un représentant à la place suprême, est-ce selon vous un bienfait ou une perte considérable ?

    9:30 - 4 - Après avoir été élu le candidat, devenu président, aime à rappeler qu'il incarne l'unité du pays et qu'il représente tous les français. Que pensez-vous de cette définition faite par les présidents eux-mêmes ?

    12:10 - 5 - Le mot "Fraternité" se trouve dans la devise républicaine, alors que les présidentielles sont au contraire une demonstration de la divisions des partis, et donc des Français. Selon vous par quoi faudrait-il remplacer les partis politiques ?