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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Le professeur Raoult concentre la haine de ceux qui entrevoient dans le coronavirus une formidable occasion de faire de

    Comment se passe votre confinement?

    Bien car le travail de philosophe est avant tout une activité de sédentaire qui suppose la solitude et l’isolement. Je lis, j’écris, je travaille. Je tiens un journal de cette pandémie car elle révèle, au sens photographique du terme, l’état de notre civilisation: un chef de l’Etat incompétent, une porte-parole du gouvernement qui avoue mentir pour protéger le chef de l’Etat et qui ne se fait pas faute de beaucoup le protéger, un gouvernement en capilotade, une ministre de la santé démissionnaire qui a menti sur la gravité de l’épidémie elle aussi avant d’assurer qu’elle avait dit la vérité au Président et au Premier ministre, des conflits d’intérêt entre madame Buzyn et son mari, inféodés aux laboratoires, donc à l’argent, et le professeur Didier Raoult, un français leader mondial en matière d’infectiologie,  des annonces contradictoires qui montrent qu’Emmanuel Macron n’est pas un chef, qu’il ne sait pas trancher, décider, prévoir, et qu’il n’est en fait que l’homme de paille de l’Etat maastrichtien. Chacun a vu l’Europe de Maastricht s’effondrer et avec elle le libéralisme toucher le fond: on redécouvre les vertus des frontières, de l’interventionnisme de l’Etat, de la nécessité du service public, des nationalisations. C’est la vengeance de Colbert!

    Le confinement oblige d’une certaine manière les individus à se retrouver avec eux-mêmes. Cela peut-il avoir des vertus?

    Pour des gens vertueux, oui, mais pas pour des gens vicieux. Le confinement c’est très exactement la cage dans laquelle sont des animaux qui tournent en rond alors qu’il leur faut de l’espace… Cette situation oblige à un face-à-face avec soi-même. Il contraint également à un face-à-face avec son conjoint et ses enfants, voire avec les enfants issus de familles recomposées. En temps normal, on peut prendre son mal en patience: il faut tenir le coup pendant un repas, un week-end, un temps d’après le travail effectué à l’extérieur, des respirations sont alors possibles –or, il s’avère que c’est rarement suffisant pour éviter la discorde. Mais le confinement interdit les pauses, les respirations: c’est vingt quatre heures sur vingt quatre, semaines après semaines, pour au moins un mois. Les riches ont de grands appartements lumineux dans les beaux quartiers, mais ils peuvent les quitter pour des maisons de campagne en Normandie, au Pays Basque, à l’île de Ré… Le confinement obéit à la loi de la lutte des classes: il est une épreuve bien plus cruelle pour les gens modestes que pour les riches.

    Comment analysez-vous la pandémie de coronavirus? Celle-ci va-t-elle précipiter l’effondrement de la civilisation occidentale?

    Je m’intéresse aux destins des civilisations car, la notre s’effondrant, c’est toujours intéressant de comparer avec la chute des grandes civilisations –Assur, Sumer, Babylone, Stonehenge, Louxor, Athènes, Rome… Si l’on fait l’histoire de l’histoire, autrement dit l’épistémologie de l’histoire, on voit bien que les interprétations des chutes de civilisation sont souvent des projections personnelles. Récemment, on a activé des lectures écologiques (on a invoqué des périodes de réchauffement ou de refroidissement, des déforestations, des erreurs agronomiques) mais aussi aux famines et aux épidémies. On a dit qu’à la fin du II° siècle de notre ère, la peste antonine a joué un rôle dans l’effondrement de Rome. Il ne saurait y avoir une seule cause à l’effondrement d’une civilisation, mais il est vrai que cette épidémie de coronavirus va générer un effondrement de l’économie dont je vois mal comment l’Occident pourra y répondre!

    Fin janvier 2020, vous évoquiez déjà la situation grave minimisé par la France. Comment expliquez-vous le retard français face à cette crise sanitaire? Pourquoi avoir sous-estimé ce risque? Alors que de nombreux scientifiques nous avaient mis en garde, dont le Professeur Raoult des années auparavant…

    J’ai en effet dit sur un plateau de télévision le 28 janvier que le simple bon sens permettait de s’inscrire en faux contre les discours patelins d’un certain nombre de médecins médiatiques (avec en navire amiral Michel Cymes…) qui minimisaient les choses et parlaient grippette. Pas besoin d’avoir des informations confidentielles, d’être dans les petits papiers des services secrets, d’accéder à des documents secret défense pour conclure une chose simple: la Chine, qui est un dictature, n’a que faire de la mort de dizaine ou de centaine de milliers de ses habitants, c’est quantité négligeable pour elle, d’autant plus que le reste du monde n’en saurait rien. Dès lors, si le gouvernement décide un confinement drastique d’une ville de plus de dix millions d’habitants, c’est qu’il y a non pas péril en sa demeure, mais péril sur son terrain de jeu économique: la planète entière! Il suffisait juste de faire fonctionner une intelligence normale sur ce simple fait pour conclure ce qui s’imposait: ce n’était pas une gripette…

    La crise du coronavirus a révélé les failles d’un système de santé que l’on croyait parmi les meilleurs du monde ainsi que notre extrême dépendance envers la Chine. Comment en est-on arrivé là?

    En France, les personnels de santé étaient en grève bien avant l’arrivée de ce coronavirus. Ils attiraient l’attention du pouvoir sur cette réalité que le système de santé français n’est plus le meilleur du monde –et ce depuis longtemps… Depuis que le marché fait la loi sur ce terrain-là, la santé est un business. C’est Mitterrand qui a ouvert le bal en 1983 et tous les chefs d’Etat depuis, sans aucune exception, ont détruit le système de santé. Ceux, dont je suis, qui combattent le libéralisme pour lequel le marché fait la loi, l’ont dit: le marché ne peut faire la loi à l’hôpital, à l’école, à l’armée, dans la police, la justice, la culture… Grandeur nature, nous voyons ces temps-ci ce que signifie le marché qui fait la loi en matière de soins. Il n’est plus question de santé publique, d’intérêt général et de bien de tous. Le sous-équipement fait qu’actuellement, on trie les malades et l’on envoie les vieux à la mort sous prétexte qu’on manque de matériel pour les sauver. De même, on n’est pas capable de donner aux soignants des masques et des gants alors que Macron a surjoué la carte martiale. Nous serions en guerre mais il n’y a pas d’argent pour fournir en masques les personnels soignants! C’est une honte. Quand il a fallu faire la guerre en Irak pour destituer Saddam Hussein, en Libye pour chasser Khdhafi, ou quand Macron a décidé d’un bombardement cosmétique de la Syrie pour montrer son allégeance aux Etats-Uni : de combien d’hôpitaux nous sommes nous privés en leur préférant des bombes Quand à la dépendance à la Chine, c’est simple: ce pays est un serpent à deux têtes, celle du capitalisme libéral pour la production, celle de la dictature marxiste-léniniste pour la société.  Le libéralisme maastricthien a invité à la délocalisation sous prétexte de  rentabilité. La Chine à des milliards de travailleurs sous-payés, exploités, terrorisés, mis en coupe réglée. Aucun ouvrier européen ne peut être compétitif avec son homologue chinois. Le gouvernement chinois a ainsi concentré des monopoles –une autre façon de conduire la révolution. Je vous rappelle qu’ils ont le monopole des métaux rares. Or, parce qu’ils sont des supraconducteurs avec lesquels on gagne des nanosecondes, l’armement américain est entre les mains des Chinois… Voilà pourquoi Trump fait le malin avec la Corée du Nord mais pas avec la Chine!

    Pourquoi l’Europe est-elle devenue l’épicentre de la crise sanitaire, tandis que des pays théoriquement moins développés, comme la Corée du Sud, la surmontent avec de très faibles pertes humaines et sans confinement généralisé?

    C’est l’idéologie libre-échangiste qui montre ainsi ses limites. Les européistes ont déclaré la haine des frontières et des Etats-Nations, sous prétexte qu’il n’y aurait de vérité que dans le grand marché planétaire. De sorte qu’en France, fin janvier, alors que, pour qui voulait savoir la dangerosité on pouvait la savoir, Macron affrète des avions pour rapatrier des Français exilés en Chine, il organise des quarantaines dans des villages de France sans en avertir les maires au préalable, il laisse atterrir sans contrôle jusqu’à une vingtaine d’avions chinois par jour à Paris en laissant ses passagers nullement contrôlés s’égayer dans tout le pays afin d’y ensemencer potentiellement le virus. Les communicants ont fabriqué cette phrase: "le virus n’a pas de passeports", comme si le virus était dissociable de celui qui le porte et qui, lui, possède bien un passeport… L’impéritie libérale fait que nous avons des bombes atomiques mais pas de masques ni de tests fiables qui étaient les deux piliers d’une autre politique: protéger, tester et confiner ceux qui se seraient avérés positifs. Avec Macron ce fut rien, puis tout, ce qui témoigne en faveur d’un désarroi qui pose problème quand il s’agit du chef d’un Etat si centralisé…

    Que révèlent les polémiques autour de la chloroquine?

    D’une part: la vieille opposition entre Paris et le reste de la France, la tension permanente entre la capitale, qui est étymologiquement la tête, et les provinces dont on peut faire l’économie. Je n’ai pas retenu le nom d’un médecin verbeux et décoré, juste le souvenir de sa tête globuleuse,  qui, sur un plateau de télévision, voulant critiquer le professeur Raoult, disait : "ce monsieur qui travaille loin de Paris". Tout était dit. D’autre part: un autre trait français qui est la haine du succès, le mépris des talents, la rancune contre le génie. Le professeur Raoult est une sommité mondiale, et la chose est dite depuis bien des années, pas seulement depuis un mois. Il propose une solution et ceux qui n’en ont pas et qui, avec leur impéritie politique ont exposé les Français à la catastrophe, pincent du bec comme une duchesse chez Proust pour estimer qu’il n’y pas d’essai en double aveugle, etc. C’est comme si des bégueules sur le Titanic avaient interdit l’usage des canots de sauvetage parce que leur peinture contenait du plomb… Le professeur Raoult a un look de Viking tout juste descendu de son drakkar. Il a conscience de sa valeur, et alors? Tant de gens qui en manquent prétendent tellement en avoir: ce sont eux qui bavent, crachent et salissent. Jusqu’à Daniel Cohn-Bendit passé du gauchisme au macronisme et de la pédophilie au statut de Savonarole de l’idéologie européiste qui, dans le style grossier et avachi qui est sa marque de fabrique, défend ses amis parisiens, les laboratoires, l’argent de l’industrie pharmaceutique. Le professeur Raoult propose de guérir avec un médicament a dix euros: il priverait les laboratoires d’une manne planétaire incroyable. On comprend qu’il puisse déplaire et concentrer la haine de ceux qui entrevoient une formidable occasion de faire de l’argent, l’horizon indépassable de Cohn-Bendit.

    Certains observateurs vont jusqu’à vanter le "modèle chinois". La Chine peut-elle sortir gagnante de la crise?

    On ne sait rien d’autre de la Chine que ce qu’elle veut bien nous dire d’elle. Et vous vous doutez bien qu’elle ne donnera aucune information susceptible de ternir son honneur et qu’en revanche, elle donnera toute autre information, fut-ce au prix d’un contre-vérité, qui contribuera à augmenter sa visibilité positive. On commence à découvrir qu’elle a menti sur les dates du commencement de cette pandémie et sur le nombre de morts. Ce que l’on peut déjà supposer c’est que, lorsqu’il faudra relancer les économies des pays ravagés, il faudra produire et, délocalisations obligent depuis des années, les Chinois produiront vite pour satisfaire la demande mondiale dans les meilleurs délais . Dès lors, oui, elle tirera son épingle économique du jeu.

    Face aux crises, nous ne sommes pas tous égaux. Quels sont les facteurs qui peuvent, ou pas, aider à les affronter?

    Le confinement, déjà, est un grand révélateur de lutte des classe : il y a ceux qui ont des appartements ou des maisons vastes dans les hyper centres des villes et ce sont souvent les mêmes qui disposent des résidences secondaires dans les plus beaux endroits de la province avec vues sublimes, espace, calme et silence, solitude. Et puis il y a les pauvres qui louent dans des quartiers modestes, des pièces aux petites surfaces, sans possibilité de se replier dans de belles propriétés de campagne. Le pouvoir d’achat se retrouve également en jeu quand il faut acheter de quoi faire trois repas par jour pour sa famille: certains peuvent accéder aux bons produits frais, mais coûteux, dans quelques épiceries fines, pendant que d’autres se gavent de nouilles, de riz et de conserves. Enfin, car tout cela se superpose, ceux qui disposent d’une vie intérieure sont privilégiés par rapport à ceux qui n’en ont pas. Quiconque aime lire, écouter de la musique, regarder des films sera plus apte au confinement que les autres. Une sociologie à la Bourdieu montrerait que les propriétaires de beaux appartements dans les hyper centres se nourrissent avec des produits frais et festifs, qu’ils peuvent se replier dans des maisons de campagne où ils relisent, bien sûr, La Recherche du temps perdu, la lecture préférée des bourgeois qui se prennent pour des aristocrates, où il regardent pour la dixième fois l’intégrale des films de Godard, etc.

    Pensez-vous voir après cette crise une montée des nationalismes, une poussée des régimes autoritaires, ou plutôt une mise en place d’une gouvernance mondiale plus efficace, comme cela avait été le cas après la Seconde Guerre mondiale?

    Depuis des années, les tenants de Maastricht ont en effet fabriqué cette Europe comme un rouage dans la machine plus vaste d’un gouvernement planétaire qui n’est rien d’autre que l’Etat total –l’Etat universel pour utiliser l’expression d’Ernst Jünger. Suppression des peuples, abolition des élections, disparition des frontières, gouvernement de prétendus technocrates supposés compétents dans la gestion et prétendument apolitiques: en fait les patrons des GAFA et leurs alliés. L’écologisme est le cheval de Troie de cette idéologie: quoi de mieux en effet que le paradigme de la planète, qui ignore les frontières, pour imposer le modèle de l’Etat total? La virologie entrera dans la course et, pour faire passer la pilule d’un gouvernement du capital par les élites on nous parlera salut de la planète et protection sanitaire des populations mondiales. Mais ce projet rencontrera en face de lui tous ceux qui, peut-être, auront enfin compris que l’Etat maastrichtien, qui vise à l’Empire, est une dictature d’un genre nouveau et qu’il ne faut pas lui laisser plus de pouvoir qu’il n’en a déjà. Le tragique que je suis (non pas pessimiste mais tragique) a tendance à plutôt croire au désordre à venir… En Italie déjà, on pille des magasins de nourriture.

    Quelles seront à votre avis les conséquences politiques, sociales et sociétales du coronavirus? Quelles traces dans nos vies d’après? Quel scénario pour le redémarrage?

    Ce que je viens de vous dire. Mais précisons: l’Europe a failli, et dans les grandes largeurs. Chacun des pays de feu l’Europe a géré son problème national dans son coin. La République tchèque intercepte des masques envoyés en Italie par la Chine. L’Italie est laissée seule à sa détresse. L’Espagne gère dans son coin. Idem pour la France… Ce qu’on nous présentait comme un monstre économique qui combattait dans la même catégorie que… la Chine ou les Etats-Unis apparaît en pleine lumière pour ce quelle est: un tigre de papier –en fait: une vache en carton… L’Europe de Maastricht est morte. Le souverainisme pourrait avoir de beaux jours devant lui.

    Quel sera selon vous le monde d’après le coronavirus? Pensez-vous voyager à nouveau aussi librement qu’avant?

    Nous n’avons pas les moyens de faire les malins devant ce que les virus imposent au vivant: c’est dans l’ordre des choses. On ne découvre ce qui advient qu’après coup, vérité de La Palice. Un virus plus létal pourrait ravager la planète et la vider d’une grande partie des humains. La nature y retrouverait sa pleine forme –il suffit de regarder combien la pollution a disparu depuis deux mois et comment la nature reprend du poil de la bête à toute allure…

    Un conseil de lecture pendant ce confinement pour vos fans au Liban et au Moyen-Orient?

    Un traité de la nature humaine qui est une encyclopédie en la matière: les Fables de La Fontaine.

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (5)

     

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg1ère partie : l’Homme Masse

    « De Caillaux à Giscard » : le système libéral

    L'homme qui donna au capitalisme une nouvelle vigueur ne se préoccupait pourtant pas, du moins au niveau du discours, de mettre en œuvre les théories de Keynes. Lord Beveridge, quand il publia en 1944 « Full employement in the free society » qui préconisait le « Welfare State » l’Etat Providence prétendait ne se soucier que du bonheur du peuple. Il s'agissait de libérer les individus des « trois craintes », crainte de la maladie, grâce à la sécurité sociale, crainte de la misère, grâce au salaire minimum garanti, crainte du chômage grâce à des interventions de l'Etat, destinées à stimuler la demande.

    Les pieuses dissertations du philanthrope dissimulaient un raisonnement cynique. Il convenait de pousser les gens à consommer des biens produits en grande série. Pour cela, on retirerait de l'argent aux riches afin de donner aux pauvres, sous prétexte de réduire les inégalités sociales. Les riches sont, en effet, de mauvais consommateurs, dans la mesure où ils recherchent le luxe. Ils détournent ainsi une fraction importante des revenus disponibles qu'il importe de redistribuer, au moins partiellement, afin qu'elle serve à l'achat de biens fabriqués en grande série. De plus, l'individu qui craint pour son avenir met de l'argent de côté. Il thésaurise. Keynes a exposé de façon irréfutable que l'épargne qui n'est pas investie, l'or qui se cache dans le bas de laine devient un facteur de déséquilibre. Il ne « travaille pas » et quand il réapparaît dans le secteur économique, il devient un facteur d'inflation puisqu'il correspond à une création de monnaie ex nihilo. On encouragera donc « l'épargne-logement » et d'autres systèmes du même genre afin que les ménages financent leur endettement.

    La production de masse supposant des investissements à long terme, il faut surtout qu'elle soit assurée que la consommation ne fléchira pas et même continuera de croître. Le salaire minimum garanti, la sécurité sociale, les allocations chômage fournissent la garantie que les crises conjoncturelles n'auront désormais qu'une incidence limitée sur les revenus des ménages d'autant que l'Etat va se munir d'un certain nombre d'indicateurs : comptabilité nationale, budget économique prévisionnel. A partir de là, il pourra jouer des deux menaces qui semblent s'annuler : l'inflation et le chômage. Il semblait démontrer, statistiquement, que plus l'inflation augmentait, plus le chômage diminuait et réciproquement. Dans ces conditions, il suffisait de trouver un équilibre entre un taux d'inflation et un taux de chômage également tolérables en favorisant, selon la tendance, l'offre ou la demande, l'investissement ou la consommation.

    Ces « conquêtes sociales » que les syndicats ouvriers se flattent d'avoir « arrachées au patronat » servirent au développement de la société de consommation et fournirent au capitalisme financier de fructueuses occasions de profit. Ainsi les congés payés permirent l'essor des industries du tourisme et du loisir, en élargissant leur clientèle. D'où une rentabilité exceptionnelle des placements bancaires dans ce domaine. Lord Beveridge, avec son pragmatisme de prédicant avait d'ailleurs expliqué aux industriels réticents que l'expansion du capitalisme dépendait de l'extension de l'Etat Providence. Certes, il se heurta à l'opposition du petit patronat, qui craignait, non sans raison, que l'alourdissement des charges sociales ne conduise à une concentration des entreprises, au profit de grands groupes financiers. Ce qui se passa effectivement.

    La massification de la société provoquait la bureaucratisation du syndicalisme, des « permanents » se substituant aux délégués élus, qui n'ont plus qu'un rôle de sous-officiers, afin d'assurer la direction des syndicats. Même là où l'on conserve une apparence de débat démocratique, comme à la C.F.D.T. ou à F.O., ce n'est pas la base qui choisit les permanents mais les dirigeants déjà en place. A la C.G.T., ces pudeurs ont disparu. Progressivement, les dirigeants durent s'entourer de conseillers, juristes et économistes, pour conduire des négociations complexes avec les hauts fonctionnaires de l'Etat et les experts du patronat. Ce beau monde sort des mêmes écoles, touche des salaires équivalents, fréquente le même milieu, noue des liens familiaux. Seule la C.G.T. fait exception, par sa prétention à s'assurer le contrôle exclusif des masses mais le mécanisme de sélection n'est guère différent. Le « centralisme démocratique », que les réformistes reprochent aux communistes, constitue une pratique commune à toutes les organisations, à ceci près que le marxisme-léninisme l'a codifié, la portant à son point de perfection.

    Même si la C.G.T. se donne des objectifs révolutionnaires, dans le quotidien des luttes, il lui faut, comme les autres syndicats, proposer des revendications ponctuelles. Dans la mesure où la révolution mondiale se situe dans le long terme, la C.G.T. si elle veut maintenir son influence sur la masse doit pratiquer un réformisme, sans doute extrême, démagogique autant qu'elle le pourra mais un réformisme tout de même. En effet la masse est incapable de viser le long terme, sinon de façon chimérique — l'utopie. De son mouvement spontané, comme l'avait fort bien compris Lénine, elle ne s'intéresse qu'à l'amélioration de sa vie matérielle. Cela convient parfaitement au capitalisme financier. Plus la vie matérielle de la masse s'améliore, plus elle consomme, plus elle consomme, plus l'industrie produit, plus le grand commerce vend, plus le capitalisme financier gagne d'argent. La collusion des « experts » syndicaux, patronaux ou étatiques exprime cet accord de fond. Les intérêts des divers groupes s'opposent dans le détail. Ils n'en restent pas moins convergents dans la durée. Telle concession que le patronat s'efforcera, avec plus ou moins de bonheur, de refuser, du moins momentanément, afin de satisfaire sa base, petits et moyens entrepreneurs qui craignent les charges qu'elle implique, finira par être accordée ce qui provoquera quelques faillites de P.M.E. mais se traduira globalement par un surcroît de profits.

    En effet, le capitalisme financier, qui contrôle les organisations patronales, ne peut pas avouer qu'il est d'accord, sur le fond, avec les syndicats ouvriers. Cela provoquerait la révolte des P. M. E. Que constate-t-on néanmoins ? Ce sont ses mandataires politiques, élus grâce aux voix de la bourgeoisie, qui ont pris les mesures législatives destinées à la détruire, de Caillaux à Giscard. Millionnaire en francs-or Caillaux avait toutes les apparences du grand bourgeois. Cependant ce fut lui qui, à la veille de la première guerre mondiale, fit voter, grâce à une « majorité d’idées », où les socialistes se retrouvaient aux côtés de députés libéraux ou conservateurs, élus grâce aux caisses électorales du grand patronat, l'impôt sur le revenu. Caillaux ne dissimulait pas qu'il s'agissait de mettre en pratique le principe de l'égalité. Chacun devait contribuer aux besoins financiers de l'Etat selon ses moyens. En fait la progressivité de l'impôt chargeait davantage les classes moyennes que le reste de la population. Symboliquement le nouvel impôt ouvrait, avec prudence, la voie à l'Etat Providence, qui utilisera la fiscalité, puis les prestations sociales, pour redistribuer les revenus, donnant aux uns ce qu'il prenait aux autres.

    Giscard allait mener à son terme le processus. Lui-même reconnaissait qu'au-delà de 40 % les prélèvements obligatoires changeraient la nature de la société. A la fin de son septennat, ils avoisinaient 42 %. La France était effectivement devenue un Etat socialiste. Les Français en tirèrent la conséquence. Ils élirent des socialistes. Désormais, après prélèvements obligatoires, le salaire d'un cadre supérieur, qui travaille parfois quinze heures par jour et qui a fait de longues études, n'était supérieur que de quatre fois à celui du smicard et encore cela semblait beaucoup trop à l'intelligentsia de gauche qui rêvait de réduire encore l'écart.

    Il fallait, pour justifier cette évolution des prétextes vertueux. La réduction des inégalités sociales, confortait les belles âmes. En réalité, comme c'est toujours le cas, la rhétorique moralisante dissimulait un calcul sordide. La faute, dont la bourgeoisie se voyait accusée, ne relevait pas du juste ou de l'injuste mais de la nécessité économique. Elle consommait mal. Elle employait des domestiques, elle s'habillait chez le tailleur ou la couturière, elle occupait ses loisirs à lire, à voyager, à s'occuper de son jardin. Plus grave encore, elle thésaurisait. Rien-là qui soit, du point de vue de l'économiste ou du financier, rentable. Il convenait de transférer les revenus dont elle se servait si mal à la masse qui en ferait meilleur usage.

    Encore qu'elle ait profité de la prospérité générale, son niveau de vie, s'il a augmenté en valeur absolue a effectivement diminué, en valeur relative. Surtout il s'est modifié. Désormais la bourgeoisie, même si elle peut se procurer des produits de meilleure qualité, consomme, comme les autres Français des biens fabriqués en série. Léon Bloy, qui n'avait qu'une bonne, se tenait pour un traîne misère. Maintenant c'est un luxe que seuls s'offrent les plus fortunés mais tout le monde possède des appareils ménagers. Les hôtels se sont transformés en usines à sommeil et le téléviseur a remplacé le petit déjeuner dans la chambre. Le wagon restaurant, a disparu au profit d'une médiocre restauration à la place. Bientôt constatait un chroniqueur gastronomique, il ne restera rien entre Bocuse et le « fast food ». Il n'existe plus une clientèle suffisante pour payer les prix qu'il faudrait pratiquer du fait de l'accroissement des salaires et. des charges sociales. Dans tous les domaines, y compris la table, le quantitatif a remplacé le qualitatif.

    La bourgeoisie a donc été délibérément sacrifiée, non à de nobles principes mais aux exigences de la rentabilité. Son mode de vie a disparu. Comment expliquer qu'une classe, qui, selon les marxistes, détient le pouvoir économique se soit appauvrie, au moins relativement afin d'enrichir la masse, de propos délibéré ? Il faudrait lui attribuer une grandeur d'âme qu'on ne lui reconnaît pas volontiers. De fait, elle a résisté tant qu'elle a pu et Caillaux a eu beaucoup de mal à faire voter l'impôt sur le revenu. Considérons plutôt comment les choses se sont passées. Ce type d'impôt existait, sous des formes différentes, en Prusse, l'einkommensteuer, et en Grande Bretagne, l'income tax. En fait, le Sénat ne se résignera à le voter que le 15 juillet 1914, à la veille de la guerre mondiale et il ne sera vraiment établi que par la loi du 31 juillet 1917. En d'autres termes, seul le retard économique de la France explique qu'il n'ait pas été créé plus tôt. Il coïncide avec l'avènement de la production de masse, imposée par la nécessité d'alimenter le front en armements. La justice sociale n'intervient qu'au niveau du discours. « Le Figaro » du 15 janvier 1914 se trompe-t-il qui soutient que « le ministre (Caillaux) ne peut être que le complice obéissant » de la Haute Banque ? Le bruit ayant couru que le projet d'impôt sur le revenu exonérerait les rentes d'Etat, un superbe coup de bourse, dont Caillaux a peut-être profité, donnera corps à l'accusation. Même si elle n'était pas fondée, les liens de Caillaux avec la haute banque sont notoires. Ne préside-t-il pas deux « crédits fonciers », l'argentin et l'égyptien ?

    Sa généalogie est beaucoup plus instructive. Ancien ministre de Mac Mahon son père a fini président du P.L.M., après être entré, par un brillant mariage, dans. une « dynastie bourgeoise » pour reprendre l'expression de Beau de Loménie, d'ailleurs trompeuse. Ces dynasties-là ne doivent rien à la bourgeoisie, du moins au sens habituel du terme. Elles se moquent bien de ses intérêts. Pourquoi s'en soucieraient-elles ? Elles ne se sont pas enrichies par le travail, l'épargne, l'esprit d'entreprise mais par le pillage de l'Etat. Républicaines plutôt que bourgeoises, elles ont commencé sous le Directoire ou le Consulat leur immense fortune. Du moins Beau de Loménie à force de comparer la composition des assemblées parlementaires, des conseils d'administration, de la haute administration, a-t-il prouvé que certaines familles, qui parfois, comme les Broglie ou les d'Ormesson, s'enracinent dans l'ancienne France ou d'autres sortent d'un lointain ghetto, ont joué, du fait de leur puissance financière, des postes qu'elles n'ont cessé d'occuper, des alliances matrimoniales qu'elles ont nouées, d'un réseau serré de relations mondaines, un rôle parfois déterminant, toujours important dans l'évolution de la société française. Tout ne s'explique sans doute pas par leur influence et Beau de Loménie leur accorde trop de poids. Celui qui leur reste paraît suffisant. En tous cas ni l'impôt sur le revenu ni même celui sur les grandes fortunes ne les ont empêchées de continuer de s'enrichir plus vite que n'augmentaient les prélèvements obligatoires. Elles, du moins, ont préservé leur mode de vie.

    Il n'y a jamais en histoire un principe unique d'explication. Beau de Loménie a trop systématisé. Il a sous-estimé la complexité des comportements et n'a pas tenu assez compte des rivalités internes, des jalousies, des haines parfois, qui déchirent les familles. Néanmoins, il reste que l'existence de groupes sociaux qui vivent en parasites de l'Etat ne saurait être contestée. Elle remonte à la plus haute antiquité. Que l'on se souvienne de la place que tiennent les publicains dans les évangiles. Dès l'origine, l'Etat a jugé commode de confier la perception de l'impôt à des compagnies privées. L'usage s'était perpétué dans l'ancienne France. Nos rois dépendaient des traitants, encore qu'ils en pendaient deux ou trois pour l'exemple, de temps à autre. Ce qui servait de leçon aux survivants pendant quelques années. Louis XIV fut le dernier à user de cette heureuse coutume. Aussi Gaxotte constate-t-il qu'à la veille de la révolution si la France était riche, l'Etat était pauvre. Du puissant fermier général à l'humble maltôtier de sénéchaussée, une caste de gens de finance se nourrissait de sa substance. Dans son « Turcaret », Lesage brossera le portrait de l'un deux, valet brutalement métamorphosé en opulent brasseur d'argent.

    Une autre sangsue saignait l'Etat. En instituant la vénalité des offices François Ier soumettait la justice au pouvoir de l'argent. Les parlements cessaient d'être des assemblées de légistes, fidèles serviteurs de la monarchie. Arguant d'anciens privilèges ils tentaient de la régenter et se posaient en défenseurs des libertés tandis que les féodaux, dont le pouvoir avait été brisé par Richelieu, en conservaient la nostalgie. Ainsi se constituait l'équivalent français de l'établissement britannique. Le Roi faisait obstacle à son ambition. Louis XV entreprit même, avec le chancelier Maupeou et l'abbé Terray de faire l'économie de la révolution, en tentant de constituer une administration de la justice et des finances, indépendantes de l'argent, donc de fonder l'égalité devant l'impôt et devant la loi. Grâce aux intellectuels à gage qu'ils entretenaient, fermiers généraux et parlementaires, se fondant sur l'exemple d'une Angleterre libérale, ameutèrent l'opinion. Louis XVI céda mais dans sa volonté de reconstituer une armée capable de rivaliser avec celle de la Prusse, il institua, pour l'accès aux grades supérieurs, les quatre quartiers de noblesse. Cette mesure ne visait pas la bourgeoisie, que le métier des armes attirait peu mais les financiers qui les achetaient, pour leurs fils. Le commandement effectif était assuré par des nobles sans fortune auxquels tout espoir d'avancement se voyait refusé. Même s'il légua à la France l'armée qui permit les victoires de la Révolution et de l'Empire, ce ne fut pas pardonné au Roi.  •  

    (A suivre - A venir : « De Caillaux à Giscard : Le système libéral » suite)

     

    Lire les articles précédents ...

    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (1)

  • Technocratie et risque européiste, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 12/14

    Expectocratie transnationale ?

    On comprend mieux comment l’utopie expertocratiste des technocrates peut diluer le politique au profit des experts. A suivre Taguieff   : «  La dilution de I’idéal démocratique dans des systèmes oligarchiques ou il se réduit à un décor procédural, ainsi que la phagocytose de I ‘espace public par le système médiatique obéissant à des règles spécifiques (mais demeurant pour la plupart implicites), sont indissociables de la formation d’une nouvelle classe élitaire, transnationale, composée de spécialistes de la manipulation des symboles abstraits, identifiables comme des «  experts-entrepreneurs  », dont on peut dire que la démocratie est le moindre de leur souci, n’étant guère à leurs yeux qu’un cadre permettant le fonctionnement optimal du marché mondial, dont ils sont les principaux acteurs et bénéficiaires.1  »

    philippe germain.jpgSi en 2000 Taguieff n’utilise pas le mot, un maurrassien reconnait la Technocratie. Ces techniciens de l’organisation, légitimés par un concours de grande école, sont effectivement les spécialistes de la manipulation des symboles abstraits.

    L’utopie expertocratiste marcherait donc de paire avec une internationalisation de la technocratie. Un tel point de vue ne peut surprendre l’Action française car dès 1933, l’un de ses historiens, le marquis de Roux2 avait révélé la puissance du «  trust du cerveau  », ces technocrates entourant le président américain Roosevelt. En Angleterre ils s’étaient regroupés derrière Keynes tandis qu’en Allemagne Hitler s’appuyait sur les experts de Schacht. Vers 1960, Pierre Debray avait d’ailleurs abordé l’analyse international de la Technocratie par un rapprochement audacieux avec la Nomenklatura communiste. En revanche si pour l’Action française, les différentes technocraties nationales partagent références, état d’esprit, pratiques et surtout identité d’intérêt par la maitrise de la propriété collective des moyens de production, elle peine à conclure à la une confédération des Technocraties formant une classe transnationale.

    Super-classe mondiale ?

    Au cas ou Taguieff en 2000 n’évoquait pas la Technocratie, que serait sa nouvelle classe élitaire transnationale composée des principaux acteurs et bénéficiaires du marché mondial  ? Anticipait-il le concept de «  superclasse  », utilisé par Samuel Huntington et récemment conceptualisé par l’énarque Michel Geoffroy dans son ouvrage La superclasse contre les peuples3  ? Cette superclasse, l’ancien haut-fonctionnaire au ministère de l’Économie et des Finances, la juge mondiale et ouverte car ses membres se renouvellent périodiquement. Elle suit un modèle concentrique à quatre cercles. Au centre, celui de la richesse financière et économique, puis autour le cercle des médias et de la culture, arrive le troisième cercle des organisations non gouvernementales et de la «  société civile  » – c’est-à-dire les groupes sociaux qui appuient les intérêts de la super classe, enfin le dernier cercle de la puissance publique. Le cercle de la richesse dirige, influence et achète les trois autres. Telle est cette superclasse dont les quatre cercles partagent la prétention de bâtir le paradis sur terre et d’y unifier le genre humain. C’est le Nouvel Ordre Mondial nommé par le l’ancien président américain Obama, la «  Nouvelle Elite Internationale4  ».

    A cette grille d’interprétation, plus mobilisatrice que complotiste, l’Action française reproche l’approfondissement insuffisant des processus de formation de la superclasse mondiale. Certes cette grille commente la présence d’étrangers dans les conseils de surveillance et les conseils d’administration chargés des affaires opérationnelles des groupes mais néglige leur comptage prouvant que «  le niveau de mobilité transfrontalière nécessaire à la formation d’une classe ou d’une élite internationale ou transnationale est encore loin d’être atteint5 ».

    Pour l’Action française ce qu’on nomme superclasse s’inscrit dans la continuité de la guerre froide. Son caractère «  mondial  » recouvre simplement la géographie du «  monde-libre  » – de 1945 au moment de la chute du mur de Berlin – dont le centre de gravité est les Etats-Unis. Ces Etats-Unis d’Amérique qui depuis le début du XX° siècle, sous la poussée du courant «  fonctionnaliste6  » financé par la Fondation Rockfeller, promeuvent l’idée «  d’Etats-Unis d’Europe  ». L’histoire de cette influence américaine est maintenant historiquement bien documentée7 mais dès 1947 Maurras avait relevé le bon appétit des américains avouant «  leur ambition de former un Etat Terrien unique dont ils seraient les rois8  ». Depuis l’Action française a combattu cette influence. Son rôle fut non négligeable dans l’échec de la Communauté Européenne de Défense en 1954. Son histoire témoigne d´un travail intellectuel et militant de longue haleine contre les avancées d´une communauté supranationale européenne. Après le drame algérien de 1962, elle s’est opposée à cette extrême-droite qui encourageait la rupture avec le nationalisme français pour inscrire sa stratégie dans le nationalisme européen. Dans les années 2000, ses actions ont dynamisé9  les positions dites «  souverainistes ».

    La Technocratie européenne très concrète

    Plus que dénoncer une classe technocratique transnationale aux contours flous et une superclasse mondiale molle, les maurrassiens luttent10 contre la Technocratie européenne. C’est pourquoi il convient de se retourner sur l’accélération du processus de formation de cette classe européenne. D’abord il y a l’évènement déclencheur, le rapport11 de 1975, d’un organisme international à centre de gravité américain, concentrant les grands patrons en vu de la mondialisation de l’économie. La Trilatérale12. qui s’emploie à définir les critères d’une «  bonne gouvernance  » internationale, y définit les «  Etats-Unis d’Europe  » comme passage obligé pour contenir les Etats-nation du vieux continent incapables de gouverner dans le bon sens. Le moyen  ? Pour reprendre Eric Zemmour, c’est une «  tutelle technocratique de fer serait peu à peu apposée sur les Etats à grand coup de directives et de normes13  ». Et maintenant le déroulé de la formation de cette classe européenne.

    En 1984 le technocrate Jacques Delors lança le Marché unique, permettant à la Commission européenne d’imposer l’idéologie de la concurrence aux Etats. Contrairement à une expertocratie transnationale et une superclasse mondiale, la Technocratie européenne est concrète. Sa formation s’est sur l’hypocrisie de l’élite politique laissant prendre à la Technocratie bruxelloise les décisions impopulaires afin de mieux s’abriter derrière elle. Formation résumée par Eric Zemmour, «  Au fil des ans, un jeu de rôle se mit en place  ; les chefs de gouvernements mettaient en scène leur conflits au cours des «  sommets européens  » médiatisés, défendant leurs «  intérêts nationaux  »  ; mais derrière la mise en scène de ce théâtre, le vrai pouvoir instaurait les règles et les normes qui s’imposaient à tous14  ». En réalité, la Technocratie européenne avait pour elle la continuité pour s’emparer de la réalité du pouvoir. Le gros morceau fut d’imposer le fédéralisme technocratique recommandé par la Trilatérale. En 1992, la France vota d’extrême justesse le OUI au traité de Maastricht. Les pays récalcitrants durent marcher au pas démocratique. Le Danemark ayant voté NON du revoter, tout comme l’Irlande pour avoir refusé le traité de Nice en 2001. Rien ne semblait pouvoir arrêter la Technocratie européenne.

    En 2004 elle adopta à Rome, une nouvelle Constitution. Rédigée par l’énarque français Giscard d’Estaing elle comprenait président du Conseil européen, ministre des affaires étrangères, drapeau, hymne, une devise, des «  lois  » se substituant aux directives et règlements. Le pays réel, portant très affaibli, redressa la tête en 2005 et vota à 54,08 % NON, pour la ratification et la Hollande le rejeta à plus de 60 %.

    La Technocratie européenne ne pouvait rester sur cet échec. Elle fit jouer les ficelles de la démocratie. On inventa la mystification du «  traité simplifié  » dont les amendements reprenaient l’essentiel de la nouvelle Constitution en les soumettant au seul vote du parlement en 2008. Bien joué, puis la crise de l’euro de 2010 permit à la Banque Centrale Européenne de récupérer des pouvoirs régaliens majeurs et en 2013 l’Union bancaire lui attribua la supervision bancaire lui permettant le contrôle de l’Europe. Depuis, l’oligarchie des technocrates européens de la Cour, de la Commission et de la Banque Centrale Européenne dirigent l’Europe et donc la France.

    L’utopie Européiste depuis Napoléon

    Quelle fut l’attitude de la Technocratie française dans la construction européenne ? Utilisons l’histoire et raisonnons par analogie.

    Remontons d’abord à l’utopie européiste de Napoléon. Dans son Mémorial de Saint Hélène, il a évoqué sa volonté d’une fédération des peuples d’Europe car «  une de mes grandes pensées a été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques…  ». Ce qu’il nomme son «  Système  » s’inspire de deux principes  : renforcer la tutelle politique et militaire et assurer l’hégémonie par une politique d’inspiration mercantiliste. L’analogie avec la visée américaine sur l’Europe est immédiate. Son utopie européiste, Napoléon l’a effectivement déployée de Séville à Königsberg, de Lübeck à Reggio de Calabre, de Brest à Lublin. Pendant quinze années, s’appuyant sur une nouvelle haute-administration, Napoléon a construit une Europe avec d’abord une union par un grand marché grâce au blocus continental, ensuite une unification par le droit et enfin une rationalisation administrative.

    De là, passons l’observation de Zemmour sur les technocrates français impliqués depuis 1957 dans la bureaucratie européenne  : «  Ils retrouvaient aussi, souvent sans s’en douter, les reflexes et les ambitions des conseillers d’Etat de trente ans, envoyés par Napoléon dans toute l’Europe pour gouverner et moderniser – aux normes françaises –  : code civil et administration efficace et non corrompue – les royaumes d’alliés de l’Empire français.  A l’époque, l’Empereur jugeait que ces jeunes gens brillants oubliaient un peu trop les intérêts de «  l’ancienne France  », comme on disait alors, au bénéfice de leurs populations d’adoption.15 » Effectivement pendant que Napoléon construisait l’Europe au pas lent de sa Grande Armée cosmopolite, ses haut-fonctionnaires travaillaient à l’extension de la Révolution aux dimensions de l’Europe. La Révolution et ses Lumières devenaient le règne de l’Etranger, d’où leur oubli de la France et son Etat, qu’ils étaient censés servir.

    D’où l’analogie avec ce qu’en 1965 De Gaulle nomma l’ «  aréopage technocratique, apatride », car nous savons que ce sont essentiellement des technocrates français qui mirent en place la Commission de Bruxelles autour de laquelle les lobbies permettraient de faire du «  Business  » en usant de corruption. L’utopie européiste est bien le règne de l’Etranger et à croire Christopher Soames, ancien vice-président de la Commission européenne «  Dans une organisation internationale, il faut toujours mettre un français, car ils sont les seuls à ne pas défendre les intérêts de leur pays  ».

    Un transfert d’allégeance

    Plus les technocrates français s’impliquent dans l’Europe, plus ils opèrent un transfert d’allégeance au détriment de l’omnipotent Etat-providence français. Celui là même qui permet le pillage de la nation à l’élite financière, issue du Directoire. Et c’est bien là le second risque qu’a mal évalué l’Etablissement dans son scénario de substitution de l’élite politique disqualifiée par la Technocratie, avec laquelle pourtant il a souvent établi des liens matrimoniaux.

    Les technocrates français ont pris conscience que les carrières se fabriquent au sein d’organismes internationaux. La technocratie républicaine a donc compris son intérêt à devenir le commis apatride de l’« internationalisation polymorphe du marché  », suivant la belle expression de Taguieff. Ne fantasmons pas sur les liens entre Macron et la Trilatérale. Liens relevés par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon : «  Ainsi, information peu relayée par les journalistes dans la profusion de sujets qui lui ont été consacrés : Emmanuel Macron a été l’invité du groupe Bilderberg en 2014 entre son départ du secrétariat général de l’Élysée et sa nomination comme ministre de l’économie16. » En revanche interrogeons nous sur ce que feront les technocrates une fois au pouvoir. Si ils se laissaient aller dans le sens de leur utopie européiste il est probable que Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon aient vu vrai en pensant que l’ordre du jour serait «  la dégradation des services publics au bénéfice des investissements privés.  » C’est-à-dire pour l’Etablissement, la fin de la manne financière issue des travaux du service publique.

    De quoi remettre en cause le modèle oligarchique circulaire des dynasties répuplicaines. L’élite financière serait en opposition avec l’élite des technocrates français et l’enjeu de leur lutte devuendrait alors la maitrise de l’élite médiatico-culturelle.

    Du risque à l’opportunité

    Oui, l’élite financière pourrait être «  menacée de succès  » en cas de réussite la candidature Macron à la présidentielle de 2017 car la Technocratie, porte deux tendances utopistes lourdes et compatibles  : l’expertocratie et l’européisme.

    C’est ainsi que si l’un ou les deux risques négligés par l’Etablissement venaient à s’avérer après la prise de pouvoir politique par la Technocratie, leurs conséquences pourraient devenir une opportunité pour la stratégie d’un prince chrétien du XXI° siècle.

    Depuis les années 1970, le sociologue d’Action française Michel Michel, reprenant17 une des clés de la démonstration maurrassie

  • Elite médiatique et coup de force, par Philippe Germain.

    La technocrature, maladie sénile de la démocratie  : (13/14)

    Le coup «  par le haut »

    Au début 2016, pour déployer son scénario dégagiste, l’Etablissement à besoin d’un présidentiable incarnant son projet. Les influenceurs Alain Minc et Jacques Attali lui proposent Emmanuel Macron, Technocrate sortie de l’ENA, banquier d’Affaire, ancien secrétaire-adjoint de l’Élysée et actuel ministre de l’économie. Celui-même qui au mois de mars 2016 présente François Hollande comme « le candidat légitime » de son camp.

    philippe germain.jpgPourtant, un mois après, Macron annonce sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle. Minc et Attali ont exécuté la phase décisive du scénario. Une équipe de campagne est discrètement constituée de technocrates issus des cabinets ministériels. Fin aout Macron démissionne du gouvernement. L’acteur du futur «  hold-up démocratique  » est en place.

    La seconde phase du scénario est celle du déblaiement. Celle du «  modèle de révolution gantée  » dirait Charles Maurras. C’est une séquence très courte. En novembre 2016 Macron annonce formellement sa candidature et à la stupéfaction générale, quatorze jours plus tard Hollande renonce à se représenter. Les amateurs de Si le coup de force est possible (1908), reconnaissent dans le président de la République, le Monk permettant à la Technocratie de sauver le pays légal affaibli. Effectivement le désistement du Président de la V° République s’apparente au «  coup n° 1  ». Celui-ci, précise Maurras, est «  frappé d’en haut  » soit par le maitre de l’heure, le chef d’Armée, ou par le chef de l’Etat. Par son renoncement inédit dans l’histoire de la V° République, le chef de l’Etat ouvre la voie au scénario dégagiste des dynasties républicaines.

    Pour Maurras, une révolution par le haut suppose «  un minimum d’action secrète joint à un capital d’efforts antérieurs  ». L’action secrète  ? Probablement celle des commis de l’Etablissement persuadant Hollande qu’il était préférable pour lui de miser sur une réélection en 2021. Le capital d’efforts antérieurs  ? C’est la mise au point par Hollande, d’une cellule clandestine à l’Elysée et d’une «  bande de conspirateurs vigilants  » s’appuyant sur quelques policiers et juges. Ces « comparses d’histoire rodant derrière le théâtre  » permettront de disqualifier l’adversaire conservateur dès le premier tour pour faire profiter Macron au second, de l’effet plafond de verre du national-populisme.

    2.jpg

    Structure clandestine et moralisation

    Comme le centre-gauche, le centre-droit à organisé des primaires pour redorer l’image ternie de l’élite politique. Entre la candidature de Macron et le renoncement de Hollande, «  la Droite et le Centre  » s’est choisi François Fillon comme incarnation.. C’est une surprise car les sondages ont longtemps donné une large avance pour Juppé-Sarkozy et la remontée du vote Fillon a atteint son score le plus haut avec 30  % d’intentions de vote, restant 14,1 points en dessous de son résultat au premier tour. Au second 66,49 % des votes militants se portent sur lui. L’homme a utilisé les catholiques de la Manif Pour Tous – réduite à Sens Commun – pour gagner la primaire de la droite. Les catholiques conservateurs savent se montrer efficaces depuis que leur échec face au mariage homosexuel leur a fait comprendre la nécessité de s’organiser en minorité active. En réalité Fillon est leur faux champion et Mathieu-Bock-Côté peut dire  : «  C’est ainsi qu’on a transformé en certains milieux la candidature de François Fillon en occasion de renaissance conservatrice pour la France. C’était un peu malgré lui : I ‘homme ne s’était jamais reconnu dans cette vocation providentielle de sauveur de la civilisation. On I ‘a pourtant imaginé dans ce rôle… Étrangement, l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy devenait I ‘homme du grand refus. On misait sur lui pour renverser l’époque.1  »

    Pour réaliser la troisième phase de son coup de force démocratique, l’Etablissement va solliciter l’élite médiatique. Celle-ci recevra les dossiers occultes de la «  police politique  » jadis dénoncée par Léon Daudet2. Les accusations seront étayées par une judicature «  aux ordres  », validant le précepte d’Action française  : par tous les moyens, même légaux . Le dossier a déjà été constitué par la structure clandestine montée par l’Elysée qui a la capacité d’orchestrer des affaires judiciaires pour éliminer des adversaires. Cette structure démasquée par l’ouvrage Bienvenue place Beauveau3, articule le service de renseignement financier de Bercy, la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces, des magistrats – recevant de l’Elysée des consignes orales – alimentés et épaulés par des d’officiers de police judiciaire en poste à l’Office central de lutte contre la corruption, les infractions financières et fiscales. Comme les choses sont bien faites – ne parlons pas de complot car le mot est réservé aux ennemis du Système –, le patron de Bercy est Michel Sapin, un ami de quarante ans de Hollande ; le coordinateur du renseignement est Yann Jounod, un préfet socialiste ; le patron de la DACG, Robert Gelli, a partagé la chambrée de Hollande et Sapin lors du service militaire. Cette structure, Hollande va la mettre au service du scénario «  dégagiste  », pour éviter qu’un successeur mal intentionné ne cherche à faire un bilan de son quinquennat.

    Le dossier servira de point d’appui au levier de la campagne électorale. Celui-ci a été déterminé par une méthode de la technocratie américaine. Les algorithmes, appliqués sur le Big Data constitué par enquêtes auprès du pays réel, conseillent la moralisation politique comme levier. Pour dégager l’élite politique, ce vieux monde des «  tous pourris  », il faut un «  nouveau monde  » qui moralisera la vie politique. Voilà le levier que l’élite médiatique doit actionner sur le point d’appui des dossiers fournis par la structure clandestine à la judicature aux ordres. Les médias placeront au premier plan les problèmes de morale politique de Fillon en minimisant ceux de Macron. Une fois au pouvoir il sera toujours temps de  renoncer à l’expression «  moralisation de la vie publique  », qui avait quelque chose de noble, de grand, annonçant comme une vaste opération de nettoyage des écuries d’Augias.4 pour le transformer en un vaseux projet de «  loi pour la confiance dans notre vie démocratique  ».

    La prophétie réalisée

    Pour actionner le levier moralisation, les servants seront ceux de l‘artillerie médiatique, les intellectuels de notre époque. Si l’on veut comprendre l’élite médiatique on doit visualiser le documentaire Les nouveaux chiens de garde5 réalisé en 2012. Non pour son évocation d’Alain Minc et de Jacques Attalli mais parce qu’il confirme le bien fondé du livre prophétique (1903) de Maurras L’avenir de l’Intelligence, dans lequel il annonça le temps ou «  les places, le succès ou la gloire récompenseront la souplesse de l’histrion  : plus que jamais, dans une mesure inconnue aux âges de fer, la pauvreté, la solitude, expieront la fierté du héros et du saint  : jeûner, les bras croisés au-dessus du banquet, ou, pour ronger les os, se rouler au niveau des chiens 6 ». Les intellectuels sont bien ces histrions se roulant tellement au niveau des chiens que dans sa présentation Les nouveaux chiens de garde, il les symbolise se jetant sur les sucres lancés… l’élite financière, ces «  maitres de l’Or  ».

    Cette artillerie médiatique sera financée par certaine entreprises et personnalités du monde des affaires, identifiées dans le dossier «  Le Système et ses connivences7  » du mensuel Monde et Vie de Guillaume de Tanouarn, qui ne fait pas mystère de son maurrassisme. Il cite Pierre Bergé, Xavier Niel (Free), Marc Grossman (Célio), Claude Bébéar (Axa), Matthieu Pigasse (Banque Lazare), Marc Simoncini (Meetic), Didier Casas (Bouygues), Alexandre Bompard (Darty, FNAC), Henry Hermand et ceux qui ont placé leurs hommes auprès de Macron  : Drahi (numéricable, SFR) avec Bernard Mourad ( Morgan Stanley), puis Bernard Arnault (LVMH) avec Denis Delmas (TNS Sofres). Avec leur soutien, Macron n’aura pas à bourrer les urnes car les médias vont bourrer le crane des citoyens. Ces médias sont  : La dépêche du Midi, le Groupe Canal+, BFMTV, Libération, L’Express, Stratégies, Le Parisien, les Echos, Les Inrocks, radio nova, Le Monde et l’Obs…. Et Richard Dalleau précise dans Monde&Vie  : «  La majorité des médias est désormais entre les mains de huit grands groupes industriels et financiers, pour qui ils sont de naturels débouchés publicitaires, mais surtout de formidables outils d’influence.8 »

    L’artillerie médiatique

    Sans fantasmer, apprécions la cohérence des dates, quant à la préparation d’artillerie médiatique et juridique contre Fillon. Le Canard enchaîné du 25 janvier 2017 utilise le dossier de la structure clandestine pour affirmer que Penelope Fillon, est rémunérée fictivement pour un emploi d’attachée parlementaire auprès de son mari. Le jour même, le levier de la moralisation de la vie publique est activé par le parquet national financier (PNF) ouvrant une enquête préliminaire pour détournements de fonds publics, abus de biens sociaux. Le 1er février, le dossier permet au Canard de revoir à la hausse les salaires de Penelope et de mentionner une somme versée à deux de ses enfants. Fillon est mis en examen le 14 mars pour « détournements de fonds publics » et « manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ». Grace au dossier, l’enquête s’étend le 16 mars aux costumes de luxe offerts avec un réquisitoire pour « trafic d’influence ». Les juges nourrissent les médias leurs permettant de discréditer le principal obstacle de l’élite politique entre Macron et l’Élysée. Cela crée un bruit médiatique évitant d’aborder le débat sur les soucis du pays réel. Pour alimenter le spectacle, des manifestation «  citoyennes  » accueillent Fillon dans ces déplacements avec cris, pancartes et concert de casseroles. Si nous suivons Dalleau dans Monde&Vie d’avril 2017  : «  Le traitement médiatique des affaires pendant la campagne aura été particulièrement révélateur de ce soutien [à Macron]. Trafic de médailles, déclaration de patrimoine à trous, frais de bouche de Bercy… la litanie des casseroles macronniennes, sitôt sorties dans la presse, sitôt enterrées par des démentis du candidat pris pour argent comptant par nos confrères donne le vertige…À l’inverse, pour Fillon, pas une semaine sans que Le Canard ne sorte un nouvel épisode du Penelope s’Gate, du Costume s’Gate et pourquoi pas du Caleçon s’Gate. Il fallait en général moins de 24 heures pour que le moindre rebondissement judiciaire aboutisse dans les médias… et là, le sens critique de nos confrères vis-à-vis de la défense était bien affûté.  »

    A la date symbolique du lundi de Pâques, Monseigneur le comte de Paris – s’inscrivant ainsi dans la «  ligne  » protectrice et conservatrice d’Henri V, de Philippe VII, de Philippe VIII, de Jean III – apporte officiellement son soutien au candidat conservateur, «  compte tenu de la gravité de la situation pour notre pays  ». Ce grain de sable de la vieille France n’est pas en mesure d’enrayer le coup n°1. Au premier tour de la présidentielle, les conservateurs atteignent 20,01 % et sont donc dégagés de justesse. C’est l’heure de vérité sur l’état véritable de la guerre culturelle et Mathieu Bock-Cotê explique  : «  La candidature Fillon était aussi perçue comme I ‘aboutissement d’un bouillonnement idéologique de plusieurs années, ayant entrainé la renaissance politique du conservatisme. On se racontait des histoires. Car si la présidence Hollande constituait une image navrante de la gauche, le progressisme n’en conservait pas moins l’hégémonie idéologique. La multiplication des éditorialistes et intellectuels en dissidence avec le politiquement correct témoignait certainement de la contestation de ce dernier mais pas de son effondrement.9  » Pour gagner la Guerre culturelle, la métapolitique est insuffisante et il faut disposer d’une doctrine politique cohérente, issue d’une synthèse idéologique adaptable aux évolutions du temps. Ce n’est pas le cas du conservatisme. L’ouvrage est devant lui. En revanche si nous suivons Bock-Coté  : «  Si l’effondrement de la campagne de François Fillon a été une catastrophe pour le camp conservateur renaissant, il a surtout permis au système médiatique de reprendre le contrôle des termes du débat public qui lui avait échappé. Depuis quelques années, la vie politique avait été à ce point réoccupée par les préoccupations populaires que les médiacrates en devenaient fous. Ils avaient décrété que les aspirations identitaires et sociétales mobilisées dans la vie politique traduisaient des paniques morales encouragées par le machiavélisme populiste. L’immigration, l’identité, la mutation anthropologique : ils voyaient dans ces thèmes émergents la preuve de l’offensive conservatrice qu’il faudrait contenir et renverser. 2017 a permis ce renversement.  » Le jugement est rude mais peut-être salutaire.

    Pôles idéologiques

    Le candidat sorti du chapeau du pays légal atteint 24,01 %. La candidate national-populiste n’est qu’en seconde position avec 21,30 %. L’élite politique socialiste est spectaculairement dégagée avec 6,6 % tandis que la France Indigéniste crée la surprise avec 19,58 %. Il faudra nous interroger sur le pole idéologique qui l’a rallié  ; ce pole que Michel Michel nomme «  le pôle islamiste10  ».

    Le second tour ne va être qu’une formalité compte tenu de l’instrumentalisation de la peur mise au point par certains clubs de pensée et laboratoires d’idées comme Bruegel ( think-tank européiste), la Fondation Jean Jaurès ( du P.S.), Terra Nova (progressiste), mais aussi par des tètes chercheuses comme Jacques Attali (libéral libertaire), Louis Gallois (gauche), Alain Minc (libéral), Laurent Brigogne (patronat). La dernière phase du coup de force démocratique s’appuie obligatoirement sur le combat culturel préparé idéologiquement par une minorité active. Cette minorité soutient l’externalisation des fonctions souveraines de l’État vers des instances supranationales (Union européenne, OTAN, TAFTA, etc.). Son libéralisme/libertarisme s’accorde avec la philosophie contractualiste de ce que l’Action française nomme le «  pôle idéologique des valeurs républicaines  » qui «  réactualise le vieux courant du «  contrat social  » du XVIIIe siècle. Il s’agit d’émanciper l’individu des déterminations qu’il n’a pas choisies  : déterminations sociales, culturelles, familiales, voire «  naturelles  » (cf. la dénonciation des «  stéréotypes de genre  »). Pour ceux-ci, la nationalité française ne se fonde pas sur l’appartenance à un groupe humain déterminé, mais sur l’adhésion aux grands principes du mouvement révolutionnaire : universalisme, égalitarisme, laïcisme… La France est moins la patrie des Français que celle des «  droits de l’Homme  » (avec un H majuscule) 

  • La gestion autoritaire de la crise sanitaire ou l'effondrement de l'Occident, par Thomas Dilan.

    OPINION. Pour notre abonné, le message d’Emmanuel Macron du 12 juillet fracture le pays et le plonge dans une parenthèse autoritaire qui ébranle les fondements du vivre-ensemble républicain. Au-delà de la question sanitaire, c’est le mode même de développement de l’Occident qui semble être en cause. Comment en est-on arrivé là ? Que faire ?

    5.pngL’allocution d’Emmanuel Macron marque le passage en force et l’incapacité à répondre aux questions complètement légitimes que des millions de Français se posent. Comment faire confiance à un vaccin utilisant une nouvelle technologie en phase de test, dont les effets secondaires ne seront pleinement connus qu’à échéance de deux ans ? Un sérum proposé, de surcroît, par une industrie condamnée par la justice à des centaines de reprises (71 condamnations et 4,684 milliards d’amendes rien que pour Pfizer en 20 ans) et qui, en l’occurrence, s’est déchargée de toute responsabilité sur l’État ? Qui semble, elle-même, n’avoir pas confiance dans son produit ? Emmanuel Macron demande de faire confiance à des multirécidivistes qui, dans le cas présent, ont obtenu l’assurance qu’ils ne pourraient pas être condamnés. Des entreprises qui n’assument pas la responsabilité de leurs produits et de leurs actes.

    Y a-t-il besoin d’aller plus loin ? Allons-y. Comment se fait-il que les gouvernements donnent leur feu vert à un vaccin encore en phase de test alors que l’hydroxychloroquine, médicament aux effets secondaires archi connus et en vente libre depuis 50 ans, a été soudain — et avec quelle férocité — interdite de prescription, faute « d’essais randomisés en double aveugle » ? Comment accepter ce deux poids deux mesures ? Comment faire confiance à des personnes qui ont fait et continuent de faire interdire les traitements bon marché disponibles (hydroxychloroquine, ivermectine…) ? Les mêmes personnes qui, d’ailleurs, ont aussi déclaré à deux mois d’intervalle avec la même docte assurance, d’abord que les masques ne servaient à rien, puis qu’ils étaient indispensables, sans faire le moindre mea-culpa ?

    Comment faire confiance à des dirigeants qui maintiennent au dit Conseil scientifique des personnes à l’incompétence avérée et en liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, et donc en conflit d’intérêts avec leur mission de service public ? Comment faire confiance, encore, à une industrie qui est à l’origine des variants britannique et indien (Delta) ? D’après l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHUM), c’est en effet bien le Remdesivir qui est en grande partie à l’origine de ces deux variants, dont le premier a causé la troisième vague et le second porte la quatrième. Merci Gilead ! Et pourtant ce dernier est parvenu à vendre ce produit à la Commission européenne juste avant que son inefficacité puis sa nocivité soient démontrées. Et persistant — Errare humanum est, perseverare diabolicum —, il est parvenu à le fourguer à l’Inde, où ledit médicament est à l’origine des ravages que l’on sait.

    La prémisse des huit vaccins supplémentaires pour les nouveau-nés en 2018. Comment faire confiance à cette industrie qui, en France en 2018, a rendu obligatoires huit vaccins supplémentaires pour les nouveau-nés, alors que la mortalité infantile était stabilisée depuis des décennies et que rien ne justifiait pareille mesure ? Pour mémoire, l’interdiction du caractère obligatoire du vaccin fut contournée, dans un cynisme là encore absolu, en conditionnant l’accès aux crèches et aux écoles à la vaccination… Un gros coup de Big Pharma. En particulier asséné aux nouveau-nés, dont elle casse d’emblée les ressorts naturels de l’immunité et injecte dans le corps toutes sortes de métaux nocifs. Clients à vie garantis pour cette industrie. Un scandale passé comme une lettre à la poste grâce au relationnel — en l’occurrence, les liens anciens et notoires entre Emmanuel Macron et Sanofi —, à la stratégie du doute — La fabrique de l’ignorance, F. Cuveillier et P. Vasselin, 2020 —, qui consiste, via des études scientifiques à la commande, à semer le doute : dans telle circonstance, il y a eu un cas de ceci… et le principe de précaution fait le reste. C’est ainsi que Big Pharma est parvenue à imposer ces huit nouveaux vaccins valant Graal économique : une situation de rente massive renouvelée chaque année par les centaines de milliers de nouvelles naissances.

    Un vaccin qui protège à 95 % des formes graves alors que le virus épargne 99,94 % des personnes ? Pourquoi me vacciner alors que la létalité pour les personnes de moins de 65 ans et sans comorbidité avoisine les 0,06 % ? D’après l’IHUM toujours, avec traitement précoce, la létalité du Covid se situe à environ 0,5 %, soit déjà deux fois moins que la moyenne nationale. Surtout, elle touche pour 88 % des personnes ayant moins d’un an d’espérance de vie. Ainsi, pour les personnes ayant plus d’un an d’espérance de vie, et avec prise en charge, la létalité s’établit à environ 12 % de 0,5 %, soit 0,06 %. Qui affirme que c’est supérieur à la grippe ? Et pourquoi donc prendre un vaccin qui protège à 95 % des formes graves alors que j’en suis déjà protégé à 99,94 % ? Le principe du vaccin ne vaut-il pas qu’en l’absence de traitement ? N’est-ce pas une condition de l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) ? Les très nombreux positifs asymptomatiques ne sont-ils pas la preuve qu’un bon terrain est décisif et constitue un très bon vaccin ? Autres limites du vaccin : il ne protège que partiellement (60 à 80 % d’après l’IHUM) et le vacciné demeure contagieux ; ce qui contraint ainsi à atteindre un haut nombre de vaccinés (90 %) pour arriver à l’immunité collective. L’embuscade de Big Pharma depuis le début de la « pandémie » est manifeste. Il faut être aveugle pour ne pas le voir.

    Le refus du débat et la négation de l’altérité, prémisse de l’effondrement

    Enfin, pourquoi refuser le débat avec des scientifiques et professionnels de santé de premier plan qui proposent des analyses étayées, mais qui sont exclus des médias pourtant financés par le contribuable et même censurés de YouTube, comme les Pr Christian Perronne, Alexandra Henrion-Caude, le Dr Louis Fouché et autres membres du Conseil scientifique indépendant ? De quoi le gouvernement a-t-il peur ? À part de la vérité ? Comment faire confiance dans un tel contexte de déni de démocratie ? Ce dernier aspect témoigne de la gravité d’une crise qui touche notre démocratie dans son fondement, à savoir : le respect de l’altérité et son corollaire, le respect du débat. Nier l’altérité et le débat, c’est nier la démocratie et le vivre-ensemble républicain. Au nom de quoi… ? De la toute-puissance économique et sanitaire d’un tout petit nombre ? Cela ne tiendra pas. Aucun passage en force ne tient. L’Histoire l’a montré. Et encore plus aujourd’hui où tout se sait. Cette tentative de passage en force, aboutissement de la négation de l’altérité à l’œuvre depuis le début de la crise, signe l’amorce de l’effondrement de ce système.

    Un modèle économique nauséabond

    Une troisième dose de vaccin est d’ores et déjà à l’ordre du jour dès l’automne. On ne change pas un modèle qui rapporte ! Même aux personnes ayant été malades et ayant développé les anticorps, une injection est quasi requise, par « précaution ». Au mépris des lois fondamentales de l’immunité. Toujours cette non-confiance au corps humain, ce désinvestissement du pouvoir intérieur, et la seule validité et toute-puissance de la solution extérieure (sonnante et trébuchante). Big Pharma ne saurait souffrir qu’une possibilité naturelle puisse lui faire quelque ombrage, quelque concurrence. Avec toujours la stratégie du doute, le levier de la peur et le principe de précaution instrumentalisés à outrance. Un horizon économique se dévoile : 90 % de la population mondiale qui passe à la casserole de Big Pharma tous les 6 mois. Hallucinant et inédit dans l’histoire de l’humanité. Jamais aucun business n’est parvenu à une telle prédation.

    On ne peut pas comprendre cette pandémie sans comprendre le modèle économique nauséabond à l’œuvre dans l’industrie pharmaceutique ces dernières décennies (Peter Gotzsche, Remèdes mortels et crime organisé — comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé, Pu Laval, 2015). Les milliards rendent fous. Et nourrissent une hubris et une volonté de toute-puissance planétaire, grisante. Ceux-ci sont patents dans l’allocution d’Emmanuel Macron : « Nous allons vacciner le monde entier ! » Et avec quel ton péremptoire. Nous, les puissants, les tout-puissants, nous avons le pouvoir sur le monde entier. Nous avons les moyens de vous faire vacciner, et de faire vacciner le monde entier. Le tout symboliquement scandé entre les deux jambes de la tour Eiffel : suprématie du phallus, de la force. Suprême arrogance de « l’homme maître et possesseur de la nature », parfaitement incarnée dans ce symptôme de l’inconscient collectif qu’est un chef d’État.

    L’effondrement du modèle occidental : toute-puissance de la solution extérieure contre le pouvoir personnel

    La civilisation occidentale s’est construite dans un rapport de dualité avec la nature, et avec la technocratie comme remède. Le modèle de santé occidental en est la parfaite illustration, avec cette exacerbation des remèdes extérieurs, jusqu’à en devenir des poisons. Mais c’est tout le système économique qui est fondé sur cet abandon de pouvoir personnel et sur la valorisation de solutions extérieures. Dans lesquelles s’est engouffrée la machine commerciale, au profit de quelques personnes exploitant le filon à outrance ? Telle est la racine de la crise que nous traversons. « Vous voulez de l’extérieur ? OK, vous allez boire le calice jusqu’à la lie… jusqu’à que vous compreniez. » Toute entreprise qui veut accroître son profit cherche à accroître la dépendance vis-à-vis de son produit, ce qui se fait toujours au détriment de mon propre pouvoir. C’est tout particulièrement vrai s’agissant de la santé : l’industrie pharmaceutique a un (puissant) intérêt économique à ce que les gens consomment du produit pharmaceutique, et pour cela, se sentent faibles et en danger. C’est un fait. La médecine chinoise traditionnelle avait trouvé la parade à ce hiatus en ne rémunérant le médecin qu’en cas de non-consultation. Donc ce dernier avait intérêt à ce que ses patients soient en bonne santé et indépendants ! Génial. Or, ceci rejoint précisément le fondement de la santé posé par Claude Bernard, qui proclamait que « le microbe n’est rien, le terrain est tout », invitant ainsi à renforcer ledit terrain, aux plans physique (vitalité, exercice physique, alimentation…), émotionnel (gestion du stress et des émotions), et mental, en veillant à ce que j’ingère comme information et aux histoires que mon esprit se raconte.

    Le pouvoir n’est alors plus donné à l’extérieur, à tel ou tel virus ou à tel ou tel remède. Au contraire, je nourris mon propre pouvoir, mon niveau de vitalité en vue de « faire avec », digérer, transmuter. L’immunité exceptionnelle acquise, par exemple, par Wim Hof via des procédés naturels est notoire. S’agissant du Covid-19, tout est donc parti de l’inversion de cette équation de base de la santé, devenue « Le microbe est tout, le terrain n’est rien », et pour ce faire, de la terrification des gouvernements avec les modélisations délirantes de Neil Ferguson (500 000 morts prévus en 2 mois, pour la seule première vague, pour le Royaume-Uni ou la France). À partir du moment où Big Pharma est parvenue à implanter cette peur collective — débilitante et immunodéficiente — et cette équation erronée dans le mental des dirigeants et dans l’inconscient collectif, via les médias, tout en privant des moyens de se ressourcer, un grand pas vers la vaccination de masse était fait. À cela s’est ajoutée l’interdiction du seul traitement disponible, un médicament pourtant archi connu en vente libre depuis 50 ans — mais dans le domaine public et bon marché… oups ; puis les attaques et dénigrements des autres traitements identifiés sur le terrain, notamment l’ivermectine. Eh oui, car il en allait là d’un prérequis pour le vaccin : l’absence de traitement. Un deuxième pas était fait. Dernier acte : le confinement et le pass sanitaire qui conditionnent le recouvrement de la liberté et du lien social à la vaccination.

    Quelles alternatives ?

    Cesser cette psychose collective et ce culte de la peur, extrêmement immunodéficients, très probablement à l’origine des « orages de cytokines » responsables des formes graves du Covid — cf la lumineuse conférence intitulée La médecine et la santé publique à l’épreuve du Covid donnée par l’anthropologue de la santé Jean-Dominique Michel, le 21 mai 2021 à l’IHUM. Indispensable et méritant la plus large des diffusions ; renouveler complètement ledit Conseil scientifique et accepter le débat ; laisser les médecins prescrire les traitements qu’ils veulent et promouvoir les différentes mesures porteuses d’un bon terrain, sur les plans physique, émotionnel et mental. Mais un tel aveu d’erreurs commises et d’incompétence condamnerait l’ensemble de l’exécutif à la démission et à des poursuites pénales. Ils le savent, et n’ont donc d’autre issue que de poursuivre dans la même logique : continuer à nourrir la peur immunodéficiente et imposer la vaccination.

    Ceux qui adhèrent à la doxa bénéficient indéniablement d’une belle tranquillité d’esprit : ils sont en harmonie avec les autorités, des bons citoyens, disciplinés et solidaires. En face, se dresser face à ce rouleau compresseur, poser ces questions légitimes relève désormais de l’acte de résistance. Rude. Pas facile de choisir Londres en 1940. Pas facile, la non-servitude de La Boétie, la désobéissance civile de Thoreau et Gandhi. On en prend la mesure. La tranquillité des vaccinés fait envie. Mais le modèle est absolument trop vicié pour pouvoir céder à la tentation. Un biais cognitif profond se dégage de cette crise comme une sidération planétaire. Une hystérisation du modèle occidental d’abandon du pouvoir personnel à la toute-puissante machine techno mercantile et ses solutions extérieures.

    Nombre de dirigeants et promoteurs de la doxa sont probablement de bonne foi et se font vacciner. Très bien, mais cela ne leur donne en rien le droit de l’imposer aux autres. Leur aveuglement paraît relever d’un biais cognitif profond, structurel. Un biais qui est dans la structure même de la société actuelle (la dualité avec le monde extérieur), et dont ces personnes sont la quintessence, le symptôme, la partie visible. Comme enferrés dans une matrice qui les englobe, ils sont incapables d’en sortir. D’où cette fuite en avant.

    Ainsi, alors que les collapsologues étaient polarisés sur les aspects climatiques et évoquaient 2030 comme échéance, c’est en fait par la santé que l’effondrement de l’Occident est en train de se produire, et c’est maintenant, en 2021. Interdit de guerre pour cause de menace atomique, l’hubris de l’homme s’est reporté sur la finance, la technique, le pouvoir et… la santé. Sensation, aussi, d’une humanité qui, sentant la « vraie vie » lui échapper, piégée devant son smartphone et ses séries, dans une zone de confort techno mercantile et déshumanisante et sans avenir, joue à se faire peur, et provoque d’elle-même l’effondrement de ce système.

    Quelles ressources ?

    Au plan individuel, la non-identification, déjà. Ne pas être identifié comme l’acteur qui joue sa scène, la vit, mais conserve son identité séparée de ce qu’il se joue. Alors il est possible de voir cet évènement collectif en posture de témoin. Et de lâcher l’âpreté de la posture de dualité. Un conflit demeure, certes. Mais la non-identification permet d’accéder à un espace plus profond, où je peux rester profondément relié au monde, au vivant, à la Totalité. Et la non-identification n’empêche en rien le combat. Au contraire. Car si, comme intimé au guerrier Arjuna dans la Bhagavad Gîtâ, je ne suis pas identifié, alors je peux accéder à l’Aïkido de Morihei Ueshiba : ne pas être dans une opposition frontale avec la force extérieure, mais « faire avec », « utiliser les creux », et « la laisser tomber là où elle voudra tomber » le moment venu. La haine est inutile et contre-productive. Convoquons aussi le « satyagraha » de Gandhi : littéralement « s’accrocher à la vérité » et laisser celle-ci faire son œuvre. Joint à l’inébranlable « résolution » de Lao Tseu, « résolu pa

  • RECONSTRUIRE LA DEFENSE DU TERRITOIRE, par le Général (2s) Vincent Desportes.

    Général (2s) Vincent Desportes (*)
    Ancien directeur de l’Ecole de Guerre

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    Il y a quelques semaines, le général Desportes nous alertait sur le risque croissant d’un conflit de haute intensité (voir le numéro 150 d’ESPRITSURCOUF). Poursuivant son analyse, il en vient à souhaiter la résurrection d’un ancien concept, qu’on appelait autrefois la D.O.T., la Défense Opérationnelle du Territoire.

    Nos belles armées ont d’immenses qualités, dont celle de l’excellence. Elles ont quelques défauts, le moindre n’étant pas leur manque d’épaisseur, donc leur manque de résilience et de capacité à durer dès lors que les opérations changeraient de nature, de volume et de rythme.

    Mais elles ont un autre défaut, beaucoup plus grave. Le système de forces est organisé sur un modèle dépassé, dont l’économie générale n’a pas varié depuis un quart de siècle. L’environnement, lui, a changé, profondément. Les risques ont grandi et muté, drastiquement. Pourtant, le modèle d’armée est resté identique, ne subissant que de marginales évolutions, techniques et non stratégiques.

    Nos forces armées doivent changer rapidement d’échelle, à l’instar des menaces, mais également intégrer, non par défaut mais par volonté, la menace directe sur le territoire national, avérée et permanente aujourd’hui, menace qui d’ailleurs s’amplifierait dramatiquement en cas de conflit de haute intensité.

    Il faut donc revaloriser l’idée de défense opérationnelle du territoire. Elle est devenue aujourd’hui un concept creux, sans substance, puisque dépouillé de moyens d’action sérieux. La puissance de nos armées doit au contraire reposer sur une base arrière solide, dotée de forces d’active dédiées à sa protection.


    Des modèles dépassés

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    Quel est le problème des armées françaises, qui est en fait celui de la France ? C’est que leur modèle, inchangé depuis la professionnalisation il y a vingt-cinq ans, est fondé sur un monde qui a aujourd’hui disparu.

    Le modèle de la Guerre froide, c’était trois éléments. Un : l’outil central de la dissuasion nucléaire dans ses différentes composantes avec leurs vastes soutiens. Deux : quelques moyens destinés aux opérations extérieures liées, soit à nos responsabilités africaines ou moyen-orientales, soit aux manœuvres de contournement périphériques soviétiques. Trois : un corps de bataille capable d’arrêter (très hypothétiquement) un flux blindé soviétique qui aurait percé les forces alliées dans la « bataille de l’avant », ou bien destiné à être détruit de manière à justifier aux yeux du monde et des générations futures le déclenchement de l’Apocalypse. On conserva quelque temps des forces dites de Défense opérationnelle du territoire, qui avaient toute leur nécessité mais qui, pour préserver l’essentiel supposé et moderniser les parcs et les flottes, furent bientôt offertes en sacrifice aux comptables de Bercy.
    Retournement complet de situation à la chute du mur de Berlin. D’une part l’ennemi n’est plus à « une étape du tour de France », selon l’expression du général De Gaulle. D’autre part, le constat est fait que les armées françaises se battront désormais à l’extérieur du territoire national pour des enjeux qu’il sera difficile de présenter comme vitaux aux citoyens-électeurs. Les présidents Mitterrand (à l’occasion de la Guerre du Golfe) et Chirac prennent acte du fait que le modèle de la conscription est momentanément condamné, d’autant qu’aucune menace ne vise plus directement le territoire national et sa population. En 1996, décision est prise, à juste titre dans les circonstances du moment, de professionnaliser l’armée. Et d’en réduire drastiquement le format. D’abord parce que les temps sont aux illusoires « dividendes de la paix ».  Ensuite parce qu’une armée professionnelle coûte beaucoup plus cher qu’une armée de conscription. Enfin pour préserver les moyens de tenir notre rang, en particulier vis-à-vis de notre grand protecteur d’outre atlantique, dans la course ruineuse à l’hyper-technologie.

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    Une armée professionnelle, mais à effectifs limités. Photo DR

    Année après année nos forces perdent de l’épaisseur, avec deux décrochages terribles sous les présidences Sarkozy et Hollande. Qui pourrait s’y opposer ? Il est impossible de prouver que leur volume est insuffisant pour les opérations somme toute modestes dans lesquelles elles sont engagées. Le modèle est donc celui d’une dissuasion nucléaire réduite mais maintenue, ce qui est parfaitement raisonnable, et d’un corps expéditionnaire à trois composantes – terre, air, mer – apte à mener à bien des engagements interarmées mineurs, mais incapable de conduire des opérations d’ampleur et même de protéger l’intégralité de l’espace national, qu’il soit terrestre ou maritime.


    Un problème de volume

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    Le modèle qui vient d’être décrit n’a pas changé mais, pour leur part, les circonstances ont profondément évolué.


    Il existe d’abord un problème de volume. Nous l’avons dit, nos forces conventionnelles ont d’ores et déjà un format inadapté à la montée des menaces et à la guerre qui vient. Les volumes qui peuvent être engagés à l’instant « T » sont certes à peu près appropriés à nos opérations courantes. Mais ils ne le sont pas du tout à celles que nous pourrions avoir à conduire dans un avenir, peut-être plus proche qu’on ne le pense. Elles manquent d’épaisseur pour être capables de faire face et de durer, d’encaisser le premier choc puis de rebondir afin d’assurer leur mission première de protection de la France et des Français.

    Elles ne sont plus « résilientes » parce que la résilience suppose de l’épaisseur et qu’elles n’en ont pas ; or, la résilience est la vertu capitale des armées qui doivent continuer à opérer dans les pires conditions, lorsqu’autour d’elles plus rien ne fonctionne. Les armées doivent être dissuasives – cela dépasse de très loin la force nucléaire qui n’est qu’une composante du système de dissuasion globale – pour prévenir le danger mais être également capables de s’engager en force dans un conflit de haute intensité. Nous en sommes tellement loin que de simples adaptations incrémentales seraient irréalistes : il faut désormais changer d’échelle.

    On peut jurer comme le ministre de la guerre de Napoléon III à la veille de l’infamante défaite de 1870 : « Nous sommes prêts et archi-prêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats ». Ou encore affirmer haut et fort à l’instar du Président du Conseil Paul Reynaud en septembre 1939 (au moment où la France, malgré son armée inadaptée à la confrontation imminente, vient de déclarer la guerre à l’Allemagne) : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». Ces déclarations tonitruantes ne remplacent ni la clairvoyance ni les efforts ; La France, inclinant aisément à la posture de l’autruche en ce qui concerne ses politiques militaires, doit s’en rappeler. Maintenant !


    Un problème de modèle

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    Il y a ensuite ce problème de modèle. Les armées actuelles ont été construites à partir de 1996 sur la présupposition qu’il n’y avait pas, et qu’il n’y aurait pas, de menaces internes, et qu’elles n’auraient donc pas à s’engager sur le territoire national. Sauf à la marge. Dans ce cas, la ponction minime pratiquée sur les forces expéditionnaires n’en affecterait ni les capacités opérationnelles, ni l’entraînement. Ce postulat est faux désormais.

     

    3.jpgD’abord parce que la menace terroriste, loin de s’estomper, a changé de nature. Elle s’est déployée sur l’intégralité du territoire national et pérennisée sous la forme de frappes individuelles imprévisibles. Cette situation conduit aujourd’hui les armées à immobiliser soit directement sur le terrain, soit en réserve immédiate ou stratégique, dix mille hommes environ. Ce prélèvement, bien qu’utile et légitime, diminue d’autant la capacité d’intervention externe. Mais surtout, en ce temps d’opérations extérieures permanentes, altère profondément la capacité à maintenir l’entraînement au niveau qu’exigent les opérations du moment, sans parler de celles, beaucoup plus violentes et massives, qui sont à venir.

    Ensuite, on ne peut imaginer un conflit de haute intensité qui se contenterait d’être un affrontement de laboratoire, hors sol, entre deux forces de haute technologie, un moderne « combat des Trente ». Immédiatement, l’ensemble du territoire national serait affecté. Il deviendrait la proie d’attaques ponctuelles dans la profondeur et le terrain de crises humanitaires volontairement déclenchées par la cyber-altération des réseaux, voire la cible d’éventuelles agressions d’une « 5ème colonne » dont on aurait tort d’affirmer l’impossible émergence.


    Un problème de forces

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    Le gouvernement devrait assurer la défense aérienne et la défense maritime, mais également déployer sur de vastes zones des volumes de forces importants pour assurer l’ordre sur le territoire et la survie des populations, la sauvegarde des organes essentiels à la défense de la nation, le maintien de sa liberté et la continuité de son action.


    Où trouverait-il ces volumes de forces ? Ils n’existent pas ! Deux solutions s’offriraient alors à lui. Ou bien effectuer des prélèvements importants sur le corps expéditionnaire et de ce fait, le rendre inapte à sa mission première alors qu’il n’est pas préparé pour une bataille de haute intensité (les armées de terre, de l’air et la marine ont commencé à « durcir » leurs entrainements). Ou bien « laisser tomber l’arrière », ce qui se traduirait à court terme par l’effondrement de l’avant. Pour sortir de ce dilemme, il faut adapter le modèle.

    Dans une logique purement comptable, nous avions, pendant la Guerre froide, préféré faire l’impasse sur les forces du territoire en niant une menace pourtant avérée, celle des Spetsnaz, ces forces spéciales russes entraînées en nombre et que la doctrine soviétique prévoyait de déployer chez l’ennemi dès le début d’un conflit pour y assassiner les responsables et y semer le chaos et la panique. Notons au passage que ces forces d’élite existent toujours et qu’elles ont récemment fait merveille tant en Géorgie, en Crimée, en Ukraine qu’au Moyen-Orient.

    Peut-on reconduire aujourd’hui la même tromperie ? Porter nos maigres forces au niveau qui leur permettrait de conduire efficacement leurs combats de haute intensité, sans se préoccuper du problème de l’arrière ? Autant imaginer qu’un boxeur peut se passer de ses jambes !


    Nos forces doivent donc être rapidement restructurées autour de trois composantes : nucléaire, expéditionnaire « de haute intensité » avec leurs trois dimensions terre, air, mer, et défense opérationnelle du territoire. Seul ce système ternaire, coordonné avec les remarquables capacités complémentaires de la gendarmerie dans le domaine de la défense intérieure, est adapté à la réalité des menaces, donc à la dissuasion globale, à la résilience et à l’action. C’est possible, pour un coût minimal. Voici comment.


    Quelles forces, quel volume, quel équipement ?

     

    4.jpgL’effet à obtenir est de déployer sur très court préavis des troupes suffisantes, organisées, sur un terrain reconnu afin de pouvoir quadriller, circonscrire, contrôler, éventuellement réduire, ou bien tenir jusqu’à l’arrivée de forces plus puissantes. Il faut donc des forces territoriales, connaissant parfaitement leur terrain (campagne et agglomérations), rustiques et robustes, autonomes, équipées d’un matériel performant mais sans sophistication inutile.

    Le couple cavalerie légère/infanterie motorisée, accompagné de ses appuis organiques (artillerie, génie, transmission) est adapté à ces missions. Ces forces pourraient être regroupées soit en régiments interarmes, soit en régiments d’armes embrigadés, dotés de matériels performants mais rustiques, véhicules 4×4, mortiers, camionnettes et automitrailleuses en particulier. Il serait dans un premier temps raisonnable de disposer dès que possible du volume d’une demi-brigade à deux régiments et leurs appuis pour chacune des sept zones de défense et de sécurité. Elles seraient placées sous le commandement des officiers généraux de zone de défense et de sécurité (OGZDS) pour la conduite de la défense d’ensemble, les cinq zones ultramarines faisant l’objet d’adaptations locales. La force ainsi constituée serait, dans un premier temps, de l’ordre de la vingtaine de milliers d’hommes.

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    Le CENZUB (centre d’entrainement en zone urbaine) dans les camps de Champagne. On y a construit de toutes pièces un gros bourg avec immeubles pour entrainer l’armée de terre aux combats en ville. Photo JPF

    D’où proviendraient ces forces ?

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    La solution la moins onéreuse serait, comme d’habitude en France, de faire appel à des réservistes locaux convoqués régulièrement pour entraînement. C’est parfaitement illusoire. Tous ceux qui ont vécu la chimère des régiments dérivés connaissent ce qu’ils coutaient en temps et en substance aux régiments dérivants. Ils savent que leur valeur opérationnelle était extrêmement faible, voire nulle, qu’ils étaient équipés de matériels le plus souvent parfaitement vétustes et que leurs tableaux d’effectifs étaient aussi indigents que leur entrainement. Par ailleurs, si haute intensité il y a, elle sera par nature brutale, foudroyante, ce qui est incompatible avec les délais de montée en puissance des régiments de réserve.


    Méfions-nous, donc : la France a déjà trop souffert de sa croyance dans les réserves. En 1940, c’était « nous tiendrons ; en cas de percée allemande, il y aura une deuxième Marne ; nous nous rétablirons ; à l’abri de nos casemates, nous monterons en puissance avec nos réserves pendant un à deux ans avant de refaire du Foch jusqu’à la victoire ». Terrible illusion : le 24 mai 1940 à l’aube les chars allemands étaient devant Dunkerque, le 14 juin le gouvernement français était à Bordeaux, le 16 juin Philippe Pétain devenait président du Conseil. On connait la suite. Évacuons l’hypothèse.


  • L’islam : Une idéologie religieuse ?, par Annie Laurent.

    Comme elle nous l'avait annoncé, Annie Laurent nous envoie la suite de l'article qu'elle nous avait fait parvenir le Jeudi 1er Octobre :

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2020/09/30/annie-laurent-6266882.html

     

    I – DÉFINITION ISLAMIQUE DE LA RELIGION

      Pour désigner la religion, les musulmans utilisent le terme arabe dîn. Or, selon le chercheur d’origine iranienne Mohamed Ali Amir-Moezzi (École pratique des hautes études, Paris), l’équivalence entre les deux mots n’est pas immédiate car « ils appartiennent à des histoires culturelles différentes » et ont eu « des évolutions sémantiques propres ».

    9.jpgDans le Coran, dîn, mentionné à quatre-vingt-douze reprises, revêt trois réalités distinctes qui correspondent à trois périodes spécifiques du déroulement de la « descente » du Livre. Ainsi, dîn a d’abord signifié « jugement » et « rétribution », puis « dette » ou « créance » de l’homme envers Dieu, et enfin la communauté qui se soumet à l’unique et permanente religion (la croyance en l’unicité divine) et aux lois divines (Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 740-741).

     Une religion englobante

    L’universitaire israélien Elie Barnavi en déduit qu’à l’instar du judaïsme, l’islam ne conçoit pas « la religion comme un domaine distinct des autres formes d’activité sociale car tous les deux constituent des systèmes totaux, façonnés dès l’origine par une relation particulière au sacré ». Il en tire ces remarques : « Ici [dans l’islam], pas d’Etat qui précède la “religion” comme dans le christianisme, mais une “religion” qui invente l’Etat pour en faire sa chose, qui se confond avec lui » ; « Ici, pas de partage entre deux “royaumes”, entre Dieu et César, entre la cité de Dieu et celle des hommes. D’emblée, Mahomet est prophète et chef de guerre, fondateur de religion et législateur, dirigeant d’une communauté de croyants (Oumma) qui est en même temps le premier Etat musulman. D’emblée, religion et empire ne font qu’un » (Les religions meurtrières, Flammarion, coll. Champs actuel, 2006, p. 25 et 99).

    Cette confusion des genres justifie la définition proposée par le Père Henri Boulad, jésuite égyptien : « L’islam est un tout ». Depuis le début, « il se veut à la fois religion, Etat et société […]. Dans l’islam se mêlent indissolublement le sacré et le profane, le spirituel et le temporel, le religieux et le civil, le public et le privé ». Et, ajoute-t-il, « le gros problème, c’est que l’islam n’est pas qu’une religion : c’est un système global, globalisant ; total, totalisant, apte à devenir totalitaire » (Christophe Geffroy et Annie Laurent, L’islam, un danger pour l’Europe ?, Ed. La Nef, 2009, p. 78-79). On pourrait parler de consubstantialité entre religion et idéologie.

    « Un communisme avec Dieu »

    Ce système comporte en effet une particularité essentielle. Contrairement aux idéologies athées, l’islam mobilise la vertu de religion (sur ce point, cf. PFV n° 74). Ce qui a inspiré à l’orientaliste Maxime Rodinson, auteur d’une biographie de Mahomet (Ed. du Seuil, 1961) et de La fascination de l’islam (La Découverte, 1989), et lui-même marxiste, cette définition : « L’islam est un communisme avec Dieu ».

    Autrement dit, écrit-il encore : « Il y a [dans l’islam] une similarité avec une idéologie politique laïque comme le communisme, pour laquelle l’application intégrale des recettes formulées par le fondateur doit mener à une société harmonieuse, sans exploitation ni oppression. Par contre, il n’y a pas d’idéologie similaire dans le christianisme : les intégristes chrétiens pensent que l’application intégrale des préceptes du Christ rendrait le monde bon et gentil, mais elle ne changerait pas forcément la structure de la société » (« Sur l’intégrisme islamique », Revue Mouvements, 2004/6 – n° 36, p. 72-76).

    Dans un livre récent sur le salafisme (forme radicale de l’islam), Eric Delbecque, expert en sécurité intérieure, met en garde contre toute confusion entre les diverses formes de totalitarisme qui jalonnent l’Histoire. « L’islamisme n’est pas le fils spirituel du soviétisme agonisant : tout au contraire, il incarne une relève idéologique, une option qui transcende capitalisme/communisme. Le djihadisme n’a pas davantage de parenté avec les groupes gauchistes terroristes des années 1960, 1970 ou 1980. […] Inutile aussi de chercher derrière les “cavaliers sous la bannière du Prophète” des “Etats voyous”, l’Afghanistan des talibans, l’Irak et l’Iran qui joueraient le rôle de “l’axe du mal”, quasiment jumeau de l’“Axe” de 1940 (Allemagne, Italie, Japon) ». Pour cet auteur, « la continuité du mal, du nazisme au djihadisme, d’Hitler à Saddam Hussein en passant par Staline », observable dans la culture politique américaine, relève d’un fantasme (Les Silencieux, Plon, 2020, p. 209-210).

    NB : par « Silencieux », l’auteur désigne le salafisme qui, dans sa version quiétiste représentée par le Tabligh, propage à bas bruit les idées islamistes.

     

    II – TOTALITÉ ET UNIVERSALITÉ  

    La double dimension – religieuse et idéologique – conduit l’islam à se considérer comme « un messianisme triomphant pour ce monde et pour l’autre » (Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran, Cerf, 1996, p. 193). Il s’agit de gagner sur terre (le butin, la victoire, la domination du monde, etc.) et dans l’Au-delà (le paradis, envisagé comme réalité dans le prolongement immédiat de l’ici-bas, donc dépourvu de toute perspective surnaturelle). Le Coran garantit d’ailleurs aux musulmans la victoire dès ici-bas.

    • C’est nous [les musulmans] en vérité, qui hériterons de la terre et de tous ceux qui s’y trouvent (19, 40).
    • C’est Lui [Allah] qui a envoyé son Prophète avec la Direction et la Religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion, en dépit des polythéistes (9, 33).
    • Ô vous qui croyez : si vous aidez Allah, Il vous secourra et il affermira vos pas (47, 4).

    Quand État et religion ne font qu’un

    Pour cela, la confusion entre la religion et le pouvoir politique est inévitable, ce qui explique l’absence du concept de laïcité, voire son rejet. De là résulte la confessionnalité qui caractérise l’organisation de l’État, quel que soit son régime, dans les pays dont la population est majoritairement musulmane. (Sur ce sujet, cf. A. Laurent, Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, p. 97-110).

    Razika Adnani, philosophe et islamologue française d’origine algérienne, propose une explication pertinente de l’expression « l’islam est la religion de l’État », qui peut revêtir « deux sens différents mais très complémentaires ».

    • « L’islam appartient à l’État. Celui-ci veille sur son organisation et intervient dans son champ comme une de ses institutions ».
    • « L’État appartient à l’islam ». Cela signifie « que l’État respecte dans son fonctionnement les recommandations de l’islam».

    R.Adnani en présente des traductions concrètes.

    « L’État qui fait de l’islam une de ses institutions et intervient dans son champ le transforme en politique. Les imams devenant des fonctionnaires de l’État reçoivent leurs ordres de celui-ci. Ils n’expriment pas sincèrement et librement ce qu’ils pensent au sujet de la religion mais ce qui correspond aux exigences de l’Etat ».

    « Quant à ceux ayant des ambitions politiques, ils affichent une appartenance à l’islam quand bien même ils n’ont aucune foi et cela uniquement pour réaliser leurs objectifs. D’autres le font pour ne pas être accusés de désobéissance à l’État, étant donné que sortir de la religion officielle de l’État ou en avoir une autre, ou même avoir un avis différent au sujet de la religion, peut être considéré comme s’opposer à l’État. Ainsi, la foi qui devrait être une conviction personnelle devient pour beaucoup un calcul politique, une obligation sociale et même une hypocrisie ».

    L’auteur développe ensuite les conséquences sociales résultant de ces conceptions. « Un État déclarant appartenir à une religion particulière prend parti en faveur d’une religion, celle de l’État. Les individus n’ont par conséquent pas tous les mêmes chances d’exprimer et de vivre leurs convictions religieuses ou non religieuses. La religion de l’État, qui est celle d’une partie de la population, est promue et imposée à toute la population […]. En s’occupant de la vie religieuse des individus, ce qui ne relève pas de sa responsabilité, l’État disperse ses efforts mais aussi institue des inégalités, comme celles entre les hommes et les femmes, et de ce fait accepte des injustices alors qu’il est censé les combattre […]. La Constitution qui protège une religion ne peut garantir la liberté de conscience. Bien au contraire, elle donne à l’État et à la société un cadre juridique pour la piétiner ».

    https://algeriecultures.com/actualite-culturelle/lislam-est-la-religion-de-letat-nest-benefique-ni-pour-letat-ni-pour-lislam/.

    Tout cela montre que l’État et ses ressortissants sont otages de l’islam.

    Islam et islamisme

    Il est dès lors impossible d’opérer une distinction, voire une séparation, entre islam et islamisme, comme l’habitude s’en est répandue depuis plus d’un demi-siècle. Jusque-là, le mot « islamisme » servait à désigner la religion et la civilisation islamique confondues.

    Selon la conception actuelle, le premier terme s’appliquerait à la dimension seulement religieuse de l’islam, tandis que le second viserait sa dimension exclusivement idéologique. Mais cette position ne rend pas compte de la réalité puisque ceux qui s’efforcent d’appliquer un programme conforme à la doctrine classique, fondée sur le Coran et la Sunna (Tradition mahométane), ne cessent d’invoquer Allah et de manifester publiquement leur piété. En fait, ils n’opèrent pas cette distinction dès lors qu’il s’agit pour eux de réaliser l’idéal islamique dans sa plénitude.

    Si par respect pour les personnes, il ne convient pas d’enfermer indistinctement l’ensemble des musulmans dans l’idéologie inhérente à leur religion, la lucidité impose de reconnaître le lien originel et structurel qui unit les deux dimensions. La définition proposée par le Père Boulad est ainsi parfaitement recevable : « L’islamisme, c’est l’islam dans toute sa logique et sa rigueur. Il est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ».

    Entre islam et islamisme, il y a donc une différence de degré mais pas de nature. Sur ce sujet, cf. A. Laurent, L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), éd. Artège, 2017, p. 53 à 70.

    Trois exemples contemporains l’attestent : en 1979, Khomeyni institue la République islamique d’Iran ; en 1982, au Liban le Hezbollah se définit comme le Parti de la Résistance islamique ; en 2014, le califat autoproclamé en Irak et en Syrie prend le nom d’État islamique (Daech).

    L’islamisme contre la République ?

    L’islam ne privilégie aucune forme de régime politique et adopte les concepts d’État, de république ou de monarchie, sans accepter pour autant leur alignement sur les principes laïques. Ainsi, le Royaume d’Arabie-Séoudite s’est bâti sur le wahabisme, l’une des expressions les plus radicalement islamistes prévalant au sein de l’Oumma.

    Dans le discours contre le « séparatisme islamiste » qu’il a prononcé le 2 octobre 2020 aux Mureaux (Yvelines) pour appeler les musulmans de France à un « réveil républicain », le président Emmanuel Macron a déclaré : « Wahabisme, salafisme, Frères musulmans, beaucoup de ces formes étaient au début d’ailleurs pacifiques pour certaines. Elles ont progressivement dégénéré dans leur expression. Elles se sont elles-mêmes radicalisées ».

    Il n’est pourtant pas possible de dissocier ces idéologies de leurs enracinements et motivations religieux. « On saisit l’urgence de les comprendre dans leur lien avec une dynamique religieuse fondamentaliste », écrit E. Delbecque, regrettant que « l’intelligentsia française ne prenne pas la religion au sérieux » (op. cit., p. 78).

    Ce que l’islamisme refuse (et plus largement l’islam) ce n’est pas tel ou tel type de régime. Pour ce qui est de la République française, il en récuse le contenu sécularisé, autrement dit l’absence de toute référence à une Transcendance et à une Loi divine.

    Mais, par souci d’éviter tout amalgame, « on a prétendu que l’islamisme n’avait “rien à voir” avec l’islam […]. Le djihadisme s’abreuve pourtant de religion, conçue comme “manière d’être au monde, foi intime, croyance partagée”. Nous refusons de le voir. Pourquoi ? Par aveuglement persistant, refus obstiné d’admettre intellectuellement la croyance religieuse comme une “causalité spécifique”, et donc comme une puissance politique. La violence devrait nécessairement dériver de frustrations socio-économiques, éventuellement psychologiques, mais la foi, personne n’y croit » (Delbecque, op. cit., p. 79).

    POUR CONCLURE

    Il semble évident que la dimension religieuse, inscrite dans l’homme et revendiquée explicitement par l’islam, avec tout ce que cela comporte concernant la vie de l’âme et surtout les perspectives eschatologiques, lui confère une force spirituelle et une grande puissance d’attraction que n’ont pas les idéologies athées ou agnostiques (marxisme, nazisme, maoïsme, laïcisme) à cause de l’aliénation radicale de l’être humain qu’elles supposent.

    Dès lors, l’aliénation inhérente à l’islam n’est-elle pas plus grave encore ?   

     

    Annie Laurent

    Déléguée générale de CLARIFIER

  • Vive le Roi : interview avec l'Action française, par Ciaran Brennan.

    Un aliment de base de la droite française depuis sa genèse en 1899 Action française est (AF) un groupe nationaliste largement dirigé par des étudiants, connu pour son activisme de jeunesse bruyant et ses amarres philosophiques. Souvent décrit comme un taon par le Rassemblement National (RN) de Le Pen, il a gagné une place respectée au sein de la société française inhabituelle pour les groupes de droite ailleurs. À l'occasion de l'anniversaire du martyre du roi Louis XVI, nous nous sommes entretenus avec Francis Venciton, sous-secrétaire général du groupe, pour discuter de l'activisme, des leçons apprises, ainsi que des perspectives du nationalisme français à l'aube d'une nouvelle décennie.

    19.jpgPour certains lisant cette interview, AF peut sembler être un nom un peu archaïque des livres d'histoire, et qui a connu son apogée à l'époque de Maurras et du régime de Vichy, comment répondriez-vous à ces critiques?

    En politique, les aspects du fauteuil ne doivent pas être vilipendés. Jusqu'à l'année dernière, beaucoup de gens expliquaient que les frontières étaient un archaïsme inutile, avec la pandémie, ils se rendaient compte que les frontières étaient comme des peaux. Une protection très importante contre les dangers étrangers. Et si vous suivez ce genre de logique, nous ne sommes autorisés à parler du Congo à son apogée qu'au XVe siècle, ce qui est un peu court. 

    Non, il y a plein de bonnes raisons de parler de AF et pas seulement de parler du passé. Fondamentalement, l'Action française est toujours en place et fonctionne, nous sommes toujours le mouvement royaliste le plus important en France, et une école intellectuelle respectée pour le domaine conservateur. 

    Un trotskyste radical de gauche, Edwyn Plenel, directeur de Mediapart, a déclaré que l'AF est le «talentueux laboratoire de la réaction». L'actuel ministre de la Sécurité {Gérald Darmanin} est un ancien journaliste d'un magazine AF. 

    Donc, parler d'AF n'est pas une sorte de sottise, et je saute l'héritage intellectuel du mouvement, de nombreux présidents étant conscients des pensées de Maurras ou étant eux-mêmes d'anciens Maurrassiens. Même chose pour beaucoup à l'Académie française ou pour les écrivains, philosophes et historiens.

    Au centre de AF se trouvent la figure et la philosophie de Charles Maurras, un penseur malheureusement presque inconnu dans le monde anglophone en raison du manque de traduction, brièvement quels sont les principes fondamentaux du maurrassisme et en quoi cela différerait de l'exemple des écoles plus familières. de la pensée catholique comme le distributisme?

    Contrairement à ce que disent des journalistes anglais ignorants, Maurras n'est pas le fondateur d'AF. Mais c'est lui qui a créé une doctrine nationaliste cohérente et qui a converti le fondateur original d'AF au royalisme. 

    Les deux fondateurs du mouvement, Henri Vaugeois et Maurice Pujo, étaient tous deux à l'origine républicains patriotes. Maurras leur a donné la clé de l'alternative politique: le nationalisme intégral (intégralisme national)

    Comme attendu d'un mouvement appelé Action française, Maurras n'a montré aucun intérêt à traduire son propre travail en anglais. Un fait amusant est que durant sa vie, sa poésie a été plus souvent traduite que ses œuvres politiques ou journalistiques (qui représentaient la plupart de ses écrits). Et c'était bien dommage, car TS Eliot dans une revue pour Criterion était proche d'être un Maurrassien comme Hilaire de Belloc, TE Hulme et Chesterton étaient également tous deux lecteurs de la publication Action française.

    Lorsque Chesterton a lancé sa Ligue des distributeurs, il a tenté d'imiter l'Action française. En Irlande, Denys Gwyn a participé aux travaux de Maurras. Nous avons donc de brillantes racines Maurrassiennes dans le monde anglophone et sommes plutôt proches des catholiques anglais, des Canadiens et des Irlandais plutôt que des types John Bull.

    Cependant, nous travaillons actuellement sur une version anglaise du texte le plus célèbre de Maurras intitulé Mes idées politiques. Nous pensons modestement que la question du nationalisme dans le monde intellectuel anglais, par exemple avec la polémique autour du livre de Hazony «Les vertus du nationalisme», pourrait être élargie par les travaux de Maurras. On peut concevoir le nationalisme sans suivre l'alt-right ou le vieux livre de jeu libéral conservateur.

    Répondre au cœur de la pensée de Maurras est une question très difficile, car vous avez de nombreuses façons d'entrer dans Maurras. Mais je pense que la meilleure façon de comprendre la recherche Maurras est de commencer par la décentralisation. Maurras aimait le système politique d'une nation pleine de liberté débridée, qui en France est du royalisme mais pourrait être une république pour la Suisse ou l'Irlande. 

    Il est important de trouver un système politique adapté à l'histoire du pays et à ses institutions sociales. Nous pouvons voir le résultat de la poussée du système démocratique libéral au Moyen-Orient. Nous perdons des milliers de millions d'euros et de nombreuses vies pour de faux régimes, qui ne servent pas le bien-être commun et n'accordent qu'un crédit et une illusion aux libéraux. Les nations de l'Occident ont répandu la guerre pour l'intérêt économique et pour l'éblouissement politique. Nous devrions plus souvent être sidérés par cela. 

    Mais ce genre de nation pleine de liberté débridée pourrait travailler en France avec «l'autorité au sommet et la liberté du bas». La nation française a besoin de «Anarchie + 1» au lieu de «Anarchie au Royaume-Uni». Le royalisme français en France est un régime politique de liberté et d'unité. 

    Il est évident pour de nombreux analystes que Maurras partage beaucoup avec le distributisme. Dans les années vingt, Maurras rencontre Hilaire Belloc par l'intermédiaire de leur ami commun Yvon Eccles. Et au fond, ils ont beaucoup en commun: ils ont reconnu la majesté de l'Église catholique, ils se sont opposés à l'opposition entre l'État et les individus et pour suivre la voie d'une troisième voie, ils sont très intéressés par le corporatisme, ils sont des critiques de la sainte démocratie et ils sont anti-modernistes. 

    Mais, ils ont quelques points de divergence: Belloc, un catholique était un vrai croyant et Maurras est resté toute sa vie sous le porche de la foi en attendant d'entendre l'Être. (Maurras était sourd et ses derniers mots étaient "Je crois avoir entendu quelqu'un venir"

    Belloc a plus de sympathie pour la Révolution française que Maurras en raison du contexte différent. Et pour être honnête, Belloc a un doute sur la monarchie. Mais ce sont de petites différences. Ils s'accordent tous les deux sur l'importance de critiquer la modernité, pour montrer comment l'homme du XXe siècle est une sorte de barbare. 

    Comme beaucoup d'étudiants français, la droite AF s'est fait un nom par son agitprop ainsi que par son activisme comme l'occupation des immeubles du Groupe Latécoère suite à leur rachat américain. Quels types d'activisme les sections de votre organisation mèneraient-elles?

    Je ne suis pas d'accord avec vous. La plupart de la droite étudiante française est beaucoup plus impliquée dans les élections, les syndicats, la politique française, etc. que l'agitprop. Pour la plupart des étudiants de droite français, l'agitprop est pour les gauchistes.

    Agitprop est un élément essentiel de la AF. A partir de sa genèse, les étudiants de l'AF ont mené des agitpropres concernant l' affaire Thalamas . En 1904, Amédée Thalamas était un professeur d'histoire qui déclara sainte Jeanne d'Arc une fraude avec une brutalité inutile. 

    Après le scandale, il a été protégé et nommé professeur d'université. L'Action française a perturbé toutes ses classes pendant trois mois. Amédée Thalamas a fini par se faire gifler par Maurice Pujo puis même fesser. L'auteur Georges Bernanos et d'autres futurs sommités ont également participé à cette agitation.

    Fondamentalement, nous considérons qu'il n'y a pas d'action sans instruction et pas d'instruction sans action. Maurras a dit que nous devrions être à la fois intellectuels et actifs. Nous voulons former un homme d'action élevé d'esprit. Henri Lagrande, l'un des premiers jeunes militants de l'AF, a déclaré que nous avons «un bâton dans une main et un livre de Maurras dans la poche». 

    Maintenant, nous avons encore l'habitude de faire de l'agitprop comme l'action contre la prise de contrôle américaine de Latécoère ou le 20 novembre, lors du lock-out, nous brandissons une banderole contre les terroristes islamiques et le laxisme républicain. 

    En 2019, nous avons détourné une marche pro-UE avec une bannière Frexit et des pièces pyrotechniques. La section toulousaine d'AF a été mise en vedette dans les médias pour avoir accroché une marionnette Marianne (une icône de la République française) au-dessus d'un pont. 

    Sur le plan politique, nous sommes une partie importante des Gilets jaunes, un mouvement populaire pour la justice économique et une vraie démocratie (démocratie locale et directe) pour une partie de la population qui a été trop longtemps laissée de côté et qui a l'impression de ne pas l'être. entendu par leur gouvernement en exemple, en 2005 le référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe a eu lieu, malgré le vote d'une majorité de Français contre, la constitution a été adoptée.

    Sur le plan sociétal, nous étions en 2013 en première ligne lors des manifestations de La Manif Pour Tous contre les lois sociétales qui changeraient profondément l'anthropologie classique (mariage homosexuel, adoption d'enfants pour les couples homosexuels, MAP, maternité de substitution, etc.). 

    Nous sommes évidemment très actifs dans les universités et souhaitons lutter contre l'idéologie progressiste qui subvertit les universités depuis près de cinquante ans.

    Ces actions sont complétées à l'aide de flyers, d'articles, de communiqués de presse et de conférences. L'activisme est pour nous une extension de la réflexion.

    1.png

    Au-delà des cascades, quelles sont les activités organisées par AF à la fois sur les campus et socialement entre les membres?

    Action française est désignée comme un complot à ciel ouvert contre le gouvernement. L'action clé est d'expliquer au peuple français pourquoi la République est si mauvaise et la politique derrière elle si stupide. 

    Vous avez donc deux niveaux : grande explication théorique ou parler directement avec les gens ou colportage de notre propagande (nous avons un magazine nommé «Le Bien Commun») car Action française est interdite comme titre de presse et un journal «L «insurgé» (The Rebel) pour les étudiants avec un ton plus effronté). 

    Autour de ce noyau, nous avons l'agitprop comme expliqué précédemment et 4 événements majeurs en un an : le 21 janvier pour commémorer la mort de Louis XVI. Le deuxième dimanche de mai, nous avons un rassemblement pour la Sainte Jeanne d'Arc. Fondamentalement, Jeanne d'Arc est devenue sainte grâce au travail d'Action française. Les militants de l'AF ont passé plus de 1000 jours en prison pour forcer la République à la reconnaître comme une figure française majeure. 

    Elle est toujours le symbole que la France est un pays en particulier et que nous devrions refuser d'être vendus à l'étranger. Et aussi que les fichus Anglais devraient rester sur leur île sanglante et oublier leurs rêves d'impérialisme. La veille, nous avons des conférences et un grand banquet avec toutes les générations d'AF. 

    Comme le disait Jeanne d'Arc à propos des Anglais: «De l'amour ou de la haine de Dieu pour les Anglais, je ne sais rien, mais je sais qu'ils seront tous expulsés de France, sauf ceux qui y meurent». J'espère qu'il pourra faire de même pour les Anglais en Irlande.

    Le troisième événement important est le camp d'été. Pendant une semaine, les gens assistent à des conférences, des séminaires (comment être graphiste, journaliste ou un bon leader…) et ont un grand dîner avec beaucoup de vin et des chansons folkloriques traditionnelles. 

    Le concept est de créer un esprit d'équipe, d'organiser l'année prochaine et d'enseigner les bases du maurrassisme aux nouveaux. Le dernier grand événement est la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale.C'est un moment très important car lorsque la France a capitulé face à l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Action française a organisé de grands événements pour célébrer la défaite du régime prussien même si les nazis ont désapprouvé . 

    Mais entre ces moments, on peut réagir au jour le jour par exemple, s'opposer à la destruction d'une ancienne église à Lille ou Bordeaux ou célébrer d'autres événements comme le 6 janvier 1934   ou simplement prendre une bière pour un match de rugby. Surtout quand la France écrase les trèfles irlandais. 

    En ce qui concerne la structure d'AF, pourriez-vous entrer dans les détails sur l'organisation, ses différents moyens de propagande et son fonctionnement, en particulier les cercles étudiants pour lesquels elle est célèbre? 

    Une section est essentiellement construite autour de deux piliers: l'action et l'éducation. Notre action hebdomadaire régulière comprend le colportage de rue, la distribution de dépliants, l'organisation d'événements et l'agitprop. Notre formation se construit avec la lecture d'écrivains maurrassiens (Maurras, Bainville, Léon Daudet, Marcel Proust, Georges Ber

  • Eric Zemmour : « Je ne suis pas là pour jouer », par Charlotte d'Ornellas, Geoffroy Lejeune.

    Eric Zemmour. Photo © JOEL SAGET / AFP

    À la veille du lancement de la campagne présidentielle, Éric Zemmour analyse la situation de la France et se confie sur les rumeurs d'une possible candidature. Entretien. 

    Vous commentez chaque jour l’actualité sur CNews. Quels faits ont, selon vous, marqué les douze derniers mois ?
    Je retiens l’assassinat de Samuel Paty, la fabrication du vaccin, ainsi que le conflit au Sahel et l’annonce du départ de la France de ce théâtre d’opérations. Je pense tout d’abord, très sincèrement, qu’il y aura un avant et un après la décapitation de Samuel Paty. J’aurais évidemment pu dire cela après Charlie Hebdo ou le Bataclan, c’est la raison pour laquelle je reste prudent, mais cet événement me semble différent pour au moins deux raisons. D’abord, parce que la victime est un professeur : dans l’imaginaire collectif, et particulièrement dans celui des électeurs de gauche, le professeur est l’incarnation de la République.

    Ensuite, parce que cet assassinat n’était pas le fruit d’une expédition maîtrisée depuis l’étranger par des groupes professionnels. Le terroriste est, cette fois-ci, un Tchétchène qui a grandi en France et qui décide seul de faire appliquer la charia sur le sol français, sans besoin logistique particulier. Ces deux caractéristiques offrent une résonance particulière à cet acte de barbarie, qui succède par ailleurs à l’assassinat du père Hamel, sauvagement égorgé il y a cinq ans, et à celui de Stéphanie Monfermé, la policière de Rambouillet poignardée à la gorge, il y a quelques mois.

    Quant à l’assassinat du prêtre vendéen par ce criminel rwandais qui avait déjà incendié la cathédrale de Nantes, il nous montre à quel point notre humanisme et notre juridisme sont devenus les marques d’une faiblesse qui nous tue.

    Nous ne sommes plus en sécurité nulle part, les Français le ressentent et l’expriment. Un autre exemple terrible qui m’a beaucoup marqué : les médias et nos dirigeants sont restés pour la plupart silencieux à propos du meurtre ignoble du jeune Théo, assassiné par un Sénégalais multirécidiviste. On voit bien que cela ne les arrange pas, le deux poids deux mesures quand on compare au déplacement à l’hôpital de François Hollande pour dénoncer la prétendue violence policière envers cette fois un autre Théo.

    J’évoque ensuite le vaccin parce que, en tant que Français, nous regardons cela avec des sentiments mêlés. Nous pouvons d’abord être admiratifs de la capacité incroyable des scientifiques du monde entier à trouver un vaccin aussi rapidement : ils ont mis quelques mois à le trouver avant les phases de test, alors que nous étions habitués à attendre dix ans ! On peut d’ailleurs émettre certaines réserves, parce que nous l’avons produit sans recul ni expérimentation, mais cela ne retire rien à la prouesse médicale. Et nous sommes également humiliés, parce que la France reste, même si la formule est éculée, le pays de Pasteur et elle est le seul membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu à ne pas avoir produit son vaccin. Je l’ai vécu, je pèse le mot, comme une humiliation. C’est un fait qui marque notre déclassement, déjà signifié au début de l’épidémie par le manque de masques, de tests et de lits. J’avais alors parlé de tiers-mondisation de la France, je maintiens ce constat.

    Enfin, l’opération Barkhane. Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes et je pense qu’il a bien fait, parce que nous y étions enlisés, à la manière des Américains en Afghanistan. Ce genre d’expédition doit durer quelques jours ou quelques semaines, comme nous l’avions très bien fait dans les années 1970 à Kolwezi. Là, nous nous enlisons, nous nous faisons insulter, nos soldats se font traiter de néocolonialistes… C’est évidemment un scandale, mais c’est la conséquence de ce genre d’interventions militaires et nous ne pouvons accepter cela plus longtemps. Évidemment, nous n’en avons pas fini avec cette zone ni avec les conséquences néfastes de notre intervention en Libye, en 2011. Nous l’avions déjà payée très cher avec l’invasion migratoire de 2015 et continuons à en souffrir parce que la région est durablement déstabilisée.

     

    Que vous inspirent les débats actuels sur la liberté à propos de la vaccination obligatoire et de la mise en place du passe sanitaire ?
    Ce sujet de la liberté arrive bien tardivement dans le débat public. À mes yeux, la plus grande privation de liberté a été le confinement, ce que tous semblent avoir oublié. Je crois qu’on a alors imité un régime communiste totalitaire, la Chine, et que, si elle ne l’avait pas mis en place, personne ne l’aurait osé. Ce mimétisme montre d’ailleurs à quel point la Chine sera le grand pays du XXIe siècle : son influence ressemble en réalité à l’impact qu’ont eu les États-Unis sur l’Europe après la Première Guerre mondiale. Quelques esprits ont compris à l’époque – Paul Morand ou Robert Aron, par exemple – que les Américains seraient la grande puissance du siècle, parce qu’ils avaient la capacité de pénétrer les esprits et d’imposer leur vision du monde. J’espère me tromper, mais je crois que nous vivons la même chose avec la Chine. Les méthodes totalitaires qui nous sont imposées vont désormais être parées des atours du progrès. Je ne crois pas qu’être pisté en permanence par son téléphone, ou par un QR code soit un progrès pour les libertés.

     

    Vivons-nous un recul inédit de nos libertés ?
    Cette question dépasse de loin celle de la vaccination. Je ne veux pas tomber ici dans des discussions folles ni m’opposer catégoriquement à la vaccination, mais je trouve délirant qu’il soit impossible, aujourd’hui en France, de questionner calmement la stratégie de vaccination pour tous. Si les personnes à risque sont vaccinées, je ne comprends toujours pas pourquoi il faudrait vacciner des jeunes Français qui pourraient certes transmettre le virus, mais sans mettre en danger les gens vaccinés ! La question à poser est donc bien celle de la liberté. Mais on doit la mettre en balance avec la recherche de l’intérêt général. On a le droit et même le devoir de questionner cet équilibre instable. Je sais trop les ravages qu’a fait une conception absolutiste de la liberté individuelle depuis les années 1970 pour ne pas être très prudent sur cette question. D’autres n’ont pas cette prudence. On réalise ainsi que le Conseil d’État – comme le Conseil constitutionnel, qui s’est lui aussi proclamé défenseur des libertés individuelles – accepte, dans cette crise, toutes les restrictions possibles. En revanche, et cela m’a frappé, il casse la décision du gouvernement de suspendre le regroupement familial durant cette crise sanitaire. Les libertés individuelles des migrants sont mieux protégées par le juge que celles des Français.

     

    Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Eric Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes.

     

    Au-delà de l’hystérie des débats, c’est la question de la liberté au XXIe siècle qui est posée, et cela va bien au-delà de la crise sanitaire. Notre liberté de penser, d’écrire, de nous exprimer, de débattre est menacée, on l’a vu récemment avec la première tentative de la loi Avia. En l’occurrence, le Conseil constitutionnel avait fait son travail en la censurant, mais l’idée reviendra d’une manière ou d’une autre. Lorsque Twitter, Facebook ou YouTube se permettent de censurer les comptes de ceux dont les opinions ne leur plaisent pas, je pense que la liberté sera le sujet du siècle.

     

    Comment expliquez-vous la docilité des Français dans cette crise, malgré des décisions exceptionnelles ?
    Nous sous-estimons, je le dis souvent sur d’autres sujets, la capacité de la machine de propagande qui est en place aujourd’hui. Je sais que j’ai beaucoup choqué en le disant, mais je le maintiens parce que c’est exactement ce que je pense, Staline était un amateur en termes de propagande, parce qu’il avait besoin de la violence pour contraindre. Nous n’en avons plus besoin et c’est le signe de la supériorité de la machine de propagande actuelle, en termes d’efficacité. C’est vrai pour tous les sujets, et c’est absolument terrifiant.

     

    Votre vie est particulièrement contrainte par vos combats médiatiques : protection policière, paparazzis… Quel est le prix à payer pour être Éric Zemmour aujourd’hui ?
    Il est évident que le prix est de plus en plus cher à payer, mais je ne veux pas m’étendre dessus pour éviter que certains m’accusent de jouer les victimes ou de vouloir faire pleurer dans les chaumières. Ce n’est pas ma volonté du tout. J’observe simplement qu’il existe un point commun, un seul, entre Mila, Gilles Kepel et moi : nous vivons sous protection à cause de ce que nous avons dit sur l’islam. Je le répète sans cesse à mes enfants et à la jeune génération : nous n’aurions pas cru un seul instant une telle prédiction si elle avait été faite dans les années 1970. Ce que nous vivons est complètement fou et il faut remettre en perspective ce qui nous arrive. Le reste est dérisoire.

     

    Quand vous êtes poursuivi en justice , ce n’est pas par les musulmans, mais plutôt par des associations, des hommes politiques, des journalistes…
    Je me retrouve pris dans une alliance entre un islam qui profite de notre sacralisation de la liberté individuelle et un système qui ne veut pas entendre raison ni comprendre que tous nos principes sont remis en cause depuis trente ans. Les rares qui l’ont compris n’ont malheureusement pas le courage de leurs opinions. Les attaques sont d’autant plus agressives que je fais partie des très rares qui ont ciblé les deux “côtés”, c’est-à-dire ce système d’un côté et l’islam de l’autre.

     

    Avez-vous le sentiment de payer trop cher les convictions que vous défendez depuis des années ?
    Je n’y pense pas, c’est une question que je refuse de me poser. J’ai fait ce que je pensais devoir faire. Je n’aurais jamais pu me regarder dans une glace si je n’avais pas défendu ce que je pense être juste. Je pense vraiment ce que je dis, je ne suis pas là pour jouer, donc je ne vais pas me retourner sur ma vie pour me demander ce que j’aurais pu faire autrement.

     

    L’accusation de misogynie revient très régulièrement à votre sujet et les sondages montrent une moindre adhésion des femmes à votre candidature. Que répondez-vous à cette critique ?
    C’est toujours pareil, la puissance du système de propagande est inouïe. C’est la force de la répétition sur tous les réseaux, sur toutes les télévisions… Les gens finissent par penser ce qu’on leur matraque toute la journée : Zemmour serait un raciste misogyne qui déteste les Arabes, les homos, les musulmans ou les femmes. Cela fait quinze ans que les critiques sont répétées de la même manière à mon sujet et ça finit par rentrer.

    Nous en avons assez que des minorités militantes imposent leur loi à la majorité. Ces minorités fonctionnent exactement comme des lobbies et sont parfaitement identifiées : le lobby féministe, le lobby LGBT, le lobby antiraciste et le lobby islamogauchiste. Ils me détestent parce que je les ai attaqués et parce que je continuerai à démonter leurs idéologies totalitaires. Ils prétendent donc que j’attaque les femmes, les homosexuels, les étrangers ou les musulmans. Mais ce sont en réalité ces minorités organisées que j’attaque, pas les individus.

    Je note par ailleurs qu’ils entretiennent la confusion pour faire croire qu’ils défendent encore les gens qu’ils sont censés représenter, alors qu’ils en deviennent souvent les pires ennemis. Pour reprendre l’exemple des femmes, c’est de plus en plus net. Les féministes ne défendent pas les femmes, la féminité, la particularité ou même l’égalité, elles militent pour l’indifférenciation. Elles interdisent qu’une femme soit une femme et un homme un homme. Je continuerai à combattre cette vision de la société, comme je l’ai toujours fait. D’autant que l’on constate une alliance des féministes militantes avec les pires ennemis des femmes, qui remettent en cause leurs libertés, leurs droits élémentaires et parfois même leur vie. Les a-t-on entendues défendre Mila face à la haine de ceux qui voulaient la faire taire. Et ces féministes islamogauchistes voudraient venir me faire la leçon au nom des femmes ? Laissez-moi rire…

     

    Cela ne vous empêche pas de dire que la société se féminise, que certains métiers ne sont pas faits pour les femmes…
    Je suis pour la liberté individuelle. Je défends évidemment l’égalité et les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent. On peut discuter et même interroger certains points dans le débat public : je pensais que la France était encore un pays qui permettait le questionnement. Quand je disserte sur les qualités des hommes ou des femmes, je lutte aussi contre la tentative d’indifférenciation, très militante et qui fait souffrir beaucoup de femmes. Ce n’est absolument pas une analyse de cas particuliers, mais une tentative d’explication des différences existantes. Je pense et je défends l’idée qu’il existe deux sexes, il est certain que je ne crois pas à la théorie du genre. Tant pis si je me fais insulter par des militants.


    Je me méfie des optimistes par mesure d’hygiène intellectuelle. Dans l’histoire, les optimistes se trompent lamentablement, et cela peut très mal finir.

     

    Mais s’il faut répondre plus concrètement, je n’ai évidemment aucun problème à lire un écrivain féminin. Je viens de relire les Mémoires d’Hadrien écrits par Marguerite Yourcenar, que je trouve admirables, je relis souvent Hannah Arendt, qui m’a énormément fait évoluer sur la question du totalitarisme. J’apprécie même certains romans de Simone de Beauvoir ! J’aime Tous les hommes sont mortels, ainsi que son autobiographie… Il n’y a absolument aucun blocage ou sectarisme de ma part vis-à-vis des femmes et du métier qu’elles exercent et sans entrer dans des considérations personnelles, je le prouve au quotidien. Chacun peut très librement accomplir ses rêves ou son destin… Par ailleurs, aujourd’hui qui défend vraiment les femmes ? Je devrais me revendiquer “grand défenseur des femmes” ! L’insécurité qui pèse sur elles, dans la rue ou dans les transports, est un scandale. Et ce manque de sécurité nuit à leur liberté au quotidien. Nous sommes bien peu à en parler, les partisans de l’omerta préférant abandonner les victimes à leurs agresseurs pour ne pas froisser le politiquement correct.

     

    Les attaques s’intensifient aussi à mesure que grossit la rumeur de votre possible candidature à la présidentielle. Il y a eu une petite phrase dans votre émission sur Paris Première, des allusions sur la chaîne YouTube Livre noir, puis une chronique sur Jacques Bainville et ses regrets de ne pas être entré en politique… Quel message essayez-vous de faire passer ?
    Je ne calcule rien ! Je fais une chronique chaque semaine dans le Figaro et mon rédacteur en chef, Vincent Tremolet de Villers, me propose souvent des livres. C’est ce qu’il s’est passé avec ce livre de Christophe Dickès sur Bainville. Vincent, qui est un ami, sait que j’aime Bainville et m’a conseillé cette lecture. J’ai découvert dans cet ouvrage, parce que je l’ignorais totalement, que Bainville avait eu des regrets à la fin de sa vie et qu’il aurait voulu agir à la même table que Vergennes, le ministre des Affaires étrangères de Louis XVI ! Évidemment, cela me fait réfléchir. Quand je lis cela, je ne peux pas ne pas penser à mes propres états d’âme et à mes propres réflexions sur les limites du combat culturel gramscien. J’ai pensé exactement la même chose, et j’ai également réfléchi, quand j’ai lu le portrait de Boris Johnson dans le Figaro , publié au mois de juillet… Tout le monde se jette dessus en imaginant que je lance une piste ou que j’envoie un message, mais je réfléchis tout simplement à haute voix. Je ne vais pas le taire, c’est la stricte réalité de mes réflexions.

     

  • Entretien • Frédéric Rouvillois : « Le débat public est forcément une impasse et, au fond, une duperie »

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    Entretien avec Frédéric Rouvillois, professeur de droit public et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. 

    dossier-2A.jpgGrand Débat National, possibilité de référendum… Les consultations populaires sont-elles un succès, en France, depuis les États généraux convoqués par Louis XVI ?

    La question est double : comment donner la parole au peuple, qui a le sentiment de ne plus l’avoir, et peut-on comparer ce Grand Débat National avec les états-généraux qui se mirent en place à partir du XIVe siècle et se pratiquèrent jusqu’à la Révolution ? La différence fondamentale entre les deux consultations, c’est que dans le cadre des états-généraux chaque ordre, dont le Tiers État, élisait ou désignait des représentants pourvus d’un mandat impératif (les représentants devaient dire ceci ou cela) consigné dans les cahiers de doléances. Les gens qui venaient parler, débattre, choisir des solutions, étaient donc connus, et l’on savait au nom de qui ils parlaient. Dans ce Grand Débat d’aujourd’hui, on ne sait jamais qui parle, de quoi on parle, au nom de qui, si on représente quelqu’un, ou soi-même, ou un lobby quelconque… Cela ressemble en revanche à quelque chose qui fut imaginé sous la Révolution française par l’un de ses pires représentants, celui que l’on surnomma le « mouton enragé », le marquis de Condorcet. En 1792, au lendemain de l’instauration de la république, celui-ci est chargé par ses amis girondins d’élaborer la nouvelle constitution. En scientifique obsédé par la mathématique sociale, il va intégrer dans le projet un dispositif qui ressemble à “notre” Grand Débat à nous, avec tous ses défauts : un système d’initiative législative dans lequel une personne propose une loi à l’assemblée locale dont il est membre, laquelle en débat et, le cas échéant, décide de pousser cette question qui devient alors le sujet de toutes les assemblées locales du département qui, à leur tour, etc. Cela remonte en quelques mois jusqu’au sommet, avec à l’arrivée un objet juridique non-identifiable, la somme pharamineuse des débats et des réponses suscités par la question initiale, qu’il s’agira alors de débrouiller en lui donnant une forme juridique claire. Les ennemis des Girondins expliqueront non sans raison que c’est une idée aberrante : pour établir une seule loi, dit Marat, des millions de personnes auront été tenues sur le qui-vive pendant des mois, éléphant monstrueux accouchant dans la douleur d’une souris dérisoire à la viabilité très incertaine. Selon Marat, qui ne fait pas dans la dentelle, les promoteurs d’une telle méthode mériteraient l’asile ; Condorcet, au Monopoly de la Révolution, ne passera pas par la case prison, ou asile, mais ira directement à la mort, un an et demi plus tard.

    Rittinghausen1.JPGQuelques cinquante ans après, un aristocrate allemand, mathématicien lui aussi, Rittinghausen (Photo), imagine un système encore plus farfelu, et encore plus proche du Grand Débat macronien : le peuple est divisé en sections de mille personnes, chaque section s’assemble dans son propre local, nomme son président, débat sur un principe soumis à sa sagacité. La discussion close, le maire de la commune fait le relevé des votes, le communique à l’administration supérieure, etc. L’ensemble des milliers de procès-verbaux remonte peu à peu jusqu’à un Ministère élu par le peuple, dont les services se chargeront d’élaborer une synthèse : « la loi sortira d’une manière organique des discussions mêmes », assure Rittinghausen, d’une manière parfaitement claire et acceptée par tous – puisque toute la population aura le sentiment d’être le véritable auteur de cette loi.

    Dans ces deux cas, deux personnalités imaginent des systèmes qui, à chaque fois, conduisent manifestement dans le mur, et pour les mêmes raisons : ils font confiance à la sagesse des individus, à la bonne foi des gouvernants – comme nous en ce moment… – et aux mathématiques, bien sûr, comme nous le faisons avec les algorithmes pour ce qui va sortir du Grand Débat. Mais au fond, comme à l’époque, l’organisation de ce dernier pose la question de ce qu’il recouvre : de la naïveté, comme dans le cas de Condorcet ? De la folie, comme le prétend Louis Blanc à propos de Rittinghausen ? Ou plus simplement de la duplicité, le Grand Débat comme moyen rêvé d’étouffer la parole du peuple par le déchaînement de cette parole ? Des millions d’opinions plus ou moins divergentes sur des sujets plus ou moins variables finissent par s’écraser les unes les autres, ce qui démontrera en définitive que seuls les experts sont capables de dire quelque chose de sensé et que le peuple doit revenir sagement chez lui, remiser ses gilets jaunes et faire confiance aux dirigeants éclairés qu’il a élus – selon l’idée aussi vieille que Montesquieu que le peuple est incapable de se gouverner mais qu’il sait parfaitement désigner les représentants qui gouverneront à sa place.

    Macron lance une consultation qui n’a aucune valeur légale, purement consultative. Est-ce une manœuvre de tribun de la plèbe ou de César ?

    Chez Macron, le tribun de la plèbe et le César sont les deux faces du même personnage fabriqué, du même Janus artificiel. On est au fond dans la perspective populiste d’un césarisme démocratique : à beaucoup d’égards, Macron est en effet un populiste sans le savoir, ou en le sachant mais ne l’avouant pas, ou juste un peu. Ce terme de jupitérien qu’il a inventé en 2016, n’étant alors pas même candidat, désigne à la fois celui qui incarne le peuple et celui devant lequel le peuple doit se prosterner. Quant au Grand Débat, c’est en définitive le populisme sans les ennuis. César pose des questions au peuple, il le fait parler, mais n’est pas tenu de l’écouter, mais surtout de lui obéir. C’est tout bénéfice, du point de vue politique comme de celui de la communication.

    Le Grand Débat fait le pari que quiconque peut intervenir, y compris sur une plateforme numérique. L’immense masse des contributions, qui se comptent déjà en centaines de milliers, fait apparaître que des associations, ou des groupes de pression, ont mobilisé leurs militants : est-ce odieux ou légitime ?

    Ni l’un ni l’autre, c’est juste inévitable. Interdire aux lobbys d’intervenir dans le Grand Débat National reviendrait à interdire aux partis d’intervenir dans une quelconque élection.

    Le CESE, qui avait lancé sa propre consultation, avait expliqué, après avoir constaté que l’abrogation de la loi Taubira venait en tête des propositions, qu’il tiendrait compte (mystérieuse formulation) d’une évidente action militante.

    En un sens, on peut en effet considérer comme anti-démocratique que des groupes, des coagulations de personnes qui défendent certaines idées ou certains intérêts particuliers (d’où le terme de parti, du reste) puissent intervenir dans le processus de décision populaire : pour Rousseau, c’est parce qu’elle procède directement des décisions que chaque individu aura pris librement, sans aucune interférence extérieure, seul face à sa propre conscience, que la volonté générale est forcément juste et bonne, c’est pour cela qu’elle ne peut « errer ». En revanche, soulignent Rousseau et ses successeurs jacobins, dès qu’il y a des partis, dès lors que l’on crée au sein du peuple des groupes spécifiques qui vont empêcher chaque individu de s’exprimer en son âme et conscience, le jeu est faussé, le processus d’accouchement de la volonté générale est bloqué, bref, on n’est plus en démocratie. Mais si on allait dans ce sens, qui est celui que semblent reprendre le CESE et tous ceux qui reprochent aux conservateurs d’agir de concert, alors on devrait en déduire que tout parti politique est incompatible avec la démocratie – ce qui paraît d’autant plus insoutenable que la démocratie, d’un autre côté, ne peut pas se passer des partis.

    De son côté, le gouvernement a décidé de garder le maximum de contrôle, juge Dimitri Courant, doctorant en science politique à l’université Paris 8 et à l’université de Lausanne, et spécialiste de la démocratie délibérative. Il a volontairement créé une masse de données sans critères de hiérarchisation, et donc quasi-impossibles à traiter autrement que par l’intelligence artificielle et des algorithmes ou bien par un effectif élevé de personnes mobilisées à plein temps. Pour le citoyen lambda, il est impossible de voter, de commenter ou de mesurer le poids d’une contribution. C’est dommageable, notamment pour la crédibilité du débat.

    Pourquoi ajouter un référendum au Grand Débat National, pourvoyeur d’idées superflues pour un dirigeant qui a dit qu’il ne changerait pas de cap ? À quoi sert cette part de démocratie directe, plus contraignante ?

    Ce référendum, qui n’est pas un référendum d’initiative populaire, sera strictement encadré, et les questions qui seront posées sont en réalité celles sur lesquelles on pense que le peuple donnera une réponse favorable, a fortiori si c’est un questionnaire à plusieurs questions. Sur un plan institutionnel, la possibilité pour le peuple de s’exprimer directement, de ne plus être ce « souverain captif » qu’évoquait André Tardieu durant l’entre-deux-guerres, revient souvent dans les revendications des Gilets jaunes, et Macron n’a rien à y perdre. Les Gilets jaunes auront l’impression de s’exprimer tandis que les technocrates auront ficelé le référendum de sorte qu’il n’y ait aucune mauvaise surprise à l’arrivée. Et ceci permettra de laisser de côté les véritables outils de la démocratie directe, comme le référendum d’initiative populaire ou, pire encore (mais encore plus démocratique) le référendum révocatoire, qui permet aux électeurs de mettre fin avant terme au mandat d’un de leurs élus, une perspective qui, comme on l’imagine, fait se dresser les cheveux sur la tête à la totalité de la classe politique.

    dossier-2B.jpgOn comprend qu’aucun politique français ne propose cette évolution. En revanche, Macron remet en cause le nombre de sénateurs, par exemple, et tout ce qui touche, en fait, l’organisation de la vie politique autour des partis. Un antiparlementarisme sous-jacent se ferait-il jour ?

    Je dirais qu’il y a chez Macron un antiparlementarisme à peine inavoué, comme le montre de manière frappante son projet de révision constitutionnelle du 9 mai 2018, qui représente sur ce point une volte-face spectaculaire par rapport au mouvement de réhabilitation du parlement qui avait été initié par Chirac à partir de 1995. Au lieu de restaurer le corps législatif, on fait marche arrière, notamment sur le droit d’amendement, réduit à la portion congrue. Ensuite, que Macron ait ou non des « convictions » antiparlementaires, peu importe : il sait qu’un antiparlementarisme de bon aloi est assez largement partagé par les Français, qui ne voient plus très bien à quoi servent leurs députés et leurs sénateurs, mais qui en revanche savent parfaitement qu’ils leur coûtent cher. Macron joue donc sur du velours quand il propose de réduire le nombre des parlementaires, et donc de réduire la facture. Sur ce genre de questions, il sait sans risque d’erreur que les Français répondront « Oui », qu’ils soient ou non Gilets jaunes.

    Les dirigeants français ont tendance à considérer que le référendum est un plébiscite et, en conséquence, utilisent peu cet outil.

    de-gaulle-visuel2.jpgLa distinction entre référendum et plébiscite est très contestable. Tout référendum est forcément un plébiscite, sauf quand c’est un référendum automatique ou d’initiative populaire, puisqu’alors c’est le peuple qui se pose la question à lui-même. En revanche, dès lors que la question est posée par quelqu’un, on comprend qu’il n’y a pas vraiment de différence entre référendum et plébiscite : on répondra toujours à la question en fonction de celui qui la pose. Maintenant, ce qu’il faut noter, c’est que la dimension tragique du référendum introduite par De Gaulle en rapport avec la notion de responsabilité politique – autrement dit, je pars si les Français ne répondent pas par « un oui franc et massif » –, cette dimension, donc, qui donne un caractère révocatoire au référendum, a été complètement évacuée par tous ses successeurs. Chirac, lors des référendums de 2000 sur le quinquennat et de 2005 sur la constitution européenne, va jusqu’à préciser à l’avance qu’il restera en place quels que soient les résultats, déclarant que ces derniers ne peuvent avoir aucune incidence sur sa situation. En somme, si le référendum a été écarté par les dirigeants, ce n’est pas en raison de son côté « mise à mort », qu’ils ont écarté depuis belle lurette, mais parce que les élus de la république ont toujours eu une sainte horreur du référendum, qui contredit leur sentiment bien ancré que c’est à eux de décider : à eux, et pas au peuple ! On le voit bien en matière de démocratie locale où, depuis 2003, le référendum local aurait dû être utilisé de manière massive, alors qu’il ne l’a quasiment jamais été : le peuple, pensent spontanément les élus, n’a pas à usurper un pouvoir qu’il leur a légitimement délégué. Vous vous souvenez de la formule des cours de récréation : donner, c’est donner, reprendre, c’est voler.

    Dans le cadre d’une démocratie contemporaine où l’on a de plus en plus la faculté de consulter réellement tout le peuple, la forme de ce Grand Débat a-t-elle quelques mérites ?

    Non, car le vrai problème, c’est le fait de choisir, de décider. Autant une question posée par référendum permet de savoir qui est d’accord et qui ne l’est pas, autant un débat ne produit que de l’indécision : on ne peut synthétiser juridiquement le débat, pas plus que, selon Rousseau, on ne peut représenter la volonté. Un débat peut et même doit avoir lieu avant de répondre à la question, mais lui-même, en tant que tel, n’est pas susceptible d’être pris en compte. En clair, le débat public, quel qu’il soit, est forcément une impasse et, au fond, une duperie (on l’a vu avec celui qui vient d’être organisé sur la bioéthique). Ceux qui l’organisent savent ce qu’ils veulent obtenir, et le débat n’est là que pour donner au bon peuple l’impression qu’il n’est pas laissé pour compte, une fois de plus.  

    Propos recueillis par Philippe Mesnard
  • GRANDS TEXTES (16) : Le regard vide, de Jean-François Mattéi (3/3)

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    Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI d’avoir écrit "Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne". 

    Il y dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.  

    Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.

     

    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

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    La perversion du mouvement

    (Chapitre intégral, pages 158/159/160/161/162/163/164).

     

               

    La translatio imperii devenue translatio studii, puis sur le plan mondial translatio belli, constitue à l’évidence le modèle mythique et rationnel du développement de l’Europe. Pourtant, de translations en translations, emportée par son culte du mouvement, la civilisation européenne a fini par dévoyer l’élan qui haussait son regard à la hauteur de l’Idée pour le rabattre sur l’horizon de l’histoire. Et cet horizon s’est trouvé paradoxalement bouché par une ouverture qui ne donnait sur rien sinon sur « un formidable champ de ruines » selon l’expression de Nietzsche (1). Cet effondrement ne concerne pas seulement la religion chrétienne, le dernier édifice romain désormais veuf de fidèles, mais la culture européenne emportée dans un tourbillon dénué de toute fin. Un projet de préface pour La Volonté de puissance, consacré à l’avènement du nihilisme, témoigne de ce courant déchaîné qui emporte l’Europe, et le monde avec elle, vers le néant.

    "Notre culture européenne toute entière se meurt depuis longtemps déjà, avec une torturante tension qui croît de décennies en décennies, comme portée vers une catastrophe : inquiète, violente, précipitée : comme un fleuve qui veut en finir, qui ne cherche plus à revenir à soi, qui craint de revenir à soi" (2).

     

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    "Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique..."

               

     

    La perversion de son mouvement est la perversion d’un regard qui, privé de but, se perd dans le vide et ne parvient plus à surmonter son épuisement. Il devient alors étranger à ses propres principes dans cette fuite désespérée en avant qui portera le nom trompeur de progrès. Tocqueville a le premier attiré l’attention sur « le mouvement perpétuel » qui règne au sein des démocraties et qui tend à modifier sans cesse la forme de la langue comme le contenu des pensées. Il dépeint à son époque, certes, la démocratie américaine, mais il généralise ses analyses à toutes les sociétés démocratiques qui, insiste-t-il, « aiment le mouvement pour lui-même », comme le montrent l’état de la langue et celui de la politique.

    Cette « agitation générale » renforcée par le développement de formules abstraites qui utilisent des termes génériques pour dire plus rapidement les choses – « la force des choses veut que les capacités gouvernent », note-t-il avec ironie (3) - précipite la marche vers l’égalité des peuples européens. Toutes les révolutions et contre-révolutions qui ont bouleversé l’Europe, « tous ces mouvements », qui ont détruit les pouvoirs intermédiaires traditionnels ont contribué à renforcer les Etats en égalisant les conditions sociales de sorte que « chaque pas que (les nations, ndlr) font vers l’égalité les rapproche du despotisme » (4). Contrainte par la puissance du mouvement d’égalité, de plus en plus rapide et de plus en plus uniforme, l’évolution de l’histoire a paradoxalement pris appui  sur un foyer de centralisation qui a été « le seul point immobile au milieu de la mobilité singulière » des existences et des pensées des hommes.

    Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules, dans une cité comme Londres, lorsque la population s’accroît à la tombée du jour et s’écoule dans les rues selon des courants contraires et anonymes. Le narrateur, ou Poe lui-même, se trouve dans la position traditionnelle de l’homme européen dont le regard examine avec recul le spectacle qui s’offre à lui. « Mes pensées prirent d’abord un tour abstrait et généralisateur. Je regardais les passants par masse et ma pensée ne les considérait que dans leurs rapports collectifs » (6). Parmi cette multitude d’hommes d’affaires, de commis, de marchands, de filous ou de joueurs de profession, de colporteurs et d’invalides, la foule se fondant en une masse amorphe et indistincte, le narrateur est soudain saisi par la physionomie étrange d’un vieillard qui passe devant la fenêtre du café où il est assis. Il se précipite dehors et se met à le suivre. L’homme traverse un lacis de rue, revient sur ses pas, tourne et retourne sans but apparent, et erre sans dire un mot parmi les groupes de passants de plus en plus rares à mesure de l’avancée de la nuit. « Il entrait successivement dans toutes les boutiques, ne marchandait rien, ne disait pas un mot, et jetait sur tous les objets un regard fixe, effaré, vide » (7). Jusqu’au point du jour, dans des cohues de plus en plus lointaines et de plus en plus rares, le vieillard arpentera les ruelles et les artères, courant d’un air désespéré jusqu’à ce qu’il retrouve un embryon de foule.

    Poe voit dans cet homme absorbé dans un mouvement sans  commencement ni fin, qui reprend sans espoir chaque jour, l’homme qui a peur de rester seul et qui n’existe que dans la proximité des autres. On peut y déceler aussi la métaphore du regard de l’homme européen, incarné par le narrateur, qui cherche à donner un sens à cette fuite aveugle de l’homme démocratique. Il est prêt à se fondre dans ce que Tocqueville nomme « une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et de vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme ».

    Et Tocqueville d’ajouter, à la fin de son ouvrage, ces phrases qui auraient pu être écrites par Poe :

    "Je promène mes regards sur cette foule innombrable composée d’êtres pareils, ou rien ne s’élève ni ne s’abaisse. Le spectacle de cette uniformité universelle m’attriste et me glace, et je suis tenté de regretter la société qui n’est plus" (8).

     

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    "Je voudrais vérifier la justesse des analyses de Tocqueville en revenant à la description qu’Edgar Poe donnait de l’homme moderne dans sa nouvelle The man of the crowd. Elle illustre le destin de l’homme des foules..."
     
     
     
     

    Nous sommes en présence, sous une double forme sociale et politique, de la pathologie européenne du mouvement intellectuel. Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par « de vieilles vertus chrétiennes devenues folles » (9) ; on en dira autant de l’élan de pensée qui les avait apportées. Ce que Sloterdijk  a analysé sous la forme de la « mobilisation infinie » et de la « mytho-motricité de l’Europe », dans l’optique de la « mobilisation universelle » de Jünger, Mobilmachung, et du « dispositif » technique de Heidegger, Gestell, qui se sont emparés du monde est la déformation tardive de l’auto-motricité de l’âme platonicienne.

    Cette âme était toujours en mouvement parce qu’elle était vouée au processus infini de la connaissance ; mais elle gardait son regard fixé sur les Formes en un ancrage supérieur qui interdisait toute dérive. L’ancre retirée, le mouvement pris pour lui-même devient fou et débouche sur la destruction systématique de la réalité. Dans sa Logique du sens, Gilles Deleuze a théorisé un tel mouvement de la modernité en appelant explicitement, contre Platon et son éloge du peras et du metrion, à choisir « un pur devenir sans mesure, véritable devenir fou qui ne s’arrête jamais », et il a attribué ce devenir illimité, qui évite le présent pour confondre le futur et le passé  à « la manière du simulacre en tant qu’il esquive l’action de l’Idée » (10).

    C’est un semblable flux nihiliste et chaotique, dont la forme métaphysique avait été annoncée par Nietzsche, qui a emporté l’Europe politique dans la logique de mort des deux conflits mondiaux. On le retrouve dans le flux de destruction des guerres européennes, et ses dizaines de millions de morts qui n’étaient pas des simulacres, mais aussi dans le courant des discours révolutionnaires qui soutenaient, selon le mot d’Edouard Bernstein, que « le but final, quel qu’il soit, n’est rien ; le mouvement est tout » (11). C’est ce vertige de démesure qui a emporté les deux grands mouvements totalitaires que l’Europe a produits au XXème siècle sur les renoncements de la démocratie.

     

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    "Chesterton pensait que le monde moderne était envahi par "de vieilles vertus chrétiennes devenues folles"..."

               

     

    L’idée européenne de l’homme, issue du platonisme et du christianisme, a bien été pervertie par les mouvements de pensée rivaux qui ont détruit les fins mêmes qu’ils se proposaient d’atteindre, l’édification d’un homme nouveau et celle d’un monde meilleur. Lévinas s’est interrogé sur « la décision originelle » (12) qui a permis, avec l’avènement de l’hitlérisme, la régression de l’Europe dans la barbarie. Cette décision originelle, qui rompait avec toute la tradition humaniste, peut s’appliquer également au communisme.

    Les deux idéologies, en dévoyant l’idée platonicienne d’âme en un simulacre de sujet, ont obéi à la loi impitoyable du mouvement qui voit dans l’être humain l’effet de l’évolution biologique de la race ou de l’évolution historique de la classe. Si le monde n’est qu’un processus, et les actions humaines des procédures, sans qu’aucune fin soit assignée au cycle biologique comme au mouvement historique, le regard porté sur la race ou sur la classe, abandonnant tout exigence de reconnaissance spirituelle, ne décèle plus dans l’homme qu’une donnée matérielle. L’individu réel, fondé dans l’espèce sous la forme grossière de la Race et de la Classe, se trouve effectivement détruit par la force aveugle d’un devenir-fou.

    Quand la politique totalitaire élimine les fins au profit des processus, la solution qu’elle impose ne peut être qu’une solution finale. Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement » (13). La fureur de l’universel, pour le communisme, et la démence du particulier, pour le nazisme, ont constitué tous deux, sur les ruines de l’esprit européen, des lois du mouvement qui déniaient toute fin et toute stabilité aux actions des hommes. Tout devient effectivement insensé quand la nature et l’Histoire ne sont plus garantes de la stabilité de la vie humaine, mais sont en elles-mêmes des forces aveugles qui emportent et détruisent la masse indifférenciée des individus, non plus par un appareil répressif d’Etat, mais par « un mouvement constamment en mouvement ».

     

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    "Je renvoie ici aux analyses classiques de Hannah Arendt dans Le Système totalitaire. Elle montre que la Terreur qui a frappé le monde était « la réalisation de la loi du mouvement » parce que son principe revenait à ce que « la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement »... 
     
             
     
     
     

    (1)     : F. Nietzsche, Le Gai Savoir, op. cit., livre V, § 358, page 250.

    (2)    : F. Nietzsche, Fragments posthumes. Automne 1887 –mars 1888, tome XIII, Paris, Gallimard, 1976, 11 (411), page 362. Souligné par Nietzsche.

    (3)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, I, XVI, Œuvres II, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1992, page 557. Souligné par l’auteur.

    (4)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 821.

    (5)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, ibid, II, IV, V, page 832.

    (6)     : E.A. Poe, « L’homme des foules », E.A Poe. Contes. Essais. Poèmes, édition de Claude Richard, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1989, page 506.

    (7)     : E.A Poe, « L’homme des foules », ibid, page 510.

    (8)     : A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, op. cit., page 836 et page 851.

    (9)     : G.K. Chesterton, Orthodoxie (1908), Paris, Gallimard, 1984, page 44.

    (10) : G. Deleuze, Logique du sens, « Du pur devenir », Paris, Minuit , 10/18, 1968, pages 8 et 9.

    (11) : E. Bernstein, Die neue Zeit : le mot est rapporté et critiqué par Rosa Luxembourg au Congrès de Stuttgart du parti social-démocrate allemand le 4 octobre 1898.

    (12) : E. Lévinas, Quelques réflexions sur l’hitlérisme (1934), Paris, Payot-Rivages, 1997, page 8.

    (13) : Hannah Arendt, Le Système totalitaire (1951), Paris, Editions du Seuil, 1972, page 210.

     

     

    soljenitsyne,revolution,vendee,totalitari
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  • GRANDS TEXTES (8) : Le discours d'Harvard, d'Alexandre Soljenitsyne.....

    Le 8 juin 1978, à Harvard, Alexandre Soljenitsyne prononçait ce discours prophétique.

    Plaie d'argent n'est pas mortelle, comme le disait Otto de Habsbourg, et il est bien certain que la crise que nous connaissons non seulement n'est pas d'abord et avant tout économique, essentiellement économique mais qu'elle est avant tout une crise qui touche à l'essentiel, une crise de la société, et même au delà, une crise de l'Homme.

    Elle est bien plutôt anthropologique et ontologique. Elle résulte d'une maladie profonde de l'Homme et de l'Etre.

    D'ailleurs ill est bien remarquable que les deux héros spirituels qui ont ébranlé le communisme - Alexandre Soljénitsyne et le Pape Jean-Paul II - se soient lancés aussi bien l'un que l'autre dans une critique immédiate de la société consumériste des pays dits occidentaux sitôt que le bloc communiste se fut écroulé...

     

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    Le discours d'Harvard

                

     

    Je suis très sincèrement heureux de me trouver ici parmi vous, à l'occasion du 327e anniversaire de la fondation de cette université si ancienne et si illustre. La devise de Harvard est  VERITAS. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère. Mon discours d'aujourd'hui contient une part de vérité ; je vous l'apporte en ami, non en adversaire.
     
    Il y a trois ans, aux Etats-Unis, j'ai été amené à dire des choses que l'on a rejetées, qui ont paru inacceptables. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d'alors...

     

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    "La devise de Harvard est  VERITAS. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère..."



     

    La chute des "élites"

                

    Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d'où l'impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d'un accès subit de vaillance et d'intransigeance, à l'égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l'Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?
     
    Quand les États occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l'homme, et que la vie de l'homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d'Indépendance). Aujourd'hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un État assurant le bien-être général. Chaque citoyen s'est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu'il a cours depuis ces mêmes décennies.



     Une société dépressive

     

    Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d'avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l'Ouest les marques de l'inquiétude et même de la dépression, bien qu'il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n'ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.
     
    L'indépendance de l'individu à l'égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n'auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d'élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l'épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l'argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

    Même la biologie nous enseigne qu'un haut degré de confort n'est pas bon pour l'organisme. Aujourd'hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.
     
    La société occidentale s'est choisie l'organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j'appellerais légaliste. Les limites des droits de l'homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l'Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l'aide d'un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu'un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n'en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n'entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu'aux extrêmes limites des cadres légaux.

     

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    Comment ne pas entendre, ici, comme un écho de ce qu'écrit Pierre Boutang dans son Reprendre le pouvoir (Grand Texte n° III) : "..nous reconnaissons en eux les Français (et les diverses nations d'Europe selon une modalité particulière), en tant qu'hommes empêchés de vivre naturellement..."

     

     

     

     

    " Médiocrité spirituelle "

                

    J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.
     
    Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste.
     
    Aujourd'hui la société occidentale nous révèle qu'il règne une inégalité entre la liberté d'accomplir de bonnes actions et la liberté d'en accomplir de mauvaises. Un homme d'Etat qui veut accomplir quelque chose d'éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n'a aucune chance de s'imposer : d'emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.
     
    Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l'Ouest, de défendre non pas tant les droits de l'homme que ses devoirs.
     
    D'un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s'est vue accorder un espace sans limite. Il s'avère que la société n'a plus que des défenses infimes à opposer à l'abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faite aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d'horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu'ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L'organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal...
     
    L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n'a pas disparu à l'Ouest, alors même que les meilleures conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi...

     

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    "L'homme est naturellement bon et c'est la société qui le déprave."
    (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)
    "L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender."

     

     

     

     

    Les médias fabriquent un " esprit du temps "

                

    La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? Quelle responsabilité s'exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l'encontre de son lectorat, ou de l'histoire ? S'ils ont trompé l'opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l'Etat, avons-nous le souvenir d'un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s'en tirera toujours. Étant donné que l'on a besoin d'une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d'avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s'installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d'opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d'Etat touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l'intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c'est un slogan faux, fruit d'une époque fausse ; d'une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n'a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d'information. Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l'Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d'idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d'esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d'intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d'une compétition mais d'une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.
     
    Sans qu'il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d'idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n'ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d'être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l'engouement à la mode. Sans qu'il y ait, comme à l'Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d'apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l'apparition d'un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux États-Unis, il m'est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes ... peut-être un professeur d'un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l'entendre, car les média n'allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un

  • Un débat de fond sur l'Europe et sur l'Euro, dans Lafautearousseau

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    Notre note du samedi 12 avril (Bernard Maris sur France Inter : "La zone euro est en train de créer une guerre économique qui est en train de détruite l'Europe") a suscité un long et intéressant débat de 17 commentaires substantiels que nous trouvons utile de vous faire connaître.

    Le débat pour le débat, ce n'est pas notre affaire, bien-sûr. En revanche, les débats ont un évident intérêt lorsqu'ils servent à s'approcher de positions justes, lorsqu'ils sont utiles à la clarification de notre ligne politique. C'est à dire, au fond, utiles à rechercher quel est, en chaque matière, (ici, en matière de politique européenne) l'intérêt de la France. C'est, en effet, cela notre souci.

    Lafautearousseau

    Participants à ce débat qui a duré près de deux semaines : Patrick Haizet; Catoneo; de Wargny; LUC; Thulé; Anatole et Marcel. Qu'ils en soient remerciés.

     

       Désolé, je ne suis pas du tout convaincu par l'argumentaire de M.Maris.
    Le principal problème de la France, c'est son régime politique, lequel, s'il était bon, saurait nous protéger des supposés méfaits de l'Euro, par une politique appropriée. Pourquoi s'empresser d'oublier la judicieuse remarque du baron Louis à Louis XVIII - qui reste valable - et s'adonner aux fâcheuses habitudes et délices ratés des 3 dernières républiques qui ont passé leur temps à pratiquer des dévaluations compétitives ? (Mitterrand et Delors ont même dévalué 3 fois de suite au printemps 1981).
    Car il ne faut pas se leurrer, une sortie de la France de l'€ impliquerait immédiatement une défiance (économique et politique) de tous les marchés vis-à-vis de notre pays et un renchérissement du coût de la dette française, plus une série imprévisible de dévaluations du FF, même rattaché à l'€ par un faux serpent monétaire. Cela pourrait également provoquer une crise de toute la zone euro, et un réajustement international de toutes les monnaies, y compris du $ qui serait tiré vers le bas (sans que la France ait son mot à dire).
    Sortir de l'€ est plus facile à dire qu'à faire !
    Ce n'est sûrement pas aujourd'hui une priorité. Il y a mieux à faire politiquement.
    Et notre gouvernement socialiste a déjà suffisamment fait d'erreurs comme cela, pour en ajouter une autre aux effets parfaitement incontrôlables.
    C'est une matière ou l'idéologie est hors de propos, car la France n'est pas seule au monde Elle est même un opérateur relativement secondaire sur le plan monétaire.

     Patrick Haizet | samedi, 12 avril 2014 

      L'euro est toxique pour les pays malades, peuplés de gens apeurés. Je rejoins le commentaire de M. Haizet en confirmant que la France n'est pas du tout un opérateur monétaire, sa devise fut toujours cotée par opposition, car il n'y a que 5 devises internationales et ce depuis très longtemps : dollar, sterling, euromark, franc suisse et yen.

    Ce pays doit être réformé de fond en comble. C'est bien ce qu'ont ressenti des peuples latins dans la panade qui crient de douleur mais qui aucun n'exigent que leur pays sorte de l'euro. Bizarre ! Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie remontent la pente en sueur, mais remontent.
    Ceux que nous toisons volontiers seraient-ils plus intelligents que les Français ? Pas difficile, à voir le succès nulle part ailleurs des programmes économiques du Font de gauche et du Front national.
     

    Catoneo | samedi, 12 avril 2014 

      M. Maris est un prédicateur bien connu de la gauche. Son expertise est celle de gribouille, qui pour se protéger de la pluie, se place sous une gouttière. En somme, une autre version de l'arroseur arrosé. Les recettes idéologiques pour des problèmes liés à la mauvaise gouvernance, de gauche ou de droite, ont toujours abouti aux assignats de la révolution et à la banqueroute. Le baron Louis, l'excellent ministre de l'économie et des finances de Louis XVIII, avait bien raison de dire qu'il fallait au pays une bonne politique pour avoir une bonne économie. C'est ce que font les Allemands ou les Néerlandais. Mais, hélas, notre pays a la fâcheuse habitude de choisir les solutions de facilité ou pire la lâcheté. Le terme de "rigueur" dont se gargarisent si volontiers nos gouvernants et l'élite bureaucratique n'est qu'une vaste fumisterie ou une rodomontade de boulevard. Pour le reste, je partage les points de vue de M.Haizet et de Catoneo. 

    de Wargny | samedi, 12 avril 2014  

      Je regrette, pour ma part, que Patrick Haizet, grand connaisseur de l'univers économique et financier mondial, comme Catoneo, dont je lis les notes avec grand intérêt, ne répondent directement à aucun des arguments avancés par Bernard Maris et, même, dans une certaine mesure, par Dominique Seux.
    Est-ce qu'une certaine défense a priori de l'euro ne serait pas en elle-même aussi une idéologie ? Voire un dogme, une religion ? Une simple peur ? Bref, comme réflexes classiques de la Droite libérale ?
    Si l'euro est toxique pour les pays malades, l'on pourrait légitimement en conclure qu'il l'est donc pour nous tant que nous n'aurons pas recouvré la santé ... Même remarque s'agissant de notre régime politique malfaisant. Si l'on peut dire, il règne. Nul Louis XVIII, ni baron Louis à l'horizon. Et si nous étions l'Allemagne, l'euro nous irait assez bien ! Mais nous ne le sommes pas. Et même : est-il si sûr qu'un jour ou l'autre, l'Allemagne, à force de garantir ou de payer pour les autres, ne finira pas par considérer que, tous comptes faits, la défense de l'euro lui coûte, en définitive, plus cher qu'il ne lui rapporte ? Les Allemands sont meilleurs que nous pour ce genre de calculs ... Il n’est pas sûr du tout que la première à « sortir de l’euro » soit la France !
    Je n'ai, sans-doute, ni les compétences économiques et surtout financières de Patrick Haizet, ni celles de Catoneo. Mais, au moins en partie, du bon sens peut y suppléer.
    Je comprends que l'on ait à se méfier de l'aventurisme politique et économique comme de l'amateurisme des socialistes actuellement au pouvoir.
    Mais j'ai lu, hier, dans le Figaro, une argumentation serrée – quoiqu’à mon sens, trop hostile à l’Allemagne - de Philippe Villin banquier d'affaires et ancien directeur général du Figaro, qui, lui aussi, prône une sortie organisée de l'euro. Il n'est ni socialiste, ni homme de gauche.
    Que dire des analyses - qui me paraissent intelligentes et sérieuses - d'Hervé Juvin, qui, lui non plus, n'est ni socialiste ni homme de gauche, et va dans le même sens ? Ou, dans un autre univers, d’Eric Zemmour, analyste perspicace ?
    Patrick Haizet nous dira-t-il que ce sont des idéologues ; qu’ils n’y entendent rien ? Ne leur faisons pas crédit a priori, mais ne rejetons pas leurs positions d’un simple revers de main.
    Les arguments en faveur d'une sortie de l'euro n'émanent plus seulement des politiques et de leurs discours. Ils gagnent, sont partagés, par de nombreux esprits avisés, droite et gauche confondues.
    J'ai l'impression qu'il ne suffit plus aux défenseurs de l’euro de leur opposer quelques idées générales souvent caricaturales ou simplement polémiques et, finalement, assez rebattues. Il faudrait être pointus, répondre point par point !
    C'est rarement le cas.
     

    LUC | dimanche, 13 avril 2014  

      L’instauration de l’euro aurait été une chose excellente à condition de respecter deux conditions : que le niveau de la monnaie unique ne soit pas indexé sur l’ancien mark, et que sa mise en place s’accompagne d’un système de protection commerciale aux frontières. Or, aucune de ces conditions n’a été remplie. Au lieu d’assurer une protection communautaire, c’est la carte du libre-échangisme intégral que l’on a décidé de jouer. On a assisté au démantèlement du tarif extérieur commun qui, jusque là, protégeait en partie l’Europe de la concurrence. La surévaluation chronique de l’euro a ensuite accentué les déséquilibres. En même temps, on a artificiellement plaqué une monnaie unique sur des économies divergentes à tous égards.

    Le grand argument que l’on oppose en général à une éventuelle sortie de l’euro serait que les pays qui s’y risqueraient verraient instantanément leur dette augmenter, puisque celle-ci resterait libellée en euros. On peut répondre qu’en contrepartie ces pays pourraient adopter des mesures susceptibles de favoriser la hausse de la demande intérieure et le rétablissement de leur compétitivité, ce qui leur permettrait au contraire de mieux faire face à leur endettement. Un retour aux monnaies nationales associé à une forte dévaluation – comparable à ce qui s’est passé dans les pays de l’Est lorsque ceux-ci ont abandonné le rouble après l’effondrement du système soviétique – abaisserait le coût des produits pour les acheteurs étrangers, et stimulerait d’autant les exportations, ce qui donnerait de meilleurs moyens de régler la dette. On a aussi fait observer que toute dévaluation consécutive à un retour aux monnaies nationales se traduirait fatalement par un renchérissement des produits importés hors de la zone euro. Mais ce dernier est en réalité assez faible : pour la France, les importations de biens et de services hors de la zone euro ne représentent que 13 % du PIB.

    Sortir de l’euro ne suffirait toutefois pas à s’affranchir de la dictature des banques et des marchés. Le retour aux monnaies nationales n’est en effet pas une panacée. Il ne réglerait aucun des problèmes structurels des sociétés actuelles, et ne constituerait en aucune façon une rupture avec la logique du Capital. Selon Jacques Sapir, "Recouvrer notre souveraineté monétaire n’aurait pas de sens si cela ne devait pas s’accompagner d’un changement radical de notre politique".
     

    Thulé | samedi, 12 avril 2014 

      Le problème de fond est que la science économique n'est pas prédictive, et si elle reste un bon outil d'analyse historique, elle ne donne aucune assurance de bonne application de la théorie universitaire.
    Chaque fois que la "science" est prise en défaut, les économistes distingués signalent que la mise en application n'était pas chimiquement pure ; voulant oublier qu'aucune société humaine n'est chimiquement pure.
    Je crois que Sapir intègre de plus en plus les scories d'impureté dans son raisonnement depuis qu'il est bien moins catégorique dans les solutions à retenir d'urgence avant la mort du malade annoncée chaque année pour la Noël.

    Reste la question de la fracture de l'Eurogroupe à l'initiative de l'Allemagne et de ses "alliés". Berlin fera tout pour l'éviter car le taux de change actuel est au maximum commercial compatible. Un euromark prendrait mécaniquement 15% sur le dollar. Par la dévaluation symétrique des monnaies de ses "clients douteux" le gap serait porté à 30%. C'est insoutenable.

    Mais si d'aventure, Paris tombait aux mains d'aventuriers et recréait le franc, il n'en deviendrait pas pour autant une monnaie d'échange à l'international. Peu de fournisseurs étrangers accepteraient de facturer en franc, surtout s'il y a du délai de fabrication.
    Rappelons-nous que jusqu'aux derniers jours du franc, les acteurs maritimes français de l'arc atlantique cotaient leur fret en Deutsch Marks au départ des ports français (Manche et Gascogne) à destination de tous les ports d'Afrique atlantique.

    Certes le franc français ressuscité circulera de force, mais à l'intérieur de l'hexagone et sur les bulletins de paie, sans que l'on ne sache jamais, passé vendredi midi, sa parité future du lundi matin. Les échanges économiques, même intérieurs, se feront en partie en monnaie sérieuse parce que les intrants étrangers dans les produits distribués resteront importants et en détermineront leur valeur. Le grossiste lambda sait en quelle monnaie d'origine il achète ses stocks quelle que soit la monnaie libellée dans la facture.

    Pas besoin d'aller à l'université écouter Bernard Maris pour comprendre cela, il suffit d'avoir un peu travaillé dans le secteur du commerce extérieur pour savoir que le franc est une piastre à usage domestique.
     

    Catoneo | dimanche, 13 avril 2014 

      Il serait possible de conserver le seul avantage incontestable de l’euro – constituer à terme une monnaie de réserve – en transformant la monnaie unique actuelle en une monnaie commune au niveau déterminé à partir de l’euro et des monnaies nationales restaurées.

    La monnaie commune établit une barrière face au reste du monde, mais n’interdit pas l’ajustement des parités de change entre les pays membres.

  • Libérer la France, par Hilaire de Crémiers*

    HOLLANDE NAJAT.jpgIl n’est pas de jour où des Français, des groupes de Français, ne protestent contre le carcan qui les étouffe et que le régime ne cesse de resserrer sur eux, tout en affirmant, comme pour se gausser, qu’il le fait au nom de la Liberté, de l’Egalité et, pourquoi pas, de la Fraternité.

    Pourquoi les Français n’osent-ils pas voir les raisons de leur malheur ? Les institutions, telles qu’elles fonctionnent, ne correspondent plus aux nécessités du siècle. C’est le cœur du problème politique français. Qui ne le comprend ? Du sommet de l’État jusqu’à la plus petite autorité investie de la puissance publique, il faudrait, dans cette période difficile, à l’encontre de ce qui se passe aujourd’hui, des personnes qui aient d’abord et fondamentalement le sens du bien commun et que rien ne puisse, d’une manière ordinaire, les en détourner. Voilà où va sans aucun doute le vœu politique du peuple français, le vrai, celui qui travaille, qui souffre et qui aime : il devine que ce serait là le salut de la France, mais il n’a pas la capacité d’imaginer ni encore moins d’exprimer un tel souhait.

    Quelle que soit la violence de la crise, le peuple intuitivement sait qu’en un tel cas il serait rassuré et qu’il se mettrait au travail avec goût. Le fait que l’État, et tout ce qui en relève, se simplifierait par l’évidente vertu d’une décision majeure qui l’arracherait aux luttes des partis et aux idéologies, entraînerait la France dans une voie de redressement général dont chacun sent un urgent besoin ; les responsabilités seraient conférées non plus en raison de choix idéologiques et partisans, mais en fonction de l’intérêt national et du bien public. Impossible, dit-on. Dans le cadre des institutions actuelles, oui, bien sûr. Mais personne ne sait dans quel état ces institutions se trouveront demain si la dégradation de la situation continue.

     

    Une société de folie

    Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles et ils commencent à comprendre que tout est fait depuis déjà longtemps pour les empêcher de penser, surtout en matière politique. Une « Liberté » aussi théorique que mortelle est brandie comme une arme par une bande de malfaiteurs publics qui vivent du système, pour tuer toutes les libertés ; ils sont là à leur affaire et ils y déploient tout leur art : des tyrans qui se déguisent en anges de la Liberté ! Cette duperie pourra-t-elle fonctionner encore longtemps ? Tous les 1793 de l’histoire s’achèvent en anarchie qui appelle inéluctablement un retour à l’ordre. Mais les voici nos maîtres : leur visée totalitaire est absolue et dans tous les domaines, y compris familial, éducatif et religieux. Ces gens sans vergogne dictent leur loi au nom d’un Bien qu’ils définissent eux-mêmes. Tout y passe et les romans d’anticipation les plus tragico-comiques du xxe siècle ont décrit d’avance cette société de fous que ces esprits, dont la superbe égale la fausseté, prétendent nous imposer, à nous, en France, en revendiquant une modernité qui n’a rien de moderne, sauf son mauvais goût et son inhumanité. Le Château de Kafka, 1984 d’Orwell, Le meilleur des mondes de Huxley figurent encore mieux ce qui va être, ce qui est déjà l’horreur de notre petit univers français, pire au fond que celle qui menace les autres mondes anglo-saxons ou germaniques. Dans son Avenir de l’Intelligence, Charles Maurras l’avait pronostiqué, lui aussi, dès 1900 : une société de fer où l’argent serait roi et où toute liberté, surtout celle de l’esprit, serait supprimée.

    C’est que chez nous la pression idéologique est encore plus forte ; il s’agit dans le projet de ceux qui ont réussi à prendre le pouvoir – car, en France, le pouvoir n’est plus qu’un enjeu – de faire plier la société française dans ce qu’elle a de propre : sa civilisation, ses traditions, sa politesse, sa finesse d’organisation, son aptitude prodigieuse à appréhender et à faire le bien. Tel est le pari qu’ont fait ces destructeurs dont la plupart sont, d’ailleurs, des profiteurs de cette France qu’ils exècrent. Ce qu’ils veulent, c’est que leurs normes brutales dont les desseins barbares se couvrent de grands mots, régentent désormais ces familles françaises irréductibles que l’État républicain n’a pas encore réussi à pulvériser. Toujours trop nombreuses, et toujours reviviscentes, voilà le reproche qu’ils leur adressent continûment. Aujourd’hui ils se croient les maîtres, ils pensent qu’ils ont triomphé de la France devenue leur esclave ; ils sont donc satisfaits.

    Voir de pauvres gosses errer sans vraie parenté, des filles livrées, des garçons abandonnés, des familles spoliées, des patrimoines pillés, des maisons volées, des commerçants agressés, des suicides à la chaîne, des patrons à bout de difficultés, des ouvriers sans travail, ça doit probablement faire leur joie ! Ils sont contents d’eux. Il suffit de les écouter. Et c’est à eux que reviennent les ministères, les voitures, les chauffeurs et surtout le pouvoir, objet de toutes leurs convoitises et de toutes leurs disputes. Il vient des envies de justice et de justicier.

     

    Des clans et des partis

    Toutes les institutions ont été gangrenées par leur esprit de parti. C’est que leurs appareils s’en sont emparés ; ils vivent dessus, pas seulement financièrement, mais aussi médiatiquement, politiquement, même philosophiquement, car ils ont l’outrecuidance de légaliser par le biais des institutions leur misérable philosophie pour l’établir comme norme universelle. Comme dans 1984 ils réécrivent  l’histoire, ils fixent le bien et le mal, ils déterminent le vrai et le faux. Ils mettent toutes les forces sociales au service de leurs lois et de leurs décrets. Ils rendent ensuite l’administration complice et, pour plus de sûreté, ils la doublent de commissions, de comités, de hauts conseils, un appareillage supplémentaire où la gabegie n’entretient que la perversité.

     

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    Fonctionnaires hauts et petits, élus sincèrement attachés à leur tâche, braves gens embringués dans des marchés de dupes, militaires de tous grades, tous ont eu cent fois l’occasion de s’en rendre compte : il y a derrière les organigrammes une machinerie et elle ne fonctionne que dans un seul sens, toujours le même. Cette constatation, chacun peut la faire. Elle ne relève pas de la théorie du complot. C’est comme ça et de plus en plus comme ça.

    Des comités d’éthique aux commissions spécialisées, des rapports d’experts aux innombrables décisions prises subrepticement et tout à coup imposées sans ménagement, c’est toujours les mêmes trucs indéfiniment resservis pour balayer l’objection et amener la solution, leur solution, prévue d’avance. On croit travailler pour la France, on travaille pour des coteries qui manipulent les partis et qui s’installent dans les lieux de pouvoir. Comment ne pas être écœuré ? Même en politique extérieure le risque est de voir les engagements de la France servir à d’autres buts que le souci réel des populations, alors que la France a un rôle évident à jouer en Afrique. Mais que peuvent penser des politiciens qui n’ont jamais réfléchi à ces questions ?

     

    Protestation du chef de la Maison de France

    comte de paris.jpgLà où le régime se révèle tel qu’il est, c’est dans ses procédés, d’abord pour insinuer, puis peu à peu pour imposer ses objectifs. Ainsi le rapport des 250 experts (!) sur l’intégration commandé par Ayrault, mis en ligne sur le site Internet de Matignon et qui a défrayé la chronique, n’est en fait rien d’autre que le plan prévu. C’est pourquoi il ne suffit pas de simplement s’en offusquer. Il n’y a pas à s’y tromper : ce qui est visé, c’est la destruction programmée de la France. Mgr le comte de Paris l’a écrit en termes forts dans une tribune du Figaro du 18 décembre. Au nom de la France, de son histoire, de son avenir, que, chef de la Maison de France, il est plus que personne qualifié pour représenter, il proteste hautement contre cette manière de prétendre « faire France » pour détruire la France. L’héritier de nos rois a parlé : il a tout dit.

    Il est affreux de savoir qu’il est des gens qui sont payés par l’État dans ce seul but de démolir notre pays. Les clans qui occupent le pouvoir ne pensent qu’à « ça », en tous domaines ! La colère de Hollande, feinte ou réelle, ne tient qu’au fait que ce dévoilement a eu lieu trop tôt, et trop ouvertement, alors qu’il veut faire passer auparavant d’autres lois sociétales. Question de tactique, non de stratégie. Il n’est pas difficile de prévoir que les protestations, pour légitimes qu’elles soient, ne serviront à rien. Ils veulent aller jusqu’au bout de leur programme. Il n’est pas de lois qui soient en train d’être votées, que ce soit sur les retraites, sur la formation, sur l’organisation professionnelle, qui ne soient dirigées en réalité contre les familles, les entrepreneurs, la France réelle et vivante, et ce seront toujours les mêmes qui paieront. Ainsi de tout. Ainsi surtout des lois sur la famille, sur la bioéthique et l’euthanasie. Des experts, des « panels » – ça fait bien – 18 quidams en l’occurrence, dont nul ne sait comment ils sont désignés, préparent les voies. Demain on tuera légalement et sans doute joyeusement, en toute impunité. Comment s’étonner que les faits divers les plus affreux abondent en ces jours sinistres ? L’heure est venue de la résistance. Hollande ne veut pas que ce mot soit employé. Évidemment : les familles ont beau manifester, toute une jeunesse française se lever, le régime les ignore et les méprise.

    Le régime ne fonctionne que pour lui-même, comme dans les pays en décomposition : c’est cette vérité qu’il faut comprendre. Les élections municipales et européennes agitent le marigot politique. Elles auront valeur de signe et encore ! La gauche tient si bien ce qu’elle a réussi à prendre dans les territoires qu’il y aura des surprises, mais peut-être pas dans le sens prévu. La fixation obsessionnelle sur le Front national est une habile méthode pour détourner l’attention.

    Tant que ce régime fonctionnera, tel qu’il fonctionne, il sera impossible d’avoir une juste représentation de la France, des Français, de leurs intérêts réels. C’est navrant, car, aujourd’hui, tout serait possible. Il est dans l’air du temps de nouvelles appréhensions de la réalité. La notion d’ « écologie humaine », qu’une nouvelle génération veut promouvoir, indique la voie d’une libération possible ; elle ne peut que déboucher sur une politique naturelle. Le système qui enserre la France relève de vieilleries idéologiques qui ne sont plus adaptées aux nécessités ni même aux volontés du moment. C’est vers ce renouveau que l’étoile doit nous guider.

    * Analyse politique parue dans le numéro de janvier de Politique magazine.

  • Eh, oui, tout arrive : pas d'accord du tout avec un article paru sur Boulevard Voltaire...

    Boulevard_Voltaire1.jpgC'est évidemment une excellente chose que Robert Ménard ait ouvert Boulevard Voltaire, le Cercle des empêcheurs de penser en rond. Comme, par exemple, sur Causeur, d'Elisabeth Lévy (Surtout si vous n'êtes pas d'accord...), il s'y publie quotidiennement des articles qui sont autant de contrefeux aux mensonges imposés par une petite coterie qui impose ses vues, pour reprendre l'expression de Chantal Delsol. Ce sont autant de bouffées d'oxygène indispensables, pour qui veut combattre le politiquement correct, et tous les "ment" qui vont avec : historiquement, moralement, culturellement, on en passse, et des meilleurs !

    Et pourtant - heureusement - être souvent d'accord ne veut pas dire être toujours d'accord, et Robert Ménard sera sûrement... d'accord avec nous là-dessus : il y a peu, est paru, donc, sur Boulevard Voltaire un article de Jean-Claude Lauret à propos de François Reynaert…

    D'après Jean-Claude Lauret, dans son papier intitulé "Pour en finir avec les fadaises de notre Histoire", François Reynaert est un "un gentil garçon,  un passionné d’histoire. Il s’est donc plongé dans les œuvres des grands auteurs du passé…. etc… etc…"

    Avant de donner notre réaction, on lira ci-après ce que nous estimons être les surprenantes amabilités de Jean-Claude Lauret, parlant - beaucoup trop gentiment à notre goût - de Reynaert, dénonciateur -soi-disant... - des "fadaises"  de notre Histoire : 

    http://www.bvoltaire.fr/jeanclaudelauret/livre-pour-en-finir-avec-les-fadaises-de-notre-histoire,21251?utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=e816cbfb1d-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-e816cbfb1d-25455017

    reynaert.jpgVoici maintenant ce que nous souhaitons dire à ce sujet : un mouvement est en marche, inéluctable, et il se déroule inexorablement, même si nous le trouvons trop lent : le mouvement de re-découverte et de ré-appropriation par les français de leur Histoire, enfin débarrassée et expurgée de l'idéologie et des mensonges de la vérité officielle.

    Et pourtant ! Pourtant, il y a encore des intoxiqués qui s'obstinent à maintenir, envers et contre tout, les contre-vérités les plus énormes, les déformations et travestissements de la réalité les plus scandaleux : François Reynaert (photo) est de ceux-là...

    A l'occasion de la sortie de son livre Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises... il avait été reçu, sur LCI, par un Julien Arnaud fort complaisant envers lui, gobant avec admiration tout ce que disait Raynaert, et son désir de corriger certaines fadaises que nous avons tous, affirmait-t-il, apprises à l'école.

    Mais, en fait de fadaises, c'est lui qui les débite, et avec un aplomb, une assurance littéralement stupéfiantes !

    Nous rappellerons juste trois énormités, dans ce triste entretien, que -semble-t-il - Jean-Claude Lauret n'a pas écouté, et qui ne restera pas dans les annales comme un grand moment de liberté intellectuelle, mais bien plutôt comme un pénible moment de passage de brosse et de partage de conformisme, réellement attristant :  

    1 : Julien Arnaud pose la question :"...pour Louis XVI... auriez-vous voté la mort ?" Reynaert commence alors la classique contorsion du je ne suis pas favorable à la peine de mort mais..... Mais, oui, il aurait voté la peine de mort. Et pourquoi ? Mais voyons, parce qu'il est prouvé que Louis XVI a trahi !

    Alors que c'est, évidemment, la Révolution qui a agressé l'Europe, déclarant une guerre funeste et anti naturelle, contraire à tous nos intérêts de l'époque. Que Louis XVI ait mal réagi, sans amis, sans conseillers, non préparé qu'il était à des faits extra-ordinaires auxquels, de toutes façons, personne n'était préparé, voilà ce que personne ne peut nier. Mais il convient de commencer par le commencement. La folie des folies, le crime des crimes, c'est d'avoir mis le feu à l'Europe. Un feu qui devait ruiner notre position dominante sur le continent, briser notre puissance militaire et démographique, et amener par deux fois les coalisés de l'Europe entière sur notre territoire, qui n'avait plus été envahi depuis des lustres. Attaquer l'Autriche - devenue notre alliée évidente, depuis que nous l'avions vaincue, contre la Prusse, puissance montante et menaçante, qui devait devenir cette Allemagne qui nous a fait tant de mal aux XIXème et XXème siècle - c'est, bel et bien, de "l'intelligence avec l'ennemi". Ce n'est donc pas Louis XVI qui a trahi, mais les philosophes prussophiles, puis la Révolution, la République et les deux Empires prussophiles - jusqu'à Sedan, terme logique de tout cela... -

    De cela, pas un mot de notre prétendu correcteur de fadaises : drôle d'historien ! et beau boni-menteur ! Il ne retient qu'une chose de tout ce gigantesque gâchis voulu et créé par la seule Révolution, sa vérité-mensonge officielle : Louis XVI a trahi. Plus aveugle ou plus menteur que moi, tu meurs !.....

    2 : la seconde énormité de l'entretien est peut-être encore plus grandiose que la première. Non, ni la Convention, ni Robespierre, ni leur système et leur régime ne peuvent être qualifiés de totalitaires. Tiens donc, et pourquoi, s'il vous plaît ? Accrochez-vous ! Parce que la Convention a produit la réaction thermidorienne ! Et, donc, un système qui génère sa propre limitation ne peut être qualifié de totalitaire "puisque", avec le 9 Thermidor, c'est la république de ce moment-là qui "peut en son sein se renverser..."!

    Et, hop, passe la pirouette verbale ! Il est pas beau, mon sophisme ? Avec cet historien de pacotille, et cette explication (!) à dix centimes d'euros (en comptant large !...), on est en pleine bibliothèque rose ! Notre boni-menteur nous ferait presque entendre les cui-cui des oiseaux dans les arbres, les moutons bêlant gentiment dans les champs et, au loin, le "il pleut, il pleut, bergère !...". C'est l'Histoire et la Politique ramenés au Monde de Martine !...

    Raynaert prend vraiment les gens pour des imbéciles ! La vérité sur Thermidor n'est évidemment pas ce qu'il dit, dans son Histoire bidon pour lecteurs et lectrices fleurs bleues : il s'agit uniquement - comme l'explique Jacques Bainville - du réflexe de survie "des plus sagaces et des plus subtils", "ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout" et à qui "une peur suprême... donna le courage du désespoir", rien de plus; et rien de bien glorieux, en soi. En tout cas, rien de ce que croit y trouver notre historien de pacotille.

    On lui citera le passage du chapitre XVI de L'Histoire de France de Jacques Bainville, La Révolution :

    "...Au mois d'avril 1794, la Terreur dure toujours. Danton a été supprimé, Camille Desmoulins et sa Lucile aussi. Les hommes de la Révolution se sont dévorés entre eux. Seuls ont échappé les prudents et les habiles, ceux qui ont eu, comme disait Sieyès, le talent de vivre. Mais à force d'épurer la Révolution, Robespierre en a tari la sève. Lui-même, avec le jacobinisme, il est toute la Révolution. Il n'y avait plus rien après les opinions de Marat. Il n'y a plus personne après Robespierre. Il a grandi, depuis la Constituante, par les surenchères que favorisait le principe politique en vigueur depuis 1789 : pas d'ennemis à gauche. Maintenant, quelles sont ses idées ? Que veut-il ? Où va-t-il ? Il ne le sait pas lui-même. On prête à ce despote les projets les plus bizarres, et la cour de Vienne s'intéresse à « Monsieur de Robespierre ». Pourtant il n'invente plus autre chose que la fête ridicule de l'Être suprême, tandis que la guillotine fauche tous les jours, éclaircit les rangs de l'Assemblée, dégarnit jusqu'à la Montagne. Il ne restait plus guère que ceux qui, par peur, avaient dit oui à tout. Une peur suprême leur donna le courage du désespoir. Robespierre sentit que la Convention lui échappait et il voulut recourir au moyen ordinaire, celui dont l'effet, jusque-là, n'avait jamais manqué : l'intervention de la Commune. On vit alors, au 9 thermidor, cette chose extraordinaire. Les Conventionnels qui survivaient étaient les plus sagaces et les plus subtils, puisqu'ils avaient réussi à sauver leur tête. Ils s'avisèrent de ce qu'on ne semblait jamais avoir compris depuis le 10 août : que ces fameuses « journées » n'étaient au fond que de petites affaires de quartier, qu'avec un peu de méthode, d'adresse et d'énergie, il était possible de mettre les émeutiers en échec. Sur quoi reposait la Commune jacobine ? Sur les sections. Il s'agissait, pour empêcher une « journée », pour arrêter Santerre et Henriot, de protéger d'abord le point menacé avec des sections modérées, puis de prendre l'offensive contre l'émeute. Il ne suffisait donc pas, pour renverser Robespierre, de voter sa mise en accusation. Il fallait être sûr de ce qui se passerait hors de l'Assernblée. Tallien et Barras se chargèrent de la manoeuvre. Elle réussit grâce à une seule section, la section Le Pelletier, qui donna le signal de la résistance. Robespierre, réfugié à l'Hôtel de Ville, connaissait trop bien le mécanisme de la Révolution pour ne pas savoir qu'il était perdu si l'émeute et la Commune commençaient à reculer. ll voulut se tuer, se manqua et, le lendemain, fut porté tout sanglant sur l'échafaud (27-29 juillet 1794)...." 

    3 : La troisième énormité de l'entretien n'est même pas proférée, puisqu'elle n'a même pas besoin de l'être : elle découle de la précédente. La Convention n'étant pas totalitaire, ni Robespierre, ni la Terreur, il n'y a évidemment pas eu de génocide vendéen. Et, donc, notre historien du dimanche n'en parle pas, du génocide vendéen ! Puisqu'il n'existe pas !

    CQFD, et le tour est joué ! Elle est pas belle, la vie ? 

    Et notre invité, à la fin de son entretien, est reparti tout guilleret, tout content; et Julien Arnaud aussi, tout guilleret et tout content. Dans le meilleur des mondes conformiste et historiquement correct possible...

    Alors, désolé, et sans rancune, Jean-Claude Lauret, mais votre papier sur François Raynaert, vous pouvez le garder : un bonimenteur pareil, et des propos pareils, on n'est pas preneurs !...