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  • LETTRES • Geneviève Dormann, bretteur charmant des idées reçues... Par Benoît Gousseau

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    En 2010, Politique magazine avait rencontré, chez elle, Geneviève Dormann pour un portrait. Nous le republions suite au décès de l’écrivain, survenu le 13 février. Il y a bien plus longtemps, nous nous souvenons, ici, que Geneviève Dormann avait déjà accordé un entretien à Pierre Builly et François Davin, pour le mensuel Je Suis Français. Selon Le Monde, « elle se disait  maurrassienne ». Nous n'oublierons pas Geneviève Dormann.  Lafautearousseau  •   

    Roger Nimier, qu’elle avait eu la chance de rencontrer dès ses débuts en littérature, lui avait prodigué un précieux conseil : « N’écris pas un livre pour obtenir un prix ou un succès de librairie. Rédige tes romans comme si tu écrivais une lettre à une seule personne, un ami à qui tu veux raconter une histoire ». De fait, c’est ce que fit la jeune Geneviève Dormann. Elle y acquit un style frais et direct traduisant un sens aigu de l’observation qui toucha le public et lui façonna, de surcroît, une notoriété de femme de lettres libérée des préjugés idéologiques de son temps. Son immense culture et l’abondance de ses lectures la conforta, par ailleurs dans un amour de la langue française jamais démenti. Ses lecteurs apprécièrent. Insolente, sensible, amusante, l’écrivain Dormann était né.

    C’est à son père, dit-elle, qu’elle doit son goût des livres. Grand mutilé de la Guerre 14-18, sénateur de la Seine, imprimeur, il la guida, complice, dans sa voracité pour l’importante bibliothèque familiale où elle puisa sans relâche parmi les grands classiques au premier rang desquels Balzac, et chez des modernes comme Colette, Léon Daudet et Marcel Aymé. Elle connut pourtant la dureté d’une éducation à la Maison de la Légion d’honneur au château d’Écouen, où elle forgea son tempérament de réactionnaire, celui d’une femme libre se rebellant contre des situations, non contre les institutions.

    Lecteur pris à témoin comme un confident

    Geneviève Dormann nous reçoit chez elle, dans la simplicité chaleureuse d’un appartement des beaux quartiers, tapissé de livres et niché à hauteur des toits de Paris. L’œil bleu pétille, la frêle silhouette se meut avec vivacité, la voix un peu rauque de fumeuse charme par son élégance pimentée de saillies. Des engagements, oui, elle en a eu, notamment dans les combats pour l’Algérie française, mais elle n’en a jamais encombré sa littérature. Des hommes, elle en eu aussi, mais elle n’en fit jamais un étendard d’émancipation féminine, elle qui éleva quatre filles en travaillant comme journaliste à Marie Claire et au Figaro magazine.

    Parmi une œuvre romanesque tonique et en prise avec son temps, il faut distinguer ce qui, en dehors de son immense succès, fut un coup de pied dans le panthéon républicain, Le Roman de Sophie Trébuchet, livre dans lequel elle remettait en cause la filiation de Victor Hugo. Non seulement elle s’y livrait à un sérieux travail de recherche autour des relations de la mère du poète et de l’Adjudant général La Horie, occultées par l’histoire officielle de la IIIe République, mais, avec la facétie heureuse qui la caractérise, fidèle à son style en pieds de nez éclairants, elle truffait son récit, tel un Alexandre Dumas, d’adresses spirituelles où son lecteur est pris à témoin comme un confident. En note dans ce roman historique de la meilleure veine, on peut lire : « Mme de Staël, une sorte de Marie-France Garraud de l’époque, mais en plus cultivée »… Ce n’est peut-être pas politiquement très correct, mais c’est assez réjouissant pour construire la trame d’un authentique style littéraire.

    Dans Mickey, L’Ange, roman de 1977, décrivant une rombière un peu arrivée, elle évoque « ce qu’on appelle une belle femme, tu vois, comme on dit un beau camembert ». Et sa fille est une sorte de Françoise Hardy à cheveux longs et jean avec « un petit nez en prise de courant » qui se fait alpaguer par un gentil garçon comme une pitance glanée par un Gabriel Matzneff au jardin du Luxembourg ou à la piscine Deligny. Certes, ses héroïnes ne sont pas des exemples de vertu, mais elles croquent la vie en la respectant. Elles vont de l’avant sans s’excuser d’être ce qu’elles sont… C’est au Bon Dieu d’être miséricordieux.

    Le malheur

    Ce qui la met en colère aujourd’hui, c’est l’état des lieux de l’Éducation nationale. En 1977, prévoyant ce qui allait suivre, elle mettait en scène un petit prof de français qui s’exaspérait des parents d’élèves « Cornec ou mes fesses… à la limite du langage articulé ». C’est un enseignant d’il y a trente ans et qui y croit encore, mais qui constate alors qu’avec un « dernier sous-fifre des PTT… tu perds tes nerfs, ton sang, ta moelle à expliquer que si son Joël, son Bruno ou sa Véronique a de mauvaises notes, ce n’est pas forcément parce que tu es un sadique furieux, mais parce que Joël a décidé de ne rien foutre, qu’il est incapable de suivre une leçon et qu’il serait plus heureux si on lui permettait d’aller garder les oies ». Et le malheur, selon les éclats jubilatoires d’une Geneviève Dormann plus impliquée dans son temps qu’il n’y paraît au premier abord, c’est qu’aujourd’hui, les choses étant ce qu’elles sont, l’élève inadapté à un système imbécile de collège unique ne s’appelle même plus Joël, mais Kevin ou Aziz et qu’il ne dispose même pas d’espaces verts pour garder des moutons à La Courneuve.

    Ce qui l’indigne au vrai, et là le ton se fait plus grave, c’est « l’aggravation de l’inculture, du côté des parents et l’abandon de leur mission du côté des enseignants, la vulgarité des médias, la soumission totale au marché d’éditeurs acceptant au nom du chiffre des ventes le massacre de la langue française par leurs auteurs ». Ce sera le sujet du prochain livre qu’elle est en train d’écrire. Un pamphlet.

    Politique magazine

  • Loisirs • Culture • Traditions ...

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  • SOCIETE • Fabrice Hadjadj : les djihadistes, le 11 janvier et l'Europe du vide

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    Maxime Hauchard, un jeune français converti à l'islam venu rejoindre l'EI. Crédits photo: AFP

     

    Un magnifique texte, une très belle intervention, devant un auditoire romain, qui n'étonnera pas, parmi nous, ceux qui ont participé au Colloque du Cercle Vauban, le 6 décembre dernier à Paris, et y ont écouté Fabrice Hadjadj. De quoi méditer, au cours de ce week-end ... Lafautearousseau

    Fabrice Hadjadj est écrivain et philosophe, directeur de l'Institut européen d'études anthropologiques Philanthropos. Son dernier essai, « Puisque tout est en voie de destruction », a été publié chez Le Passeur Éditeur (avril 2014). Ce texte est celui d'une intervention donnée en Italie à la Fondation de Gasperi devant les ministres italiens de l'Intérieur et des Affaires étrangères, le président de la communauté juive de Rome, le vice-président des communautés religieuses islamiques de la ville.

     

    Chers Djihadistes - c'est le titre d'une lettre ouverte publiée par Philippe Muray  - un de nos plus grands polémistes français - peu après les attentats du 11 septembre 2001. Cette lettre s'achève par une série d'avertissements aux terroristes islamiques, mais ceux qu'elle vise en vérité, par ricochet et par ironie, ce sont les Occidentaux fanatiques du confort et du supermarché. Je vous cite un passage dont vous allez tout de suite capter l'heureuse et cinglante raillerie : « [Chers Djihadistes], craignez la colère du consommateur, du touriste, du vacancier descendant de son camping-car ! Vous nous imaginez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramollis?  Eh bien nous lutterons comme des lions pour protéger notre ramollissement. […] Nous nous battrons pour tout, pour les mots qui n'ont plus de sens et pour la vie qui va avec. » Et l'on peut ajouter aujourd'hui: nous nous battrons spécialement pour Charlie Hebdo, journal hier moribond, et qui n'avait aucun esprit critique - puisque critiquer, c'est discerner, et que Charlie mettait dans le même sac les djihadistes, les rabbins, les flics, les catholiques, les Français moyens - mais nous en ferons justement l'emblème de la confusion et du néant qui nous animent !

    Voilà à peu près l'état de l'État français. Au lieu de se laisser interpeler par les événements, il en remet une couche, il en profite pour se payer sa bonne conscience, remonter dans les sondages, se ranger du côté des victimes innocentes, de la liberté bafouée, de la moralité outragée, pourvu qu'on ne reconnaisse pas le vide humain d'une politique menée depuis plusieurs décennies, ni l'erreur d'un certain modèle européocentrique selon lequel le monde évoluerait fatalement vers la sécularisation, alors qu'on assiste presque partout ailleurs, et au moins depuis 1979, à un retour du religieux dans la sphère politique. Mais voilà : cette trop bonne conscience et cet aveuglement idéologique sont en train de préparer pour bientôt, sinon la guerre civile, du moins le suicide de l'Europe.

    La première chose qu'il faut constater, c'est que les terroristes des récents attentats de Paris sont des Français, qu'ils ont grandi en France et ne sont pas des accidents ni des monstres, mais des produits de l'intégration à la française, de vrais rejetons de la République actuelle, avec toute la révolte que cette descendance peut induire.

    En 2009, Amedy Coulibaly, l'auteur des attentats de Montrouge et du supermarché casher de Saint-Mandé, était reçu au palais de l'Élysée par Nicolas Sarkozy avec neuf autres jeunes choisis par leurs employeurs pour témoigner des bienfaits de la formation par alternance : il travaillait alors en contrat de professionnalisation à l'usine Coca-Cola de sa ville natale de Grigny — Les frères Kouachi, orphelins issus de l'immigration, furent recueillis entre 1994 et 2000 dans un Centre d'éducation en Corrèze appartenant à la fondation Claude-Pompidou. Au lendemain de la fusillade au siège de Charlie Hebdo, le chef de ce Centre éducatif marquait sa stupéfaction : « On est tous choqués par l'affaire et parce qu'on connait ces jeunes. On a du mal à s'imaginer que ces gamins qui ont été parfaitement intégrés (ils jouaient au foot dans les clubs locaux) puissent comme ça délibérément tuer. On a du mal à y croire. Durant leur parcours chez nous, ils n'ont jamais posé de problème de comportement. Saïd Kouachi […] était tout à fait prêt à rentrer dans la vie socio-professionnelle. » Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux du maire de Lunel - petite ville du Sud de la France - qui s'étonnait que dix jeunes de sa commune soient partis faire le djihad en Syrie, alors qu'il venait de refaire un magnifique skate park au milieu de leur quartier…

    Quelle ingratitude ! Comment ces jeunes n'ont-ils pas eu l'impression d'avoir accompli leurs aspirations les plus profondes en travaillant pour Coca-Cola, en faisant du skate board, en jouant dans le club de foot local ? Comment leur désir d'héroïcité, de contemplation et de liberté ne s'est-il pas senti comblé par l'offre si généreuse de choisir entre deux plats surgelés, de regarder une série américaine ou de s'abstenir aux élections ? Comment leurs espérances de pensée et d'amour ne se sont-elles pas réalisées en voyant tous les progrès en marche, à savoir la crise économique, le mariage gay, la légalisation de l'euthanasie ? Car c'était précisément le débat qui intéressait le gouvernement français juste avant les attentats : la République était toute tendue vers cette grande conquête humaine, la dernière sans doute, à savoir le droit d'être assisté dans son suicide ou achevé par des bourreaux dont la délicatesse est attestée par leur diplôme en médecine…

    Comprenez-moi : les Kouachi, Coulibaly, étaient « parfaitement intégrés », mais intégrés au rien, à la négation de tout élan historique et spirituel, et c'est pourquoi ils ont fini par se soumettre à un islamisme qui n'était pas seulement en réaction à ce vide mais aussi en continuité avec ce vide, avec sa logistique de déracinement mondial, de perte de la transmission familiale, d'amélioration technique des corps pour en faire de super-instruments connectés à un dispositif sans âme…

    Un jeune ne cherche pas seulement des raisons de vivre, mais aussi, surtout - parce que nous ne pouvons pas vivre toujours - des raisons de donner sa vie. Or y a-t-il encore en Europe des raisons de donner sa vie ? La liberté d'expression ? Soit ! Mais qu'avons-nous donc à exprimer de si important ? Quelle Bonne nouvelle avons-nous à annoncer au monde ?

    Cette question de savoir si l'Europe est encore capable de porter une transcendance qui donne un sens à nos actions - cette question, dis-je, parce qu'elle est la plus spirituelle de toutes, est aussi la plus charnelle. Il ne s'agit pas que de donner sa vie ; il s'agit aussi de donner la vie. Curieusement, ou providentiellement, dans son audience du 7 janvier, le jour même des premiers attentats, le pape François citait une homélie d'Oscar Romero montrant le lien entre le martyre et la maternité, entre le fait d'être prêt à donner sa vie et le fait d'être prêt à donner la vie. C'est une évidence incontournable : notre faiblesse spirituelle se répercute sur la démographie; qu'on le veuille ou non, la fécondité biologique est toujours un signe d'espoir vécu (même si cet espoir est désordonné, comme dans le natalisme nationaliste ou impérialiste).

    Si l'on adopte un point de vue complètement darwinien, il faut admettre que le darwinisme n'est pas un avantage sélectif. Croire que l'homme est le résultat mortel d'un bricolage hasardeux de l'évolution ne vous encourage guère à avoir des enfants. Plutôt un chat ou un caniche. Ou peut-être un ou deux petits sapiens sapiens, par inertie, par convention, mais au final moins comme des enfants que comme des joujoux pour exercer votre despotisme et vous distraire de votre angoisse (avant de l'aggraver radicalement). La réussite théorique du darwinisme ne peut donc aboutir qu'à la réussite pratique des fondamentalistes qui nient cette théorie, mais qui, eux, font beaucoup de petits. Une amie islamologue, Annie Laurent, eut pour moi sur ce sujet une parole très éclairante : « L'enfantement est le djihad des femmes. »

    Ce qui détermina jadis le Général de Gaulle à octroyer son indépendance à l'Algérie fut précisément la question démographique. Garder l'Algérie française en toute justice, c'était accorder la citoyenneté à tous, mais la démocratie française étant soumise à la loi de la majorité, et donc à la démographie, elle finirait par se soumettre à la loi coranique. De Gaulle confiait le 5 mars 1959 à Alain Peyrefitte : « Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l'intégration, si tous les Arabes et Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s'installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! ».

    Il y a certes une libération de la femme dont nous pouvons être fiers, mais lorsque cette libération aboutit au militantisme contraceptif et abortif, la maternité et la paternité étant désormais conçus comme des charges insupportables pour des individus qui ont oublié qu'ils sont d'abord des fils et des filles, cette libération ne peut que laisser la place, après quelques générations, à la domination en nombre des femmes en burqa, car les femmes en mini-jupes se reproduisent beaucoup moins.

    Nous avons beau jeu de protester: « Oh! la burqa ! quelles mœurs barbares ! » Ces mœurs barbares permettent, par une immigration compensant la dénatalité européenne, de faire tourner notre civilisation du futur - enfin, d'un futur sans postérité…

    Au fond, les djihadistes commettent une grave erreur stratégique : en provoquant des réactions indignées, ils ne réussissent qu'à ralentir l'islamisation douce de l'Europe, celle que présente Michel Houellebecq dans son dernier roman (paru aussi le 7 janvier), et qui s'opère du fait de notre double asthénie religieuse et sexuelle. À moins que notre insistance à « ne pas faire d'amalgame », à dire que l'islam n'a rien à voir avec l'islamisme (alors qu'aussi bien le président égyptien Al-Sissi que les frères musulmans nous disent le contraire), et à nous culpabiliser de notre passé colonial - à moins que toute cette confusion nous livre avec encore plus d'obséquiosité vaine au processus en cours. 

    Il est en tout cas une vanité que nous devons cesser d'avoir - c'est de croire que les mouvements islamistes sont des mouvements pré-Lumières, barbares comme je le disais plus haut, et qui se modéreront sitôt qu'ils découvriront les splendeurs du consumérisme. En vérité, ce sont des mouvements post-Lumières. Ils savent que les utopies humanistes, qui s'étaient substituées à la foi religieuse, se sont effondrées. En sorte qu'on peut se demander avec raison si l'islam ne serait pas le terme dialectique d'une Europe techno-libérale qui a rejeté ses racines gréco-latines et ses ailes juive et chrétienne : comme cette Europe ne peut pas vivre trop longtemps sans Dieu ni mères, mais comme, en enfant gâtée, elle ne saurait revenir à sa mère l'Église, elle consent finalement à s'adonner à un monothéisme facile, où le rapport à la richesse est dédramatisé, où la morale sexuelle est plus lâche, où la postmodernité hi-tech bâtit des cités radieuses comme celles du Qatar. Dieu + le capitalisme, les houris de harem + les souris d'ordinateur, pourquoi ne serait-ce pas le dernier compromis, la véritable fin de l'histoire ?

    Une chose me paraît certaine: ce qu'il y a de bon dans le siècle des Lumières ne saurait plus subsister désormais sans la Lumière des siècles. Mais reconnaîtrons-nous que cette Lumière est celle du Verbe fait chair, du Dieu fait homme, c'est-à-dire d'une divinité qui n'écrase pas l'humain, mais l'assume dans sa liberté et dans sa faiblesse ? Telle est la question que je vous pose en dernier lieu: Vous êtes romains, mais avez-vous des raisons fortes pour que Saint-Pierre ne connaisse pas le même sort que Sainte-Sophie ? Vous êtes italiens, mais êtes-vous capables de vous battre pour la Divine Comédie, ou bien en aurez-vous honte, parce qu'au chant XXVIII de son Enfer, Dante ose mettre Mahomet dans la neuvième bolge du huitième cercle ? Enfin, nous sommes européens, mais sommes-nous fiers de notre drapeau avec ses douze étoiles? Est-ce que nous nous souvenons même du sens de ces douze étoiles, qui renvoient à l'Apocalypse de saint Jean et à la foi de Schuman et De Gasperi ? Le temps du confort est fini. Il nous faut répondre, ou nous sommes morts: pour quelle Europe sommes-nous prêts à donner la vie ? 

  • MONDE ACTUEL • L'on pense ce qu'on veut du boudhisme tibétain, le Dalaï Lama, en tout cas, est un sage

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    Il s'agit, bien-sûr, de l'homme occidental dans sa condition actuelle ...

  • CINEMA • « Un Palestinien fait le mur », une critique de Laurent Dandrieu qui donne envie d'aller voir le film ...

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    Tawfeek Barhom et Yaël Abecassis. Une réflexion subtile sur l'identité. Photo © Production

    Intelligent. Avec “Mon fils”, Eran Riklis offre un regard différent sur la cohabitation de juifs et d’Arabes au sein de la nation israélienne.

    Prolifique en films de grande qualité, très connecté à la réalité politique et sociale la plus brûlante, le cinéma israélien n’a pas manqué de scruter la curieuse coexistence, au sein de la nation israélienne, de citoyens issus de deux peuples en guerre, juifs et Arabes. Il l’a fait surtout, évidemment, sur le mode de la confrontation, de l’hostilité, de l’humiliation. « C’est toujours compliqué de se plonger dans une identité différente de la sienne, mais c’est ce que je fais dans tous mes films » : cinéaste juif connu pour s’intéresser avec empathie au “camp d’en face”, Eran Riklis (la Fiancée syrienne, les Citronniers) se penche ici sur l’interpénétration de ces deux peuples, à travers le destin singulier d’un jeune Palestinien.

    Élève surdoué, Iyad (Tawfeek Barhom), à l’âge de 16 ans, est admis dans un prestigieux internat juif de Jérusalem. Il y connaîtra bien sûr les moqueries, l’ostracisme, l’isolement, mais l’amour d’une belle jeune fille et son intelligence lui permettent de renverser la vapeur. Surtout, envoyé contre son gré donner des cours particuliers à un élève immobilisé chez lui par une grave maladie, il trouve dans ce foyer juif une seconde famille, qui lui offre une vie plus facile et moins conflictuelle que la première…

    « Nous vivons dans un tout petit pays, dit Eran Riklis, dont nous partageons la terre, les services sociaux, le gouvernement — et pourtant, nous sommes très éloignés les uns des autres à tous points de vue, et certainement dans la manière dont nous envisageons notre vie actuelle, et plus encore notre avenir et ce qu’il nous réserve. » Passant de l’une à l’autre de ces identités concurrentes, Iyad incarne ce déchirement intime de la société israélienne, que le cinéaste peint d’une manière extrêmement subtile et ambiguë : est-il le symbole d’un avenir qui ne passe pas nécessairement par un affrontement entre les deux communautés ? Ou bien le signe qu’il n’y a d’avenir pour les Arabes israéliens qu’en renonçant à être eux-mêmes ? Quoi qu’il en soit, le trajet de ce jeune homme hors norme, filmé avec beaucoup d’intelligence et de maîtrise, témoigne de belle manière de la complexité de la société israélienne.  

     

     
    Source : Valeurs actuelles -

    Laurent Dandrieu

  • La petite ville britannique de Rotherham, dans le Yorkshire ... Par Pierre de Meuse

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    PdM AG DREUX 026.jpgLa petite ville britannique de Rotherham, dans le Yorkshire, a été rendue tristement célèbre ces derniers temps par les affaires de viols et de proxénétisme sur des adolescentes, voire des petites filles de 11 ans. Les victimes de ces crimes font presque exclusivement partie de la classe ouvrière anglaise, conduites à la pauvreté par l’état de crise qui laisse sur le pavé des centaines de milliers de chômeurs sans espoir. Il n’appartient pas de décrire pour Lafautearousseau le degré d’abjection extrême dans lequel sont tombées de pauvres gamines, vendues comme du bétail et subissant des tortures indescriptibles. Ce qui mérite un  examen approfondi, cependant, c’est la durée pendant laquelle ces actes ont été commis et le nombre de viols pour lesquels des plaintes ont été déposées. Pour la seule commune de Rotherham, environ 1400 cas de prostitution avec violence sur des mineures ont été constatés,  s’échelonnant sur une période de 16 ans et jusqu’à aujourd’hui, où les crimes continuent. On pourrait se demander comment de telles atteintes à l’enfance ont été possibles pendant une telle durée sans que les services sociaux et la police intervinssent. Pourtant de nombreuses plaintes ont été déposées tout au long des années. Alors pourquoi a-t-il fallu attendre tant d’années pour poursuivre et punir les responsables ? La réponse est que les autorités de Rotherham étaient paralysées par les injonctions du politiquement correct.  Police, municipalité et travailleurs sociaux étaient réticents à dénoncer ces crimes et plus encore de s’y atteler pour les empêcher.  

    En effet, si les victimes étaient dans leur immense majorité anglaises de souche, les auteurs étaient dans la même proportion membres de la communauté d’origine pakistanaise, quoiqu’ayant très majoritairement la nationalité britannique. Or, le dysfonctionnement interminable des services publics s’explique par trois vices substantiels, trois tares mortelles :

     

    D’abord un mépris granitique des autorités pour les classes ouvrières blanches, considérées d’emblée comme  inintelligentes et incapables de discernement. Les « beaufs » locaux, présumés alcooliques et brutaux, ne devaient pas être « réveillés » parce que ces inculpations auraient pu encourager des attitudes « racistes » collectives de la communauté blanche. La même attitude existe dans d’autres villes du Sud-Yorkshire : Bradford, Oldham, Blackbun, entre autres. Surtout ne pas favoriser les violences raciales comme celles que l’Angleterre a connues en 2002. La police a tellement peur de se trouver à nouveau confrontée à de tels évènements qu’elle préfère fermer les yeux sur l’exploitation de l’enfance et des personnes vulnérables. 

     

    Ensuite la crainte justifiée d’être lourdement sanctionné pour avoir désigné des personnes appartenant à une même communauté comme coupables, car si la vérité est considérée comme raciste, la vérité doit être punie. Plusieurs fonctionnaires de police ont été sanctionnés pour avoir attiré l’attention sur ces dérives. Les rapports remis aux services sociaux ont été détruits, les plaintes ont été systématiquement enterrées. Chose significative, une assistante sociale qui avait osé attirer l’attention de la presse sur les menaces de mort qui pesaient sur les victimes, a reçu à la fois un avertissement pour avoir mentionné l’origine ethnique des coupables, et l’ordre de suivre un stage de sensibilisation à la multiculturalité. Même le conseil municipal a émis une délibération intimant l’ordre de ne pas mentionner les noms des violeurs. 

     

    Enfin, conséquence du vice précédent, les services publics ont obstinément refusé de voir combien ces comportements ignobles étaient considérés comme légitimes par des musulmans qui n’avaient que mépris (parfois justifié) pour l’éducation laxiste et abrutissante des enfants britanniques. Le juge Gerald Clifton déclare ainsi aux prévenus  en 2012 : « chacun de vous a traité [les victimes] comme si elles étaient sans valeur et indignes de respect […] parce qu’elles ne faisaient pas partie de votre communauté ethnique ou religieuse. » Parmi eux, un professeur de religion islamique qui n’était pas gêné de demander à l’une des victimes âgée de 15 ans de lui amener des amies plus jeunes. Novopress mentionne même l’apostrophe lancée au juge par un des condamnés :« Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. »

     

    Tant que les peuples d’Europe continueront à être méprisés à la fois par leurs élites – qui les ont fait tels qu’ils sont – et par les allogènes que ces mêmes élites ont encouragés à se déverser sur nos nations, tant que ces peuples ne déchireront pas l’addition de la colonisation, et ne se débarrasseront pas du cancer de l’antiracisme, ils seront en danger d’avilissement et de disparition.

     

  • MEDIAS • Charlie hebdo : des anars aux bouffons républicains... Par Grégoire Arnould*

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    L'effet Charlie est largement retombé. Et parmi ceux qui au lendemain de la tuerie du 7 janvier se sont dits Charlie - ce ne fut jamais notre cas - nombreux sont ceux qui ont rapidement compris que ce slogan était une sorte de piège immédiatement imaginé par les hommes du Système pour canaliser, détourner la réaction nationale et populaire qui eût été normalement la suite de ces événements. Les positions se sont progressivement modifiées dans de nombreux cas. Et l'engouement pour Charlie n'est déjà plus aussi unanime qu'il le fut... Raison de plus pour réfléchir sur ce qu'a été, ce qu'est encore réellement Charlie hebdo. Ce que fait ici Grégoire Arnould. Et c'est fort intéressant.  Lafautearousseau

     

    La presse satirique d’après-guerre est peu importante, bien que quelques dessins soient publiés ici et là. A la fin des années 1960, une comète arrive : Hara-Kiri, qui deviendra rapidement Charlie Hebdo. Une revue qui provoque tous les types de réactions, du rire franc à l’indignation totale. Mais ce Charlie Hebdo-là n’a pas grand-chose en commun avec le titre endeuillé d’aujourd’hui…

    Au commencement était Hara-Kiri. Ses fondateurs avaient pour noms Choron et Cavanna. Des anars, des écorchés vifs qui tournaient tout en dérision. Des grandes gueules qui surjouaient toujours un peu le rire – ou la colère – quand les caméras étaient braquées sur eux. Il fallait les voir travailler ! L’Ina le permet. On ne peut que conseiller de se forger une idée en allant jeter un œil sur les archives vidéos disponibles. Vous entendrez un brouhaha terrible, vous verrez des volutes de fumées envahissantes, qui font se demander comment ils pouvaient dessiner dans un tel brouillard de tabac, et puis, un peu partout, des verres souvent plus trop remplis. Les cadavres de bouteilles, gisant à côté, ne laissent guère de doutes, on y picolait sérieusement. Sur les tables, des dessins souvent grivois, volontiers provocateurs avec tout ce qui incarnait le pouvoir : police, église, classe politique… Choron, Cavanna et leurs dessinateurs étaient, presque tous, des iconoclastes.

    Bien sûr, le mauvais goût n’était jamais loin. Souvent, même, les dessinateurs se jetaient à corps perdu dedans. Voilà, « bête et méchant », c’était bien résumé leur truc à Hara-Kiri, au début. C’est ce que leur avait dit, indignée, une lectrice. Ils avaient alors placé cette formule au fronton de leur journal. Au fond, c’étaient des sales gosses – talentueux, qu’on le veuille ou non – qui ont voulu le rester, coûte que coûte. D’ailleurs, ils se ruinaient en procès, car c’est ainsi que les choses se réglaient. Puis, ce fut la couverture de trop – pour les censeurs de l’époque –, la fameuse « une » « Bal tragique à Colombey – un mort ». Hara-Kiri, au moins sa version hebdomadaire, était interdit… mais allait vite renaître sous le titre Charlie Hebdo.

    Le pic : 150 000 exemplaires

    Avec Charlie Hebdo, ce fut une montée en puissance. C’était la France de Pompidou, puis de Giscard, à vrai dire la France d’après-mai 68. événement dans lequel, paradoxalement, un Choron, par exemple, n’avait pas vraiment grand-chose à saluer. Dans ces années 1970, les ventes atteignirent même un pic de 150 000 exemplaires. La concurrence était mince, le Canard enchaîné n’évoluait pas dans le même registre – du calembour essentiellement, que méprisaient tous les dessinateurs – et Minute bien trop éloigné sur le plan des idées pour capter le même lectorat. L’esprit de Charlie Hebdo était dans la filiation de celui d’Hara-Kiri : l’irrévérence, le mépris envers toute forme de pouvoir, l’humour immoral – ou amoral, selon ce qu’on en pense.

    Et puis Mitterrand fut élu. La prise de pouvoir par la gauche allait être fatale à Charlie Hebdo. La droite s’en allait, en même temps qu’une époque, et la bande à Choron et Cavanna perdait, là, ses cibles. Cette transition politique s’accompagnait d’une évolution de la jeunesse et des mœurs. Les jeunes générations ne les lisaient plus, les anciens lecteurs s’en étaient sans doute lassés. Charlie Hebdo s’était probablement enfermé dans une sorte de conformisme qu’il se plaisait, pourtant, à brocarder le plus possible. Les chiffres furent impitoyables : à peine 30 000 exemplaires vendus. Le début des années 80 sonnait le glas de leur aventure : ils mirent la clé sous la porte, avec une dernière « une », presque pathétique, « Allez tous vous faire… ». Un bras d’honneur de désespoir.

    Sous philippe Val, un nouveau Charlie

    Pendant une dizaine d’années, quelques journaux tentèrent de prendre la relève, sans accéder à la même notoriété. On peut penser à l’Idiot international de Jean-Edern Hallier, par exemple. C’est ce que soutient l’écrivain Marc-édouard Nabe, dans un film de Pierre Carles intitulé Choron dernière, lui qui, très jeune, publiait ses premiers dessins dans Hara-Kiri. Pour lui, l’esprit originel de Charlie Hebdo pouvait se retrouver dans l’Idiot. Mais cette aventure, initiée à la fin des années 60, se termina mal. Les relations Mitterrand/Jean-Edern Hallier l’expliquant pour beaucoup, surtout la mort du dernier…

    En 1992, en revanche, Charlie Hebdo allait renaître. Exit le professeur Choron, bonjour Philippe Val. Enfin, pas tout de suite. Le dessinateur Gébé dirigeait au début. Mais, très vite, Val allait prendre le pouvoir. Avec une équipe rajeunie (Charb notamment), mais toujours sous le parrainage des anciens, Cabu, Wolinski, Siné et Cavanna, qui semblait surtout servir de caution historique. Cela dit, ce n’était plus comme avant. Exemple typique : Philippe Val décide de tout, seul. Les « unes », c’est lui. Les choix éditoriaux, aussi. Avant, à l’époque Choron, la décision était prise à l’unanimité, le choix final se faisant parfois à deux heures du matin, comme on peut le voir dans certaines vidéos de l’époque.

    Sous Val, le ton change aussi. Le journal devient plus politique, plus engagé dans un seul sens. Il s’en prend encore au pouvoir, mais plus tout à fait de la même manière. 1995 leur offre une opportunité formidable : Chirac remporte la présidentielle. Un changement de pouvoir, une aubaine pour ce Charlie Hebdo 2.0. En parallèle, depuis les années 1980, un nouvel ordre moral et ses nouveaux bigots se sont installés. Sos-racisme était passé par là, les mouvements féministes aussi. D’ailleurs, on compte parmi les nouvelles plumes de Charlie Hebdo, les Caroline Fourest ou les Fiammenta Venner.

    Mais le journal satirique, rapidement, s’ancre dans le « système », il n’est plus tout à fait « anar ». Il milite pour l’intervention au Kosovo, pour le « oui » au référendum sur la constitution européenne. Toujours sous l’influence de Val. Le « système » n’est pas avare en récompenses d’ailleurs, si l’on suit l’ascension de Val, propulsé à la tête de France-Inter à la fin des années 2000. Les mauvaises langues expliquent que Sarkozy l’y a placé pour évincer les « humoristes » Guillon et Porte. Ironie de l’histoire ! Quelque temps avant le départ de Val, certains “historiques” du journal sont invités à prendre la porte. Siné est l’un deux.

    Raison donnée ? Antisémitisme ! La dent dure, celui qui a fondé Siné Hebdo assassine, dans une interview pour un webzine, l’évolution de Charlie Hebdo, période Val : « Ils bouffaient tous avec le pouvoir. Cabu, par exemple, était devenu très copain avec Delanoë. Charb, lui, avait mis des panneaux “interdit de fumer” partout ! » On est pas loin de l’hygiénisme. Il fallait voir, aussi, Philippe Val – encore à l’époque à la tête de Charlie Hebdo – monter les marches du festival de Cannes, entouré de BHL ou Glucksmann, avec un sourire satisfait, pour présenter le film C’est dur d’être aimé par des cons réalisé à la suite de la publication des caricatures de Mahomet.

    Chemin faisant, au cours de sa seconde vie, Charlie Hebdo s’est institutionnalisé en se muant en défenseur de la liberté d’expression, mais dans un cadre républicain. Voir Valls, aujourd’hui, descendre le perron de Matignon avec un Charlie Hebdo à la main donne l’impression que ce journal est devenu le bouffon de la République. Qu’il semble loin le temps des anars du début, quand on parlait, encore, de la liberté d’opinion. Quand un Choron défendait l’existence de Minute sur un plateau de télévision… ô tempora, ô mores…   

     

    * Politique magazine - Par    

     

  • Face à la paix et à la guerre, Giraudoux tempère les optimismes, scrute les fatalités et envisage le rôle dévoulu aux « grands » par le destin ... Actualité ?

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    (Ulysse à Hector)

    « À la veille de toute guerre, il est courant que deux chefs des peuples en conflit se rencontrent seuls dans quelque innocent village, sur la terrasse au bord d'un lac, dans l'angle d'un jardin. Et ils conviennent que la guerre est le pire fléau du monde, et tous deux, à suivre du regard ces reflets et ces rides sur les eaux, à recevoir sur l'épaule ces pétales de magnolias, ils sont pacifiques, modestes, loyaux. Et ils s'étudient. Ils se regardent. Et, tiédis par le soleil, attendris par le vin clairet, ils ne trouvent dans le visage d'en face aucun trait qui justifie la haine, aucun trait qui n'appelle l'amour humain, et rien d'incompatible non plus dans leurs langages, dans leur façon de se gratter le nez et de boire. Et ils sont vraiment comblés de paix, de désirs de paix. Et ils se quittent en se serrant la main, en se sentant frères. Et ils se retournent de leur calèche pour se sourire…

    Et le lendemain pourtant éclate la guerre… Ainsi nous sommes tous deux maintenant… Nos peuples autour de l'entretien se taisent et s'écartent, mais ce n'est pas qu'ils attendent de nous une victoire sur l'inéluctable. C'est seulement qu'ils nous ont donné pleins pouvoirs, qu'ils nous ont isolés, pour que nous goûtions mieux, au dessus de la catastrophe, notre fraternité d'ennemis. Goûtons-la. C'est un plat de riches. Savourons-la… Mais c'est tout. Le privilège des grands, c'est de voir les catastrophes d'une terrasse. »

    Jean Giraudoux 

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    La Guerre de Troie n'aura pas lieu, créée le 22 novembre 1935 au Théâtre de l'Athénée sous la direction et avec Louis Jouvet.

     

  • Faut-il se « voltairiser » ? Par Péroncel-Hugoz*

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    Se trouvant actuellement en France, Péroncel-Hugoz a pu y prendre la mesure in vivo du nouvel engouement des Français pour Voltaire, philosophe du XVIIIème siècle, engouement auquel il donne un « coup de dent »… Cette chronique originellement destinée aux lecteurs marocains du site le 360, sera, par sa pertinence, extrêmement utile et intéressante, aussi, pour des lecteurs français, notamment ceux de Lafautearosseau. 

    Depuis les attentats de Paris, début janvier 2015, les Français redécouvrent Voltaire (1694-1778), leur grande plume du Siècle des Lumières (et de la Terreur révolutionnaire) un peu négligée par le public du XXIème siècle bien que restée toujours savoureuse et souvent pertinente. La mode est telle que le « Traité sur la tolérance » de cet auteur, pourtant pas son chef-d’œuvre, est en passe, ces temps-ci, de damer le pion aux trois larges succès de l’édition parisienne en 2014 : Trierweiler, Zemmour, Houellebecq. Cette «voltairisation» atteint la Francophonie nord-africaine, du Tunisien Mezri Haddad à l’Algérien Boualem Sansal, avec des échos dans les médias francophones du Caire. On en est presque à dire, comme Baudelaire au XIXème siècle : « Je m’ennuie en France car tout le monde ressemble à Voltaire » ou à s’insurger, comme John Saul dans ses « Bâtards de Voltaire » (1992), quand il raille « la sèche raison voltairienne ». 

    Si Voltaire est loin, très loin d’être toujours ennuyeux, il est quand même un penseur à double tranchant avec le même accent de conviction, un jour disant blanc, le lendemain disant noir… Résultat : question lectorat, il ratisse large y compris en 2015. Comment prendre pour référence morale un philosophe qui rompt des lances en faveur de la liberté et qui, au même moment, investit dans le commerce négrier entre l’Afrique noire et les Amériques ? Pas étonnant, que lors de la mort à Paris du célèbre essayiste, en 1778, le futur roi Charles X ait pu lancer : « La France vient de perdre à la fois un très grand homme et un très grand coquin ». J’en vois certains esquisser une moue dubitative mais j’ai des munitions… Tenez, par exemple, la fameuse phrase avec laquelle les voltairiens aiment clore le bec des détracteurs de leur idole : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que puissiez le dire ! », eh bien, cette phrase, elle fut inventée en 1906 par une biographe britannique de Voltaire, Evelyne Hall ; elle l’avoua ensuite au conservateur du Musée voltairien de Genève mais la sentence avait tellement plu qu’elle est donnée pour authentique jusqu’à nos jours… Ainsi que le répétait en substance le mémorialiste royaliste Chateaubriand : Un mensonge mille fois répété devient vérité révélée.

    Séducteur, sans cesse en train de courtiser de jolies dames, Voltaire fut-il aussi féministe ? Que nenni ! Il dit un jour en public à un garçonnet : « Souvenez-vous, quand vous serez grand, que toutes les femmes sont coquettes, volages, menteuses ! », et comme une personne présente protestait, le philosophe rétorqua : « Madame, on ne doit pas tromper les enfants ! ». Voltaire tolérant ? Né catholique, il défendit, c’est vrai, les huguenots ou protestants mais ensuite il écrivit : « Mahomet ou le Fanatisme », pièce si irrévérencieuse et si grinçante que le roi Louis XV, qui n’avait guère de sujets mahométans, la fit néanmoins interdire, comme le Canton de Genève devait encore le faire, lui aussi, en 1993. Au décès du pape Clément XIII, en 1769, Voltaire crut offenser sa mémoire en le traitant de « mufti téméraire ». Cependant – toujours le double langage – en son château de Ferney, à la frontière franco-romande, Voltaire allait à la messe chaque dimanche avec les villageois et, plus tard à Paris, sentant sa fin venir, il passa une heure entière à se confesser. Le secret de la confession catholique empêche de savoir si Voltaire regretta son « Tocsin des Rois », texte dans lequel il exhorte les monarques chrétiens à « chasser enfin les musulmans d’Europe ». Toutefois, c’est aux israélites qu’il réserva ses attaques les plus virulentes : « Peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition, et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et les enrichissent » (1). Aussi son collègue Bachaumont, dans ses « Mémoires secrets pour servir à l’Histoire de la république des Lettres » (1777) dénonça la propension de Voltaire à « prêcher le pour et le contre » et dénonça une épître où, après avoir prôné le « tolérantisme », il brocarde un Juif mangeant du cochon et un Turc buvant du vin…

    Quant à ceux qui ont voulu voir en Voltaire un tombeur de dynastes européens, rappelons que notre homme fût historiographe officiel du Royaume français et gentilhomme de la Chambre royale de Louis XV ; qu’il fut assidu à la Cour de Frédéric II de Prusse et à celle du roi Stanislas, beau-père de Louis XV, à Nancy. Enfin, il proclama un jour : « Je préfère être gouverné par un beau lion que par cent rats de mon espèce ! ». Pas sûr, au reste, qu’on ne trouve pas dans l’œuvre immense (300 volumes) de Voltaire une autre citation où il préfère les « rats » aux « lions » … Dès lors que faire, face à cette duplicité si péremptoire, si talentueuse ? Eh bien lire Voltaire pour son style souple et enchanteur, et équilibrer ses outrances par des auteurs plus dignes de foi. Qui ? Si j’étais Arabo-musulman, je lirais et ferais lire le modeste penseur égyptien arabophone, Farag Fodda (1946-1992), docteur en philosophie, mahométan sunnite du Juste Milieu, abattu avec son fils (grièvement blessé) en plein Caire, le lendemain du jour où il avait osé dire en public le secret de Polichinelle, à savoir que ses compatriotes chrétiens (environ 10 % des Egyptiens) étaient des dhimmis, discriminés sur une terre où ils sont autochtones. Cette banalité fut insupportable aux djihadistes locaux. Voltaire a rendu l’âme tranquillement dans son lit. Fodda lui, sur le pavé cairote, paya de sa vie son franc-parler exempt du moindre soupçon de double discours.   

    (1) « Dictionnaire des méchancetés », page 989 ; par F-X Testu, Ed. R. Laffont, Paris

  • Robert Ménard à Boulevard Voltaire : La France de 2015 n’est plus celle du gendarme de Saint-Tropez !

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    « Faire patrouiller des policiers municipaux sans armes, c’est tout simplement irresponsable ! »

    Depuis le 1er février, la police municipale de Béziers est armée. On imagine que ce genre de décision ne se prend pas à la légère. Cette mesure était donc selon vous devenue nécessaire ?  

    Evidemment ! La France de 2015 n’est plus celle du gendarme de Saint-Tropez ou même de François Mitterrand. Quand un Premier ministre en déplacement à Marseille voit son arrivée ponctuée par des tirs de kalachnikov, qui peut douter que nous avons changé d’époque ? 

    Faire patrouiller, de nos jours, des policiers municipaux sans armes, c’est tout simplement irresponsable. Et c’est également mentir. Mentir aux citoyens. Un policier désarmé ne peut accomplir l’ensemble des missions qui sont les siennes. Il peut gronder une maman qui fait traverser ses enfants en dehors des clous. Il ne peut pas contrôler une voiture avec à l’intérieur quatre individus louches. Ou alors à ses risques et périls…  

    Quand, depuis le 11 janvier, l’État nous demande d’aider à la protection de certains lieux, comment le faire si notre police n’a pas d’armes à feu ? Il faut être cohérent. À nouvelle situation, nouvelle réponse. Un jour viendra peut-être où les polices municipales ne seront plus nécessaires. Nous aurons alors un gouvernement qui protège les Français et qui enferme les délinquants. En attendant, nous avons Mme Taubira et François Hollande, comme nous avons eu M. Sarkozy.  

    Cette annonce fait d’autant plus de bruit dans la presse et sur les réseaux sociaux qu’elle a été accompagnée d’une campagne publicitaire choc. Sur une affiche, on peut voir un 7,65 semi-automatique avec ce commentaire : « Désormais, la police municipale a un nouvel ami. » On vous accuse de provocation, de cultiver un côté « Inspecteur Harry »… Quel est le but de cette affiche ?   

    Informer. Informer, d’abord, les Biterrois : leur police municipale est désormais armée. C’était une promesse de campagne. Or, une promesse de campagne réalisée, dans la France de la Ve République, c’est toujours un peu un miracle démocratique. Mais si les miracles ne s’expliquent pas, en revanche, ils font réfléchir. Ensuite, c’est un message à tous ceux qui pourrissent la vie des gens : les règles du jeu ont changé ! La police municipale de Béziers a acheté des 7,65. Pas des Kärcher. Bien sûr, nous aurions pu faire une affiche consensuelle, appelant au respect républicain et au vivre ensemble. Pour l’illustrer, nous aurions mis une licorne rose, avec des ballons de goûter d’anniversaire et une bonne bouteille de Champomy. Nous aurions précisé qu’il s’agit de pistolets à bouchon et que, bien évidemment, aucune arme ne sera dégainée sans une autorisation en trois exemplaires délivrée par une commission spéciale qui se réunit les premiers jeudis de chaque mois… Nous avons préféré une affiche efficace, à l’image des mesures que nous prenons et appliquons dans cette ville.  

    Ne craignez-vous pas, d’une part, une « bavure », – ce mot est évidemment omniprésent dans les journaux -, d’autre part, une surenchère de la violence ?
     
    Il y a dans ce pays, chaque jour, 200 viols. 2.000 agressions. Combien de bavures ? Un nombre infinitésimal en trente ans. Surenchère de la violence ? La police municipale – comme la nationale – ne sont pas « violentes ». Elles font régner l’ordre, elles répriment le désordre. Si un voyou abat un passant, c’est un acte violent. Quand un policier abat un voyou, il rétablit l’ordre. Voilà les mots de la réalité. Il faut cesser de parler comme la gauche, de relayer ses fantasmes. La gauche a perdu la bataille du sens. Pourquoi continuer à employer son langage ? Parce que c’est encore celui des médias ? Laissons l’usage de la langue officielle au système en place. Ce sont des antonymes. Ces mots visent à affirmer le contraire de ce qui est. Ainsi, « richesse de la banlieue » veut dire, en réalité, qui coûte cher. Dans ce contexte, « bavure » veut dire ordre républicain, protection des honnêtes gens, rétablissement de la norme.
      

    Aujourd’hui, quoi de plus révolutionnaire ?   

    Entretien avec Robert Ménard

    Maire de Béziers

    Ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

    Propos recueillis par Gabrielle Cluzel.

  • VIDEO • Jacques Gerriet : « Libérer la France de ses entraves » ou l'esprit entrepreneur appliqué à la politique française

    Entretien d'Hilaire de Crémiers avec Jacques Gerriet, à propos de son livre « Le cercle vicieux de la politique française, de l'espoir avant 2017 ». 

    Source de cet entretien court et intéressant : le site de Politique magazine que nous recommandons à nos lecteurs. Lafautearousseau 

     

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  • Républicain, comme ils disent… Du FN au PS, une querelle politique absurde, selon Frédéric Rouvillois

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    Hier, mardi 10 février, paraissait à la Une de Causeur, et sous ce titre même, l'article de Frédéric Rouvillois que l'on va lire. Brillante et spirituelle analyse qui, à propos de l'adjectif républicain conclut par cette formule lapidaire et radicale que nous faisons nôtre :« Une bulle de savon. Rien de plus. » Lafautearousseau

    Transformé en chef d’Etat « jupitérien » par la grâce de l’événement, notre ex-« Président normal », comme les Sages, les Pythies et  les Prophètes, s’exprime désormais par énigmes. Après avoir consacré sa conférence de presse du 5 février dernier à célébrer le mystérieux « esprit du 11 janvier », il a ainsi répondu à une question sur la législative partielle du Doubs par une formule à peine moins obscure : « Il y a des partis qui sont dans la République, ceux qui concourent aux suffrages sont dans la République, ont des élus dans la République, ont le droit, donc, d’avoir des candidats, et donc des élus. (…).  Mais est-ce à dire que tous les partis sont pleinement dans les valeurs de la République ? Non. Adhérent aux valeurs de la République ? Non. Au moins, à toutes les valeurs ? Sûrement pas.» Aussitôt, l’aphorisme est contesté par Florian Philippot, invité sur une radio périphérique à commenter la conférence de presse : en l’occurrence, réplique le vice-président du Front national, ceux qui se targuent d’être républicains sont justement ceux qui ont renoncé à l’être en acceptant de noyer la France dans l’Union européenne et qui, par là même, ont renié le principe républicain par excellence, la souveraineté nationale.

    Étant donné la fréquence avec laquelle on utilise le mot « républicain » et les graves conséquences que l’on en tire, le débat n’est pas sans intérêt. Mais lequel des deux a raison ? Hollande et les ennemis du Front national, qui lui reprochent de ne pas l’être même s’il profite de la République, et qui n’hésitent pas à appeler au front « républicain » pour lui faire barrage ? Ou Philippot et les siens, qui accusent ces républicains autoproclamés d’avoir délaissé, au profit d’une mondialisation oligarchique, ce qui ferait l’essence et le cœur même de la république?

    Dans l’absolu, ni les uns, ni les autres – dans la mesure où la notion de « république » s’avère aussi floue, aussi incertaine et finalement à peu près aussi inconsistante que celle de « démocratie ». Du reste, la petite querelle du 5 février n’est pas sans rappeler les interminables controverses du temps de la guerre froide, où les Etats socialistes (qui se qualifiaient de démocraties populaires) et les régimes libéraux (dits démocraties pluralistes) s’accusaient les uns les autres d’usurper le titre de démocratie, et prétendaient en être les seuls titulaires légitimes. Et encore le mot démocratie fournit-il quelques pistes pour savoir ce qu’il faut entendre par là, et qui peut s’en prévaloir : la démocratie, nous rappelle l’étymologie, est un système dans lequel le pouvoir appartient au peuple, démos. Pour le mot « républicain », les choses paraissent beaucoup plus aventureuses : personne ne peut dire ce que c’est, pas même l’imposant Dictionnaire critique de la république paru il y a quelques années, qui renonçait purement et simplement à définir son propre objet. 

    Pourrait-on, au moins, commencer par dire que la république est le contraire de la monarchie héréditaire? Même pas : en 1576, Jean Bodin intitule ce qui deviendra le plus célèbre traité de philosophie politique d’Ancien régime Les Six livres de la République, utilisant ce terme comme synonyme d’État, res publica, quel que soit le régime politique de ce dernier. Il n’y a pas d’incompatibilité : sur les pièces de monnaie que Napoléon Ier fait frapper à son effigie, on lit ainsi, côté face, Napoléon Empereur, et côté pile, République française. C’est aussi l’époque où un théoricien révolutionnaire rallié à Bonaparte, Roederer, invente la notion de « monarchie républicaine », et démontre dans un essai que l’hérédité n’entraîne pas une augmentation du pouvoir du « Chef de la République ».

    Mais alors, si la république, ce n’est même pas cela ? Eh oui : cela peut être tout et n’importe quoi, les États-Unis et l’URSS, la Chine populaire et la république de Saint Marin, la DDR et la république de Salo, Sade et Savonarole, la démocratie et l’aristocratie. La république, explique sobrement le Dictionnaire de l’Académie française en 1831, c’est, tout bonnement, « un État gouverné par plusieurs ».

    Dans ces conditions, on devine qu’il est assez délicat de savoir qui est « républicain », qui ne l’est pas, ce que pourraient bien être les « valeurs républicaines » et qui pourrait être en mesure d’en juger. Naguère, un éminent professeur de droit s’était interrogé sur la signification de l’article 89 alinéa 5 de la constitution, selon lequel ne saurait faire l’objet d’une révision «  la forme républicaine du gouvernement » ; au bout du compte, il fut bien obligé de constater le caractère insaisissable de la notion : cette « forme républicaine » inclut-elle le caractère national de la souveraineté (auquel cas le transfert de celle-ci à l’Union européenne serait impossible) ? L’organisation parlementaire du régime ? Le scrutin majoritaire à deux tours ? L’existence d’un Sénat et d’une juridiction constitutionnelle ? Le système de sécurité sociale et la retraite par répartition ? C’est comme on veut. Open bar. 

    Au passage, on note que certains de ces éléments se rencontrent également dans des systèmes politiques non-républicains, où personne n’aurait l’idée de les nommer ainsi. On qualifie de « républicain » ce qui, en France, est pratiqué en République, mais qui pourrait être qualifié autrement dans une monarchie : c’est ainsi que notre célèbre « méritocratie républicaine » est appelée « méritocratie royale » au Maroc – bien qu’elle n’ait en soi aucun lien nécessaire avec la république, pas plus d’ailleurs qu’avec la monarchie. 

    En fait, le terme républicain, dont on veut faire un indépassable critère du bien politique et moral, s’avère entièrement relatif, aussi bien dans l’espace que dans le temps.

    C’est ce que laissait deviner l’autre soir, à la télévision, une sortie du journaliste Christophe Barbier, l’homme qui parle toujours dans le sens du vent. Celui-ci déclarait en effet que, de nos jours, font partie intégrante des valeurs républicaines le refus de la peine de mort, le droit du sol comme mode d’acquisition de la nationalité et l’adhésion à une évolution fédérale de l’Europe. À ces mots, Florian Philippot, présent sur le plateau, manqua de s’étrangler avec la fameuse écharpe rouge de Christophe Barbier : de fait, il aurait pu rétorquer que le droit du sol fut institué en France sous François Ier, et que c’est sous la république, avec le Code civil de 1804, que fut établi le droit du sang, lequel ne sera pas remis en cause par la IIe République. Le droit du sol comme critère de républicanisme ? Dans ce cas, l’une des plus vieilles républiques du monde, la Suisse, ne serait pas républicaine, pas plus d’ailleurs que l’Italie ou l’Autriche.

    En bref, ce qui est républicain ici ne l’est point là-bas, ce qui l’était hier ne l’est plus aujourd’hui : plaisantes valeurs qu’une rivière borne!

    Autre exemple : si une approche fédéraliste de l’Europe est aujourd’hui un marqueur républicain, on peut supposer que tel n’était pas le cas en 2005 : ou alors, il faudrait en déduire que 56% des électeurs, ayant rejeté le projet de constitution européenne, n’étaient pas républicains à ce moment là. C’est du reste cette relativité qui permet à Alain Juppé d’excommunier sans états d’âme le Front national comme non-républicain au motif qu’il défend actuellement les thèses que lui-même développait autrefois, dans les années 1970-1980, lorsqu’il était l’étoile montante du Rassemblement pour la République. La question étant de savoir si le républicain d’aujourd’hui le sera toujours après-demain.

    Au total, l’adjectif républicain n’est donc pas grand-chose d’autre qu’un label. Une étiquette que l’on s’attribue, sans contrôle, pour démontrer que l’on est dans le camp du bien. Et que l’on refuse à ses ennemis afin de donner au combat que l’on mène, ou à leur exclusion, un vernis politique et une teinture morale. Une bulle de savon. Rien de plus.  

    L'auteur       

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    Frédéric Rouvillois est né en 1964. Il est professeur de droit public à l’université Paris Descartes, où il enseigne le droit constitutionnel et s’intéresse tout particulièrement à l’histoire des idées et des mentalités. Après avoir travaillé sur l’utopie et l’idée de progrès (L’invention du progrès, CNRS éditions, 2010), il a publié une Histoire de la politesse (2006), une Histoire du snobisme (2008) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (élu par la rédaction du magazine Lire Meilleur livre d’histoire littéraire de l’année 2011).

    * Image (du haut) : wikicommons.

  • Charles Maurras et ses héritiers sur France Culture

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    Samedi dernier, 7 février, sur France CultureAlain Finkielkraut avait choisi pour thème de son émission RépliquesCharles Maurras et ses héritiers. 

    Invités : Olivier Dard, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris Sorbonne, spécialiste d’histoire politique et François Huguenin, historien des idées et essayiste français.

    L'enregistrement sonore de cette émission dure 52 minutes et mérite selon nous,  d'être écouté. Olivier Dard et François Huguenin sont de parfaits connaisseurs de Charles Maurras et l'on ressent parfois, de la part d'Alain Finkielkraut une réelle curiosité pour la vie et les idées de Maurras, même si, en définitive, sa prévention à son égard reste dominante et devient, parfois, accusation et jugement
     
    En fin de compte, ceux qu'intéresse en premier lieu l'histoire des idées regretteront peut-être que, de ce fait, l'apport de Maurras à la pensée politique contemporaine ait été traité un peu rapidement. Rappelons que pour Edgar Morin, trois grandes pensées politiques ont marqué l'époque moderne : celle de Tocqueville, de Marx et de Maurras. On eût peut-être aimé que Maurras soit aussi évoqué de ce point de vue. Sinon quelle explication y aurait-t-il à la constatation de Finkielkraut en début d'émission : « Maurras occupe à nouveau le devant de la scène. » •  Lafautearousseau  
     
      

     

    Documents 

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    Charles Maurras : le maître et l'action  -  Olivier Dard  - Armand Colin, 2013

     

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    A l'école de l'Action française : un siècle de vie intellectuelle - François Huguenin - Lattès, 1998 

     

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    L'Action française : une histoire intellectuelle  -  François Huguenin

     

  • Quand Pierre Boutang lit du Maurras à George Steiner ...

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    Cet enregistrement qui nous restitue la voix, l'éloquence, en un sens la véhémence et la passion de Pierre Boutang, complète utilement la note précédente. Que pensait Maurras de l'Allemagne hitlérienne aux alentours de 1937 ? Ne comprenait-il plus le monde tel qu'il était et ses évolutions lui échappaient-elles ? Etait-il coupé du réel ?     

    Dans ce court extrait de ses très beaux entretiens sur Antigone et sur Abraham avec George Steiner, Boutang lit ici à son interlocuteur un texte de Charles Maurras daté de 1937 prévoyant, analysant avec une extraordinaire prescience ce qu'allait produire pour l'Allemagne, pour la France, l'Europe et le monde,  le IIIe Reich sous la direction des nazis.

    Mais la France de 1937, comme peut-être celle de 2015, vivait dans l'inconscience des risques redoutables qui la menaçaient, qu'elle ne voyait pas venir, et qui ne mirent que deux ans à produire les suites que l'on sait.

    Cette vidéo ne dure que 2,5'     

     

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  • En attendant le sursaut, par Hilaire de Crémiers

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    Premier point : il est une annonce de François Hollande qui a peu retenu l’attention. Celle de mobiliser l’armée pour des tâches de maintien de l’ordre. 10 000 hommes dans un premier temps. Tous les militaires savent qu’il sera difficile de mettre en œuvre pareille décision, tant les coupes budgétaires dans l’organisation de la Défense ont été violentes, implacables et profondes. D’ailleurs, il a été dit non pas qu’elles seraient arrêtées mais réduites ! Une première question se pose : l’armée française a-t-elle les moyens pour ce nouveau front intérieur, quand déjà les opérations extérieures se mènent, certes, avec brio, mais avec des matériels et des crédits nettement insuffisants ?

    Les plus anciens se souviendront de la guerre d’Algérie. L’Algérie était constituée administrativement de départements français ; c’était la gendarmerie et la police qui traitaient les affaires d’attentats. Un gouvernement socialiste, celui de Guy Mollet, a décidé l’emploi de l’armée. François Hollande sera-t-il amené à demander, comme jadis ses prédécesseurs, à des autorités militaires de rétablir l’ordre et la sécurité dans des zones appelées de non-droit par une de ces litotes qui caractérisent la lâcheté politique ? Voilà pourtant cinquante ans qu’on ressasse aux militaires qu’ils ne sont, au mieux, que des outils techniques utilisés par les gouvernements et pour les opérations extérieures de la France. Les militaires, en premiers les plus hauts gradés, y ont cru de bonne foi. Les choses changeraient-elles ? Reverrait-on des scénarios déjà connus, sans doute différents, mais gros des mêmes drames ? Des militaires, en service commandé, pris, enlevés, égorgés en quelque coin que personne n’ose désigner ? Que se passe-t-il, alors ? Si les deux frères Kouachi avaient réussi à rejoindre quelque base arrière dans la grande couronne de Paris ? Introuvables ? Le GIGN s’est arrangé pour que ce ne fût pas le cas. Soit ! Et s’il y a des « bavures » ?

    Bref, il y a un énorme problème de sécurité intérieure et aucune phrase martiale ne la résoudra. Qui ne se souviendrait avec un triste humour de François Mitterrand, ministre de l’Intérieur de la IVe République, déclarant en 1956 : « Jamais la République ne cédera devant le terrorisme ». Il n’était pas le seul. On sait ce qu’il en est advenu.

    Deuxième point : les élections législatives grecques donnent une majorité à des partis qui récusent ce qu’on appelle pompeusement la gouvernance européenne. Alexis Tsipiras, chef du parti Syriza et nouveau Premier ministre est, certes, un homme de gauche et même de gauche radicale, mais, contrairement à ce que croit François Hollande, il n’entrera pas et ne pourra pas entrer dans la voie sociale-démocrate du compromis européen : le rejet est trop fort et son partenaire souverainiste, le parti AN.EL., l’en empêchera de toute façon. Le monde politique grec n’est pas à la hauteur de la situation. Le drame de la zone euro va repartir de plus belle. La décision prise par Mario Draghi d’arroser l’Europe d’euros, avant même les élections grecques , au prétexte de relancer l’économie, mais en vue de soutenir les dettes souveraines par un « assouplissement monétaire » (!) – quelle litote ! – de l’ordre de mille milliards d’euros, voire plus, ne changera rien à la nouvelle donne. La crise financière monétaire rebondira inéluctablement et la France, d’ailleurs engagée en Grèce, sera frappée de plein fouet avec son chômage galopant, d’autant plus que l’Allemagne sera contrainte de jouer son propre jeu de défense de ses intérêts.

    Troisième point : la cote de popularité d’Hollande ne peut que retomber au plus bas. Aucun homme politique ne maîtrise plus la situation française, même pas Valls qui, pourtant, s’y croit. Le vote de la loi Macron n’est qu’une illusion, du verbiage. La société française est malade, d’abord, de sa classe politique et médiatique. Son mal est intellectuel, moral, spirituel, profondément politique avec des institutions qui ne représentent plus rien que des intérêts de partis et des carrières d’ambitieux. Aucun problème dans ce cadre et dans ces conditions ne peut être résolu. C’est une évidence.

    Sécurité du territoire, finances et économie nationales, institutions politiques, sur ces trois points tout est dorénavant compromis. Ceux qui ont un peu de réflexion historique et politique savent que les conditions d’une crise majeure sont réunies. Puisse-t-elle déboucher sur un vrai sursaut national. 

     

    Politique magazine Par