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  • Renaud Camus : « Macron est l’incarnation parfaite du remplacisme global »

     

    Renaud Camus a donné à Boulevard Voltaire l'intéressant entretien qu'on va lire. Eventuellement pour en débattre.  LFAR 

     

    0b0a57389a7e9f784d1e5cb8a814f086.jpegRenaud Camus, Emmanuel Macron est entré à l’Élysée le 14 mai dernier. Un semestre, le dixième du temps d’un quinquennat ! Que vous inspire tout d’abord le personnage en lui-même ? Un personnage de roman, un super-technocrate ? Certains n’hésitent pas à le comparer à Bonaparte !

    Emmanuel Macron me facilite beaucoup la vie, au moins intellectuellement, car si l’on me demande de résumer d’un mot ce que je veux dire par remplacisme global, je peux répondre : Macron. Il en est l’incarnation parfaite.

    Je l’ai dit cent fois, le Grand Remplacement, la substitution ethnique, le changement de peuple, si énormes qu’ils soient comme phénomène, ne sont qu’une petite partie d’une phénomène plus large encore, le remplacisme gobal, où je vois l’un des deux principaux totalitarismes à l’œuvre de par le monde (l’autre étant évidemment l’islam). Remplacer, telle est l’essence des sociétés post-industrielles et post-modernes : tout doit y être remplaçable et s’y trouver remplacé — le vrai par le faux, l’original par la copie, les matières par leur reconstitution synthétique, les services et les objets par leur version low cost, l’homme par l’homme, l’homme par la femme, l’homme et la femme par les robots, les mères par les mères porteuses, la ville et la campagne par la banlieue, les peuples par d’autres peuples, l’humanité par une post-humanité hagarde et hyper-violente, l’espèce humaine par la Matière Humaine Indifférenciée (MHI).

    Le remplacisme est petit-fils de la révolution industrielle et fils du taylorisme fordien qui, à force de tout standardiser selon les exigences de la production et du profit, a fini très logiquement par vouloir standardiser l’homme lui-même. L’homme est à ses yeux une petite entreprise artisanale à succès, que rachète la grande distribution multinationale pour en commercialiser une version low cost, dénaturée mais hyper-profitable. Dans ses desseins plutôt noirs, le remplacisme s’est trouvé sur le tard un allié inespéré mais de poids, et, après tout, très naturel, très logique, l’antiracisme, qui a fini par signifier ce que portait son nom, la haine des races, la croyance absolue en leur inexistence et, paradoxalement, la foi non moins absolue en leur égalité et, surtout — c’était le plus précieux pour le remplacisme —, le désir de les fondre en une seule.

    Emmanuel Macron se situe exactement au point de convergence de ces deux généalogies, financiarisme bancaire post-industriel d’un côté, antiracisme de l’autre — à ceci près, tout de même, que lui n’est même plus antiraciste, il est bien au-delà : les origines n’existent pas pour lui et, comme on sait, « il n’y a pas de culture française ». 

    En mai 2016, vous déclariez, dans un entretien à Boulevard Voltaire , que l’élection présidentielle de 2017 serait un référendum sur le changement de population. Comme interprétez-vous le résultat de cette élection ? Les Français ont dit oui au changement de population ou bien cet enjeu a tout simplement été occulté ? 

    Cet enjeu a été totalement occulté mais les Français n’ont, au mieux, pas dit non, il faut bien le reconnaître, à mon immense regret. Il convient de dire qu’en cet univers où tous les mots mentent, il en est peu qui mentent plus fort que Français, qualificatif qui réunit en un monstrueux amalgame envahisseurs et envahis, colonisateurs et colonisés, occupants et occupés. L’issue des votes dépend déjà largement du peuple de remplacement, puisqu’on a eu la folie sans précédent de lui donner le droit de vote. Mais, surtout, le peuple remplacé est hébété par l’enseignement de l’oubli, l’imbécillisation de masse, la répression, la censure, les injections permanentes de haine de soi, la peur, le monopole médiatique presque complet dont jouit le remplacisme (Boulevard Voltaire et TV Libertés nonobstant). Aussi bien l’issue ne sera-t-elle plus politique, à présent. Je l’ai déclaré dans un autre entretien, en volume, celui-là, avec Philippe Karsenty : 2017 était la dernière chance avant le Grand Remplacement. J’aurais dû préciser : la dernière chance politique.

    À travers les décisions, ou les non-décisions, de ce premier semestre du Président Macron à la tête de l’État, décelez-vous une quelconque évolution de la politique dans le domaine de l’immigration qui serait de nature à vous rassurer, ou au contraire ?

    Pas du tout, et très au contraire : on est entré dans le mode automatisé du changement de peuple. Le remplacisme global est au pouvoir et il procède selon un mode de gouvernement que j’ai appelé, par opposition à la démocratie directe, la « davocratie » directe – le gouvernement par Davos -, sans intermédiaire. Les grands argentiers du monde, ceux qui se réunissent une fois l’an à Davos, ont constaté qu’ils étaient désormais assez forts pour gérer directement le parc humain, en se passant de la caste politique, qui représentait pour eux une perte de temps et d’argent. La France est un modèle, à cet égard – le macronisme supprime le microcosme : renvoi à leurs études de toutes les grandes figures de la vie politique depuis trente ans, les Sarkozy, les Hollande, les Juppé, voire les Marine Le Pen ; constitution d’un gouvernement de second couteaux ; remplacement de la représentation nationale par une cargaison de zombies à peine alphabètes qui doivent tout au pouvoir et sont bien résolus à ne lui faire ni ombre ni peine. On vient à bout des pouvoirs locaux en les mettant au pain sec et à l’eau, en organisant leur ruine, même. Surtout, surtout, on pulvérise les partis politiques : des trois dont les Français croyaient il y a encore un an qu’ils avaient en main le destin de la nation, pas un ne tient encore sur ses jambes aujourd’hui. Le changement de peuple avait déjà échappé au peuple, voici qu’il échappe à ses élus. Il est géré par des machines, ou par des hommes au cœur de machine.

    Entre remplacistes et anti-remplacistes, macroniens et identitaires, on en arrive ainsi, sur un point unique, à une étrange convergence, due à une coïncidence, ou à la rigueur extrême de l’opposition : les deux parties sont d’accord pour sortir de la politique, laquelle d’ailleurs suppose un peuple, et il n’y a pratiquement plus de peuple. Les remplacistes et Macron sortent de la politique par l’économie, par la finance, par la gestion d’entreprise, par The Principles of Scientific Management, qui est à la fois leur Das Kapital et leur Mein Kempf, presque aussi terrifiant (« Dans le passé, l’homme était premier, écrit froidement Taylor ; à l’avenir, c’est le système qui doit être premier »). Les anti-remplacistes et moi, si j’ose dire, voulons sortir de la politique par l’Histoire, ou par l’ontologie.

    En effet, quand la seule question sérieuse qui se pose est celle de la survie d’un peuple et d’une civilisation, ce n’est pas de la politique, cela : c’est de l’Histoire. De Gaulle à Londres, ce n’était pas de la politique, mais de l’Histoire. C’est pourquoi Karim Ouchikh et moi, à Colombey-les-Deux-Églises, le 9 novembre, jour anniversaire de la mort du Général, et près de sa tombe, avons crée un Conseil national de la résistance européenne, que nous comptons constituer et élargir par cooptation. Mais c’est un autre sujet, cet entretien est déjà trop long, je vous en parlerai une autre fois, si vous m’en donnez l’occasion.   

    Ecrivain
    Fondateur du NON
    Librairie
  • La technique de l’évolution « sociétale »

     

    Par François Reloujac 

     

    Comment les animateurs et les maîtres de la société moderne organisent les processus irréversibles. 

    Au début de l’été, trois événements successifs ont mis au premier rang de l’actualité des problèmes de société : il s’agit, successivement de la décision du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) relatif à la « procréation médicalement assistée » (PMA), de l’annonce du décès de Simone Veil, ancien ministre de la Santé qui a défendu devant le Parlement la loi dépénalisant l’avortement et enfin de la décision de la Cour de cassation sur la reconnaissance de « paternité » en France d’enfants nés à l’étranger d’une « gestation pour autrui » (GPA). Trois événements présentés comme en rapport avec des « avancées sociétales ». Un petit retour sur l’histoire suffit pour en comprendre le mécanisme mis en jeu pour transformer la société.

    Le progressisme toujours si bon et si humain !

    Avec la loi Neuwirth, en 1967, il s’agissait de défendre le « droit » pour les femmes à « maîtriser leur fécondité », cette « maîtrise » ayant été présentée comme permettant de faire disparaître les avortements ! Lors du vote de cette première loi « sociétale », on estimait officiellement que les avortements clandestins provoquaient en France la mort d’environ 300 femmes par an et rendaient stériles environ un à deux milliers d’autres. Ces chiffres, donnés alors pour sûrs, n’étaient que des approximations, aucune statistique n’étant établie sur ce critère des victimes d’avortements clandestins. Pour horrible que fut le chiffre, il ne s’agissait là que d’un phénomène marginal. De 1967 à 1974, sous la pression de personnes jouissant d’une certaine popularité, la question de l’avortement a nourri les journaux. Trois cent-quarante-trois femmes jeunes ou moins jeunes – mais, toutes, riches et célèbres – ont bravé la loi en revendiquant s’être fait avorter et en réclamant le même droit pour toutes. Dans un même temps, la pilule était autorisée pour les mineures sans l’autorisation des parents. Hélas, lorsqu’une jeune femme oubliait de prendre « sa » pilule, et qu’elle se retrouvait enceinte, ce n’était pas l’affaire de son « partenaire » d’un soir ; elle n’avait plus qu’à assumer, seule, les conséquences de son « oubli » et donc de sa maternité ou à se faire avorter.

    Dans une optique « progressiste », plutôt que de s’interroger sur la responsabilité de la loi dans l’accroissement du nombre des avortements, on a cherché à corriger la conséquence présentée comme non souhaitée : on a « dépénalisé » ! Les deux arguments principaux avancés pour faire voter cette loi par un Parlement majoritairement hostile au projet méritent d’être analysés, car, n’en doutons pas, ils serviront encore pour de nouvelles « avancées sociétales ». Ce sont l’émotion causée par le scandale du nombre des décès par avortement, d’une part, et le fait que l’avortement sans risque n’était ouvert qu’aux seules femmes riches qui avaient les moyens d’aller se faire avorter à l’étranger, d’autre part. Il fallait donc que, sans discrimination, ce nouveau « droit » fût ouvert à toutes.

    Le ministre de la santé de l’époque a mis en avant au Parlement le nombre horrible des « mortes » du fait des avortements clandestins : 60 000 ! Pour un nombre d’avortements clandestins estimé lui à moins de 120 000 ; à comparer aux 300 annoncés sept ans auparavant, et aux 220 000 enfants tués dans le sein de leur mère du fait des avortements annuels aujourd’hui ! On semble avoir oublié comment avait été forgé le chiffre de 60 000 décès annoncé au Parlement : on y avait inclus, puisque les décès consécutifs à des avortements clandestins n’étaient pas comptabilisés en tant que tels, tous les décès pour cause inconnue. C’est-à-dire, puisque l’on ne distinguait pas entre les sexes dans les statistiques des décès que de nombreux hommes étaient ainsi réputés avoir succombé à un avortement clandestin ; le « genre » avant la lettre !

    La même technique a été mise en œuvre pour justifier chacune de ces « avancées » dont personne ne voulait réellement. Le PACS a été voté pour empêcher de baptiser « mariage » le couple formé par des homosexuels avant d’en arriver au « mariage pour tous » (qui constitue un double déni puisqu’il ne s’agit pas d’un mariage au sens propre du terme, d’une part, et que, d’autre part, tout le monde pouvait se marier avant cette loi), au nom de l’égalité entre les couples. En imposant le « mariage » entre homosexuels, on a dit que jamais cela n’ouvrirait aux homosexuels le droit à la procréation médicalement assistée acronymisé PMA : un euphémisme pour ne pas dire insémination artificielle avec donneur anonyme ; et moins de cinq ans plus tard le Comité consultatif national d’éthique a ouvert la porte à cette nouvelle « avancée » !

    Lors du débat qui a précédé le vote de cette loi dite du « mariage pour tous » on avait promis que cela ne conduirait pas à la gestation pour autrui (GPA), c’est-à-dire à la location de l’utérus des femmes au profit d’homosexuels en manque d’enfants (marché qui pourrait être très lucratif). Mais la Cour de cassation a trouvé le moyen de considérer qu’une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à la transcription sur les registres de l’état-civil français en ce qu’il désigne le père, ni à l’adoption de l’enfant par l’époux (sic) du père. Le deuxième argument utilisé pour faire voter la loi Veil sera bientôt réactivé : il faudra permettre à ceux qui n’ont pas les moyens d’aller acheter un enfant à l’étranger de le faire en France.

    Quand la fin justifie les moyens

    Le système est bien rodé. Dans une méthode téléologique soigneusement mise en œuvre, chaque « avancée sociétale » est toujours incomplète pour ouvrir la porte à une nouvelle « avancée » une fois que la précédente est entrée dans les mœurs. Ainsi la pilule contraceptive a été présentée comme permettant de lutter contre les avortements clandestins, alors que tout le monde savait qu’il entraînerait inéluctablement leur augmentation. Ceux qui, à l’époque ont voulu mettre en garde contre cette dérive ont été traités d’affreux antiféministes. Comme le nombre des avortements a effectivement augmenté, on a dépénalisé ce crime… tout en refusant de le considérer comme un acte médical et donc de le rendre remboursable par la Sécurité sociale. La légalisation ouvrait la porte à une nouvelle « avancée » puisqu’il était inconcevable que les femmes riches puissent y recourir dans de « bonnes conditions » et que les femmes pauvres ne puissent le faire qu’au risque de leur vie. L’avortement est devenu, égalité oblige, un acte remboursable, puis gratuit, ouvert aux mineures sans l’autorisation de leurs parents. Le PACS devait permettre d’éviter le « mariage » entre des homosexuels jusqu’à ce que l’on s’aperçoive d’une nouvelle discrimination entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. L’on en est arrivé au « mariage pour tous » qui n’est plus une « institution » mais un contrat entre personnes « qui s’aiment » ! On a ainsi ouvert trois nouvelles inégalités : une première entre les couples hétérosexuels qui ont droit, en cas d’infécondité, à la procréation médicalement assistée et les couples homosexuels qui en sont privés ; une deuxième qui réserve le « mariage » uniquement à deux personnes au lieu de trois ou quatre ; une troisième qui autorise deux êtres qui s’aiment à se marier, quel que soit le sexe de l’un et de l’autre, mais qui maintient encore une privation de droit en fonction de l’âge. On voit aujourd’hui ce qui se passe à propos de la « PMA » – qui ouvrira la porte à la GPA –, on verra demain ce qu’il en sera avec le nombre des « mariés » et surtout, avec l’âge des mariés. Si, dans de rares cas, une femme d’âge mûr cherchera à convoler avec un jeune homme presque encore imberbe, on verra surtout se multiplier les mariages entre des hommes d’un certain âge avec des jeunes filles à peine nubiles. Et ceux qui s’opposeraient à ce nouveau « droit », que l’on recrutera essentiellement dans les milieux réputés rétrogrades, seront appelés des « pédophobes ».

    On comprend pourquoi les députés allemands de confession islamique ont voté, en juillet 2017, en faveur du « mariage » entre homosexuels. On comprend aussi pourquoi l’Union des communautés et organisations islamiques d’Italie ont réclamé une législation en faveur de la polygamie, « du fait que la loi italienne autorise les unions civiles homosexuelles ». En effet, si, comme l’écrit William Kilpatrick, « le mariage ne doit plus se limiter à l’union d’un homme et d’une femme, pourquoi ne pas permettre l’union d’un homme et de quatre femmes ? » Ce serait « une avancée sociétale » !  

    Site Politique magazine

  • Maurras et le Fascisme [2]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Un individu ne peut rien de durable ...

    Maurras entendait corriger le fascisme, ou le contenir, par le contrepoids de la force française.

    Le 18 avril 1926, il écrivait prophétiquement de Mussolini : 

    « Tiendra-t-il par la paix ? Sera-t-il réduit aux aventures de guerre ? Les difficultés ne lui font pas peur. Mais très souvent, c’est en poussant droit à l’obstacle qu’on arrive à le supprimer. On ne supprime pas la guerre en la niant ni en évitant de s’y préparer. Si le malheur voulait que, de complications coloniales en complications métropolitaines, d’incurie navale en impuissance maritime, nous fussions acculés à quelque lutte sanglante avec nos amis et alliés de 1915–1918, tous les torts ne seraient peut-être pas à ceux-ci. L’absurde campagne de presse que Léon Daudet a signalée avec éloquence fait vraiment rire de honte et de pitié, car enfin il suffirait à la France de maintenir les conditions essentielles de sa force pour devenir à peu près automatiquement, une alliée inévitable, une collaboratrice essentielle au développement de n’importe quelle puissance méditerranéenne. Les malheureux qui se plaignent des excès déclarés de la force italienne ne comprennent-ils pas que cela est fait, exactement, uniquement, de leurs folles déficiences ! Soyons nous-mêmes ; la plus magnifique et la plus naturelle combinaison d’essor latin obéirait à des communautés d’intérêts plus encore qu’à des communautés historiques. Notre faiblesse volontaire, systématique, renverse tout. Elle a opéré hier, en Abyssinie, la conjonction anglo-italienne ! Elle opérera demain la conjonction italo-allemande ! Pendant ce temps, nous avons la douleur de voir distribuer à des centaines de mille lecteurs français des papiers d’après lesquels, face au guerrier Mussolini, l’Allemagne ferait partie d’une constellation pacifique ! – l’Allemagne ! l’Allemagne ! »

    Il n’importait donc, selon Maurras, ni de nous fier aveuglement à ces communautés d’intérêts ou de culture que l’histoire et la géographie nouaient entre la France et l’Italie, ni de dénigrer, par système, le régime fasciste, mais plutôt de comprendre que l’incontestable redressement dont Mussolini était l’auteur, risquait, si nous n’y prenions garde, de créer une situation qui ne se dénouerait que par la guerre. « L’incident Renaudel » lui donnera l’occasion d’exprimer son angoisse. Le 22 juillet 1932, à Genève, lors d’une réunion de « l’Union interparlementaire » un député socialiste nommé Renaudel s’avisa d’opposer à un député fasciste que « dans un pays où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de justice ». Les Italiens répliquèrent en criant : « À bas la France ». Dans L’Action française, du 24 juillet, Maurras entreprit de tirer la leçon de cet incident, « trois et quatre fois odieux : parce que le tort initial venait d’un homme officiellement inscrit dans la nation française et qui n’avait pas le droit de la figurer ; parce qu’il a été répliqué à sa sottise par d’inadmissibles outrages ; parce que ces outrages n’ont pas été relevés avec une pertinente énergie ; enfin, et surtout, parce qu’une preuve nouvelle est donnée du déséquilibre matériel qui existe en Europe : d’une part, des populations dont la masse et l’élite, l’être réel et les figures officielles, sont également animés d’un vif sentiment de leur communauté historique, et d’autres populations, les nôtres, chez lesquelles ce sentiment, cette conscience, ce lien moral apparaissent pratiquement annulés tout au moins dans les sphères de leur pays légal. Il est impossible qu’un déséquilibre pareil n’amène pas à bref délai des malentendus, des désordres et des ruptures comparables à de véritables révolutions. Mais ces révolutions ou ruptures internationales ont un nom. Ce sont des guerres. Il y a la guerre quand celui qui a et qui tient, réputé pour ne pas tenir assez fermement, passe pour pouvoir être dépouillé sans grand effort. Or, la misérable pauvreté de notre moral, la médiocrité de nos défenses matérielles tentent, tentent beaucoup, tentent de plus en plus. Avant de céder à la tentation, on nous tâte d’abord sur notre fer, et ensuite en direction de nos membres et de notre cœur. Depuis quelques saisons, il semble que ces petites épreuves de résistance ne se comptent plus. » 

    b261e4befddf5e157566b7d7b19dfa9f.jpgCes textes datent de 1926 et de 1932, une époque donc où Hitler n’avait pas encore conquis le pouvoir. Ainsi, Maurras, bien loin de céder à une impulsion idéologique en faveur du fascisme, tirait, de la considération de sa force, la nécessité plus urgente de la force française. Ce qui était la seule manière de maintenir la paix. Attitude toute empirique, qui s’exprime fort bien, à l’occasion du voyage qu’il fit à Palerme pour assister aux obsèques, en 1926, du duc Philippe d’Orléans (photo). « En Italie, écrivait-il alors, j’ai regardé tant que j’ai pu. Avec défiance. Avec soin. Sans doute avec passion. Mais c’est à la mise en garde que je me suis appliqué avant tout. Il est si facile de se tromper en voyant ce que l’on veut voir ! Et l’ardeur de conclure, la promptitude à déchiffrer sont des faiblesses si naturelles de l’esprit humain. » 

    p6226_1.jpgLa défiance de Maurras à l’égard des préjugés, fussent-ils favorables, le conduisait certes à condamner les idéologues tels que Renaudel, qui dénigraient Mussolini à partir de principes abstraits, mais aussi bien ceux, de l’espèce opposée, qui louaient démesurément le Duce, sans tenir compte du fait qu’un individu ne peut rien de durable s’il ne s’appuie sur des institutions qui lui préexistent. (Photo : Victor-Emmanuel III). Le 17 mai 1928, il constate que « la vérité toute simple et toute crue est que Mussolini est extrêmement admiré en France. On l’estime pour sa vigueur, on l’admire pour la clarté et le réalisme de sa pensée. Ah ! si nous avions son pareil ! C’est la naïve idée courante. Ceux qui la formulent et qui la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu’une action d’ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie seule fournit et qu’un certain degré d’aristocratie ou, si l’on veut, d’anti-démocratie doit encore la soutenir. » Réflexion que l’avenir vérifiera. Mussolini, par la fatalité de tout pouvoir totalitaire, s’abandonnera sans doute à la démesure, mais ce sera malgré la maison de Savoie. C’est elle qui interviendra au dernier instant pour le chasser, sauvant ainsi l’Italie d’un effondrement total. Grâce au souverain, qui en sera d’ailleurs bien mal récompensé, le maréchal Badoglio signera l’armistice et permettra la transition, empêchant, du même coup, les communistes de conquérir l’État. Dans les premiers temps, du reste, Mussolini avait été assez prudent pour respecter le pouvoir monarchique et l’autorité de l’Église. Les dernières années ne doivent pas faire méconnaître que l’Italie lui doit la signature des accords du Latran qui mettaient un terme heureux au conflit des deux Rome. Il était encore permis d’espérer, en 1928, que le Duce saurait se contenter du rôle de grand commis de la monarchie et que la gloire d’être le Richelieu de l’Italie lui suffirait.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1]

  • Maurras et le Fascisme [3]

    « Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco ...»

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Maurras se gardait bien d’hypothéquer l’avenir. Il préférait conseiller la mesure, alors qu’il en était temps encore. « La solution, donnée par Mussolini, à la question scolaire a limité l’action de l’État aux groupes d’éducation civique et militaire. La liberté de l’école paraît devoir rester intacte tant au point de vue religieux qu’au point de vue moral. L’envoyé du Temps à Rome, M. Gentizon, semble croire que cette solution mesurée sera intenable et que le dictateur sera conduit à usurper de plus en plus l’autonomie des consciences et la liberté des âmes. Nous en sommes moins sûrs que lui. La logique formelle est une chose, la politique réaliste en est une autre. Un homme énergique sait marquer le point au-delà duquel il ne se laissera pas entraîner et sa volonté peut parfaitement suffire à le maintenir dans les confins qu’il s’est donnés. » 

    En fait, Mussolini ne s’abandonnera à la pente logique de son système intellectuel que sur le tard, quand les « démocraties », l’y contraindront, en liant son destin à celui d’Hitler. Le Führer saura profiter de leurs fautes. Se présentant modestement comme son disciple, il le conduira à l’imiter. Au départ cependant, le totalitarisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres du fascisme italien. Une possibilité cependant, Maurras là-dessus ne cessera de dénoncer l’erreur mortelle que portait, en germe, le fascisme. 

    Charles_Maurras_4.jpgC’est ainsi que le 12 juin 1932, il s’élevait contre une déclaration de Mussolini selon laquelle « en dehors de l’État, rien de ce qui est humain ou spirituel n’a une valeur quelconque ». Maurras appelait cela un délire. « Même en confondant État et Nation, État et Société, il y a dans la vie des personnes humaines quelque chose qui y échappe en soi. Quelque grande part que l’État ainsi compris puisse prendre à l’engendrer, à la défendre ou à la soutenir, cette valeur existe en fait, il est aussi vain de prétendre qu’elle n’est rien que d’y sacrifier tout le reste. » 

    Ce qui conduisait Maurras à définir très exactement par quoi le fascisme se rapprochait du nationalisme intégral et par quoi il s’en séparait. « Il est très important de fortifier l’État. On ne le fortifie bien qu’en le concentrant et en laissant les groupes sociaux intermédiaires faire des besognes qu’il ferait trop mal, quant à lui. C’est pourquoi nous ne sommes pas “ étatistes ” quelques imputations calomnieuses que l’on se soit permises à notre égard. Tels Français réfléchis qui admirent le plus l’effort et l’ordre fascistes font comme nous des réserves sur ce qu’il présente d’exagérément étatiste. Ils en font même un peu plus que nous. Nous avons dû expliquer parfois qu’un pays aussi récemment unifié que l’Italie est tenue de limiter certaines libertés locales et professionnelles. Mais cette condition ne joue pas dans le domaine religieux, puisque l’unité morale, l’unité mentale existent en Italie : le pays a été sauvé de la Réforme au XVIe siècle, et la prompte élimination des “ popolani  ” montre que ni le libéralisme, ni la démocratie n’y avaient poussé de fortes racines. » Ces pages sont d’autant plus fortes qu’elles furent écrites à un moment où l’Action française subissait les rigueurs d’une censure pontificale, depuis lors heureusement levée. 

    Maurras donc reconnaissait, comme un fait, que Mussolini, en abaissant le régime démocratique et en reconstruisant l’État, restituait à l’Italie sa force. 

    Il en tirait la conséquence que si la France persévérait dans ses mauvaises institutions, la force italienne se retournerait contre notre pays. Néanmoins, fidèle au vieux principe thomiste, qui veut que tout bien humain, lorsqu’il se prend pour l’unique nécessaire, se transforme en son contraire, Maurras avertissait Mussolini que la restauration de l’État, si elle n’était pas compensée au minimum par la liberté de l’Église, aboutirait à l’étatisme totalitaire. Ce qui conduirait l’Italie à l’aventure militaire, à la sclérose économique, au désordre spirituel. À terme, les bienfaits très réels apportés par le fascisme dans ses débuts, seraient gâchés, et l’Italie, un instant arrachée par Mussolini au chaos, serait jetée par lui dans un chaos pire. Ce qui est arrivé. 

    1447697259389.jpg--resistenza__morto_il_partigiano_lonati__sparo_lui_a_benito_mussolini_e_claretta_petacci.jpgLe nationaliste français qu’était Maurras savait trop qu’il y a autant de nationalismes que de nations pour porter d’emblée un jugement dogmatique sur les aspects de la doctrine fasciste qui lui répugnaient le plus. Le primat, par exemple, qu’elle donnait à l’action sur la pensée. Pour une part, le pragmatisme de Mussolini le rassurait plutôt. Il nourrissait l’espérance, nullement déraisonnable, qu’une France qui referait à temps sa force, équilibrerait l’Italie fasciste, l’empêchant de verser du côté de ses démons. Ce ne fut pas. Nous n’avons pas lieu de nous en réjouir. Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco. La menace communiste, qu’un moment le Duce avait su écarter de nos frontières, serait moins pressante aujourd’hui et l’avenir de l’Europe mieux assuré. 

    Mussolini a subi d’innombrables influences, mais pas celle de Maurras. Dans La Vie intellectuelle de mai 1929, M. Gaston Rabeau étudiant « La Philosophie du fascisme », le reconnaît avec une louable franchise. « Les Français, écrit-il, s’imaginent aisément que la politique mussolinienne ressemble à celle de M. Maurras. Question d’origine mise à part (elle ne vient sûrement pas d’Auguste Comte ou de Joseph de Maistre), elle nous paraît en différer absolument. » C’est qu’en effet il s’agit d’une « politique avant tout empiriste, d’un empirisme total, non pas de cet empirisme qui généralise des lois ». Le plus beau de l’histoire c’est que M. Rabeau, lumière de la démocratie-chrétienne, faisait un mérite à Mussolini de s’opposer ainsi à Maurras. Toute son étude est du reste imprégnée d’une surprenante sympathie à l’endroit du fascisme. Sur les points où celui-ci s’écartait trop manifestement de la doctrine sociale du catholicisme, le pieux exégète, pris de scrupule, affirmait son souci de ne pas « élargir un fossé qui est déjà trop profond ». À la même époque, La Vie catholique travaillait, rappelons-le, à élargir artificiellement le fossé qui séparait, ou paraissait séparer, l’Action française de l’Église !    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme [1] - [2]

  • Annie Laurent : L’islam, mythes et réalité

     

    Par Anne Bernet

     

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    Anne Bernet a interrogé Annie Laurent à l’occasion de la publication de son livre l’Islam aux Editions Artège, un livre clair qui s’adresse à tous ceux qui veulent comprendre le pourquoi et le comment de la situation actuelle, en Europe et particulièrement en France. 

    Annie Laurent, vous publiez un nouveau livre sur l’islam*, issu des textes que vous écrivez dans le cadre de l’association Clarifier**. Quel est le rôle de cette dernière ?

    Comme son nom l’indique, cette association, que j’ai fondée avec quelques amis, a une vocation pédagogique qui concerne explicitement l’islam dans toutes ses dimensions.

    Partant du constat que beaucoup de nos compatriotes sont déconcertés par le développement de cette religion en Europe, et qu’en même temps, ils errent dans le maquis des confusions, des approximations, des discours convenus et autres faux-semblants, nous voulons leur offrir des informations et des analyses fiables pour leur permettre de porter un regard lucide et vrai sur cette nouveauté à laquelle ils n’étaient pas préparés. L’association Clarifier espère aussi contribuer à l’élaboration d’attitudes fondées sur la raison et non seulement sur l’émotion, car il ne s’agit pas d’opposer un système à un autre, sous peine de céder à une approche idéologique. C’est pourquoi l’intelligence des réalités islamiques est indissociable d’un regard de bienveillance à porter sur les musulmans.

    Vous tenez sur l’islam un discours clair, justement. Et vous n’hésitez pas à démontrer l’erreur qui consiste à considérer la violence et l’intolérance islamistes comme des dévoiements d’une « religion de paix et d’amour ». Pouvez-vous nous expliquer comment s’est forgé ce mythe bien-pensant ?

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident s’est laissé gagner par le pacifisme, attitude qui nie l’existence d’ennemis. Mais, malheureusement, cette utopie ne correspond pas à la réalité. Depuis le péché d’Adam et Éve, le mal est entré dans le monde. Il ne va pas s’évaporer comme par enchantement ! Par ailleurs, la décolonisation a engendré chez les Européens un complexe qui les pousse à l’auto-culpabilisation, au dénigrement de leur histoire et de leur identité, et à l’idéalisation de la culture des « autres », même si celle-ci comporte des aspects incompatibles avec les fondements de notre civilisation. Il est urgent d’en finir avec ces idées malsaines et mortifères.

    Précisément, pouvez-vous nous donner un aperçu de ces incompatibilités ?   

    Selon moi, la plus importante concerne l’anthropologie et c’est peut-être la moins perçue. L’Europe, largement façonnée par la culture chrétienne, a mis la personne au centre de son projet civilisationnel. Ce concept s’enracine dans l’enseignement biblique selon lequel l’homme et la femme sont créés « à l’image de Dieu » (Gn 1, 27). Or, Dieu, tel qu’Il se révèle, est un Dieu personnel, Un en Trois Personnes, comme l’exprime le dogme de la Trinité. C’est de là que découle la dignité inviolable et inaliénable de l’homme, ainsi que sa liberté jusque dans sa conscience. Le Coran fait l’impasse sur ces magnifiques réalités : Allah soumet l’individu à une adoration servile et à l’autorité arbitraire d’une Loi (la charia) qui ne cherche pas forcément son bonheur, l’être humain étant inapte au dépassement moral ; Il l’enferme dans un carcan de devoirs, sous la surveillance constante de l’Oumma (la Communauté des musulmans) qui veille à ce qu’il ne s’écarte pas de sa religion, considérée comme « naturelle » ; Il instaure une supériorité des musulmans sur les non-musulmans, de l’homme sur la femme ; Il justifie le recours à la violence et l’injustice, notamment pour faire triompher l’islam. D’où bien des malentendus dans un langage qui semble partagé avec une religion comme le christianisme. Ainsi en est-il de la miséricorde (en islam, le pardon de Dieu est aléatoire et le talion entre hommes autorisé), de la paix (concevable là où l’islam domine), etc. Ces exemples illustrent l’aspect totalisant de l’islam, idéologie religieuse qui mêle le temporel et le spirituel, excluant donc la laïcité.

    Bizarrement, nos féministes ne s’insurgent guère contre la place faite aux femmes dans l’islam. Pourtant, elle n’est guère avantageuse…

    On retrouve là l’expression du complexe dont j’ai déjà parlé, à quoi il faut sans doute ajouter le rejet de tout ce qui peut provenir de la conception chrétienne. Mais le jour où nos féministes subiront le joug de l’islam, elles déchanteront peut-être… 

    L’on évoque parfois la nécessité d’une « modernisation » de l’islam. Vous en démontrez pourtant l’impossibilité…

    Plutôt que d’impossibilité, je préfère parler d’obstacles, afin de ne pas enfermer tous les musulmans dans un cadre immuable et de ménager la liberté de ceux qui oeuvrent avec sincérité et courage à cette rénovation, indispensable à la paix du monde. Je vois deux obstacles structurels aux blocages qui entravent cette évolution. Il y a d’abord le statut « incréé » du Coran, considéré comme un Livre dicté en toutes lettres (arabes) par Allah Lui-même, donc sans que l’homme ait eu sa part dans la rédaction, comme c’est le cas avec la Bible. L’islam ignore d’ailleurs le concept d’inspiration. Ce Livre est réputé immuable et intangible. En outre, l’islam, du moins dans le sunnisme, que professent la plupart des musulmans, ne s’est pas doté d’une autorité magistérielle habilitée à délivrer une interprétation revêtue du sceau de l’authenticité. C’est pourquoi les intellectuels qui veulent vraiment adapter l’islam aux nécessités de notre temps, courent un double risque : soit être considérés et parfois jugés et condamnés pour ce crime comme des apostats, soit demeurer marginaux.

    Vous êtes l’une des meilleures spécialistes du drame des chrétiens d’Orient. Qu’en est-il, au fait, de leur sort en terre d’islam ?

    Depuis l’apparition de la religion de Mahomet, au VIIsiècle, et les conquêtes qui ont suivi, les chrétientés des pays concernés au Proche-Orient (Etats arabes, Iran, Turquie) et en Afrique n’ont cessé de décliner numériquement. Outre le djihad, la dhimmitude imposée par les pouvoirs musulmans a été – et demeure parfois – l’une des causes principales de cette diminution. Ce statut juridique impose aux chrétiens (mais aussi aux Juifs et aux Sabéens) des servitudes dans tous les domaines (religieux, politique, social, etc.), le but étant de les humilier jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, ils abjurent leur foi pour embrasser l’islam. Demeurer chrétien en terre d’islam relève de l’héroïsme et nous devons admirer les disciples du Christ qui tiennent à rester chez eux pour témoigner de l’Évangile, ceci jusqu’au risque du martyre.

    Vous vous adressez en particulier aux catholiques, en posant les limites du dialogue interreligieux avec les musulmans. En quoi, selon vous, l’Église actuelle fait fausse route ?

    La Bible nous montre un Dieu qui n’a cessé d’aller à la rencontre de l’humanité jusqu’à s’incarner Lui-même en Jésus-Christ. Les chrétiens, enfants de Dieu par le baptême, sont donc invités à imiter leur Seigneur, comme l’ont d’ailleurs fait les apôtres, puis les missionnaires de tous les temps. La mondialisation actuelle a poussé l’Église, attentive aux signes des temps, à élargir cette démarche à tous ses fidèles et à l’organiser. Cependant, les maux dont j’ai déjà parlé, tels que le pacifisme et le complexe post-colonial, ont aussi pénétré les milieux chrétiens, si bien que l’on a perdu de vue la finalité du dialogue qui est d’annoncer le salut à tous les hommes, donc aussi aux musulmans car ils y ont droit. Il en est résulté le relativisme actuel. Or, un dialogue qui exclut la vérité devient une démarche mondaine dépourvue d’une authentique charité, comme l’ont rappelé plusieurs documents magistériels depuis le concile Vatican II.

    Comment voyez-vous l’avenir proche de l’Europe confrontée à l’islam et quels remèdes préconisez-vous ?

    Il est indéniable que l’heure est grave. Si l’Europe veut vraiment relever le défi de l’islam, elle doit donner aux musulmans qu’elle accueille un vrai désir de s’intégrer en renonçant à leur culture. Pour cela, les sociétés européennes doivent proposer un modèle de société attrayant. Cette démarche passe par un renoncement au laïcisme et la restauration d’une saine laïcité (unité-distinction, selon la formule de Benoît XVI) ainsi que par la restauration d’une Cité vertueuse, sans craindre la vertu de force, qui n’est pas synonyme d’agressivité mais revêt une réelle dimension morale. La réponse au défi de l’islam est donc tout à la fois politique, morale et spirituelle.     

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    * L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaîsent pas encore)Préface de Rémi Brague, Éd. Artège, 287 p, 19,90 € 

    ** Association Clarifier,  Galaxy 103, 6 bis rue de la Paroisse, 78000 Versailles
    www.associationclarifier.fr 

    Iman shiite - Politique Magazine

    Un Iman shiite dans une moquée de Téhéran parle à une assemblée de femmes

    Anne Bernet
  • AUDIOVISUEL PUBLIC • La République et sa courte honte

     

    Par Christian Tarente

     

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    Ce n’est pas d’aujourd’hui que les radios et télévisions publiques, financées par la redevance, sont sur la sellette : toujours trop coûteuses pour des audiences toujours trop piteuses. Une honte ! Donc, une seule politique, serrer la vis. Mais la question de fond demeure : à quoi sert un audiovisuel d’État ? 

    « L’audiovisuel public est la honte de la République ! » On s’est demandé quelle mouche a bien pu piquer Emmanuel Macron lorsqu’il a proféré cette imprécation. Si l’on songe à toutes les hontes que traîne notre République, ce n’est sûrement pas celle-là qui vient la première à l’esprit ! Quant à ce qui fait le plus honte à l’audiovisuel public aujourd’hui, c’est qu’il se soit fait le champion de la langue de bois, de la pensée unique et du politiquement correct réunis. Or on n’a pas beaucoup entendu le président de la République, toute honte bue, s’exprimer sur ce registre…

    Il y avait donc une autre explication, qui est vite venue. Il fallait que les médias publics prennent leur part de la cure d’amaigrissement du budget de l’État. Décision a été prise de les taxer de 500 millions d’euros d’économies sur quatre ans (pour un budget annuel global d’un peu moins de 4 milliards). Un choix drastique, impossible à tenir selon les responsables concernés, au premier chef la présidente de France-Télévisions, Delphine Ernotte, qui commença à protester vertement. C’est alors que surgit, de l’Élysée, la fameuse saillie présidentielle. Mme Ernotte se sentit aussitôt visée – de même que ses collègues des autres entités concernées, Radio-France, France-Médias Monde, TV5 Monde et l’INA. Alors tout ce petit monde, accablé par la « honte », est rentré dans le rang, applaudissant des deux mains le nouveau cap officiellement annoncé par la voix du ministre de la culture, Françoise Nyssen.

    ÉVOLUTIONS TECHNIQUES ET BOULEVERSEMENTS DES COMPORTEMENTS

    Que l’audiovisuel public doive « bouger » est une évidence, eu égard aux évolutions techniques qui bouleversent les comportements du public. D’autant plus que les appétits commerciaux attisent sans cesse, chez le citoyen consommateur, le désir d’innovations. La TNT, télévision numérique terrestre – diffusée par émetteurs hertziens – est de plus en plus concurrencée par la diffusion par satellite, par câble, par ADSL (via les lignes téléphoniques) et, de plus en plus, par la fibre optique, beaucoup plus puissante. La possibilité pour chacun de s’affranchir des grilles de programme des chaînes ne cesse ainsi de s’accroître. Cela a commencé par le replay puis le podcast, la possibilité offerte par les chaînes de choisir le moment où l’on regarde leurs programmes (snobisme et paresse aidant, le vocabulaire anglo-saxon règne ici avec une arrogance qu’on ne pense même plus à contester !). Cela va désormais, on le sait, jusqu’à la capacité pour un abonné d’accéder en permanence à des catalogues proposant des centaines voire des milliers de films de cinéma et de séries télévisées : l’entreprise californienne Netflix propose près de 6000 films et séries aux États-Unis, et déjà 2000 en France, dont beaucoup d’exclusivités. L’usage d’Internet affecte aussi énormément les comportements : il n’y a pas que les jeunes atteints de toxicomanie aux jeux vidéos, le plus large public est lui aussi concerné. S’ajoutent, bien sûr, les réseaux sociaux – Facebook, Twitter,… – ainsi que l’écoute de musique en streaming, qui ont mis fin, dans les jeunes générations, à l’usage habituel de la vieille « téloche ». Seuls les grands événements résistent à la tendance, ce qu’illustre une petite histoire qui court sur les réseaux sociaux, celle du Séoudien qui dit à un copain : – Tiens on ne t’a pas vu à la dernière lapidation ! – Non, mon vieux, c’était jour de match !… Encore notera-t-on qu’il lui eût suffi d’apporter son smartphone…

    L’audiovisuel public ne peut donc que s’adapter à ces réalités nouvelles. C’est à la faveur de ces mutations imposées, présentées comme des éléments de la marche triomphale du progrès, que le gouvernement espère faire avaler la pilule des 500 millions disparus… Prenant acte de l’impasse totale que constitue la traditionnelle course à l’audience, le gouvernement a fixé quatre nouvelles priorités : reconquérir le public des jeunes, largement perdu en route, en effet, relancer une politique éducative, intensifier la création et développer les programmes de proximité (France 3). De vieilles lunes, à vrai dire : ce furent toujours des priorités de l’audiovisuel d’État. Mais elles seront désormais proposées sur des « plateformes » numériques et thématiques : jeunes, éducation, culture, etc. Multimédias, ces plateformes proposeront des « modules » aussi bien radio que TV, et feront une place à l’interactivité.

    Tout ne s’annonce pas bien, cependant. Ainsi est-il prévu, au nom de la « proximité », de faire passer de 2 à 6 heures quotidiennes les programmes proprement régionaux de France 3. Il y a un précédent : en 1983, Mitterrand regnante, Serge Moati avait eu une ambition analogue, fondée sur un système d’échanges entre les régions plutôt astucieux. Mais très vite, faute de moyens, les programmes se révélèrent nuls, et le fiasco fut total ! Il est à craindre que cela se renouvelle…

    UN  MÉDIA « ENGAGÉ DANS LA VIE CITOYENNE » ? … AÏE, AÏE, AÏE !

    francetele_sipa.jpgLes sacrifices délibérés vont toucher les chaînes elles-mêmes. La mort annoncée de la diffusion hertzienne de France 4, spécialisée dans les spectacles et les programmes pour enfants et adolescents, fait quelques remous. Moins pour cette disparition même que pour la nouvelle guerre de l’ombre qu’elle déclenche : qui occupera désormais l’excellent canal dont France 4 disposait sur la TNT ? L’idée a d’abord été d’en faire profiter la version télévisée de France Info. Mais ses concurrents – BFM-TV, LCI (TF1) et C-news (Bolloré) – s’agitent dans les couloirs de l’Assemblée et à Matignon : leurs ressources étant exclusivement publicitaires, il y aurait inégalité de traitement. Pour mettre d’accord les belligérants, une autre voie est évoquée : affecter le canal disputé à la téléphonie mobile. La décision finale appartient au CSA, censé appliquer des critères « non-discriminants »… Le CSA tiendra d’autant plus à marquer là son territoire que sa plus prestigieuse prérogative – nommer le président de France-Télévisions – devrait lui échapper : on a fini par s’apercevoir qu’elle était peu compatible avec sa fonction judiciaire de gendarme de l’audiovisuel… Sarkozy en avait tiré les conséquences à sa manière, Hollande y était revenu sans l’ombre d’une réflexion. Aujourd’hui, pour la télévision publique, structure centralisée ou éclatée ? Macron s’interroge. De toute façon, on l’aura compris, la question présentera, à l’avenir, de moins en moins d’intérêt.

    Contrairement à une autre question qui, elle, touche à l’essentiel. Quel message l’État entend-il faire passer à travers les médias publics ? Un État entièrement voué au bien commun n’aurait pas d’autre souci que d’en rechercher sans cesse le contenu, l’audiovisuel public pouvant contribuer puissamment à l’expression de cette recherche. Mais lorsque règne en maître un ultra-libéralisme à la Luc Ferry – à qui l’idée même d’un bien commun des Français fait horreur –, on peut redouter le pire. Ainsi a-t-on entendu Françoise Nyssen, ministre de la culture, en appeler à un « média engagé dans la vie citoyenne » car, plaidait-elle, « sur le sujet de la diversité, le pays des Lumières est hautement réactionnaire… Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain. » On se demande pourquoi Mme Nyssen a mis ce discours au futur, tant elle décrit une réalité déjà très présente. On est pourtant presque rassuré d’entendre énoncer à haute voix ce que l’on sait être la pensée profonde de nos élites ! Nous voilà prévenus par la voie officielle que la liberté d’expression a encore du souci à se faire. 

    Christian Tarente

  • Médias • Objectivité subjective

     

    Entretien de Politque magazine avec Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine 

    Est-ce le rôle de l’Assemblée nationale de définir ce qui est vrai, comme la loi sur les fake news tendrait à le démontrer ?

    Je ne le pense pas. Et dans cette loi, ce ne sera même pas l’Assemblée mais les juges qui, en dernier recours, décideraient de la vérité. Tout cela part d’un bon sentiment, mais on s’apercevra à l’usage que les juges auront une forte marge d’interprétation pour décider si une information est juste ou non. Et ça, c’est dangereux. Je ferai l’analogie avec la 17e chambre, qui condamne des journalistes comme Éric Zemmour, un de nos collaborateurs, où, partant d’un concept apparemment simple, comme l’incitation à la haine, le juge décide à partir de quel moment un propos est seulement descriptif d’une situation, ou incitatif… Je suis très réservé.

    En même temps, il y a une volonté de judiciarisation de la vérité par les militants et même les Français dans leur ensemble : on peut signaler à chaque média, au CSA, tout ce qui nous déplait, et personne ne s’en prive, au vu des statistiques.

    Il y a cette « envie de pénal » généralisée dont parlait Philippe Muray. Il y a là le résultat de deux mouvements. Le premier, c’est la victimisation, qui est devenue une règle d’existence : quand je ne suis pas d’accord, je suis forcément une victime et donc je demande réparation. La logique de la contradiction, traditionnelle dans le débat démocratique, s’amenuise au profit d’une logique de la réparation. On voit ça sur tous les sujets, c’est devenu un réflexe. Le second, c’est tout bonnement le refus du débat. Avec les réseaux sociaux, chacun a pu se construire une bulle dans laquelle il est conforté par les gens qui pensent comme lui, les sites qu’il consulte, les comptes Twitter qu’il suit, et il ne supporte plus ceux qui ne rentrent pas dans cette bulle, au point que son obsession devient alors de les faire taire. C’est la grande contradiction d’Internet supposé vous ouvrir au monde et qui vous referme sur vous-même.

    Avec des initiatives comme le Decodex, ou le fait d’être officiellement chargés de certifier le vrai et d’indexer le juste, d’être une référence, les médias ne sont-ils pas victimes des mêmes travers ?

    L’erreur de base de cette construction est de considérer qu’il y a une vérité objective. Sur les faits, sur les chiffres, comme ceux de l’immigration, par l’exemple, on voit qu’on peut choisir ceux qu’on met en avant. C’est pourquoi nous ne rentrons pas dans ce dispositif consistant à dire qu’il y a une vérité officielle qu’on ne peut plus contester. C’est une impasse. Chacun fait son travail de journaliste honnêtement mais chacun met en avant des chiffres, des réalités, des faits qui sont vrais mais qui vont à l’appui de la thèse défendue, à l’appui d’une vision du monde et même, surtout à gauche, d’une idéologie, avec des bons et des méchants. Et les bons, ce sont ceux qui pensent comme Le Monde et Libération. On ne dit pas que les autres sont méchants, on dit « les autres ont tort, ce sont des menteurs ». Il y a là un glissement sémantique, puisqu’on travestit le débat contradictoire en un affrontement entre le mensonge et la vérité.

    Les journalistes sont en fait prescripteurs de vérité : en sélectionnant l’information, ils constituent l’univers de référence dans lequel le lecteur se positionne. Ils informent la réalité plus qu’ils n’en rendent compte. Mais les journaux paraissent refuser d’admettre ce rôle constitutif et prescripteur…

    Je ne sais plus qui disait que la vérité était comme une sphère, on ne peut jamais la voir toute entière. J’adore cette image. « Il fait jour sur la terre », ce n’est vrai que pour la moitié de la planète. Les médias sont de bonne foi quand ils disent qu’ils décrivent la vérité, mais ils doivent admettre qu’ils décrivent la partie de la vérité qui est cohérente avec leur vision du monde, quitte à nier la réalité quand ils affirment par exemple qu’il n’y a pas de crise de l’immigration mais seulement une crise sociale. On est toujours sur cette ligne de crête où on doit admettre qu’on a une vision des choses. Je m’efforce d’abord et avant tout de respecter les faits mais je ne me considère pas comme un journaliste neutre, je ne suis pas au Figaro Magazine par hasard. J’ai une vision libérale et conservatrice de la société, et je décris des situations qui sont le reflet de cette vision. Je dois admettre cette subjectivité. Ce qui n’est pas supportable, ce sont les médias qui disent « mais nous, on est objectifs ». Ce n’est pas vrai : on peut être honnête, on ne peut pas être objectif… Même quand on est journaliste scientifique !

    Que penser des journaux qui expliquent qu’ils ne parlent pas d’une information parce qu’elle desservirait leur cause ou favoriserait celle de leurs adversaires, au motif de « ne pas faire le jeu de … » ? En quoi est-il légitime de ne pas parler d’une information ?

    Ce type de raisonnement n’est plus opérationnel, il est même contre-productif. Si on prend l’affaire des agressions sexuelles de Cologne pendant le réveillon, même la police avait occulté les événements, et quand cela a fini par se savoir, le scandale a été décuplé. Taire, cela ne marche plus. Quand un média occulte une information, ça lui est reproché immédiatement – et les réseaux sociaux la répandent à sa place. Quelle est la réflexion du journaliste ? Ne pas en parler parce que dans la hiérarchie de l’information ce n’est pas le plus important, ou ne pas en parler parce que ça ne va pas dans le sens de sa thèse ? Il ne devrait pas y avoir les mêmes règles selon qu’on est un média de service public ou non. Il n’y a pas assez de neutralité, et c’est un euphémisme, sur ces médias financés par les Français de toute conviction. En revanche, il n’est pas choquant qu’un journal dont la ligne éditoriale est claire décide de mettre ou non l’accent sur tel ou tel sujet.

    Plusieurs journaux justifient pourtant leur silence au nom de l’idéal qu’ils défendent et vont jusqu’à réclamer que les fournisseurs alternatifs d’information soient réduits au silence. Le gouvernement veut maîtriser l’information et certains médias dits « de référence » veulent protéger la vérité officielle ou protéger, peut-être, leur rente de situation.

    Je pense qu’il faut relativiser ce constat. Les journalistes de L’Obs doivent penser qu’au Figaro Magazine on ne met en avant que ce qui accrédite nos constats : on est toujours le « politiquement correct » de quelqu’un ! Tant que toutes les opinions s’expriment, ça ne me choque pas. Mais que le gouvernement commence à mettre un pied là-dedans avec cette loi, ça devient inquiétant.

    Le gouvernement veut légiférer alors que la confiance envers les politiques et les médias est au plus bas, selon le baromètre du Cevipof*. Cette perte de confiance ne vient-elle pas en partie de l’idée que politiques et médiatiques gouvernent ensemble ?

    Le développement d’informations fausses sur les réseaux sociaux, supposés libérés, a redonné une crédibilité aux médias. Aux États-Unis, la prolifération des fake news, dans tous les camps, a fait considérablement augmenter les abonnements numériques aux journaux dits sérieux, traditionnels. Le Figaro arrive à cent mille abonnés numériques. Il ne faut donc être ni naïf, ni tranché : le discrédit n’est pas absolu. Mais c’est à nous de prouver qu’une information donnée par un journaliste, signée de son nom, a plus de valeur qu’une opinion donnée sur les réseaux, ne serait-ce que parce que je suis soumis à des règles dont les internautes s’affranchissent. Pour répondre plus directement, je ne crois pas à une coalition d’intérêts concertée. Je pense plutôt qu’il y a une vision moderne du monde partagée entre les derniers gouvernements, de Macron à Sarkozy, et la majorité des journalistes. Ça n’a donc pas besoin d’être concerté : ces gens pensent la même chose. Il y a en fait beaucoup de gens honnêtes. Ce système médiatique, dont on a le sentiment qu’il est engagé dans un camp, n’est pas une machine militante : c’est « juste » que ses artisans sont profondément et sincèrement convaincus. Les médias engagés doivent donc éveiller les consciences – et on voit, en Europe, à quel point les choses peuvent bouger. Que cette concordance de points de vue entre le pouvoir en général et les médias en général ait participé ou provoqué ce discrédit, c’est une évidence. Mais le double constat que les gens sont honnêtes et que les choses peuvent bouger me rend optimiste !  ■

    www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/les-resultats-par-vague : vague 9, janvier 2018, page 29.

    Propos recueillis Par Philippe Mesnard
  • Villiers-le-Bel : En voilà assez !.....

     

    688d2e842cfd21efae5c5170490bdafd.jpgDepuis l’élection de Nicolas SARKOZY à la présidence de la République, c’est la première fois qu’une banlieue « brûle », que la République « brûle ». Comme en 2005, avec quelques degrés de violence en plus, elle vient à nouveau de « brûler » à Villiers le Bel. Le scandale est évident, les faits sont considérables. Cela a été dit partout. Mais quels sont les fondements, les tenants et les aboutissants politiques de cette crise ?  

    Il ne serait ni exact ni honnête d’en conclure que l’action du nouveau Chef de l'Etat dans ce domaine, après six mois de présidence, n’a rien changé à rien. 

    Il a posé le problème de l’immigration, de l’identité nationale, de la délinquance qui lui est liée, en des termes nouveaux, jusqu’à présent inédits à la tête de l'état. Ils ont été approuvés par 53% des 85% de Français qui ont voté à la présidentielle. Leur retentissement dans le long terme peut être considérable … ou nul, selon ce qu’on en fera, selon ce que nous en ferons.

    Deux questions se posent néanmoins :

    1. Ce « discours » était-il assez clair, allait-il suffisamment au fond des choses pour être opératif ? C'est-à-dire pour produire un résultat ?

    2. Au-delà de ses gouvernants, le peuple français lui-même, en tout cas une partie du peuple français, n’est-il pas aussi hautement responsable de cette situation explosive ? Il ne sert à rien de s’en prendre toujours exclusivement aux gouvernants. Ils ne peuvent pas tout quand la société civile – ou ce que l’on continue à appeler ainsi contre toute apparence - est elle-même une cause de la situation par manque de réaction, par sympathie pour les casseurs (qui sont désormais aussi des tueurs), ou même organisation systématique de toutes sortes d’actions de soutien, voire d’encadrement, de prise en main, d’utilisation idéologique ou politicienne du phénomène dit des « banlieues » ?

    I. POUR UN « DISCOURS » CLAIR SUR IMMIGRATION & IDENTITE NATIONALE

    Sans des principes simples, clairement exprimés, l’on ne pourra jamais maîtriser un tel problème.

    1. Il est faux d’exclure la naissance, l’hérédité, la biologie, la géographie, l’Histoire, les mœurs, les racines culturelles et religieuses, de la définition du peuple français comme de tout autre, définition sans laquelle, faute de réalité, ce peuple lui-même s’évanouit. Au reste, pourquoi ces notions – qui sont à la base de toute vie – seraient-elles en elles-mêmes honteuses et proscrites ? Avons-nous peur des réalités de notre naissance, de notre nature, de notre vie et de notre mort d’hommes réels ? Ces notions sont pernicieuses si elles sont vécues dans un esprit de haine et de conflits. Mais elles sont salutaires si elles définissent et construisent une communauté. En tout cas, elles correspondent aux simples réalités de la vie. Au reste, le communautarisme abstrait de ceux qui prétendent définir un peuple par une idéologie – fût-ce celle des Droits de l’Homme et de la Démocratie – peut être tout aussi totalitaire et meurtrier qu’un autre, sinon plus. 1789, 1793, 1917, 1933 : toute l’histoire moderne en est la preuve terrible.

    2. Le peuple français ne peut donc être défini – comme le discours officiel a trop tendance à le faire, y compris les nouveaux responsables – par un commun attachement aux « valeurs républicaines » (Droits de l’Homme / Démocratie) qui ferait de tout être humain un citoyen français potentiel, un Français de droit … Une telle définition, exclusivement abstraite, ouvre tout simplement la France à tous les vents de l’univers. Elle ne définit pas le peuple français, elle le dissout. Ni les Français d’origine ni les nouveaux arrivants ne savent plus qui ni ce qu’ils sont.

    3. Une définition du peuple français par la naissance, l’hérédité, la géographie, l’Histoire, les mœurs, les racines culturelles et religieuses est indispensable à l’existence et à l’équilibre de la communauté nationale, y compris aux éventuels nouveaux arrivants qui viendront s’y agréger. Cette définition est simple. Elle n’est pas idéologique. Elle a d’ailleurs été donnée par le général DE GAULLE il y a quelques cinquante ans : « Nous sommes, avant tout, un peuple européen, de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne ». (5 mars 1959 – Alain PEYREFITTE – « C’était DE GAULLE » - FAYARD 1994) Serions-nous le seul peuple de la planète qui se dénierait à lui-même le droit que l’on reconnaît à tous les autres, de vouloir être et rester ce qu’il est ? Ce que l’Histoire l’a fait ? Et de décider librement, souverainement, du nombre, de la qualification, de la provenance de ceux qu’il reçoit chez lui ?    

    4. Cette volonté, éminemment politique, de régler librement, souverainement, le flux des étrangers souhaitant travailler ou s’installer chez nous, voire devenir Français, nous devons l’affirmer clairement, pour que l’opinion française tout entière, tout comme les candidats à la venue en France, en soient pleinement informés, pleinement conscients, et se le tiennent pour dit. Ces derniers doivent pouvoir vivre dignement et librement en France, pourvu, toutefois, qu’ils en respectent l’ordre et les lois. Mais il doit être clair que, dans le cas contraire, leur séjour en France serait immédiatement interrompu et que, pour ceux d’entre eux qui auraient acquis, d’une façon ou d’une autre, la nationalité française, celle-ci leur serait immédiatement retirée ainsi que leur faculté à résider en France. Il est très vraisemblable qu’une telle sanction serait plus dissuasive pour les casseurs et insulteurs de la France – dont pourtant ils vivent et où ils continuent d’arriver par milliers – que l’action des Forces de l’Ordre, des tribunaux et des prisons où ils entrent et dont ils sortent, d’ailleurs, aux frais de la France, comme de moulins dérisoires….

    II. LA RESPONSABILITE DE LA « SOCIETE CIVILE »

    Y-a-t-il encore, au sens plein, une société civile en France ? En tout cas, ce qu’il en reste n’est pas exempt de responsabilité dans la situation qu’elle vit.

    Il faut bien constater en effet que la volonté supposée des gouvernants – en cette matière comme en d’autres - se heurte ou se heurterait – malgré l’accord d’une forte majorité de Français – à une résistance organisée de toute une partie de la société.

    Énumérons les principales catégories – mais c’est tout un arsenal :

     - Les médias, en premier lieu. Sur tous les plateaux de télévision, toutes les antennes, au mieux, l’on fait balance égale entre les casseurs ou leurs multiples amis et les pouvoirs publics, l’autorité, les forces de l’ordre, les victimes, les honnêtes gens. Les casseurs vitupèrent librement, à longueur de temps, en plein écran, sur toutes les chaînes… Leurs amis les soutiennent… Les journalistes « comprennent » … Les personnalités d’opposition, aussi, naturellement … C’est en soi-même, un ensemble explosif.

    . Les associations ad hoc qui organisent, dès qu’il le faut, interventions télé ou radio, marches plus ou moins silencieuses, pétitions, appels au peuple pour toujours plus d’argent, plus de moyens, plus de liberté pour l’immigration etc.…

    . Les autorités religieuses, évêques en tête, du moins une partie d’entre eux, qui confondent le sens de la charité avec le laxisme et la mise en œuvre des conditions d’un plus grand désordre social.. (DE GAULLE avait aussi dit à Alain PEYREFITTE : «  Vous savez, PEYREFITTE, l'Église de France, ce n’est pas le patriotisme qui l’étouffe »).    

    . L’éducation nationale qui, par ses propres désordres, par sa participation à l’utopie d’un monde, d’un homme « plat » et déstructuré, par l’échec scolaire que ses multiples errements ont généralisé, contribue à l’aggravation des désordres…

    . Le jargon spécifique forgé depuis quelques années pour faire écran aux réalités et que ces jours-ci tout un chacun utilise à grande échelle : « les jeunes » ou mieux « les jeunes en colère » ; « l’incompréhension entre les jeunes et les policiers », comme s’il s’agissait d’un conflit entre « potes » .. Et puis, systématiquement, « les quartiers » comme on dit, en d’autres lieux « les territoires ».. Que veut-on ? De quoi parle-t-on ?

    Question plus vaste : il y a aussi la dissolution, la démission des familles ; la banalisation de la violence, partout répandue, à commencer à la télé, violence qui contraste – ou les compense ? – avec les prétentions « soft » de notre société ; il y a aussi les jeux politiciens, eux aussi meurtriers, où l’on voit l’opposition, par démagogie et soif de pouvoir, « comprendre » les casseurs, absoudre les tueurs ..

    La question des banlieues pose en fait la question des fondements de notre système politique et social. Si Nicolas SARKOZY veut vraiment s’y affronter, il lui faudra plus que des discours et beaucoup plus qu’une rupture – qui reste encore à démontrer – avec la mollesse des années CHIRAC ….

  • Projet de loi bioéthique; le problème des cellules souches, par Pierre-Emmanuel Corbet.

    À l’occasion du projet de loi relatif à la bioéthique mis en pause durant la crise due au virus SARS-CoV 2 (covid 19) il est souvent question de cellules souches. Certains disent que la recherche sur les cellules souches est nécessaire pour la recherche de nouveau traitement contre certaines maladies, d’autres sont catégoriquement contre.
    Pourtant savons-nous vraiment ce que sont les cellules souches ? Voici donc quelques précisions sur ce que sont ces fameuses cellules souches, ce qu’il est possible de faire avec, et ce qu’il est envisagé dans un futur plus ou moins proche.

    Définissons les cellules souches comme des cellules à l’origine de toutes les autres cellules du corps quelques soit leur type. Cependant il existe différentes cellules souches et toutes n’ont pas la même capacité de différenciation c’est-à-dire de se transformer en un autre type cellulaire. Les cellules souches dites Totipotentes ont une capacité de différentiation cellulaire totale, et peuvent donc produire toutes les cellules du corps humain. Seules les toutes premières cellules du premier stade du développement d’un embryon ont cette capacité. Puis vient ensuite les cellules Pluripotentes parmi lesquelles ont trouvent les cellules embryonnaires et les cellules IPS (induites) dont nous expliquerons la provenance ci en bas. Ces cellules peuvent se différencier en beaucoup de types cellulaires mais pas dans les cellules extra embryonnaires ni les cellules du placenta. Les cellules Multipotentes peuvent se différencier dans un lignage précis : cellules hématopoïétiques, cellules neurales, … Elles sont appelées parfois les cellules souches adultes. Dernières mais non les moindres les cellules Unipotentes ne peuvent se différencier qu’en un seul type cellulaire.

    Une caractéristique commune aux cellules souches est leur capacités à se renouveler indéfiniment et à proliférer, là où des cellules « normales », somatiques, meurent ou arrêtent de se multiplier. Point très intéressant qui permet de cultiver ces cellules presque indéfiniment en laboratoire.

    Évidement les cellules souches totipotentes et pluripotentes sont très intéressantes pour la recherche par leur grande capacité de différenciation. Mais si les cellules totipotentes ne peuvent provenir exclusivement du premier stade de développement d’un embryon, il en est différent des cellules pluripotentes. En effet les recherches du Japonais Shinya Yamanaka (Prix Nobel de Médecine 2012 pour cette découverte) ont permis en 2007 de créer des cellules pluripotentes avec des cellules adultes, somatiques [1]. Cette découverte est majeure puisqu’elle offre une alternative à l’utilisation des cellules souches embryonnaires.

    Oui il est donc possible de réaliser des recherches sur des cellules souches sans que celles-ci viennent d’un embryon.

    Nous noterons toutefois que les cellules issues d’un embryon resteront la référence des cellules souches et servent de modèle pour valider les cellules souches créées par l’homme. Elles permettent donc de minimiser l’utilisation de cellules souches issues d’un embryon (l’embryon est éliminé) mais ne la contourne pas totalement, malheureusement.

    Quels sont les objectifs de la recherche sur les cellules souches ?

    • Une des principales raisons des recherches dans ce domaine est la médecine régénérative. Tout le monde connaît les possibles rejets lors d’une greffe d’un organe parce qu’il provient d’un donneur et donc d’un organisme différent. Grâce aux cellules souches induites il est possible de prélever des cellules de peau du patient, les faire revenir à l’état de cellules souches, et les redifférencier pour qu’elles deviennent partie ou intégralité de l’organe à greffer. Plus de problèmes de rejets de greffes puisque le nouvel organe ainsi créé vient directement du patient. Une telle greffe a déjà eu lieu pour une opération de la rétine en 2014 au Japon. Et il en serait de même pour le traitement de la plupart des cancers en remplaçant les cellules endommagées par des cellules neuves directement issues du patient.

    • Et pour la recherche, quelle aubaine ! Il est maintenant possible de reproduire des tissus de cellules malades permettant une meilleure compréhension des maladies étudiées. L’industrie pharmaceutique est très intéressée par ces avancées afin de remplacer les souris de laboratoires par des organes humains fonctionnels pour des tests de médicaments.

    • Troisième utilisation des cellules souches, la création de tissus ou d’organe sans intention d’étudier ou de soigner une maladie, mais pour créer. Cyborg humanoïde, bio-machine, un objectif totalement transhumaniste difficile de freiner car basé sur des organes ou tissus de cellules complètement artificiels, ne venant pas de l’homme directement. [2].

    Alors que sommes-nous capables de faire aujourd’hui à partir de cellules souches ?

    De grandes avancées sur la création de tissus ou organes artificiels ont été faites ces deux dernières décennies. Les cellules sont généralement cultivées en fine couche. Cependant en superposant ces couches de cellules des chercheurs ont créé des tissus cellulaires avec plusieurs types cellulaires différents comme de la peau. D’autres organes sont aujourd’hui étudiés pour être produit mais leur développement et leur culture reste complexe : une culture cellulaire plane donne à toutes les cellules un accès à l’oxygène et aux nutriments nécessaires tandis qu’une culture en 3D qui se rapproche le plus de la forme d’un organe nécessite une vascularisation complexe pour que les cellules situées au centre ne soient pas « étouffées » par les autres. Pour vasculariser des organes artificiels les chercheurs sont imaginatifs en concevant des systèmes de micro-canaux ou des cultures de vaisseaux sanguins couplées à la culture de l’organe. Autant de défis que la recherche n’a pas encore résolus.

    Par ailleurs la conception d’organes artificiels à partir de cellules souches n’est pas encore possible pour les cellules cardiaques. C’est pourquoi la conception de cœurs artificiels plus mécaniques comme le cœur CARMAT est toujours d’actualité.

    Comment le projet de loi relatif à la bioéthique intervient sur les cellules souches ?

    Aujourd’hui la recherche sur les cellules souches est soumise à des restrictions dans le cas de cellules souches embryonnaires. Des recherches étaient soumises à un régime dérogatoire dès 2004, puis ces dérogations sont facilitées en 2011 dans la loi relative à la bioéthique, et depuis 2013 sont soumis à un régime d’autorisation. Cette évolution a pour objectif de faciliter et d’accélérer la recherche française dans ce domaine, trop ralentie par les démarches notamment judiciaires puisque « 50 % des programmes de recherche font encore l’objet d’un processus juridique très largement à l’initiative de la fondation Jérôme Lejeune » comme le relève directement le projet de loi relatif à la bioéthique.

    Faciliter la recherche pour être plus performant dans la médecine est un argument louable, mais la recherche sur l’embryon n’est pourtant pas le moyen le plus utile pour arriver à ces fins. Comme nous l’avons vu à propos des cellules souches induites, il est possible de se passer en grande partie des cellules souches embryonnaires. C’est ce que font d’ailleurs beaucoup de laboratoire qui arrivent à de très bons résultats, comme la création de mini-cerveaux au CEA. La modification de la loi de bioéthique concernant les cellules souches insiste sur la différence entre embryons et cellules embryonnaires pour préciser que ces dernières ne sont pas « une personne humaine potentielle ». On oublie rapidement l’origine de ces cellules embryonnaires des embryons surnuméraires issus de PMA systématiquement détruits.

    On retrouve un autre objectif du projet de loi relatif à la bioéthique à propos des cellules souches embryonnaires. Faciliter la recherche sur l’embryon permet de faciliter les « recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation, sous réserve du consentement du couple » comme le prévoyait déjà la loi « Santé 2016 dans l’article L. 2151-5. Des embryons pourront donc alors être manipulés in vitro en laboratoire puis transférés in utero.

    [1] Takahashi K, Yamanaka S. Induction of pluripotent stem cells from mouse embryonic and adult fibroblast cultures by defined factors. Cell. 2006 ;126(4):663‐676. doi:10.1016/j.cell.2006.07.024

    [2] Alvarez, C., Garcia-Lavandeira, M., Garcia-Rendueles, M., Diaz-Rodriguez, E., Garcia-Rendueles, A., Perez-Romero, S., Vila, T., Rodrigues, J., Lear, P., & Bravo, S. (2012). Defining stem cell types : understanding the therapeutic potential of ESCs, ASCs, and iPS cells, Journal of Molecular Endocrinology, 49(2), R89-R111. Retrieved May 27, 2020, from https://jme.bioscientifica.com/view/journals/jme/49/2/R89.xml

  • Coronavirus : ce qu'il faut retenir de l'audition du Professeur Raoult à l'Assemblée nationale.

    Le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU maladies infectieuses de Marseille.© Christophe SIMON / AFP

    Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/

    Le professeur Didier Raoult, éminent virologue marseillais au coeur de la polémique sur le traitement contre la Covid-19, était auditionné mercredi après-midi dans le cadre de l'enquête parlementaire sur la gestion de la crise de l'épidémie.

    C'est une audition à l'assemblée nationale qui était très attendue dans le cadre de l'enquête relative à la gestion de la crise liée au Covid-19.

    Celle du Pr Didier Raoult, infectiologue et directeur de l'IHU méditerranée Infection à Marseille. Une personnalité réputée dans le monde de la microbiologie, mais que le grand public a découvert durant cette crise sanitaire.

    A contre-courant des autorités

    L'éminent virologue marseillais a suivi une démarche à contre-courant des décisions sanitaires nationales. 

    Il a réalisé un dépistage massif des Marseillais, lorsque le reste de la France manquant de tests, n'en accordait qu'au compte-goutte.

    Il a utilisé un traitement à base d'hydroxychloroquine alors que la molécule a été interdite en France comme traitement de la Covid-19.

    Il a annoncé des résultats positifs liés à son traitement (antipaludéen associé à un antibiotique) et constaté un taux de mortalité bien inférieur à Marseille qu'à Paris et dans le reste de la France.

    Enfin, il a quitté le conseil scientifique qui gérait la crise, et émis de véritables critiques sur sa gestion de l'épidémie. Malgré ce, le président de la République Emmanuel Macron était venu lui rendre visite dans son institut marseillais.

    Autant dire que son audition était très attendue par les membres de la commission d'enquête.

     

    En voici les grandes lignes

    "Pour comprendre la maladie, il faut en faire le diagnostic", se plaît à répéter l'infectiologue marseillais. Aussi dénonce-t-il des barrages que lui ont opposé "certains au sein des autorités sanitaires".

    "Au début, on m'interdisait de faire des tests", explique Didier Raoult, qui reçoit habituellement "des demandes du monde entier pour de la PCR", regrettant qu'"en France, je ne pouvais pas faire du diagnostic de Covid".

    Bravant les interdictions, l'IHU Méditerranée Infection avait alors lancé dès le mois de mars, la première campagne de dépistage massif, ouverte à tous. Suivant par là-même les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé.

    A plusieurs reprises, Didier Raoult a déploré les "responsabilités humaines" qui ont à ses yeux, ralenti ou travesti les processus de décision.

    Des blaireaux dans leurs terriers, qui mordent si on s'en approche.

    Didier Raoult

    Sans ambivalence, il pointe du doigt les Centres Nationaux de Référence (CNR). Durant l'épidémie notamment, la validation des tests de sérologie par le CNR avait été jugée extrêment longue par les biologistes.

    "Si vous les maintenez (les CNR),  vous développerez des personnalités de niche, de blaireaux dans leurs terriers qui mordent si on s'en approche".

    "Ce sont des territoriaux" qui "considèrent que la maladie est leur territoire", a indiqué l'infectiologue. 

    Concernant la gestion de la crise, pour Didier Raoult, "il y a des choses qui sont d’une responsabilité humaine directe, et des choses qui sont structurelles".

    En décidant de ne pas s'acharner sur le soin, on l'a fait passer au second plan.

    Didier Raoult

    L'absence de traitement face à la Covid-19 est un "vrai problème" de cette crise, selon lui. En décidant "de ne pas s'acharner sur le soin... on l'a fait passer au second plan", déplore le professeur marseillais.

    "Je ne suis pas d'accord pour que l'Etat prenne des décisions médicales à la place des médecins", a-t-il encore déclaré.

    Dès la fin mars, l'hydroxychloroquine utilisée comme traitement par les équipes de l'IHU Infection de Marseille, avait été interdite à la prescription par les médecins de ville.

    "Je suis surpris que l’ordre des médecins ait accepté une chose pareille, a souligné le Pr Raoult. Car c’est de la responsabilité des médecins de faire pour le mieux, pour leurs malades, en leur âme et conscience, compte tenu de notre état de connaissances. Et les priver de ça, je ne sais pas si c’est constitutionnel. Je pose la question c’est tout".

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    Hydroxychoroquine : 36 millions de comprimés distribués sans ordonnance

    Son traitement, constitué de l'association de l'hydroxychloroquine (antipaludéen) et de l'azythromicyne (antibiotique), le professeur Raoult en est fier, malgré l'énorme polémique qui s'est développée autour de cela.

    "L’hydroxychloroquine, (publié par la CNAM en 2019) : il s’était distribué 36 millions de comprimés sans ordonnance. Et d’un coup on décide qu’on n’a plus le droit d’utiliser ça ?", souligne le professeur marseillais.

    Rajoutant, "et l'azythromycine, qu'on ne peut plus donner aux pneumopathies suspectes de Covid-19 à Paris, c'est le médicament le plus utilisé contre les pneumopathies aux Etats-Unis. Alors de là à en faire des poisons violents...".

    La polémique sur le traitement avait même entraîné dans sa spirale la très prestigieuse revue scientifique The Lancet, qui avait dû retirer la publication d'une étude dénoncant les bienfaits du traitement.

    "Ce débat a pris un tour fantasque", reconnaît 'infectiologue. "The Lancet annonçait 10 % de morts, je ne pouvais pas croire cela". Avançant des tests menés par son établissement marseillais sur 6 000 personnes, "il n'était pas possible que 600 morts nous soient passés inaperçus".

    Il s'est passé quelque chose ici sur la prise en charge.

    Didier Raoult

    Le taux de mortalité, le professeur marseillais y revient à la suite d'une question posée par un député LR. "Si l'on avait appliqué votre protocole, aurions nous pu sauver trois fois plus de vie ?"

    Car l'IHU annonce un taux de mortalité à Marseille trois fois inférieur à la moyenne nationale.

    Selon le Pr. Raoult, "la proportion des gens de moins de 65 ans morts à Paris sur les données que j’ai est de 17 %. Je vous rappelle qu’en Europe, elle est de 10 %. Il s’est passé quelque chose ici sur la prise en charge. La mortalité dans les réanimations (à Paris) est de 43 %, chez nous (à Marseille) elle est de 16 %. Ce sont les mêmes malades pourtant, ils sont tous en réanimation".

    Un conseil scientifique pour moi, ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux.

    Didier Raoult

    Quant au Conseil scientifique auquel il n'a appartenu que quelques jours, avant de claquer la porte, Didier Raoult en a donné les raisons de son départ.

    "Ca n'est pas un vrai conseil scientifique. Je ne fais pas de présence, je n'ai pas le temps. Un conseil scientifique, pour moi ça n'est pas une bande de types qui a l'habitude de travailler entre eux, et qui discutent. Pour moi, un conseil scientifique, ce sont des données et encore des données (...) Il n'y avait pas un seul spécialiste français du coronavirus parmi eux".

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    Le Pr Raoult épingle au passage les conflits d'intérêts que certains peuvent avoir avec des laboratoires comme Gilead, fabriquant du Remdesivir, autre molécule testée sur la Covid-19.

    Il propose aux membres de la commission d'aller vérifier sur le site Transparence-Santé qui recense les liens d'intérêt entre les entreprises et les acteurs de la santé.

    Système archaïque, lenteur administrative et axes stratégiques à revoir. Le virologue marseillais n'a fait que répéter ce qu'il a déjà dit plusieurs fois par voie de presse au cours de cette crise sanitaire.

    Rappelant qu'en matière de politique de santé, il y a parmi les choses à revoir, la simple "durée de vie" des responsables :

    "On a calculé que la durée de vie d'un ministre de la Santé, comme celle des directeurs d'hôpitaux, n'est que de deux ans à deux ans et demi".

  • Plaidoyer pour une Monarchie royale. Partie 1 : Quand la légalité de la République ne suffit plus, par Jean-Philippe Cha

    2472002148.pngLes nouvelles économiques ne sont pas bonnes, et le chômage menace nombre de nos concitoyens quand, dans le même temps, le numérique et la robotisation accélérée sont présentés comme les cadres, quasiment obligatoires, du monde de demain, d’un proche lendemain qui semble s’annoncer et se déployer déjà en ce cruel aujourd’hui.

    Sans doute le principal choc social aura-t-il lieu à la rentrée de septembre prochain, quand plus de 700.000 jeunes arriveront sur le marché du travail et quand, dans le même temps, les entreprises et activités liées au tourisme, à la restauration et aux loisirs, feront leurs comptes qui pourraient, pour beaucoup, ne pas être bons.

    jean philippe chauvin.jpgMais c’est maintenant qu’il faut agir et prévenir, et c’est l’État qui devrait être le grand ordonnateur de la nécessaire réaction économique et sociale au choc, en se faisant le plus politique possible, non de manière étatiste, mais comme un stimulateur, un investisseur et un protecteur. En somme, « être l’État » et appliquer la maxime traditionnelle du « Gouverner c’est prévoir » qui n’est vraiment possible que quand l’État est conscient de sa force et décidé à l’utiliser face aux appétits des charognards économiques et aux événements, même contraires.

     

    L’actuelle République a montré, dans les premières heures de la crise sanitaire, ses faiblesses et révélé ses carences : manque d’anticipation, absence de politique claire et efficace, sans oublier les vastes étendues de son incompétence, voire de ses fautes. Mais la révélation la plus inquiétante a été celle du désarmement de l’État face aux enjeux du temps long : la République, en ses dernières présidences et en ses derniers gouvernements, a préféré le court-terme économique et l’immédiateté électorale au long terme politique et à la durée sans lesquels il n’y a rien de solide qui puisse être établi et tenir face aux tempêtes contemporaines. L’affaire des masques, entre autres, a montré l’incapacité de la République actuelle à se projeter au-delà d’un simple calendrier électoral dont la présidentielle serait l’horizon ultime et, parfois, vain.

     

    La politique erratique du gouvernement face à la crise sanitaire ne doit néanmoins pas cacher le fait que, au milieu de l’épreuve, l’État a su, en quelques occasions, apparaître comme le protecteur que les Français, inquiets ou angoissés, attendaient : cela peut expliquer que, malgré ses fautes avérées, la République, à travers son premier ministre plutôt que par son président, a vu sa côte de popularité remonter, dans une sorte de réflexe de peur et de reconnaissance mêlées, comme cela a pu arriver en d’autres temps et au profit d’autres personnes ou institutions. Certains y ont vu une sorte de rappel de 1940 qui avait, au cœur de la douloureuse défaite, vu les Français se regrouper autour des figures d’une nouvelle légalité qui remplaçait celle qui avait fait défaut face à l’invasion (mais, malgré le désir et l’illusion, le résultat ne fut, en définitive, guère heureux). En fait, là, en 2020, c’est comme si la République avait synthétisé un président Albert Lebrun avec un maréchal Philippe Pétain dans le même mouvement d’ensemble ! Ce qui est certain, c’est que nous avons assisté à la confirmation de Créon, de cette légalité dont il n’est pas sûr qu’elle soit entièrement légitime au regard de l’intérêt commun quand elle peut l’être, néanmoins, électoralement parlant…

     

    « La République de la peur » : c’est ainsi qu’elle peut apparaître aux yeux de nos contemporains et des opposants, souvent démunis car incapables d’accéder aux médias qui font l’Opinion publique, « gros animal bête que l’on mène » à défaut de le préserver vraiment. Mais cette République-là tient bon, non aux événements mais à ses oppositions qui ne sont pas toujours sensées ni politiquement assurées : car, pour s’opposer efficacement à cette République de Créon, encore faut-il la conscience d’Antigone et sortir de cette pensée qui emprisonne la légitimité dans la légalité dite démocratique. Non, la légalité issue des urnes, si elle peut apparaître comme l’expression majoritaire des citoyens à un moment donné, n’est pas forcément la légitimité susceptible de donner du sens et de l’autorité aux institutions du pays et des peuples d’icelui. Une masse d’électeurs ne fait pas, seule, la légitimité d’un État et elle la fonde encore moins quand la démocratie présidentielle paraît ne plus être que le spectacle de l’affrontement entre deux « absurdités » : le choix se limite alors à l’élimination du « pire » sans satisfaire complètement une large partie du corps électoral « éliminée » dès le soir du premier tour de la présidentielle… Le résultat final accroît la frustration d’un électorat qui se croit privé de sa capacité d’intervenir vraiment, dans son identité politique (qu’elle soit de droite, de gauche, écologiste ou nationaliste, sociale ou morale), dans le choix de la direction de l’État.

    Cette crise sanitaire est l’occasion de poser donc la question de l’État légitime, et d’envisager quelles pourraient être ses possibilités, autant face à une crise sanitaire ou économique que face à celle de la représentation civique, de ce que l’on nomme communément (et peut-être abusivement) « démocratie ». Tout d’abord, quelles institutions peuvent garantir l’inscription de la volonté politique dans la durée tout en assurant la possibilité de contestation de celle-ci et de remise en cause sans atteindre à la stratégie de long terme de l’État ? Pour assurer la continuité de l’État, le mieux semble bien de garantir celle de sa magistrature suprême et cela ne peut se faire, concrètement, que par la pratique du principe de succession dynastique : le Chef de l’État succède à celui d’une génération précédente, parce le fils succède au père. Au-delà du rajeunissement immédiat de la tête de l’État, qui n’est pas une mauvaise chose, ce système permet d’éviter le choc des ambitions partisanes pour sa conquête et, donc, la dépréciation de l’État lui-même.  La présidentielle, en effet, semble soustraire les voix (qu’il faut considérer comme « énergies civiques » permettant la reconnaissance et l’action de l’élu) du candidat battu au second tour des voix du gagnant, ce qui limite les marges de manœuvre du président élu, souvent de manière négative ces dernières décennies (1). Ce qui aurait pu permettre un « bain de légitimité » au-dessus des partis, comme le souhaitaient les fondateurs de la Cinquième République et le comte de Paris (1908-1999), est, très vite, devenu une désacralisation de la magistrature suprême, sans doute dès les années 1970, parce que l’élection présidentielle, au lieu d’être la rencontre d’un homme avec le peuple civique, s’est muée en « horizon ultime des ambitieux », ceux-ci affaiblissant par leurs stratégies électoralistes et leurs luttes politiciennes la tête de l’exécutif qu’ils semblaient vouloir couper avant que de l’incarner à leur tour… Chaque présidentielle depuis les années 1970 a affaibli la présidence, en particulier face aux féodalités économiques et financières de plus en plus nécessaires à l’ascension d’un candidat vers le Mont-Blanc élyséen ! Et, une fois élu, le nouveau souverain de la Cinquième est condamné à préparer sa réélection. Cette République est ainsi devenue, contre l’idée du général de Gaulle, une « présidentielle permanente ».

     

    La transmission du père au fils, plus simple et, en définitive, plus humainement naturelle, ramène les appétits politiques à l’échelon inférieur, celui du gouvernement, qui n’est pas moins important sur le plan de l’exercice de l’État mais, du coup, cela libère la magistrature suprême de certaines pressions partisanes et lui permet de jouer un rôle d’arbitre suprême de la politique sans « abîmer » inutilement la figure de l’État, préservée des querelles, du moins dans le principe. « La première place est déjà prise », et cette règle simple établie, cela permet d’envisager la politique gouvernementale de façon aussi plus libre et moins obsédée par la conquête de l’échelon supérieur. En somme, le Roi assume, comme l’évoquait le républicain Régis Debray dans un écrit ancien préfaçant un ouvrage de réflexion royaliste (1), le « spectacle de l’État » et libère ainsi et aussi le gouvernement de cette fonction nécessaire de représentation étatique. N’est-ce pas le meilleur moyen d’assurer une plus grande efficacité au gouvernement lui-même, et cela quelle que soit sa couleur politique ?

     

    (à suivre)

     

    Notes :

     

    (1) : 52 ou 66 % forment une majorité électorale, mais cela peut être calculé différemment dans une République « clivante », et si on pense en termes « d’énergies civiques », c’est plutôt par la soustraction qu’il faut penser les choses, ce qui donne alors un résultat moins beaucoup moins net : 52 % des partisans du gagnant moins les 48 % des perdants, ce qui donne alors juste un résultat de 4 % de « plus », que nous pourrions qualifier de solde énergétique civique positif, évidemment plus important quand c’est 34 % qu’il faut retirer de 66 %, mais constatons que l’énergie « minoritaire » (au regard du résultat de second tour de l’élection présidentielle de 2017) s’est muée en multiples oppositions extrêmement dynamiques et paralysantes, du moins un temps, des initiatives et actions de l’État, considérées comme légales et d’ailleurs inscrites dans la loi, mais de moins en moins acceptées et considérées, à tort ou à raison, comme « illégitimes », et cela malgré le « sacre électoral » dont l’onction semble ne plus satisfaire nombre de membres du corps civique français…

     

    (2) Le livre « Monarchie et politique étrangère » d’Yves La Marck, publié en 1985 par la Nouvelle Action Royaliste, était préfacé par Régis Debray qui avait été un temps conseiller du président François Mitterrand.

  • Les Démocraties occidentales désarmées ? Le révélateur de Hong Kong, par Jean Philippe Chauvin.

    1A.jpgLes Démocraties occidentales sont, comme dans les années 1930, faibles et trop souvent désarmées face aux puissances autocratiques ou totalitaires, et elles semblent n’avoir rien retenu de l’histoire, une fois de plus et peut-être une fois de trop : les provocations ottomanes du nouveau sultan Erdogan et la prise de contrôle presque totale du territoire de Hong Kong par la Chine de Xi Jinping marquent une poussée des régimes intolérants qui semble s’accélérer à l’occasion de ce déconfinement qui tourne à la déconfiture économique et idéologique des grandes démocraties occidentales, en partie minées par le communautarisme et le racialisme, deux systèmes idéologiques qui portent le même risque de désintégration des anciens modèles de civilisation sans remettre en cause, loin de là, les idéologies économiques dominantes de la société de consommation et du libre-échangisme mondialisé.

    jean philippe chauvin.jpgL’américanisation des conflictualités internes à notre pays, par exemple, montre bien la porosité de nos sociétés, par les médias comme par la mondialisation elle-même, aux thématiques imposées par les gourous d’une gouvernance qui cherche, par tous les moyens (y compris ceux de la morale ou, plus exactement du moralisme, fort peu politiques s’ils s’avèrent néanmoins politiciens…), à contourner les gouvernements politiques des Démocraties tout en les culpabilisant pour mieux les affaiblir : une stratégie profitable aux Etats non-démocratiques qui s’engouffrent dans les brèches faites par les opinions publiques des Démocraties elles-mêmes, insouciantes du danger à moyen terme (dans le meilleur des cas) d’un effondrement total, qui pourrait être civilisationnel avant d’être militaire… Un effondrement qui n’est pas fatal, mais possible et plausible si l’on n’y prend garde.

     

    Bernanos, ce royaliste intraitable, renvoyait démocraties et totalitarismes dos à dos, allant jusqu’à clamer que « les démocraties étaient les mères des totalitarismes », ce qui rejoignait la pensée de JRR Tolkien qui, lui, l’a traduite dans ses récits du « Seigneur des Anneaux ». Le jugement des deux écrivains catholiques est malheureusement souvent vérifié par l’Histoire, celle que les Démocraties contemporaines, à l’aune de celles d’hier fondées parfois sur la « tabula rasa » révolutionnaire, se dépêchent d’oublier pour mieux « jouir sans entraves », formule idéale des « démocraties consommatoires » nées de la double idéologie franklino-fordiste. Pourtant, les totalitarismes ou les régimes liberticides sont surtout forts de la faiblesse des démocraties libérales, particulièrement européennes, la démocratie états-unienne, plus réaliste et sans doute plus cynique, sachant que son intérêt propre lui intime de ne jamais baisser la garde et de ne surtout pas désarmer : « et à la fin, rira bien qui tirera le dernier », pourrait-on dire, sans même exagérer ! Les Etats-Unis ont « les flingues » et c’est bien leur vraie protection, leur assurance-vie « pour garantir l’éternité », du moins la leur, et pour chercher à démentir le fameux adage « Tout empire périra », véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des puissances géopolitiques…

     

    Il est une autre puissance, qui n’a pas toujours été notre amie dans l’histoire, qui sait que désarmer est la pire des politiques en temps de paix, car ce serait, surtout pour un pays riche, attirer la convoitise des carnassiers du moment et aiguiser les couteaux des dépeceurs d’empires : c’est le Royaume-Uni qui, lui, n’hésite pas à construire de nouveaux porte-avions et à renouveler régulièrement son armement dont il lui arrive d’utiliser toutes les capacités quand ses intérêts nationaux et ses droits territoriaux, même lointains, apparaissent menacés, comme nous le rappelle l’intervention aux îles Malouines (que les Britanniques nomment Falkland) du temps de Margaret Thatcher face aux troupes de l’Argentine des généraux. C’est d’ailleurs du Royaume-Uni et de Boris Johnson, lointain successeur de Winston Churchill (auquel il a consacré un ouvrage, d’ailleurs), que vient la seule réaction claire et nette face au coup de force chinois qui, depuis une semaine, applique à Hong Kong une loi de « sécurité nationale » qui criminalise toute contestation du régime communiste et de sa politique liberticide, au nom d’une sorte d’unité et indivisibilité de l’ensemble chinois qui nous renvoie au jacobinisme républicain des années révolutionnaires. Sans doute, le Premier ministre de la Monarchie britannique se rappelle-t-il de la fameuse phrase de son illustre prédécesseur qui annonçait, au lendemain des accords de Munich de l’automne 1938, que ce traité n’assurait rien du tout et qu’au lieu de préserver la paix et l’honneur, il amènerait, après le déshonneur, la guerre et, pour certains des signataires, la défaite, ce qui n’a pas manqué d’être vérifié quelques poignées de mois après, et à nos dépens…

    Dans cette affaire de l’abandon des habitants de Hong Kong par les Démocraties européennes, seule l’ancienne puissance coloniale a sauvé l’honneur (et sans doute un peu plus), en annonçant être prête à fournir 3 millions de passeports aux Hongkongais, à la grande colère de la Chine qui y voit une ingérence insupportable. En fait, le Royaume-Uni ne cherche pas à « recoloniser Hong Kong » (et cela même si le drapeau britannique est parfois brandi par quelques manifestants comme une sorte de talisman, comme l’était le drapeau français par les Anjouanais en 1997 lors de la « sécession » d’avec la République des Comores…), mais à rester ferme face à la Chine, profitant du Brexit pour affirmer plus clairement ses valeurs et ses options stratégiques quand l’Union Européenne, elle, brille par sa profonde lâcheté face à l’empire de Xi Jinping auquel, il est vrai, elle continue d’acheter masques et textiles divers…

     

    Entendons-nous bien : la politique de la France ne doit pas être d’affronter, ni même de se brouiller avec la Chine communiste, mais d’affirmer son indépendance et son franc-parler sans, pour autant, négliger la diplomatie. Or, les puissances qui se réfugient derrière la ligne Maginot de la couardise et de la facilité sont condamnées à connaître le pire, n’attirant sur elles que le dégoût et le malheur : l’histoire est cruelle pour les insouciants comme pour les faibles, et elle est souvent plus darwinienne que « moralement juste »… Mais, pour parler haut et fort aux autres pays et aux grandes puissances, encore faut-il une colonne vertébrale et des poings, ceux qui peuvent frapper fort pour se protéger si besoin est : pour cela, il faut un Etat digne de ce nom et une politique de puissance appropriée pour se faire respecter et tenir son rang sur la scène internationale, avec le risque assumé de déplaire parfois.

     

    « Armons, armons, armons », hurlait, en vain, Maurras dans L’Action Française des années 1920 et 30, et il ne parlait pas que de moyens militaires mais de politique d’Etat, et d’état d’esprit. Maurras, entraîné dans le déshonneur d’une guerre et d’une défaite qu’il a tout fait pour éviter (et, en cela, il doit être salué), mérite d’être écouté, maintenant, tout comme celui qui fut son disciple rebelle, le général de Gaulle, celui-là même qui appliqua les conseils de « Kiel et Tanger » (1) face aux enjeux des temps de la Guerre froide et qui sut parler à la Chine comme aux Etats-Unis (mais aussi aux autres pays d’Europe, alliés comme éloignés) sans rien leur concéder quand le sort et la place de la France étaient en jeu.

     

    Être fort, « faire de la force » pour un pays comme la France, cela signifie se donner les moyens d’exister diplomatiquement et politiquement, de peser, même d’un poids léger mais suffisant pour faire pencher la balance du « bon côté », et de se faire respecter, y compris dans ses amitiés. C’est être libre, tout simplement, et dire au monde et aux autres ce que la France pense être juste et bon. Loin d’être un impérialisme méprisant, c’est la politique d’une puissance médiatrice : mieux qu’un impérialisme, c’est un nationalisme équilibré et mesuré, qui n’oublie jamais que la paix, cadeau fragile de l’histoire, n’est mieux assurée que lorsque les nations sont fortes d’elles-mêmes sans oublier leurs limites… et leur histoire ! Et il semble bien, qu’aujourd’hui, c’est le Royaume-Uni, revenu de ses rêves anciens d’empire, qui l’ait le mieux compris ! Sans doute est-ce là, sur les ruines de l’Empire de Victoria et du désir d’Europe déçu, « la (re)naissance d’une nation »…

     

    Notes : (1) : « Kiel et Tanger » est le titre d’un ouvrage de Maurras, écrit au début du XXe siècle, et dont le chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » a inspiré de Gaulle (qui le relisait encore à la veille de son fameux « Vive le Québec libre ! » du 24 juillet 1967) mais aussi le président Georges Pompidou, qui en citera quelques extraits en 1972 lors d’un discours devant les étudiants parisiens de Sciences Po… Il se murmure que l’actuel président M. Macron aurait lu ce fameux chapitre : il lui reste alors à en saisir tout le sens profond et à le mettre en pratique… Nous en sommes loin, certes, mais qui sait ? N’insultons pas l’avenir…

  • Le crépuscule d’un roi !, par Frédéric de Natal.

    Source : http://www.monarchiesetdynastiesdumonde.com/

    «Une décision que je prends avec un sentiment profond, mais avec une grande sérénité». La nouvelle est tombée aussi tranchante que le couperet de la guillotine et a fait immédiatement tous les titres de toute la presse locale et internationale.  La maison royale d’Espagne a annoncé, hier en fin d’après-midi, que le roi émérite Juan Carlos Ier avait pris la décision de quitter le royaume. 

    Monté sur le trône en 1975 avant de renoncer à la couronne quatre décennies plus tard, son fils et successeur, Felipe VI, a souligné dans un communiqué «l'importance historique de son règne».  Le parti Podemos a dénoncé « la fuite du roi qui tente d’échapper à la justice ». Un souverain qui aurait déjà quitté l’Espagne et sans épouse. La reine Sofia de Grèce devrait rester aux côtés de son fils . 

    2.jpgfrédéric de natal.jpg«Votre Majesté, Cher Felipe. Guidé à présent par la conviction de rendre le meilleur service aux Espagnols, à leurs institutions, et à toi en tant que Roi, je t'informe de ma décision réfléchie de m'exiler, en cette période, en dehors de l'Espagne». C’est en fin d’après-midi, hier, que la « Casa Real » a publié sur son site officiel, la copie de la lettre que Juan Carlos a adressé à son fils et successeur, le roi Felipe VI. Roi émérite depuis son abdication en 2014, celui qui a restauré la démocratie est au cœur d’une vaste affaire de corruption, quelques années après avoir fait les titres pour une chasse à l’éléphant controversée. Accusé d’avoir touché des millions d’euros de la part de l’Arabie Saoudite en échange de son appui dans de juteux contrats et de blanchiment d’argent, Juan-Carlos a été dénoncé par son ancienne maîtresse l'ex-princesse Corinna zu Sayn-Wittgenstein. Un scandale qui a écorné sérieusement l’image d’un souverain pourtant révéré jusqu’ici par ses compatriotes, lesquels qui ne voyaient en lui que le sauveur et le restaurateur de la démocratie après des décennies de régime franquiste (1936-1975). Face aux menaces de la Cour suprême qui avait même annoncé son intention d’ouvrir une enquête contre l’ancien monarque et la multiplication des détails de l’affaire, l'actuel roi Felipe VI avait annoncé qu’il renonçait à l’héritage issu de cette fortune cachée «afin de préserver l'exemplarité de la Couronne» et que son père ne recevrait plus sa liste annuelle. Pas assez suffisant pour les anti-monarchistes. Juan-Carlos attaqué par les indépendantistes catalans et le parti d’extrême-gauche Podemos, l’affaire a fini par menacer les fondations mêmes de la royauté et réveiller un esprit républicain encore perceptible dans la population espagnole qui n’en finit pas de panser les plaies de sa guerre civile.

    3.jpg«J’ai toujours voulu le meilleur pour l'Espagne et la couronne. Il y a un an, je t'avais exprimé ma volonté et mon désir d'abandonner les activités institutionnelles» écrit le roi Juan-Carlos à son fils. «Avec la même ardeur que pour servir l'Espagne lors de mon règne, et devant les conséquences publiques de certains évènements passés de ma vie privée, je souhaite t'exprimer ma disponibilité la plus absolue afin de contribuer à faciliter l'exercice de tes fonctions, avec la tranquillité et la sérénité que requièrent ta haute responsabilité. Mon héritage, et ma dignité en tant que personne, me le commandent» poursuit le roi émérite.

    4.jpg«Nous respectons la décision prise par le roi Juan Carlos I et réaffirmons la reconnaissance de son travail comme chef de l’État et sa contribution à la transition, à la promulgation de la Constitution et à la construction d’un État social, démocratique et juridique en Espagne ». A l’annonce de son exil, le Parti Populaire (PP), soutien indéfectible à la monarchie, a salué le geste d’apaisement décidé du souverain émérite. « De même, nous exprimons notre soutien au travail exemplaire de SM le Roi Felipe VI qui est au service de tous les Espagnols, et au rôle essentiel de la Couronne en tant que symbole de l'unité et de la continuité historique de la Nation espagnole. [Un système qui] continue d'être le pilier essentiel de notre pays et synonyme de progrès économique, social et culturel pour l'Espagne » a conclu Pablo Casado Blanco, leader du PP. Un avis pourtant loin d’être partagé par le député Pablo Iglesias qui fulmine publiquement. Le second vice-président de coalition de Gauche a fustigé sur twitter cette décision. « La fuite à l'étranger de Juan Carlos de Bourbon est une attitude indigne d'un ancien chef de l'Etat et laisse la monarchie dans une position très compromise. Par respect pour la citoyenneté et la démocratie espagnole, Juan Carlos I devrait répondre de ses actions en Espagne et devant son peuple» s’est plaint le leader du parti populiste Podemos. «Un gouvernement démocratique ne peut pas détourner le regard, encore moins justifier ou saluer les comportements qui portent atteinte à la dignité de notre institution» a t-il ajouté dans son tweet. «Des propos irrresponables de la part d'un gouvernement illégitime» a rétorqué le parti conservateur Vox qui a accusé Podemos et le Parti socialistes de continuer à attiser les braises de la division. «Ce gouvernement, à l'heure actuelle, constitue une menace sérieuse pour l'avenir de l'Espagne» affirme le parti du député Santiago Abascal.

    5.jpgAuteur de «Rupture de ban - L'Espagne face à la crise » (Perspectives libres, 2017) et de la traduction d' «Al-Andalus: l'invention d'un mythe - La réalité historique de l'Espagne des trois cultures» de Serafín Fanjul (L'Artilleur, 2017), Nicolas Klein estime « que son départ d’Espagne, qui ne signifie en rien qu’il se soustrait à la justice de son pays est une mesure à la fois radicale, nécessaire et difficile ». C’est à la fois pour le pays et pour Philippe VI qu’il a agi de la sorte. Cela ne suffira probablement pas à éteindre l’incendie. Il s’agit cependant d’une décision probablement inévitable et que je crois « positive » à moyen et long terme pour l’actuel monarque» explique Nicolas Klein qui collabore à la Revue « Conflit »

    Le fils de Don Juan de Bourbon aurait déjà quitté les dépendances du Palais de la Zarzuela qu’il occupait depuis son abdication, selon le journal « El Pais ». Couple uni depuis leur mariage en 1962, la presse croit savoir que le roi Juan Carlos, 82 ans, vivrait séparément de son épouse la reine Sofia de Grèce, 81 ans, depuis les révélations de sa relation avec son ancienne maîtresse. Il n’est pas certain encore que la souveraine, actuellement à Majorque, accompagne son époux en exil. Le lieu restant à fixer bien que les médias affirment depuis plusieurs jours que le couple royal a acquis une somptueuse villa en République dominicaine ou encore à Cascais, au Portugal. Toutefois, la presse confirme que, bien qu’elle entretient des relations exécrables avec sa bru, n’étant pas « touchée par le scandale, la reine Sofia devrait continuer à assurer ses fonctions officielles aux côtés de son fils ». Un roi qui a appris son métier de souverain, lors de la tentative de coup d’état du 13 février 1981 et qui avait consacré Juan Carlos dans sa stature de chef d’état.

    6.jpgAfin de faire taire les rumeurs en cours, l’avocat de Juan Carlos, Javier Sánchez-Junco, a publié une note à l’attention de la presse, précisant « que son client se tenait à la disposition de la du parquet pour toute procédure ou action jugée appropriée ». Le palais royal a également annoncé que le roi ne perdrait pas les titres qu’il possède et qu’au crépuscule de sa vie, Felipe VI « maintenait le titre honorifique de roi émérite acquis par décret royal, il y a 6 ans ». En guise de réponse au départ de son père, le roi a tenu «à souligner l'importance historique du règne de son père, en tant qu'héritage et œuvre politique et institutionnelle au service de l'Espagne et de la démocratie» a conclu le communiqué royal. La «Marcha Real» a définitivement cessé de jouer ses notes pour « le roi de la Transition ».

    Copyright@Frederic de Natal

  • Anne Coffinier : « L’école, comme l’armée à qui on le demande souvent, ne peut pas régler tous les problèmes de notre te

    Pour certains, une formidable occasion de dispenser un enseignement de qualité. Pour d’autres, un risque de favoriser le « séparatisme »… Anne Coffinier fait le point sur l’essor et la place de ces écoles, collèges et lycées que l’on appelle « hors contrat ».

    Anne Coffinier, vous êtes présidente de l’association Créer son école. Cette année encore, le nombre d’écoles « hors contrat » a-t-il augmenté ? Les fondateurs n’ont-ils pas été découragés par les mesures sanitaires ?

    129 établissements scolaires libres ont ouvert cette année, contre 124 l’an dernier. Nous appelons ainsi les écoles, collèges et lycées privés qui sont libres de choisir leurs méthodes pédagogiques, leurs professeurs et leur organisation, pourvu qu’ils se conforment à la législation et aux règlements qui s’appliquent à la liberté d’enseignement. La « double crise » du Covid-19 et de la loi Gatel d’avril 2018, qui a renforcé les exigences légales conditionnant l’ouverture d’écoles libres, n’a pas enrayé l’essor de ces écoles, tant le mouvement de fond est puissant. Il y aurait eu une trentaine d’établissements supplémentaires sans la crise économique et sanitaire, et sans l’obligation d’avoir un directeur ou une directrice qui ait travaillé cinq ans dans un établissement d’enseignement. Cette clause est, en effet, assez malheureuse car elle empêche des créations d’écoles par des chefs d’entreprise, des professeurs à domicile, des orthophonistes, des éditeurs scolaires et de nombreux talents qui ne sont pas passés par un établissement d’enseignement pendant cinq ans, même s’ils sont docteurs en lettres classiques. Pour une start-up nation, ce n’est pas optimal !

    Dans l’éventail des écoles hors contrat, on trouve beaucoup d’écoles primaires, un peu moins d’écoles secondaires… peut-être parce que les parents les jugent plus « hasardeuses » pour l’avenir de leurs enfants, s’inquiétant de la possibilité, ensuite, pour ceux-ci, de rejoindre la place de leur choix dans l’enseignement supérieur ? Est-ce une crainte justifiée ?

    Avec 18 % de collèges et 6,2 % de lycées généraux ouverts à la rentrée 2020, les créations d’établissements pour le secondaire ne se portent pas si mal, surtout si l’on considère leur coût de création, toujours bien supérieur à celui d’un établissement primaire.
    Les créations de lycées ont été perturbées, cette année, par la réforme du baccalauréat. En effet, il est clair qu’elle pose un problème de discrimination inacceptable pour les lycées hors contrat et pour les candidats libres. Le gouvernement a été alerté et des pourparlers sont en cours, notamment à l’initiative des syndicats. Aujourd’hui, le dispositif tel qu’il a été conçu ne permet pas une prise en compte correcte des candidatures des élèves des lycées hors contrat dans le système Parcoursup. Il ne semble pas pensable qu’on s’en tienne au statu quo, que le juge ne pourra de toute façon que censurer, s’il faut en arriver à saisir les juridictions.
    Notons aussi que, cette année, le baccalauréat a été obtenu par les établissements privés hors contrat au contrôle continu comme les autres établissements. Résultat : tout le monde s’est aperçu qu’il était tout à fait possible de prendre en considération leurs notes avec autant de confiance que si elles émanaient d’un établissement public ou sous contrat. On y trouve les mêmes problèmes qu’ailleurs, de professeurs et d’établissements qui sous-notent ou qui sur-notent.
    Remarquons que, dans certaines académies comme dans celle du 93, le nombre de professeurs contractuels ou vacataires dans l’enseignement public ou privé sous contrat est élevé. Ce sont donc, dans ces cas, souvent des professeurs non titulaires des concours de l’enseignement public qui notent les élèves en contrôle continu sans que personne ne conteste la validité de ces notes qui sont, ensuite, prises en compte pour les diplômes nationaux et Parcoursup. Alors, comment soutenir que les notes émises par les enseignants des établissements privés hors contrat, soumis désormais à des obligations en termes de diplômes minimaux et inspectés régulièrement par l’Éducation nationale, ne pourraient pas être prises en compte pour les examens nationaux ?

    Récemment, on a entendu un député du Val-d’Oise dire, sur un plateau télévisé, son inquiétude de voir fleurir des écoles hors contrat islamistes… De fait, cette liberté n’est-elle pas aussi un risque ?

    11 écoles musulmanes ont ouvert cette année (et seulement 9, si l’on raisonne en termes de groupe scolaire), sur 129 établissement créés. Ce n’est donc pas ce qu’on appelle un raz-de-marée. Il y a des musulmans en France. Il n’est donc pas étonnant que des écoles musulmanes soient créées, et qu’elles soient plus nombreuses puisque le nombre de pratiquants de l’islam tend à croître. Pas surprenant non plus, que des écoles où les filles peuvent mettre le voile soient créées depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le voile qui interdit le port de ce dernier à l’Éducation nationale. Ceux qui concentrent leur inquiétude sur l’essor des écoles privées musulmanes hors contrat (qu’ils confondent, d’ailleurs, souvent allègrement avec des écoles coraniques, ce qui en dit long sur leur faible maîtrise du sujet) devraient se rappeler que la promotion de l’islam radical est loin de s’opérer d’abord dans ces institutions soumises à contrôles et déclarations auprès de l’Éducation nationale, mais bien plutôt dans nombre d’écoles publiques elles-mêmes, dans les associations sportives et périscolaires et, vraisemblablement, dans les établissements privés musulmans sous contrat. Ce que rapportent les médias comme les spécialistes sont d’abord et surtout des phénomènes de séparatisme, voire de radicalisation criants au sein même de l’école publique. Le tout récent livre de Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école, le montre très clairement. Et, comme l’indique Hugo Micheron, auteur de  Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons (2020) en page 12, si l’on prend les 79 attentats (dont 59 déjoués) dont la France a été l’objet, entre 2012 et 2018, « dans leur immense majorité, ces actes criminels […] ont été perpétrés par des Français éduqués à l’école de la République ». Ce que nous ne pouvons que déplorer avec Jean-Pierre Obin, qui écrit, en page 8 de son livre : « Comment l’école laïque, l’école républicaine, notre école publique, a-t-elle pu ainsi laisser prospérer, voire nourrir en son sein une idéologie aussi opposée à ses valeurs ? Comment en est-on arrivé là ? »

    S’il est plus logique de se préoccuper de l’école publique avant de se préoccuper des microscopiques écoles musulmanes hors contrat, il est aussi bienvenu de se souvenir que les plus importantes écoles musulmanes fonctionnent, aujourd’hui, grâce au statut d’établissements sous contrat d’association avec l’État. La plus ancienne étant l’école franco-musulmane de Saint-Denis de la Réunion – la Médersa Taalim oul-Islam, sous contrat depuis 1990. Pour être encore plus précis, la plupart de ces écoles musulmanes sous contrat relèvent de la mouvance des Musulmans de France (ex OIF), donc de la mouvance frériste (Al-Kindi à , Averroès à Lille, Ibn Khaldoun à Marseille, etc.). Concentrer la politique de lutte contre le séparatisme sur le secteur privé hors contrat constitue donc une réponse inappropriée à la réalité du problème. Pour éviter que ne se développent des lieux où prévaut une approche séparatiste de l’existence des musulmans en France, il faut que l’État définisse quelles formes et quels contenus d’éducation sont compatibles avec les lois et valeurs françaises, et lesquels ne le sont pas. Ce n’est certainement pas en stigmatisant toutes les écoles musulmanes, quand ce n’est pas toutes les écoles confessionnelles, voire toutes les écoles hors contrat (qui sont aconfessionnelles à 80 % !), qu’on préviendra la montée du séparatisme et de la radicalisation en France.

    Le mot « ensauvagement » fait, ces jours-ci, la une de l’actualité. Pensez-vous qu’il trouve partie de son explication et donc de son remède à l’école ?

    L’école, comme l’armée à qui on le demande souvent, ne peut pas régler tous les problèmes de notre temps. Aujourd’hui, les enseignants se sentent écrasés par un sentiment d’impuissance lorsque les décideurs politiques et administratifs les chargent de résoudre tous les maux de la société à eux seuls. C’est un sursaut collectif qui peut ramener la civilisation et l’harmonie dans notre pays. Le monde de la culture, les mass médias, Internet et, bien sûr, les parents ont une place bien plus décisive que la seule institution scolaire dans la lutte contre la barbarie qui guette chacun d’entre nous. Enfin, c’est aux catholiques de faire leur examen de conscience – et de confiance, d’ailleurs – pour trouver les moyens de recréer des écoles libres et responsables, ouvertes sur le monde, conquérantes, qui transmettent l’approche christique de l’existence, dont rien ne permet de penser qu’elle ait perdu de sa pertinence.

     

    Anne Coffinier

    Mère de famille
    Normalienne et énarque ; présidente de Créer son école
  • Mayotte : le laboratoire ?, par Michel Corcelles.

    Très engagé et représentant français au sein du partenariat Eurafricain, Michel Corcelles vient ici clarifier la situation de Mayotte, bien souvent méconnue et caricaturée par ceux qui, paradoxalement, en parlent avec la plus grande assurance. Et si, finalement, Pierre Pujo, ancien et célèbre directeur de la publication d’Aspect de la France, et secrétaire général du mouvement d’Action française, avait eu raison de mener le combat que l’on sait pour garder Mayotte à la France  ? (Ndlr, O. perceval)

    Avec Mayotte sont d’un seul coup mis à l’épreuve quelques principes juridiques et posées quelques questions très actuelles.

    Dès le 10 février 1843, Louis Philippe, Roi des Français ratifie le traité de cession entre le sultan de Mayotte Andriantsouli et le capitaine Passot, représentant le gouverneur de l’île Bourbon (La Réunion). Trois ans plus tard Louis Philippe abolissait l’esclavage à Mayotte (ordonnance du 9 novembre 1846. Mayotte – l’île aux parfums – fut immédiatement érigée en colonie alors que les 3 autres îles de l’archipel ne deviendront, successivement, possessions françaises qu’à la fin du 19ème siècle et ne seront érigées en colonies qu’en 1912  ; dès l’origine Mayotte constitue un cas spécifique dans l’Archipel et dans la relation avec la France. Ce n’est qu’en 1946 que sera constitué le «  territoire des Comores  » globalisant le territoire.

    Dans la suite du grand mouvement de décolonisation qui vient d’emporter la planète survient la consultation du 22 décembre 1974 sur l’autodétermination. La France, d’emblée, et peut-être pas naïvement, ouvrait la porte au traitement différencié des îles en fonction du résultat de la consultation dans chacune d’elle. L’indépendance est votée dans trois îles  : Grande Comores, Anjouan, Mohéli  ; elle est rejetée à Mayotte. Le président du gouvernement territorial refuse la «  partition  » et proclame l’indépendance de l’archipel. Les élus de Mayotte se retirent.

    La France, qui bataille à l’époque au sein de l’ONU dans un climat internationalement «  tiers mondiste  » s’oppose à ceux qui invoquent «  l’intangibilité des frontières issues de la colonisation », et se retranche derrière le concept du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Il faut ici noter une évolution significative des autorités comoriennes qui acceptent aujourd’hui des discussions bi latérales sans interférences du pays tiers ou d’institutions internationales, mêmes si ces influences jouent en coulisse et pas toujours dans un intérêt français. Et certains d’évoquer le principe que la Chine avait théorisé (à l’époque  !) «  un pays, deux systèmes  ».

    De cette situation institutionnellement floue et exigeant plus de pragmatisme que d’idéologie doctrinaire naquit, côté français, la création d’une ambassade dédiée à la coopération dans l’océan indien (an 2000). Cette création allait de pair avec la montée en puissance de la Commission de l’Océan Indien (COI) dont Jean Claude de l’Estrac (ancien ministre des Affaires Etrangères de Maurice) allait se montrer un brillant président.

    Sous la pression conjointe de patriotes passionnés (Pierre Pujo) d’administrateurs combatifs (Didier Béoutis) … et de la doxa centralisatrice, Mayotte allait s’engager sur la voie d’une intégration républicaine de plus en plus forte, malgré les condamnations, certes convenues mais néanmoins tapageuses, de l’Organisation de l’Unité Africaine.

    La longue marche vers le département

    D’interprétations juridiques et législatives en jeux d’influences diplomatiques et parfois claniques Mayotte passera par bien des états  : proposition de Territoire d’Outre-mer (refusé par la consultation du 11 avril 1976)  ; collectivité territoriale à statut particulier (proposition de la commission des lois modifiant le projet de loi du 12 mai 1976). La loi du 24 déc. 1976 érige Mayotte en «  collectivité territoriale de la République  » … à titre provisoire. Après la dissolution législative de 1997 l’option départementale est écartée au profit de la création, arrêtée lors d’un accord signé à Paris le 27 janvier 2000, d’une collectivité de type nouveau dite «  collectivité départementale  ».

    Le 2 juillet 2000 les Mahorais votent sur cet accord. 73 % des électeurs approuvent un texte qui rapproche le statut de l’île du statut de DOM de droit commun, même sous le nom de «  collectivité départementale de Mayotte  » mais une étape, peut-être la plus importante, reste à franchir, car Mayotte bénéficie encore de la «  spécialité législative  » puisque les lois ne s’y appliquent que «  sur mention express et avis du conseil général  ». Département  ? oui nominalement par commodité de langage, mais pas DOM, qui exigerait la non- « spécialité ».

    La loi du 28 mars 2003 consacre un nouveau concept, celui de «  collectivité d’outre-mer désignant Mayotte mais, et de loin, le plus important réside dans la loi organique du 21 févier 2007 qui fait évoluer du statut de la  » spécialité  » à celui de  » l’identité législative  » sous réserve de dérogations fiscales, civiles ou liées au droit du travail.

    La consultation du 29 mars 2009 entérinait avec 95,24 % de OUI la création du 101ème département qui comporte une assemblée délibérante unique emportant les compétences d’une région. Voilà donc une collectivité qui hérite des compétences de deux entités sans que pour autant elles aient préexisté  ! Belle performance juridique  !

    Et politiquement  ?

    C’est là que le bât républicain commence à blesser. Des rangs même de la valeureuse troupe de «  Mayotte française  » et de «  la plus grande France  » sont venues les critiques les plus acerbes de la départementalisation au motif principal sinon unique que Mayotte était un aspirateur à migrants. Mais quel autre statut permettrait de pallier cet inconvénient  ? On peut en débattre, mais il est un peu tard. On peut en revanche apporter au débat quelques éléments.

    1/ Mayotte offre à la France l’opportunité d’être partie prenante d’espace «  Océan Indien  » francophone, encore francophile, où elle demeure une puissance grâce à la Réunion, aux TAAF (incluant les Eparses) et Mayotte. De ce seul point de vue «  vouloir s’en débarrasser  » est un peu court.

    2/ Avec une Zone économique exclusive (ZEE) de 74 000 km² Mayotte apporte sa pierre à l’espace maritime français et permet à la France de devenir bientôt le plus grand domaine maritime du monde avec 579000Km2

    3/ La relation entre Paris et Moroni (*) n’est plus hypothéquée comme elle le fut par le cas Mayotte et l’interdiction de l’immigration clandestine ne se pose plus dans les mêmes termes. L’immigration qui vient essentiellement d’Anjouan (distante de 70 kms) serait largement atténuée par l’envoi de personnels hospitaliers pour les accouchements (les équipements) ce qui priverait les clandestins d’un argument. Les autorités d’Anjouan doivent être associées à cet effort, sans pour autant encourager les tendances séparatistes.

    4/ La France doit travailler à la création d’un «  espace de gouvernance  » dans l’Océan Indien notamment en renforçant les relations au sein de la Commission de l’Océan Indien.

    5/ Alors que 300 000 Comoriens vivent en France il faut certes penser une «  politique mahoraise  » mais il est non moins nécessaire de conduite une coopération avec Moroni qu’il s’agisse de réguler l’apport de la diaspora comorienne au pays d’origine  ; de maitriser l’immigration  ; de surveiller les menées djihadistes ou de marquer une vigilance envers les incursions des puissances étrangères

    Si Mayotte appartient tout à la fois à l’archipel des Comores, à la France et à l’océan Indien, elle appartient aussi à l’Afrique et c’est pourquoi le Partenariat Eurafricain y a créer une unité présidée par Bacar Ibrahim Bacar, maire ancien conseiller général avec notamment plusieurs maires. La section entend également maintenir des relations de travail avec la diaspora présente en France ainsi qu’avec ceux qui militent pour le renforcement de la COI.

    La section Mahoraise du partenariat Eurafricain a dénoncé vigoureusement l’immigration clandestine.

    Renouant avec la politique des «  points d’appui  » du Roi Louis-Philippe on pourrait imaginer qu’une personnalité française ait l’audace d’affirmer la naissance d’une mare nostrum entre l’Afrique, l’Inde et l’Antarctique.

    (*) capitale de l’Union des Comores.

    NB  : pour sa partie factuelle cet article a utilisé une source d’une note très complète de Hugues Béringer, attaché parlementaire

    PS  : le Partenariat Eurafricain annoncera prochainement la présentation d’un candidat à l’élection sénatoriale.