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  • GRANDS TEXTES (18), ou ANTI GRAND TEXTE : Discours de Maximilien de Robespierre (première intervention, le 3 décembre 17

    Il y a 18 ans, le jeune Maximilien de Robespierre avait eu à féliciter le roi Louis XVI rentrant à Paris après son couronnement à Reims, le 15 juin 1775 (Maximilien avait alors 17 ans accomplis). C'était rue Saint-Jacques, devant le Collège Louis-le-Grand. Le professeur de rhétorique avait rédigé pour la cérémonie un compliment superbe en vers, que Robespierre fut chargé de dire, comme étant l'un des élèves les plus doués et les plus méritants. Il pleuvait à seaux ce jour-là, mais le jeune Maximilien était infiniment fier d'avoir eu «l'honneur» de saluer ce jeune roi qui incarnait aux yeux de la nation toute entière les espérance d'un avenir prometteur pour la France.

     

    robespierre1.jpg

    Robespierre, avant...

     

    Aujourd'hui, dix-huit ans plus tard, ce 3 décembre 1792, il prononce les mots terribles que l'on va lire ci-dessous, dans ce véritable discours fondateur de tous les Totalitarismes modernes. C'est à l'ouverture du pseudo-procès de Louis XVI : c'est toujours le même Robespierre et, pourtant il n'est plus le même : le jeune élève brillant et prometteur est devenu un idéologue endurci, sec et froid.

    C'est à lui que s'adressera quelques jours plus tard le courageux De Sèze: "Français, la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses !".

    De Sèze a courageusement et intelligemment démasqué les idéologues, se voulant régénérateurs et purificateurs, persuadés d'oeuvrer pour l'Homme, mais n'ayant aucune forme de pitié ou de considération pour les hommes.

    Mais Robespierre et la Convention n'entendront évidemment pas le message. Comment Robespierre et ses affidés, un Saint Just par exemple, pourraient-il l'entendre, ce message, lorsque le même Saint Just osait proférer (toujours lors du pseudo-procès de Louis XVI): "Je ne juge pas, je tue... Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres"...

    C'est trop tard : Robespierre est mort, du moins le jeune et brillant élève qui recevait et complimentait le Roi lors de son retours de Reims. L'a remplacé un idéologue aveuglé par sa confiance en lui-même et en ses principes, qu'il croit supérieurs et qu'il veut appliquer à tout prix, ne se rendant absolument pas compte, absolument plus compte, qu'il est devenu la parfaite incarnation de la terrible prophétie de Frédéric II à Voltaire : « Nous avons connu le fanatisme de la foi. Peut-être connaîtrons-nous, mon cher Voltaire, le fanatisme de la raison, et ce sera bien pire »...

    Oui, c'est bien un fanatique, sec et froid, qui s'exprime d'une façon presque métallique, pourrait-on dire, ce 3 décembre, lors de l'ouverture du pseudo-procès de Louis XVI. Et qui prononce les paroles monstrueuses que l'on va lire, et que reprendront mot pour mot les Staline, Hitler, Mao, Pol Pot et autres monstres secs et froids des Totalitarismes modernes, qui ont tous pour père et modèle le même et unique Maximilien de Robespierre.

    Oui, l'on entend déjà, en lisant ce monstrueux discours et cette aberrante logique, ce que diront les enfants de Robespierre plus tard, bien plus tard, eux qui auront bien compris et bien assimilé cette infernale logique:

    A quoi bon juger ces Juifs, dira Hitler, la race aryenne ne saurait être soupçonnée d'erreur(s) dans ses pensées, ses jugements ou ses actes, puisqu'elle est "supérieure" (!). Ces juifs doivent donc mourir, sinon c'est admettre l'idée que la race aryenne a pu se tromper, ce qui est impossible... A quoi bon juger ces dissidents, dira Staline, la classe ouvrière est l'avant-garde consciente qui a reçu pour mission de faire éclore l'Histoire et de l'achever. Elle marche dans le sens de l'Histoire, et l'idée même de juger quelqu'un qui s'oppose à elle -et qui ne peut donc être qu'un traître ou un malade- serait admettre l'idée que la classe ouvrière pourrait se tromper, ce qui est impossible.....

    Donc, on ne juge pas, on tue, pour reprendre telle quelle la formule de Saint Just, ce grand ami de Robespierre, et l'un de ses alter ego...

    ROBESPIERRE.JPG

    ...Robespierre

               

    On le voit, le tout de la mécanique infernale est contenu dans le discours de Robespierre, qui est une vraie bombe, insuffisamment lu, insuffisamment étudié. Ce discours est bien l'acte fondateur, la parole fondatrice de tous les procès nazis ou staliniens de l'histoire, de tous les Totalitarismes, de tous les Génocides....

    Discours sur le jugement de Louis XVI (1ère intervention)
    prononcé à la tribune de la Convention le 3 décembre 1792

     

     

    L'assemblée a été entraînée, à son insu, loin de la véritable question. Il n'y a point ici de procès à faire. Louis n'est point un accusé. Vous n'êtes point des juges. Vous n'êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État, et les représentants de la nation. Vous n'avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer.

     

    Un roi détrôné, dans la république, n'est bon qu'à deux usages : ou à troubler la tranquillité de l’État et à ébranler la liberté, ou à affermir l'une et l'autre à la fois.

     

    Or, je soutiens que le caractère qu'a pris jusqu'ici votre délibération va directement contre ce but. En effet, quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la république naissante ? C'est de graver profondément dans les coeurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi.

    LOUIS XVI BUSTE PAR PAJOU.jpg
    Louis XVI, buste de Pajou
     

     

    Donc, présenter à l'univers son crime comme un problème, sa cause comme l'objet de la discussion la plus imposante, la plus religieuse, la plus difficile qui puisse occuper les représentants du peuple français ; mettre une distance incommensurable entre le seul souvenir de ce qu'il fut, et la dignité d'un citoyen, c'est précisément avoir trouvé le secret de le rendre encore dangereux à la liberté.

    Louis fut roi, et la république est fondée : la question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots. Louis a été détrôné par ses crimes : Louis dénonçait le peuple français comme rebelle : il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères ; la victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle : Louis ne peut donc être jugé : il est déjà condamné, ou la république n'est point absoute.

    Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c'est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel ; c'est une idée contre-révolutionnaire, car c'est mettre la révolution elle-même en litige.  

    En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, il peut être absous ; il peut être innocent : que dis-je ? il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé : mais si Louis est absous, si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution ?

    Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs ; les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l'innocence opprimée ; tous les manifestes des Cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice. La détention même que Louis a subie jusqu'à ce moment est une vexation injuste ; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l'empire français sont coupables: et ce grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie.

     

    louis xvi conduit a la convention.jpg 
    Louis XVI conduit à la Convention pour son procès, gravure du temps
     
     

                

    Citoyens, prenez-y garde ; vous êtes ici trompés par de fausses notions, Vous confondez les règles du droit civil et positif avec les principes du droit des gens ; vous confondez les rapports des citoyens entre eux, avec ceux des nations à un ennemi qui conspire contre elles. Vous confondez aussi la situation d'un peuple en révolution avec celle d'un peuple dont le gouvernement est affermi.

    Vous confondez une nation qui punit un fonctionnaire public, en conservant la forme du gouvernement, et celle qui détruit le gouvernement lui-même. Nous rapportons à des idées qui nous sont familières an cas extraordinaire, qui dépend de principes que nous n'avons jamais appliqués.

    Ainsi, parce que nous sommes accoutumés à voir les délits dont nous sommes les témoins jugés selon des règles uniformes, nous sommes naturellement portés à croire que dans aucune circonstance les nations ne peuvent avec équité sévir autrement contre un homme qui a violé leurs droits ; et où nous ne voyons point un juré, un tribunal, une procédure, nous ne trouvons point la justice. 

    Ces termes mêmes, que nous appliquons à des idées différentes de celles qu'elles expriment dans l'usage ordinaire, achèvent de nous tromper. Tel est l'empire naturel de l'habitude, que nous regardons les conventions les plus arbitraires, quelquefois même les institutions les plus défectueuses comme la règle absolue du vrai ou du faux, du juste ou de l'injuste.

    Nous ne songeons pas même que la plupart tiennent encore nécessairement aux préjugés dont le despotisme nous a nourris. Nous avons été tellement courbés sous son joug que nous nous relevons difficilement jusqu'aux éternels principes de la raison ; que tout ce qui remonte à la source sacrée de toutes les lois semble prendre à nos yeux un caractère illégal, et que l'ordre même de la nature nous paraît un désordre.

     

    louis xvi interroge convention 26 DECEMBRE 92.jpg
    26 décembre 1792 : Louis XVI interrogé à la Convention (salle du Manège), gravure du temps
     
     

               

    Les mouvements majestueux d'un grand peuple les sublimes élans de la vertu, se présentent souvent à nos yeux timides comme les éruptions d'un volcan ou le renversement de la société politique ; et certes ce n'est pas la moindre cause des troubles qui nous agitent que cette contradiction entre la faiblesse de nos moeurs, la dépravation de nos esprits, et la pureté des principes, l'énergie des caractères que suppose le gouvernement libre auquel nous osons prétendre.

    Lorsqu'une nation a été forcée de recourir au droit de l'insurrection, elle rentre dans l'état de la nature à l'égard du tyran. Comment celui-ci pourrait-il invoquer le pacte social ? Il l'a anéanti : la nation peut le conserver encore, si elle le juge à propos, pour ce qui concerne les rapports des citoyens entre eux ; mais l'effet de la tyrannie et de l'insurrection, c'est de les constituer réciproquement en état de guerre. Les tribunaux, les procédures judiciaires ne sont faites que pour les membres de la cité.  

    C'est une contradiction trop grossière de supposer que la Constitution puisse présider à ce nouvel ordre de choses : ce serait supposer qu'elle survit à elle-même. Quelles sont les lois qui la remplacent ? celles de la nature ; celle qui est la base de la société même, le salut du peuple : le droit de punir le tyran et celui de le détrôner, c'est la même chose : l'un ne comporte pas d'autres formes que l'autre. Le procès du tyran, c'est l'insurrection ; son jugement, c'est la chute de sa puissance ; sa peine, celle qu'exige la liberté du peuple.

    Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires ; ils ne rendent point de sentences, ils lancent la foudre ; ils ne condamnent pas les rois, ils les replongent dans le néant : et cette justice vaut bien celle des tribunaux. Si c'est pour leur salut qu'ils s'arment contre leurs oppresseurs, comment seraient-ils tenus d'adopter un mode de les punir qui serait pour eux-mêmes un nouveau danger ?

    Nous nous sommes laissé induire en erreur par des exemples étrangers qui n'ont rien de commun avec nous. Que Cromwell ait fait juger Charles Ier par une commission judiciaire dont il disposait ; qu'Elisabeth ait fait condamner Marie d'Ecosse de la même manière, il est naturel que des tyrans qui immolent leurs pareils, non au peuple, mais à leur ambition, cherchent à tromper l'opinion du vulgaire par des formes illusoires : il n'est question là ni de principes, ni de liberté, mais de fourberie et d'intrigue. Mais le peuple, quelle autre loi peut-il suivre que la justice et la raison appuyées de sa toute-puissance ?

    barere.jpg 

    Face à l'argumentation de Robespierre, les "pour" et les "contre" :

    Bertrand Barère (1755-1841) est "pour". Avocat au parlement de Toulouse, il est élu par le tiers-état aux Etats Généraux de 1789. Il préside la Convention pendant le procès de Louis XVI et plaide pour la peine de mort...

     

               

    Dans quelle république la nécessité de punir le tyran fut-elle litigieuse ? Tarquin fut-il appelé en jugement ? Qu'aurait-on dit à Rome si des Romains avaient osé se déclarer ses défenseurs ? Que faisons-nous ? Nous appelons de toutes parts des avocats pour plaider la cause de Louis XVI ; nous consacrons comme des actes légitimes ce qui, chez tout peuple libre, eût été regardé comme le plus grand des crimes ; nous invitons nous-mêmes les citoyens à la bassesse et à la corruption : nous pourrons bien un jour décerner aux défenseurs de Louis des couronnes civiques, car, s'ils défendent sa cause, ils peuvent espérer de la faire triompher : autrement vous ne donneriez à l'univers qu'une ridicule comédie. Et nous osons parler de république !

    Nous invoquons des formes parce que nous n'avons pas de principes ; nous nous piquons de délicatesse, parce que nous manquons d'énergie ; nous étalons une fausse humanité, parce que le sentiment de la véritable humanité nous est étranger ; nous révérons l'ombre d'un roi, parce que nous ne savons pas respecter le peuple ; nous sommes tendres pour les oppresseurs, parce que nous sommes sans entrailles pour les opprimés.

    Le procès à Louis XVI ! Mais qu'est-ce que ce procès, si ce n'est l'appel de l'insurrection à un tribunal ou à une assemblée quelconque ? Quand un roi a été anéanti par le peuple, qui a le droit de le ressusciter pour en faire un nouveau prétexte de trouble et de rébellion, et quels autres effets peut produire ce système ? En ouvrant une arène aux champions de Louis XVI, vous renouvelez les querelles du despotisme contre la liberté, vous consacrez le droit de blasphémer contre la république et contre le peuple ; car le droit de défendre l'ancien despote emporte le droit de dire tout ce qui tient à sa cause.

    Vous réveillez toutes les factions, vous ranimez, vous encouragez le royalisme assoupi ; on pourra librement prendre parti pour ou contre.

    Quoi de plus légitime, quoi de plus naturel que de répéter partout les maximes que ses défenseurs pourront professer hautement à votre barre et dans votre tribune même ! Quelle république que celle dont les fondateurs lui suscitent de toutes parts des adversaires pour l'attaquer dans son berceau ! Voyez quels progrès rapides a déjà faits ce système.

    saintjust.jpg

    ...Tout comme Louis-Antoine-Léon de Saint Just :

    "Les hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder; ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d'un roi ne fonderont jamais une République... Pour moi je ne vois point de milieu, cet homme doit régner ou mourir"

     

               

    A l'époque du mois d'août dernier, tous les partisans de la royauté se cachaient : quiconque eût osé entreprendre l'apologie de Louis XVI eût été puni comme un traître. Aujourd'hui ils relèvent impunément un front audacieux ; aujourd'hui les écrivains les plus décriés de l'aristocratie reprennent avec confiance leurs plumes empoisonnées ou trouvent des successeurs qui les surpassent en impudeur.

    Aujourd'hui des écrits précurseurs de tous les attentats inondent la cité où vous résidez. les 83 départements, et jusqu'au portique de ce sanctuaire de la liberté.

  • Le sourire du dimanche....

    Un instituteur en classe de CP s'adresse à ses élèves :
    - Alors Laurent, qu'est-ce que tu as fait pendant la récréation ?

    - Je me suis amusé dans le bac à sable, Monsieur.
    - Très bien, Laurent. Si tu réussis à écrire au tableau le mot "sable" sans faute, je te mets 20 en orthographe.
    Laurent passe au tableau :
    - C'est très bien, Laurent, félicitations.
    L'instit se tourne vers un autre élève:
    - Et toi Paul, qu'est-ce que tu as fait pendant la récréation?
    - Je me suis amusé dans le bac à sable avec Laurent, Monsieur.
    - Très bien, Paul. Si tu réussis à écrire au tableau le mot "bac" sans faute, je te mets 20 en orthographe.
    Paul passe au tableau :
    - Excellent Paul !
    L'instituteur se retourne :
    - Et toi, Rachid, qu'est-ce que tu as fait à la récréation?
    - Alors, moi, missiou, jé volu m'amusi dans l'bac à sable, mais Paul et Louren y z'ont pas volu, m'ont dit di mi casser ou sinon y mé pitaient la gueule !
    - Mais, mon dieu ! C'est ignoble ! C'est la manifestation d'une discrimination scandaleuse d'un groupe ethnique minoritaire dont l'intégration sociale pourrait être remise en cause, et en plus, dans ma classe !
    - Ecoute, Rachid, si tu réussis à écrire au tableau "discrimination scandaleuse d'un groupe ethnique minoritaire dont l'intégration sociale pourrait être remise en cause", je te mets aussi un 20 !!!

  • Avis de recherche ! Où en est la croisade contre la ”cléricature médiatique” promise par Mélenchon ?... Ou : à quand la

                 Tout le monde s'en souvient, c'était il n'y a pas si longtemps : Jean-Luc s'en va-t-en guerre !...(air connu).....

              Malheureusement, il semble qu'il ne s'en prend à "eux" que lorsqu'il est attaqué, lui. Quand c'est le Pape, qui est traîné dans la boue, odieusement diffamé par ceux-là même qui défendent Mitterrand (Frédéric), Cohn Bendit ou Polanski, là, pour Jean-Luc (comme pour Georges...) c'est silence radio : motus et bouche cousue !...

                Il n'empêche: même si on ne doit pas se leurrer, ni sur la chose ni sur la personne, elle était réjouissante, la salve qu'il a tiré contre "les journalistes pourris"...

                Et elle nous fait juste regretter qu'il se soit - semble-t-il... - arrêté en si bon chemin (1)...

    melenchon.jpg

    Une grande voix s'est tue ? Déja ? Il serait dommage que la basse politique politicienne accapare et récupère des colères qui seraient mieux employées dans cette oeuvre de salubrité publique qu'est la nécéssaire dénonciation de la "cléricature médiatique"...

                Souvenez- vous : "Une certaine caste médiatique se déchaîne contre moi ! J'ai commis le crime de lèse vache sacrée..."

                C'était le bon temps, où Mélenchon venait de découvrir l'eau tiède, et où cela le faisait rugir, nous promettant des lendemains saignants. Hélas, il semble plutôt devenu adepte des émissions de télé réalité genre Perdu de vue. A moins que son brusque silence, après un si bon départ, ne s'explique par ses tractations électorales pour savoir qui sera le candidat du Front de gauche (il souhaite que ce soit lui, évidemment) à la prochaine présidentielle...

                A la bonne époque, donc, au bon vieux temps d'il n'y a pas si longtemps, Mélenchon rugissait contre la police de la pensée, la censure, la diabolisation, la reductio ad hitlerum, la mise au pilori dès qu'on sortait des clous. Bien sûr, il savait que tout cela existait. Seulement il n'en faisait pas les frais, avant, alors.... c'était bon pour les autres ! Mais, comme il venait d'y goûter, au lynchage en direct, alors il a réagi. Mieux vaut tard que jamais !...

                 C'est vrai que, d'où qu'elles viennent, on n'en n'aura jamais assez des dénonciations de "la cléricature médiatique"; du "pouvoir de l'argent" (vite, il faut faire lire à Jean-Luc l'Ephéméride du 20 avril, naissance de Charles Maurras, où se trouve résumé à grands traits L'Avenir de l'Intelligence, qui montre bien que c'est la Révolution qui a libéré les forces de l'Argent et leur a ouvert toutes grandes les portes d'une domination qu'elles exercent, maintenant, sans partage...); et on n'en n'aura jamais assez non plus, d'où qu'ils viennent, des appels à la lutte et à la résistance contre ce pouvoir tyrannique: n'est-ce pas Daudet qui disait -cette phrase étant sa devise-: "Qui n'a pas lutté n'a pas vécu !"...

                 Donc, Jean-Luc a annoncé urbi et orbi qu'il allait lutter et se battre. Oui mais, voilà, quelques semaines, et même quelques mois maintenant après cette sympathique ruade dans les brancards, quid ? On attend toujours, on reste sur sa faim, et Jean-Luc semble totalement récupéré par ses intrigues politico-électorales. La torpeur estivale arrivée puis passée,  la rentrée elle aussi arrivée et en passe de passer, on commence à s'inquiéter. Car, de fait, lutter contre la cléricature médiatique, c'est une tâche qui urge. Et, pour le public, c'est bien plus intéressant que les petites questions de personnes...

                 Il serait dommage que, sitôt attelé à la tâche, Jean-luc dételle...

    (1) petit florilège, pour ceux qui auraient oublié : "sale corporation voyeuriste", "vos sujets de merde", "tu fermes ta petite bouche", "ton métier pourri", "...tellement votre tête est pourrie...", "petite cervelle"..., et trois extraits glanés sur le net :

     

    I :

    Le politique : Regardez cette semaine par exemple. Le jour 2 après qu'on ait tous jeté de grosses larmes sur l'abstention populaire, quel était le titre du journal Le Parisien ? Faut-il rouvrir les maisons closes, sujet qui est venu sur quatre ou cinq radios, c'est intéressant ça non ? Alors ce mélange de voyeurisme et de prostitution publique va continuer jusqu'à la catastrophe évidemment, évidemment bien sûr.

    L'étudiant : En tout cas on dirait que ça intéresse les gens la réouverture des maisons closes.

    Le politique : Mais si vous parliez de choses intelligentes, ça les intéresserait aussi.

    L'étudiant : Mais c'est un débat important, c'est...

    Le politique : Non c'est un débat sans aucun intérêt. Aucun intérêt.

    L'étudiant : ça dépend... C'est un débat sur l'hypocrisie de notre société

    Le politique : Voilà c'est ça, c'est tout le problème à vous le refoulé politique (sic) de la petite bourgeoisie. Moi je m'excuse mais ce que vous racontez ça concerne personne dans mon quartier. Personne s'est dit “tiens je préfèrerai aller dans une maison close que d'aller chercher les putes au coin de la rue”. J'ai jamais entendu quelqu'un me parler de ça. Sinon vous et votre sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier.

    L'étudiant : Parce que le problème c'est qu'elles sont dans les bois les prostituées...

    Le politique : Mais j'en ai rien à faire. Si vous voulez me parler de ça, vous allez trouver quelqu'un d'autre, d'accord. Avec moi vous parlez de choses sérieuses. Dignitas and Gravitas, la maxime romaine. Avec moi vous parlez de politique et vos sujets de merde vous allez les faire avec des gens qui veulent répondre à la merde.

    L'étudiant : Non mais ce que je veux dire c'est

    Le politique  : Non non c'est fini. Terminé. (bruits de bouche et clapets avec la main gauche) Tututututut.

    L'étudiant : Non mais vous m'avez emmené sur le terrain de...

    Le politique : Tu fermes ta petite bouche. Tu me parles de politique. Moi, je te parle de médias et de ton métier pourri et si tous ce que tu trouves à faire c'est de me répondre ça tu vas faire ton interview plus loin. Ok.

    L'étudiant : Mais je ne comprends pas cette agressivité, enfin c'est...

    Le politique : C'est vous qui êtes agressif, vous vous en rendez même pas compte tellement votre tête est pourrie.

    L'étudiant : Mais c'est vous qui avait commencé à

    Le politique : Vous vous trouvez digne de parler à un homme comme moi? Vous trouvez digne alors que je vous donne comme exemple un titre pourri du Parisien de commencer avec moi un débat sur la prostitution. Mais vous me prenez pour qui bonhomme? Je ne veux pas parler avec vous de ça, c'est clair? Si vous voulez me parler de politique, je vous répondrai.

    L'étudiant : Bah fallait pas parler du titre du Parisien si vous ne vouliez pas parler de ça.

    Le politique : Je veux vous parler du titre du Parisien petite cervelle, pas de la prostitution, du titre du Parisien

    L'étudiant : C'est moi qui suis insultant ? Vous me parlez de petite cervelle et c'est moi qui suis insultant?

    Le politique : Parce que je crois que c'est une limite que vous avez atteint.

    L'étudiant : Ah bon... bah merci.

    Le politique : Moi je ne vous dis pas merci. Vous êtes tous les mêmes et vous êtes en train de nous préparer un drôle de métier. Vous allez être comme les autres, à mouliner du papier qui se vend.

     

    II :

                Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu'il menait une "lutte politique" contre le système médiatique qui "interdit l'indépendance d'esprit" aux journalistes, se disant "partisan d'une révolution citoyenne des médias", après la polémique autour d'une vidéo qui a fait florès sur internet. Entre les deux tours des régionales, l'eurodéputé s'était emporté contre un étudiant en journalisme qui l'interrogeait avec une caméra, parlant de "métier pourri" et de "sale corporation voyeuriste".

                Pour le président du Parti de Gauche, cet "incident de départ n'a aucun intérêt", émanant d'un étudiant qui n'a pas de carte de presse. "Qui penserait à dire qu'un étudiant en médecine est un médecin ?", a-t-il lancé, dans un discours parfois confus, debout devant quelque 70 étudiants du Centre de formation des journalistes (CFJ) à Paris, lors d'un débat sur les médias. A un étudiant le qualifiant de "showman" qui réussit à faire rire son auditoire, M. Mélenchon a répondu qu'il n'était "pas au spectacle".

                "Ma critique est devenue une critique sociale et une critique radicale, je suis partisan d'une révolution citoyenne des médias", a-t-il fait valoir. "Comment être révolutionnaire dans la société (...) et m'arrêter à la porte de la cathédrale médiatique ?", a-t-il demandé, répétant qu'il n'y aurait "ni excuses ni regret" de sa part sur l'épisode de la vidéo. "Je mène une lutte politique", a-t-il martelé.

     

    III :

                «Un débat sans aucun intérêt (…) C'est vos problèmes à vous, le refoulé de la petite bourgeoisie (…) Moi, ce que vous racontez, ça ne concerne personne dans mon quartier, personne ne m'interpelle pour me dire "Tiens, je préférerais des maisons closes que d'aller chercher des putes au coin de la rue"…»), les relances de Félix Briaud font sortir l'eurodéputé de ses gonds.

                «Avec moi, vous parlez de politique! Vos sujets de merde, vous les faites avec les gens qui veulent répondre à de la merde!», lâche-t-il, avant de conclure l'entretien, sans grande commisération envers son interlocuteur: «Ecoute-moi bien petite cervelle: Tu fermes ta petite bouche, tu me parles politique… moi je te parle de médias et de ton métier pourri!»

  • Sortir du chaos, l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers

            Voici l'analyse politique d'Hilaire de Crémiers, dans le numéro de ce mois de Politique Magazine, que nous vous présentions lundi.

            Ses premières lignes sont nettes et sans équivoque :

             La crise morale, la crise financière, la crise économique et sociale vont déboucher sur une crise politique majeure. Sans principe d'unité, de continuité, c'est le chaos qui pointe à l'horizon.

     

     

    HILAIRE DE CREMIERS 1.jpg

            Lors du remaniement ministériel, François Fillon aurait gagné la partie. Contre qui, contre quoi et pour qui, pour quoi ? 

            L’expression qui est venue spontanément sur toutes les lèvres, au bout de toutes les plumes, ne laisse pas d’inquiéter, même si la présence de l’homme rassure ce qu’il est convenu d’appeler le peuple de droite. Peuple de droite, peuple de gauche, la France est donc divisée, élections et idéologies obligent. Les Bayrou, Morin, Borloo, Raffarin et autres adeptes du discours centriste ont beau râler, c’est ainsi que se présente le jeu d’échec électoral en France : les pions du centre, au niveau national, sont destinés à être mangés ; ils n’y peuvent rien, ils n’y changeront rien.

            Giscard n’a gagné la première fois qu’il s’est présenté à la présidentielle que parce qu’il était le candidat de la droite ; ayant gauchi-centré sa position, il a perdu la deuxième fois devant le candidat qui avait décidé de gagner l’élection franchement à gauche, François Mitterrand, même si l’homme, fort habile, simulator ac dissimulator, était plus complexe, infiniment plus double que ses prétendus amis de gauche ne le croient encore. Il redoubla son succès en usant avec la plus grossière subtilité du même stratagème : la combinaison marchait à tout coup ; pourquoi se serait-il gêné ?

            Mitterrand, de par sa formation, intellectuellement supérieure à celle du politicien moyen, et par une pratique politique qu’il sut assumer jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’absurde, avait une connaissance intime de la secrète alchimie démocratique française qui ébahit toujours le vulgaire, mais dont son cynisme devait intérieurement se gausser, comme quelques autres personnages historiques avant lui, du même acabit. Faut-il les citer ? Tout dans la phrase et dans la ruse ! Rocard qui l’a compris à ses dépens, excerce aujourd’hui son droit de vindicte qui n’est qu’un mauvais droit d’inventaire. Trop tard. Il n’a que la consolation de ses propres phrases.

    Descente aux enfers

            Chirac ne l’a emporté en 95 sur Balladur que parce qu’il droitisait son discours, même et surtout avec une touche sociale et populaire qui faisait la différence avec son partenaire-adversaire au ton trop modéré. En revanche, mais selon le même processus, il n’a gagné en 2002 que par l’apport massif des voix de gauche puisque, face à Le Pen, il était devenu tout simplement le candidat de la gauche. Ce qui ouvrit la voie à un centrisme désuet et s’acheva dans un émiettement de l’État et de la nation.

            Là-dessus, devant cette crise larvée de nos institutions, Sarkozy, en 2007, a tenu un discours résolument national, équivoque sans doute pour les esprits bien formés, cependant déterminé et ouvrant même sur le religieux. C’est ainsi qu’il est devenu Président. 

            À plus que mi-parcours, son crédit est quasi épuisé, à cause de l’accélération politique qu’il a imprimée lui-même au système dans le cadre raccourci du quinquennat. Le pronostic de cette descente en enfer était établi ici dès janvier 2008, avant même l’éclatement de la crise. C’était prévisible. Son volontarisme affiché et, à vrai dire, ostentatoire s’est heurté très vite, sans même le savoir, aux institutions fondamentales de la démocratie à la française qui ne conçoit tout que dans la contestation. Car, autant tout se gagne dans l’exhibition d’un mâle projet, le temps de l’instant électoral, autant tout s’effondre et se perd rapidement dans les sinuosités de l’opinion versatile. Et qui, de plus, réclame son dû, étale ses exigences et hurle son désespoir. Cette opinion n’est-elle pas la reine de droit, celle qu’il faut toujours séduire ? Vouloir forcer les choses, à la Bonaparte, sans avoir les institutions adéquates, c’est courir à l’échec. Qu’est-il possible d’opérer avec un si constant chantage, sans risque de casse perpétuelle ? Il reste à faire croire aux réformes, plus qu’à réformer fondamentalement, car dans le régime, tel qu’il fonctionne, la vraie réforme qui va au fond des choses, apparaît définitivement comme impossible. 

            L’effort est à minima, les criailleries à maxima. D’où cette impression que Sarkozy donne, et comme malgré lui-même, qu’il détruit ce qui existe – et qui, d’ailleurs, ne marche plus et coûte de plus en plus cher – sans qu’il soit assuré que ce qui se crée puisse fonctionner avantageusement. Bouger les lignes, selon l’expression consacrée, soit, mais quoi après ? Terrible dilemme… La chiraquisation ou le bougisme forcené ?

            La trépidation de sa vie politique a fait négliger à Sarkozy une évidence qui a été ressentie aussi vivement que confusément par tous ses prédécesseurs et au bout de fort peu de temps d’exercice de leur mandat, à savoir que l’équilibre même des institutions supposait une certaine « distanciation » du président, voire une certaine inertie qui était finalement la marque même de la République, la nouvelle étant en cela de plus en plus semblable aux autres.

            Pour les hommes retors qui ont accédé à la présidence avant Sarkozy, l’important était avant tout de garder, avec la jouissance du pouvoir suprême qui leur conférait une sorte de prestige royal dont il rêvaient, une vague superbe magistérielle et paternelle qu’ils dispensaient au bon peuple et dont leur suffisante vanité savait se contenter.

    Vers le chaos ?

            Le discours de Sarkozy à Colombey le 9 novembre dernier, invoquant les mânes du Général ne saurait transformer la réalité. Le Général lui-même y a succombé. Sarkozy pense encore dominer les choses alors qu’il ne les maîtrise plus.

            Il est à la tête d’un pays trop endetté, qui se désindustrialise à grande allure, qui perd ses atouts les uns après les autres, ses exportations, ses parts de marché, ses débouchés, qui n’a plus de cohésion sociale et encore moins politique, où la pauvreté s’installe de façon permanente, où l’immigration sans frein et la démoralisation générale des populations, du fait même de l’idéologie imposée par la plus perverse des doctrines officielles, ne cessent de créer partout ce que, dans le jargon des politiciens, toujours commode, on appelle des zones de non-droit, un pays où l’honnêteté n’est plus payante ni le travail protégé, où le patrimoine réel ni la famille vraie ne sont soutenus, où l’éducation et l’instruction vont à vau-l’eau, où la religion la plus certaine et la plus enracinée, celle qui relie non seulement la terre française au ciel mais aussi, entre elles, les générations qui s’y succèdent, est constamment bafouée, brocardée, publiquement méprisée. Un tel pays devient ingouvernable.

    « Continuité », « durée »

            Les bonnes intentions du président ne sont pas à remettre en cause. 

            Il cherche perpétuellement des lignes stratégiques qui lui permettent de sortir enfin des difficultés où le jettent ses politiques. Après l’échec électoral des régionales, il a hésité et, ayant fait passer la réforme des retraites au milieu du tapage, il a pensé sans aucun doute à un tournant dit social, en prenant comme Premier ministre Jean-Louis Borloo.

            C’est là que François Fillon a fait entendre sa voix. Et qu’a-t- il dit ? Il a parlé de « continuité », de « durée ». Deux mots simples, mais extraordinaires dans la situation actuelle, et qui lui ont permis de gagner la bataille d’influence. Telles furent ses armes : il a été reconduit dans ses fonctions.

            « Continuité », c’est la qualité qui doit s’attacher à toute vraie politique de fond et en assurer la cohérence. « Durée », c’est la condition institutionnelle qui permet la continuité. 

            Voilà le bon sens même. Toute la question dès lors est de savoir si les institutions actuelles garantissent la condition et la qualité politiques demandées. L’argument est si fort que Fillon l’a emporté et va peut-être obtenir, du coup, le rééquilibrage souhaité dans l’exécutif pour tenter de mieux mener la politique gouvernementale… Mais, tout de même, si l’on veut bien y réfléchir, quel aveu ! Et quelle leçon ! Qui le dira, en dehors de Politique magazine où c’est devenu un refrain ?

            Mais autre contradiction des institutions actuelles : au moment précis où le chef du gouvernement fait valoir cette idée de durée et de continuité, il est contraint de sortir d’un schéma rassembleur ; l’unité de l’État à recréer est par nécessité partisane. Quelle leçon encore ! Quand sera-t-elle enseignée à Sciences-Po ? Pas un commentateur n’attire l’attention sur ce phénomène qui est simplement mécanique.

            De toute façon, la politique maintenant n’est plus axée que sur l’élection présidentielle de 2012. Autant dire que le redressement français n’est pas pour demain… Fillon a eu beau faire le plus beau, le plus énergique discours de politique générale, tout est suspendu à cette échéance qui installe au sommet de l’État et de manière répétitive et permanente l’exact contraire de la durée, de la continuité et de l’unité. La France va s’y casser. Les luttes ont déjà commencé dans un climat délétère où tout est fait pour déstabiliser l’exécutif ; il est tristement cocasse de voir des républicains patentés brandir la vertu, selon leurs vieilles habitudes, pour dénoncer des scandales politico-financiers qui sont consubstantiels à toute l’histoire républicaine ! Eh oui, aujourd’hui comme hier et comme demain !

            Mais voici plus grave : la terrible tempête financière, ici annoncée depuis des années, s’approche et se profile déjà à l’horizon. La violence qui en résultera sera redoutable. Sarkozy, épuisé, avec, pour lui tailler des croupières, les centristes, Villepin, Dupont-Aignan et tutti quanti, aura en face de lui un Front national implacable dans son argumentaire.

            À gauche, le Parti socialiste qui voudrait bien rééditer à l’inverse et à son profit le coup de 2002, se voit pourtant déjà dans une situation similaire avec des écologistes intraitables et une gauche de la gauche de plus en plus superbe, dominée par un Melenchon impitoyable.

            Quel président sortira des urnes ? Qui y a réfléchi ? Et quelles législatives suivront ? Chaos ? Cohabitation de quasi guerre civile ? 

            Et cette combinaison institutionnelle devra affronter une effroyable crise financière, économique, sociale et politique… Personne ne voit donc l’évidence ! Ah, si les Français connaissaient leur histoire, ils sauraient où se trouve en pareil cas le principe d’unité, de durée, de continuité. ■

  • G 20, Discours et réalités, l'analyse politque d'Hilaire de Crémiers

            (Article paru dans Politique magazine n°  94, de mars 2011)

            G 20, Discours et réalités

            Il est bien de songer à l’ordre international. Mais encore faut-il en avoir les moyens et le premier d’entre eux : un État solidement installé dans la durée et l’efficacité.

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            Les réunions d’ouverture du G20 entre ministres des Finances et banquiers centraux se sont tenues à Paris le vendredi 18 et le samedi 19 février. L’apparence était à la concertation ; mais l’apparence seulement. Les Chinois, selon une habitude qu’ils ont acquise de sommet en sommet, étaient les maîtres et ils l’ont fait savoir, comme les fois précédentes, à leur façon : ils ont refusé tout accommodement. Ainsi, selon leur exigence, les réserves de change et même les taux de change ne feront pas partie des indicateurs d’une gouvernance économique mondiale. C’est la rendre ainsi impossible ! Même refus sur la question des limites dans les balances courantes. Peu importe que ce soit une cause essentielle des déséquilibres. Autrement dit les Chinois sont et demeurent maîtres de leur monnaie, de leurs réserves de change, les plus importantes du monde – 2840 milliards de dollars –, de leur politique économique. Le ministre des Finances chinois, Xie Xuren, soutenu par le turc, a clairement signifié qu’imaginer les choses autrement, c’était rêver. D’ailleurs le FMI et la banque mondiale doivent maintenant compter avec la Chine.

            Lors d’une réunion à la Banque de France, Ben Bernanke, le patron de la Fed, la Banque centrale américaine, a donné comme d’habitude une leçon de vertu au monde, en s’opposant à son homologue chinois, Zhou Xiaochuan, sans l’affronter directement : les déséquilibres économiques, dit-il, et, en particulier, ceux des balances dus à des excédents commerciaux, n’étaient que la conséquence des tricheries de la sous-évaluation monétaire. Cela visait les Chinois ; mais c’était omettre de dire que les États- Unis, quant à eux, poursuivent invariablement leur propre politique d’émission monétaire et de rachat des bons du Trésor, donc de multiplication du dollar. Telle est la seule façon pour eux d’envisager une relance à bon marché de leur économie par l’afflux de liquidités, au prétexte qu’ils ne connaîtraient pas d’inflation réelle – c’est « l’assouplissement quantitatif » ! – alors que l’endettement fédéral atteint désormais le plafond légal de 14290 milliards de dollars qu’il faudra franchir – ça se jouera début mars –, en dépit de l’opposition conservatrice, pour assurer les paiements courants ; et cela sans se soucier de faire payer au monde entier les conséquences d’un tel laxisme. 1480 milliards de dollars de dettes, rien que pour l’année 2011… La politique du dollar n’est conçue que pour l’Amérique… jusqu’au risque du krach obligataire… Les pays émergents, en particulier le Brésil et l’Inde, sont décidés à sauver leur indépendance monétaire ; leurs ministres des Finances respectifs, Guido Mantega et Pranab Mukherjee, se sont opposés à tout contrôle strict international pour mieux conserver leurs propres contrôles nationaux. Singulièrement le Brésil, attaché à maintenir sa croissance face à la spéculation et au jeu des capitaux mouvants qui font monter sa monnaie… alors que le FMI ne songe qu’à supprimer le contrôle des changes ! Le Japon qui bat tous les records des dettes d’État, essaye de se tirer de ses difficultés, essentiellement internes, tout en se voyant surpassé par la Chine qui lui ravit le rang de deuxième économie mondiale.

    Une europe en implosion

            Et l’Europe ? Christine Lagarde avec cette intelligence ductile qui la caractérise, a réussi à faire croire qu’elle existait. C’est qu’elle y croit elle-même. Il est vrai qu’il faut bien croire pour espérer et goûter ainsi la force d’attraction d’un bien à embrasser !

            Cependant l’Europe n’est pas du tout en ordre de marche. Cela s’est fortement senti avant, pendant et après la rencontre. Il faut dire que les dettes souveraines y sont écrasantes ; les intérêts y sont divergents. Le système bancaire, intriqué de toutes sortes de crédits irrécouvrables et d’actifs dits toxiques, n’est, en dépit de quelques chiffres mirobolants mais essentiellement conjoncturels, qu’une machine à risques d’une extrême fragilité, comme le savent et l’écrivent tous les spécialistes, et dont le cas de l’Irlande et du Portugal n’offre qu’une pâle idée. Qui peut douter que le cas espagnol n’y ajoute bientôt un violent éclat ? Les taux d’emprunt de ces pays, comme ceux de la Grèce, sont dorénavant intenables, obligeant à un recours au Fonds d’aide européen, le FESF, même si la BCE, de son côté, prend le relais. Jusqu’où ? Sait-on que sur ces dettes souveraines les banques françaises sont exposées pour 485 milliards d’euros, les allemands pour 465… Et la BCE maintenant ?

            Tout repose sur un accord franco-allemand qui ne marchera que tant que l’Allemagne le voudra bien. C’est donc elle qui décide parce qu’elle a réussi à faire de sa politique économique la seule qui soit véritablement « crédible » dans le magma européen : le fameux modèle allemand ! C’est Angela Merkel qui ainsi a consenti à sauver la Grèce et l’Irlande ; et la raison en est tout simplement l’intérêt direct des banques allemandes. En accordant des prêts européens, l’Allemagne garantit ses propres créances. 

            Elle n’est pas la seule…

            Cependant le modèle allemand a ses limites et ses fragilités. 

            L’euro a jusqu’ici servi l’Allemagne. Mais aujourd’hui beaucoup d’Allemands sont sceptiques sur l’avenir de la zone euro. 

            Angela Merkel est en train de perdre les élections. Tous ces jours derniers, y compris pendant la rencontre de Paris, son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a rappelé que l’Europe ne pourrait exister que selon les critères allemands.

            Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a pendant tout son mandat mené une politique allemande de rigueur monétaire ; sauf que depuis plus d’un an il a été obligé, à l’encontre des traités européens, de se relâcher sur ses principes pour sauver la zone euro en ne cessant d’acheter des obligations d’État, plus que douteuses, et aussi dernièrement en consentant des prêts d’urgence à des établissements irlandais sur le point de fermer en contrepartie d’actifs… dont nul ne connaît la valeur.

            Eh bien, voici un fait significatif : il était prévu qu’Axel Weber, président de la Bundesbank, devait lui succéder à l’automne à la tête de la BCE. L’homme a refusé et, pour confirmer son refus, démissionné. La raison ? Il désapprouve la nouvelle politique de la BCE, il veut avoir sa liberté de parole ! Il ne croit plus à l’euro ; il pense d’abord à l’Allemagne… Qui sera dupe encore ? Il suffit de lire le dernier rapport du FMI :  l’avenir est aux investisseurs chinois ; la zone euro est au bord de l’implosion.

    Le discours et la réalité

            Voilà le climat dans lequel le G20 s’est déroulé. Certes une nuit de travail a permis de mettre au point quelques critères communs économiques et financiers sur les déficits, sur les dettes et sur l’épargne. Mais il y a loin de cette banale réalité au discours pompeux sur le nouvel ordre mondial. Le forum de Davos a été l’illustration d’un pareil écart. Ni Barack Obama ni Hu Jintao ne s’y sont déplacés. Nicolas Sarkozy y a fait un brillant discours ; les financiers et les entrepreneurs du monde ont répondu par des phrases sans fioritures.

            Lors de l’ouverture de la présidence française du G20, le président français a souhaité que soit pris en considération un intérêt général du monde sur trois grands points : les monnaies, la régulation financière, les matières premières dont les prix deviennent exorbitants… Intention louable, en effet. La banque mondiale s’inquiète d’une crise violente qui se prépare sur les denrées alimentaires… Rien n’est fait ou si peu.

            Le Marquis de La Tour du Pin et toute l’école sociale catholique dont bon nombre de membres étaient royalistes, ont développé des idées sur les mêmes thèmes à la fin du XIXe siècle. Ils dénonçaient la spéculation et ses opérations insensées sur les matières premières. Qui se souvient encore de La Tour du Pin ? 

            Sarkozy en a-t-il même entendu parler ? Ce catholique royaliste n’était ni libéral, ni socialiste ; seulement, il savait que pour obtenir un certain ordre et un ordre humain, il fallait d’abord des institutions humaines, dignes de ce nom, donc qui soient indépendantes, spirituellement libres, fortes d’une vertu enracinée dans l’histoire, animées d’un esprit de suite… Bref, le contraire des institutions actuelles qui sont celles du bavardage, de l’argent, de la démagogie, de l’ambition et de la carrière.

            Qu’en sera-t-il de cette présidence française du G20 en avril lors de la prochaine réunion de Washington et en novembre lors du sommet des chefs d’État à Cannes ? Supposons que la crise mondiale s’aggrave, que les crises sociales se déclenchent, que le prix du pétrole frappe les économies… Mais non, chers lecteurs, vous le savez bien : le seul point important est de savoir si Nicolas Sarkozy, si DSK, si Martine Aubry, si Villepin, si Royal, si Borloo, si Morin, si Hulot, si Mélenchon, si Éva Joly, si Besancenot… Au fait, qu’est-ce qui se passerait si l’État s’effondrait ? ■

  • A lilou, sur ”de Gaulle au bac”.....

                Dans un commentaire de lilou, reçu hier, celui-ci nous demande de vérifier nos sources et s'inquiéte pour la "déontologie de l'information". Nous avons annoncé nos sources dans notre note: il s'agit du billet de Patrice de Plunkett (dans son Blog) et du billet de Philippe Reinhard dans La Provence. Mais nous avions lu aussi Marianne et Le Nouvel Obs, avant de publier notre note le 9 juin. Nous mettons ces deux articles ci-après : le Nouvel Obs renvoie bien à un article de Valérie Sultan, du 9 mars, sur un bulletin officiel du SNES. Article clairement hostile à ce que l'oeuvre de de Gaulle fIgure au programme, et demandant son retrait.

                Extrait : "Le nouveau programme de lettres en Terminale L (BO du 14 janvier 2010) a suscité de vives réactions : en effet, le choix des Mémoires du Général de Gaulle, qui ne sont pas un texte littéraire, semble totalement incongru.... nous avons notre mot à dire et le SNES demande que cette oeuvre soit retirée du programme."

                Alors, le SNES peut-être dépassé par une partie des siens ou de sa mouvance ? Ou désireux, vu le tollé, de se désolidariser d'une action née -au moins en partie...- dans son sein, ou sa mouvance ? Tout est possible....

                Aujourd'hui, le Snes-FSU, premier syndicat des professeurs de collèges et lycées, dit qu'il "n'est pas à l'initiative de cette pétition et n'en est pas signataire" (c'est ce qu'a affirmé à l'AFP Roland Hubert, co-secrétaire général). Mais le Snes avait aussi "contesté" ce choix auprès "du ministère et de l'inspection générale". Dans un communiqué du 5 février consacré surtout aux projets de programmes de seconde dans le cadre de la réforme du lycée, le Snes écrivait que "de nombreux collègues s'interrogent sur le choix" de l'oeuvre de De Gaulle. "Quelle est la pertinence d'un tel choix pour le domaine "littérature et débat d'idée" ? Devant la difficulté de l'étudier comme un ouvrage "littéraire", ne peut-on pas voir dans ce choix une nouvelle orientation de la discipline qui semble confondre littérature et histoire, comme c'est le cas pour l'enseignement "littérature et société" en seconde ? ", se demandait-il. "Le ministère instaure une confusion entre ces disciplines, particulièrement dommageable dans une série qui se veut littéraire", concluait-il à ce sujet.

                 Le 4 juin Marianne et Le Nouvel Obs (en plus du Figaro et d'autres, et des radios) reprenaient l'info:

                                                            I : sur MARIANNE

    Le SNES, antigaulliste primaire... et sarkozyste secondaire

    Eric Conan - Marianne | Vendredi 4 Juin 2010

    Marianne s'engage avec Eric Conan. Qui désapprouve la pétition du SNES exigeant la suppression des mémoires du Général de Gaulle du programme du bac de français.


    Au moment ou l’école fait l’objet d’une attaque en règle du consternant Ministre de l’Education, Luc Chatel -  qui la traite comme une filiale de l’Oréal, où il a exercé les talents de directeur du personnel et de responsable du marketing - l’ahurissante pétition lancée par le SNES (Syndicat national des enseignants du second degré) contre l’inscription des Mémoires de guerre du Général De Gaulle au programme du bac de français littéraire (aux côtés d’Homère, de Beckett et de Pascal Quignard) a le mérite de nous rappeler une douloureuse réalité : le désastre scolaire ne s’explique pas seulement par les offensives régulières que l’école subit de l’extérieur, par tous ceux qui cherchent à réduire les moyens qui lui sont consacrés, qui se réjouissent de voir son rôle dans la lutte des inégalités se réduire et qui ne lui demandent que de préparer au plus vite la jeunesse à plonger dans le grand marché de la consommation généralisée.

    Non, le système scolaire français s’est aussi effondré de l’intérieur, une partie des enseignants ayant souhaité et favorisé au cours des trois dernières décennies beaucoup de ces réformes - pour la plupart de gauche - qui, de renoncements successifs en initiatives pédagogiques dé-coiffantes, ont participé à la déroute de l’instruction, en particulier dans l’enseignement du Français, domaine dans lequel la baisse du niveau est la plus spectaculaire. C’est d’ailleurs l’aspect tragique du sentiment actuel de beaucoup d’enseignants : ils savent plus ou moins consciemment que leur corps n’est historiquement pas étranger à l’état de l’école dont ils sont les victimes quotidiennes. Beaucoup, ces dernières années, ont pris conscience de cette contradiction. D’autres n’en sont malheureusement pas encore là comme l’initiative du SNES en constitue une triste démonstration.

    Car que nous disent ces pétitionnaires ? Que « proposer De Gaulle aux élèves est tout bonnement une négation de notre discipline ». Ce sont les mêmes qui expliquaient il n’y a pas si longtemps qu’il valait mieux apprendre le français à partir du mode d’emploi d’un presse-purée ou d’une affiche publicitaire plutôt que dans les œuvres de La Fontaine ou de Victor Hugo, trop éloignées des réalités quotidiennes des élèves. Comme ils n’étaient pas gênés que des manuels de Français proposent d’approfondir « la culture du verlan », on comprend aisément que le style littéraire de De Gaulle, qui a fait son entrée dans la collection de La Pléiade, leur semble d’un piètre intérêt pédagogique. Autre objection invoquée : « Nous sommes professeurs de lettres. Avons-nous les moyens, est-ce notre métier, de discuter une source historique ? ». De Gaulle, la Seconde guerre mondiale, la Résistance, la Libération, cela semble effectivement trop compliqué quand l’objectif pédagogique premier est de ne pas bousculer l’élève avec ces vieilles histoires dépassant l’horizon de son univers quotidien. Déjà, Guy Mocquet leur semblait trop exotique.

     Dernier argument : De Gaulle, ce serait de la politique et de la propagande. Et oui, comme toute grande œuvre politique, mais c’est précisément dans la catégorie « littérature et débat d’idées » que l’Inspection a retenu les Mémoires de guerre. L’argument du SNES impliquerait de rayer des programmes Chateaubriand, Saint-Simon, Péguy, Sartre, Malraux, Césaire, etc. Mais quand il parle de politique, le SNES ne voit même pas si loin : il pense que De Gaulle a été choisi « pour flatter la couleur politique du pouvoir en place ».
    On se dit alors que l’inculture a vraiment progressé au point de faire des ravages dans certaines têtes enseignantes qui ne perçoivent aucune différence entre Sarkozy et De Gaulle. Inculture de ne pas voir pas que le large consensus actuel autour du gaullisme de guerre s’explique beaucoup par la nostalgie d’une conception de la politique qui ne bradait pas les idéaux et le souci de l’avenir collectif pour l’empire de l’argent et de la réussite matérielle. Inculture à laquelle s’ajoute l’inconséquence de ne pas voir qu’en demandant la déprogrammation des Mémoires de guerre, ils sont en fait les vrais alliés de Nicolas Sarkozy qui avait condamné La Princesse de Clèves avec les mêmes arguments. Plutôt Titeuf ou Pennac que Villon ou Stendhal.

    S’ils s’intéressaient un peu plus à cette discipline démodée qu’est l’Histoire, les censeurs du SNES sauraient qu’au-delà des décisions tragiques de Vichy, le pétainisme exprimait d’abord un état d’esprit duquel tout le reste découla : le renoncement face aux événements, l’adaptation aux nouvelles réalités présentes, l’acceptation d’évolutions jugées irréversibles. La soumission à l’air du temps.

    Voir l'article de Joseph Macé-Scaron dans le dernier numéro de Marianne, page 85.

                                                       II : sur LE NOUVEL OBS

    Pour de Gaulle au bac. Tribune

    «Un bonnet d'âne pour le SNES» 

    Par BibliObs.com O4/06/2010

    C'est la polémique du jour, depuis que 1500 personnes ont signé la pétition lancée par des professeurs de littérature pour s'opposer à l'inscription des « Mémoires de guerre » du Général de Gaulle au programme du prochain bac littéraire. Elle a inspiré cette tribune à plusieurs écrivains (aux yeux desquels telle prise de position du SNES semble, au moins indirectement, à l'origine de la pétition en question) 

     

    « Nous soussignés, premier échantillon d'un millier de signatures actuellement rassemblées, saluons solennellement le Syndicat National des Enseignements du second degré férocement opposé à l'inscription des Mémoires de guerre du Général de Gaulle au programme du bac littéraire.

    Par son geste, cet organisme apporte à notre histoire et à notre culture une contribution si exceptionnelle, et à notre jeunesse un tel exemple d'ouverture, que nous sommes heureux, au nom du peuple français, de lui décerner le Bonnet d'âne national 2010 avec palmes (académiques), y joignant la citation légèrement modifiée d'une des plus admirables litotes de la langue francaise écrite par de Gaulle dans le Fil de l'Epée et dans laquelle nous avons simplement substitué au mot « militaires » le mot « professeurs » : il est vrai que parfois, les professeurs, s'exagérant l'impuissance relative de l'intelligence, négligent de s'en servir.

    André Brincourt, Francois Broche, Marie Berneron, Jean-Marie Borzeix, Eric Deschodt, Jean-Paul Caracalla, Jean-Sebastien de Halleux, Pascale de La Loge, Françoise Sauvage, Christian Sevestre, Mathieu Walter, Georges Walter etc etc...»

  • Olivier Rey : « Le discours sur les droits de l'homme est devenu fou » (1/2)

     

    Par Alexis Feertchak et Vincent Trémolet de Villers     

    Le philosophe et mathématicien Olivier Rey a accordé au FigaroVox [5 & 6.08] un grand entretien où il expose, dans une première partie, comment nous surchargeons l'édifice social de tourelles sociétales et postmodernes au point qu'il risque de s'écrouler. Nous n'ajouterons rien à ce déjà long entretien où beaucoup de choses essentielles sont dites. Il s'agit ici d'y réfléchir et, le cas échéant d'en débattre. En attendant - demain - une seconde partie tout aussi riche. Nous avons affaire ici, de toute évidence, à une critique de fond de la modernité ou postmodernité.  LFAR   

                

    PAR20090314067.jpgQuand Élisabeth Guigou défendait le PACS, elle jurait que celui-ci n'ouvrirait pas la voie au mariage et à l'adoption des couples homosexuels. Or, récemment, la ministre de la Famille a décidé d'abroger une circulaire qui interdisait aux gynécologues de conseiller à leurs patientes une insémination à l'étranger. Pensez-vous que le mariage pour tous engendrera mécaniquement la PMA et la GPA ?

    Concernant Élisabeth Guigou, il est difficile de savoir à quoi s'en tenir: elle a dit qu'elle était sincère au moment du PACS, avant d'évoluer en faveur du mariage. D'autres déclarations de sa part laissent cependant entendre que sa position en 1999 était essentiellement tactique. Les mêmes incertitudes se retrouvent aujourd'hui envers ceux qui ont affirmé que la loi Taubira n'impliquait rien concernant la PMA « pour toutes » ou la GPA. Ce qui est certain, c'est que les plus ardents promoteurs de cette loi visaient, à travers elle, un changement du droit de la famille et de la filiation. De ce point de vue, la Manif pour tous a eu un effet : par son ampleur elle a empêché, au moins provisoirement, la mise à feu du deuxième étage de la fusée.

    Pour l'heure, la démarche pour contourner les obstacles consiste à pratiquer le law shopping, c'est-à-dire à se rendre dans certains pays qui permettent ce qui est interdit ici, puis à réclamer de retour en France une régularisation de la situation. Si le phénomène prend de l'importance, on accusera le droit français d'hypocrisie, et on le sommera d'autoriser ce que de toute façon il entérine après coup. On pourra même invoquer le principe d'égalité, en dénonçant un « droit à l'enfant » à deux vitesses, entre ceux qui ont les moyens de recourir au « tourisme procréatif » et les autres.

    La plupart des acteurs politiques qui souhaitaient revenir sur le mariage pour tous ont fait machine arrière. Diriez-vous que les lois sociétales sont irréversibles ?

    Cela dépend de l'échelle de temps à laquelle on se place. À court terme, le mouvement semble irréversible. À plus long terme, il est difficile de se prononcer. Depuis plusieurs décennies, nous surchargeons l'édifice social et juridique de tourelles postmodernes par ci, d'encorbellements rococos par là, sans nous préoccuper des murs porteurs qui n'ont pas été prévus pour ce genre de superstructures, et qui donnent d'inquiétants signes de faiblesse. Si les murs finissent par s'ébouler, toutes ces « avancées » dont on s'enchante aujourd'hui s'écrouleront.

    Nous sommes entrés dans une période de grandes turbulences, dont nous ne vivons pour l'instant que les prodromes. Nous aurons à faire face au cours de ce siècle à de gigantesques difficultés - écologiques, économiques, migratoires. Le « jour du dépassement », c'est-à-dire le jour où les ressources renouvelables de la terre pour l'année en cours ont été consommées, arrive toujours plus tôt - en 2016, dans la première quinzaine d'août. Autrement dit, notre richesse actuelle est fictive, elle est celle d'un surendetté avant la banqueroute. Lorsque les diversions ne seront plus possibles, nous nous rappellerons avec incrédulité que dans les années 2010, la grande urgence était le mariage pour tous. Cela paraîtra emblématique de l'irresponsabilité de ce temps. En fait, la polarisation sur les questions « sociétales » est une façon de fuir la réalité : se battre pour la PMA pour toutes ou la GPA, c'est aussi éviter de penser à ce à quoi nous avons à faire face.

    N'est-on pas aujourd'hui dans une extension infinie des « droits à » comme le « droit à l'enfant » ? Cela ne risque-t-il pas d'enfreindre des libertés fondamentales comme les « droits de l'enfant » ?.

    Le discours des droits est devenu fou. Historiquement, l'élaboration de la notion de droits de l'homme est liée au développement des doctrines de contrat social, selon lesquelles, dans un « état de nature », les humains vivaient isolés, avant que les uns et les autres ne passent contrat pour former une société. Dans l'opération, les individus ont beaucoup à gagner : tout ce que l'union des forces et des talents permet. Ils ont aussi à perdre : ils doivent abdiquer une partie de leur liberté pour se plier aux règles communes. Qu'est-ce que les droits de l'homme ? Les garanties que prennent les individus vis-à-vis de la société pour être assurés de ne pas trop perdre de cette liberté. Garanties d'autant plus nécessaires que les pouvoirs anciens, aussi impérieux fussent-ils, étaient plus ou moins tenus de respecter les principes religieux ou traditionnels dont ils tiraient leur légitimité. À partir du moment où l'ordre social se trouve délié de tels principes, il n'y a potentiellement plus de limites à l'exercice du pouvoir : à moins, précisément, qu'un certain nombre de droits fondamentaux soient réputés inaliénables. Comme l'a dit Bergson, chaque phrase de la Déclaration des droits de l'homme est là pour prévenir un abus de pouvoir.

    Depuis, la situation a connu un retournement spectaculaire. Les droits de l'homme, de cadre institutionnel et de sauvegarde des libertés individuelles face à d'éventuels empiètements de l'État, sont devenus sources d'une multitude de revendications adressées par les citoyens à la puissance publique, mise en demeure de les satisfaire. La Déclaration d'indépendance américaine cite trois droits fondamentaux : le droit à la vie, le droit à la liberté, le droit à poursuivre le bonheur. Mais aujourd'hui, ce dernier droit est compris par certains comme droit au bonheur. Dès lors, si quelqu'un, par exemple, estime indispensable à son bonheur d'avoir un enfant, alors avoir un enfant devient à son tour un droit, et tout doit être mis en œuvre pour y répondre.

    Au point où nous en sommes, la seule limite à laquelle se heurte l'inflation des droits tient aux conflits que leur multiplication entraîne. Par exemple : l'antagonisme entre le droit à l'enfant et les droits de l'enfant. C'est ainsi qu'au Royaume-Uni, il n'y a plus d'anonymat du donneur masculin pour les PMA, parce que les moyens mis en œuvre pour l'exercice du droit à l'enfant doivent respecter le droit de l'enfant à connaître ses origines. C'est la bataille des droits.

    Comment définir la limite entre le droit de poursuivre le bonheur et celui de l'avoir, entre les actions individuelles et l'intervention de la société et de l'État ?

    Prenons l'exemple du droit qu'il y aurait, pour une femme seule ou pour deux femmes, d'aller à l'hôpital pour concevoir par PMA. Il ne s'agit pas d'obtenir de l'État la levée d'un interdit (la loi n'interdit à personne d'avoir un enfant), mais d'exiger de lui qu'il fournisse gratuitement à toute femme qui en fera la demande une semence masculine, qu'il se sera préalablement chargé de collecter en vérifiant sa qualité, et dont il aura effacé la provenance. Pourquoi fournirait-il un tel service ? Pourquoi se substituerait-il à l'homme manquant ? Pour des raisons médicales - comme le M de PMA le laisse entendre ? Mais où est l'infirmité à pallier, la maladie à soigner ?

    Ce mésusage du mot « médical » va de pair avec les emballements qu'on observe dans le discours des droits. Dans le préambule à sa Constitution, adoptée en 1946, l'Organisation mondiale de la santé définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Comme de plus « la possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain », on voit qu'une infinité de droits peuvent se réclamer d'un droit à la santé ainsi compris. En particulier, un droit à tout type d'« augmentation » et de procréation, dès lors que quiconque estime cette augmentation ou ce type de procréation nécessaires à son bien-être.

    À propos de la procréation techniquement assistée, il faut aussi tenir compte d'un fait : cette intervention technique autorise les diagnostics pré-implantatoires et rend envisageable la sélection d'un nombre croissant de caractères, qu'on voit mal certaines cliniques privées, dans des États accueillants, se priver de proposer. Dès lors, ceux qui conçoivent des enfants à l'ancienne pourront se sentir désavantagés par rapport à ceux qui recourent à ces procédés, et seront tentés eux-mêmes de les adopter. On voit le paradoxe : la modernité était habitée par un idéal de liberté de la personne. Mais la liberté devient un leurre quand chaque fonction vitale suppose, pour être remplie, l'allégeance à un système économico-technique hégémonique. C'est au tour de la procréation, demeurée scandaleusement sexuelle et artisanale jusqu'à aujourd'hui, d'être prise dans le mouvement.

    Il est possible d'acheter des enfants sur catalogue dans certains États en choisissant leurs prédispositions génétiques, comme la couleur de leurs yeux. En matière de progrès technique et sociétal, diriez-vous comme Einstein qu'il y a « profusion des moyens et confusion des fins » ?

    Je pense à une chanson des Sex Pistols, ce groupe de punk anglais des années 1970. Dans Anarchy in the UK, le chanteur Johnny Rotten hurlait : « I don't know what I want, but I know how to get it» (« Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir »). Ça me semble emblématique de notre époque. Nous ne cessons de multiplier et de perfectionner les moyens mais, en cours de route, nous perdons de vue les fins qui mériteraient d'être poursuivies. Comme le dit le pape dans sa dernière encyclique, « nous possédons trop de moyens pour des fins limitées et rachitiques ».

    Cette absorption des fins dans le déploiement des moyens des fins est favorisée par l'esprit technicien, qui cherche à perfectionner les dispositifs pour eux-mêmes, quels que soient leurs usages, une division du travail poussée à l'extrême, qui permet d'augmenter la productivité, et le règne de l'argent, qui fournit un équivalent universel et permet de tout échanger. Plus le travail est divisé, plus le lien entre ce travail et la satisfaction des besoins de la personne qui l'accomplit se distend. On ne travaille plus tant pour se nourrir, se loger, élever ses enfants etc. que pour gagner de l'argent. Cet argent permet certes ensuite d'obtenir nourriture, logement etc., mais, en lui-même, il est sans finalité spécifiée. C'est pourquoi, au fur et à mesure que la place de l'argent s'accroît, on désapprend à réfléchir sur les fins : « Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir » - par de l'argent.

    Il ne s'agit pas de critiquer la technique, la division du travail ou l'argent en tant que tels, mais de se rendre compte qu'il existe des seuils, au-delà desquels les moyens qui servaient l'épanouissement et la fructification des êtres humains se mettent à leur nuire, en rétrécissant l'horizon qu'ils étaient censés agrandir. 

    Olivier Rey est un mathématicien et philosophe français né en 1964. Polytechnicien de formation, il est chercheur au CNRS, d'abord dans la section « mathématiques » puis, depuis 2009, dans la section « philosophie », où il est membre de l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques (IHPST). Auteur de plusieurs ouvrages, il a notamment publié Itinéraire de l'égarement. Du rôle de la science dans l'absurdité contemporaine (éd. Le Seuil, 2003) ; Une folle solitude. Le fantasme de l'homme auto-construit (éd. Le Seuil, 2006) et Une question de taille (éd. Stock, 2014) pour lequel il a reçu le Prix Bristrol des Lumières 2014.      

    A lire demain ...

    Olivier Rey : La politique n'existe plus. Elle s'est évaporée dans la « planétarisation » (2/2)       

  • Eric Zemmour à Politique magazine : « Reconquérir la société par la culture » par Jean-Baptiste d'Albaret

     

    Politique magazine l’avait écrit dès sa parution : parce qu’il permet de comprendre comment la France en est arrivée à se renier elle-même, Le Suicide français d’Eric Zemmour est un livre capital. Pour l’écrivain, c’est par la culture que notre société a été contaminée par l’idéologie qui détruit notre pays. C’est par la culture qu’il faut la reconquérir. 

    Pourquoi choisir un titre aussi provoquant que « Le suicide français » ?

    L’aspect éditorial a bien sûr compté, mais le but était avant tout de frapper un grand coup, dès la couverture, pour alerter sur l’imminence de la catastrophe : la disparition pure et simple du peuple français et de sa civilisation tels qu’ils existent depuis des siècles. On peut toujours ergoter pour savoir s’il s’agit d’un suicide, d’un meurtre ou que sais-je encore… Il n’empêche que nous sommes collectivement fascinés par notre propre disparition et que nous cédons volontiers à cette pulsion mortifère. Il s’agit donc bien d’une sorte de suicide. Ou, si l’on veut, d’un suicide assisté.

    Qui en est le responsable ?

    Le responsable, c’est le projet subversif de ceux qui contraignent notre pays à ingurgiter des valeurs et des mœurs aux antipodes de ce qu’il a édifié au fil des siècles. C’est un totalitarisme d’un genre nouveau qui, en particulier à travers les médias, impose ses conceptions et guide les consciences, interdisant de fait toute pensée autonome. C’est la haine des élites politiques, économiques, médiatiques, héritières de Mai 68, envers le peuple français et son histoire. Et ce sont les Français eux-mêmes qui ont assimilé cette haine et, par une sorte de masochisme, l’ont retournée contre eux.

    Comment expliquez-vous alors le succès phénoménal de votre livre ?

    Quand les Français sortent de chez eux, ils ont l’impression d’avoir changé de continent ! Le voile se déchire… Nos compatriotes ne se sentent plus chez eux et il est interdit de le dire. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que nous avons affaire à un système qui évacue le réel. Dans mes écrits, j’essaie modestement de le remettre au centre du débat public, ce qui, évidemment, suscite la colère de ceux qui n’ont de cesse de l’ostraciser.

    Justement. Vos détracteurs vous reprochent des analyses manichéennes et réactionnaires. Que leur répondez-vous ?

    Généralement, ceux qui me reprochent ma vision « manichéenne » comme vous dites, sont les mêmes qui traitent mon livre de manière caricaturale. Livre que, d’ailleurs, souvent ils n’ont pas lu, ou alors très vite et très mal. Mais on accuse toujours les autres de ses propres turpitudes, c’est une loi de la psychologie… Quant au terme « réactionnaire », comme celui de « populiste », je l’assume pleinement. D’abord parce que, revendiquant mon droit à réagir, j’en suis un au sens propre. Ensuite, parce qu’en effet j’aime le passé, j’aime l’histoire et en particulier l’histoire de France, de laquelle nous aurions des leçons à tirer pour surmonter la crise actuelle qui menace de nous emporter. Tous les renouveaux se sont fondés sur des expériences du passé. Dans un de ses textes, le général De Gaulle en appelle à la tradition pour, je cite, « régénérer le pays ». Or, depuis quarante ans, par un mélange d’inconscience et d’arrogance, on s’ingénie à détruire notre mémoire nationale, ce qui est une catastrophe à tous les niveaux. Je ne défends évidemment pas une conception étriquée de la tradition, mais l’arrachement à nos racines comme condition du progrès humain est une idée fausse et dangereuse… Comme l’explique Jean-Claude Michéa, la liberté, telle que nous la concevons depuis le XVIIIe siècle, naît de la confrontation entre la tradition et l’individualisme. Or, Mai 68 a tué cette dialectique puisqu’il a détruit toute référence au passé : de ce fait, l’individu a été laissé à lui-même, à ses caprices, à son hubris.

    Dans votre livre, vous expliquez que ce qui a sauvé les soixante-huitards, c’est qu’ils ont échoué à prendre le pouvoir. Que voulez-vous dire par là ?

    Cette explication est tirée d’une discussion entre Alain Peyrefitte et Georges Pompidou rapportée dans Le Mal français, le livre de Peyrefitte. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le libéral, le progressiste, le moderne, ce n’est pas Pompidou, c’est Peyrefitte. Son action à l’Éducation nationale est une catastrophe ! En 1968, De Gaulle, qui ne comprend pas ce qui est en train de se passer, le pousse sur le devant de la scène en pensant qu’il va sauver les meubles. Mais c’est le contraire qui se passe. Pompidou, qui est le vrai conservateur, a tout compris. Il sera d’ailleurs furieux contre Chaban-Delmas et son discours de politique générale sur la « nouvelle société » où, remarque-t-il, pas une seule fois ne figure le mot « Etat ». De fait, Premier ministre en 1969, juste après les événements de mai, Chaban fait entrer l’esprit soixante-huitard dans les institutions gaulliennes. Esprit qui va, dès lors, se diffuser dans la société, comme le ver dans le fruit. 

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    Daniel Cohn-Bendit. Les soixante-huitards et leur entreprise de destruction des moindres rouages qui avaient édifié la France…

    En fait, essentiellement, sous l’argument culturel ?

    Oui, c’est par la culture, d’abord par la culture savante avec ce que les Américains appellent la french theory, puis par la culture populaire, que ces idées se sont diffusées. Dans mon livre, j’analyse un certain nombre de films et de chansons représentatifs de cette idéologie qui va progressivement subvertir la société traditionnelle d’avant les années 70. Ce fut d’autant plus efficace que la plupart des artistes de l’époque avaient un talent formidable. La violence comique d’un Coluche frise le génie ! Pas un seul des « humoristes » d’aujourd’hui – qui se contentent sagement d’être des chiens de garde de l’idéologie dominante – n’arrive à la cheville de ce pur produit de l’esprit de 68 qui fut sans doute l’un des plus grands « déconstructeurs » de la seconde moitié du XXe siècle. Ironie de l’histoire : si ces artistes avaient un tel talent, s’ils l’ont fait fructifier, c’est qu’ils ont bénéficié de l’excellente formation classique qu’ils ont contribué à détruire. De même avaient-ils eu un père à qui se confronter pour devenir des hommes. Mai 68 a tué la figure du père. Le féminisme en a fait une mère comme une autre.

    On a parfois l’impression que cette idéologie que vous décrivez est en fait une sorte de religion qui a pénétré toutes les couches de la société jusqu’au plus haut sommet de l’Etat…

    Absolument ! On a affaire à une nouvelle religion d’état prêchée par des grands-prêtres qui catéchisent, sermonnent, excommunient… Sous couvert de « valeurs de la République », nos élites nous imposent une religion républicaine – le progressisme, le féminisme, l’antiracisme – qui est précisément l’anti-république puisqu’elle est tout sauf la « chose publique » mais une idéologie. Leur idéologie.

    N’est-ce pas, au moins en France, une dérive inhérente au régime républicain, cette sacralisation du politique ?

    C’est une question compliquée mais vous avez sans doute raison de penser que cette tendance est inscrite dès l’origine dans les gènes de la République. Michelet parlait de Robespierre et des Montagnards comme du « parti-prêtre ». Nous sommes un peuple de dogmatiques… Moi, je suis pour la révolution arrêtée par Bonaparte, celle qui, comme il le disait lui-même, s’arrête aux principes qui l’ont commencée : l’égalité et le mérite. Rien de plus, rien de moins ! Cela dit, je comprends la critique contre-révolutionnaire. Quand il relève les contradictions des principes de la Révolution et de la philosophie des Lumières, Joseph de Maistre a souvent raison sur le plan intellectuel. Vous voyez, je n’ai rien contre les monarchistes. Mais il faut assumer son héritage et savoir en conserver le meilleur. Et, je le répète, le meilleur de la Révolution française, c’est la fin des privilèges liés à la naissance. C’est le mérite.

    On sait que vous êtes un admirateur de Napoléon…

    Dans Mélancolie française, mon précédent livre, je soutiens, à rebours de l’historiographie autorisée, que Napoléon a porté au plus haut l’ambition poursuivi pendant quinze siècles par la monarchie française d’être reconnue comme l’héritière de Rome. Ce rêve de la monarchie de succéder à l’Empire romain, Napoléon l’a accompli même si l’aventure s’est terminée par un désastre. Cette thèse permet de comprendre pourquoi l’échec final de 1815 est une rupture profonde de l’histoire de France. A partir de cette date, elle ne peut plus dominer l’Europe. Elle n’est plus un géant et elle le sait. Par une sorte d’effet de compensation, ses élites cherchent depuis des modèles et des maîtres à l’étranger : ce fut l’Angleterre, puis l’Allemagne et l’Amérique, enfin l’URSS et maintenant l’Europe, mais l’Europe allemande…

    Revenons-en à l’actualité. Des critiques extrêmement virulentes contre les socialistes au pouvoir et le politiquement correct de la société médiatique proviennent d’intellectuels classés à gauche (Michel Onfray, Jean-Claude Michéa, Régis Debray, Christophe Guilluy…). Pour vous, qu’est-ce que cela signifie sur le plan du climat intellectuel et idéologique français ?

    J’écris depuis vingt ans que le clivage entre la droite et la gauche n’a plus aucun sens ! En voilà la preuve. Je vous renvoie à la remarquable formule d’un autre intellectuel venu de la gauche, Alain Finkielkraut, sur l’alternative entre « le parti du sursaut et le parti de l’autre ». Nous avons le choix entre « l’autre », c’est-à-dire celui qu’on aime jusqu’à la haine de soi, et le « sursaut », autrement dit le refus de disparaître, collectivement en tant que peuple, mais aussi personnellement comme individu libre. Un philosophe comme Michel Onfray, qui a beaucoup lu et beaucoup travaillé, est en train de choisir. Venu du camp autoproclamé « progressiste », il n’en est pas moins dans le collimateur du « parti de l’autre » parce qu’il a compris que sa liberté individuelle – en tant que citoyen mais aussi en tant que penseur et intellectuel – est en jeu.

    Le Front national peut-il être l’instrument de cette nécessaire réaction ?

    Il m’est difficile de répondre à cette question. Le FN fait de la politique politicienne, ce qui est son rôle mais ce n’est pas mon combat. à mon avis, le nerf de la guerre c’est de reconquérir culturellement la société sur les thèmes que j’ai définis dans mon livre. La réaction politique et électorale ne pourra aboutir qu’après. Quand la société sera prête à l’accueillir. Et on ne sait pas encore quelle forme partisane elle prendra. 

    A lire : Le suicide français, Albin Michel, 544 p., 22,90 euros.

       Politique magazine

  • Sauvez des vies, restez chez vous, par Aristide Renou.

    Certes, nous ne pourrons porter un jugement définitif sur l’épidémie de Covid19 que dans quelques mois, voire quelques années. La mortalité globale, par exemple, est pour le moment difficile à estimer, pour tout un tas de raisons. À l’heure actuelle, on estime – mais cette estimation est provisoire - que le Covid-19 tue environ 5 % des malades diagnostiqués, ce qui est évidemment beaucoup moins que l’ensemble des personnes infectées.

    Mais tout de même, les grandes lignes du tableau commencent à se dessiner, et il est peu probable qu’elles varient beaucoup désormais.

    Voici les derniers chiffres donnés par Santé Publique France.

    Du 01 /03 au 06/04 : 3975 décès dus au Covid19, selon les certificats de décès rédigés par voie électronique. Dans 64% des cas le décès par Covid19 était associé à une comorbidité. 10% des personnes décédées avaient moins de 65 ans et 31% de celles-ci n’avaient pas de comorbidité, ce qui signifie que 2,97% des patients décédés avaient moins de 65 ans et aucune comorbidité. L’âge médian au décès était de 83 ans et 74% des personnes décédées avaient 75 ans et plus.

    On mentionne parfois, dans les médias, un chiffre de plus de 10 000 décès liés au Covid19 depuis début mars. Mais il s’agit des décès de patients atteints de Covid19, ce qui n’est pas la même chose, la cause de la mort n’étant pas nécessairement le virus.

    En tout état de cause ce nombre global des décès n’a pas grand sens étant donné que, à l’évidence, un nombre non négligeable de ceux qui sont officiellement morts du Covid19, ou même de ceux qui sont morts alors qu’ils étaient atteints du Covid19, seraient très vraisemblablement morts à court terme, même sans Covid19. Plutôt que de donner le nombre de décès dus à cette infection, il faudrait plutôt raisonner en termes de nombre d’années de vie perdues pour les personnes décédées. Je ne sais pas si un tel calcul est possible, mais je serais prêt à prendre le pari que le résultat serait plutôt de l’ordre de quelques mois que de quelques années.

    Pour rappel et afin de donner des points de comparaison, il meurt chaque année environ 600 000 personnes en France. La grippe et les maladies respiratoires ont tué un peu plus de 40 000 personnes en 2016, les cardiopathies environ 78 000 personnes et le cancer à peu près 150 000 personnes.

    On le voit, il parait difficile d’échapper à cette conclusion : à ce stade le Covid19 est une épidémie assez peu grave, mesurée à l’aune des grandes épidémies que l’humanité a pu connaitre et même simplement à l’aune des causes de mortalité en général.

    Ce qui a dicté notre réaction extrême, consistant à enfermer chez elles autoritairement et pour une durée indéterminée des dizaines de millions de personnes, n’est pas la dangerosité du Covid19, mais notre rapport à la maladie et à la médecine.

    Ce qui a changé, par rapport aux épidémies des siècles précédents, c’est que nous avons perdu l’habitude de mourir des maladies infectieuses. Ces maladies redoutées pendant presque toute l’histoire de l’humanité ne sont plus responsables aujourd’hui que d’environ 4% des décès annuels dans un pays comme la France. Nous avons la vaccination pour nous prémunir et nous considérons comme normal que la médecine nous guérisse de ce genre de pathologies lorsque nous en sommes atteints.

    C’est ainsi que les patients atteints du Covid19, même sous sa forme grave, apparaissent pour la plupart comme des malades guérissables et, paradoxalement, c’est ce qui nous a fait paniquer.

    Nous nous sommes affolés lorsque nous nous sommes rendus compte que le nombre de cas graves allait dépasser notre capacité de les traiter. Ce qui nous est apparu comme insupportable, c’est l’idée de mourir alors que la médecine aurait pu nous sauver, c’est la perspective de voir les médecins trier parmi les malades ceux qu’ils essayeraient de soigner. Bref, notre affolement est avant tout le résultat des progrès de la médecine et du fait que ces progrès, pour admirables qu’ils soient, nous désapprennent à mourir et érodent notre courage.

    Plus précisément, puisque la décision du confinement appartient au gouvernement, le gouvernement a pensé qu’il serait tenu pour responsable de tous les décès « évitables », de tous les gens qui seraient morts du Covid19 parce que les services de réanimation n’auraient pas pu les prendre en charge. Voyant les estimations de ce chiffre grimper très rapidement, il a pris peur et a ouvert le parapluie, c’est-à-dire qu’il a ordonné à tous les Français de s’enfermer chez eux jusqu’à nouvel ordre. Brusquement, toute la vie de la nation s’est mise à tourner autour des services de réanimation de nos hôpitaux, l’objectif suprême et éclipsant tous les autres est devenu d’éviter leur saturation. Ce qui est compréhensible, peut-être, mais pas raisonnable.

    Il est normal, il est bon que les médecins répugnent à l’idée de laisser mourir des gens qu’ils auraient pu sauver « s’il avaient eu plus de moyens ». Mais il est anormal que les responsables politiques se mettent à raisonner comme des médecins et se laissent obnubiler par une seule chose : les « vies qui auraient pu être sauvées ». Une telle manière de prendre des décisions est d’autant plus absurde qu’il y a et il y aura toujours des gens qui auraient pu être sauvés par la médecine « avec plus de moyens ». Il y a et il y aura toujours des gens qui mourront « à cause des choix budgétaires », parce qu’il y aura toujours des choix budgétaires à faire. Les « besoins » (c’est-à-dire en fait les désirs, et en l’occurrence notre désir de vivre) sont illimités et les ressources limitées, telle est la loi d’airain de la condition humaine.

    En fait, chaque vote du budget de la nation peut être considéré comme une condamnation à mort pour un certain nombre de malades, présents ou futurs, car chaque vote du budget opère des arbitrages entre les différents biens que nous essayons de nous procurer avec nos ressources limitées, parmi lesquels la santé. La vraie différence avec la situation actuelle, c’est que d’habitude ces choix sont implicites. Nous ne voyons pas les gens qui vont mourir à cause de la manière dont nous allouons nos ressources – le plus souvent nous n’y pensons même pas - alors qu’avec l’épidémie actuelle, nous avons les agonisants sous les yeux.

    Il est d’autant moins rationnel de se laisser obnubiler par les ressources actuelles des services de santé que, même si nous raisonnons en termes d’espérance de vie, même si nous considérons que la survie est un bien qui devrait avoir priorité sur tous les autres, la médecine n’est pas forcément la chose la plus importante. Je me souviens, du temps où je suivais des cours d’économie de la santé, avoir vu passer des études très sérieuses qui estimaient qu’environ 80% des progrès en matière d’espérance de vie à la naissance au 20ème siècle étaient dus à l’amélioration générale des conditions de vie (alimentation, hygiène, conditions de travail, etc.), et non aux progrès de la médecine pour guérir les maladies. Bien entendu il ne s’agit là que d’estimations, mais il est peu contestable que nous avons tendance à surestimer grandement les bénéfices de la seule médecine en matière d’espérance de vie.

    Cela signifie qu’il est erroné de présenter le confinement comme une manière d’échanger un peu de nos richesses et de notre confort contre « des vies », présentation qui clôt immédiatement tout débat et même toute réflexion. L’économie c’est aussi « des vies ». Le confinement induira une récession, et une récession ce sont des années de vies en moins pour un nombre indéterminé de personnes par la dégradation de leurs conditions de vie. Une récession aujourd’hui ce sont des ressources en moins demain, car même si le gouvernement ouvre actuellement en grand le robinet du déficit et de la dette, l’argent gratuit n’existe pas, tout fini par se payer. Donc ce seront des ressources en moins aussi pour financer toutes sortes d’investissements qui auraient pu « sauver des vies », y compris bien sûr des investissements dans le système de santé.

    Bien entendu, ces vies abrégées à cause du confinement ne seront pas comptabilisées, mais elles devraient figurer dans tout bilan honnête de cette mesure. Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas.

    Allons plus loin : le problème n’est pas seulement que la comptabilité soit inexacte, il est que l’unité de mesure choisie pour prendre nos décisions n’est pas la bonne.

    Si nous raisonnons en termes de nombre de vies « sauvées » ou « perdues » – c’est-à-dire le nombre de personne qui mourront parce qu’elles n’auront pas pu être prises en charge par les services hospitaliers – alors c’est l’inénarrable Jean-François Delfraissy qui a raison : il faut enfermer les Français chez eux (et pas seulement les vieux) tant qu’un remède au Covid19 n’aura pas été découvert, pendant des mois, des années peut-être. A supposer même qu’un remède soit découvert un jour, ce qui n’est pas certain. Si nous acceptons deux mois de confinement au motif que cela permettra de sauver – mettons – 20 000 personnes, pourquoi ne pas accepter un mois de plus pour sauver 10 000 vies supplémentaires ? Et pourquoi pas encore un mois pour en sauver encore 10 000 ? Quel sera le terme de ce raisonnement ? A partir de quand dirons-nous : « cela n’en vaut pas la peine », et pourquoi ?

    Le problème est identique à celui des mesures de sécurité routière. Si abaisser la vitesse maximale autorisée de 90 à 80km/h permet de sauver des centaines ou même des milliers de vies chaque année, pourquoi ne pas l’abaisser à 70km/h ? Et pourquoi pas 60km/h ? Ce serait encore plus de vies sauvées et qu’est-ce que des trajets plus longs contre des vies sauvées ? Et ainsi de suite. Le terme logique de notre raisonnement est l’interdiction pure et simple de la circulation automobile.

    Nous nous trouvons confrontés à ce genre d’absurdité parce que nous raisonnons de manière agrégée, au niveau de la société tout entière, au lieu d’essayer d’estimer l’effet de la mesure pour chacun des individus qui y sont soumis. Par ailleurs parler de « vies sauvées » est trompeur car elle induit l’idée que la mort est un évènement qui pourrait simplement être évité. Or la mort finit toujours par survenir et celui dont la vie a été « sauvée » aujourd’hui par le confinement (ou par la baisse de la vitesse maximale autorisée) mourra peut-être demain d’une autre maladie ou d’une chute stupide (en 2016, environ 11000 personnes sont mortes en France d’une chute ou d’un accident de transport). Plutôt que de parler de « vies sauvées » il faudrait plutôt parler de vies prolongées, et dire de combien de temps ces vies sont prolongées. Il faudrait aussi essayer de déterminer quel est le bénéfice d’une mesure pour chacun de ceux qui doivent en supporter le coût ou les inconvénients.

    La vie est un bien individuel, et nous ne sommes pas immortels, par conséquent, ce que nous devrions chercher à estimer c’est la diminution du risque de mourir de telle ou telle cause pour chaque personne. En l’occurrence, quelle diminution du risque de mourir du Covid19 procure le confinement à chacun de ceux qui y sont soumis ? Bien entendu, étant donné que la mortalité de cette infection est très fortement corrélée à l’âge, cette diminution du risque devrait être estimée par tranche d’âge (et de la même manière : quelle diminution du risque de mourir d’un accident de la circulation la baisse de la vitesse maximale autorisée procure-t-elle à chaque automobiliste ?).

    Un tel calcul peut-il être effectué ? Je l’ignore et je laisse à des gens plus forts que moi dans ce genre d’exercice le soin d’essayer. Mais, étant donné les chiffres de mortalité que j’ai rappelés en commençant, d’une part, et d’autre part le fait que le confinement touche des dizaines de millions de personnes, il est évident que cette diminution du risque doit être extrêmement faible, infinitésimale même, sauf peut-être pour les tranches d’âge les plus élevées. A titre de comparaison, Charles Murray s’est essayé à calculer le bénéfice procuré à chaque automobiliste par une baisse de 10km/h de la vitesse maximale autorisée. Pour un trajet de New-York à Washington (environ 350 km), le risque d’être tué passe de 0,0000006 à 0,0000004.

    Toutes ces considérations convergent vers une même conclusion : le confinement général de la population n’est pas une réponse appropriée au Covid19.

    Mais en ce cas, qu’aurait-il fallu faire, dira-t-on ?

    Il aurait probablement fallu faire ce vers quoi nous sommes aujourd’hui en train de nous orienter, pour l’après 11 mai : inciter fortement les populations les plus à risques à rester chez elles le plus possible, en mettant en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour leur permettre de le faire, comme la possibilité de se mettre en chômage partiel par exemple, produire massivement des masques et des tests, interdire temporairement les grands rassemblements. Bref, informer, responsabiliser, et interdire seulement à la marge, au lieu d’enfermer autoritairement tout le monde. Comme le dit aujourd’hui fort justement l’Académie de médecine à propos des « seniors » : « Vaut-il mieux prendre un risque contrôlé en respectant les gestes barrières pour vivre avec les autres, ou s’étioler dans une solitude sans espoir ? Un tel choix appartient à chacun. » En effet, face au Covid19 un tel choix devrait appartenir à chacun, et pas seulement aux personnes âgées.

    Si, comme je le pense, le confinement généralisé était une erreur – une erreur qui deviendrait une faute s’il était avéré que cette mesure a été dictée par l’impéritie de nos gouvernants, et non par un affolement somme toute pardonnable – tâchons de nous en souvenir pour une prochaine fois, car il y aura des prochaines fois. Errare humanum est, sed perseverare diabolicum.

  • Sur le blog de Michel Onfray : des nouvelles de Radio-Paris.

    Je ne sais où en est le journalisme français dans le classement international mais, avec l’épidémie de coronavirus, il me semble qu’il doit maintenant bientôt faire jeu égal avec celui de la Corée du nord…

    Reporter sans frontière a donné un classement mondial de la liberté de la presse en 2019: la France était déjà trente-deuxième et l’on trouvait, avant elle, hors pays européens, la Jamaïque (8ème), le Costa-Rica (10 ème), l’Uruguay (19 ème), le Surinam (20 ème), Samoa (22 ème), la Namibie (23 ème), le Cap-Vert (25 ème), le Ghana ( 27 ème) et, juste avant, l’Afrique du sud (32 ème). C’est dire l’état de la démocratie française!

    Le récent discours du président de la République a été vu par trente sept millions de téléspectateurs. Chacun aura pu mesurer l’indigence d’une prise de parole de presque une demi-heure dans laquelle l’information majeure était que le confinement, si les citoyens ont d’ici là été sages et soumis, et non si le gouvernement s’est montré intelligent et performant, pourrait être levé le 11 mai. En dehors de cela, du vent, de la bise, du zéphyr, de l’aquilon, de l’autan, du mistral, comme il en soufflait sur les tréteaux du théâtre scolaire de madame Trogneux. Mais, pitoyable jusqu’au bout, ce vent était même un faux fabriqué par les ventilateurs de communicants. Tiens d’ailleurs, puisque je parle de ventilateurs communicationnels, où est donc passée Sibeth Ndiaye depuis sa sortie sur les profs qui ne fichent rien depuis qu’ils sont confinés et feraient mieux d’aller ramasser les gariguettes chez les maraîchers?
     

    J’ai regardé le monologue présidentiel sur BFMTV. Mais comme il n’y avait rien à dire sur ce qu’il a feint de dire, je me suis dit que le plus intéressant serait de me demander comment les journalistes présents sur le plateau toute la soirée (!) qui a suivi allaient bien pouvoir commenter ce courant d’air verbal.
     

    J’ai cru avoir changé de chaîne avec une fesse distraite qui aurait écrasé ma télécommande et m’aurait redirigé vers Groland. Car, assistant à ce que dans les écoles de journalisme on nomme le débriefing, et qu’on devrait bien plus tôt nommer l’enfonçage de clou, ou bien encore, avec un terme plus adéquat encore la propagande, je me suis demandé si je n’étais pas sur une soirée «spécial 1er avril».

    Qu’on en juge [1]:


    Alain Duhamel, diplômé l’Institut d’études politiques de Paris: «C’est son meilleur discours (sic) depuis le début, le plus humain (sic). Un discours plus modeste (sic), précis (sic). Il y avait un ton, des réponses, un calendrier».


    Ruth Elkrief, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris et du Centre de formation des journalistes: «Une date, un ton, l’humilié (sic), l’empathie (sic). Une allocution très carrée (sic), très précise (sic).».
     

    Apolline de Malherbe, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris: «C’était un ton extrêmement (sic) humble (sic), assez naturel. Il était assez franc, assez vrai. Ensuite, l’humilité pour lui-même et sur l’avenir (sic). On a le sentiment du Paul Valéry qui dit que les civilisations sont mortelles. C’est une étape extrêmement (sic) importante (sic)».


    Anna Cabana, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris et dont Wikipédia nous dit qu’elle est entrée «à Marianne sous la houlette de son mentor Nicolas Domenach» [2]: «Dans la tonalité, l’espoir renaît. Dans les précédentes allocutions, il était très tragédien (sic). Là, il nous parle des jours heureux à venir. C’est du lyrisme souriant (sic)».

     

    Faut-il en pleurer ou bien en rire?

     

    Un discours modeste chez cet homme qui nous a dit qu’il y a peut-être eu des disfonctionnements depuis le début de l’épidémie, mais pas plus dans le pays qu’il dirige que partout ailleurs sur la planète? Faut-il parler de l’Allemagne, juste de l’Allemagne, par exemple pour lui faire honte? Ou de Taïwan? Pas question pour lui de reconnaître une seule erreur, il n’en commet jamais aucune – comme ses amis journalistes d’ailleurs dont certains se mettent à dire du bien du souverainisme, du protectionnisme, des frontières, de l’Etat et de la nation après avoir copieuse traité de fascistes pendant des années tous ceux qui défendaient ces dispositifs politiques ayant fait leurs preuves depuis des siècles[3].


    Un discours humain chez cet individu qui , dans le ton d’une distribution des prix ou d’un laïus de sous-préfet en comice agricole, remercie les Français modestes qui font fonctionner le pays alors qu’il les méprise depuis le début de son quinquennat et devrait bien plutôt leur présenter ses excuses pour les avoir humiliés depuis deux ans en les traitant d’alcooliques et d’illettrés, de Gaulois réfractaires, d’égoïstes plutôt intéressés par la fin du mois que par la fin du monde , de fumeurs de gitanes qui roulent au diesel, comme disait son ami Griveaux, qui avait alors la formule plus heureuse que la main, sinon d’antisémites, de racistes, d’homophobes, de misogynes et de phallocrates quand ils se contentaient juste de demander le maintien de l’Etat protecteur français – dont chacun constate aujourd’hui la faillite?


    Un discours d’humilité et d’empathie chez un chef de l’Etat qui, comme l’a montré un dessin génial ayant beaucoup tourné sur le net, se trouverait dans la tour de contrôle et annoncerait à l’avion qui se précipite au sol que tout va bien, qu’il veille, qu’il maîtrise la situation, qu’il est là, qu’il faut avoir confiance dans ce Clemenceau en culotte courte, puisque les gilets de sauvetage ont été commandés et qu’ils arriveront sans faute à la fin du mois?
     

    Un discours à la Paul Valéry? Mais jusqu’où faudra-t-il aller dans la courtisanerie, la flatterie, l’adulation, la flagornerie, pour gagner le trophée du journaliste le plus servile, le plus misérable ? Car, soit Apolline de Malherbe connaît les pages de Paul Valéry, ce que j’ignore, elle a eu tellement de choses à lire pour se trouver là où elle est, alors quelle bassesse de convoquer ce magnifique discours sur le destin des civilisations pour le mettre en relation avec la verbigération présentielle qui n’a rien à voir avec l’un de ces discours qu’on trouvait aussi chez Malraux sur ce qu’est une civilisation et comment, quand on est chef de l’Etat, on peut agir pour en infléchir le cours! Soit elle ignore ce texte, alors il lui faut cesser de faire croire qu’elle en connaît plus qu’elle n’en sait et demander à présenter la météo où l’on ne risque pas d’avoir à citer Spengler ou Toynbee pour obtenir de l’avancement ou de l’augmentation.
     

    Un discours lyrique souriant ? Cette dame dont le maître est Domenach fils, c’est dire, estime que l’avenir est formidable parce que le président de la République annonce une date probable de déconfinement ! Je ne sais si cette journaliste transcendantale a des enfants et si elle ira, guillerette et chantante, gazouillante et lyrique, les conduire au matin du 11 mai dans l’école où des centaines d’enfants et des dizaines d’adultes se retrouveront du jour au lendemain dé-confinés mais surtout dans une totale promiscuité sanitaire puisque tout le monde sait que le virus sera toujours actif! L’intervention présidentielle n’a servi qu’à annoncer le prolongement du confinement jusqu’au11 mai et la reprise de l’école à cette date. Il faut bien du talent journalistique pour faire de cette annonce présidentielle une occasion de lyrisme souriant! Pour ma part j’y verrai, bien plutôt, dans l’esprit d’Emmanuel Macron, de l’improvisation, du tâtonnement, du pari, disons-le en un seul mot: du bluff.

     

    Résumons-nous: humanité, modestie, précision, humilié, empathie, franchise, vérité, lyrisme souriant, l’intervention du président de la République française fut, selon cette brochette de journalistes, un sommet de morale et d’intelligence, de vertu et de justesse. Bizarre, sans le secours et le concours de ce genre de lumières, je ne m’en serais pas rendu compte…

    Michel Onfray

     

    [1] Ces citations que j’ai voulu retrouver sur le net sont toutes dûment et judicieusement répertoriées par @SamGontier. Révolution jaune média.

    [2] «"DoMNack", comme elle dit. Ses yeux se mouillent, et la voix s’éclaircit quand elle en parle » peut-on lire dans Les Inrocks, 13.IV.2016.

    [3] Raphaël Glucksmann affirme dans L’Obs, c’est d’ailleurs le titre du papier : «Ce qui doit primer, ce n’est pas l’idéal européen, c’est la nécessité d’être souverain» (sic). Qu’en pense-t-on chez les socialistes dont ce jeune homme accort est devenu le porte-drapeau? Combien seront-ils dans les temps futurs, parmi ce qui reste de socialistes, à venir manger le chapeau de Mitterrand? Et que se passe-t-il dans les cerveaux pensants de l’hebdomadaire du système en publiant un texte qu’il y a un mois, aurait valu à son auteur les épithètes les plus infamantes? Mais que fait donc Eric Aeschimann? Ou bien encore, avec une eau du même tonneau, un certain DSK, expert en confinements divers, qui affirme, cynique puisqu’avec les socialistes il a contribué à marche forcée au pire qu’il affecte de dénoncer aujourd’hui: «Nous constatons, éberlués, qu’une bonne part de nos approvisionnements en médicaments dépend de la Chine. En laissant ce pays devenir "l’usine du monde" n’avons-nous pas renoncé dans des domaines essentiels à garantir notre sécurité?» in Politique internationale, 5 avril 2020. Le journaliste de Russian Today qui commente cet article écrit quant à lui : «Plus étonnant, [DSK] admet que les "doctrinaires", estimant que la mondialisation est le "stade suprême du capitalisme", ou que les "idéalistes", qui voient l'une des causes de la pandémie dans "l’absurdité écologique de faire transiter vingt fois des marchandises d’un bout à l’autre de la planète qui était en cause" […] avaient partiellement raison». Il ajoute : «Il est fort probable que la crise conduise à des formes de relocalisation de la production.» 

  • Des nouvelles du radeau de la méduse, par Michel Onfray.

    On se demande pour quelles raisons Emmanuel Macron a bien pu choisir Sibeth Ndiaye comme secrétaire d’Etat porte-parole du gouvernement.
     

    Je ne le crois pas assez cynique pour l’avoir nommée parce que c’est une femme noire, il ne serait pas capable d’un pareil coup tordu, ce qui équivaudrait, par exemple, à choisir un ministre de la culture parce qu’il serait homosexuel! Ces manœuvres communautaristes et bassement électoralistes seraient indignes d’un président de la République ayant souhaité que figurent les œuvres du général de Gaulle sur sa photo officielle et qui a fait ajouter une croix de Lorraine sur le logo de communication de l’Elysée.

    Je ne le crois pas assez immoral pour l’avoir désignée parce qu’elle savait mentir dans les grandes largeurs – qu’on se souvienne de son: «J’assume de mentir pour protéger le Président ». Un chef de l’Etat qui a choisi L’Immoraliste  de Gide pour accompagner le général de Gaulle sur une photo de lui et de son bureau envoyée dans toutes les mairies de France ne saurait couvrir une pareille infamie.
     

    Je ne crois pas non plus que ce soit parce qu’elle fume comme un sapeur sur son lieu de travail et tient élégamment sa clope au bord des lèvres comme Jean Gabin dans un film de Jean Grémillon. Une cigarette qu’elle calcine dans son bureau de secrétaire d’Etat alors que la loi du 1er février 2007 en interdit l’usage. On appréciera que BFM, qui a diffusé malencontreusement les images, se soit cru obligée de présenter des excuses à sa place alors que la contrevenante n’était pas la chaîne mais la fumeuse à qui, bien sûr, une contravention aura été présentée dans la foulée par ceux des policiers qui n’utilisent pas les drones pour débusquer les dangereux contrevenants à la loi d’exception qui marchent dans les montagnes…
     

    Non, le chef de l’Etat, garant de la loi, n’a pas choisi cette femme noire qui ment et fume pour ces raisons-là mais parce qu’elle a dit: «Il y a un rationnel (sic) derrière les décisions que nous prenons». Non pas une raison ou des raisons, on aura bien lu, mais «un rationnel»…

     

    Quiconque s’interrogerait sur ce «rationnel» dans un article publié sur le net pourrait bien tomber sous le coup de la loi de madame Avia qui, avant de se faire connaître en associant son nom à une loi liberticide, avait dans un premier temps obtenu les honneurs des gazettes pour avoir mordu un chauffeur de taxi puis, dans un second temps, pour accusations de sexisme, d’homophobie et de harcèlement au travail sur les personnes de cinq, pas moins, de ses assistants parlementaires. On sait également qu’elle a donné des ordres pour que soit réécrit la notice de son article Wikipédia. Il est vrai qu’on peut y lire ceci après d’autres informations accablantes: «Dans un autre échange, on y trouve la déclaration suivante: «C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’». Toujours selon ses anciens assistants, la députée insulte souvent, en privé, les députées qu’elle n’aime pas, les traitant de «putes», nourrissant de nombreuses remarques sur leur physique. La députée serait aussi une habituée des humiliations devant d'autres parlementaires, réprimandant et dévalorisant ses collaborateurs publiquement dès que l'occasion s'y prête. Au cours du confinement lié à l'état d'urgence sanitaire provoqué par l'épidémie de COVID-19 en 2020, Libération, avait ainsi rapporté que Laetitia Avia avait demandé à son attachée parlementaire (personne à risque, atteinte d'une maladie chronique, en confinement dans le Gard) de revenir à Paris pour le télétravail. Avia assure ne l'avoir jamais forcée. La collaboratrice dénonce le mercredi 1er avril 2020 à Mediapart une situation injuste et irrationnelle». Ou cela: «Les ex-collaborateurs reprochent également à la députée des tâches sans lien manifeste avec le travail d'assistant parlementaire, comme «brumiser ses jambes» ou «corriger ses copies [de] Sciences Po». Ils lui reprochent également «de méprise[r] ses électeurs» et éviter au maximum le contact avec eux en les faisant recevoir par ses assistants parlementaires». C’était en effet la bonne personne pour proposer une loi contre les contenus haineux sur Internet, une loi votée en plein confinement le 13 mai dernier…

     

    Interrogeons-nous donc sur «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat:
     

    1. Le virus est celui d’une grippette, on va donc rechercher les expatriés français en Chine, on remet en permission les militaires qui effectuent le transport sanitaire, on laisse arriver des kyrielles d’avions chinois sur le sol français sans aucun contrôle sanitaire; mais le chef de l’Etat cloue au sol les avions, ferme les aéroports, fait de même avec les gares et les ports.
     

    2. La pandémie ne va pas nous empêcher de sortir, ou d’aller au cinéma, sinon au théâtre comme le font savoir le président de la République et son épouse qui joignent le geste à la parole; mais le chef de l’Etat décrète qu’il faut rester confiné chez soi et met la clé sur la porte des cinémas, des théâtres, des festivals, des salles de spectacle.


    3. L’épidémie ne va pas générer la fermeture des écoles, dixit le ministre de l’Education nationale bien informé par le président de la République; mais le chef de l’Etat ferme le primaire, le collège et l’université.
     

    4. Le virus ignore les frontières; mais, après discussion avec chef de l’Etat, ledit virus reconnaît celles de Schengen mais aussi, plus fort, celles des départements français, y compris ceux d’outre-mer – dont la Guyane, une fameuse île selon l’énarque Macron.
     

    5. Le masque est sans utilité, il s’avère même dangereux, difficile à mettre, toxique parce qu’il garde les virus dans ses fibres; mais le chef de l’Etat annonce qu’il faut le porter sous peine d’amende.

     

    6. Les petits marchés du dimanche installés sur les parkings de supermarchés sont interdits; puis le chef de l’Etat autorise en même temps les supermarchés à rester ouvert et à vendre leurs produits.
     

    7. Les masques ne sont pas en assez grande quantité pour les distribuer aux Français, l’Etat annonce en avoir commandé, il prétend qu’ils arrivent, on les attend toujours; mais les supermarché les vendent à prix coûtant afin d’en faire des produits d’appel et se servent de la maladie pour que les gens apeurés viennent acheter des masques en remplissant leurs charriots de victuailles sans que le chef de l’Etat ne songe une seule seconde à les réquisitionner afin de protéger les personnels soignants – à qui il propose en revanche une médaille en chocolat le 14 juillet prochain.
     

    8. Le confinement est total, la police utilise des drones pour traquer le solitaire dans les montagnes, elle verbalise le marcheur seul dans la forêt, la grand-mère qui a rempli son autorisation de sortie au crayon à papier, ou le distrait qui a omis de faire figurer son heure de sortie; mais le chef de l’Etat donne des consignes pour ne pas verbaliser dans les banlieues où le ramadan donne à certains le droit de s’affranchir de ce qui vaut loi pour tous.
     

    9. Le déconfinement est décrété, puisqu’il faut reprendre le travail, le MEDEF s’impatiente. Le métro se fait donc prendre d’assaut par des millions de gens qui reprennent le turbin à la même heure en utilisant les mêmes lignes. Cette promiscuité ne pose aucun problème, il faut juste se tenir à un mètre l’un de l’autre aux heures de pointe dans le compartiment; mais, dans le même temps, des centaines de milliers d’hectares du littoral français balayées par les vents de la Manche ou de l’Atlantique sont interdits au public - avant d’être déclarées accessibles à nouveau.

     

    10. Les messes sont interdites, on envoie même la soldatesque macronienne en armes dans une église pour faire cesser l’office (comme en 1793…) mais on autorise les supermarchés à recevoir du public sans que le ministre de l’intérieur envoie ses pandores au point qu’un ecclésiastique qui ne manque pas d’humour (il mériterait de devenir pape un jour…) a proposé d’aller célébrer l’eucharistie dans un quelconque Leclerc!

     

    Je m’arrête à dix exemples. Cela suffit pour mener une enquête épistémologique afin de savoir ce qu’est «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat: c’est tout bonnement le principe du en même temps qui est à la fois la pathologie du chef de l’Etat et son slogan de campagne – on ne pourra pas dire que l’homme aux deux alliances ait trompé son monde! Il a clairement annoncé la couleur.
     

    Cette logique permet donc cette série d’assertions: la bouteille est en même temps pleine et vide; la porte est en même temps ouverte et fermée; une femme est en même temps enceinte et vierge – ce qui s’est déjà vu ailleurs, mais je ne sais plus où…; il a lu un livre en même temps qu’il ne l’a pas lu; il est marié avec Brigitte Trogneux en même temps qu’il n’est pas marié avec elle; il est président de la République en même temps qu’il ne l’est pas; il est l’assistant de Paul Ricoeur en même temps qu’il ne l’est pas; etc.
     

    Chacun aura compris que sa logique est illogique, que sa raison est irrationnelle, que son raisonnement est déraisonnable, que ses vérités sont fausses, que ses erreurs sont vraies, que sa pensée est impensable, que sa cohérence est incohérente, que son Emmanuel n’est pas Macron… Chez Deleuze, qui en aurait fait un personnage conceptuel et un héros de sa philosophie, la chose se nomme schizophrénie et passe pour désirable. Nous y sommes… Il faut bien l’aplomb et le culot d’une Sibeth Ndiaye pour tenter de nous convaincre que tout cela tient debout. Un peu de bon sens suffit à comprendre qu’un bateau ne peut suivre le cap nord en même temps que le cap sud.

     

    Emmanuel Macron parle beaucoup, il verbigère sans cesse. On se demande à quoi servent ses sorties qui le tiennent éloigné du bureau où les citoyens pourraient attendre qu’il y effectue son travail de chef de l’Etat! Des producteurs bretons de fraises hors sol, des instituteurs dans leurs écoles, plusieurs fois des soignants dans leurs hôpitaux, le professeur Raoult dans son bureau marseillais, le fantôme du général de Gaulle sur ses champs de bataille: à quoi bon ces exhibitions si ce n’est pour saturer les médias de sa personne?
     

    A la Pitié-Salpêtrière, il dit: «on a sans doute (sic) fait une erreur sur la stratégie annoncée». Les journaux à son service s’empressent de parler d’un mea culpa! C’est mal comprendre ce qui s’est dit: d’abord convenir que la stratégie ne fut, peut-être, pas bonne, ça n’est pas dire que l’objectif qu’elle visait était mauvais! N’oublions pas le «sans doute» qui est une litote car, au contraire de la chose annoncée, l’expression signifie: peut-être, probablement, mais pas certainement. Une erreur, sans doute, sur la façon de faire n’est pas un aveu que le but n’était pas bon. Si l’on débarrasse cette phrase de sa tournure alambiquée, confuse, obscure, Macron dit: «l’objectif de mettre les hôpitaux au pain sec n’était pas mauvais, mais nous nous y sommes peut-être mal pris pour réaliser ce projet…». Mea culpa disent les journalistes! Aveu naïf et cynique bien plutôt…
     

    Car Macron verse des larmes de crocodile: depuis qu’il occupe l’Elysée, il sait en effet très bien ce qu’il fait en commandant au rouleau compresseur maastrichtien de passer sur la santé publique française, d’écraser l’instruction publique française, de broyer le système de retraite français, de compacter l’industrie française, d’aplatir la culture française, de laminer la civilisation judéo-chrétienne, de compresser l’histoire de France -puisque c’est son programme.
     

    Le pire n’est pas qu’il fasse semblant de confesser une erreur sur la stratégie et non sur l’objectif, mais bien plutôt qu’il mente en disant qu’il croyait bien faire, mais cette conclusion sidérante: «C’est très cruel pour moi-même»! On croit rêver: cette épidémie n’est pas cruelle pour les bientôt trente mille morts, pour les trente mille familles en deuil qui n’ont pas pu accompagner leurs défunts dans les cimetières, pour ceux qui savaient leurs morts dans des entrepôts frigorifiques de Rungis sans pouvoir les y visiter, pour les personnes âgées triées dans les couloirs des urgences hospitalières et renvoyées chez elles, donc à la mort, pour les anciens abandonnés dans les mouroirs que sont les EPAHD, pour les médecins et les infirmières qui, faute de masques et de protections, sont morts au travail, pour les enfants qui sont de ce fait privés de père ou de mère, les maris privés de leurs femmes, les femmes privés de leurs maris, pour les artisans et les commerçants qui ont fait ou vont faire faillite, non, elle était cruelle pour sa petite personne dépassée par les évènements… Peut-on faire aveu plus narcissique ou égotiste? Cet homme est incapable d’empathie, il n’a d’amour que de lui-même. Il n’a que faire de la France et des Français.
     

    Or, Emmanuel Macron qui se plaint n’est pas au bout de ses peines: son calvaire est devant lui.

     

    Michel Onfray

  • Une réflexion d'Annie Laurent : L’islam n’est-il qu’une religion ?

     

    Le Figaro daté du 20 mars 2018 a publié une tribune intitulée « Non au séparatisme islamiste ». Signée par 100 intellectuels, parmi lesquels plusieurs sont de souche musulmane, ce texte s’alarme du « ségrégationnisme » qui accompagne le développement de l’islam en France. « Le nouveau séparatisme avance masqué. Il veut paraître bénin, mais il est en réalité l’arme de la conquête politique et culturelle de l’islamisme ».

    Ce texte pose en filigrane la question de l’identité réelle de l’islam. Est-il seulement une religion, à considérer comme les autres, ainsi que le répète le discours officiel, ou bien doit-on le définir comme une idéologie ? A l’heure où le gouvernement cherche à organiser un « islam de France », cette question doit être posée en toute clarté. C’est à une réflexion sur ce thème difficile qu’Annie Laurent vous invite aujourd’hui. Et, naturellement, l'on peut en débattre.

    Rappelons qu'Annie Laurent nous honore de son amitié ; qu'elle est intervenue dans plusieurs de nos cafés politiques et réunions, dont les vidéos existent ici ; qu'elle a collaboré à LafautearousseauNous recommandons d'ailleurs à nos lecteurs de suivre ses publications et ses interventions diverses.    LFAR

     

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    Après un XXème siècle marqué par l’émergence d’idéologies totalitaires prétendant imposer leurs systèmes au monde, le XXIème siècle s’est ouvert sur l’apparition d’un autre projet dominateur : celui de l’islam conquérant. Les attentats spectaculaires et très meurtriers commis le 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles de New-York ont inauguré cette nouvelle forme de totalitarisme paré de couleurs religieuses qui, depuis lors, se répand dans tout l’univers, perturbant un monde largement touché par la sécularisation. Face à cette situation imprévue et déroutante, une interrogation revient de plus en plus souvent : l’islam est-il vraiment une religion ? N’est-il pas plutôt une idéologie ?

    Il convient d’abord de situer la question dans l’ordre général, comme le fait le philosophe Rémi Brague dans son dernier ouvrage, Sur la religion (Flammarion, 2018), où il développe une pensée puissante sur ce thème, en accordant à l’islam une place importante. Observant le foisonnement de réalités que le terme « religion » recouvre (panthéon de dieux, monothéisme, religion séculière, etc.), l’auteur refuse d’y voir un concept unique qui répondrait à une seule et même définition. En fait, écrit-il, « le christianisme est la seule religion qui ne soit qu’une religion et rien d’autre ». Et de remarquer : « Toutes les autres religions ajoutent au religieux une dimension supplémentaire » (p. 40). C’est pourquoi « la nature exclusivement religieuse du christianisme explique le fait que le concept de religion, appliqué à des phénomènes aussi divers que le bouddhisme, l’islam, le confucianisme, le shinto, etc. – bref, ce que nous avons pris l’habitude d’appeler “des religions” – ait été forgé dans un contexte intellectuel chrétien et s’applique mal aux autres “religions” » (p. 42).  L’auteur exprime bien la complexité de la question posée. Il ne nie pas la dimension religieuse de l’islam mais il sait que celle-ci n’est pas exclusive.

    I. L'islam comme religion

    Les musulmans se placent sous le regard d’un Dieu unique (Allah) en qui ils reconnaissent leur Créateur, auquel ils rendent un culte dans des lieux appropriés (mosquées) et dont ils espèrent la miséricorde, tout comme ils aspirent à une vie après la mort. Il n’est donc pas possible de refuser à l’islam la qualité de religion. Mais de quel genre de religion s’agit-il ?  

    RELIGION OU RELIGIOSITÉ ?

    En 1994, évoquant l’islam dans son livre Entrez dans l’espérance, saint Jean-Paul II parlait de « la religiosité des musulmans », sans définir le sens du mot « religiosité » (Plon-Mame, p. 153). Or, comme l’explique le philosophe Patrice Guillamaud dans un ouvrage d’une profonde intelligence, religiosité n’équivaut pas à religion. La religiosité se réfère à l’attitude de tout homme, naturellement religieux et donc disposé « à rapporter chacune de ses actions à l’absolu divin », tandis que la religion est un ensemble d’éléments de doctrine et de culte (cf. Le sens de l’Islam, éd. Kimé, 2017, p. 21-26).

    En ce sens, la religiosité est d’autant plus frappante chez les musulmans pratiquants que le culte se doit d’être ostensible et sonore. En admirant « le musulman superlativement pieux », les chrétiens « confondent sa vertu de religion avec celle de foi », constate avec pertinence l‘historien Alain Besançon (Problèmes religieux contemporains, Ed. de Fallois, 2015, p. 181). Cette visibilité a frappé le bienheureux Charles de Foucauld et l’a conduit à s’interroger sur la religion de son baptême qu’il avait délaissée (cf. Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, Biographie, Salvator, 2016).

    RELIGION OU FOI ?

    Ch. de Foucauld a néanmoins compris que si la religiosité des musulmans peut s’accorder avec la vertu de religion, classée par saint Thomas d’Aquin parmi les vertus morales (la justice), elle ne ressort pas de la foi.

    Je voyais clairement qu’il [l’islam] était sans fondement divin et que là n’était pas la vérité »

    écrivit-il à Henry de Castries (cité par A. Laurent, La Nef, n° 287, décembre 2016). La foi est une vertu surnaturelle, infuse dans l’âme par le baptême ; elle est précisément théologale parce que relative au Dieu trinitaire (au même titre que l’espérance et la charité).

    FOI ET CROYANCE

    La Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (2000), rédigée à la demande de Jean-Paul II par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a rappelé cet enseignement traditionnel de l’Eglise catholique. Puis, le texte précise : « On doit donc tenir fermement la distinction entre la foi théologale et la croyance dans les autres religions […]. Cette distinction n’est pas toujours présente dans la réflexion actuelle, ce qui provoque souvent l’identification entre la foi théologale, qui est l’accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l’assentiment à Dieu qui se révèle » (n° 7).

    Cette distinction s’applique à l’islam, qui n’est pas accueil de la Révélation de Dieu mais, selon le Coran, religion originelle de l’humanité, voulue par Dieu parce qu’elle est appropriée à la nature de l’homme, innée en quelque sorte.

    . Aujourd’hui, j’ai rendu votre Religion parfaite ; j’ai parachevé ma grâce sur vous ; j’agréée l’islam comme étant votre Religion (5, 3) ;

    . Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai croyant et selon la nature qu’Allah a donnée aux hommes, en les créant. Il n’y a pas de changement dans la création d’Allah. Voici la Religion immuable ; mais la plupart des hommes ne savent rien (30, 30). 

    DIEU L’INCONNAISSABLE

    Pour l’historien des religions Gérard Van der Leeuw, la foi est « la confiance de l’homme envers Dieu personnellement rencontré ». C’est pourquoi sa première spécificité « ne consiste donc pas à croire que Dieu existe mais à croire que l’homme existe pour Dieu » (cité par le P. Bernard Sesbouë, Actes du colloque « Qu’est-ce que croire ? », Institut Catholique d’Etudes Supérieures, 15-16 avril 2013, p. 26).

    Dans l’islam, Dieu est « l’Inconnaissable » (Coran 6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31 ; 27, 65). Il ne se fait pas connaître des hommes, comme Il le fait à travers Jésus-Christ dans le christianisme ; Il ne dialogue pas avec eux dans une relation d’amour ; Il ne s’engage pas par une Alliance, comme Il le fait par Abraham dans la Bible (cf. François Jourdan, Islam et christianisme, comprendre les différences de fond, L’Artilleur, 2015, p. 254-260). La Révélation d’Allah ne concerne que sa volonté et sa loi. « Entre Créateur et créature, un abîme est béant » (R. Brague, Sur la religion, op. cit., p. 186).

    L’islam serait-il donc une religion païenne ? Alain Besançon l’exclut.

    « Si nous restons dans la logique de la théologie chrétienne, on ne voit pas que l’islam connaisse le Dieu que cependant il adore. […] Ne connaissant pas le vrai Dieu et l’adorant néanmoins, il en résulte des conséquences qui mettent l’islam à part des paganismes antiques contre lesquels il s’est dressé. Les païens, même quand ils adoraient le dieu unique, adoraient un dieu immanent, qui faisait partie du monde. Un Dieu “moindre” par conséquent que le Dieu d’Israël, créateur du ciel et de la terre, omnipotent, transcendant. Mais à l’égard de ce Dieu incommensurable, l’islam demeure dans une position idolâtrique » (op.cit., p. 178).

    UNE RELIGION D’OPPOSITION 

    L’islam n’est pas une religion anodine ou neutre puisqu’il se veut réaction dogmatique au christianisme. Le Coran combat le cœur de la Révélation divine. « La négation de la Trinité est le sens premier de l’islam » ; elle est « son élément primordial de fondation […], le principe même de sa genèse » (P. Guillamaud, op. cit., p. 119).

    Son monothéisme – concept que l’on rencontre aussi en dehors du champ religieux (cf. le Divin Premier Moteur d’Aristote, le déisme des Lumières, signalés par R. Brague) -, et la présence de personnages « bibliques » dans le Coran ne font pas de l’islam une religion apparentée au judaïsme et au christianisme. « En son sens premier, l’islam est fondamentalement, non pas la simple continuation de la révélation biblique mais sa reprise dans la négation même de son accomplissement chrétien » (Guillamaud, ibid.).

    Dans Le malentendu islamo-chrétien (Salvator, 2012), le Père Edouard-Marie Gallez explique que l’on considère généralement l’islam comme une religion « d’avant » le Christ au sens théologique, et pouvant éventuellement y conduire, alors qu’il se revendique comme post-chrétien au sens où il entend dépasser le christianisme et s’y substituer.

    C’est pourquoi,

    « que ce soit du côté islamique ou du côté chrétien, il apparaît évident que la notion d’Ecritures saintes ne revêt pas la même réalité. Si le Coran voit dans les révélations qui ont précédé le temps de l’islam des “portions” du “Livre-Mère” envoyées par Allah sur des prophètes eux-mêmes envoyés à des peuples, l’Eglise catholique, elle, ne voit pas dans le Coran une quelconque continuité ou récapitulation de la Révélation judéo-chrétienne » (P. Laurent de Trogoff, « Révélation et Coran », in Sous le regard de Dieu, abbaye Sainte-Anne de Kergonan, n° 2017/2, p. 12-21).

    Cette position a été rappelée par le Concile Vatican II : « L’économie chrétienne, étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Dei Verbum, n° 4). L’Eglise n’a jamais considéré Mahomet comme un prophète ni le Coran comme un Livre révélé.

    Père Samir-Khalil Samir, islamologue égyptien :

    « Je ne dirai pas globalement : “Oui, l’islam vient de Dieu”, et je ne dirai pas globalement : “L’islam est l’œuvre de Satan”. Je ne le pense pas non plus. L’islam est l’œuvre d’un homme qui a vécu une expérience spirituelle réelle, mais qui vivait en son temps, dans son contexte socio-culturel désertique fait de guerres et d’attaques de tribus contre tribus » (Site Aleteia, 10 janvier 2018). 

    On ne peut donc porter sur l’islam un regard indifférencié avec le judaïsme et le christianisme. D’où l’inexactitude de formules telles que « les religions monothéistes », « les religions abrahamiques » et « les religions du Livre ».

    Leur usage banalisé fausse la compréhension des fondements anthropologiques, cultuels, sociaux, juridiques et culturels sur lesquels misent les dirigeants européens héritiers du christianisme pour organiser un « islam européen ». 

    FIC129731HAB40.jpg

    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

  • Débats dans les « commentaires » ...

     

    4083700128.3.jpgLes « grands sujets » sont aussi traités dans les commentaires que Lafautearousseau reçoit.  Il nous semble intéressant d'en reprendre ici quelques uns datés, grosso modo, de la quinzaine écoulée. La Guyane, le cas Macron analysé par Mathieu Bock-Côté, la promotion de l'arabe à l'école, le royalisme de Michel Houellebecq, les affaires turques ... Ce sont les thèmes abordés. On verra que c'est avec pertinence.  LFAR 

     

    3940282380 - Copie.jpgSur La Guyane sous le joug républicain

    Très bonne et intéressante réflexion sur la colonisation et nos "poussières d'Empire".

    La Guyane est stratégiquement indispensable à cause du Centre spatial mais "phare de lumière" avec un coût de la vie d'un niveau métropolitain augmenté de celui du transport elle n'est pas compétitive économiquement "dans l'océan de misère" à bas coûts. Donc il faut payer en particulier avec "l'argent braguette".

    Pour limiter l'immigration, il faut supprimer la pompe aspirante des aides sociales aux étrangers et expulser à tour de bras comme je l'ai vu faire il y a 20 ans.

    Voir mon article dans la NRU n°37 de juillet 2014. 

    Général (2s) Jardin, chef d'état-major des Forces armées en Guyane (93-95)

    Écrit par : Patrick Jardin - samedi 8 avril 2017

     

    Je veux bien croire que jadis ou naguère ces confettis onéreux aient pu être pour la France de quelque utilité ; il y a quelques années (ou décennies) on parlait de "notre" domaine maritime, le deuxième plus important du monde paraissait-il, source de richesses innombrables et non encore exploitées : pêche et nodules polymétalliques (!).

    Tu parles ! La Guyane, comme Mayotte, sont des boulets qui n'ont jamais servi à rien qu'à importer sur notre territoire des populations de moins en moins assimilables. Et je fais des vœux pour n'avoir pas à écrire la même chose des Antilles et de la Réunion dans quelques années...

    Quand je pense que le brave Pierre Pujo tenait à honneur d'avoir contribué à conserver à la France l'islamique Mayotte, première maternité de notre pays submergée par les flux des Comores voisines...

    La Monarchie, régime ductile, souple, adaptée aux évolutions du Monde aurait certainement su nous débarrasser de ces scories avant qu'il ne soit trop tard...

    (Ah ! Et surtout qu'on ne me dise pas qu'il faut garder la Guyane "pour Kourou" : Kourou fait vivre la Guyane et si elle était indépendante, on pourrait lui payer une redevance d'occupation qu'elle serait ravie d'accepter... Les États-Unis sont bien restés à Guantanamo...).

    Écrit par : Pierre Builly - samedi 8 avril 2017

     

    Bien que cela me fasse mal, je crains bien que tu n'aies raison, mon cher Pierre. 

    Écrit par : Antiquus - samedi 8 avril 2017

     

    L'article de Monsieur Bock-Côté est intéressant car il suscite des idées et des réflexions multiples. Par exemple, l'idée que les "immigrationnistes" idéologiques prétendent demander aux Français de souche qui se sentent bien chez eux et ne demandent rien à personne, de se dés-enraciner en oubliant tout ce que la culture et le mode de vie en France leur a appris à aimer pendant des années et des siècles, afin de faire de la place à des migrants extra-européens, souvent entrés sur le territoire français de façon illégale, qui seraient, quant à eux, légitimes à vouloir conserver leur culture et leur mode de vie d'origine donc leur racines, aussi dissemblables seraient-elles avec celles des Français de souche.

    Ces prétentions sont absurdes et inacceptables.

    Quand on veut s'établir durablement dans un nouveau pays, on se doit d'en accepter et respecter la culture et le mode de vie, quitte à prôner ensuite de façon modérée et par étapes des évolutions souhaitables et acceptables par tous, y compris et surtout par les Français de souche qui ne sont pas nécessairement bornés ni oublieux de leurs racines par amnésie culturelle.

    Écrit par : Gilbert CLARET - jeudi 6 avril 2017

     

    Comme toujours MBC va droit au coeur des choses. En complément de son analyse il faut aller voir le démontage minutieux et très remarquable de ce qui fait de la candidature Macron effectivement un véritable coup d'Etat ! (https://networkpointzero.wordpress.com/2017/03/24/2017-le-coup-detat)

    Rappelons que dés 1970 ,dans une interview accordée a l'Express E.de Rothschild avait déclaré : "Notre ennemi ce sont les Nations". Derrière ce "nous", le futur employeur de Macron comprenait a l'évidence les forces du grand capital et des banques a l'oeuvre dans la mondialisation et la destruction du monde de la longue mémoire.

    Relions également la très juste formule de MBC : " La culture française ne serait qu'un communautarisme parmi d'autres dans un univers soumis a la loi du multiple" et la déclaration en 2010 d'Eric Besson (Ministre de l'Identité Nationale - un comble - nommé par Sarkozy dans le gouvernement...Fillon) : dans un discours prononcé à La Courneuve : "La France n'est ni un peuple,ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c'est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n'y a pas de Français de souche, il n'y a qu'une France de métissage".

    Métissage dont Sarkozy disait a D.de Villepin quelques années plus tôt (Ils se parlaient encore) qu'il était pour la France et l'Europe "la seule solution".

    Cette déclaration de Besson n'entraina aucune réaction de sa part ,ni de celle de Fillon.

    En fait ce n'est pas seulement la négation de la culture française qui est au programme de nos politiques, mais bien celle de la Nation toute entière...

    Écrit par : Richard Portier - jeudi 6 avril 2017

     

    921000373.jpgSur Hier le Ministère interdisait breton ou provençal à l'école. Aujourd'hui, il voudrait bien promouvoir... l'arabe !

    Pour en revenir au sujet de l'article, la question n'est pas seulement de savoir si tel ou tel ministre a conservé une nationalité étrangère, il faut également se demander pourquoi le provençal ou le breton étaient considérées comme ennemies de la république à ses débuts, à l'époque où elles survivaient encore, alors qu'aujourd'hui la même république française recommande la locution de l'arabe ! La réponse qui s'impose est que la république considère d'emblée comme ennemi tout ce qui est "traditionnel' en France, et considère avec bienveillance ce qui est étranger à notre passé. Quand Maurras disait que la république en France était le règne de l'étranger, sa formule allait encore beaucoup plus loin que l'on pouvait le penser.

    Écrit par : Antiquus - jeudi 6 avril 2017

     

    3419872044.jpgSur Tous royalistes ? Nous ne sommes pas les seuls  [A propos de Michel Houellebecq]

    Dès la lecture de ses premiers romans - Extension du domaine de la lutte et les Particules élémentaires -, vilipendés par les bien-pensants qui poussaient des cris de chaisières violées par des soudards en raison de leur rapport cru et dévastateur avec la sexualité, je m'étais dit qu'un type aussi fort pour mettre en exergue la décomposition vitale de notre monde ne pouvait qu'aller loin... 

    Qu'il continue...

    Écrit par : Pierre Builly - vendredi 17 mars

     

    3869240266.2.jpgSur Policier condamné, tapis rouge au dictateur islamique : deux fautes lourdes du Système en deux jours.

    Au risque de passer pour un éternel mauvais coucheur je me permets de poser quelques réserves sur cet éditorial. J’admets parfaitement la première faute : la condamnation à cinq ans de prison avec sursis du policier qui avait tué un gangster armé en fuite. On peut en effet considérer que la Cour d’Assises d’appel a été influencée par les pressions médiatiques insupportables qui sont parties intégrantes du régime que nous subissons.

    Pour la deuxième « faute », en revanche, je serais plus nuancé. LFAR écrit ainsi : « Erdogan est un dictateur islamique, un danger pour la paix. Il veut tous les pouvoirs »Tout en ajoutant, il est vrai, avec raison : « Cela le regarde, lui et son peuple ». Sincèrement, en quoi sommes-nous concernés par le type de régime dans l’Etat turc ? Et par le désir de M. Erdogan de devenir le nouveau sultan du néo-ottomanisme ? Nous pouvons l’être si sa politique s’oppose à nos intérêts, en aucune façon par le « viol de la démocratie » dans un pays étranger qui ne nous concerne pas. Or les refus de visa à l’égard des ministres turcs par les gouvernements allemand et néerlandais ne se réfèrent nullement à la souveraineté de ces pays, ni même à la crainte de voir une affaire de politique interne turque interférer dans leurs cités. Du reste, si ces arguments avaient été utilisés, la Turquie n’aurait pas réagi d’une manière aussi violente. Aussi bien Berlin que La Haye ont mis en avant le non-respect de la démocratie par Erdogan pour refouler à la frontière M. Casutoglu, ce qui constitue à l’évidence une ingérence insupportable dans les affaires d’un pays souverain. Si la France avait agi de même, comme l’éditorialiste de LFAR semble le souhaiter, cette « solidarité européenne » aurait eu pour résultat de bétonner encore davantage l’idéologie occidentaliste mortifère qui nous écrase, nous européens.

    D’ailleurs, qu’est-ce qu’une dictature, et toutes les dictatures sont-elles intrinsèquement perverses ? Nous ne pouvons en opiner que pour notre pays, et sur ce point, la république opprime nos libertés comme bien des dictatures en seraient incapables. Pour en revenir à la Turquie, ce pays a-t-il connu dans son histoire autre chose que des despotismes ? Quant à la religion musulmane, elle est la religion de la Turquie depuis le XIV° siècle et, tout en répétant comme la princesse Bibesco : « la chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est advenu la semaine dernière », il faut nous y habituer. Il est donc nécessaire de négocier avec les despotes mais il ne sert à rien de les juger. En conclusion, il est possible que la France aurait mieux fait de refuser l’entrée du territoire aux ministres turcs, mais certainement pas pour ces raisons détestables.  

    Écrit par : Antiquus - vendredi 17 mars 2017

  • Cet immigrationnisme des élites qui ruine la France, par Philippe Fabry.

    Source : https://www.causeur.fr/

    La spirale immigrationniste est un pacte tacite entre les grands groupes français et la caste des énarques

    En France, deux tiers des habitants sont opposés à l’immigration de masse : les sondages parus à l’automne dernier montraient que cette proportion de la population estimait que l’intégration ne fonctionnait pas, et qu’il y avait trop d’étrangers en France. La proportion varie quelque peu, mais grosso modo, une nette majorité de la population est défavorable à l’immigration de masse, depuis des décennies. Pourtant, celle-ci se perpétue et, surtout, n’est pratiquement plus remise en question dans le débat public.

    Il arrive certes à des polémistes de soulever la question, mais elle n’est pas politiquement débattue, c’est-à-dire soumise à une consultation démocratique. Lorsqu’elle est évoquée, c’est pour des ajustements à la marge, jamais pour interroger le principe et demander leur avis aux autochtones. De fait, depuis la fin des années 1970, c’est entre 200 000 et 300 000 personnes qui pénètrent chaque année sur le territoire national, dont plus de 60 % viennent d’Afrique.

    Le tonneau des Danaïdes

    Dans un pays qui se prétend démocratique, la contradiction entre une politique constante, aux conséquences si lourdes, si profondes et si durables sur le corps social, et l’hostilité à celle-ci de la majorité de la population ne peut qu’interroger. Il ne s’agit en effet pas d’évolutions sociétales, comme le mariage homosexuel ou la suppression de la peine de mort, qui peuvent être adoptées en dépit des préventions de la majorité et bénéficient ensuite d’un effet cliquet. Il n’y a pas d’effet cliquet en matière d’immigration : c’est une volonté toujours renouvelée. D’où vient-elle ?

    Bien sûr, on est tenté de penser aussitôt aux belles âmes, aux discours sur l’accueil, la vocation universelle de la France, à la repentance post-coloniale, et de se dire que tout ceci est l’effet irrésistible d’une évolution des mentalités, que c’est donc en quelque sorte le sens de l’Histoire, et que toute autre motivation que l’on pourrait identifier ne serait que secondaire, bien loin derrière ce premier moteur du cœur et de l’esprit.

    Mais en vérité, admettre que l’immigration de masse acceptée, sinon encouragée, depuis un demi-siècle par nos élites puisse être l’effet d’un état d’esprit, d’une idéologie qui aurait saisi les cœurs, serait aussi naïf que de croire que le principal motif de la colonisation était à trouver dans les discours comme celui de Jules Ferry sur le devoir pour les races supérieures de civiliser les races inférieures, sans considérer qu’avant tout il y avait des fortunes à faire, et qui furent faites, dans les mines de charbon du Tonkin et de phosphates du Maroc.

    La gloire de l’Empire

    La colonisation. C’est précisément dans ce phénomène passé, si souvent utilisé pour neutraliser la révolte du Français autochtone sous un flot de culpabilisation, que se trouve le modèle de la politique immigrationniste.

    De cette colonisation de masse, les Français ne voulaient pas. Lorsqu’elle a débuté, dans les années 1870, leur cœur allait à l’Alsace et à la Lorraine qu’une défaite venait de leur arracher. Elle fut cependant un grand chantier, et un chantier constant, des élites de la IIIe République.

    Elle le fut parce qu’à la même époque, le monde occidental entrait dans la Grande Déflation (1873-1896) et la stagnation industrielle. Le grand capitalisme français ne trouvait pas, dans la métropole, d’espace de croissance suffisant pour ses profits : les salaires des ouvriers étaient bas, et le monde paysan, encore important, n’était pas porté à la consommation. Il fallait donc trouver des occasions de gros profits, et ces occasions furent trouvées dans la colonisation, et l’investissement du capital dans des activités à haut rendement : mines, exploitations agricoles…

    Durant ce quasi-siècle de l’Empire colonial français, la France dépensa plus que ce que ses colonies ne lui rapportèrent – ainsi que Jacques Marseille l’a montré jadis. Cependant, l’opération fut rentable pour certains, aux dépens des autres : car ce sont bien les deniers publics, l’argent des français métropolitains, à travers l’armée, le maintien de l’ordre, l’investissement dans des infrastructures,  qui permirent l’exploitation de ces ressources dont quelques-uns tirèrent longtemps de gros revenus.

    Cinquante ans de sollicitude

    Tout l’imaginaire colonial, par l’Education nationale, les Expositions, la propagande, réussirent à convaincre les Français, ou une grande partie d’entre eux, que tout cela était non seulement dans leur intérêt économique, mais moral, que c’était leur grandeur.

    Il  est aujourd’hui bien difficile, en tant que petites gens ainsi alarmés par ces vagues souvenirs, de ne pas plisser les yeux, froncer les sourcils et commencer à grogner en comprenant les ressorts de la supercherie, lorsque l’on se remémore les cinquante dernières années.

    1973, choc pétrolier, fin des Trente Glorieuses. La forte croissance s’éloigne, ne paraît plus atteignable. Et le grand capitalisme français se retrouve une nouvelle fois confronté à ce peuple français, resté si paysan dans sa mentalité, avec sa fâcheuse tendance à l’épargne,  à la thésaurisation, à la consommation modérée dans une France qui n’est plus à reconstruire. Que faire pour continuer à garantir une forte rentabilité pour les grandes entreprises, dans le bâtiment, dans la grande distribution en pleine expansion à la fin des Trente Glorieuses ?

    On trouve une idée dans les théories de Keynes : il faut stimuler la demande. On appelle cela « relance par la consommation », c’est le keynésianisme prisé des élites technocratiques, formées à l’ENA. Mais comment faire fonctionner cela quand on connaît la mentalité épargnante des ménages français ? Leur distribuer de l’argent serait risquer de le voir finir en trop grande partie dans des bas de laine. Et puis il y a de nombreux équipements dont la consommation n’est pas extensible : qui a besoin de trois lave-linges, quatre réfrigérateurs, dix services de vaisselle ? qui a besoin de deux, trois, quatre résidences secondaires ? Il faut donc des consommateurs vierges de tout patrimoine, des familles entières qu’il faudrait équiper intégralement en partant de rien.

    Colonisation à l’envers

    Et c’est à ce moment que commence cette colonisation à l’envers de l’immigration de masse, avec le regroupement familial, puis l’ouverture des vannes, et le développement massif du circuit économique de la colonisation à l’envers : les aides sociales, les transferts sociaux permettent de prendre l’argent que les Français trop économes auraient eu tendance à épargner, et de le déplacer non seulement au sein de la population française autochtone, mais aussi (surtout ?) vers de nouveaux arrivants qui sont démunis de tout et, par conséquent, devront tout acheter. Et pour faire bonne mesure, on double les transferts sociaux d’argent pris aux Français par l’impôt avec de l’argent supplémentaire emprunté en donnant en garantie le patrimoine des mêmes Français, grevant les générations futures d’une dette énorme.

    Et qui sont les premiers bénéficiaires de cette masse supplémentaire de consommation ? Les grands groupes français du bâtiment, de la grande distribution, plus tard des télécommunications. Les banques qui soutiennent des investissements immobiliers qui sont majoritairement remboursés par des aides sociales au logement. Etc.

    Et qui sont les dirigeants des grands groupes français, ou peuplent leurs conseils d’administration ?

    Les énarques. Les mêmes énarques qui conduisent la politique d’immigration de masse depuis cinquante ans. Les mêmes qui effectuent fréquemment des allers-retours dans des conseils d’administration de grandes entreprises bénéficiant de cette subvention indirecte qu’est l’immigration arrosée d’argent pour le consommer aussitôt.

    Non au conspirationnisme

    La critique socialo-communiste selon laquelle l’immigration est censée servir à provoquer une pression à la baisse sur les salaires, est fausse : si tel était le cas, l’immigration serait orientée vers de la main d’œuvre qualifiée selon les besoin des entreprises françaises, ce qui n’est pas le cas.

    La critique « conspirationniste » de l’immigration, selon laquelle celle-ci est une immigration de peuplement, qui sert à remplacer les autochtones, est fausse aussi.

    La réalité est que l’immigration est une immigration de consommation, une consommation qui a pour but de doper la rentabilité du grand capitalisme français en connivence avec la haute fonction publique énarchique. Elle a sans doute des effets accessoires sur les salaires, et un effet dramatique sur la composition démographique du pays, mais ce ne sont pas les effets d’abord recherchés.

    Ce modèle, qu’on peut qualifier de consumérisme immigrationniste, est donc fondamentalement un pacte entre les grands groupes français et la caste des énarques. Comme la colonisation, elle ruine la France, mais enrichit une poignée de gens. Comme la pour la colonisation, après quelques décennies de matraquage, on a réussi à faire croire aux Français qu’il s’agit d’une entreprise pratiquement désintéressée qu’ils doivent être fiers d’avoir menée et qu’il serait inhumain de critiquer. Pour protéger ce système de rentes, la presse française, subventionnée par l’Etat énarchique et détenue par les grands groupes, étouffe la dénonciation de « l’ensauvagement » et du terrorisme islamiste, conséquences encore plus graves de cette politique prédatrice.

    Il est temps de dénoncer cette mascarade, cette hypocrisie, cette escroquerie. Il faut comprendre que se battre contre des émotions et des idées qui servent à habiller des intérêts est vain, car c’est laisser intact et bien à l’abri le ressort de la mécanique. Il faut identifier et dénoncer l’intérêt qui la meut. Pour l’immigration de masse, c’est cet intérêt commun qui enrichit les énarques et les grands groupes en spoliant les Français.

    La colonisation n’a pratiquement pas survécu à la IIIe République. L’immigration de masse ne devrait pas survivre à la Ve.

  • La mondialisation a enlevé toute valeur réelle à la monnaie, par Olivier Pichon.

    Mais peut-on vivre à perpétuité dans un monde magique ?

    Depuis le lendemain de la Première Guerre mondiale, le monde a abandonné progressivement la référence à l’or comme fondement des monnaies. Celles-ci sont devenues discrétionnaires, à la disposition des États qui, par les banques centrales et les banques commerciales, ont eu la tentation forte d’en augmenter le volume, sans rapport avec la réalité de l’activité économique.

    6.jpgLes autorités s’étaient néanmoins donné des garde-fous, ce qu’on appelle traditionnellement l’effet de levier, à savoir que le volume de crédit consenti n’excède pas un ratio de 1 à 10 par rapport aux fonds propres des banques, l’ensemble étant par ailleurs plafonné par les banques centrales. L’entre-deux-guerres a connu des périodes d’inflation et c’est l’Allemagne qui remporta, si l’on peut dire, la prime, avec l’hyperinflation de 1921/1923, de sinistre mémoire dans l’inconscient collectif des Allemands (en décembre 1922, 2000 milliards de marks valaient un dollar), mais elle n’était pas tout à fait innocente puisqu’il s’agissait d’alléger le poids des réparations consécutives au traité de Versailles. Après 1945, il y eut le « dollar (is) as good as gold ! », avec la convertibilité externe imputable à la victoire américaine ; mais, là encore, le rapport fut contrarié par la guerre du Vietnam et les déficits extérieurs américains et… le général de Gaulle, inspiré par Rueff, qui ruinèrent le système de Bretton Woods établi en 1944, ruine consacrée par la suspension de la convertibilité or du dollar par Nixon en août 71. Se mit en place progressivement une valeur des monnaies qui était établie par le marché, déterminée par leur demande dans les échanges internationaux. Avec un gros problème de taux de change flottants ou variables qui introduisaient de l’incertitude sur la valeur des créances obtenues dans l’échange, renforcée par un contexte inflationniste. De telle sorte que, comme le soulignaient déjà Max Weber et Karl Marx, la monnaie passa de moyen d’échanges à objet économique en soi, avec ses produits dérivés.

    La débauche monétaire contemporaine

    Les banques centrales, bien avant la crise du Covid, ont décidé de sauver l’économie, déjà mal en point, par la diarrhée monétaire, la fourniture illimitée de monnaie par « la planche à billets » (une image puisque l’opération repose sur le rachat d’actifs aux banques commerciales). Un contexte où la déflation structurelle a provoqué un effondrement des taux d’intérêt et permet donc aux banques centrales de financer tous les déficits et toutes les dettes contractées par les États (alors même que les traités l’interdisaient). Mais la surprise tient en ce que les mêmes causes, pour l’instant, ne produisent pas les mêmes effets, laissant perplexes les économistes pour qui toute augmentation de la masse monétaire sans lien avec les besoins de l’économie et le volume de la production doit nécessairement produire la hausse des prix. Depuis Nicolas Oresme au XIVe siècle, Jean Bodin au XVIe, les libéraux du XVIIIe au XXe, Kenneth Arrow et Irving Fisher, Milton Friedman, tous s’accordaient sur cet effet. En revanche, Keynes pensait qu’on pouvait fournir de la liquidité en abondance et sans pleurs et que l’inflation était un moindre mal, préférable au chômage. À telle enseigne que cette politique des banques centrales est qualifiée de keynésienne. À dire vrai, avec la globalisation, les banques centrales sont plutôt dans la situation de la banque d’Union soviétique, seule dispensatrice de crédit et selon des critères politiques, souvent arbitraires. La mondialisation devenant une soviétisation monétaire ; au Japon, où le quantitative easing fonctionne à plein, la banque centrale possède déjà 40 % des actifs boursiers. Un communisme de marché où la monnaie n’a aucune valeur en soi. A fortiori si elle devient, comme le souhaite la BCE, une monnaie numérique émise par elle, qui ne serait pas une monnaie de marché (contrairement au bitcoin) : cela permettrait de se passer de l’émission fiduciaire (le billet), celle-ci “dérobant” certaines activités au Big Brother monétaire ; et subsidiairement, cette monnaie numérique publique permettrait de distribuer le revenu de base universel, soit l’aumône de la mondialisation aux laissés-pour-compte du grand reset voulu par celle-ci.

    Les marchés font des bulles

    Nous sommes aujourd’hui dans une mégabulle attestée par la prospérité des marchés boursiers et immobilier. Pour certains économistes, c’est là qu’est l’inflation. 
À l’évidence, les bourses ne montent pas parce que les entreprises créent de la valeur ou font des augmentations de capital, ou bien encore changent leurs dirigeants : si les entreprises voient leur cote augmenter, c’est par la vertu du quantitative easing qui a pour effet de rendre les liquidités tellement abondantes que l’on peut tout acheter. La conséquence étant l’enterrement de première classe du capitalisme de l’ancien monde, qui avait, dans sa dureté, la vertu d’éliminer les canards boiteux. Tandis que l’assouplissement monétaire laisse vivre des banques et des entreprises zombies à la productivité médiocre et souvent dans des niches à l’abri de la concurrence. C’est pourquoi il est douteux qu’avec de telles entreprises nous puissions renouer avec des taux de croissance élevés, 1 à 2 % maximum, ce qui, ajouté à la digitalisation de l’emploi, va nous conduire à plus de chômage. La même chose pour l’immobilier : tant mieux pour les ménages qui peuvent acheter mais, par exemple, dans le domaine de l’immobilier de bureau, la crise menace, le télétravail a déjà rendu obsolètes nombre de bureaux en surcapacité. Pourtant l’abondance monétaire permet de continuer à acheter des bureaux…

    Des valorisations absurdes et irrationnelles

    Il se commet d’ailleurs un contresens sur la logique des marchés : si elle est rationnelle dans son mécanisme, ses acteurs ne le sont pas. On connaît les prophéties autoréalisatrices,les effets mimétiques, sans compter la concupiscence, l’exubérance ou la panique, rien de très rationnel ni raisonnable dans tout cela.
    Aussi lorsque Tesla, qui a produit moins de 500 000 véhicules en 2020, est valorisé au moins trois fois plus que le deuxième meilleur constructeur auto en capitalisation, Toyota (215 milliards), qui produit vingt fois plus que lui et est régulièrement le champion des plus gros bénéfices du secteur, est-ce rationnel ? Volkswagen AG, le numéro un mondial et le plus valorisé des constructeurs européens, pèse 81 milliards à peine. Stellantis, le futur groupe qui devrait réunir PSA et Fiat Chrysler (FCA) représentera une capitalisation boursière cumulée de plus de 37 milliards d’euros pour 8 millions de véhicules. Allez comprendre !

    Quoi qu’il en coûte !

    Et pendant ce temps, en France, l’État se substitue à l’entreprise et compense, même partiellement, ses pertes. Pensez donc, avec des taux d’intérêt négatifs, pourquoi se priver ! Et Biden veut faire passer un plan de relance de 1900 puis 2000 milliards de dollars « Watever It takes » et, de ce côté de l’Atlantique, Macron : « quoiqu’il en coûte » !

     

    La BCE achète la totalité des émissions nettes de dettes souveraines
en UE : il n’y a tout simplement plus de marché.

     

    Qui se permet de critiquer une telle folie est considéré comme complotiste, fasciste ou bien encore contre le « progrès ». Les dirigeants se rendent-ils compte qu’il s’agit en fait d’une politique d’extrême gauche de création monétaire massive (d’ailleurs, on n’entend pas Mélenchon sur la question !) alors que toute réforme structurelle et la prudence budgétaire sont dénoncées comme contraires au bien commun et dues à des politiciens cyniques. La BCE est en passe de détenir près de 70 % de l’encours de dettes souveraines en Zone euro et achète la totalité des émissions nettes de dettes souveraines (Financial Times). Là, pour le compte, il n’y a tout simplement plus de marché.
    Quant aux taux d’intérêts négatifs, ils ne sauraient constituer une preuve de confiance et de prospérité puisque les prêteurs acceptent de perdre tout en cherchant la protection de leurs capitaux. Tôt ou tard la BCE et la FED, avec Biden, devront pratiquer des révisions déchirantes.

    L’inflation espérée et redoutée

    Les autorités monétaires rêvent d’un peu d’inflation qui ferait remonter les prix au-dessus de 2 %. Dans un contexte déflationniste elles parlent de « reflation », une petite inflation qui permettrait d’alléger les dettes par l’érosion monétaire lente. Un peu comme quelqu’un qui jetterait un peu d’essence sur un feu qui refuse de démarrer. On connaît le risque (il est loin d’être exclu !) : une reprise de l’inflation brutale, et la hausse des taux d’intérêt qui rendrait insupportable l’endettement français : 480 milliards d’intérêt de dettes payés depuis 10 ans et bien avant la crise du Covid. Imaginons maintenant ce qu’il faudra payer pour notre dette (2800 milliards d’euros) : si les taux augmentent, au lieu de 38 milliards, cette année, nous devrions passer à 60 puis 80 milliards, c’est la faillite assurée ! Pour l’année 2020, les ressources nettes du budget général de l’État sont estimées à 250,7 milliards d’euros. Presque un tiers du budget pour les seuls taux d’intérêt, est-ce soutenable ?

    Hybris monetica

    Le risque de krach n’est donc pas exclu, il n’est rien que détestent le plus les boursiers que la hausse des taux. Déjà les taux des bons du trésor US ont augmenté, du coup les détenteurs d’anciennes obligations (à taux moindres) vendent. Si la FED intervenait, hors quantitative easing, cela aurait pour effet d’effrayer Wall Street, tandis que de son côté le programme ultradépensier du social-démocrate Biden pourrait aggraver l’inquiétude des marchés ; et Bernie Sanders, objectivement communiste, fait quand même partie du staff Biden. Dans ce cas nous serions plus sur l’éclatement d’une bombe que d’une bulle.

    Dans Faust, Goethe présente la monnaie fiduciaire (ici numérique) comme la poursuite de l’alchimie par d’autres moyens. H. C. Binswanger, professeur d’économie suisse mort en 2018, s’est employé à dénoncer la dimension théologique de l’économie contemporaine – dont la Rome est à Davos où elle tient ses conciles – et la transformation religieuse de sa corporation en Congrégation des économistes, titre d’un de ses livres. La lecture du Faust de Goethe fut une véritable découverte, pour lui, « la création monétaire a un caractère magique ».
    Le temps viendra assez vite où il faudra sortir de la magie, et ce temps sera dur, très dur ! Car l’économie est la science de la mesure, l’économie faustienne qui est la nôtre est celle de la démesure, de l’hybris monetica, l’autre pandémie !

    Illustration : Elon Musk, PDG de Tesla, plus de 800 milliards de capitalisation au 25 janvier 2021, avec 800 % d’augmentation du cours en 2020.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/