
Les djihadistes de l'EIIL à l'entrée de Mossoul © REUTERS
L’Irak est-il au bord du chaos ? On pourrait le penser à la lecture de certains titres (« La dangereuse progression djihadiste », Le Figaro, 11 juin ; « La prise de Bagdad par l’EIIL est possible », Le Monde, 12 juin). En 2014, l’arc arabo-musulman est en feu. Et l’incendie se propage déjà à travers le Proche-Orient et l’Afrique sub-saharienne. Dénonçant les « ignorants dogmatiques » et les « néfastes apprentis-sorciers », M. Jamet peut écrire (Boulevard Voltaire, 11 juin 2014) : « Tout ce qui a été entrepris ou favorisé dans ces pays a raté, tout est à recommencer ». Comme dirait M. Guetta, le constat est accablant.
Les Etats-Unis d’Amérique interviennent, avec certains de leurs alliés, en Afghanistan (2001) et en Irak (2003). Fiasco. L’ensemble des pays dits « occidentaux », les Américains à leur tête, soutiennent les « printemps arabes » (2011) – la France notamment faisant preuve d’un stupide activisme, militaire en Libye (2011), diplomatique en Syrie (2013). Fiasco.
De fait, l’existence même de l’auto-proclamé Etat islamique en Irak et au Levant (EILL), dans ce que certains nomment déjà « djihadistan » (qui inclut une partie de la Syrie), porte condamnation de la politique occidentale telle qu’elle est conduite depuis bientôt deux décennies.
C’est peut-être qu’en politique, comme en littérature, les beaux sentiments – ou prétendus tels – sont contre-productifs. En tout cas, la motivation officiellement affichée, de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est bien celle de la « guerre d’idées », au nom des « immortels principes » - la lutte du bien contre le mal, de la démocratie contre l’obscurantisme. On pourrait en sourire mais certains y croient (M. Hague, ministre britannique des Affaires étrangères vient ainsi de dire : « Nous avons laissé l’Irak entre les mains de dirigeants irakiens élus ». Amen).
A l’occasion des cérémonies du 6 juin, on nous a d’ailleurs rappelé que c’est bien ainsi qu’il faut comprendre l’engagement des Etats-Unis durant les deux conflits mondiaux. C’est oublier un peu vite que l’interventionnisme des Américains leur a quand même permis dans un premier temps d’évincer les puissances européennes, dans un second temps de les vassaliser. Aujourd’hui, on apprend – par exemple – que la vente de matériel militaire à l’Irak – et à d’autres – constitue un pactole qui se chiffre en milliards de dollars… M. Obama est donc plus véridique quand il réaffirme (il l’a encore fait récemment) que tout engagement extérieur américain a toujours été et sera toujours conditionné par la prise en compte prioritaire des seuls intérêts américains.
Belle leçon de réalisme. MM. Fabius et Hollande feraient bien de s’en inspirer pour (re)définir notre politique au Levant sur les mêmes critères, en laissant les rêveries idéalistes aux religieux et aux idéologues.